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+ République fédérale d’Allemagne
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+ (de) Bundesrepublik Deutschland
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+ 52° 31′ N, 13° 25′ E
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+ L'Allemagne (/almaɲ/ ; en allemand : Deutschland /ˈdɔʏtʃlant/ Écouter), en forme longue la République fédérale d'Allemagne[a] abrégée en RFA (en allemand : Bundesrepublik Deutschland /ˈbʊn.dəs.ʁe.pu.ˌblik ˈdɔʏtʃ.lant/ Écouter, abrégée en BRD), est un État d'Europe centrale, entouré par la mer du Nord, le Danemark et la mer Baltique au nord, par la Pologne à l'est-nord-est, par la Tchéquie à l'est-sud-est, par l'Autriche au sud-sud-est, par la Suisse au sud-sud-ouest, par la France au sud-ouest, par la Belgique et le Luxembourg à l'ouest, enfin par les Pays-Bas à l'ouest-nord-ouest. Décentralisée et fédérale, l'Allemagne compte quatre métropoles de plus d'un million d'habitants : la capitale Berlin, ainsi que Hambourg, Munich et Cologne. Le siège du gouvernement est situé dans la ville de Berlin et dans la ville fédérale de Bonn. Francfort-sur-le-Main est considérée comme la capitale financière de l'Allemagne[b] : dans cette ville se trouve le siège de la BCE.
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+ Beaucoup de peuples germaniques occupent le Nord du territoire actuel depuis l'Antiquité classique. Durant ce que l'on nomme les invasions barbares, les tribus germaniques se rapprochent du Sud de ce territoire. À partir du Xe siècle, les territoires forment la partie centrale du Saint-Empire romain germanique. Au XVIe siècle, le Nord de l'Allemagne est au cœur de la réforme protestante. Le pangermanisme entraîne l'unification des États allemands en 1871 pour former l'Empire allemand. Après la Première Guerre mondiale, et la révolution allemande de 1918-1919, l'Empire est remplacé par la république parlementaire de Weimar. L'accès au pouvoir des nazis en 1933 mène à la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle le régime totalitaire connu sous le nom de Troisième Reich, fondé sur un racisme et un antisémitisme singulier, et dirigé par le dictateur Adolf Hitler perpètre des crimes de masse en Europe, dont la Shoah, et laisse le pays en ruines. Après sa défaite militaire en 1945, l'Allemagne perd des territoires et — par la volonté des vainqueurs alliés qui entrent dans la « guerre froide » — est contrainte de se scinder en deux nations : à l'ouest un État démocratique, la République fédérale d'Allemagne (en abrégé RFA) et, à l'est, la République démocratique allemande (en abrégé RDA) sous emprise de l'Union soviétique. Le mur de Berlin — qui symbolise cette division dans l'ancienne capitale — tombe le 9 novembre 1989 et l'Allemagne est à nouveau réunifiée le 3 octobre 1990, Berlin en redevenant la capitale.
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+ La langue officielle du pays est l'allemand, sa monnaie est l'euro, sa devise est Einigkeit und Recht und Freiheit (« Unité et Droit et Liberté ») et son drapeau est constitué de trois bandes horizontales aux couleurs nationales de l'Allemagne : noir, rouge et or. Son hymne national est Das Deutschlandlied (« Le Chant de l'Allemagne »). Avec plus de 83 millions d'habitants[2], l'Allemagne est le pays le plus peuplé de l'Union européenne. Elle est une grande puissance politique[5] et sa dirigeante politique, Angela Merkel en 2019, est largement perçue comme la personnalité politique la plus influente de l'Union européenne[6]. L'Allemagne est aussi la première puissance économique d'Europe ainsi que la quatrième puissance économique mondiale et elle compte parmi les pays industrialisés les plus développés et les plus performants dans le monde. Elle figure parmi les premiers mondiaux dans les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile, de l'industrie chimique et de la construction mécanique. L'Allemagne est en 2017 le troisième exportateur mondial derrière la Chine et les États-Unis et elle est le pays présentant le plus grand excédent commercial du monde en 2018[7]. Elle a aussi le taux de chômage le plus bas parmi les 19 États membres de la zone euro, ce taux s'établissant à 3,3 % en décembre 2018, d'après Eurostat[8]. L'Allemagne affiche un niveau de vie « très élevé » : elle est 4e au classement IDH en 2019[4].
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+ Membre fondateur de l'Union européenne et membre du G7, du G20, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'OTAN, elle abrite le siège de la Banque centrale européenne, du Tribunal international du droit de la mer et de l'Office européen des brevets. L'Allemagne est le pays le plus apprécié du monde, ceci d'après des sondages effectués à la demande de la BBC en mai 2013[9], du GfK en novembre 2014[10] et de U.S. News en janvier 2016[11]. Comme destination d'immigration, elle est une des terres préférées, se classant ainsi deuxième dans le monde[12], après les États-Unis. L'Allemagne est en 2014 le principal pollueur d'Europe, émettant à elle seule près de 23 % de l'ensemble des émissions de CO2 du continent[13].
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+ Le mot gotique Thiuda signifiant « peuple », a comme adjectif Thiudisk. Thiudisk est transformé en Theodischus par les Romains, puis en Teudischus. Thiudisk devient Diutisca en vieux haut allemand pour aboutir à Deutsch en allemand moderne ou Tysk dans les langues scandinaves (d'où Tyskland). En ancien français, le latin Theodiscus donne Thodesche, puis Tudesque.
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+ Le français moderne préfère le mot Allemand issu du latin Alamanni désignant le peuple des Alamans[14]. Ceci est également valable, par exemple, en portugais (Alemão), en espagnol ou castillan (Alemán), et pour le catalan (Alemanys). L'italien lui, a conservé l'origine latine dans son adjectif Tedesco pour dire Allemand[15].
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+ Germany en anglais se réfère aux Germains et Saksa en finnois et en estonien se réfère aux Saxons.
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+ Dans les langues des peuples slaves, le nom renvoie à l'adjectif signifiant « muet ».
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+ En langue chinoise écrite, le nom de l'Allemagne est 德国 (Déguó). Ici, 德 (Dé) est l'abréviation de la transcription 德意志 (Déyìzhì) du mot allemand deutsch, et 国 (Guó) signifie pays[16].
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+ De 962 à 1806, l'Allemagne est la force centrifuge du Saint-Empire romain germanique. Après le Congrès de Vienne, les États allemands se regrouperont au sein de la Confédération germanique (de 1815 à 1866) alors en proie aux luttes d'influence entre l'Autriche et la Prusse. C'est en 1871, à la fin de la guerre franco-prussienne, les divers États allemands furent réunis dans un État dominé par la Prusse, donnant ainsi naissance à l'Allemagne unifiée moderne, dite également Deuxième Reich ou Reich Wilhelminien. La défaite allemande qui suivit la Première Guerre mondiale provoqua en 1918 l'avènement de la République, puis en 1933 celui du Troisième Reich, lequel s'effondra en 1945 dans la défaite qu'entraîna la Seconde Guerre mondiale. D'abord occupée par les forces armées de ses vainqueurs, l'Allemagne fut séparée en deux parties en 1949, qui formèrent la République fédérale d'Allemagne (dite « Allemagne de l'Ouest ») et la République démocratique allemande (dite « Allemagne de l'Est »). La réunification a eu lieu le 3 octobre 1990, onze mois après la chute du Mur de Berlin, qui marqua la réunification populaire. En 1990, sa capitale redevient Berlin.
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+ La linguistique et les textes latins nous montrent que la mention du peuple germain remonte à l'époque romaine. Cependant les historiens s'entendent pour trouver les origines d'un territoire allemand au partage de Verdun de 842. Louis le Germanique a obtenu, lors de ce partage, l'est de l'empire carolingien, nommé Francie orientale. C'est de la Francie orientale qu'est issu le Saint-Empire romain germanique fondé par Otton Ier, dit le Grand (936-973). Cet empire comprend, outre le territoire de l'actuelle Allemagne, l'Italie du nord et la Bourgogne. Dès sa fondation, ce nouvel empire est entravé par le peu d'institutions sur lesquelles l'empereur peut asseoir son autorité et la faiblesse des revenus, les empereurs ne disposant que de leurs propres domaines pour financer leur politique. Le système d'élection de l'empereur par les princes-électeurs conduisit souvent à affaiblir le pouvoir du monarque. Traditionnellement, l'empereur élu entreprenait un voyage à Rome pour être couronné par le pape.
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+ Le délitement du pouvoir impérial est accentué par l'obsession de certains empereurs à vouloir établir une autorité forte dans leurs possessions italiennes. Au XIIIe siècle, Frédéric II est tellement occupé par ses affaires italiennes qu'il renonce à tout pouvoir et tout contrôle dans les nombreuses principautés ecclésiastiques allemandes et qu'il abdique une grande partie de ceux-ci dans les principautés laïques. De ce fait, les terres allemandes sont pratiquement indépendantes du pouvoir impérial dès cette époque.
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+ À partir du XIe siècle, la Germanie déborde de ses limites traditionnelles entre le Rhin et l'Oder. Commence alors la colonisation de l'Europe centrale sous l'action de grands seigneurs, des rives de la mer Baltique par une croisade menée par les chevaliers Teutoniques et du Sud du pays à partir du règne de Otton Ier. Des centaines de milliers d'Allemands de l'Ouest poussés par la surpopulation ont ainsi migré vers l'Est où des tenures plus vastes et des droits féodaux plus légers les attendent. Les villes rhénanes et les ports se développent mais prennent une part peu active au grand commerce européen du XIIe siècle.
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+ Après 1438, l'empereur porte le titre d'un « empereur élu » après son élection formelle par les sept « électeurs » de l'Empire à Francfort. À l'époque moderne, le Saint-Empire compte plus de 300 États qui n'obéissent que de très loin à l'empereur Habsbourg.
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+ Au XVIe siècle, la réforme luthérienne continue à diviser l'Allemagne. En 1546, l'empereur Charles Quint entre en guerre contre les nombreux princes et villes allemands qui se sont convertis au luthéranisme. Son échec à réduire le protestantisme dans le Saint-Empire est sanctionné par la paix d'Augsbourg de 1555, qui permet à chaque prince et ville libre de choisir sa religion mais oblige les sujets à avoir la même religion que leur souverain — cujus regio, ejus religio. L'Allemagne n'en a pas pour autant fini avec les guerres de religion. Les progrès du calvinisme en Allemagne à la fin du XVIe siècle et la volonté de l'empereur Ferdinand II d'imposer son autorité et celle de la religion catholique aux États du Saint-Empire, entraînent la guerre de Trente Ans qui ravage le pays de 1618 à 1648. Les traités de Westphalie entérinent l'affaiblissement du pouvoir impérial en favorisant les droits des 350 États allemands. La liberté religieuse des princes est réaffirmée.
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+ Le rapprochement se fait partiellement par la finance. La Frankfurter Wertpapierbörse créée en 1585 par des marchands pour établir un cours unique des monnaies, devenue une bourse aux effets de commerce au XVIIe siècle, centralise depuis la fin du XVIIIe siècle la négociation de la dette publique. La Banque de Bethmann innove en fragmentant et revendant, par appel à l'épargne publique, les prêts souverains à François Ier[17].
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+ Sous la pression de la France, le Saint-Empire est dissous en 1806 et remplacé par la Confédération du Rhin sous protectorat français. Après le congrès de Vienne (novembre 1814 - juin 1815), celle-ci est remplacée par la Confédération germanique (en allemand : Deutscher Bund) qui ne regroupe plus que 39 États sous la direction honorifique des Habsbourg, lesquels ne portent plus que le titre d'Empereur d'Autriche. En fait, cette confédération ne peut exister que si l'Autriche et la Prusse s'entendent. À partir de 1834, le Zollverein ou union douanière commence à se constituer à l'initiative de la Prusse. Il construit un espace économique sans douane intérieure et définit une même politique commerciale vis-à-vis de l'extérieur. Cet espace, progressivement élargi, exclut délibérément l'Autriche. Les révolutions de 1848 touchent la plupart des États allemands. Une assemblée élue au suffrage universel se réunit à Francfort et propose la couronne d'une Allemagne unifiée au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, qui la refuse, soucieux de ne pas tenir son pouvoir de la souveraineté du peuple. Il est prêt à accepter la couronne que lui proposent les princes allemands, mais l'Autriche force la Prusse à renoncer en 1850. L'Allemagne se retrouve dans la même situation politique qu'en 1815.
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+ En 1862, Otto von Bismarck devient le ministre-président du roi de Prusse Guillaume Ier. Il a compris que l'unité allemande ne se fera pas sans l'éviction de l'Autriche par la guerre. Il fait passer par la force les réformes modernisant l'armée. En 1866, l'armée prussienne écrase l'armée autrichienne à Sadowa.
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+ La Prusse annexe les territoires situés entre sa partie orientale et sa partie occidentale, et dirige la Confédération de l'Allemagne du Nord. Seuls les quatre États du Sud n'y adhèrent pas.
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+ La France, en déclarant la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, permet de fédérer tous les États allemands autour d'un ennemi commun. La défaite française débouche sur la proclamation de l'Empire allemand le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles, avec Guillaume Ier de Prusse à sa tête, entraînant également l'annexion de l'Alsace (sauf Belfort) et du nord de la Lorraine, dont la région de Metz, place-forte de première importance. L'unité allemande s'est faite par le haut et par la guerre, comme le souhaitait Bismarck.
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+ L'indemnité de guerre de 1871, forçant la France à emprunter 25 % de son PIB pour verser de l'or à l'Allemagne, dope la spéculation immobilière à Berlin, précipitant le krach de mai 1873, le plus profond de l'histoire boursière allemande, puis la Grande Dépression (1873-1896). Les banques se méfient les unes des autres. Les prêts interbancaires s'assèchent, mais la Deutsche Bank nouvellement créée résiste à la tempête et d'autres banques la suivent.
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+ La sidérurgie allemande connaît une formidable expansion car elle profite mieux des procédés Bessemer (1858) et surtout Thomas (1877), grâce à un charbon plus abondant, même s'il est moins rentable, exploité dans les mines de la Ruhr. Dans les années 1890 des dizaines de milliers de travailleurs polonais émigrent de Pologne vers la Ruhr pour s'embaucher dans les mines de charbon, dont une partie qui se feront embaucher après la Première Guerre mondiale par les industriels français souhaitant relancer leur économie, grâce à leur savoir-faire[18].
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+ L'Allemagne, devenue une des puissances politiques majeures en Europe s'engage dans la Première Guerre mondiale aux côtés de l'Autriche-Hongrie (1914) et tente d'envahir la France. Après les premiers assauts, la guerre s'oriente vers une longue et lente guerre de position dans les tranchées, meurtrière d'un côté comme de l'autre. Elle prend fin en 1918 avec la défaite allemande, et l'empereur allemand, le Kaiser Guillaume II, doit abdiquer en raison de la Révolution allemande de novembre 1918. Lors du traité de Versailles, l'Allemagne est considérée comme responsable de la guerre et condamnée à payer de très lourdes réparations, d'autant que les Allemands ont fait sauter les cuvelages de 18 des 19 sociétés minières françaises du nord pendant la guerre et noyé les galeries.
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+ L'Allemagne, chose unique dans l'histoire diplomatique, n'est pas invitée aux discussions versaillaises. Elle est jugée comme principalement responsable (avec l'Autriche-Hongrie) de la guerre, mais conserve néanmoins la Rhénanie, au regret de la France qui voulait fixer la frontière sur le Rhin. L'Alsace et la Lorraine perdues en 1871 reviennent à la France qui n'obtient cependant pas la Sarre (51 millions de tonnes de charbon, soit deux tiers des besoins français), en raison des pressions exercées par l'Angleterre. La Sarre est placée sous la tutelle de la Société des Nations et un référendum sera organisé quinze ans plus tard pour décider son rattachement à la France ou à l'Allemagne. Le Schleswig du Nord est rattaché au Danemark après consultation de la population. Les cantons d'Eupen et de Malmedy sont rattachés à la Belgique. La Pologne obtient un accès à la mer, le fameux « corridor de Dantzig », avec les populations Kachoubes parlant un dialecte polonais mais étant favorables aux Allemands. La ville de Dantzig n'est rattachée ni à l'Allemagne, ni à la Pologne, c'est une ville libre sous contrôle de la SDN. Solutions de compromis qui ne plaisent à personne. 80 kilomètres séparent la Prusse-Orientale du reste de l'Allemagne. La Haute-Silésie, rattachée après plébiscite à l'Allemagne en mars 1921, est occupée par la Pologne peu après. La SDN arbitre la situation et le partage, dénoncé par les deux parties, est réalisé arbitrairement.
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+ L'Allemagne perd 88 000 km2 et huit millions d'habitants. Le service militaire est aboli et l'armée est réduite à 100 000 hommes dont 5 000 officiers. Elle ne peut posséder ni blindés, ni artillerie lourde, ni aviation. Sa flotte de guerre se saborde à Scapa Flow le 26 juin 1919. Elle perd ses colonies, qui sont placées par la SDN sous mandats confiés aux vainqueurs. Comme responsable de la guerre, elle doit céder du matériel et des produits agricoles. Les réparations de guerre sont évaluées en 1921 à 132 milliards de marks-or à payer en 30 ans. Tous les brevets allemands sont perdus, les vainqueurs obtiennent la clause de « nation la plus favorisée » et le Rhin, l'Oder et l'Elbe sont internationalisés, l'Allemagne perdant tout pouvoir sur leur contrôle. La rive gauche du Rhin, avec des têtes de pont rive droite, est occupée, puis considérée comme démilitarisée perpétuellement.
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+ Malgré ces mesures intransigeantes, l'industrie allemande résiste et affiche une croissance plus forte que celle des Anglais, qui sont les perdants de la forte expansion européenne des années 1920. En 1939, le charbon français coûte 25 % plus cher qu'en Allemagne.
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+ Le pangermanisme dévoyé en un nationalisme hostile à l'impérialisme franco-britannique et raciste envers les populations juives et slaves, le ressentiment contre les conditions du traité de Versailles et les conséquences particulièrement dures de la crise économique mondiale de 1929 permettent au NSDAP (parti nazi) d'Adolf Hitler d'accéder par les urnes au pouvoir en 1933. Hitler élimine rapidement toute opposition puis prend le contrôle absolu de l'État allemand en instaurant un régime totalitaire[19]. En 1935, l'Allemagne devient officiellement antisémite en promulguant les lois de Nuremberg. La politique d'Hitler consistant à annexer ou envahir ses voisins finit par provoquer la Seconde Guerre mondiale le 1er septembre 1939.
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+ L'Allemagne domine le début du conflit. Elle conquiert une grande partie de l'Europe, de l'Afrique du Nord, de l'URSS. Mais pendant l'hiver 1941-1942, l'armée allemande subit de lourdes pertes sur le front russe. En 1942-1943, la guerre tourne en faveur des pays alliés : le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, l'URSS écrasent finalement les armées de l'Axe, envahissant finalement Berlin. La Shoah est l'extermination systématique par l'Allemagne nazie d'entre cinq et six millions de juifs, soit les deux tiers des juifs d'Europe et environ 40 % des juifs du monde. Le 30 avril 1945, Hitler se suicide.
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+ Dévastée par la guerre (même si le potentiel industriel du pays est encore énorme car la politique de la terre brûlée souhaitée par Adolf Hitler n'est pas appliquée de façon conséquente), l'Allemagne est occupée par les Alliés. Le pays et Berlin sont divisés en quatre secteurs, chacun contrôlé par l'une des nations victorieuses (États-Unis, Royaume-Uni, Union soviétique et France). Après plusieurs propositions pour une nouvelle Allemagne (comme le plan Morgenthau), elle est finalement divisée en deux parties durant toute la Guerre froide : la RFA (République fédérale d'Allemagne) créée le 23 mai 1949 à l'Ouest avec Bonn pour capitale et siège administratif, et la RDA (République démocratique allemande) créée le 7 octobre 1949 à l'Est avec Berlin-Est pour capitale. Les territoires à l'est du fleuve Oder et son affluent Neisse de Lusace ont été intégrés à la Pologne et à l'URSS.
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+ Le creux démographique provoqué par la guerre est rapidement compensé par l'arrivée d'environ 13 millions d'Allemands expulsés des anciens territoires d'Allemagne-Orientale et des pays d'Europe de l'Est. Ces millions de réfugiés ont été intégrés dans la société d'après-guerre des territoires de la RFA et la RDA. Ils venaient principalement des anciennes provinces allemandes de la Silésie, de la Prusse-Orientale et aussi de l'est de la province de la Poméranie. En outre ils venaient de Pologne, notamment des anciennes provinces de la Prusse-Occidentale et de la Posnanie. Ils venaient encore des régions qui autrefois appartenaient à l'Autriche-Hongrie : de la Tchécoslovaquie - notamment des régions de Bohême, Moravie et Silésie Tchèque (Allemands des Sudètes) -, ainsi que de Hongrie et de Roumanie (Transylvanie). Par ailleurs ils venaient du territoire de Klaipėda (Memel), en Lituanie.
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+ Sous l'impulsion du plan Marshall (1948-1952), l'Allemagne de l'Ouest renoue rapidement avec la croissance économique, au contraire de l'Allemagne de l'Est. L'amitié franco-allemande naît avec Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, et est considérée encore aujourd'hui comme le moteur de l'Europe. À la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, prélude à la réunification de l'Allemagne du 3 octobre 1990, les deux pays de RFA et de RDA ne possèdent pas le même niveau économique. Cette différence persiste aujourd'hui, les Länder de l'Est (ancienne RDA) demeurant plus pauvres que ceux de l'Ouest. Le coût de la réunification a entraîné d'importantes difficultés économiques pour le pays depuis les années 1990. Son unification a cependant permis d'en faire une nation politiquement incontournable au sein de l'Union européenne et la première puissance économique du continent.
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+ De 1991 à 2000, 150 milliards de DM ont été investis chaque année à l'Est de l'Allemagne sans parvenir à sortir cette région de la crise, mais des réformes en profondeur sont entreprises dans les deux parties de l'Allemagne dans les années 1990, afin d'inciter le pays à être plus compétitif, en particulier celle du système de retraite. De 1998 à l'automne 2005, le gouvernement allemand est dirigé par Gerhard Schröder, du SPD (Parti social-démocrate). Les écologistes du parti Die Grünen participent à un gouvernement de coalition. Après les élections législatives anticipées de 2005, la chancelière chrétienne démocrate Angela Merkel dirige un gouvernement basé sur une « grande coalition » qui regroupe cette fois la CDU (et sa branche bavaroise la CSU) et le SPD. Depuis 2009, la même Angela Merkel est à la tête d'une coalition « noire-jaune » entre la CDU et les libéraux du FDP avant de former une nouvelle « grande coalition » après les élections fédérales en 2013.
72
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+ En 2005, le cardinal Joseph Ratzinger, ancien archevêque de Munich, et au Vatican préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, est élu pape sous le nom de Benoît XVI. Benoît XVI est le premier pape germanique depuis Benoît XI, qui a régné au XIIIe siècle.
74
+
75
+ En 2015, lors de la crise migratoire en Europe, Angela Merkel affirme que l'Allemagne doit être un pays d'accueil et annonce vouloir accueillir 800 000 migrants[20]. Mais, rapidement confronté à une vague d'une ampleur inattendue qui dépasse le million de migrants[21] le gouvernement décide de rétablir sa frontière avec l'Autriche le 13 septembre 2015 afin de freiner le flux des arrivées[22].
76
+
77
+ En 2016, les agressions sexuelles du Nouvel An qui font plus de 1 049 victimes ont un impact considérable dans la population allemande[23]. En juillet de la même année, le pays connaît ses premiers attentats islamistes[24],[25],[26]. Ceux-ci, impliquant des demandeurs d'asile, font 15 morts et plusieurs dizaines de blessés en moins d'un mois[27].
78
+
79
+ Le Nord est occupé par la plaine d'Europe du Nord, formée par les glaciations du quaternaire, aux paysages fortement différenciés, le centre par des montagnes anciennes d'altitudes peu élevées, le sud par un bassin sédimentaire et par le massif alpin. Ce pays, bordé au nord-ouest par la mer du Nord et au nord-est par la mer Baltique, occupe une place centrale dans l'Union européenne par sa situation, sa puissance démographique, industrielle et commerciale. Une grande partie de l'Allemagne occidentale fait partie de l'Europe rhénane, la région la plus dynamique d'Europe et l'une des plus dynamiques du monde.
80
+
81
+ La réunification de 1990 a changé l'organisation de l'espace allemand. L'espace rhénan reste cependant le cœur de l'Allemagne et l'axe le plus fréquenté, aussi bien sur le plan économique que sur le plan démographique malgré la nécessaire mutation de la Ruhr. Francfort et la conurbation de Région Rhin-Main continue de jouer son rôle de capitale financière du pays.
82
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83
+ Depuis le début des années 1960, les régions du Sud, le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont des espaces attractifs. Ce sont des régions aussi bien industrielles (techniques de pointe, complexes militaro-industriels) que touristiques. Le solde migratoire régional est fortement positif.
84
+
85
+ Depuis la réunification, le Centre et le Nord jouissent d'une position privilégiée. Ils sont devenus un nouveau centre géographique de l'Allemagne. Les ports de Hambourg et de Brême disposent de l'Hinterland de l'ancienne RDA dont ils étaient privés jusqu'en 1990. Le transit entre ces ports et les régions diverses d'Allemagne et d'Europe permet au Land de Basse-Saxe d'occuper une place majeure dans l'espace de l'Allemagne réunifiée.
86
+
87
+ Les cinq Länder de l'est constituent une périphérie en reconstruction. Le passage d'une économie socialiste à une économie de marché a entraîné la fermeture de nombreuses usines vétustes et peu concurrentielles, le développement de friches industrielles, des migrations régionales vers les Länder de l'ouest et une forte augmentation du chômage. Le taux de chômage était, fin 2006, de 16,4 %[28] alors qu'il est de 10,1 % pour l'ensemble de l'Allemagne. Ceci est dû à une faible compétitivité qui persiste depuis plus de quinze ans, malgré les investissements consentis par le gouvernement fédéral. Cette situation a abouti à un « désamour » entre les Allemands de l'ouest « Wessis » et les Allemands de l'est « Ossis », les uns trouvant qu'ils ont payé trop cher l'union, les autres se sentant oubliés par les plus nantis et regrettant l'époque de la RDA. Ce dernier phénomène a été appelé Ostalgie par les journalistes. Cependant, les autorités misent sur les nouveaux élargissements de l'Union européenne à l'Est pour dynamiser l'économie des cinq Länder de l'est.
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+ Entre 1990 et 2017, l'Allemagne a perdu 75 % de ses insectes volants[29].
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+ En 2019, le jour du dépassement (date de l'année à partir de laquelle l'humanité est supposée avoir consommé l'ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an) de l'Allemagne[c] est le 3 mai[30]. L'Allemagne est l'un des pays dont la consommation dépasse le plus les capacités de la planète.
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+ L'Allemagne est le 25e pays ayant la plus forte concentration annuelle de particules. Celle-ci dépasse légèrement le seuil recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)[31].
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+ La disparition des insectes est massive en Allemagne : jusqu'à 67 % ont disparu entre 2010 et 2019 des prairies, et 41 % dans les forêts[32].
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+ L'Allemagne a connu des changements territoriaux successifs au XXe siècle. La défaite de 1918 a sonné le glas de l'Empire allemand. Le traité de Versailles de 1919 qui règle le sort de l'Allemagne fait passer la superficie de l'Allemagne de 540 848 km2 à 468 776 km2. Celle-ci est amputée de l'Alsace-Moselle, du Nord du Schleswig, d'Eupen et de Malmedy. De plus, pour permettre à la Pologne d'avoir un accès à la mer, la Prusse-Orientale est séparée du reste de l'Allemagne par le corridor de Dantzig.
98
+
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+ Après la défaite de 1945, l'Allemagne est occupée par les vainqueurs. À l'est, onze millions d'Allemands sont chassés ou fuient vers l'ouest. Environ 110 000 km2 de l'Est allemand sont rattachés à la Pologne ou à l'URSS. Une des conséquences de la Guerre froide est la création en 1949 de la RFA à l'ouest dans les zones d'occupations des occidentaux suivie par celle de la RDA dans la zone occupée par les soviétiques à l'est. Il y a désormais deux États allemands : la République fédérale allemande (RFA), une démocratie pluraliste et capitaliste et la République démocratique allemande (RDA), une démocratie populaire avec un parti unique au pouvoir, le Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), et une économie calquée sur celle de l'URSS.
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+
101
+ Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin, construit en 1961, tombe. L'année suivante la RDA est absorbée par la RFA. Les Allemands sont de nouveau réunis dans un seul État, la République fédérale d'Allemagne, le 3 octobre 1990. L'Allemagne renonce alors officiellement à ses revendications territoriales sur la Prusse-Orientale[33]. Ce nouvel État doit surmonter le coût de la réunification allemande, c'est-à-dire investir pour rattraper le retard économique des Länder de l'Est par rapport à ceux de l'Ouest. Il s'agit de reconnecter les deux territoires coupés par le rideau de fer durant la Guerre froide : le gouvernement a notamment mis en œuvre des chantiers d'infrastructures de transport : le projet « Unité allemande » lancé en 1992, prévoit des travaux jusqu'en 2010[34] pour un montant total de plusieurs dizaines de milliards d'euros. L'effort est porté en particulier sur les autoroutes à numéros pairs, d'orientation est-ouest : par exemple, la Bundesautobahn 4 qui va de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie à la frontière polonaise en passant par la Thuringe. Les canaux sont modernisés ou complétés, comme le Mittellandkanal. L'intégration de l'ex-Allemagne de l'Est à l'Union européenne reste encore inachevée et les inégalités sont toujours présentes.
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+ Les plus grandes îles de l'Allemagne sont
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+ Les plus longs fleuves d'Allemagne sont listés ci-dessous (avec la longueur entière et la longueur en Allemagne, entre parenthèses est indiquée la plus grande ville allemande dans le bassin versant du fleuve respectif).
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+ Affluent de la mer Noire :
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+ Affluent de la mer du Nord :
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+ Affluent de la mer Baltique :
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+ Les plus longs fleuves entièrement en Allemagne (mer du Nord) :
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+ Les villes d'Aix-la-Chapelle et Mönchengladbach sont situées dans le bassin versant de la Meuse.
116
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+ La Vltava froide (en tchèque : Studená Vltava ; en allemand : Kalte Moldau), le premier affluent de la Vltava, prend sa source en Bavière. Elle est le plus court des deux ruisseaux qui s'unissent pour former la Vltava. Le plus long est la Vltava chaude (en tchèque : Teplá Vltava).
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+ La Breg et la Brigach s'unissent à Donaueschingen, dans la Forêt-Noire, pour former le Danube.
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+ Le rapport de suivi du gouvernement fédéral allemand (« Monitoringbericht 2019 ») montre le tableau suivant pour l'Allemagne[35]: Les dernières années ont été très chaudes et caractérisées par de longues périodes de sécheresse et des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des tempêtes et de fortes pluies. Les étés 2003, 2018 et 2019 ont été les plus chauds depuis le début des records météorologiques. La température de l'air a augmenté de 1,5 °C de 1881 à 2018. Au cours des dernières décennies, une tendance à la hausse des chaleurs extrêmes a été observée. En particulier, le nombre de journées chaudes (> 30 °C) a considérablement augmenté. Par exemple, en 2003, environ 7 500 personnes sont mortes de plus que ce à quoi on aurait pu s'attendre sans une vague de chaleur. Les mois où le niveau des eaux souterraines est inférieur à la moyenne deviennent nettement plus fréquents. En été, les rivières contiennent de moins en moins d'eau. Le niveau de la mer dans les mers Nord et Baltique est en forte hausse. Cela provoque une augmentation de l'intensité des ondes de tempête. La durée des périodes de végétation est de plus en plus longue. Un exemple est la saison des fleurs de pommier. La proportion de hêtres a diminué par rapport aux essences mieux adaptées à la sécheresse dans les réserves forestières naturelles chaudes et sèches. Les effets du réchauffement croissant sont également évidents si la température de l'eau des lacs et de la mer du Nord a considérablement augmenté.
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+
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+ Les États fédérés de l'Allemagne se nomment Bundesland (singulier) ou Bundesländer (pluriel).
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+ * Berlin, Brême et Hambourg sont des « villes-Länder » (en allemand « Stadtstaat »). Pour Hambourg et Brême, il s'agit d'un héritage du passé commercial de ces villes (voir Hanse). Elles sont des Länder à part entière.
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+ Chaque Land a sa propre constitution (Verfassung). Il est aussi doté d'un Parlement (Landtag) et d'un gouvernement (Landesregierung) issu de la majorité du Landtag. Il est souverain en matière de culture (enseignement, théâtre, musique, etc.), d'organisation des services de police, de droit communal. La Fédération peut élargir les compétences des Länder par des prescriptions-cadres : l'enseignement supérieur, l'aménagement du territoire, la protection de la nature et la conservation des sites naturels sont passés de la compétence de la Fédération à celle des Länder. Enfin, les Länder ont la responsabilité de faire respecter les décisions fédérales sur leur territoire. Chacun des Länder peut également lever des impôts. De ce fait, 36 % des impôts directs collectés reviennent aux Länder, l'État fédéral en recevant près de 50 % et les communes se partageant le reste.
128
+ La loi fondamentale n'a pas délimité strictement certains domaines législatifs : pour le droit civil, le droit pénal, le droit économique, le droit du travail, la politique du logement, la politique énergétique, la circulation routière ou encore la gestion des déchets, les Länder peuvent légiférer à condition que l'État fédéral l'autorise. Et ce dernier ne peut légiférer que pour un besoin uniforme à l'échelle nationale.
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+ Une des particularités de la démocratie allemande est l'institutionnalisation du rôle des partis politiques : représenter les citoyens et leur apporter une formation politique.
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+ La Deutsche Bahn, souvent désignée par son nom commercial Die Bahn ou par le sigle DB, est l'entreprise ferroviaire publique en Allemagne, la plus importante d'Europe après la Russie, tant par la longueur de son réseau, que par le chiffre d'affaires ou les prestations de transport.
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+ Voici une liste des aéroports allemands avec plus de 1 000 000 passagers par an :
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+ Les alliés occidentaux ont réintroduit une structure fédéraliste en Allemagne en 1949. Le but était de préserver l'unité de la partie occupée par les occidentaux en empêchant le retour d'une Allemagne trop puissante sur le plan politique. Le fonctionnement du système politique allemand est donc régi depuis 1949 par une Constitution appelée Loi fondamentale (Grundgesetz). La Cour constitutionnelle qui siège à Karlsruhe veille à son respect. Depuis cette date, l'Allemagne est donc une république fédérale, composée d'abord de onze Länder[d], puis de seize depuis 1990. Depuis la réunification des deux Allemagnes la capitale fédérale est Berlin. Les pouvoirs exercés par la seule Fédération concernent les affaires étrangères, la défense, la nationalité, la monnaie, les frontières, le trafic aérien, les postes et télécommunications, et une partie du droit fiscal. Le Parlement allemand est composé de deux chambres, le Bundestag, élu au scrutin mixte pour quatre ans, et le Bundesrat (Conseil fédéral) qui comprend 68 représentants des gouvernements des Länder. Chaque Land donne toutes ses voix pour ou contre une loi.
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+ L'accroissement des pouvoirs du Bundesrat met ceux-ci en mesure de bloquer l'action du gouvernement fédéral. En même temps, les compétences de l'État fédéral ont augmenté aux dépens des Länder. L'imbrication des compétences rend toute décision de plus en plus difficile. En effet, le Bundesrat doit se prononcer sur toutes les lois dont le contenu est applicable dans les Länder. En cinquante ans, la proportion de lois fédérales exigeant l'accord du Bundesrat est passée de 10 % à 60 %. En cas de différence de majorité entre les Länder et le gouvernement fédéral, il y a parfois blocage. Cela gêne même l'action de l'Allemagne dans les instances européennes[39].
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+
140
+ Les Länder et le gouvernement fédéral ont donc réfléchi ensemble à une réforme des institutions allemandes qui a été votée en mars 2006. Les prérogatives législatives du Bundesrat sont diminuées. Le Bundesrat ne vote que les lois qui ont un impact sur les budgets des régions. En contrepartie, l'État fédéral abandonne à celles-ci des champs entiers de compétences dans l'éducation, la recherche et l'environnement[40].
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+ Le président de la République fédérale (Bundespräsident) est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, au suffrage indirect, c'est-à-dire par les députés du Bundestag et des personnes élues par les parlements des Länder. Il représente l'unité allemande et défend les intérêts de l'Allemagne mais ses prérogatives restent serrées, son rôle étant essentiellement symbolique. Cependant, il s'agit d'une autorité morale respectée et écoutée. L'actuel président fédéral est Frank-Walter Steinmeier ; cet ancien ministre fédéral des Affaires étrangères a été élu à la fonction présidentielle le 12 février 2017.
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+ Le chancelier fédéral (Bundeskanzler) est le chef du gouvernement allemand. Il est élu par les membres du Bundestag, sur proposition du président fédéral pour un mandat de quatre ans, renouvelable à plusieurs reprises. Angela Merkel (CDU) est l'actuelle chancelière fédérale (Bundeskanzlerin) depuis le 22 novembre 2005 ; elle a été réélue en 2009, 2013 et 2017.
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+ La formation de coalitions (généralement désignées par référence aux couleurs qui symbolisent les grands partis) joue un grand rôle dans le fonctionnement politique de l'Allemagne, tant au niveau fédéral que dans chaque Land. Un seul des vingt-et-un gouvernements fédéraux ne reposait sur aucune coalition : le cabinet Adenauer III, entre 1960 et 1961. Deux grands partis dominent traditionnellement ces coalitions et s'opposent électoralement, quand ils ne sont pas unis dans une Grande coalition (große Koalition, de 1966 à 1969, de 2005 à 2009 et depuis 2013 au niveau fédéral) : l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands, CDU, symbolisée par le noir, centre droit démocrate chrétien et libéral-conservateur, présent dans tous les Länder sauf la Bavière) et son allié bavarois l'Union chrétienne-sociale en Bavière (Christlich-soziale union in Bayern, CSU, symbolisée par le bleu ou le noir, droite démocrate chrétienne et conservatrice), membres du Parti populaire européen, ont dominé le gouvernement fédéral en occupant la chancellerie de 1949 à 1969, de 1982 à 1998 et depuis 2005) ; le Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD, symbolisé par le rouge, centre gauche social-démocrate), membre du Parti socialiste européen, a dirigé l'Allemagne fédérale de 1969 à 1982 et de 1998 à 2005, et deuxième force d'une Grande coalition de 1966 à 1969, de 2005 à 2009 et depuis 2013.
147
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+ Deux autres partis ont été des partenaires mineurs de coalition au niveau fédéral : le Parti libéral-démocrate (Freie Demokratische Partei, FDP, symbolisé par le jaune, centre libéral), membre du Parti de l'Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe, a été associé aussi bien à la CDU/CSU (coalition noire-jaune) de 1961 à 1966, de 1982 à 1998 et de 2009 à 2013, qu'au SPD (coalition sociale-libérale ou rouge-jaune) de 1969 à 1982, en s'affirmant pendant longtemps comme la troisième force politique du pays avant de disparaître du Bundestag en 2013 ; l'Alliance 90 / Les Verts (Bündnis 90 / Die Grünen, symbolisée par le vert, centre gauche écologiste), membre du Parti vert européen, n'a été membre d'un cabinet fédéral qu'en association avec le SPD (coalition rouge-verte) de 1998 à 2005, après avoir connu une progression électorale relativement soutenue depuis les années 1980. Une cinquième formation est représentée au Bundestag depuis 2009 sans avoir jamais fait partie d'une coalition au niveau fédéral et est devenue la troisième force politique allemande (et la première d'opposition) en 2013 : Die Linke (« La Gauche », symbolisé par le rouge, gauche et extrême gauche socialiste démocratique, antilibéral et populiste de gauche), membre du Parti de la gauche européenne. Plus récemment, durant les années 2010, à la suite successivement de la crise de la dette dans la zone euro et à la crise migratoire en Europe, un parti eurosceptique a vu ses résultats électoraux progresser très rapidement (cinquième force lors des élections européennes de 2014, la deuxième lors des élections législatives régionales de 2016 en Saxe-Anhalt et la troisième pour celles de Rhénanie-Palatinat et de Bade-Wurtemberg la même année) : l'Alternative pour l'Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD symbolisé par le bleu et le rouge), à l'origine créé par des économistes critiques envers l'euro, devenu davantage national-conservateur depuis 2015 en se réorientant vers des positions anti-immigration et anti-islam.
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+ Au niveau des Länder, au 19 juillet 2016, neuf d'entre eux ont un ministre-président social-démocrate dont quatre dans le cadre d'une coalition rouge-verte (Brême, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Basse-Saxe et Hambourg), deux avec une Grande coalition (Berlin et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), deux dans une coalition en feu tricolore (avec l'Alliance 90 / Les Verts et un parti centriste libéral ou régionaliste, Schleswig-Holstein avec le parti de défense de la minorité danoise de la Fédération des électeurs du Schleswig-du-Sud ou SSW, et Rhénanie-Palatinat avec le FDP), un avec une coalition rouge-rouge (avec Die Linke, Brandebourg). Quatre Länder ont un chef de gouvernement issu de la CDU, dont deux en Grande coalition (Sarre et Saxe), un avec une coalition noire-verte (avec l'Alliance 90 / Les Verts, Hesse) et un avec une coalition noire-rouge-verte ou kényane (avec le SPD et l'Alliance 90 / Les Verts, Saxe-Anhalt), à quoi s'ajoute un Land traditionnellement dominé par la CSU seule (Bavière). Enfin, deux Länder ont un ministre-président issu d'autres mouvements que les deux grandes forces de gouvernement : le Bade-Wurtemberg a un dirigeant issu de l'Alliance 90 / Les Verts gouvernant en coalition avec la CDU (coalition verte-noire) depuis 2016 après l'avoir fait avec le SPD (coalition verte-rouge) de 2011 à 2016 ; la Thuringe avec un chef issu de Die Linke depuis 2014 qui mène une coalition rouge-rouge-verte (avec le SPD et l'Alliance 90 / Les Verts).
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+ La Bundeswehr (en allemand « force de défense fédérale ») est une armée exclusivement servie par des professionnels depuis 2011, composée en décembre 2012 de 191 818 militaires, dotée d'un budget de 31,68 milliards d'euros qui déploie aujourd'hui à l'étranger plus de 13 000 hommes.
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+ De 1945 à la réunification allemande de 1990, la RFA cultive l'« oubli de puissance »[41]. Elle devient le modèle de l'État-marchand civil qui renonce à toute ambition militaire et rôle important dans les relations internationales. Elle cherche à faire oublier son passé impérialiste en s'intégrant au sein du plus grand nombre d'alliances. De ce point de vue l'entrée de la RFA dans l'OTAN, en 1955, la fait passer de pays occupé à partenaire stratégique des États-Unis. La RFA tient d'autant plus à cette alliance que les États-Unis sont ses principaux protecteurs face à l'Union soviétique. La participation à la CECA en 1951 et à la naissance de la CEE marquent le retour de l'Allemagne dans le jeu européen. Néanmoins, les actions de la RFA sur la scène internationale étaient de l'ordre d'une « diplomatie du chéquier[42], » la RFA se montrant généreuse sur le plan des solidarités internationales. Le traité de l'Élysée signé en 1963, permet la réconciliation franco-allemande et une coopération profitable pour les deux pays.
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+ La chute du communisme et la réunification de l'Allemagne changent le statut du pays. L'unification intéresse directement les quatre vainqueurs de 1945 qui s'étaient partagé quatre secteurs d'occupation. Sans leur accord l'unité allemande est impossible, chacun ayant un droit de veto sur le processus. D'où la signature, à Moscou en 1990, du traité « 4 + 2 » ou « 2 + 4 », ou bien traité de Moscou, son véritable nom étant pour autant « Traité portant règlement définitif concernant l'Allemagne »[43]. Ce traité règle le nouveau statut international de l'Allemagne unie au cœur de l'Europe en fixant définitivement les frontières (art. 1er), et en plafonnant l'armée allemande à 370 000 hommes. Après 45 ans de tutelle étrangère, l'Allemagne retrouve sa souveraineté pleine et entière ; elle redevient un État comme les autres. Forte de sa puissance économique et de sa stabilité, elle s'efforce d'aider les autres États, principalement ses voisins de l'Est, à acquérir cette même stabilité politique. N'ayant plus de visée de puissance ou d'hégémonie, elle promeut les critères environnementaux, les droits de l'homme ou les droits sociaux[44], elle privilégie la culture d'influence via les investissements économiques dans les pays de l'Europe centrale et orientale dont elle favorise l'intégration à l'Europe politique. Elle est devenue un des piliers de l'Europe. Des troupes allemandes sont intervenues dans le cadre des missions de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Afghanistan. En ce qui concerne ce dernier pays, la Bundeswehr y participe depuis janvier 2002 à la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) de l'OTAN[45]. En 2005, environ 7 000 soldats y étaient stationnés[46].
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158
+ Après une hausse considérable de la dette publique allemande à cause de paiements forts pour l'Allemagne de l'Est après la réunification allemande et la crise économique à partir de 2008, le taux de la dette publique trouvait son maximum en 2010 (80,9 % du PIB)[47]. À partir de 2012, l'Allemagne a réalisé des excédents budgétaires sur l'ensemble de l'État[48] et était capable de réduire ses dettes de 80,9 % en 2010 à 63,9 % du PIB (2 092,6 milliards d'euros) en 2017[47]. Cela signifie qu'aussi la dette absolue de l'Allemagne ne grossit plus mais au contraire désormais se rétracte.
159
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160
+ Par conséquent, l' Allemagne respecte le critère sur le déficit budgétaire du Pacte de stabilité et de croissance de la zone euro, qui limite le déficit à 3 % du PIB ainsi que les critères du Pacte budgétaire européen de 2012 qui limitent le déficit structurel à 0,5 % du PIB pour l'objectif budgétaire à moyen terme. La dette publique allemande rapportée au PIB pourrait passer dès 2018, avant l'objectif visé de 2019, sous le plafond de 60% fixé par l'Union européenne.
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162
+ En 2009 l'Allemagne a introduit un frein à l'endettement pour continuer à atteindre des budgets publiques sans déficits structurels (Länder, États fédéraux) ou au maximum un déficit très limité (0,35 % du PIB pour l'État fédéral). Le frein à l'endettement est maintenant fixé en article 109 paragraphe 3 de la Loi fondamentale. Entre-temps, quelques Länder ont aussi adopté le frein d'endettement dans leurs constitutions régionales. Avec le frein d'endettement, le déficit structurel fédéral, et non le déficit conjoncturel, ne doit plus surmonter 0,35 % du PIB à partir de 2016. Pour les Länder, des déficits structurels sont complètement interdits à partir de 2020. Seule exception sont des catastrophes naturelles ou récessions fortes.
163
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164
+ La notation financière de l'Allemagne par les trois agences de notation les plus suivies Moody's, Standard & Poor's et Fitch est AAA, la note maximale. L'emprunt d'État à long terme (10 à 30 ans) émis par l'Allemagne s'appelle Bundesanleihe et constitue le marché directeur des taux d'intérêt à moyen et long terme dans la zone euro.
165
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166
+ L'Allemagne est peuplée de 83,1 millions d'habitants[2] en septembre 2019, dont 10,3 millions d'étrangers[2]. Avec ses 233 habitants par km2, l'Allemagne est l'un des pays les plus densément peuplés d'Europe (après les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni). C'est le pays le plus peuplé de l'Union européenne. L'Ouest du pays reste plus peuplé que l'Est. En effet, on rencontre d'importantes concentrations urbaines à l'Ouest (région métropolitaine Rhin-Ruhr), dans le Sud-Ouest (région Rhin-Main, région métropolitaine Rhin-Neckar) et le Sud du pays (région métropolitaine de Stuttgart, région métropolitaine de Munich).
167
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168
+ Le taux de natalité de l'Allemagne est l'un des plus faibles du monde (9,5 ‰) et son accroissement naturel est négatif depuis les années 1980 pour les onze Länder de l'Ouest, et dès 1972 à l'échelle nationale. Le nombre de naissances a atteint un minimum en 2011 avec 662.685 avant de remonter dans les années suivantes jusqu'à 792,000 naissances en 2016 du fait d'une immigration augmentée et une politique familiale plus ambitieuse. En 2016, le taux de fécondité allemand est de 1,60 enfant par femme et se trouve proche de la moyenne de l'Union européenne[54]. Jusqu'au début des années 1990 cependant, les cinq Länder de l'Est avaient un taux de fécondité bien plus élevé qu'à l'Ouest, mais la natalité de l'Est est aujourd'hui aussi faible que celle de l'Ouest. Une des raisons de cette faible fécondité résidait dans la difficulté pour les femmes de concilier vies familiale et professionnelle. Cela s'est amélioré dans les dernières années grâce à l'ouverture de beaucoup de nouvelles crèches[55].
169
+
170
+ Durant longtemps, l'Allemagne a été réticente à toute politique incitative qui lui rappelait l'époque nazie ou, en RDA, celle communiste. La récente coalition CDU-SPD a pris une série de mesures, sous la houlette de la ministre ancienne de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse, Ursula von der Leyen, qui bouleversent la politique familiale. En 2007, un salaire parental a été créé. Il vient s'ajouter aux allocations familiales. Le parent qui arrête son travail pendant un an touche une allocation représentant 67 % du salaire perdu, avec un plafond de 1 800 euros et un minimum de 300 euros[56]. La ministre a décidé la construction de crèches représentant 500 000 places jusqu'en 2013 pour les enfants de un à trois ans. Le nombre de places en crèches a atteint de nouveaux sommets en 2014[55]. L'aménagement du temps de travail, indispensable au développement de toute politique familiale, commence à entrer dans les négociations collectives. Ainsi, en 2016, l'Allemagne applique une des politiques familiales les plus coûteuses au monde, avec un total de 156 mesures, pour un coût annuel total de 55,4 milliards d'euros. En 2019, les allocations familiales sont augmentées de 10 € par mois et enfant : 204 € au lieu de 194 € pour le premier et deuxième enfant, 210 € au lieu de 200 € pour le troisième enfant et 235 € au lieu de 225 € par mois pour le quatrième enfant et les enfants suivants. Une nouvelle augmentation de 15 € par mois et enfant est prévue pour 2021.
171
+
172
+ Actuellement, la population allemande n'augmente que grâce à un solde migratoire positif[2]. En 2018, ce solde migratoire net a atteint un niveau entre 340 000 et 380 000 personnes, mais le nombre de naissances était inférieur à celui des décès par 150 000 à 180 000[57]. L'essentiel des nouveaux immigrés en Allemagne est originaire des pays de l'Union européenne.
173
+
174
+ Pour résoudre le problème du financement des retraites, les assemblées allemandes ont choisi d'élever l'âge légal du départ à la retraite de 65 à 67 ans entre 2012 et 2029[58]. Il est ensuite question de le repousser à 69 ans et quatre mois. Les retraites en Allemagne sont assez faibles, ne représentant que 48 % du salaire moyen[59].
175
+
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+ L'Allemagne accueille environ 10,3 millions d'étrangers[2], parmi lesquels les Turcs forment la plus importante minorité avec 1,5 million de ressortissants[60], devant les Italiens, les Polonais, les Russes et les Grecs.
177
+
178
+ L'Allemagne durcit son encadrement de l'immigration et des procédures d'intégration des nouveaux arrivants, et adopte en 2005 la Zuwanderungsgesetz (de), ou loi sur l'immigration, qui comprend la reconnaissance de l'Allemagne en tant que « pays d'immigration »[61].
179
+
180
+ Cette nouvelle loi sur l'immigration touche aussi la loi sur la Natalité, facilitant l'obtention du statut de Citoyen pour les enfants nés sur le territoire allemand d'au moins un parent ayant vécu légalement en Allemagne pendant cinq ans[61].
181
+
182
+ Le tableau ci-dessous donne la liste des principales aires urbaines au sens de l'Eurostat :
183
+
184
+ Dans le dernier classement de Mercer des villes les plus agréables à vivre dans le monde de mars 2019, cinq villes allemandes se trouvent parmi les 25 premières, en offrant une très haute qualité de vie à leurs habitants : Munich (3e), Düsseldorf (6e), Francfort (7e), Berlin (13e), Hambourg (19e) et Nuremberg 23e[62].
185
+
186
+ Faust spricht mit dem Erdgeist (« Faust parle avec le Erdgeist ») de Margret Hofheinz-Döring en 1969.
187
+
188
+ L'Allemand parlé : extrait du Faust de Goethe.
189
+
190
+ L'allemand est une langue indo-européenne appartenant à la branche occidentale des langues germaniques, de même que le néerlandais ou l'anglais. 92 % de la population a l'allemand comme langue maternelle, ce qui indique une très grande homogénéité linguistique. 8 % de locuteurs parlent une autre langue : le danois, le frison septentrional, le frison oriental, le sorabe, le polonais, les parlers de deux groupes roms (les Sintis et les Roms allemands) ainsi que le turc, le kurde, ou le serbe.
191
+
192
+ Il s'agit d'une estimation, car il n'existe en Allemagne aucun recensement basé sur les données linguistiques. Les immigrés ont contribué à l'élargissement du champ linguistique.
193
+
194
+ L'allemand standard, appelé en Allemagne Hochdeutsch, n'est pas la langue vernaculaire de tous les germanophones. En effet, plusieurs millions d'Allemands parlent dans leur vie quotidienne l'un des dialectes allemands. Ces nombreux dialectes peuvent être rattachés géographiquement à trois groupes, du nord au sud : le bas-allemand (Niederdeutsch), le bas francique, au centre les dialectes du moyen-allemand occidental et du moyen-allemand oriental, et au sud le haut allemand : le bavarois, l'alémanique, le francique méridional et le francique oriental (voir la liste complète des dialectes dans l'article détaillé sur la langue allemande). La différenciation nord-sud (bas-allemand / haut-allemand) est apparue à partir du VIe siècle. En 1980, on estimait qu'environ 50 % des Allemands utilisaient dans leur vie quotidienne l'un de ces dialectes sans jamais l'écrire[63].
195
+
196
+ L'anglais est très répandu, et est la première langue étrangère et commerciale : le quotidien Aktuelle Woche estime[source insuffisante] qu'au moins 50 % des Allemands parlent anglais, ou ont des notions d'anglais, et 30 % des Allemands parleraient anglais couramment. Le français, qui avait un taux de connaissance de quelque 15 % dans les années 1970, a maintenant moins de 5 % de locuteurs en seconde langue.
197
+
198
+ Minorités linguistiques historiques
199
+
200
+ Les lois fédérales reconnaissent quatre minorités nationales : les Danois, les Frisons, les Sorabes et les Tsiganes. Les quatre communautés reconnues ont fondé en 2004 un Conseil des minorités doté d'une convention commune pour promouvoir leurs intérêts devant le gouvernement fédéral.
201
+
202
+ Les Sorabes ou Sorbes, qui constituaient une minorité protégée dans la République démocratique allemande, vivent dans la région de la Lusace (dans les Länder de Saxe et de Brandebourg), qui est subdivisée en Haute Lusace et Basse Lusace. Ils parlent les langues slaves occidentales haut-sorabe et bas-sorabe (en sorabe hornjoserbšćina et delnjoserbšćina), et forment la minorité nationale reconnue la plus importante. Ils ont réussi à maintenir leur culture et leur langue malgré les tentatives de germanisation dans le passé. Tous parlent aussi l'allemand, le taux de bilinguisme atteignant près de 100 %[63]. Le sorabe se situe entre le tchèque et le polonais et s'écrit en caractères latins complétés par quelques signes diacritiques. Le haut sorabe est phonétiquement proche du tchèque mais dispose d'un lexique apparenté au polonais, alors que le bas sorabe à l'inverse est phonétiquement proche du polonais mais utilise un lexique plus proche du tchèque.
203
+ La ville de Budisse, Budyšin ou Budyšyn en sorabe, est considérée comme le centre des sorabes de la Haute Lusace, et la ville de Cottbus, Chóśebuz en sorabe, est considérée comme le centre politique et culturel des sorabes de la Basse Lusace.
204
+
205
+ Les Frisons vivent dans la Frise, principalement dans la région côtière du nord-ouest du Land de Schleswig-Holstein. Ils parlent le frison septentrional et le frison oriental, qui font partie du groupe des langues germaniques occidentales. Ils constituent avec l'anglais et le scots la branche anglo-frisonne de ce groupe. Ils ressemblent étroitement au vieil anglais, mais aussi au néerlandais et au bas-allemand.
206
+
207
+ Dans la moitié nord du Land de Schleswig-Holstein, il existe une petite minorité danoise (en danois : det danske mindretal i Sydslesvig), parlant le sydslesvigsdansk, le danois du sud du Schleswig. La minorité danoise représente entre 15 000 et 50 000 personnes. Elle dispose d'organisations culturelles, d'une Église (rattachée à l'Église du Danemark) et d'écoles spécifiques. La minorité danoise est reconnue officiellement et protégée dans le cadre de l'accord germano-danois de 1955 et de la convention-cadre sur les minorités du Conseil de l'Europe. La Fédération des électeurs du Schleswig-du-Sud, son parti, est exemptée de la règle des 5 % pour être représentée au parlement régional.
208
+
209
+ Entre 1570 et 1815, des centaines de milliers de Huguenots, ou Protestants Français fuient la France pour s'installer dans les états Allemands du Saint Empire Germanique. Après 1685, et la révocation de l'édit de Nantes en France, par Louis XIV, les départs de protestants pour les états Allemands s'accélèrent. On retrouve de nos jours les descendants de ces protestants à travers leurs noms, à consonance française.
210
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211
+ On estime a plus de 10 millions le nombre de francophones en Allemagne[64]. Avant 1815, date du congrès de Vienne, certaines régions frontalières, comme celle de Landau étaient françaises. En 1815, l'Alsace sera maintenue française, mais les régions au-delà du Rhin ou au nord de la Lorraine, dont la Sarre et Sarrelouis, furent cédées aux états du Saint-Empire germanique (états Allemands dont la Prusse). Avec le temps et les divers conflits, les minorités francophones de ces régions ont disparu.
212
+
213
+ Un regain pour la langue française va revenir avec le rapprochement franco-allemand des années 1960, initié par les présidents de Gaulle et Adenauer.
214
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+ En conséquence, l'organisation des francophones en Allemagne va retrouver une certaine vigueur en intégrant diverses structures francophones dont La Gazette de Berlin, Le Carrefour francophone de Hanovre et de sa région, la Société franco-allemande de Berlin ou encore la Société franco-allemande d'Osnabrück[65].
216
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217
+ De plus, on peut noter la présence de paroisses francophones dont la communauté catholique d'Aix-la-Chapelle, la communauté catholique francophone et l'aumônerie de Bonn ou la communauté catholique francophone de Francfort[66].
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219
+ Enfin, un point d'accès à la culture francophone en Allemagne vient consolider la présence française dans ce pays[67]. En effet, l'Institut français d'Allemagne y fait la promotion du français depuis 1949. Il est à noter que sur les 200 structures d'Institut français à travers le monde, l'Institut français d'Allemagne est un des plus développés sur la planète.
220
+
221
+ Les guerres de religions ont déchiré les Allemands aux XVIe et XVIIe siècles, au cours de la guerre de Trente Ans. La réforme luthérienne est introduite par le moine augustin Martin Luther. La diffusion de la Dispute de Martin Luther sur la puissance des indulgences (titre latin Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum), plus connue comme les Quatre-vingt-quinze thèses, a déclenché la Réforme en Allemagne. Le document aurait été placardé à la porte de l'église de Wittemberg (aujourd'hui en Saxe-Anhalt) le 31 octobre 1517. Les 95 thèses sont finalement condamnées le 15 juin 1520 par la bulle Exsurge Domine du pape Léon X. Luther, alors ouvertement en conflit avec l'Église, est excommunié au début de l'année suivante.
222
+
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+ Aujourd'hui, le Nord et l'Est de l'Allemagne sont majoritairement protestants. La grande majorité des protestants allemands appartient à l'Église évangélique en Allemagne qui rassemble 25,5 % de la population. Des majorités catholiques se trouvent avant tout en Rhénanie, au sud du Bade-Wurtemberg et en Bavière où est né le pape Benoît XVI. 27,7 % de la population est catholique[68]. L'Est de l'Allemagne et Hambourg sont majoritairement sans confession[69] mais la première religion reste le luthéranisme. Enfin, l'islam est pratiqué par la communauté turque, concentrée dans la Ruhr et à Berlin. La population alévi bektachi est estimée entre 500 000 et 625 000. En 2000, l'Allemagne accorde aux alévis le statut de « communauté religieuse »[70].
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+ En Allemagne existe la Kirchensteuer, un impôt destiné aux institutions religieuses.
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+ Églises (édifices)
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+ Quelques-unes des plus grandes et fameuses églises d'Allemagne :
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+ L'Allemagne est la première puissance économique de l'Union européenne. Elle figure au quatrième rang mondial depuis 2008 derrière les États-Unis, le Japon, et la Chine[71] mais devant la France et le Royaume-Uni. Elle possède pour cela de nombreux atouts : un marché intérieur important, une population active qualifiée grâce à l'apprentissage professionnel, et un niveau de vie élevé. Les entreprises et les syndicats allemands fonctionnent en cogestion. Le PIB allemand s'élève à 3 876 milliards de dollars (GDP 2014, Fonds monétaire international)[72]. Le commerce extérieur représente un tiers du PNB : avec un volume d'exportations de 1 134 milliards d'euros (2014)[73]. L'excédent commercial était le plus élevé du monde en 2014 avec 217 milliards d'euros[73]. Le principal moteur de ce commerce extérieur est l'industrie, dont le pourcentage dans le total des exportations se situe à quelque 84 % (2004).
232
+
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+ L'économie allemande dispose d'un réseau de communication de première qualité : le plus long réseau autoroutier d'Europe, un réseau ferré particulièrement dense et trois axes navigables, le Rhin premier fleuve mondial pour le fret, la liaison Rhin-Main-Danube et le canal du Mittelland.
234
+
235
+ L'Allemagne est la quatrième puissance maritime économique du monde. Au 1er janvier 2013, sa flotte s'élevait à 3 833 navires, totalisant 125,778 millions de tonnes de port en lourd, dont 109,136 millions battant pavillon étranger et répartis sur 3 437 unités. 52,41 % de la totalité du tonnage est immatriculée au Liberia et 10,43 % à Antigua-et-Barbuda, contre seulement 13,23 % en Allemagne[74].
236
+
237
+ Certaines entreprises allemandes occupent la première place du marché mondial dans leur domaine (par exemple BASF dans l'industrie chimique, Munich Re (aussi Münchener Rück) dans la réassurance, Aldi et Lidl pour les supermarchés hard-discount). Autres entreprises occupent la première place européenne dans leur domaine (par exemple Volkswagen dans la construction automobile, Bosch pour les équipementiers automobiles, Deutsche Bahn pour les entreprises ferroviaires, Lufthansa pour les compagnies aériennes, DHL pour la logistique, SAP pour les entreprises de logiciels ou Adidas dans la fabrication d'articles de sport). En outre, il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises, le fameux « Mittelstand », qui occupent la première place du marché mondial ou européen dans une niche qui s'appellent « champions cachées »[75] ou « hidden champions »[76].
238
+
239
+ L'évasion fiscale représente 165 milliards d'euros par an selon Tax Justice Network[77].
240
+
241
+ Les inégalités comptent parmi les plus élevées d'Europe et se traduisent notamment par des bas salaires dans de nombreux secteurs. Ainsi, 22,5 % des actifs gagnent moins de 10,50 € de l'heure contre seulement 8,8 % pour la France[78].
242
+
243
+ L'Allemagne est confrontée depuis 2004 à une envolée du prix des loyers, pouvant déboucher sur l'éclatement d'une bulle immobilière. Entre 2016 et 2017, les prix ont augmenté de plus de 20 % à Berlin[79].
244
+
245
+ L'industrie est un secteur économique très important en Allemagne. Environ 33 % de la population active travaille dans ce secteur. Les principaux secteurs en chiffre d'affaires sont la construction automobile avec 777 000 salariés en 2004, suivie par l'électrotechnique avec 799 000 salariés, la construction mécanique avec 868 000 salariés et l'industrie chimique[80]. À côté des grandes entreprises mondialement connues comme Siemens, Volkswagen, ThyssenKrupp, Allianz, Bosch, BASF ou Bayer, les PME/PMI emploient plus de 20 millions de salariés. Dans la construction mécanique, secteur où la RFA détient 19,3 % du marché mondial, la grande majorité des entreprises a moins de 200 salariés. Ces succès sont dus à la réputation de bonne qualité des produits allemands en général. Les entreprises allemandes dépendent peu des banques pour leur financement. Grâce à leurs bons rendements, près de 70 % d'entre elles peuvent couvrir elles-mêmes leurs besoins financiers[81].
246
+
247
+ La construction automobile fournit 40 % des exportations allemandes. Un salarié sur sept travaille dans ce secteur. Les grands constructeurs Volkswagen et Audi, BMW, Daimler AG, Porsche et Opel, ce dernier filiale allemande de PSA depuis 2017, font de l'Allemagne le troisième producteur d'automobiles mondial. Environ six millions de voitures sortent chaque année des chaînes de montage allemandes et 4,8 millions de voitures de marque allemande sont produites à l'étranger.
248
+
249
+ L'industrie automobile allemande traverse une période de fortes convulsions due au dieselgate, au déploiement de l'électromobilité à marche forcée, et aux changements de paradigme tels que l'autopartage et le véhicule autonome[82]. L'arrivée de Tesla dans le Brandebourg, aux portes de Berlin, va compliquer la situation[83]. En 2020, la pandémie de Covid-19 vient encore affaiblir l'industrie automobile du pays, car les gens auront « tout autre chose en tête que l'achat d'une nouvelle voiture », dans tous les marchés, qu'ils soient européens, chinois ou américains[84]. En matière d'emploi, eu égard aux changements de paradigme, The Shift Project s'attend à « bilan globalement négatif [...] qui ne sera probablement pas entièrement compensé par le développement des mobilités actives et partagées »[85].
250
+
251
+ Comme dans toutes les économies développées, le secteur tertiaire est le premier employeur allemand. Près de 28 millions de personnes y travaillent dont 10 millions dans le commerce, l'hôtellerie, la restauration et les transports. Ce secteur est constitué à plus de 40 % de PME/PMI.
252
+
253
+ Le tourisme est en Allemagne un facteur économique important. L'Allemagne est le leader mondial du tourisme d'affaires avec une part de 11 % des voyages d'affaires internationaux. Des concerts, des festivals et de grandes manifestations sportives attirent beaucoup de vacanciers. Pour ne citer que quelques exemples, il y a les fêtes de rues ou les marchés de Noël (voir aussi: section de la culture)[86].
254
+
255
+ Quoique densément peuplée et fortement industrialisée, l'Allemagne offre encore une large place à la nature. Les forêts recouvrent 29 % du territoire. La forêt bavaroise constitue le plus grand espace de montagnes boisées en Europe centrale et la Forêt-Noire conserve toujours un caractère sauvage. Il y a des siècles gestion durable des forêts en Allemagne.
256
+
257
+ L'agriculture est également très importante, contrairement aux idées reçues ; en comparaison, l'Allemagne se situe juste derrière la France pour la production céréalière, mais la devance et occupe ainsi le premier rang européen en ce qui concerne la production de lait. Depuis 2007, les exportations agro-alimentaires allemandes ont dépassé celles de la France pour parvenir au second rang mondial derrière les États-Unis[87].
258
+
259
+ L'économie allemande est particulièrement orientée vers le marché mondial. Les grands partenaires commerciaux de l'Allemagne sont la France, les États-Unis, l'Italie et le Royaume-Uni. Mais l'Allemagne, qui a retrouvé un rôle de pivot de l'Europe depuis la chute du communisme et la réunification, cherche à développer de nouveaux débouchés. Elle a accru sa présence en Europe de l'Est. Depuis le début des années 1990, une partie de la production allemande a été délocalisée vers ces pays, si bien que 830 000 personnes travaillaient pour des entreprises allemandes dans les anciens pays communistes en 2002, contre presque aucune avant 1990. Des entreprises allemandes ont aussi absorbé des entreprises locales comme Volkswagen qui a racheté le constructeur tchèque Skoda[88]. Au total, plus de 10 % des exportations allemandes se font vers ces pays, soit autant que vers les États-Unis.
260
+
261
+ Les pays émergents constituent un défi de taille pour l'Allemagne. L'importance des relations économiques avec la Chine ou l'Inde ne cesse donc de croître. Les échanges avec l'Inde sont plus modestes. Les entreprises allemandes doivent relever le défi de la compétitivité face à des pays où le coût de la main-d'œuvre est très faible. Cependant, elles misent peu sur le faible prix de leurs produits pour exporter, mais beaucoup plus sur leur qualité ou leur spécificité. On achète les produits allemands non pas parce qu'ils sont bon marché, mais parce qu'ils sont de bonne qualité[89], ou parce qu'on a besoin d'un produit que seuls les Allemands fabriquent.
262
+
263
+ L'Allemagne a connu après la réunification des difficultés. La concurrence internationale est importante et les entreprises doivent se moderniser rapidement ou délocaliser, sous peine de faillite. L'Ouest du pays est le plus dynamique, tandis qu'à l'Est (ancienne RDA) de nombreuses entreprises ont dû fermer, ce qui a provoqué une forte hausse du chômage jusqu'à 2005 et un exode de l'Est vers l'Ouest.
264
+
265
+ À cause des reformes du marché de travail (réformes Hartz), la performance forte des entreprises, notamment dans l'export, et aussi à cause de la démographie (plus de nouveaux retraités que de jeunes entrants sur le marché de travail), le taux de chômage a fortement diminué depuis 2005 et s'établit selon Eurostat en décembre 2018 à seulement 3,3 %[8]. C'est le taux le plus bas de tous les 19 États membres de la zone euro devant les Pays-Bas (3,6 %) et la Malte (3,8 %). Le taux de chômage pour les jeunes de moins de 25 ans s'établit à seulement 6,0 %[8] - c'est le taux le plus bas de l'Union européenne devant les Pays-Bas (6,6 %) et l'Autriche (8,9 %).
266
+
267
+ Le nombre de postes proposés en Allemagne a crû fortement de 300 641 en 2009 à 556 831 en 2015[90]. Pour trouver plus de travailleurs étrangers, l'État allemand a lancé la campagne « Make it in Germany »[91].
268
+
269
+ En 2006, le PIB a crû de 2,9 %, après plusieurs années de stagnation[92]. Les entreprises profitent d'une compétitivité regagnée depuis dix ans à force de restructurations et de modération salariale. Depuis 2006, la production augmente chaque année, les carnets de commande restent remplis[93]. Après un fort recul du PIB pendant la crise économique de 2008/2009, la croissance de celui-ci a fortement repris en 2010 (4,1 %) et en 2011 (3,6 %), et plus légèrement en 2012 (0,4 %) et 2013 (0,1 %). En 2014, la croissance reprenait à 1,6 %[94], et en 2015, à 1,7 %[95].
270
+
271
+ Selon les données d'Eurostat, 70,8 % des chômeurs allemands vivent dans la pauvreté en 2016, le taux le plus élevé de l'Union européenne, contre 38,4 % en France. Cet écart serait lié entre autres aux conditions d'accès à l'indemnisation du chômage très restrictives en Allemagne[96].
272
+
273
+ Dans la dernière décennie, l'Allemagne a réformé son marché du travail avec les réformes Hartz (2003/2005) et pris des mesures contre la crise pour préserver son dynamisme économique. Ces mesures sont souvent vues comme un modèle pour les autres pays européens car l'Allemagne a été capable de diminuer le chômage à 3,3 % (Eurostat, décembre 2018)[8] et de réaliser des excédents budgétaires sur l'ensemble de l'État à partir de 2012[97], mais le prix à payer sur le plan social est également souligné par les économistes et il est jugé parfois excessif. Ainsi, Henrik Uterwedde, économiste et directeur adjoint de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg, parle-t-il de quasi-« abus et exploitation en ce qui concerne les temps partiels et les bas salaires »[98].
274
+
275
+ Pour maintenir son dynamisme économique, l'Allemagne a en effet privilégié l'emploi précaire sans salaire minimum : les mesures prises par le gouvernement allemand (définissant de nouveaux contrats de travail, exonérant les employeurs et ne donnant pas droit au chômage, avec la possibilité de payer des chômeurs de longue durée moins d'un euro par heure pour une activité à temps partiel afin d'aider ces personnes à se réintégrer dans le marché de travail normal), en accord avec le patronat et les syndicats ont ainsi entraîné une baisse de salaire de 20 % pour 1,6 million de personnes, et une stagnation depuis dix ans pour les autres[98].
276
+
277
+ Concernant la recherche d'emploi, il y a en tout 7 millions de personnes (soit 16 % de la population active) qui sont soit au chômage soit touchent des indemnités prévues par la loi Hartz IV. Les chômeurs allemands (dont le nombre s'est réduit de manière significative ces dernières années) sont les plus exposés à la pauvreté relative dans l'Union européenne : 70 % d'entre eux sont en danger de pauvreté (moins de 952 euros par mois de ressources), contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne[99]. Cependant, le coût de la vie et en particulier du logement est beaucoup moins élevé en Allemagne - en moyenne les loyers à Paris avec 26,25 € par mètre carré sont beaucoup plus élevés qu'à Berlin (5,73 €/m2), Hambourg (6,30 €/m2), Munich (9,70 €/m2) ou Cologne (7,26 €/m2) en 2009[100]. Les loyers offerts pour les nouvelles locations dans les grandes villes ont en général augmenté fortement durant les dernières années mais ont aussi été plafonnés récemment par une nouvelle loi[101].
278
+
279
+ Pour restreindre l'emploi précaire, le gouvernement allemand avait décidé en printemps 2014 d'introduire un salaire minimum de 8,50 € bruts de l'heure à partir du 1er janvier 2015, mais une période de transition était prévue pour les secteurs qui étaient encore sous le coup d'un accord de branche. À partir de 2017, il concerne tout le monde, sauf les moins de 18 ans, les stagiaires et les chômeurs de longue durée, exemptés pendant les six mois suivant leur embauche[102]. Le salaire minimum a été relevé à 8,84 € bruts de l'heure à partir du 1er janvier 2017[103]. La commission chargée de le réévaluer statuera en 2018 sur une nouvelle augmentation, pour une application au 1er janvier 2019[104]. En septembre 2016, l'institut IAB de recherche sur l'emploi évalue à 60 000 le nombre de postes perdus ou non-créés à cause du salaire minimum[105].
280
+
281
+ Les personnes âgées sont également de plus en plus exposées à la pauvreté. Depuis l'adoption des réformes lancées en 2002 et 2005 par le chancelier Gerhard Schröder, le taux de remplacement (montant de la première pension en comparaison du dernier salaire) est tombé à 48 %. Plus d'un million de seniors, pour beaucoup âgés de plus de 70 ans, sont contraints en 2019 d'exercer des « mini-jobs » pour vivre. Soit une hausse de 40 % sur dix ans. La part des retraités précipités sous le seuil de pauvreté a nettement augmentée. 16,8 % des personnes âgées sont touchés aujourd'hui. Une enquête prospective publiée en septembre 2019 par l'institut de recherche économique de Berlin (DIW) relève qu'avec le système actuel, 21,6 % des retraités allemands seront en situation de grande pauvreté à l'horizon 2039[106].
282
+
283
+ L'Allemagne fait partie de l'aire de la civilisation occidentale et européenne et compte 46 sites inscrits au patrimoine mondial, dont quarante-trois culturels et trois naturels.
284
+
285
+ La notion de culture est perçue de façon différente en France et en Allemagne. En France, la culture désigne plus une connaissance « intellectuelle », individuelle. En Allemagne, les deux sens, individuel et collectif, sont exprimés par deux mots distincts : Bildung et Kultur. La définition de la culture individuelle ou culture générale correspond au mot Bildung[107]. C'est surtout cette dernière notion que l'article se propose de développer même si le mot culture et le mot civilisation sont désormais pratiquement synonymes en France[108]. La deuxième difficulté rencontrée pour parler de culture allemande est liée au fait que l'État allemand ne date que de la seconde moitié du XIXe siècle. Beaucoup d'artistes perçus comme allemands ne se revendiquent pas comme tels, mais sont assimilés à l'aire germanique qui se définit sur des bases linguistiques. À ce titre, il est difficile de distinguer culture allemande et culture autrichienne jusqu'au milieu du XIXe siècle. Enfin, les frontières du territoire allemands ont fluctué à travers les siècles, ce qui rend la définition géographique du sujet délicate.
286
+
287
+ Certaines grandes fêtes populaires - comme la Noël en Allemagne, la fête de la bière à Munich (« Oktoberfest »), le Christopher Street Day dans les grandes villes, le Carnaval des cultures à Berlin, les carnavals de Mayence, Düsseldorf et de Cologne, le Hanse Sail de Rostock - sont depuis longtemps des pôles d'attraction pour beaucoup de locaux et touristes.
288
+
289
+ L'Allemagne est également le pays possédant le plus de zoo au monde, ainsi que le plus grand nombre espèces différentes vivantes dans ces zoo[109].
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+ Le pays compte plusieurs orchestres de renommée internationale, au premier rang desquels :
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+ L'Allemagne a été riche en compositeurs, notamment :
294
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+ Karl Friedrich Abel, Jean-Sébastien Bach[e] et ses fils Carl Philipp Emanuel Bach et Johann Christian Bach, Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Johann Jakob Froberger, Christoph Willibald Gluck, Georg Friedrich Haendel, E.T.A. Hoffmann, Félix Mendelssohn, Johann Pachelbel, Johann Joachim Quantz, Max Reger, Heinrich Schütz, Robert Schumann, Richard Strauss[f], Georg Philipp Telemann, Richard Wagner, et Carl Maria von Weber entre autres.
296
+
297
+ Les principaux opéras d'Allemagne sont situés à :
298
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299
+ L'Allemagne connaît aussi la pratique de musiques traditionnelles, notamment le Yodel encore connu de nos jours dans les régions alpines de Bavière.
300
+
301
+ La musique populaire allemande s'appelle le Schlager. Des groupes comme Modern Talking, Alphaville, Münchener Freiheit, Ireen Sheer, Dschinghis Khan ou la chanteuse de Nouvelle Vague Allemande (Neue Deutsche Welle) Nena originaires d'Allemagne ont connu un succès international.
302
+
303
+ Le pays a donné naissance à plusieurs groupes de rock allemand de renommée internationale, notamment avec Scorpions à partir des années 1980, Rammstein des années 1990 à aujourd'hui et Scooter (groupe) de 1994 à aujourd'hui, ou encore le groupe Tokio Hotel de 2001 à nos jours.
304
+
305
+ Jean-Sébastien Bach(1685-1750).
306
+
307
+ Ludwig van Beethoven(1770-1827).
308
+
309
+ Richard Wagner(1813-1883).
310
+
311
+ Semperoper, Dresde(construit 1878).
312
+
313
+ Rammstein(commencé en 1994).
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+
315
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
316
+
317
+ Des philosophes allemands :
318
+ Theodor W. Adorno, Hannah Arendt, Jakob Böhme, Friedrich Engels, Johann Gottlieb Fichte, Jürgen Habermas, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Martin Heidegger, Max Horkheimer, Edmund Husserl, Karl Jaspers, Emmanuel Kant, Gottfried Wilhelm Leibniz, Karl Marx, Friedrich Nietzsche, Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling, August Wilhelm Schlegel, Arthur Schopenhauer, Christian Wolff.
319
+
320
+ G. W. Leibniz(1646-1716).
321
+
322
+ Emmanuel Kant(1724-1804).
323
+
324
+ Arthur Schopenhauer(1788-1860).
325
+
326
+ Karl Marx(1818-1883).
327
+
328
+ Friedrich Nietzsche(1844-1900).
329
+
330
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
331
+
332
+ Des ingénieurs ou scientifiques allemands :
333
+
334
+ Johannes Gutenberg(1400-1468).
335
+
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+ Alexander von Humboldt(1769-1859).
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+ Max Planck(1858-1947).
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+ Albert Einstein(1879-1955).
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+ Konrad Zuse(1910-1995).
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ La littérature allemande s'inscrit dans le cadre plus général de la littérature de langue allemande qui regroupe l'ensemble des œuvres littéraires de langue allemande, en englobant celles produites en Autriche ainsi que dans une partie de la Suisse.
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+ Née au Moyen Âge, la littérature allemande a connu des périodes de grand rayonnement comme le « Sturm und Drang » (vers 1765-1785) avec Johann Wolfgang von Goethe et Friedrich von Schiller, le romantisme (vers 1796-1835) avec les Frères Grimm et les poètes Friedrich Hölderlin, Jean Paul Richter, Novalis, Joseph von Eichendorff, et un peu plus tard Heinrich Heine, avant la période « Klassische Moderne » (de 1900 aux années 1920) où dominent Hermann Hesse, Erich Kästner et Thomas Mann qui, avec les poètes et prosateurs autrichiens, ouvrent la voie de la modernité sur laquelle pèsera le nazisme qui conduira de nombreux auteurs à l'exil.
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+ Enfin le renouveau littéraire depuis 1945 a été notable et marqué par plusieurs attributions du prix Nobel de littérature à des écrivains allemands : Nelly Sachs (1966, naturalisée suédoise), Heinrich Böll (1972), Günter Grass (1999) et Herta Müller (2009).
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+ Goethe(1749-1832).
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+ Friedrich von Schiller(1759-1805).
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+ Les Frères Grimm(1785-1863).
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+ Thomas Mann(1875-1955).
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+ Hermann Hesse(1877-1962).
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+ Certains designers allemands ont apporté une contribution importante au design industriel moderne, en s'inspirant notamment de l'école du Bauhaus, de Dieter Rams et de Braun[111].
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+
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+ La mode vestimentaire en Allemagne, si elle ne dispose pas d'influence au niveau mondial, est source de plusieurs personnalités reconnues, telles Karl Lagerfeld ou Claudia Schiffer ainsi que de marques largement implantées internationalement comme Hugo Boss ou Esprit. Pour ces personnalités qui officient parfois pour des entreprises tierces, une grande part de leur réussite est liée à leur présence sur la scène européenne ou parisienne, ainsi que pour l'industrie, à l'exportation. La Semaine de la mode qui a lieu annuellement dans la capitale voit grandir peu à peu son importance sur la scène européenne, y compris à travers des événements annexes tel que le Bread & Butter.
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+ Karl Lagerfeld(1933-2019).
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+ Claudia Schiffer(*1970).
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+ Heidi Klum(*1973).
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+ Diane Kruger(*1976).
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+ Philipp Plein(*1978).
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ L'Allemagne a pour codes :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ 2 (deux) est l'entier naturel qui suit 1 et qui précède 3.
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+ Le glyphe que nous utilisons aujourd'hui dans le monde occidental pour représenter le nombre 2 trouve ses racines chez les brahmanes hindous, qui écrivaient 2 sous forme de deux lignes horizontales (il est encore écrit de cette manière dans la Chine moderne, et est analogue au chiffre romain II). Les Gupta ont tourné les deux lignes à 45 degrés, pour en faire des diagonales. Ils ont aussi fait quelquefois une petite ligne au sommet et une fin incurvée à la base vers le centre de la ligne du bas. Apparemment pour aller plus vite, les Nagari ont démarré la ligne du haut plus incurvée et l'ont connecté à la ligne du bas. Dans les chiffres dits ghûbar[1] des Arabes d'Afrique et d'Espagne, la ligne du bas était complètement verticale, le glyphe ressemblait à un point d'interrogation sans point. En restaurant la ligne du bas dans sa position horizontale originale, mais en gardant la ligne du haut sous sa forme de courbe qui se connecte à cette première ligne cela nous conduit à notre glyphe moderne.
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+ La graphie « 2 » n'est pas la seule utilisée dans le monde ; un certain nombre d'alphabets — particulièrement ceux des langues du sous-continent indien et du sud-est asiatique — utilisent des graphies différentes.
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+ Voici le « 2 » dans un affichage à sept segments, utilisé notamment sur certains écrans de visualisation :
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+ Affichage du « 2 » avec sept segments
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Quand on multiplie un nombre par deux, on a le double du nombre de départ.
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+ Quand on divise un nombre par deux, on a la moitié du nombre de départ.
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+
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+ Un entier est appelé pair s'il est divisible par 2, c’est-à-dire sans reste. Sinon, il est qualifié d'impair. Pour les entiers écrits dans un système de numération basé sur un nombre pair, tel que les systèmes décimal et hexadécimal, la divisibilité par 2 est facilement testée à l'aide d'un examen simple du dernier chiffre ; si ce dernier est pair, alors le nombre entier est pair.
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+
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+ Pour tout nombre x :
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+
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+ « 2 » est la base du système de numération le plus simple dans lequel les nombres naturels peuvent être écrits de manière concise[2] ; ce système dit « binaire » est largement utilisé dans les ordinateurs.
27
+
28
+ Dans la construction théorique de l'ensemble des nombres naturels, « 2 » est identifié avec l'ensemble {0,1}. Ce dernier ensemble est important dans la théorie des catégories : c'est un classificateur de sous-objet dans la catégorie des ensembles.
29
+
30
+ Le nombre 2 possède beaucoup de propriétés en mathématiques.
31
+
32
+ Les puissances de 2 sont centrales dans le concept des nombres premiers de Mersenne, et importants en informatique. 2 est l'exposant du premier nombre de Mersenne premier.
33
+
34
+ Extraire une racine carrée d'un nombre est une opération mathématique tellement banale, que la place du signe de la racine où est placé l'exposant (par exemple 3 pour la racine cubique de x :
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+
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+
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+
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+ x
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+
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+ 3
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+
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+
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+
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+
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+
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+
49
+ {\displaystyle {\sqrt[{3}]{x}}\,}
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+
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+ ) est laissée blanche pour les racines carrées (exemple :
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+
53
+
54
+
55
+
56
+
57
+ x
58
+
59
+
60
+
61
+
62
+
63
+ {\displaystyle {\sqrt {x}}\,}
64
+
65
+ ), considérée comme tacite.
66
+
67
+ La racine carrée de 2 a été le premier nombre irrationnel connu par les pythagoriciens. Sa valeur approchée est 1,414 213 562.
68
+
69
+ Les puissances entières successives de 2 sont : 2^0=1, 2^1=2, 2^2=4, 2^3=8, 2^4=16, 2^5=32, 2^6=64, 2^7=128, 2^8=256, 2^9=512, 2^10=1024, 2^11=2048, 2^12=4096, etc.
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+
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+ La dualité de toutes choses est une notion importante dans la plupart des cultures et des religions. La dichotomie philosophique la plus commune est peut-être celle du bien et du mal, mais il en existe beaucoup d'autres. Voir le dualisme pour une vue d'ensemble. Dans la dialectique Hegellienne, le procédé de l'antithèse crée deux perspectives à partir d'une seule.
72
+
73
+ Deux (二, èr) est un bon nombre dans la culture chinoise. Un Chinois a dit « les bonnes choses vont par paires ». Par conséquent, il est commun d'utiliser des symboles en double dans la conception de noms de marques, c.a.d. double bonheur, double pièce, double éléphants, etc. Les habitants de Canton aiment le nombre deux car il sonne comme le mot « facile » (易) en cantonais.
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+
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+ En Finlande, deux chandeliers sont allumés pour le jour de l'indépendance. En les mettant sur le bord de la fenêtre, on invoque le sens symbolique de la division, et ainsi de l'indépendance.
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+
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+ Dans la philosophie de Pythagore, la dyade est la deuxième chose créée (voir l'article monade pour plus de détails).
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+
79
+ Le nombre 2 est quelquefois utilisé comme diminutif de « de ». De la même manière qu'en anglais d'ailleurs (two = to). Un exemple commun est un logiciel qui traduit des données d'un format dans un autre, tel que dvi2ps et texi2roff.
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+
81
+ Les mots qui peuvent être utilisés comme synonymes de 2 incluent binôme, couple lorsque les deux nombres sont ordonnés, duo lorsque l'on parle de musiciens, paire lorsque les deux éléments sont distincts mais non ordonnés, et jumeaux lorsqu'ils sont mis en relation.
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+ Deux est :
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+ Groupes de deux :
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+ En anglais, 2 (two) est :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Almanach et dictionnaire des nombres (site de Gérard Villemin)
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5
+ Les croisades du Moyen Âge sont des expéditions militaires organisées pour pouvoir mener le pèlerinage des chrétiens en Terre sainte[1] afin d'aller prier sur le Saint-Sépulcre[2]. À cette époque, elles sont d'ailleurs conçues comme une forme très particulière de pèlerinage, un « pèlerinage en armes »[2]. Elles ont été prêchées par des papes, par des autorités spirituelles de l'Occident chrétien comme Bernard de Clairvaux, ou par des souverains comme Frédéric Barberousse.
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+
7
+ La première croisade est lancée en 1095 par le pape Urbain II pour rétablir l'accès aux lieux de pèlerinages chrétiens en Terre sainte, autorisé jusque-là par les Arabes Abbassides, mais interdit par les nouveaux maîtres de Jérusalem à partir de 1071, les Turcs Seldjoukides, de nouveaux venus provenant des steppes de l'Asie. À l'époque, Jérusalem n'était plus aux mains des chrétiens depuis de nombreux siècles. La croisade répond aussi à une demande de l'empereur d'Orient, inquiet de l'expansion turque qui menace son empire[2].
8
+
9
+ Cette première croisade aboutit à la fondation des États latins d'Orient, dont la défense va motiver les sept principales croisades ultérieures, de 1147 à 1291, date de la perte du dernier port encore contrôlé par les chrétiens en Orient, Saint-Jean-d'Acre. Toutefois, dès 1187, moins d'un siècle après sa conquête, les musulmans reprennent définitivement Jérusalem grâce à Saladin, même si les croisés gardent la haute main sur de vastes régions[2].
10
+
11
+ À partir de la quatrième croisade, qui s'empare de Constantinople en 1204, l'idée est parfois dévoyée : des expéditions sont organisées par le pape contre ses opposants chrétiens (Albigeois, Hohenstaufen, Aragon ou encore Hussites au XVe siècle…) ou païens (baltes). Si elles permettent le maintien provisoire des États latins d'Orient, ces croisades n'ont plus pour objectif Jérusalem.
12
+
13
+ Les croisés ne firent pas de conquêtes durables, se désintéressèrent de la question une fois que Saladin eut rétabli l'accès aux pèlerinages, hormis pour ceux qui s'étaient installés sur place, et en fin de compte affaiblirent les chrétiens d'Orient plus qu'ils ne les aidèrent.
14
+
15
+ Les cités marchandes italiennes ont retiré d'immenses profits économiques des croisades, et développé dans la foulée des liens entre les places commerciales européennes. Parallèlement, c'est également à cette période que fait son apparition la violence anti-juive en Europe[2].
16
+
17
+ La période dite des croisades couvre, selon la définition traditionnelle, les expéditions en Terre sainte, de 1095 à 1291, c'est-à-dire du concile de Clermont à la prise de Saint-Jean-d'Acre. Des historiens la prolongent jusqu'à la bataille de Lépante (1571), en y incluant donc la Reconquista espagnole et toutes les guerres contre les Infidèles et les hérétiques sanctionnées par la papauté, qui y attache des récompenses spirituelles et des indulgences.
18
+
19
+ Pour L'historien Jacques Le Goff, ces croisades sont une forme pervertie de la foi[3]. Il partage l'opinion de Steven Runciman : « Les hauts idéaux de la croisade ont été gâtés par la cruauté et la cupidité, la hardiesse et la résistance aux épreuves par une dévotion aveugle et étroite, et la Guerre sainte n'a rien été de plus qu'un long acte d'intolérance au nom de Dieu, ce qui est le péché même contre l'Esprit »[4].
20
+
21
+ Le terme « croisade » n'apparaît pas avant le milieu du XIIIe siècle en latin médiéval (seulement vers 1850 dans le monde arabe) et est rarement utilisé à cette époque[5]. Les textes médiévaux parlent le plus souvent de « voyage à Jérusalem » (iter hierosolymitanum) ou encore de peregrinatio, « pèlerinage »[5]. Plus tard, sont aussi employés les termes de auxilium terre sancte, « aide à la Terre sainte », expeditio, transitio ainsi que « passage général » (expéditions d'armées nationales), « passage régulier » et « passage particulier », ces passages étant des incursions ponctuelles (plus ou moins locales, de brigandage et pillage) et non les « guerres saintes » et « grandes expéditions » que sont les croisades[5].
22
+
23
+ Le terme de croisade n'apparaît que tardivement en français : le Trésor de la langue française informatisé (TLFi) fait remonter l'expression « soi cruisier » (se croiser) à la Vie de St Thomas le martyr de Guernes de Pont-Sainte-Maxence datée de 1174, et « croiserie » en ancien français apparaît dans la chronique de Robert-de-Clari durant la quatrième croisade (1204), tandis que l'on trouve l'espagnol cruzada dans une charte en Navarre de 1212. En réalité, ces termes sont des substantifs de l'adjectif crucesignatus, « croisé » (littéralement « marqué par la croix ») qui, lui, apparaît dans la chronique d'Albert d'Aix (sans doute écrite, pour sa première partie, dès 1106) ou du verbe crucesignare, prendre la croix, qui est fréquent au XIIe siècle.
24
+
25
+ Le terme à proprement parlé de « croisade » apparaît selon le TLFi dans les Chroniques de Chastellain datées d'avant 1475, notant qu'il s'agit d'un substitut de termes proches tels que « croisement », « croiserie » ou « croisière » qui sont plus anciens ; le Dictionnaire historique de la langue française note une première apparition du mot vers 1460 et note également qu'il dérive de « croisement », que l'on rencontre avant la fin du XIIe siècle.
26
+
27
+ Il est donc clair que ce que nous appelons « première croisade » n'était pas connue sous cette dénomination par ses contemporains.
28
+
29
+ Du point de vue musulman, les croisades ne sont d'ailleurs pas perçues comme une nouveauté, mais comme la continuation de la lutte contre l'Empire romain d'Orient[6], qui durait depuis plusieurs siècles. Pourtant, il est aussi évident que les contemporains ont eu très tôt conscience que la croisade n'était pas un simple pèlerinage armé ni une opération militaire comme les autres mais bien une réalité différente, alliant les caractéristiques du pèlerinage à Jérusalem aux impératifs d'une guerre pour la défense de la foi[réf. nécessaire].
30
+
31
+ Jérusalem restait pour les chrétiens le centre du monde spirituel terrestre. Le pèlerin pouvait s'y recueillir devant le calvaire et le Saint-Sépulcre. La « vraie Croix » y était vénérée[7]. Parmi les fidèles se répandait même l'idée que le pèlerinage lavait les péchés.
32
+
33
+ La conquête de la Palestine par les Arabes (Jérusalem fut prise en 638) n'affecta guère les pèlerinages vers les lieux saints ; les Fatimides imposèrent simplement une redevance aux pèlerins[8]. Les dangers à braver en chemin faisaient partie de la spiritualité du pèlerinage. Avec la fin de la piraterie dans la seconde moitié du Xe siècle, le flux des pèlerins s'amplifia. En 1009, le calife fatimide du Caire, al-Hakim, fit détruire le Saint-Sépulcre[8]. Son successeur permit à l'Empire byzantin de le rebâtir, et les pèlerinages furent à nouveau autorisés.
34
+
35
+ Ainsi, lors de l'invasion arabe, les chrétiens ne songèrent guère à reprendre le contrôle des lieux saints[2]. L'Occident chrétien n'en n'avait ni la force ni même le désir, et les relations avec les musulmans qui gouvernaient en Terre sainte étaient dans l'ensemble assez bonnes[2].
36
+
37
+ À l'approche du millénaire de la mort du Christ (1033), le flot des pèlerins augmenta encore. De nombreux monastères furent construits dans la ville. Les plus riches pèlerins étaient parfois dépouillés par les bédouins[9], et certains groupes de pèlerins s'organisèrent en véritables troupes armées. En 1045, l'abbé Richard emmenait avec lui sept cents compagnons qui ne purent arriver que jusqu'à Chypre. L'historien Jacques Heers[10] mentionne un pèlerinage d'une troupe importante, conduite en 1064 par Siegfried, archevêque de Mayence, attaquée et presque entièrement décimée à Ramallah par des Bédouins le 25 mars 1065.
38
+
39
+ Surtout, la prise de Jérusalem par les Turcs Seldjoukides aux Arabes Fatimides en 1071 font de la Terre sainte un endroit plus dangereux qu'auparavant, serait-ce que parce que les nouvelles élites turques converties à l'islam sont moins cultivées, moins tolérantes et plus belliqueuses que les élites arabes[2]. L'historien Robert Mantran indique toutefois que des pèlerinages, dont six entre les années 1085 et 1092, semblent s'être déroulés sans difficultés particulières[11].
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+ L'histoire des croisades s'inscrit à la suite d'une longue période de lutte défensive contre les invasions sarrasines.
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+ Dès le VIIIe siècle, la chrétienté occidentale est confrontée à l'expansion de l'islam ; la péninsule ibérique est occupée et le royaume franc est envahi jusqu'à Poitiers. Une première phase de présence des armées omeyyades est enregistrée entre 719 et 759 dans la province de Septimanie, avec Narbonne pour capitale.
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+ Du IXe siècle au XIe siècle, les côtes méditerranéennes continuent à subir les assauts répétés de bandes armées bien organisées. Malgré l'extension de l'empire carolingien et sa puissance certaine, la Méditerranée reste dominée par la piraterie musulmane. Le contrôle de la Sicile, de la Corse, des îles Baléares et de la péninsule ibérique leur permet une grande mobilité au long des côtes de Septimanie, de Provence, et du sud de l'Italie où ils mènent des raids et des razzias profondément à l'intérieur des terres[12]. Entre 890 et 973, une seconde phase de présence musulmane s'établit en Provence pendant près de 80 ans, au cours de laquelle ils établirent plusieurs camps fortifiés[13]. Au XIe siècle, l'affaiblissement des structures politiques du califat fatimide permet aux chrétiens la reconquête progressive des terres occupées. La Sicile repasse ainsi sous domination chrétienne dans la seconde moitié du XIe siècle.
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+ Les Romains d'Orient (dits « byzantins » depuis le XVIe siècle) parlaient grec, étaient chrétiens, mais restaient attachés à la Pentarchie et ne reconnaissent pas la primauté de Rome depuis la querelle du Filioque en 1054 (séparation des Églises d'Orient et d'Occident).
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+ À l'époque de la première croisade, les Byzantins nommaient les Occidentaux « Francs » ou « Celtes », mais les Occidentaux qu'ils connaissaient le mieux étaient les Normands. D'abord employés comme mercenaires, appréciés par les généraux byzantins pour leur courage et leur cohésion, ils s'émancipèrent rapidement. En 1071, ils réalisent la conquête de toute l'Italie du Sud[14] où ils fondent un royaume indépendant. De 1081 à 1085, ils mènent une série d'attaques contre la Grèce sous la direction de Robert Guiscard.
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+ Afin de faire face à ses nouveaux ennemis, Turcs seldjoukides, l'empereur byzantin demande l'aide de troupes occidentales. Au concile de Plaisance de juin 1095, les ambassadeurs de l'empereur byzantin Alexis Comnène réclament aux Occidentaux une assistance militaire pour lutter contre les Turcs. Byzance n'appelle pas pour autant à la croisade pour délivrer Jérusalem : lutter contre les menaces présumées des Arabes et certaines des Turcs est avant tout une question de défense de l'Empire[15].
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+
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+ D'ailleurs, si la pénétration des Seldjoukides en Asie mineure byzantine s'était accompagnée de plusieurs pillages et exactions contre les populations locales, en Syrie, déjà sous domination musulmane, l'arrivée des Turcs suscite moins de brutalité[16] et les chrétiens locaux ne semblent pas demander d'aide.
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+ À la fin du XIe siècle, le Proche-Orient est divisé. Au Sud, les Fatimides chiites sont au pouvoir en Égypte et contrôlent une partie de la Palestine. Le reste du Proche-Orient est sous la domination des Seldjoukides, un peuple turc nomade converti à l'islam sunnite au IXe siècle qui a mis fin à l'empire arabe et d'une manière générale à la suprématie des Arabes ; Arabes absents des croisades pour cette raison. En 1055, les Seldjoukides prennent le contrôle du califat abbasside à Bagdad[17]. Après la victoire de Mantzikert en 1071, les Turcs atteignent le Bosphore, mais très tôt, l'Empire seldjoukide est divisé en une série de principautés rivales dont la principale était le sultanat de Roum. La Syrie est aussi divisée en plusieurs États indépendants autour d'Alep, de Damas, de Tripoli, d'Apamée et de Shaizar.
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+
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+ Au Proche-Orient les divisions sont d'ordre religieux et ethnique. Les Turcs sunnites sont minoritaires. La population arabe était de confession chiite, ismaélienne ou chrétienne[18]. Les chrétiens sont eux-mêmes de différentes tendances : orthodoxes, melkites, et monophysites. Il y a des Arméniens en Syrie du Nord. Pour ces populations musulmanes ou chrétiennes, les croisades sont des expéditions militaires de secours après l'invasion musulmane, expéditions auxquelles ils prennent part en faisant entrer les croisés dans Antioche, ou pendant la traversée du Liban avant le siège de Jérusalem[Lequel ?][19].
58
+
59
+ L'affaiblissement de l'islam a permis l'essor du commerce par les villes italiennes en Méditerranée. Venise, Bari et Amalfi nouent des liens avec l'Orient, et, Pise et Gênes ont chassé les Sarrasins de la mer Tyrrhénienne[20]. La Méditerranée devient un lac latin. Les villes italiennes créent des comptoirs de commerce fructueux, qu'elles réussiront à conserver après la fin des croisades. Elles détournent à leur profit le commerce entre Orient et Occident. Les croisades sont une étape décisive de l'essor de l'Occident chrétien et du déclin du monde arabe amorcé dès le Xe siècle en Orient.
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+
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+ Vingt ans après la prise de Jérusalem aux Arabes par les Turcs et six mois après le concile de Plaisance, Urbain II convoque un concile à Clermont en 1095 auquel participent surtout des évêques francs. Un des canons du concile promet l'indulgence plénière, c'est-à-dire la remise de la pénitence imposée pour le pardon des péchés (et non la rémission des péchés) à ceux qui partiront délivrer Jérusalem. Pour clore le concile, au cours d'un célèbre prêche public le 27 novembre 1095, Urbain appelle aux armes toute la chrétienté. Il évoque les « malheurs de chrétiens d'Orient ». Il appelle les chrétiens d'Occident à cesser de se faire la guerre et à s'unir pour combattre les « païens[réf. nécessaire] » et délivrer les frères d'Orient. Il ne cache pas les souffrances qui attendent les pèlerins[21]. À cet appel lancé directement aux chevaliers sans passer par les rois, la foule enthousiaste répond : « Deus lo volt » (Dieu le veut) et décide de prendre la croix, c'est-à-dire fait vœu d'aller à Jérusalem. Le signe de ce vœu est une croix de tissu, symbole de renoncement et d'appartenance à la nouvelle communauté des pèlerins en armes dotés de privilèges. On appelle ceux qui la portent les cruce signati[N 1].
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+ Urbain II essaie alors de tempérer l'enthousiasme que son appel a suscité et qu'il juge déraisonnable : les clercs ont interdiction de partir sans le consentement de leur supérieur, les jeunes maris sans celui de leur femme et les laïcs sans celui d'un clerc. Urbain II reste dix mois de plus en Francie occidentale pour y prêcher la croisade. Son appel s'adresse surtout à son milieu d'origine, la noblesse franque du Sud de la Loire. Mais à l'été 1096, les contingents réunis dépassent largement ce cadre[22]. Godefroy de Bouillon, duc de Basse-Lotharingie et son frère Baudouin de Boulogne ont rejoint l'expédition, ainsi que le frère du roi, Hugues de Vermandois, Robert II de Normandie et Étienne de Blois. Bohémond, fils aîné de Robert Guiscard, décide lui aussi de se « croiser ». Le départ est fixé au 15 août 1096.
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+ Le succès considérable, qui parait peu explicable dans l'état d'esprit actuel du moins, pourrait avoir, disent certains, des explications matérielles : le mouvement de paix et le resserrement des liens vassaliques limitent les possibilités d'aventure en Occident. En partant en croisade, le chevalier peut ainsi garder sa possibilité de salut sans renoncer pour autant au métier des armes[23]. Il convient toutefois d'observer que le départ en croisade est très couteux, certains croisés vendent leurs biens pour s'équiper à cette fin et subissent un préjudice grave du fait de leur longue absence. Jacques Heers précise dans L'islam cet inconnu que les croisés « quittaient leurs biens et leurs familles pour se mettre au service de Dieu »[réf. nécessaire].
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+ De nombreux prédicateurs populaires relaient l'appel de la croisade. Le plus connu est Pierre l'Ermite. Beaucoup attendant l'Apocalypse partent sans espoir de retour avant la date officielle fixée par le pape. Pierre l'Ermite commence sa prédication dans le Berry, puis l’Orléanais, la Champagne, la Lorraine et la Rhénanie, emmenant dans son sillage quinze mille pèlerins, encadrés par des nobles et des chevaliers dont Gautier Sans-Avoir. Arrivé à Cologne le 12 avril 1096, il continue de prêcher auprès des populations germaniques, tandis que Gautier Sans-Avoir conduit les pèlerins en direction de Constantinople[24].
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+ Des bandes parties de Rhénanie s'acharnent au départ sur les communautés juives des villes rhénanes, cherchant à les convertir de force. Le refus du baptême est, pour le peuple, considéré comme une insulte à Dieu pouvant attirer sa colère sur les hommes[25]. Présents depuis des siècles, les Juifs deviennent soudain des étrangers et des assassins du Christ qu'il convient de punir avant de délivrer les lieux saints comme Jérusalem [26]. Peut-être douze mille Juifs ont-ils péri en 1096[27]. Certains évêques protègent la communauté de la ville[28],[29]. Le pape condamne ces violences, souvent l'œuvre de la lie de la société. Il ne semble pas que Pierre l’Ermite ait appelé à persécuter les Juifs, mais les terreurs créées par les pogroms commis en Germanie lui permettent d'obtenir des communautés juives des régions qu’il traverse le ravitaillement et le financement des croisés.
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+ Ayant persuadé un certain nombre de Germaniques à partir, Pierre l'Ermite quitte Cologne à la tête d’environ douze mille croisés le 19 avril 1096 et traverse le Saint-Empire et la Hongrie en suivant le Danube. Sur le chemin, les troupes dirigées par Pierre l'ermite se livrent à des confrontations locales dans Belgrade et dans le faubourg de Constantinople, incapables de s'acheter par leur propres moyens leur nourriture. Les groupes partis du Nord de Francie occidentale et de Rhénanie en avril 1096, arrivent sans trop de difficultés à Constantinople quelques mois plus tard. Mais la plupart des groupes germaniques ne sont jamais arrivées à Constantinople, anéanties ou dispersées par les troupes hongroises[28].
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+ Quatre armées de chevaliers partent à la date prévue. Celle de la Francie du Nord et de la Basse-Lorraine, conduite par Godefroy de Bouillon suit la route du Danube. La deuxième armée venant des régions du Sud de la Francie, dirigée par le comte de Toulouse, Raymond de Saint-Gilles, et le légat du pape, Adhémar de Monteil passe par la Lombardie, la Dalmatie et le Nord de la Grèce. La troisième, d'Italie méridionale, commandée par le prince normand Bohémond gagne Durazzo par mer. La quatrième, de la Francie centrale, dont les chefs sont Étienne de Blois et Robert de Normandie passe par Rome[30].
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+ Si les premières arrivées se passent bien, au fur et à mesure que les troupes croisées arrivent, les incidents se multiplient. Les croisés se livrent à des pillages et à des violences[31]. L'empereur Alexis Ier Commène cherche à obtenir un serment d'allégeance de la part des chefs croisés, et à rendre à l'empire toutes les terres qui lui appartenaient avant l'invasion turque. La plupart acceptent[32]. Les croisés assiègent Nicée qui est rendue en juin 1097 aux Byzantins. Ils battent plusieurs émirs turcs en marchant à travers l'Anatolie, traversent le Taurie, parviennent en Cilicie et mettent le siège devant Antioche le 20 octobre 1097[33].
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+ Les croisés manifestent des ambitions territoriales pour leur propre compte. Baudouin de Boulogne aide l'arménien Thoros à secouer la tutelle turque à Édesse et devient son héritier. Le siège d'Antioche est long et difficile. Les croisés développent un fort ressentiment contre les Byzantins qu'ils accusent de double jeu avec les Turcs. Bohémond réussit à faire promettre aux combattants qu'il prendrait possession de la ville, s'il y entrait en premier et si l'empereur byzantin ne venait pas lui-même prendre possession de la ville. Grâce à une complicité intérieure, il parvient à entrer dans la ville. Aussitôt les assiégeants se retrouvent assiégés par les Turcs et subissent un siège très éprouvant. L'armée de secours, dirigée par Bohémond parvient à vaincre les Turcs sans l'aide de l'empereur. Les croisés s'estiment déliés de leur serment de leur fidélité et gardent la ville pour eux[34].
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+ Pendant l'été, les chefs croisés prennent le contrôle des places-fortes dans les régions voisines d'Antioche. L'historien arabe Ibn Al Athir rapporte que de nombreux actes de barbarie ont été perpétrés par de très nombreux croisés fanatisés. C'est le cas lors de la prise de Maara (Maarat al'Nouman) où la population est massacrée malgré la promesse de Bohémond de laisser la vie sauve à ses habitants. « A l'aube, les Franj arrivent : c'est le carnage. Pendant trois jours ils passèrent les gens au fil de l'épée »[35].
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+ Mais le plus terrifiant reste ces actes de cannibalisme rapportés par le chroniqueur franc Raoul de Caen « A Maara, les nôtres faisaient bouillir des païens adultes dans les marmites, ils fixaient les enfants sur des broches et les dévoraient grillés » ou par un autre chroniqueur franc Albert d'Aix « Les nôtres ne répugnaient pas à manger non seulement les Turcs et les Sarrasins tués mais aussi les chiens ! »[36]. Le supplice de la ville de Maara ne prend fin que le 13 janvier 1099 (soit environ un mois après la prise de la ville), lorsque des centaines de Franj armés de torche parcourent les ruelles, mettant le feu à chaque maison. Ce terrible épisode contribue à creuser entre les Arabes et les Franj un fossé que plusieurs siècles ne suffisent pas à combler. Les populations paralysées par la terreur ne résistent plus et les émirs syriens s'empressent d'envoyer aux envahisseurs des émissaires chargés de présents pour les assurer de leur bonne volonté, leur proposer toute l'aide dont ils auraient besoin.
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+ L'armée ne prend la route de Jérusalem qu'en janvier 1099[37]. Les chrétiens syriens indiquent la route la plus sûre aux chevaliers latins. Ils descendent le long de la côte, prenant plusieurs villes. Ils prennent Bethléem le 6 juin et assiègent Jérusalem le lendemain. Par une ironie de l'histoire, les Arabes avaient entretemps repris la ville aux Turcs[réf. souhaitée]. Les croisés manquent d'eau, de bois, d'armes et ne sont pas assez nombreux pour investir la ville. Une expédition à Samarie et l'arrivée d'une flotte génoise à Jaffa leur fournissent tout ce qui leur manque.
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+ Jérusalem est prise le 15 juillet 1099 après un assaut de deux jours. Une fois les croisés entrés dans la ville, de nombreux habitants furent tués jusqu'au matin suivant. Le bilan humain varie selon les sources : pour les auteurs chrétiens, 10 000 morts, pour les musulmans, de 30 000 à 50 000. Le gouverneur de Jérusalem s'était barricadé dans la Tour de David, qu'il donna à Raymond en échange de la vie sauve pour lui et ses hommes. Ils purent se rendre à Ascalon avec la population civile musulmane et juive survivante.
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+ Un certain nombre de pèlerins après avoir accompli leurs dévotions prirent le chemin de retour. Ils ont délivré Jérusalem, et donc accompli leur vœu. D'autres croisés s'apprêtèrent à rester en Orient. Godefroy de Bouillon fut élu par les siens comme prince de Jérusalem. Godefroi n'a joué aucun rôle décisif pendant la croisade mais les barons préférèrent ce conciliateur sans ambition à l'impétueux et intransigeant Raymond de Saint-Gilles désigné par le pape comme chef militaire de la croisade[38]. Il refusa d'être nommé roi du royaume de Jérusalem. Il dit : « Je ne porterais pas une couronne d'or, là où le Christ porta une couronne d'épines ». Il prit alors le nom d'Avoué du Saint-Sépulcre, soit advocatus Sancti Sepulchri, réservant les droit éminents du nouvel État à l'Église. En septembre, il resta seul dans ses nouvelles possessions avec seulement trois cents chevaliers et deux mille piétons. Les établissements francs étaient très isolés les uns des autres et mal reliés à la mer[39]. Jérusalem devint la capitale du royaume latin de Jérusalem qui s'étendait jusqu'à la mer Rouge et à l'isthme de Suez. Repeuplée de chrétiens, elle était le siège des ordres militaires du Temple de Jérusalem et de l'hôpital de Saint-Jean, ainsi qu'un site actif de pèlerinage. Jérusalem devint alors une cité romane. Le Saint-Sépulcre fut reconstruit en 1149. Une citadelle fut édifiée, dite tour de David[40]. Chrétiens d'Orient et Latins cohabitèrent sans trop de difficultés.
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+ En Occident, la nouvelle de la prise de Jérusalem provoqua le départ de nouvelles armées dépassant parfois le millier d'hommes. Mais faute d'ententes, ces croisades échouèrent toutes en Anatolie, face aux Turcs qui avaient provisoirement refait leur unité. La mer devint alors le seul moyen de communication avec l'Occident. L'archevêque Daimbert de Pise, arrivé à Jaffa avec cent vingt bateaux, se fit nommer patriarche latin de Jérusalem, et suzerain de la principauté d'Antioche et du royaume de Jérusalem, se fit attribuer un quart de Jérusalem et la totalité de Jaffa. Godefroi, de son côte promit aux Vénitiens qui venaient de prendre Haïfa, le tiers de toutes les villes qu'ils aideraient à conquérir[41]. Des contingents, norvégiens, arrivés eux aussi par bateau aidèrent également les croisés établis en Terre sainte à occuper les villes de la côte[30].
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+ Quelques mois plus tard, après la mort de Godefroi, son frère Baudouin, comte d'Édesse, se fit couronner Roi de Jérusalem par le patriarche latin de la ville. Il étendit le royaume de Jérusalem par les conquêtes d'Arsouf, de Césarée, de Beyrouth et de Sidon. De son côté, Raymond de Toulouse fit la conquête, avec l'aide de Gênes du comté de Tripoli[42]. Les marchands italiens, d'abord réticents à l'idée d'une aventure guerrière risquant de détériorer leurs relations commerciales avec l'Orient, commencèrent à voir dans les croisades un moyen d'élargir le champ de leurs activités et d'acheter les produits d'Orient à leur source, sans passer par l'intermédiaire des musulmans ou des Byzantins[43].
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+ À partir de 1128, l'Islam reprit l'initiative autour des souverains de Mossoul, l'atabeg Zengi. Le pape Calixte II songea à organiser une nouvelle croisade pour secourir les Latins d'Orient mais son appel demeura sans suite. Cependant, durant tout le XIIe siècle, des pèlerins, individuellement ou en groupe, accomplirent le pèlerinage vers Jérusalem et secoururent les Francs[30]. Zengi parvint à reprendre Édesse.
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+ L'initiative de la croisade revient au roi Louis VII. Il désirait se rendre en pèlerinage à Jérusalem pour expier ses fautes[44] : un crime dont le souvenir le tourmentait : l’incendie de l'église de Vitry-en-Perthois dans laquelle plus de mille personnes trouvèrent la mort[45]. Il obtient du pape la nouvelle promulgation d'une bulle de croisade, jusque-là sans effet. La prédication revient à Bernard de Clairvaux à Vézelay le 31 mars 1146 puis à Spire. En Germanie, la prédication populaire d'un ancien moine cistercien provoque une nouvelle flambée de violence contre les Juifs que Bernard de Clairvaux parvient à stopper[46].
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+ Les armées franques et germaniques réunissent plus de 200 000 croisés, dont une bonne part d'éléments populaires particulièrement indisciplinés et prompts à la violence, principalement dans l'armée de Conrad III, l'empereur germanique. Une grande partie n'est pas composée de soldats mais de civils : des gens pauvres, qui se sont croisés pour se faire pardonner leurs péchés et assurer leur salut dans la vie éternelle. Il n'est donc guère surprenant que l'empereur germanique ait eu peu de contrôle sur une telle armée. Conrad III part de Ratisbonne en mai 1147 suivant la rive du Danube en direction d’Édesse. Les Francs, ayant à leur tête Louis VII, partent de Paris un mois plus tard, soit en juin 1147, par le même chemin que les troupes germaniques. L’indiscipline dans l’armée germanique provoque des incidents dans les Balkans.
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+ À Constantinople, l’empereur byzantin Manuel Ier Comnène souhaite retrouver sa suzeraineté sur Antioche et demande aux deux souverains de lui prêter hommage. Conrad III et Louis VII refusent. Ils perdent donc l’appui et l’aide des Byzantins qui refusent de les approvisionner, ce qui a pour conséquence de compliquer la traversée de l’Asie Mineure. L'empereur de Constantinople, soucieux de voir les importants effectifs croisés aux portes de sa cité, les presse de franchir le Bosphore pour rejoindre l'Asie.
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+ Alors que les armées byzantines sont occupées à surveiller les croisés, Roger II de Sicile en profite pour s'emparer de Corfou, de Céphalonie et pour piller Corinthe et Thèbes. C'est l'amiral Georges d'Antioche, émir des émirs, c'est-à-dire premier ministre de Roger II, qui, bien que syrien et orthodoxe, commande de la flotte sicilienne opérant les ravages sur les rivages byzantins. La deuxième croisade favorise donc les ambitions normandes dans l'Empire byzantin. Manuel Ier Comnène se résigne à signer un traité avec le sultan de Roum[47].
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+ Les relations s'enveniment entre Francs et Germaniques, qui décident de cheminer séparément. L’armée de Conrad est battue à Dorylée. Conrad se réconcilie avec Manuel qui lui propose des vaisseaux byzantins qui les emmènent à Acre. Louis VII et son armée suivent le littoral, mais harcelés dans la vallée du Méandre, il abandonne les non-combattants à Antalya. Ces derniers, privés de protection militaire sont massacrés par les Turcs. À ce moment de l’expédition, les trois quarts des effectifs partis d'Europe ont disparu.
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+ Louis VII embarque avec ses chevaliers vers Antioche. Raymond de Poitiers, prince d'Antioche, lui propose une expédition contre Alep, qui menace ses possessions. Mais il ridiculise Louis VII en ayant une aventure avec sa nièce Aliénor d'Aquitaine, épouse du roi[48]. Louis VII soucieux de réaliser son pèlerinage, peu enclin à écouter son rival et ignorant les réalités militaires des États latins d'Orient, refuse. Il rejoint donc Conrad à Jérusalem. Leur pèlerinage terminé, certains repartent en Europe ; les deux souverains se laissent entraîner par les barons de Jérusalem dans une expédition contre, non pas Édesse comme prévu, mais Damas. Les croisés abandonnent le siège au bout de quatre jours (24-28 juillet 1148). La deuxième croisade se termine sans aucun résultat. Le prestige de Louis VII est fortement entamé. L’échec de cette deuxième croisade est attribué par l’opinion populaire aux excès de péchés des croisés. L'échec de la deuxième croisade est même reproché à Bernard de Clairvaux car il avait prêché une croisade de pénitence sans se soucier de son organisation[49].
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+ Les atabeks de Mossoul ont remis à l'honneur le thème du djihad et étendent leur contrôle de la Syrie. Nur-al-Dîn, le fils de Zengi, s'assure le contrôle définitif d'Édesse[50]. Les chefs des États latins sont obligés de s'allier avec l'empire byzantin. Les vizirs fatimides se maintiennent en faisant appel soit aux Francs et soit aux Syriens[51]. Finalement Saladin, qui est un kurde à l'esprit religieux, parvient à devenir vizir du dernier fatimide et, à la mort de celui-ci, devient lieutenant de l'atabek pour l'Égypte et rétablit le sunnisme (1169), réalisant ainsi l'union de la Syrie et de l'Égypte.
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+ Saladin attaque les positions franques[52]. Il cherche à isoler les Latins. il conclut pour cela des alliances avec les Seldjoukides en 1179, avec l'Empire byzantin et Chypre en 1180. En effet, l'Empire byzantin est menacé en Europe par les Hongrois, les Serbes et les Normands de Sicile et n'a plus les capacités de soutenir ses anciens alliés.
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+ Une trêve avec les Latins est cependant conclue en 1180. Elle est renouvelée en 1185. Saladin en profite pour s'assurer le contrôle d'Alep et de Mossoul. En même temps, de graves dissensions internes minent le royaume de Jérusalem.
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+ Le roi Baudouin IV de Jérusalem est très malade — il est lépreux. La classe dirigeante se déchire sur sa succession. Le royaume de Jérusalem, menacé, ne peut compter sur aucun secours extérieur. À la mort de Baudouin, Sibylle, sœur du roi défunt, et son mari Guy de Lusignan sont couronnés. Raymond III, comte de Tripoli, déçu d'être écarté, demande l'aide de Saladin. Celui-ci refuse dans un premier temps car il vient de renouveler la trêve avec le royaume. Mais Renaud de Châtillon, un seigneur brigand, pille une caravane arabe se rendant à Damas en 1187 et refuse, malgré l'ordre du nouveau roi, de rendre le butin. Saladin proclame la guerre sainte[53].
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+ Lors de la bataille de Hattin, les chevaliers francs sont presque tous capturés et ne sont délivrés qu'en échange d'une rançon ou de leurs châteaux[54]. Renaud de Châtillon, deux cents Templiers ou Hospitaliers sont tués et presque tous les chevaliers sont capturés. Les sergents ou piétons sont massacrés ou vendus comme esclaves. Saladin prend l'une après l'autre les places fortes de l'intérieur. Il autorise le départ contre rançon d'une partie des combattants et des habitants vers Tyr pour embarquer vers l'Europe, le reste de la population est livrée à l'esclavage. À Jérusalem, Balian d'Ibelin obtient de Saladin une capitulation honorable permettant le rachat d'un tiers de la population le 2 octobre 1187 (environ 10 000 habitants sont livrés à la déportation et l'esclavage[19]).
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+ Les proclamations triomphales envoyées à travers le monde musulman y consacrent la gloire du vainqueur[55]. Les établissements sont alors réduits à Tyr et à Beaufort pour le royaume de Jérusalem et à Tripoli, au Krak des Chevaliers, à Antioche et à Margat au nord[54].
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+ Quand la nouvelle de la prise de Jérusalem par Saladin parvient en Occident, le pape Grégoire VIII lance des appels à une nouvelle croisade et à la paix. Richard de Poitou, futur Richard Cœur de Lion, prend la croix le premier, bientôt suivi par son père, Henri II d'Angleterre et par le roi de France, Philippe Auguste. Dans le même temps, la flotte navale de Guillaume II de Sicile fait voile vers les avant-postes de Tripoli, Antioche et Tyr et assure le ravitaillement des dernières places fortes en armes et en hommes[56]. Le même mois, l'empereur Frédéric Ier Barberousse quitte Ratisbonne avec la plus grande armée croisée jamais rassemblée, au moins 20 000 chevaliers. Il suit la route terrestre.
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+ L'hostilité entre Byzantins et croisés germaniques est très importante et Barberousse menace de marcher sur Constantinople. Sous la pression, l'empereur Isaac Ange signe la paix et s'engage à faire traverser le détroit à l'armée germanique. Alors que la traversée de l'Anatolie s'achève, Barberousse se noie accidentellement le 10 juin 1190 dans les eaux du fleuve Saleph, (actuellement Göksu, « eau bleue » en Asie Mineure) et une grande partie de ses troupes retourne en Europe. Quelques centaines de chevaliers germaniques seulement parviennent à Acre.
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+ Un conflit franco-anglais retarde le départ des rois des deux royaumes jusqu'en 1190. Embarquant à Gênes et à Marseille, les troupes de croisés hivernent en Sicile où ils se disputent sur de nombreux sujets politiques et personnels[56]. La prise de Chypre par le roi d'Angleterre assure aux croisés une base proche du lieu des conflits[57].
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+ En Terre sainte, le roi de Jérusalem Guy de Lusignan a commencé à assiéger Saint-Jean-d'Acre avec une petite troupe en août 1188[56]. Les deux souverains arrivent à Acre avec la plus grande armée franque jamais réunie. Les troupes de Saladin la tiennent à leur tour dans un demi-siège préjudiciable à ses communications et à son ravitaillement. Mais Saladin ne parvient pas à briser l'encerclement d'Acre et les Francs reprennent la ville aux musulmans le 12 juillet 1192 après deux ans de siège.
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+ L'échec des musulmans tient en partie à leur mode de combat, inadapté à celui de l'armée franque, mais surtout à la lassitude des troupes musulmanes. Les alliés et les vassaux avaient été contraints d'amener des contingents, mais la campagne avait été trop longue et n'avait même pas la perspective d'un butin compensateur[55].
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+ Après la prise d'Acre, Philippe Auguste retourne en France[58]. Richard Cœur de Lion, resté seul, bat les musulmans à Arsouf. Arrivé à Jaffa en septembre, il passe l'année en Palestine du sud, période durant laquelle il fait reconstruire Ascalon pour fortifier les frontières méridionales du Royaume de Jérusalem. Il force l'admiration de l'ennemi par ses prouesses.
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+ Par deux fois (en décembre 1191 puis en juin 1192), il parvient à quelques kilomètres de Jérusalem, mais ne peut reprendre la ville. En effet, il ne peut pénétrer trop longtemps à l'intérieur des terres sous peine de voir ses communications coupées. Il s'occupe aussi de régler les problèmes dynastiques du royaume de Jérusalem. Guy de Lusignan, dont la femme était décédée, conserve le titre royal qui doit revenir à sa mort à Isabelle, l'héritière du trône, et à son époux Conrad de Montferrat. Après avoir signé un traité par lequel Saladin renonce à éliminer les colonies franques de Syrie, il repart pour l'Angleterre en octobre 1192 et est capturé par Léopold V de Babenberg, duc d'Autriche et emprisonné pendant un an et demi.
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+ La troisième croisade a empêché la chute de la Syrie franque et permis l'établissement d'un second royaume de Jérusalem, en fait royaume d'Acre, réduit à une frange côtière où les communautés marchandes italiennes jouent un rôle considérable[59]. Les souverains anglais et français se détournent désormais de la croisade. Pour les chevaliers, elle devient une sorte de rite de passage et une institution. En 1194, l'ordre des Trinitaires est fondé par Jean de Matha pour le rachat des captifs prisonniers des musulmans. Il est plus tard confirmé par le pape Innocent III dans la bulle Operante divine dispositionis.
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+ L'empereur Henri VI, fils de Frédéric Barberousse et maître du royaume de Sicile veut reprendre la croisade à son compte dans le but d'imposer sa suzeraineté à l'empereur byzantin et aux royaumes nouvellement institués de Chypre et d'Arménie. Il lance l'appel à la Croisade à Bari en 1195 ; les Allemands se rassemblent en Italie du sud au cours de l'été et débarquent à Acre en septembre 1197. Ils prennent Sidon et Beyrouth et rétablissent la continuité territoriale entre Acre et Tripoli, mais leur armée se disperse immédiatement après l'annonce de sa mort, survenue à Messine le 28 septembre 1197.
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+ Les années entre 1187 et 1204 marquent un tournant dans l'histoire de l'Orient latin :
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+ La quatrième croisade est appelée par le pape Innocent III en 1202. Dès le début de son pontificat, il souhaite lancer une nouvelle croisade vers les lieux saints d'inspiration purement pontificale. Il forge l'idée de « croisades politiques » qui sera reprise par ses successeurs. Il lève le premier des taxes pour financer les croisades et exprime le premier le droit à « l'exposition de proie », c'est-à-dire le droit pour le pape d'autoriser les catholiques à s'emparer des terres de ceux qui ne réprimeraient pas l'hérésie[60].
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+ La croisade est prêchée en France par le légat Pierre de Capoue et le curé de Neuilly-sur Marne, Foulques de Neuilly, avec beaucoup de succès auprès de la noblesse champenoise[61]. Elle est dirigée par le marquis Boniface de Montferrat.
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+ Mais la IVe croisade ne prend pas le tour prévu par le pape. Les croisés traitent avec Venise. Ils louent une flotte pour 85 000 marcs d'argent pour transporter 4 500 chevaliers, 9 000 écuyers et 20 000 fantassins. Les croisés, qui ne peuvent pas payer leurs voyages aux armateurs vénitiens, sont détournés par eux à Zara (Zadar) sur la côte dalmate qu'ils assiègent et prennent pour le compte de Venise. Le pape excommunie les croisés et Venise mais lève très vite l'excommunication pour les croisés[62]. Philippe de Souabe, beau-frère d'Alexis Ange, fils de l'empereur byzantin déchu Isaac II, promet l'aide de l'Empire byzantin pour la croisade si Isaac est rétabli dans son trône[63]. Ceci est fait en 1203 après un premier siège de Constantinople. Mais Isaac II et son fils devenu Alexis IV sont renversés par le parti antilatin de la ville, dirigé par Alexis Murzuphle. Les croisés s'emparent alors de la cité pour leur compte en 1204. Enrico Dandolo fait désigner Baudouin de Flandre comme empereur d'Orient. Innocent III accepte le fait accompli se satisfaisant des promesses d'union des Églises et de soutien aux États latins d'Orient. Innocent III espère tirer parti des divisions byzantines pour rétablir l'unité de l'Église[64] Mais, informé des excès des croisés, il parle le premier de détournement de la croisade et accuse les Vénitiens. Le concept de déviation est donc contemporain de la quatrième croisade[65].
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+ Si Innocent III est à l'origine du dévoiement de l'idée de croisades, la responsabilité de Venise est écrasante dans la prise de Constantinople. La république utilise au mieux les circonstances pour servir ses intérêts. Depuis 1082, elle a obtenu dans l'Empire byzantin des privilèges commerciaux immenses qui ont presque sans arrêt été renouvelés. Mais elle se sent menacée par la concurrence commerciale de Gênes et de Pise qui ont obtenu des avantages semblables, par la piraterie que l'Empire byzantin ne réprime pas et par l'hostilité de plus en plus grande des Grecs. En 1172 et 1182, des émeutes anti-latines ont abouti au massacre et à l'expulsion de marchands italiens.
146
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+ Attaqué de toute part l'Empire est en voie de désagrégation. La conquête de Constantinople permettrait aux Vénitiens de circuler dans la mer Noire qui est pour l'instant interdite aux étrangers. Les intérêts économiques de Venise la poussent à vouloir dominer Constantinople[66]. Le doge Enrico Dandolo dispose de moyens de pression considérables : les créances des croisés, le « bon droit » d'Alexis IV et les immenses richesses dans la vieille capitale.
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+ En fait, l'empire vénitien sera l'établissement le plus durable de ceux issus de la quatrième croisade[67]. À Venise, échoit un quartier entier de Constantinople, les ports de Coron et de Modon au sud du Péloponnèse et la Crète qui fournit à partir du XIVe siècle, le bois, le blé et les denrées agricoles. Les îles grecques où se sont installées de familles vénitiennes restent plus ou moins dans la mouvance de la Sérénissime[68].
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+ La déviation de l'idée même de croisade et le pillage de Constantinople chrétienne transforment les ordres militaires en puissances financières et, par là même, politiques[69].
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+ La cinquième croisade est précédée de la croisade des enfants déclenchée simultanément dans la région parisienne, en Rhénanie et dans le nord de l'Italie, peu après l'émotion suscitée, à la Pentecôte 1212, par les processions ordonnées pour aider à la victoire sur les Sarrasins d'Espagne. À la suite d'une vision, le jeune Berger Estienne de Cloyes-sur-le-Loir rassemble des pèlerins et les mène vers Saint-Denis pour y rencontrer le roi Philippe Auguste. À la même époque, d'autres groupes partent de Germanie et se rendent vers les ports de Gênes et de Marseille. Les chroniqueurs mentionnent que certains réussirent à embarquer et qu'ils sont vendus comme esclaves ou bien meurent de faim pendant le voyage. Certains réussissent à gagner Rome. L'empereur Frédéric II fait pendre quelques-uns des trafiquants marseillais compromis dans l'affaire. Malgré un nom (croisade des enfants) qui vient de traductions incertaines et de documents tardifs, ce mouvement affecte peu de véritables enfants ; les participants sont surtout de pauvres gens désireux de donner une leçon aux chrétiens plus favorisés, chez qui l'idée de croisade s'émoussait[70].
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+ Dans le même temps, Innocent III essaie de convaincre le sultan d'Égypte de restituer Jérusalem aux chrétiens, pour que la paix s'installe entre musulmans et chrétiens. La construction d'une forteresse musulmane sur le mont Thabor, bloquant Acre, le décide à prêcher la croisade[30] au quatrième concile de Latran en 1215. Les armées de la Hongrie, de l'Autriche et de la Bavière s'attaquent d'abord à la forteresse du Mont-Thabor. Puis le 31 mai 1218, l'armée des croisés mouille sa flotte devant Damiette, port situé sur la grande branche oriental du Nil et gardant la route du Caire.
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+ Alors que la ville est assiégée, saint François d'Assise et un de ses disciples se présentent à l'armée musulmane. Ils sont arrêtés comme espions. Ils n'ont la vie sauve que grâce au sultan d'Égypte[71]. Après un long siège, les croisés s'emparent de Damiette le 5 novembre 1219. Après le saccage de la ville, le légat du pape Pélage Galvani les persuade d'attaquer Le Caire. Arrivés près de la ville de Mansourah, ils se retrouvent bloqués par les eaux du Nil que le sultan ayyoubide Al-Kâmil a laissé se répandre dans la plaine en ouvrant les digues de protection ; les croisés doivent capituler sans conditions. Avant de rembarquer, ils rétrocèdent Damiette.
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+ Lors de son couronnement à Aix-la-Chapelle en 1220, Frédéric II promet au pape de partir en croisade. Mais dans l'Empire, il doit faire face à la résistance des communes lombardes en 1225-1226 et tarde à accomplir son vœu. Entretemps, les croisés déjà arrivés en Orient, après avoir restauré quelques places fortes, commencent à repartir pour l'Occident. Or, la papauté cherche à desserrer l'étau que fait peser l'empereur du Saint-Empire sur ses États pontificaux en éloignant l'ambitieux souverain[72]. Frédéric est donc excommunié par Grégoire IX en 1227 pour ne pas avoir honoré sa promesse de lancer la sixième croisade. Il embarque à Brindisi pour la Syrie l'année suivante alors que son excommunication n'est pas levée. Sa brève croisade se termine en négociations et par un simulacre de bataille avec le sultan Malik Al-Kâmil « le Parfait », avec qui des liens d'amitié s'étaient tissés, et par un accord, le traité de Jaffa en 1229. Il récupère sans combattre les villes de Jérusalem (où le Temple restait aux musulmans), de Bethléem et de Nazareth. Il est ensuite couronné roi de Jérusalem le 18 mars 1229.
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+ Alors que Frédéric II est parti en Orient pour respecter sa promesse de se croiser, le pape lance contre lui une armée financée par une taxe sur les revenus du clergé et les reliquats des sommes prélevées pour la croisade des albigeois[60]. L'Orient latin est remis en selle pour une dizaine d'années.
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+ En 1237, une nouvelle croisade est lancée par le pape Grégoire IX. Cette « croisade des barons » est dirigée par le comte de Champagne, le duc de Bourgogne et Richard de Cornouailles. Elle poursuit la tradition des négociations avec les princes musulmans, en exploitant leurs rivalités. Le comte Richard obtient la restitution d'une grande partie du royaume de Jérusalem (1239-1241), complétant ainsi l'œuvre de Frédéric II[30].
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+ La situation reste confuse en Orient. Les Francs s'allient aux Syriens contre l’Égypte. Les Templiers attaquent l'Égypte en 1243, sont vaincus, et en 1244 les Khwarezmiens (bandes turcomanes au service des Égyptiens) reprennent Jérusalem. Le pape Innocent IV lance un nouvel appel à la croisade. Le roi de France, Louis IX (dit « Saint Louis »), et celui de Norvège décident de prendre la croix mais seul Louis IX part accompagné de barons anglais et du prince de Morée. Il part d'Aigues-Mortes en France et débarque à Chypre en 1248. L'armée croisée s'empare de Damiette en 1249 et entreprend la conquête de l'Égypte. Cette campagne est un lourd échec durant lequel Louis IX est capturé avec ses hommes en 1250[30]. Les succès de l'armée égyptienne, principalement composée des Mamelouks a pour conséquence l'arrivée au pouvoir de ces derniers qui massacrent les derniers ayyoubides.
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+ La captivité de Louis IX provoque la croisade des pastoureaux à l'initiative d'un certain Job, ou Jacob ou Jacques, moine hongrois de l'ordre de Cîteaux qui prétend avoir reçu de la Vierge Marie une lettre affirmant que les puissants, les riches et les orgueilleux ne pourront jamais reprendre Jérusalem, mais que seuls y parviendront les pauvres, les humbles, les bergers, dont il doit être le guide, un peu dans l'esprit de la précédente « croisades des enfants ».
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+ Des milliers de bergers et de paysans prennent la croix, et marchent vers Paris, armés de haches, de couteaux et de bâtons. Sur la route, les pastoureaux accusent abbés et prélats de cupidité et d'orgueil, et s'en prennent même à la chevalerie, accusée de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade. Les juifs sont molestés et certains tués[73]. Des villes sont pillées. Il s'ensuit une féroce répression et seuls quelques rescapés parviennent jusqu'à Marseille et s'embarquent pour Saint-Jean-d'Acre, où ils rejoignent les croisés.
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+ Pour être libérés, les prisonniers du sultan d'Égypte doivent verser une lourde rançon et abandonner Damiette. Louis IX séjourne ensuite plusieurs années en Terre sainte pour mettre en état de défense les territoires conservés par les Francs. Dans le même temps, il noue des relations diplomatiques avec le successeur de Gengis Khan, Kubilaï, croyant à l'intérêt d'une alliance pouvant prendre l'Islam à revers[74].
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+ Louis IX négocie des trêves avec les princes musulmans avant de repartir pour la France en 1254. Cette conciliation est de courte durée. Les États latins d'Orient sont de nouveau menacés par les Égyptiens.
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+ Urbain IV appelle à une huitième croisade. Les croisés partent de 1265 à 1272. Ils consacrent leurs efforts à aider les Francs d'Acre à d��fendre leurs dernières places. Pour Louis IX, cette huitième croisade est un pèlerinage expiatoire. Il se dirige vers Tunis car il espère convertir au christianisme l'émir hafside al-Mustansir et, peut-être, faire de la Tunisie une base d'attaque vers l'Égypte mamelouke qui contrôle alors la Terre sainte. Il apparaît très vite que l'émir n'a aucune intention de se convertir. La dysenterie (ou le typhus) fait des ravages dans les troupes. Louis IX, touché à son tour, meurt, le 25 août 1270 à Carthage[75]. En Orient, Édouard d'Angleterre parvient à amener le sultan à accorder une nouvelle trêve aux Latins.
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+ Le deuxième concile de Lyon, présidé par Grégoire X en 1274 décide d'une nouvelle croisade. Mais les hésitations des princes et les lenteurs de la préparation font qu'elle n'a jamais eu lieu. Après la chute de Tripoli en 1289, Nicolas IV proclame une autre croisade. Mais elle échoue à sauver Acre en 1291[30]. À partir de cette date, il n'y a plus d'États latins en Orient. Les Latins sont ainsi privés d'une base commerciale importante.
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+ L'initiative de la croisade revient le plus souvent au pape, plus rarement à un souverain. Ainsi en 1267, Louis IX se croise de lui-même après en avoir informé le pape[76]. Le pape prêche lui-même la croisade ou en confie la prédication à des clercs autorisés. Au XIIe siècle, il faut souvent freiner l'ardeur des prédicateurs populaires à l'origine de nombreux excès. De la IIe à la IVe croisade, la prédication de la croisade est confiée à l'ordre cistercien.
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+ Le pèlerin reçoit des privilèges spirituels et matériels constituant le statut du croisé. Lors de la première croisade, Urbain II promet à celui qui meurt en chemin ou au combat la rémission des péchés, à ceux qui accomplissent le vœu de croisade l'indulgence plénière[77].
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+ Au IVe siècle, saint Augustin avait exprimé une théorie de la « juste guerre » à laquelle l'Église s'était ralliée. Au IXe siècle, les papes s'étaient efforcés de créer les « milices du Christ » pour protéger Rome, menacée par la seconde vague d'invasions[78]. Le pape Jean VIII accordait même l'absolution à ceux qui étaient prêts à mourir pour la défense des chrétiens contre les Sarrasins en Italie. À partir de la fin du Xe siècle, l'Église s'efforça de christianiser les mœurs guerrières des chevaliers en leur proposant entre autres de combattre les Sarrasins aux frontières de la chrétienté, en Espagne.
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+ En 1063, dans une lettre envoyée à l'archevêque de Narbonne, le pape écrivit que ce n'était pas un péché de verser le sang des infidèles[79]. Ce document innovait en affirmant que prendre part à une guerre utile à l'Église était une pénitence comme l'aumône ou un pèlerinage[80]. Le succès n'avait pas été au rendez-vous, mais l'Église autorisait, voire encourageait désormais la défense armée globale des chrétiens contre les attaques des musulmans[81], et y autorisait la participation des chevaliers francs. Les royaumes frontières étaient devenus les vassaux du Saint-Siège, atout important dans la lutte des papes contre le Saint-Empire romain germanique[82].
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+ À partir d'Innocent III, les canonistes élaborent une doctrine cohérente de la croisade. Ils justifient ainsi la guerre sainte, pourtant contraire au message évangélique, en arguant que les infidèles ont occupé la Terre consacrée par la mort du Christ et maltraité des chrétiens. La guerre de conquête et les conversions forcées sont justifiées par l'impossibilité qu'ont les missionnaires chrétiens de propager la parole de Dieu en terre musulmane. Il faut donc la conquérir pour pouvoir annoncer l'Évangile. Les canonistes fixent aussi une hiérarchie des indulgences suivant le temps passé en Terre sainte : deux ans pour une indulgence plénière[83]. Avec le quatrième concile du Latran, l'indulgence plénière est étendue à ceux qui contribuent à la construction de bateaux pour la croisade alors que jusque-là seuls les combattants en bénéficiaient. C'est un appel direct aux armateurs de villes italiennes[30]. Les décisions ont comme but d'associer toute la chrétienté à l'idéal des croisades et non pas seulement les combattants. Il suffit pour cela d'aider financièrement à l'organisation de la cinquième croisade[84]. En proposant à tous les fidèles de participer à la croisade par la prière, le don ou le combat, le pape inaugure la spiritualisation de la croisade.
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+ La bulle quantum praedecessores stipule que le croisé, sa famille et ses biens sont placés sous la protection de l'Église. Il est pendant son voyage exempté de taxes, d'aide, de péages. Le paiement de ses dettes est suspendu jusqu'à son retour[85]. Le pouvoir civil proteste contre cet empiétement de l'Église qui le prive de soldats et de revenus. D'ailleurs dès la première croisade, Urbain II précise que le vassal doit obtenir l'aval de son seigneur afin de diminuer les conflits. Après l'échec de la IIe croisade, le statut de croisé est le plus souvent attribué à des hommes en armes. Au XIIIe siècle, la croix est donnée à des femmes, des enfants, des vieillards qui doivent alors racheter leur vœu[86].
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+ Le financement varie lui aussi avec le temps. Lors de la première croisade, les croisés doivent financer eux-mêmes leur voyage. Beaucoup gagent des terres auprès des ordres monastiques dont les propriétés foncières augmentent. Là encore, il s'agit d'une entorse au droit féodal car en théorie le fief ne peut revenir qu'au seigneur. Au cours du XIIe siècle, le seigneur en vient à exiger l'aide de ses vassaux. Les rois de France lèvent des contributions en 1166, 1183 et 1185, un ou deux deniers par livre de biens pour la défense des terres franques en Orient. La dîme saladine de 1188 est le véritable premier impôt levé sur les biens meubles et les revenus en France et en Angleterre.
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+ De son côté l'Église passe de la collecte des dons à la taxation. C'est Innocent III qui impose pour la première fois le clergé. En 1199, il décide de prélever un quarantième des revenus de l'ensemble du clergé et un dixième pour les cardinaux, d'où le nom de décimes[87]. Le quatrième concile du Latran, qu'il préside, décide par ailleurs de frapper les revenus ecclésiastiques d'un impôt d'un vingtième et les biens du pape et des cardinaux d'un impôt d'un dixième[88]. La décime devient courante au XIIIe siècle. Elle entraîne la création d'une administration financière spécialisée. Ce sont les légats qui en contrôlent la levée, ainsi que les autres ressources : legs, rachat de vœux, dons assortis d'une indulgence proportionnelle[89].
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+ Si dans l'ensemble, les sommes sont consacrées à la croisade, toutefois il y a parfois des détournements. Le reliquat de la décime versée par le clergé français pour la croisade des Albigeois est même utilisé pour mener la guerre contre Frédéric II. Ce « détournement » affaiblit la cause de la croisade.
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+ Lors des deux premières croisades, les croisés empruntent la route terrestre et traversent l'Empire byzantin. L'empereur s'engage à assurer des marchés approvisionnés le long du parcours[90]. En terre byzantine, les croisés connaissent des problèmes de change, les changeurs byzantins leur proposant des taux défavorables. Lors de la traversée de l'Anatolie, il faut prévoir vingt jours de vivres. Mais les attaques des Turcs et le manque d'eau provoquent des pertes considérables parmi les bêtes et les hommes. De ce fait lors de la troisième croisade, deux des trois souverains choisissent la voie maritime.
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+ La route maritime est ancienne. Dès la fin du XIe siècle, les pèlerins scandinaves et anglais gagnaient la Terre sainte en contournant la péninsule Ibérique. D'ailleurs le seul succès de la deuxième croisade a été la prise de Lisbonne par des croisés anglais et flamands. Au XIIe siècle, Gênes, Pise puis Venise commencent à ravitailler les États latins et ceci dès la fin de la première croisade. Les cités maritimes italiennes aident à la prise de ports[91]. Elles transportent régulièrement des pèlerins. Lors de la IIIe croisade, Gênes s'engage à assurer le passage de six cent cinquante chevaliers, mille trois cents écuyers, autant de chevaux et le ravitaillement pour le compte de Philippe Auguste. Au XIIIe siècle, les accords entre les ports italiens et les croisés portent plutôt sur la location de bateaux[92].
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+ Les croisades permettent le développement de l'activité commerciale des cités italiennes. En échange de l'aide de Gênes, les barons francs attribuent aux Génois une part de butin, un quartier ou fondouk, l'exemption des taxes dans les villes conquises. Outre au transport et au ravitaillement des États latins, les comptoirs servent de support aux importations en Occident des produits de luxe de l'Orient comme les épices, aux exportations en Orient de draps de laine, d'armes, de bois et de fer. L'Orient devient ainsi le champ des rivalités entre Gênes et Venise. Après la quatrième croisade et la prise de Constantinople par les croisés, Gênes est exclue des terres byzantines. La cité offre donc son appui à Michel VIII Paléologue qui, redevenu maître de Constantinople, donne à ses alliés le monopole du commerce en mer Noire[93].
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+ Afin d'éviter d'avoir à changer leur monnaie à un taux désavantageux, les croisés utilisent un système d'escompte. Les Templiers versent en Syrie l'argent dont Louis VII a besoin et se font rembourser à Paris. Les croisades permettent ainsi de développer les activités bancaires[94].
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+ Dès l'origine de la croisade, l'expédition est une entreprise féodale réservée à la chevalerie. L'accomplissement du vœu de croix devient une étape indispensable à la formation du parfait chevalier. Dans l'imaginaire chevaleresque, le christ devient le parfait seigneur pour lequel on peut se sacrifier. Le chevalier croisé est donc un miles christi, « chevalier du Christ ». Les chroniqueurs comparent les croisés au peuple élu qui écrit une nouvelle histoire sainte[95]. Les prédicateurs n'hésitent pas non plus à parler des richesses qui attendent les croisés en Terre sainte. Ils parlent d'une terre riche et fertile qui comblera leurs espérances[96].
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+ De grandes figures épiques rentreront à cette occasion dans la mémoire collective, comme Godefroi de Bouillon, Richard Cœur de Lion ou encore Saint-Louis.
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+ Le fait que des milliers d'hommes et de femmes se soient mis en mouvement et aient accepté de braver le danger et la souffrance pour l'amour de Dieu est la preuve que les masses humaines de la fin du XIe siècle étaient très réceptives à la promesse de l'indulgence plénière mais surtout à l'espoir que la récupération du Saint-Sépulcre serait le début d'une ère nouvelle dans l'histoire de l'Église et du monde[97]. L'attente eschatologique et millénariste est très forte dans le peuple. Empêcher la venue de l'Antéchrist, hâter la parousie font partie de ses préoccupations. Ceux qui ont répondu à l'appel de la croisade, sont aussi convaincus que Dieu leur a assigné une tâche : libérer les lieux saints et purifier le monde du mal afin de préparer son retour[25]. Les armes de la victoire sont pour ces masses, la pénitence symbolisée par la croix cousue sur le vêtement, les jeûnes, les prières, les processions, d'où les nombreuses mortifications que s'infligent les pèlerins. Les croisades révèlent pour la première fois en Occident l'existence d'une spiritualité populaire tournée vers l'action, moyen de gagner le salut[98].
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+ Dans les milieux populaires, la croisade fait appel au merveilleux. Les foules voient des signes et des prodiges manifestant la volonté divine au moment des prédications, ce qui les entraîne à partir. Des rumeurs circulent sur les croix marquées dans la chair des croisés morts ou vivants. Ces « prodiges » sont accompagnés de prophéties et entretiennent l'idée que la fin du monde approche. L'attente de la parousie se colore de légendes politiques. Le roi des derniers jours prendra sa couronne sur le Golgotha et sera un Franc[99]. De même, la soumission du « roi des Grecs » est dans toutes les traditions, le prélude au retour d'un âge d'or. La foule cherche aussi à imposer l'idéal de pauvreté et de pénitence aux grands notamment lors de la première croisade[100]. Les attentes millénaristes ont pour corollaire le fanatisme et la violence contre les juifs et les musulmans. Les millénaristes « tendent à faire table rase du groupe des autres »[101]. Les croisades répondent ainsi à l'attente des fidèles aspirant à un salut qui semble difficile à atteindre dans la vie quotidienne[102].
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+ Les croisades contribuent à éloigner les chrétiens des musulmans mais surtout les catholiques des orthodoxes[103]. Après les croisades, les catholiques ne peuvent plus, durant cinq siècles, faire le pèlerinage de Jérusalem. Principalement, les croisades ont permis une propagation des connaissances de l'Orient vers l'Occident[103]. Elles ont aussi permis à l'Occident de créer des comptoirs de commerce en Orient, qui ont pris en mains une partie du commerce entre l'Europe et l'Orient, jusque-là monopole oriental. Venise a atteint son but. L'Europe a conservé des croisades un profit économique dont les musulmans n'ont pas vu l'importance.
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+ Il apparaît toutefois exagéré de parler de colonialisme même sous une forme embryonnaire ; tout au plus peut-on tirer des parallèles avec la colonisation puisque les croisés s'installent en nombre et durablement sur de nouveaux territoires, mais sans toutefois entretenir un rapport de domination exercée depuis une métropole européenne[104].
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+ L'idée de croisade est « encore vivante au début des Temps modernes, sous Charles Quint et à la bataille de Lépante, et encore lors du siège de Vienne en 1683 »[105].
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+ Un certain nombre d’adaptations visent à limiter l’échauffement au soleil : plusieurs auteurs signalent de nombreuses morts dues à l’insolation. Le heaume est souvent remplacé par le chapel de fer, le long haubert par une cotte de maille plus courte, le haubergeon, ou par le gambison (vêtement rembourré porté sous la cotte de maille, pour amortir les chocs). De même, des housses couvrent les armures et les chevaux, pour limiter l’échauffement au soleil. Les chevaux turcomans sont aussi achetés (ou volés) en grand nombre, pour remplacer les chevaux tués au combat ou morts. L’armement local, d’excellente qualité (les armuriers de Damas avaient excellente réputation), sert aussi pour remplacer les armes que les combattants européens ont perdues ou cassées.
220
+ De façon plus large, l’emploi de la masse turque, qui permet de défoncer les pièces d’armure, se généralise en Europe après les croisades. Elle entraîne l’abandon du heaume à sommet plat, remplacé par les casques bombés, déviant les coups.
221
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+ Les principales adaptations militaires sont situées toutefois dans la tactique. L’efficacité meurtrière des archers montés, qui souvent visent les chevaux des Francs, pousse à une remise en cause du combat fondé sur la recherche du choc frontal. Le recours plus fréquent à l’infanterie, protégeant les chevaux derrière de longs boucliers, et aux archers et surtout aux arbalétriers, plus puissants et précis que les archers, permet de rivaliser avec les cavaliers musulmans. Des unités d’arbalétriers montés sont aussi créées, ainsi que des unités de cavalerie légère indigène, les turcopoles, très utiles aussi pour le renseignement.
223
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+ Mais la tactique favorite, la charge massive créant la rupture de l’armée ennemie, n’est pas abandonnée, et l’armement lourd non plus. D’une part, les habitudes et les dépenses lourdes dans cet armement font qu’il était difficile de les abandonner. D’autre part, l’armement lourd assure une supériorité certaine à des combattants chrétiens le plus souvent en infériorité numérique. Enfin, en choisissant le moment du combat pour que les combattants n’attendent pas en armes sous le soleil, et pour que le combat soit bref, les Européens ont parfois d’excellents résultats[106].
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+ Pour soutenir la cause de la défense de la Terre sainte, les premiers ordres de moines-soldats sont fondés, comme les Templiers ou les Hospitaliers, mêlant à l'instinct hospitalier ou guerrier l'idéal monastique. Les premiers ordres, français et espagnols, sont constitués en communautés, ascétisme et prière purifiant l'épée destinée à défendre le pèlerin et à pourfendre le « païen », l'identifiant au glaive de l'archange saint Michel transperçant le dragon. Au XIVe siècle, alors qu'il n'y a plus de croisades en Terre sainte de nombreux nouveaux ordres apparaissent, toujours dotés d'un idéal de sacrifice et de pureté, toujours voués à la prière et à la mortification. Mais les mortifications sont dédiées à une dame plus souvent qu'à Dieu, fêtes et tournois prennent le pas sur la prière. Le crépuscule du Moyen Âge transforme les ordres de chevalerie en cercles aristocratiques où s'élabore un art de vivre, un langage allégorique, une imagerie littéraire ou graphique qui transpose dans l'illusion la geste chevaleresque[69].
227
+
228
+ Bien que dirigées contre les musulmans, les croisades ont été contraires aux intérêts de l'Empire byzantin[107]. Les troupes qui traversent l'Empire byzantin commettent d'inévitables excès de par leur taille[107]. Il arrive ainsi que les Normands profitent des croisades pour attaquer l'Empire. Les mesures prises par les empereurs pour protéger l'Empire des croisés (surveillance des troupes latines, alliance avec les Turcs…) entraînent une grande méfiance vis-à-vis de Byzance et un sentiment de trahison. Alexis Comnène est traité de perfide et de traitre. La propagande normande amplifie le thème de la perfidie grecque qui devient un lieu commun et une explication aux échecs des croisés[108]. Elle légitime la prise de Constantinople en 1204. Pour les Byzantins, cet événement fait définitivement des croisades un acte de piraterie dont le but religieux n'est qu'une façade.
229
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230
+ La notion de croisade ou de guerre sainte est incompréhensible pour les Byzantins. Les guerres sont pour eux uniquement des actes politiques. L'Église orthodoxe est hostile à l'emploi des armes par les laïcs[Quoi ?] et encore plus par les clercs. Les Byzantins sont donc indignés de voir, parfois, des prêtres latins participer personnellement aux combats[109]. Malgré ces différences au XIIe siècle, pour la plupart des Latins, les Byzantins sont des frères chrétiens. La conscience du schisme ne dépasse guère les milieux ecclésiastiques. Ce sont finalement les événements de 1204 qui creusent réellement et définitivement la séparation entre catholiques et orthodoxes. La haine du Latin devient plus forte que celle du Turc[110].
231
+
232
+ À la fin du XIe siècle, le djihad a perdu sa force d'attraction parmi les musulmans. L'Occident latin est entré dans une phase de reconquête aux dépens de l'Islam. De même que les musulmans reconnaissent les communautés juive et chrétienne, les États chrétiens d'Orient et la Sicile accordent aux musulmans des institutions propres et une certaine liberté de culte. Aux excès des premiers croisés — un trait classique de tout assaut quels que soient les assaillants — a donc succédé une cohabitation acceptable et tout à fait comparable à la pratique musulmane[111].
233
+
234
+ Les musulmans de l'époque ne perçoivent pas le motif religieux de la croisade et celle-ci tient peu de place dans les ouvrages des chroniqueurs arabes mis à part ceux originaires des pays voisins des Francs comme Ibn al-Athîr [112]. L'opinion publique des pays menacés ou lésés uniquement, en premier lieu la Syrie du Nord, est réellement hostile aux croisés[113]. De fait, les croisades n'ont pas provoqué de « contre-croisades ». Ainsi le regain d'intérêt pour la guerre sainte, le djihad, ne sert surtout qu'à rassembler la Djazira, la Syrie, l'Égypte, les Arabes et les Kurdes ainsi que d'éliminer les Chiites[113].
235
+
236
+ En revanche, l'établissement d'un État militaire en Égypte dans la seconde partie du XIIIe��siècle peut être considéré comme une conséquence directe des croisades. Cet État est très intolérant envers les dhimmis (juifs et chrétiens) car il craint une alliance à revers entre eux et la puissance mongole en pleine expansion[113].
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+
238
+ Les croisades n'ont pas favorisé la connaissance réciproque des deux civilisations. Des contacts plus enrichissants se sont noués en Espagne, en Sicile et à Constantinople après 1204. Comme toute propagande, celle des croisades est plutôt négative. Les musulmans sont accusés à cette occasion d'idolâtrie, d'immoralité et même de louer et justifier la violence, alors que les chrétiens eux-mêmes faisaient l'apologie de la guerre pour rassembler et recruter des chevaliers sous la bannière du Christ. Les croisades ont été l'occasion pour les chrétiens occidentaux d'être confrontés à une masse de non-chrétiens[114]. Les disputations religieuses sont rares. Les conversions religieuses vers le christianisme se sont rarement faites sous la contrainte[23]. Le missionnaire Ricoldo loue l'hospitalité des musulmans[115].
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+ 18 janvier 1871 – 9 novembre 1918(47 ans, 9 mois et 22 jours)
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+ L'Empire allemand (en allemand : Deutsches Kaiserreich, également dénommé Reich allemand) est le régime politique de l'Allemagne de 1871 à 1918. État-nation historique de l'Allemagne[1], l'Empire allemand est une monarchie parlementaire autoritaire avec une organisation territoriale fédérale.
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+ Ce régime suit la dissolution de la Confédération germanique (1815-1866). Après la constitution de la confédération de l'Allemagne du Nord (1867-1871), l'Empire allemand est l'aboutissement de la formation d'un régime impérial dominé par le royaume de Prusse et la maison de Hohenzollern, et indépendant de l'Autriche. C'est la solution petite-allemande (Kleindeutsche Lösung) qui parachève l'unité allemande. Le roi de Prusse Guillaume Ier est proclamé Kaiser dans la galerie des Glaces du château de Versailles le 18 janvier 1871, après la victoire de l'Allemagne contre la France de Napoléon III à l'issue de la guerre franco-prussienne. La date de proclamation, le 18 janvier, choisie personnellement par le roi Guillaume Ier, est le jour-anniversaire du premier couronnement, celui de l'électeur Frédéric III de Brandebourg, couronné « roi en Prusse » en 1701[2].
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+ Sur le plan politique, économique et social, l'Allemagne impériale est marquée par le développement d'une industrie de pointe, elle passe d'un État rural à un État industrialisé, le système politique très décentralisé laisse la place à un ensemble avec une forte concentration des pouvoirs. Le secteur tertiaire se développe, le commerce et la finance prennent une place plus importante. Les réparations de guerre de la France encouragent ce développement, qui sera toutefois temporairement ralenti par le krach de 1873. La place de l'artisanat et de l'agriculture baisse dans le calcul du PIB. Les changements sociaux principaux de cette période sont l'exode rural, l'urbanisation et la croissance démographique. Cependant, la noblesse garde son prestige et sa mainmise dans la diplomatie, l'armée, la politique et la haute administration[3].
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+ Le développement des politiques intérieure et extérieure se fait sous l'impulsion du chancelier impérial Otto von Bismarck jusqu'en 1890. Cette période est considérée comme une phase relativement libérale du régime : des réformes intérieures sont menées, le Kulturkampf (le combat pour un idéal de société) permet une indépendance de l'Allemagne vis-à-vis des autorités religieuses catholiques, malgré un tournant conservateur en 1878-1879 avec notamment l'adoption de lois antisocialistes. L’État reste interventionniste et met en place des mesures de protectionnisme économique et un système de sécurité sociale. Dans le domaine de la politique internationale, Bismarck met en place un système complexe d'alliances avec les États voisins afin de maintenir l'Empire allemand en position de force face à la France.
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+ En 1890, Bismarck est contraint à la démission. Le nouveau Kaiser Guillaume II mène un règne plus personnel, même s'il reste sous l'influence d'autres personnalités. Ses décisions prennent parfois une tournure incohérente ou imprévisible. Cette période est appelée fréquemment « ère wilhelminienne ».
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+ La montée d'organisations et de partis de masse ainsi que l'importance croissante de la presse renforce le poids de ces derniers dans l'opinion publique. En réaction, le gouvernement mène une politique d'expansion coloniale et d'armement de la flotte très populaires pour compenser des politiques générales anti-sociales-démocrates. L'Allemagne renforce sa domination maritime et devient une puissance rivale des autres puissances coloniales dans le partage du monde, notamment avec le Royaume-Uni. Mais elle reste isolée, ce qui n'éloigne donc pas le risque d'une guerre. Le jeu d'alliances dessert la stabilité de l'Europe en 1914. Première puissance militaire européenne, l'Empire allemand, contraint de gérer simultanément plusieurs fronts, est vaincu en 1918 et perd le soutien de la population.
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+ L'Empire allemand prend fin le 9 novembre 1918, par l'abdication de l'empereur Guillaume II et la proclamation de la république de Weimar, deux jours avant l'armistice qui met fin à la Première Guerre mondiale.
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+ En allemand, « Deutsches Reich », traduit en français par Empire allemand ou par Empire germanique[4] peut renvoyer :
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+ Aujourd'hui, si le terme « Reich » évoque pour la plupart des personnes le Troisième Reich, il sert tout autant dans la littérature historique à désigner l'Empire allemand. Sans précisions supplémentaires, « Empire allemand » désigne le régime politique de l'Allemagne de 1871 à 1918.
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+ Pour désigner l'Allemagne de la période de 1871 à 1918 sous ses aspects culturels et sociaux, le terme d’Allemagne wilhelminienne est également utilisé, ce en référence aux noms des empereurs Guillaume Ier (en allemand : « Wilhelm I. ») et Guillaume II (« Wilhelm II. »), deux des trois empereurs de cette période[b].
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+ La fondation de l'Empire allemand (deutsche Reichsgründung) est effective le 1er janvier 1871[5],[6],[7], avec l'entrée en vigueur[8] de la constitution provisoire publiée la veille[9].
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+ Le rapport entre la Confédération de l'Allemagne du Nord et l'Empire allemand est le sujet d'une controverse doctrinale opposant les défenseurs de la « continuité » (Rechtskontinuität) d'un même État à ceux de la « succession » (Rechtsnachfolge) de deux États[10].
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+
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+ L'Empire allemand résulte d'une extension de la confédération de l'Allemagne du Nord, mise en place en 1867 après la paix de Prague et dont la constitution est légèrement remaniée afin à la fois d'incorporer les États allemands du Sud du Main, mais aussi de donner une forme explicitement monarchique à la Confédération[11].
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+ Par les traités dits de novembre, les royaumes de Bavière et de Wurtemberg ainsi que les grands-duchés de Bade et, pour la partie située au sud du Main, de Hesse, adhèrent à la Confédération. Le traité entre la confédération de l'Allemagne du Nord, le grand-duché de Bade et celui de Hesse, est signé à Versailles le 15 novembre 1870, le traité de Berlin du 25 novembre 1870, le traité de Versailles du 23 novembre 1870.
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+ Le 18 janvier 1871, « le jour le plus triste de ma vie », selon le mot du futur empereur[12], l’Empire allemand est proclamé dans la galerie des Glaces du château de Versailles, à la faveur de la défaite de la France. Guillaume Ier, roi de Prusse, devient empereur allemand. La date choisie est symbolique puisqu'elle correspond au 170e anniversaire du couronnement de Frédéric Ier comme roi en Prusse, le 18 janvier 1701.
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+ On appelle « période de fondation » (Gründerzeit) la période correspondant au règne de Guillaume Ier, jusqu’en 1888, et au mandat d’Otto von Bismarck comme chancelier impérial.
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+ Dès sa création, l’Empire est marqué par des crises graves. Bismarck voit un peu partout des ennemis du nouveau régime : les catholiques regroupés dans le parti du Zentrum et contre lequel il mène le Kulturkampf ; les Polonais de la province de Posnanie ; les Français d’Alsace-Lorraine ; la Légion guelfe (en) du Hanovre ; les socialistes qui se forment en Parti social-démocrate (SPD). Après deux attentats contre l’empereur en 1878 commis par des individus agissant seuls, Bismarck fait voter par les conservateurs et les libéraux du Reichstag, le 18 octobre 1878, une loi qui interdit les associations socialistes, social-démocrates ou communistes visant le « renversement de l’autorité de l’État ou de l’ordre social établis », ainsi que leurs journaux, leurs rassemblements et leurs membres qui sont menacés d’exil.
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+ En même temps, Bismarck mène une politique sociale visant à apaiser certaines revendications sociales et à diminuer l’audience de la social-démocratie : le 15 juin 1883, la loi sur l’assurance maladie est adoptée, puis en 1889 celle sur l'invalidité et la vieillesse[13]
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+ Le 9 mars 1888, Guillaume Ier meurt à l’âge de 90 ans. Son fils Frédéric III, déjà atteint d’une maladie incurable, lui succède sur le trône et meurt après 99 jours de règne le 15 juin. Son successeur, Guillaume II, âgé de 29 ans et petit-fils de Guillaume Ier, accède alors au trône. On appellera cette année « l’année des Trois Empereurs ». Le règne de Guillaume II est marqué par la primauté de l’empereur dans la politique (wilhelminisme), notamment en politique extérieure où la prudence bismarckienne cède le pas à la Weltpolitik.
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+ Le 18 mars 1890, Bismarck soumet une demande de mise en congé à l’empereur en raison du conflit qui les oppose en politique extérieure. Deux jours plus tard, le 20 mars 1890, il est démis de ses fonctions de chancelier impérial et de ministre-président de la Prusse, et le général Leo von Caprivi lui succède.
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+ Le chancelier Caprivi ne prolonge pas la loi antisocialiste.
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+ Dans les dernières semaines du régime, le parlementarisme sera instauré par la réforme d'octobre 1918.
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+ Deux jours avant la fin des hostilités de la Première Guerre mondiale, la « révolution de Novembre » provoque la chute du régime impérial. Le 9 novembre 1918, le chancelier Maximilian von Baden, après avoir décrété l’abdication de l’empereur Guillaume II et la renonciation au trône du prince héritier Wilhelm (techniquement, Guillaume III), démissionne et transmet ses pouvoirs à Friedrich Ebert, chef des sociaux-démocrates majoritaires. Le même jour, la république est proclamée par Philipp Scheidemann et la république socialiste par Karl Liebknecht.
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+ Le drapeau de l'Empire allemand est également celui de la confédération d'Allemagne du Nord. Il unit les couleurs de la Prusse (le noir et le blanc, originellement les couleurs de l'Ordre Teutonique) et de la Ligue hanséatique (le rouge et le blanc, originellement les couleurs du Saint-Empire romain germanique et du drapeau du Christ).
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+ Le tricolore horizontal noir, blanc et rouge correspondait à la « politique de fer et de sang » du chancelier Otto von Bismarck.
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+ Lors de la proclamation de l'Empire allemand, on vit le développement de nombreux drapeaux basés sur le tricolore noir, blanc et rouge, notamment des pavillons maritimes, des drapeaux coloniaux, des drapeaux officiels, des bannières royales et impériales.
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+ Après avoir cherché à résoudre les profondes divergences d'opinion du public sur la question du drapeau, on en vint à un compromis, qui essayait d'exprimer des différences politiques inconciliables à l'aide de symboles communs. Le drapeau civil adopté fut le tricolore noir, blanc et rouge ; le drapeau d'État était le même, avec les armes de l'Empire au centre. Ces armes étaient constituées de l'aigle noir traditionnel avec des attributs rouges dans un écusson d'or.
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+ Les bannières personnelles de la famille impériale avec le champ jaune d'or, les croix noires et l'écu médiéval au centre étaient utilisées lors des grandes occasions ou des déplacements impériaux (comme la visite de Guillaume II à Damas).
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+ Inspiré du modèle de drapeau prussien, l'Empire allemand met la croix de fer sur certains de ses drapeaux, dont le drapeau de l'empereur, celui de l'État et celui de l'Armée. Sur le drapeau de l'empereur, on peut voir la croix avec, en son centre, le blason de l'Empire et, sur ses extrémités, la devise allemande : Gott mit uns (« Dieu est avec nous »). Le drapeau de l'Armée, ayant une croix traversante noire, tirant un peu vers la droite, et ayant en son centre un cercle dans lequel se trouve l'aigle impérial, a la croix de fer dans un canton aux couleurs nationales.
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+ Drapeau national et drapeau du commerce allemand.
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+ Étendard de l´empereur.
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+ Drapeau de guerre de la Marine impériale allemande.
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+ Pavillon de beaupré des navires de guerre de Marine impériale allemande.
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+ Drapeau de service d'État pour la Marine impériale allemande.
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ En 1900, le Reich couvrait une superficie de 540 667 km2. Il occupait le Nord et l’Ouest de l’Europe centrale, entre la mer (mer du Nord et mer Baltique) et les Alpes, entre les Vosges et le Niémen à l’Est. Il était entouré au Nord par le Danemark, à l’Est par la Russie, à l’Ouest par les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et la France, et au Sud par la Suisse et l’Autriche-Hongrie.
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+
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+ Par sa superficie, l'Empire allemand était le troisième des États européens après la Russie et l’Autriche-Hongrie (la France, amputée de l'Alsace-Lorraine, n'a plus quant à elle qu'une superficie de 530 000 km2). Mais, contrairement à la Russie, l'Allemagne avait un bon climat et une bonne gestion de son territoire et, contrairement à l'Autriche-Hongrie, l'Allemagne se trouvait sur le plateau central européen et disposait de nombreux accès maritimes.
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+
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+ Sa position au centre est un avantage autant qu'un inconvénient. Le Reich est au carrefour des flux commerciaux Ouest-Est. Il contrôle donc les flux de marchandises qui vont de Paris à Saint-Pétersbourg ou de Moscou à Amsterdam. Cependant, cette situation centrale révèle ses inconvénients lors de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne se trouvant encerclée par l'alliance franco-russe.
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+
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+ Le territoire fédéral comprend deux enclaves en Suisse : la commune badoise de Büsingen et le Verenahof de la commune badoise de Wiechs[14].
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+
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+ La capitale de l'Empire est Berlin, déjà capitale du royaume de Prusse. Le siège de la Cour des comptes de l'Empire (Rechnungshof des Deutschen Reiches) est à Potsdam[15] ; le siège du Tribunal de l'Empire (Reichsgericht) — cour suprême de l'ordre judiciaire qui succède, le 1er octobre 1879, au Tribunal supérieur de commerce de l'Empire (Reichsoberhandelsgericht) — est à Leipzig[15].
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+
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+ La construction politique voulue par Bismarck étend à la constitution de la confédération d'Allemagne du Nord aux États au sud de la rivière Main, garantissant aux États fédérés une certaine autonomie interne dans un cadre fédéral.
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+ L'Empire allemand est un « État-nation incomplet »[16] : il ne réalise l'unité allemande que dans le cadre de la solution petite-allemande (kleindeutsche Lösung)[16]. C'est un État fédéral[17],[18] asymétrique[19] et monarchique[20],[21] dont les vingt-cinq États membres sont[22], d'après les articles 1er et 6 de constitution du 16 avril 1871 :
94
+
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+ Ces États fédérés sont tous des monarchies, à l'exception des trois villes hanséatiques. Les 25 États de l'Empire allemand, présidé par un « empereur allemand », exercent sur leur territoire la souveraineté et leurs monarques sont les détenteurs de la puissance publique, reconnue par la constitution impériale[23].
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+
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+ Quelques auteurs — tels August von Bulmerincq (1822-1890) et Frédéric de Martens (1845-1909)[24] — ont soutenu que l'Empire allemand était une confédération d'États[25]. Un auteur isolé — Albert von Ruville (1855-1934) — a soutenu que l'Empire allemand était un État unitaire[24].
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+
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+ L'Alsace-Lorraine est dotée d'un statut particulier, la « région d'Empire » (Reichsland Elsaß-Lothringen), avant de devenir le 26e État fédéré, doté d'une constitution propre, à partir du 31 mai 1911.
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+ La constitution de l'Empire fait du roi de Prusse, président de la Confédération germanique, un empereur allemand en vertu de son article 11, dépositaire de la souveraineté dans le seul royaume de Prusse, chaque monarque, ou dans le cas des villes libres, chaque Sénat l'exerce sur son territoire[23].
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+ Le titre officiel d'Empereur allemand (deutscher Kaiser) est l'unique titre honorifique[26] que la constitution impériale du 16 avril 1871 confère au roi de Prusse[27], en tant que porteur (Träger) de la Couronne de Prusse[28]. C'est un titre de fonction (Amtstitel)[26]. Il a été établi à l'initiative du roi Louis II de Bavière[29]. Il a été substitué à trois titre que la constitution nord-allemande du 1er juillet 1867 distinguait[30] : celui de président (Präsidium) de la fédération[31], celui de généralissime (Bundesfeldherr) de l'armée de la fédération[32] et celui de commandant suprême de la marine militaire de la fédération[32].
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+ Le seul pouvoir réel dont dispose l'empereur est la nomination du chancelier fédéral, responsable devant lui seul ; de plus, roi dans un cadre constitutionnel, il dispose du pouvoir de convoquer ou de proroger le Reichstag et le Reichsrat, ainsi que de la possibilité de clore leur session, mais ne dispose pas de droit de veto pour les lois adoptées par les chambres du parlement ; il veille également à l'application des lois de l'Empire et au bon fonctionnement de l'administration impériale[23].
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+
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+ À ces prérogatives restreintes sur le plan intérieur, l'empereur ajoute un certain nombre de prérogatives sur le plan international, celui de déclarer la guerre[c],[23] de signer des traités de paix, ou de recevoir les ambassadeurs accrédités auprès de lui.
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+
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+ De même, chargé de la politique étrangère de la fédération, il exerce le commandement des forces armées de l'Empire[23].
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+
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+ Dépendant directement de l'empereur, le chancelier impérial est nommé directement par ce dernier. Irresponsable devant les chambres, il est cependant garant du bon fonctionnement des institutions, en tant que président du Bundesrat[33].
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+ Seul ministre reconnu par la constitution fédérale, le chancelier s'entoure rapidement de secrétaires d'États en nombre sans cesse croissant, des offices impériaux. On en compte deux en 1871, le Reichskanzleramt, chargé du Commerce, des Finances fédérales, de la Justice et des Postes, et l'Auswartiges Amt, chargé de la Politique étrangère de l'Empire. À partir de 1872, la chancellerie du Reich s'entoure de secrétaires d'État dans des domaines de plus en plus variés : Marine (1872), Chemins de fer (1873), Postes (1876-1880), Justice (1877), Intérieur, compétent également pour les Affaires économiques et sociales (1879), Trésor (1879) et Colonies (1906)[34].
114
+
115
+ La loi du 13 mars 1878 introduit des modifications dans l'édifice gouvernemental, permettant la création, en 1897, de services administratifs centraux, les Reichsämter ; ces derniers prennent rapidement la direction des affaires centrales, notamment la rédaction des lois soumises aux parlement[34]. À partir des années 1880, les chefs de ces Reichsämter siègent au cabinet prussien avec voix délibérative, permettant la prise en compte des intérêts de la Confédération dans la gestion gouvernementale du principal des États de l'Empire[35].
116
+
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+ Dans les faits, le chancelier exerce les fonctions de chancelier du royaume de Prusse, sauf entre 1892 et 1894, période durant laquelle Leo von Caprivi doit abandonner le ministère prussien[33]. Il s'appuie sur le cabinet prussien dans la préparation des lois impériales : pour la majeure partie d'entre elles, ces lois sont rédigées par le cabinet prussien[34].
118
+
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+ À côté du gouvernement, le parlement impérial vote les lois devant s'appliquer dans tout l'Empire. De ce fait, il constitue un autre facteur d'unité au sein du Reich confédéral[35].
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+ Cependant, ce calcul se révèle vite erroné, les parlementaires dans leur totalité se positionnant rapidement en faveur de l'extension des droits du parlement impérial[36].
122
+
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+ Composé de 397 membres, les membres du Reichstag sont élus pour trois, puis cinq ans après une loi d'Empire de 1888[35]. Les députés du Reichstag sont élus au suffrage universel uninominal à un tour, un second tour étant organisé en cas de ballottage[d],[35]. Au sein des États fédérés, les constitutions garantissent l'existence de chambre basse, mais les modalités de leur élection sont fixées par les constitutions de chacun des États : la composition de la chambre basse de chaque État peut ainsi ne pas se refléter dans la composition de la représentation envoyée par les électeurs de cet État au Reichstag[36].
124
+
125
+ Le parlement vote les lois de l'Empire ; il dispose également de la capacité d'amender les lois proposées par le chancelier fédéral. Aucun texte de loi ne pouvant être adopté sans l'accord du parlement, la chambre basse prend une importance de plus en plus grande dans le fonctionnement de l'Empire, dès la première législature, durant laquelle est transposé au cadre issu de la proclamation de l'Empire un certain nombre de dispositions adoptées par la Confédération d'Allemagne du Nord[36].
126
+
127
+ De plus, le parlement vote le budget annuel de l'Empire, à l'exception du budget dans le cadre d'une programmation pluriannuelle, d'abord quadriennale, puis septennale à partir de 1874, puis quinquennale à partir de 1893[37].
128
+
129
+ Dans l'Empire allemand, la religion constituait l'un des principaux repères culturels selon lesquels les individus et la collectivité interprétaient et ordonnaient leur vie et la réalité sociale. Or, les sciences modernes venaient désormais flanquer la religion et parfois s'y substituer. Leur importance croissante était en grande partie due à l'expansion fulgurante des universités. Aux dix-neuf universités déjà existantes en 1871 vinrent s'ajouter celles de Strasbourg, de Münster et de Francfort-sur-le-Main ainsi que 11 écoles techniques d'enseignement supérieur, issues des anciennes écoles polytechniques. Le nombre des enseignants et des étudiants connut une croissance encore plus marquée.
130
+
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+ L'orientation des sciences sur la recherche, caractéristique du monde universitaire allemand depuis la réforme de l'université entreprise au début du XIXe siècle par Wilhelm von Humboldt, se poursuivit sous de nouvelles formes avec la fondation en 1911 de la Société Kaiser-Wilhelm et la création de quatre instituts de recherche fondamentale. C'est ainsi que, notamment dans les domaines de la physique et de la chimie, des hommes de sciences allemands occupèrent dès 1900 une position de premier rang au niveau mondial. Max Planck (1858-1947), le père de la physique quantique, et Albert Einstein (1879-1955), avec sa théorie de la relativité, bousculèrent les fondements de l'espace, du temps et de la matière, ouvrant la voie à la cosmologie moderne. Le zoologue Ernst Haeckel (1834-1919) contribua beaucoup par ses écrits à la diffusion de la théorie de l'évolution. Georg Simmel (1858-1918) et Max Weber (1864-1920) donnèrent des impulsions déterminantes pour l'interprétation de la société moderne et posèrent les fondements de la sociologie allemande.
132
+
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+ Il reste néanmoins à noter que les antagonismes religieux entre catholiques et protestants ont contribué pour une part notable à la fragmentation de la société et du monde politique, entravant le développement d'une culture de la reconnaissance mutuelle et du compromis, si importante pour la mise en place d'une démocratie pluraliste[46].
134
+
135
+ L'Empire allemand avait une population de 56,3 millions d’habitants en 1900 et de 64,9 millions en 1910. Pourtant, le taux de natalité baisse : il passe de 35,6 pour mille en 1900 à 27,5 pour mille en 1913, tout comme la mortalité qui passe de 23 pour mille à 15 pour mille. La densité moyenne était de 120 habitants par km² contre 75,9 en 1871. La population est une population jeune : en 1910, 34 % des Allemands ont moins de 15 ans, alors que le quart seulement des Français appartient à cette tranche d'âge.
136
+
137
+ Les transformations économiques ont provoqué une véritable redistribution de la population. Ce sont surtout les régions rurales de l'Est et de l'Allemagne moyenne qui ont déversé leur trop-plein vers Berlin, la Rhénanie-Westphalie et les ports de la mer du Nord et de la mer Baltique.
138
+
139
+ Les migrations intérieures gonflent la population urbaine : 60 % des Allemands vivent, en 1910, dans des localités de plus de 2 000 habitants. Les 48 villes de plus de 100 000 habitants (dont Berlin, Hambourg, Brême, Munich, Dresde, Stettin, Rostock et Cologne) rassemblent le cinquième de la population totale.
140
+
141
+ L'expansion économique explique le ralentissement, de plus en plus marqué, de l'émigration. Le Reich devient même un pays d'immigration : les étrangers installés en Allemagne passent de 780 000 (1900) à 1 260 000 (1910). En 1910, les Polonais constituent presque la moitié des étrangers ; 800 000 travailleurs saisonniers, des Slaves surtout, viennent fournir la main-d'œuvre nécessaire aux junkers.
142
+
143
+ Berlin, qui était la capitale de la Prusse, devint capitale de la confédération d'Allemagne du Nord puis capitale de l'Empire allemand en 1871. La ville s'était déjà embellie aux XVIIe et XVIIIe siècles, notamment avec Charlottenburg, avec le palais de Potsdam, avec de nombreux parcs et autres embellissements. Entre 1830 et 1850, Berlin se couvre de nouveaux palais de style classique et de nombreuses académies.
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+ En 1858, Guillaume Ier assure la régence de son frère malade. Il devient roi en 1861. Berlin s'agrandit alors de plusieurs faubourgs et compte 524 000 habitants. Le bourgmestre libéral, Seydel, fait tout pour favoriser une industrie berlinoise où les grands entrepreneurs tiennent le haut du pavé : Borsig, Siemens, qui, après le télégraphe, développe le principe de la dynamo, Emil Rathenau, président de la Société berlinoise d'électricité (future AEG). Le conseiller à la Construction James Hobrecht remplace le vieux mur d'enceinte par un boulevard circulaire, que les installations ferroviaires à l'ouest empêchent toutefois de boucler totalement. En 1866, le nouveau chancelier Otto von Bismarck inaugure la nouvelle synagogue d'Oranienburger Strasse, marquant ainsi son intérêt pour l'émancipation des Juifs, qui se traduit en 1869 par la promulgation d'une « loi sur l'égalité des confessions », étendue à l'ensemble du Reich.
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+ Lors du versement des cinq milliards de francs-or de réparation par la France en 1871, l'économie berlinoise fait un formidable bond en avant. Le « temps des fondateurs » de l'Empire (Gründerzeit) s'ouvre sur une orgie de constructions de styles plus qu'éclectiques. Le néo-gothique et la brique triomphent : les flèches de cathédrale, les pignons crénelés qui hérissent les usines et les sièges sociaux des grandes entreprises font de leur dirigeants de véritables « junkers citadins ». Le pont d'Oberbaum, le musée de la Marche, les tribunaux et les nouvelles mairies d'arrondissement, construites vers 1900, seront de la même facture. Parfois un chef-d'œuvre émerge, comme le labyrinthe de pierre du hall d'entrée de l'hôtel de ville de Köpenick (1903) ou les délicates crènelures du tribunal administratif de Wedding (1904) mélange de gothique flamboyant et de Jugendstil (style jeunesse).
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+ L'Empire allemand a été organisé par la constitution du 16 avril 1871, modifiée le 19 mars 1888. Elle repose, pour une large partie, sur la constitution de la confédération de l'Allemagne du Nord qui était une œuvre d'Otto von Bismarck.
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+ L'empereur allemand est le chef de l'armée et de la marine ; il promulgue les lois et dirige la diplomatie. Il nomme un chancelier impérial (Reichskanzler), qui n'est responsable qu'envers lui, c'est-à-dire qu'il ne dépend pas du parlement élu. C'est, en réalité, le chancelier qui est le maître absolu de l'administration impériale et du gouvernement, puisqu'il préside le Bundesrat ; ministre unique, il décide de l'orientation de la politique et il propose à l'empereur la nomination ou la révocation des secrétaires d'État, des hauts fonctionnaires qui dirigent selon ses ordres les administrations gouvernementales. Les chanceliers sont aussi ministres-présidents de la Prusse.
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+ Le Bundesrat, représenté des gouvernements des vingt-cinq États, qui compte soixante et un représentants, dont trois pour l'Alsace-Lorraine, présidée par le chancelier impérial. Elle vote les lois, élabore le budget et contrôle les finances. La Prusse y dispose d'une minorité de blocage et peut imposer son point de vue au reste de l'Empire.
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+ Le Reichstag est élu pour trois ans, puis à partir de 1888 pour cinq ans. Il représente le peuple, est élu au suffrage universel mais n'a aucun moyen d'action sur le chancelier.
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+ Le 7 octobre 1879 est un accord — connu sous le nom de « Duplice » — est scellé par traité, entre l'Empire allemand et l'Autriche-Hongrie.
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+ En 1890, Leo von Caprivi succède à Otto von Bismarck, le « chancelier de fer », écarté du pouvoir par Guillaume II. Dès son accession au pouvoir, il signe avec le Royaume-Uni un traité qui suscite la colère des lobbys colonialistes par lequel, en échange de vagues zones d'influences en Afrique, mais surtout de l'îlot stratégique d'Heligoland en mer du Nord, l'Empire allemand renonce au sultanat de Witu, à la côte des Somalis, et reconnaissait le protectorat britannique sur Zanzibar.
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+ À la fin du XIXe siècle, l'Empire britannique, première puissance navale et coloniale de l'époque, tient à confirmer la supériorité de sa Royal Navy. En 1888, la peur d'un conflit naval avec la France et l'accroissement de la flotte russe font redémarrer la construction navale : le British Naval Defence Act de 1889 entraîne la construction de huit nouveaux cuirassés britanniques. Dans ces dernières années du XIXe et au tout début du XXe siècle, la course à la construction des cuirassés est attisée par l'opposition entre le Royaume-Uni et l'Allemagne. Les lois allemandes de 1898 et 1900 autorisent la construction d'une flotte de 38 cuirassés, ce qui menace l'équilibre naval[47]. Si la Grande-Bretagne répond par davantage de nouveaux navires, elle n'en a pas moins perdu une grande partie de sa suprématie. En 1883, le Royaume-Uni possède 38 cuirassés, deux fois plus que la France et à peu près autant que le reste du monde réuni.
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+ En 1893, Caprivi est à son tour remplacé au poste de chancelier impérial, changement politique qui marque une nouvelle orientation dans la politique diplomatique et coloniale du versatile Guillaume II. Dès ce moment la course aux colonies s'accélère et l'Empire allemand en Afrique se consolide.
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+ Au XIXe siècle, l'Empire ottoman – surnommé « l'homme malade de l'Europe » par l'empereur russe Nicolas Ier en 1853, lors d'une conversation avec l'ambassadeur britannique – diminue territorialement, mais entame un processus de modernisation afin de retrouver sa puissance et sa prospérité d'antan.
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+ En 1913, la défaite ottomane lors de la Seconde Guerre balkanique amène les Jeunes-Turcs (Parti Union et Progrès) au pouvoir. Leur volonté de relever l'Empire les entraîne dans l'alliance avec l'Empire allemand.
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+ Trois empereurs se succédèrent de 1871 à 1918. Guillaume Ier (1797-1888), roi de Prusse depuis 1861, n'avait tout d´abord pas voulu être empereur, s´adonna donc surtout à son royaume et ordonna à Bismarck la direction de l'Empire allemand. À sa mort, son fils Frédéric III (1831-1888) monta sur le trône mais ne régna que quelques mois. On le disait favorable au libéralisme mais frappé par la maladie il mourut avant d'entreprendre de vastes changements. Il en alla tout autrement pour Guillaume II (1859-1941). Lorsqu'il accède à la dignité impériale, il est âgé de 29 ans et régnera 30 ans sur la Prusse et le Reich. Jeune et impétueux, il aspire à gouverner par lui-même, et, en 1890, Bismarck finit par démissionner. Les chanceliers qu'il nommera par la suite ne seront que les instruments dociles de sa volonté. Dans ce Reich qui est encore une monarchie semi-féodale, l'empereur va imposer ses conceptions personnelles à des chanceliers et secrétaires d'État pusillanimes, choisis pour leur connaissance de la bureaucratie plus que pour leurs qualités politiques.
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+ Personnalité complexe, esprit doué mais impulsif, vaniteux, despotique, il ne supporte pas ceux qui osent le critiquer et entend tout régenter : le conflit avec Bismarck était donc inévitable. Complexé par un bras gauche atrophié, Guillaume II essaie de compenser ce handicap par une agitation fébrile et brouillonne (il voyage constamment, prononce d'innombrables discours, change d'uniforme plusieurs fois par jour…), et par l'affirmation incessante de la grandeur de l'Allemagne pour laquelle il revendique une « place au soleil ». Personnalité « médiatique » avant l'heure, il est omniprésent, par ses discours, ses interviews retentissantes et par le culte dont il fait l'objet : portraits, souvenirs commémoratifs, et jusqu'à son port de moustaches que ses sujets s'empressent d'imiter.
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+ Plus que tout autre souverain allemand, Guillaume II aura su être en adéquation avec les aspirations de son peuple et s'identifier au désir de reconnaissance et aussi d'expansion de la nouvelle Allemagne impériale (à qui on a pu donner le nom d'Allemagne wilhelmienne, Wilhelm signifiant Guillaume). Il a su cristalliser sur sa personne les peurs et les désirs de ses sujets, et a, aux yeux de l'étranger, souvent personnifié un aspect agressif du nationalisme allemand[48].
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+ Quatre royaumes, six grands-duchés, cinq duchés et sept principautés, ont, dans ce nouveau Reich, conservé d'importantes prérogatives. Si Berlin va progressivement devenir la capitale politique et économique de l'Allemagne, les capitales des États souverains perpétuent la tradition culturelle des Residenzstädte (de). Les rois de Saxe essayèrent de maintenir la grande tradition qui avait fait de Dresde un des plus importants centres artistiques d'Allemagne. Le duc de Saxe-Meiningen pouvait se vanter d'accueillir dans sa résidence une des meilleures troupes de théâtre d'Allemagne. Munich était un des centres artistiques et intellectuels de tout premier plan qui cherchait à contrebalancer l'influence de Berlin.
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+ Mais à côté de ces États brillants, dans lesquels se développait une vie politique active, existaient des États beaucoup plus rétrogrades, comme les deux duchés de Mecklembourg (Schwerin et Strelitz), restés à l'écart des grandes transformations politiques et économiques du XIXe siècle.
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+ Si les princes régnants surent demeurer très populaires parmi leurs sujets, c'est qu'ils incarnaient une légitimité parfois teintée du particularisme, comme en Bavière, et qu'ils perpétuaient aussi une tradition culturelle qui s'opposait aux appétits hégémoniques de la Prusse. Par l'intermédiaire du Bundesrat, ils surent mettre en échec les velléités centralisatrices du Reich.
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+ Néanmoins, les grandes mutations que connut l'Allemagne dans les deux dernières décennies du siècle se firent sans eux. L'essor industriel, le développement des grands centres urbains, l'expansion commerciale ont modelé une Allemagne nouvelle, fort différente des traditions archaïques et désuètes que pouvait incarner l'Allemagne des Princes.
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+ La confédération d'Allemagne du Nord entretient une force armée, le Reich en reprend le principe et les modalités d'organisation.
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+ Le nombre de ses soldats est fixé par la constitution à 1 % de la population totale de l'Empire relevée lors du dernier recensement[37].
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+ Le budget pour l'entretien de cette armée impériale est adopté par le parlement de le cadre d'une programmation pluriannuelle et est fixé par la constitution à un montant par habitant de l'Empire à 225 thalers par an et par homme mobilisé[37].
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+ L'Allemagne s’empare des actuels Cameroun, Togo, Tanzanie et Namibie en Afrique, ainsi que des îles Carolines, îles Marshall, îles Mariannes, Palaos, Nauru, îles Truk et de la Nouvelle-Guinée allemande dans le Pacifique. Les populations de ces colonies sont condamnées aux travaux forcés et doivent fournir les matières premières pour l’industrie allemande.
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+ L'Allemagne est en particulier intéressée par le potentiel agricole du Cameroun et confie à de grandes firmes le soin de l'exploiter et de l'exporter. Le chancelier Bismarck définit l'ordre des priorités comme suit : le marchand d'abord, le soldat ensuite. Ce serait en effet sous l'influence de l'homme d'affaires Adolph Woermann, dont la compagnie a implanté une maison de commerce à Douala, que Bismarck, d’abord sceptique sur l’intérêt du projet colonial, s'est laissé convaincre. De grandes compagnies commerciales allemandes (Woermann, Jantzen und Thoermalen) et compagnies concessionnaires (Sudkamerun Gesellschaft, Nord-West Kamerun Gesellschaft) s'implantent massivement dans la colonie. Laissant les grandes compagnies imposer leur ordre, l'administration se contente de les épauler, de les protéger, et de tenter d'éliminer les rébellions indigènes. L'Allemagne envisage de se bâtir un grand empire africain, qui relierait, à travers le Congo, le Kamerun à ses possessions d'Afrique orientale. « Le Congo belge, indique le ministre allemand des Affaires étrangères peu avant la Première guerre mondiale, est une trop grande colonie pour un trop petit pays »[49]..
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+ La colonisation de la Namibie donne lieu au premier génocide du XXe siècle. L’Allemagne impériale organise la destruction systématique des populations Héréros qui représentent alors 40 % de la population[50].
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+ Le sanskrit ou sanscrit[3] (संस्कृतम् (saṃskṛtam)) est une langue indo-européenne de la famille indo-aryenne, autrefois parlée dans le sous-continent indien. De nos jours, certains érudits le parlent encore et publient des œuvres académiques ou tiennent des colloques en sanskrit[4].
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+ Le sanskrit est notamment la langue des textes religieux hindous et bouddhistes ainsi que des textes littéraires ou scientifiques et, à ce titre, continue d'être utilisé, à la manière du latin en Occident, comme langue liturgique, culturelle et même véhiculaire (un recensement de 1981 indique qu'il y aurait encore environ 6 100 locuteurs ; en 1961, à peu près 194 400 personnes disaient l'utiliser comme langue secondaire). C'est d'ailleurs l'une des langues officielles de l'Inde. La grammaire du sanskrit est celle d'une langue hautement flexionnelle et très archaïsante, dont l'étude est fondamentale dans le cadre de la linguistique comparée.
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+ Le sanskrit appartient à la famille des langues indo-européennes, dans la branche indo-iranienne, qui inclut la sous-branche indo-aryenne. Le sanskrit a profondément influencé les langues du nord de l'Inde, comme l'hindi, l'ourdou, le bengali, le marathi, le cachemirien, le punjabi, le népalais, voire le romani (tsigane).
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+ Son nom, saṃskṛtam, qui signifie « parachevé », est assez récent[5] ; la langue a pendant des siècles été simplement désignée par भाषा (bhāṣā), वाच् (vāc) ou शब्द (śabda), « la parole, la langue », le sanskrit étant senti comme la seule langue possible ; quelques désignations métaphoriques, comme गीर्वाणभाषा (gīrvāṇabhāṣā), « langue des dieux », marquent bien son caractère éminemment religieux.
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+ Le premier sens de sanskrit est celui d'« indo-aryen ancien », langue mère qui a donné naissance à une multitude de dialectes et est parallèle à la langue sœur de l'iranien ancien (sous-branche attestée par deux langues, l'avestique et le vieux-perse), dont elle se sépare à peine. L'étude de plusieurs langues indiennes ou indo-aryennes moyennes conduit cependant à se demander si, parallèlement au sanskrit, au moins une autre langue indo-aryenne ancienne n'a pas pu coexister en Inde du Nord, dans l'Antiquité, léguant notamment à l'hindi moderne un vocabulaire et des variantes phonétiques héritées du tronc commun mais non attestés en sanskrit, à moins qu'il ne s'agisse que de niveaux de langues (par exemple propres à la caste des commerçants).
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+ D'après des documents retrouvés en pays hittite et rédigés dans cette autre langue indo-européenne, comprenant quelques mots indo-aryens, noms communs (sur l'équitation) et noms propres (théonymes), il est possible de déterminer qu'une forme d'indo-aryen était parlée au XIVe siècle av. J.-C. en Asie occidentale. Toutefois, sur les attestations indianisantes d'Asie Mineure à l'Âge du Bronze, plusieurs linguistes considèrent qu'il ne s'agit pas à proprement parler de « vieil indien » ou d'indo-aryen, mais d'une forme d'indo-iranien de niveau culturel ou religieux proche du pré-védique. Autrement dit, l'émergence du vieil-indien aurait été favorisée dans un groupe socioculturel parlant l'indo-iranien commun, groupe formé de négociants, mercenaires cavaliers (les Mariyanu), orfèvres (en lapis-lazuli), non seulement immergés en Mésopotamie, mais aussi en Égypte et en Asie Mineure, où ils auraient été associés aux marchands assyriens comme aux groupes des Hourrites descendus des régions subcaucasiennes vers la Syrie et la Cilicie (empire du Mitanni en Syrie du Nord, Kizzuwatna des Louvites de Cilicie)[réf. nécessaire].
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+ La plus vieille forme de sanskrit attestée de manière plus tangible est nommée védique : c'est la langue dans laquelle sont rédigés les Vedas. Il n'y a qu'un Véda (connaissance) sous la forme de quatre volumes : dont le Rig-Veda ou « Veda des hymnes (rig-) », le plus ancien ensemble de textes de l'hindouisme. Il est cependant extrêmement difficile de dater le Rig-Veda lui-même, et donc les débuts de l'histoire réelle de la langue védique : les textes sacrés, en effet, étaient avant tout récités et appris par cœur (ils le sont d'ailleurs encore). Les linguistes s'accordent à discerner maintenant plusieurs strates historiques dans le védique (au moins deux ou trois), d'après la grammaire, les théonymes et le style. Les neuf premiers livres du Rig-Veda contiendraient en particulier ce qu'il est convenu d'appeler le « védique ancien ». Cette langue archaïque et peu normée est l'une des plus proches de l'indo-européen commun, langues « anatoliennes » mises à part (hittite, louvite notamment), et elle s'avère précieuse pour la linguistique comparée tant le volume de ses textes, l'ampleur de sa grammaire et la richesse de son vocabulaire prêtent à des analyses.
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+ Le sanskrit védique est la forme archaïque de sanskrit dans lequel les quatre Védas (le Rig-Véda, le Yajur-Véda, le Sama-Véda et l´ Atharva-Véda) ont été composés (la plupart d'après la linguistique ont été rédigés en « védique moyen » et « védique récent »). Le sanskrit védique diffère du sanskrit classique dans une étendue comparable à la différence entre grec homérique et grec classique. À titre indicatif, on peut indiquer les principales différences entre le sanskrit védique et le sanskrit classique :
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+ Une forme tardive du védique, déjà évoluée (on note la disparition du subjonctif, par exemple), forme un sanskrit préclassique, utilisé aux alentours du Ve ou IVe siècles av. J.-C.. On pourrait parler à son égard de « védique récent terminal ». C'est ce sanskrit que Pāṇini, sans doute le premier grammairien de l'Antiquité (quoique son approche structuraliste puisse être le fruit d'un héritage plus ancien), décrit de manière phonologique et grammaticale, dans un ouvrage d'une précision et d'une rigueur formelle inégalée jusqu'à ce que la linguistique moderne se développe, bien plus tard. Celui-ci s'attache à décrire dans son traité, l’Aṣṭādhyāyī, la langue qu'il parle et souligne les formules qu'il considère propres aux hymnes védiques, sans réellement dire qu'elles sont archaïques. La langue commence à se normaliser.
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+ Au IIIe siècle av. J.-C., les premiers prâkrits (ou prākṛta, « [langue] ordinaire ») sont attestés, notamment grâce aux inscriptions d'Ashoka. Ces langues ainsi désignées correspondent à des dialectes moins « nobles » que le sanskrit, c'est-à-dire des langues vulgaires et vernaculaires d'usage quotidien qui, rapidement, se séparèrent les unes des autres et donnèrent naissance à la multitude des langues indo-aryennes présentes dans le sous-continent indien. Toutes issues du vieil indo-aryen des origines, elles connaissent chacune une évolution ainsi qu'un destin différents. Ce sont de tels prâkrits que proviennent, entre autres, les langues modernes comme l'hindī, la pañjābī (punjabi), ou encore la bangālī (bengali). Ces langues sont « vulgaires » au même titre que le latin vulgaire, c'est-à-dire « parlées par le peuple » ; leur statut d'idiomes vernaculaires vivants, donc de langues considérées inférieures, explique pourquoi ce n'est qu'au XIXe siècle que la littérature en langues modernes remplace celle en sanskrit. Outre les inscriptions d'Ashoka, de nombreuses citations en prâkrits sont aussi attestées dans des textes sanskrits, surtout dans le théâtre, où les personnages de rang inférieur s'expriment généralement en langue vernaculaire ; ces témoignages, cependant, sont d'essence littéraire, et ne peuvent être pris pour argent comptant. On peut établir ici une analogie avec le « patois » utilisé dans certaines pièces de Molière, comme Dom Juan, servant à représenter un parler populaire ; ce qu'il en donne ne peut être considéré comme une attestation réelle des langues vernaculaires françaises de son époque, mais sont susceptibles, mutatis mutandis, de renseigner quelque peu sur ces idiomes ; Molière donne en effet à entendre une synthèse littéraire et artificielle de traits linguistiques probables. La littérature prâkrite est pourtant représentée de manière indépendante, mais souvent masquée par le sanskrit classique. Un des prâkrits, le pāḷi, connaît un destin différent : devenu lui aussi langue sacrée, celle du bouddhisme theravâda, il n'évolue quasiment plus et reste employé tel quel dans la liturgie et les exégèses jusqu'à nos jours. Enfin, le canon jain, rédigé dans un prâkrit nommé ardhamāgadhī, offre de nombreux témoignages, bien qu'encore une fois littéraires, d'une des langues vulgaires réellement parlées dans l'Antiquité indienne.
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+ C'est dans les commentaires que Patañjali fit de la grammaire de Pāṇini (dans son ouvrage nommé Mahābhāṣya), au IIe siècle av. J.-C., qu'apparaissent les premières critiques : le commentateur prouve que le sanskrit, est encore une langue vivante, mais que des formes dialectales peuvent l'émailler ; l'existence des prâkrits est donc reconnue et l'utilisation de formes vulgaires blâmée ; la notion de norme grammaticale apparaît plus fortement, et c'est à partir de ce moment que le sanskrit se figea pour devenir le sanskrit classique, enfin désigné dans les textes au moyen du vocable saṃskṛta (lequel n'est cependant pas utilisé par Patañjali), proprement « parachevé », « parfaitement apprêté » (se dit aussi de la nourriture). La langue, après l'ère chrétienne, n'est plus parlée de manière naturelle, elle est entièrement décrite par la grammaire et n'évolue plus. C'est une langue culturelle et religieuse, sans lien direct avec les langues vivantes, utilisée souvent comme lingua franca et comme langue littéraire (même par les peuples ne parlant pas une langue issue du vieil indien, comme les locuteurs d'idiomes dravidiens), jusqu'à ce que les langues néo-indiennes issues des prâkrits, aux alentours du XIVe siècle, ne commencent réellement à s'imposer à l'écrit pour, au XIXe siècle, remplacer le sanskrit dans la production littéraire. Il est notable que le tamiḻ, langue dravidienne sans rapport de filiation avec le sanskrit, fort d'une culture très ancienne lui aussi, fut en concurrence avec le sanskrit bien plus tôt, dès les premiers siècles apr. J.-C. On y trouve cependant des emprunts au sanskrit.
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+ L'histoire du sanskrit peut se résumer ainsi :
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+ « Pendant des siècles, le sanskrit est la langue du savoir en même temps que la langue littéraire, religieuse ou philosophique. Il est le véhicule de la communication générale en Inde et en Asie orientale, avant d'être concurrencé par le persan quand s'imposent des guerriers musulmans »[6].
30
+
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+ Longtemps de tradition purement orale, ou peut-être progressivement à l'aide de symboles logographiques ou idéographiques, voire de signes syllabiques (via l'acrophonie) liés aux cultes, la religion hindouiste n'a pas eu besoin de fixer ses textes. C'est tardivement que l'emploi de la brāhmī, d'abord (semi-syllabaire utilisé pour les édits d'Ashoka), puis de la multitude d'écritures qui en dérivent, est généralisé, pour les textes profanes, puis sacrés. Chaque région de l'Inde utilise l'écriture qui lui sert pour noter sa propre langue afin d'écrire les textes sanskrits ; le sanskrit n'a ainsi pas d'écriture attitrée et, surtout, peut être noté par différents semi-syllabaires qui doivent donc être capables de représenter certains phonèmes dont ils n'ont pas l'usage autrement. L'on peut donner un exemple de cette souplesse d'emploi des écritures indiennes avec une même phrase sanskrite notée dans plusieurs graphies :
32
+
33
+ Au début du VIIe siècle, à l'époque de la dynastie chinoise des Tang, lorsque le grand chercheur bouddhiste chinois Xuanzang étudia le dharma bouddhique en Inde et qu'il ramena en Chine des centaines de soutras et commentaires, l'écriture utilisée en Inde et celle des textes bouddhiques était une écriture appelée le siddham, xītán (悉昙) en chinois.
34
+
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+ Ce sont les colons britanniques qui, pendant leur suprématie, ont imposé une de ces écritures, la devanāgarī, elle aussi issue de la brāhmī. C'est maintenant en devanāgarī que l'on écrit majoritairement le sanskrit en Inde et dans les éditions occidentales.
36
+
37
+ En outre, en se transmettant par le bouddhisme, des termes sanskrits ont été adaptés en chinois puis en japonais, dont les écritures logographiques réclament la création de caractères phonétiques destinés à cet usage ou l'utilisation de caractères indépendamment de leur sens ; ainsi, le terme sanskrit bodhisattva est noté par 菩提薩埵, qui se lisait vraisemblablement bu-dej-sat-thwa en moyen chinois (de nos jours pútísāduò, abrégé en 菩薩 (púsà), d'où vient d'ailleurs le mot français poussah, « jouet à bascule » puis « gros homme ventru et débonnaire »). De ces caractères seuls 提 (tí), « tirer », et 埵 (duǒ), « terre compacte », ont un sens, qui est évincé dans le composé au profit du son, tandis que 菩 et 薩 n'ont jamais servi qu'à cette transcription et n'ont par ailleurs aucune signification.
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39
+ Enfin, le Xe congrès des Orientalistes fixa, en 1894 à Genève, une transcription latine qui, de nos jours, est la seule utilisée dans les ouvrages didactiques occidentaux. C'est cette même transcription, qui, quelque peu augmentée, permet aussi de transcrire toutes les autres langues indiennes, qu'elles soient ou non indo-aryennes, au moyen des mêmes symboles. Cette transcription est décrite en détail dans l'article consacré à la transcription traditionnelle des langues de l'Inde.
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+ L'étude de l'écriture de la civilisation de l'Indus, basée sur des sceaux et des empreintes de sceaux « harappéens » datés du IIIe millénaire av. J.-C., conduit certains chercheurs, notamment indiens, à suggérer qu'elle exprimait aussi, non pas une langue dravidienne (opinion la plus répandue), mais bien, au moins sur certains documents dénotant des rites pré-hindous assez explicites, une langue indo-iranienne voire indo-aryenne. [réf. nécessaire]
42
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+ Plus récemment, un linguiste[Qui ?] a proposé également, sur la base des fréquences de caractères et de l'épigraphie comparée, de discerner dans le crétois minoen noté en linéaire A (écriture syllabique de la première moitié et du milieu du IIe millénaire av. J.-C. en Crète) une langue de la famille indo-iranienne, dont le niveau religieux de langue (appliqué aux tables à libation de pierre) s'apparente étroitement au sanskrit védique ancien (voir références et liens, infra). Des théonymes comme Indra, Asura, y auraient leurs équivalents (I(n)tar, Asirai) qui ne sont pas sans rappeler des divinités du Mitanni et celles de l'Iran préislamique. [réf. nécessaire]
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+ La littérature sanskrite étant une des plus riches du monde, tout à la fois par son extension dans le temps et par la variété des sujets dont elle traite, elle a fasciné de nombreuses personnes en dehors de l'Inde. En France, les plus importants contributeurs à la connaissance de la culture d'expression sanskrite sont le grammairien et indianiste Eugène Burnouf (1801-1852) qui fut titulaire de la chaire de langue et de littérature sanskrites du Collège de France de 1832 à 1852, le grammairien et indianiste Hippolyte Fauche (élève de Burnouf et connu pour sa traduction du Rāmāyaṇa et du Mahâbhârata), l'indianiste Louis Renou (1896-1966), l'indianiste Madeleine Biardeau (auteur de la version du Mahâbhârata publiée au Seuil)) et évidemment Louis Dumont enseignant à l'EPHE et à Oxford et célèbre auteur de Homo Hierarchicus.
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+ Un important ouvrage de référence en français, très utile pour la connaissance de cette culture, est « L'Inde Classique, Manuel des études indiennes » (2 volumes), que Renou a dirigé avec son collègue Jean Filliozat (1906-1982).
48
+
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+ Le sanskrit classique possède 48 phonèmes :
50
+
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+ Le sanskrit est une langue flexionnelle.
52
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+ Les verbes se conjuguent selon trois voix (active, moyenne, passive), trois modes (indicatif, optatif, impératif), quatre systèmes temporels et aspectuels :
54
+
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+ et trois personnes.
56
+
57
+ Existent également des formes pour l'infinitif et le gérondif, ainsi que pour différents modes de procès (fréquentatif, causatif, etc.). L'inflexion utilise préfixes, suffixes et infixes, ainsi que le redoublement et l'ablaut.
58
+
59
+ Les substantifs et les pronoms connaissent trois genres (masculin, féminin, neutre), trois nombres (singulier, duel, pluriel) et huit cas (nominatif, vocatif, accusatif, instrumental, datif, ablatif, génitif et locatif). L'inflexion utilise l'affixation et l'alternance vocalique.
60
+
61
+ La langue possède des traits agglutinants en ce qui concerne la construction de mots composés à l'instar de l'allemand.
62
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63
+ L'ordre des mots en sanskrit est relativement libre avec une tendance SOV.
64
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+ Léonard de Vinci (italien : Leonardo di ser Piero da Vinci écouter, dit Leonardo da Vinci[Note 2]), né le 15 avril 1452 à Vinci (Toscane) et mort le 2 mai 1519 à Amboise (Touraine), est un peintre italien[1],[2] et un homme d'esprit universel, à la fois artiste, organisateur de spectacles et de fêtes[3], scientifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
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+ Après son enfance à Vinci, Léonard est élève auprès du célèbre peintre et sculpteur florentin Andrea del Verrocchio. Ses premiers travaux importants sont réalisés au service du duc Ludovic Sforza à Milan. Il œuvre ensuite à Rome, Bologne et Venise et passe les trois dernières années de sa vie en France, à l'invitation du roi François Ier.
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+ Léonard de Vinci est souvent décrit comme l’archétype et le symbole de l’homme de la Renaissance, un génie universel, un philosophe humaniste, observateur et expérimentateur, avec un « rare don de l’intuition de l’espace »[Note 3], et dont la curiosité infinie est seulement égalée par la force d’invention[5]. Nombre d'auteurs et d'historiens le considèrent comme l'un des plus grands peintres de tous les temps et certains comme la personne la plus talentueuse dans le plus grand nombre de domaines différents ayant jamais vécu[Note 4],[Note 5].
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+ C'est d'abord comme peintre que Léonard de Vinci est reconnu. Deux de ses œuvres, La Joconde et La Cène, sont des peintures mondialement célèbres, souvent copiées et parodiées[5], et son dessin de l’Homme de Vitruve est également repris dans de nombreux travaux dérivés. Seule une quinzaine de tableaux sont parvenus jusqu'à nous[Note 6]. Ce petit nombre est dû à ses expérimentations constantes et parfois désastreuses de nouvelles techniques et à sa procrastination chronique[7]. Néanmoins, ces quelques œuvres, jointes à ses carnets contenant plus de 6 000 pages[8] de notes, dessins, documents scientifiques et réflexions sur la nature de la peinture (rassemblés en dix Codex publiés au XIXe siècle), sont un legs aux générations d'artistes qui lui ont succédé. Nombre de ces derniers le considèrent comme n'ayant été égalé que par Michel-Ange.
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+ Comme ingénieur et inventeur, Léonard développe des idées très en avance sur son temps, comme l'avion, l'hélicoptère, le sous-marin et même jusqu'à l'automobile. Très peu de ses projets sont réalisés ou même seulement réalisables de son vivant[Note 7], mais certaines de ses plus petites inventions comme une machine pour mesurer la limite élastique d'un câble entrent dans le monde de la manufacture[Note 8]. En tant que scientifique, Léonard de Vinci a beaucoup fait progresser la connaissance dans les domaines de l'anatomie, du génie civil, de l'optique et de l'hydrodynamique.
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+ Léonard de Vinci est né le samedi 15 avril 1452 « à la troisième heure de la nuit », c'est-à-dire trois heures après l'Ave Maria, soit 22 h 30[9], d’une relation amoureuse illégitime entre Messer Piero Fruosino di Antonio da Vinci, notaire, chancelier et ambassadeur de la République florentine et descendant d’une riche famille de notables italiens, et une certaine Caterina, dans le petit village toscan d’Anchiano, à deux kilomètres de Vinci[Note 9], sur le territoire de Florence en Italie[10],[11]. Caterina serait, selon la tradition, fille de paysans pauvres. D'après les conclusions disputées d'une étude dactyloscopique de 2006, elle pourrait être une esclave venue du Moyen-Orient[12]. Depuis lors, des recherches menées sur les documents communaux et paroissiaux ou sur les registres fiscaux l'ont identifiée respectivement à une pauvre orpheline, Caterina di Meo Lippi, ou à Caterina di Antonio di Cambio, fille de petits cultivateurs[13].
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+ Léonard, ou plutôt Lionardo selon son nom de baptême[14], est baptisé puis passe ses cinq premières années chez sa mère à Anchiano. Il a cinq marraines et cinq parrains, tous habitant le village de Vinci[14], dont le nom provient de celui des « vinchi », plantes assimilables à des joncs, utilisées dans l'artisanat toscan et poussant près du ruisseau Vincio[14].
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+ À cette époque, les conventions d’appellation modernes ne se sont pas encore développées en Europe. Seules, les grandes familles font usage du nom de leur appartenance patronymique. L’homme du peuple est désigné par son prénom, auquel on adjoint toute précision utile : le nom du père, le lieu d’origine, un surnom, le nom du maître pour un artisan, etc. Par conséquent, le nom de l’artiste est Leonardo di ser Piero Da Vinci, ce qui signifie Leonardo, fils de maître Piero De Vinci ; néanmoins le « Da » porte une majuscule afin de distinguer qu'il s'agit d'un patronyme[14]. Léonard lui-même signe simplement ses travaux Leonardo ou Io, Leonardo (« Moi, Léonard »). La plupart des autorités rapportent donc ses travaux à Leonardo sans le da Vinci. Vraisemblablement, il n’emploie pas le nom de son père parce qu’il est un enfant illégitime.
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19
+ En 1457, il a cinq ans quand sa mère se marie avec Antonio di Piero Buti del Vacca da Vinci, un paysan de la ville, avec lequel elle aura cinq enfants[14]. Il est alors admis dans la maison de la famille de son père, du village de Vinci qui, entre-temps, a épousé une jeune fille d'une riche famille de Florence, âgée de 16 ans, Albiera degli Amadori[14]. Celle-ci, sans enfant, reporte toute son affection sur Léonard, mais elle meurt très jeune en couches, en 1464[14]. Considéré dès sa naissance comme un fils à part entière par son père[15], il ne fut cependant jamais légitimé. Son père se maria quatre fois et lui donna dix frères et deux sœurs légitimes venus après Léonard. Il aura de bons rapports avec la dernière femme de son père, Lucrezia Guglielmo Cortigiani, et laissera une note l'appelant « chère et douce mère »[14].
20
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21
+ Léonard est également élevé par son oncle Francesco qui joue un rôle important dans sa formation, et par son grand-père Antonio da Vinci qui lui apprend le don d'observation de la nature, lui répétant constamment « Po l’occhio ! » (ouvre l’œil !)[16].
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+ Livré à lui-même, il reçoit une éducation assez libre comme les autres villageois de son âge, apprend entre douze et quinze ans les rudiments de lecture, d'écriture et surtout d'arithmétique dans une scuola d’abaco (école d'abaco) destinée aux fils de commerçants et artisans[17]. Non « lettré », il n'y étudie pas le grec et le latin (il n'apprendra imparfaitement ces deux langues que doivent maîtriser les savants et les lettrés qu'en autodidacte seulement à l'âge de 40 ans[18]), et une orthographe chaotique montre que cette instruction n'est pas sans lacunes ; en tout cas, il ne peut prétendre à des études universitaires[19].
24
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25
+ Sa grand-mère paternelle, Lucia di ser Piero di Zoso, céramiste et proche de Léonard, est peut-être la personne qui l'initia aux arts[14]. Un présage connu rapporte qu'un milan venu du ciel aurait fait un vol stationnaire au-dessus de son berceau, la queue de l'oiseau le touchant au visage[20],[21].
26
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27
+ Giorgio Vasari, le biographe du XVIe siècle des peintres de la Renaissance, raconte, dans Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[22] (1568), l'histoire d'un paysan local qui demanda à ser (Signore) Piero[Note 10] que son talentueux fils peigne une image sur un bouclier de bois utilisé comme épouvantail, une rondache. Léonard, rassemblant différentes parties d'animaux qu'il observait attentivement lors de ses pérégrinations dans la campagne, peignit une image représentant un dragon crachant du feu, si réussie que ser Piero la vendit à un marchand d'art florentin, lui-même la revendant au duc de Milan. Entre-temps, après avoir réalisé un bénéfice, ser Piero acheta une plaque décorée d'un cœur transpercé d'une flèche qu'il donna au paysan[23]. Cette anecdote est cependant à prendre avec précaution car, selon Paul Barolsky, de nombreux récits des Vies constituent de pures inventions poétiques[24].
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29
+ Le jeune Léonard est proche de la nature qu’il observe avec une vive curiosité et s’intéresse à tout. Il dessine déjà des caricatures et pratique l'écriture spéculaire en dialecte toscan.
30
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31
+ Giorgio Vasari, dans sa biographie de Léonard, raconte une anecdote sur les premiers pas dans la carrière artistique de celui qui allait devenir un des plus grands peintres de la Renaissance. Un jour, le père de Léonard, ser Piero, « prit plusieurs de ses dessins et les soumit à son ami Andrea del Verrocchio, en le priant instamment de lui dire si Léonard devait se consacrer à l’art du dessin et s’il pourrait parvenir à quelque chose en cette matière. Andrea s’étonna fort des débuts extraordinaires de Léonard et exhorta ser Piero à lui permettre de choisir ce métier ; sur quoi, ser Piero résolut que Léonard entrerait à l’atelier d’Andrea. Léonard ne se fit pas prier ; non content d’exercer ce métier, il exerça ensuite tous ceux qui se rattachent à l’art du dessin ». C’est ainsi que Léonard est placé comme élève apprenti à partir de 1469 dans un des plus prestigieux ateliers d’art de la Renaissance de Florence sous le patronage d’Andrea del Verrocchio. Il doit à ce dernier sa formation multidisciplinaire d’excellence et côtoie alors dans sa bottega (atelier d'artistes réunissant maîtres et élèves) d’autres artistes comme Sandro Botticelli, Le Pérugin et Domenico Ghirlandaio[20],[25].
32
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33
+ En effet, jusqu'en 1468, Léonard est recensé comme résident de la commune de Vinci, mais il est très souvent à Florence où son père travaille[14].
34
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35
+ Verrocchio est un artiste renommé[Note 11] très éclectique : orfèvre et forgeron de formation[25], peintre, sculpteur et fondeur qui travaille notamment pour le riche mécène Laurent de Médicis. Les commandes principales sont des retables et des statues commémoratives pour les églises. Cependant, les plus grandes commandes sont constituées de fresques pour les chapelles — comme celles créées par Domenico Ghirlandaio et son atelier pour la Chapelle Tornabuoni — et de grandes statues, telles que les statues équestres de Gattamelata par Donatello et Bartolomeo Colleoni de Verrocchio[26].
36
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37
+ Après un an passé au nettoyage des pinceaux et autres petits travaux d’apprenti, Léonard est initié par Verrocchio aux nombreuses techniques pratiquées dans un atelier traditionnel, bien que certains artisans soient spécialisés dans des tâches telles que l’encadrement, les dorures et le travail du bronze. Il a donc eu l’occasion d’apprendre notamment des bases de la chimie, de la métallurgie, du travail du cuir et du plâtre, de la mécanique et de la menuiserie, ainsi que des techniques artistiques de dessin, de peinture et de sculpture sur marbre et sur bronze[27],[28]. Il est également initié à la préparation des couleurs, à la gravure et à la peinture des fresques. Par la suite, Verrocchio confie à son élève — qu’il trouve exceptionnel — le soin privilégié de terminer ses tableaux.
38
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+ Mais la formation reçue lors de son apprentissage à l'atelier Verrocchio semble plus large encore. Léonard acquiert la connaissance du calcul algorithmique et il cite les deux abacistes florentins les plus en vue, Paolo Toscanelli del Pazzo et Leonardo Chernionese[19]. Plus tard, Léonard paraît bien faire allusion à la Nobel opera de arithmética, de Piero Borgi, imprimée à Venise en 1484, et qui représente bien la science de ces écoles d'abaques[19].
40
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41
+ Il n’y a pas d’œuvre de Léonard connue pendant cette période mais, selon Vasari, il aurait collaboré à une peinture nommée Le Baptême du Christ (1472-1475)[29]. C’est d’ailleurs, selon la légende, à cause de la qualité du petit ange peint par Vinci pour ce tableau que Verrocchio, se sentant surpassé par son jeune assistant, décide de ne plus peindre[15]. Selon la tradition qui veut que ce soit l’apprenti qui prenne la pose[10], Léonard aurait servi de modèle à la statue en bronze du David de Verrocchio. Il est également supposé que l’Archange Raphaël dans l’œuvre Tobie et l’Ange de Verrocchio est le portrait de Léonard[10].
42
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43
+ En 1472, à l’âge de 20 ans, il est enregistré dans le « Livre rouge » de la guilde de Saint-Luc, célèbre guilde des artistes peintres et des docteurs en médecine de Florence, le Campagnia de Pittori. Il y a quelques traces de cette période de la vie de Léonard, dont la date d’un de ses premiers travaux, un dessin fait à la plume et à l’encre, Paysage de Santa Maria della neve (1473).
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45
+ Par la suite, sa carrière de peintre débute par des œuvres immédiatement remarquables, telles que L'Annonciation (1472-1475). Il améliore la technique du sfumato (impression de brume) à un point de raffinement jamais atteint avant lui.
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+ Il est toujours mentionné en 1476 comme assistant de Verrocchio, car, même après que son père lui eut mis en place son propre atelier, son attachement à Verrocchio est tel qu’il a continué à collaborer avec lui[20]. Pendant cette période, il reçoit des commandes personnelles et peint son premier tableau, La Madone à l'œillet (1476).
48
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+ Léonard s'affirme presque tout de suite comme un ingénieur : en 1478, il offre de soulever, sans en causer la ruine, l'église octogone de Saint-Jean de Florence, le baptistère actuel, pour y ajouter un soubassement[19].
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+ Les archives judiciaires de 1476 montrent que, avec trois autres hommes, il a été accusé de sodomie sur Jacopo Saltarelli, pratique à l’époque illégale à Florence. Tous ont été acquittés des charges retenues[30], probablement grâce à l'intervention de Laurent de Médicis, mais Léonard a dû passer deux mois en prison pendant l'enquête judiciaire[31]. Il n'est pas exclu que cette dénonciation soit le fruit de la jalousie suscitée par la gloire qui assaille vite Léonard ou qu'elle vise au tout premier chef Leonardo de Tornabuoni, et à travers lui Laurent de Médicis dont la mère était une Tornabuoni[32].
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+ Deux années plus tard, à 26 ans, il quitte son maître après l'avoir brillamment dépassé dans toutes les disciplines. Léonard de Vinci devient alors maître-peintre indépendant.
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+ En 1481, le monastère de San Donato lui commande L’Adoration des mages, mais Léonard ne terminera jamais ce tableau, probablement déçu ou vexé de ne pas être choisi par le pape Sixte IV pour la décoration de la chapelle Sixtine du Vatican à Rome, où il se trouve en concurrence avec plusieurs peintres[33]. Le néoplatonisme — en vogue à l’époque à Florence — joue peut-être également un rôle dans son départ vers une ville plus académique et pragmatique comme Milan[33]. Cela est probablement plus en phase avec son esprit, qui s'appuie sur un développement empirique, grâce à ses multiples expériences.
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57
+ Vinci peint La Vierge aux rochers (1483-1486) pour la confraternité de l’Immaculée Conception à la chapelle San Francesco Grande de Milan, mais ce tableau sera au centre d’un conflit entre l’auteur et ses commanditaires pendant plusieurs années[33]. En effet, Léonard s'engage avec le droit de pouvoir copier l'œuvre, mais cela lui est refusé par la suite ; il se voit donc contraint de stopper son travail, provoquant du retard. Le problème ne sera résolu que par des décisions de justice et les interventions d'amis.
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59
+ À Florence, le travail de Léonard ne passe pas inaperçu. Laurent de Médicis apprend que Léonard a créé une lyre argentée en forme de tête de cheval. Impressionné par son travail, il envoie Léonard à Milan comme émissaire et pour qu'il travaille pour le mécène et duc de Milan, Ludovic Sforza. Le but de cette manœuvre est de rester en bonnes relations avec ce rival important[34].
60
+
61
+ Léonard est très probablement accompagné par le musicien Atalante Migliorotti[33]. Il écrit également une lettre à Sforza, lettre qui figure dans le Codex Atlanticus et qui décrit les nombreuses et diverses choses merveilleuses qu’il pourrait faire dans le domaine de l’ingénierie ; il informe le seigneur qu’il peut aussi peindre[35],[25]. Ce texte est bien dans la tradition des ingénieurs qui l'ont précédé. Il reprend ainsi le même programme, les mêmes curiosités et les mêmes recherches : désormais, c'est bien en ingénieur que Léonard va vivre et travailler[19]. Sforza l’emploie à des tâches diverses sous le titre mythique d’« Apelle florentin », réservé aux grands peintres[33]. L’artiste est ainsi « ordonnateur de fêtes et spectacles aux décors somptueux » du palais et invente des machines de théâtre qui émerveillent le public. Il peint plusieurs portraits de la cour milanaise. Léonard de Vinci est porté sur la liste des ingénieurs des Sforza et lorsqu'on l'envoie à Pavie, il est qualifié d'« ingeniarius ducalis »[19]. Mais des contacts avec les cercles éclairés de Milan lui montrent également toutes les lacunes de sa formation[19].
62
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63
+ Il s’occupe également de l’étude pour le dôme de la cathédrale de Milan et d’une version en argile pour faire un moule pour le Gran Cavallo (« Il Cavallo »), le cheval de Léonard), une imposante statue équestre en l’honneur de Francesco Sforza, le père et prédécesseur de Ludovic ; faite de soixante-dix tonnes de bronze, elle constitue une véritable prouesse technique pour l’époque. Cette statue reste pourtant inachevée pendant plusieurs années, Michel-Ange reconnaissant lui-même qu’il est incapable de la fondre[20]. Lorsque Léonard finit la version en argile pour le moule et ses plans pour le processus de fonte, le bronze prévu pour la statue est utilisé à la création de canons pour défendre la ville de l’invasion de Charles VIII de France[25].
64
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65
+ En 1490, il participe à une sorte de congrès d'architectes et d'ingénieurs, réunis pour l'achèvement du Dôme de Milan, et fait la connaissance d'un autre ingénieur dont la renommée est bien établie, Francesco di Giorgio Martini. Ce dernier l'emmène à Parme, avec Giovanni Antonio Amadeo et Luca Fancelli, où on lui a demandé une autre consultation pour la construction de la cathédrale[19].
66
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67
+ C’est à cette époque que Léonard réfléchit à des projets techniques et militaires. Il améliore les horloges, le métier à tisser, les grues et de nombreux autres outils. Il étudie aussi l’urbanisme et propose des plans de cités idéales. Il s'intéresse à l'aménagement hydraulique et un document de 1498 le cite comme ingénieur et chargé de travaux sur les fleuves et les canaux[19].
68
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69
+ Bien que vivant à Milan entre 1493 et 1495, Léonard a noté dans ses documents d’imposition qu’il a, à sa charge, une femme appelée Caterina. À la mort de celle-ci, en 1495, la liste détaillée des dépenses relatives à ses funérailles laisse à penser que c’était sa mère Caterina, plutôt qu’une servante[36],[20].
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71
+ Vers 1490, il crée une académie portant son nom où il enseigne pendant quelques années son savoir, tout en notant ses recherches dans de petits traités. La fresque La Cène (1494-1498) est peinte pour le couvent dominicain de Santa Maria delle Grazie[20]. En 1496, Luca Pacioli arrive à Milan ; Léonard de Vinci se lie tout de suite d'amitié et réalise pour lui les planches gravées de la Divina proportione[19]. Un peu plus tard, en 1498, il réalise le plafond du château des Sforza[33].
72
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73
+ En 1499, lorsque les troupes de Louis XII de France prennent le duché de Milan et destituent Ludovic Sforza — lequel s’enfuit en Allemagne chez son neveu Maximilien Ier du Saint-Empire[37] — sa statue équestre en argile est détruite par les Français, qui l’utilisent comme cible d’entraînement[Note 12].
74
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75
+ Louis XII revendique ses droits à la succession des Visconti[37]. Louis XII envisage de découper le mur représentant La Cène pour l’emporter en France, comme l’imaginera également Napoléon Ier quelques siècles plus tard[33]. Avec la chute de Sforza, Léonard entre au service du comte de Ligny, Louis de Luxembourg[38] ; celui-ci lui demande de préparer un rapport sur l'état de la défense militaire de la Toscane[19]. Le retour inopiné de Ludovic Sforza modifie ses projets et, avec son assistant Salai, il fuit Milan en février 1499 pour Mantoue puis pour Venise.
76
+
77
+ En mars 1499, Léonard de Vinci est employé comme architecte et ingénieur militaire[20],[10] par les Vénitiens, qui cherchent à protéger leur cité. Il élabore des méthodes pour défendre la ville d'une attaque navale des Turcs avec, notamment, l'invention d'un scaphandre à casque rudimentaire. Les Turcs n'attaquant pas, l'invention ne sera jamais utilisée et, fin avril, il est de retour à Florence. Il étudie les cours d'eau du Frioul et propose un relèvement du cours de l'Isonzo par des écluses, de façon à pouvoir inonder toute une région qui couvrait les approches de Venise[19].
78
+
79
+ En avril 1500, il revient à Venise pour deux mois, après avoir séjourné à Mantoue, en compagnie du moine mathématicien Luca Pacioli, où il fut fortement remarqué pour un portrait d’Isabelle d'Este. Une lettre du 14 avril 1501, par laquelle Fra Pietro da Nuvolaria répond à la duchesse de Mantoue, indique que « ses expériences mathématiques l’ont tellement détourné de la peinture qu’il ne peut plus supporter le pinceau[39]. » Ainsi, Léonard de Vinci poursuivait bien des recherches plus larges[19]. Il séjourne dans le couvent de la Santissima Annunziata en 1501 et reçoit la consécration pour l’esquisse préparatoire La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean-Baptiste, une œuvre qui provoque une telle admiration que « hommes et femmes, jeunes et vieux » viennent la voir « comme s’ils participaient à un grand festival »[29],[Note 13].
80
+
81
+ Il fait un bref séjour à Rome à la villa d'Hadrien à Tivoli[37]. Il travaille La Madone aux fuseaux pour Florimond Robertet, le secrétaire d’État de Louis XII de France[37].
82
+
83
+ En 1502, il est appelé par le prince César Borgia, duc de Valentinois et fils du pape Alexandre VI, avec le titre de « capitaine et ingénieur général »[40]. Grâce au laissez-passer rédigé par César Borgia, il séjourne dans les Marches et la Romagne pour inspecter les territoires nouvellement conquis, les forteresses, les canaux, pour lever des plans ou dessiner les cartes des villes, remplissant ses carnets de ses multiples observations, cartes, croquis de travail et copies d'ouvrages consultés dans les bibliothèques des villes qu'il traverse[19].
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85
+ Il a pu dans ces circonstances rencontrer Nicolas Machiavel, « espion » de Florence au service de Borgia, les deux hommes travaillant au projet de détournement de l’Arno[41],[42].
86
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87
+ Le 18 octobre 1503, il retourne à Florence où il remplit les fonctions d'ingénieur de guerre (il dessine notamment des arquebuses, une bombarde chargée par la culasse, des engins de siège comme la catapulte, le mortier ou la baliste)[43]. Il y est aussi architecte et ingénieur hydraulicien[19]. Il se réinscrit à la guilde de Saint-Luc et passe deux années à préparer et réaliser La bataille d'Anghiari (1503-1505), une fresque murale imposante[10] de sept mètres sur dix-sept[37], avec Michel-Ange faisant La bataille de Cascina sur la paroi opposée[37]. Les deux œuvres seront perdues[Note 14], la peinture de Michel-Ange est connue à partir d'une copie d'Aristotole da Sangallo en 1542[44] et la peinture de Léonard est connue uniquement à partir de croquis préparatoires et de plusieurs copies de la section centrale, dont la plus connue est probablement celle de Pierre Paul Rubens[10]. Un feu utilisé pour sécher plus rapidement la peinture ou la qualité du matériel semblent être à l'origine de l’altération de l'œuvre, laquelle a par la suite probablement été recouverte par une fresque de Giorgio Vasari[37].
88
+
89
+ Léonard est consulté à plusieurs reprises comme expert, notamment pour étudier la stabilité du campanile de San Miniato al Monte et lors du choix de l’emplacement du David de Michel-Ange[37] où son avis s’oppose à celui de Michel-Ange. C'est à cette période qu'il présente à la cité de Florence son projet de déviation de l'Arno destiné à créer une voie navigable capable de relier Florence à la mer avec la maîtrise des terribles inondations[19]. Cette période est importante pour la formation scientifique de Léonard qui, dans ses recherches hydrauliques, pratique l'expérience. En 1504, il revient travailler à Milan, qui est désormais sous le contrôle de Maximilien Sforza, grâce au soutien des mercenaires suisses. Beaucoup des élèves et des adeptes les plus en vue dans la peinture connaissent ou travaillent avec Léonard à Milan[20], y compris Bernardino Luini, Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono[Note 15].
90
+
91
+ Son père meurt le 9 juillet 1504 et Léonard est écarté de l’héritage en raison de son illégitimité ; cependant, son oncle fera plus tard de lui son légataire universel[37]. La même année, Léonard réalise des études anatomiques et tente de classer ses innombrables notes. Il commence à travailler La Joconde (1503-1506 puis 1510-1515) qui est habituellement considérée comme un portrait de Mona Lisa del Giocondo, née Lisa Maria Gherardini. Pourtant, de nombreuses interprétations au sujet de ce tableau sont encore discutées.
92
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93
+ En 1505, il étudie le vol des oiseaux et rédige le codex de Turin connu également sous le nom de Codex sur le vol des oiseaux. Désormais, observations, expériences et reconstructions a posteriori se succèdent[19]. Une année plus tard, le gouvernement de Florence lui permet de rejoindre le gouverneur français de Milan Charles d’Amboise qui le retient auprès de lui, malgré les protestations de la seigneurie. Léonard est tiraillé entre Français et Toscans ; il est pressé par le tribunal de finir La Vierge aux rochers avec son élève Giovanni Ambrogio de Predis, alors qu'il travaille sur La bataille d'Anghiari[37].
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+ Le peintre devient l’unique héritier de son oncle Francesco en 1507, mais les frères de Léonard entament une procédure pour casser le testament[37]. Léonard fait appel à Charles d’Amboise et Florimond Robertet pour qu'ils interviennent en sa faveur[37]. Louis XII de France est à Milan, et Léonard est de nouveau l’ordonnateur des fêtes données dans la capitale lombarde.
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+ En 1508, il vit dans la maison de Piero di Braccio Martelli avec le sculpteur Giovanni Francesco Rustici à Florence[45] mais part habiter à Milan, à la Porta Orientale dans la paroisse de Santa Babila[10]. Louis XII revient bientôt en Italie et entre à Milan en mai 1509. Presque aussitôt, il dirige ses armées contre Venise, et Léonard suit le roi en qualité d'ingénieur militaire ; il assiste à la bataille d'Agnadel[19]. À la mort du gouverneur Charles d’Amboise en 1511 et après la bataille de Ravenne en 1512, la France quitte le Milanais. Cette seconde période milanaise permet à Léonard de Vinci d'approfondir ses recherches en science pure. La parution, en 1509, du De expendentis et fugiendis rebus de Giorgio Valla eut certainement une grande influence sur lui[19].
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+ En septembre 1513, Léonard de Vinci part pour Rome travailler pour Julien de Médicis, frère du pape Léon X, membre de la riche et puissante famille du même nom. Au Vatican, Raphaël et Michel-Ange sont tous deux très actifs à cette époque[10]. Devant le succès des Sangallo, Léonard ne se voit confier que de modestes missions et semble n'avoir participé ni à la construction des nombreuses forteresses romaines qui marqueront l'évolution de la poliorcétique, ni à l'embellissement de la capitale. Pire, sa peinture elle-même ne semble plus de mise et il se réfugie dans une autre spécialité, peut-être sa préférée[19], l'hydraulique, avec un projet d’assèchement des marais pontins, appartenant au duc Julien de Médicis[19]. Léonard exécute, en 1514, la série des « Déluges », qui est une réponse partielle à la version offerte par Michel-Ange dans la chapelle Sixtine.
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+ « Les Médicis m'ont créé, les Médicis m'ont détruit », écrivit Léonard de Vinci, sans doute pour souligner les déceptions de son séjour romain. Sans doute pensait-il que jamais on ne lui laisserait donner sa mesure sur un chantier important. Sans doute connaissait-on aussi son instabilité, son découragement rapide, sa difficulté à terminer ce qu'il avait entrepris[19].
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+ En septembre 1515, le nouveau roi de France François Ier reconquiert le Milanais lors de la bataille de Marignan[46]. En novembre 1515, Léonard se penche sur un nouveau projet d’aménagement du quartier Médicis à Florence. Le 19 décembre, il est présent à Bologne pour la réunion entre François Ier et le pape Léon X[20],[47],[48]. François Ier charge Léonard de concevoir un lion mécanique pouvant marcher et dont la poitrine s'ouvre pour révéler des lys[29]. On ne sait pas pour quelle occasion ce lion a été conçu, mais il peut avoir été lié à l'arrivée du roi à Lyon ou aux pourparlers de paix entre le roi et le pape[Note 16].
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+ Il part travailler en France en 1516 avec son assistant artiste-peintre Francesco Melzi et Salai[45], où son nouveau mécène et protecteur, le roi François Ier, l’installe au manoir du Cloux — actuel château du Clos Lucé —, propriété de sa mère Louise de Savoie[49].
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+ Âgé de 64 ans, Léonard de Vinci arrive en France, apportant avec lui trois de ses toiles majeures : Saint Jean Baptiste, La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne et La Joconde[50]. Selon la légende, il aurait fait ce voyage à travers les Alpes à dos de mulet, or aucun document de l'époque ne le prouve[51]. Il aurait très bien pu arriver en bateau, puis prendre des chevaux.
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+ Au château du Clos Lucé, Léonard se trouve ainsi à proximité du château d'Amboise, la demeure du roi. Le souverain le nomme « premier peintre, premier ingénieur et premier architecte du roi »[15] avec une pension annuelle de mille écus[52]. Peut-être à la cour de France s'intéressait-on plus au peintre, à l'artiste qu'à l'ingénieur et, jusque-là, seuls des Français s'étaient attaché l'illustre Florentin en qualité d'artiste : en Italie, il n'avait jamais été engagé que comme ingénieur[19].
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+ En lui donnant le château du Clos Lucé, François Ier dit à Léonard : « Ici Léonard, tu seras libre de rêver, de penser et de travailler ». Il n'est pas le premier artiste à recevoir cet honneur ; Andrea Solario et Giovanni Giocondo l'avaient précédé quelques années avant[45].
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+ Au Clos Lucé, Léonard travaille comme ingénieur, architecte et metteur en scène, organisant pour la Cour des réceptions et fêtes somptueuses. Il inspire autour de lui la pensée et la mode. Il travaille à de nombreux projets pour le roi.
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+ François Ier est fasciné par Léonard de Vinci et le considère comme un père. Selon la légende, le château du Clos Lucé et le château d'Amboise étaient d'ailleurs reliés par un souterrain permettant au souverain de rendre visite à l’homme de science en toute discrétion.
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+ Il projette et réalise pour la reine Louise de Savoie (mère de François Ier) la construction d’une nouvelle demeure à Romorantin, sur la base d'un château médiéval pré-existant, intégrant le détournement d’un fleuve dans la Sauldre. Les travaux de dérivation, d'aménagement et de terrassement ont lieu entre 1516 et 1518. La construction est initiée, une aile de 70 mètres de long est réalisée mais les travaux restent inachevés en 1519, peut-être à cause de la peste, mais plus probablement à cause de la mort de Léonard[53].
118
+ L'aile construite par Louise de Savoie est détruite en 1723[54]. Il reste aujourd'hui, outre les plans de Leonard de Vinci dans le Codex Atlanticus, des traces archéologiques nombreuses dont les ruines du château et les remblais, qui font de ce projet inachevé un prototype du château de Chambord et de son fameux escalier à vis, dont l'architecte Dominique de Cortone vient rencontrer Leonard en 1518 au Clos Lucé[55].
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+ Il esquisse un projet de canal entre la Loire et la Saône et organise des fêtes, comme celle que le roi donne au château d'Argentan en octobre 1517 en l'honneur de sa sœur Marguerite d'Angoulême[19].
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+ Une paralysie a frappé Léonard de Vinci à la fin de sa vie. Antonio de Beatis, secrétaire du cardinal Louis d'Aragon, lorsque, tous deux en 1517, visitèrent Léonard de Vinci à Amboise expliquait combien le maître était en difficulté et comment les élèves l'aidaient[56].
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+ « Même si de lui, pour être venu à lui une certaine paralysie à droite, on ne peut plus attendre une bonne chose. Il a bien formé un créateur milanais qui travaille très bien. Et bien que Léonard de Vinci ne puisse pas colorier avec cette douceur habituelle, il peut aussi faire des dessins et en enseigner à d'autres[57]. »
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+ Le 23 avril 1519, Léonard de Vinci, malade depuis de longs mois, rédige son testament devant un notaire d’Amboise. La lettre de naturalité octroyée par François Ier lui permet de contourner le droit d'aubaine. Il demande un prêtre pour recevoir sa confession et lui donner l'extrême onction[29]. Il est emporté par la maladie le 2 mai 1519[45] au château du Clos Lucé, à l’âge de 67 ans.
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+ La tradition selon laquelle il mourut dans les bras de François Ier est racontée par Giorgio Vasari dans les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes[58]. Elle repose peut-être sur une interprétation erronément littérale d'une épitaphe, rapportée par Vasari dans l'édition de 1550 des Vies, mais qui ne figure plus dans celle de 1568[59]. Cette inscription — qui n'a jamais été vue sur aucun monument — contient les mots « Sinu Regio » pouvant signifier au sens propre : sur la poitrine d'un roi ; mais aussi, dans un sens métaphorique, dans l'affection d'un roi, et peuvent n'être qu'une allusion à la mort de Léonard dans un château royal[60]. De plus à cette époque, la Cour est au château de Saint-Germain-en-Laye, où la reine accouche du futur Henri II — le 31 mars —, et les ordonnances royales données le 1er mai sont datées de cet endroit. Le journal de François Ier ne signale d'ailleurs aucun voyage du roi jusqu’au mois de juillet. Pour finir, l’élève de Léonard de Vinci, Francesco Melzi, auquel il lègue ses livres et ses pinceaux et qui est dépositaire de son testament, écrit au frère du grand peintre une lettre où il raconte la mort de son maître. Pas un mot n’y fait allusion à la circonstance mentionnée plus haut qui, si elle avait été avérée, n’aurait certainement pas été oubliée[61],[62].
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+ Selon ses dernières volontés, soixante mendiants suivent son cortège vers la collégiale Saint-Florentin du château d'Amboise, où il est enterré. Les ossements attribués à Léonard de Vinci sont supposés placés depuis 1874 sous la pierre tombale de la chapelle Saint-Hubert, dans l’enceinte du château d'Amboise et dominant la ville[63]. Sa tombe fut refaite de 1934 à 1936 par le sculpteur Francis La Monaca.
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+ Léonard de Vinci, toute sa vie célibataire et n’ayant jamais eu ni femme ni enfant, lègue l’ensemble de son œuvre considérable, pour la faire publier, à son disciple préféré et élève depuis ses dix ans, Francesco Melzi. Il lui offre notamment ses manuscrits, carnets, documents et instruments[64].
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+ Après l’avoir accompagné en France, il reste près de Léonard de Vinci jusqu’à sa mort. Cependant, il ne publiera rien de l'œuvre de Léonard et de nombreuses peintures — dont la Joconde — qui se trouvaient encore en sa possession dans son atelier, certains tableaux ayant été déjà vendus à François Ier, d'autres donnés en héritage à Salai pendant son séjour au Clos Lucé en 1518[65]. Les vignes de Léonard seront divisées entre Salai, un autre élève et disciple très apprécié par Léonard et entré à son service à l’âge de 15 ans, ainsi que son servant Battista de Vilanis[64]. Le terrain sera légué aux frères de Léonard et sa servante Mathurine reçut un manteau noir à bords de fourrure[66].
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+ Vingt ans après la mort de Léonard, François Ier dira au sculpteur Benvenuto Cellini :
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+ « Il n'y a jamais eu un autre homme né au monde qui en savait autant que Léonard, pas autant en peinture, sculpture et architecture, comme il était un grand philosophe[67]. »
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+ Léonard commence son apprentissage avec Andrea del Verrocchio en 1466, année où le maître de Verrocchio, le grand sculpteur Donatello, meurt. Le peintre Paolo Uccello, dont les premières expériences avec la perspective influencèrent le développement de la peinture des paysages, est alors très âgé. De même, les peintres Piero della Francesca et Fra Filippo Lippi, le sculpteur Luca della Robbia et l'architecte et écrivain Leon Battista Alberti ont environ 60 ans. Les artistes les plus renommés de la génération suivante sont le maître de Léonard : Andrea del Verrocchio, Antonio Pollaiuolo et le sculpteur Mino da Fiesole.
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+ La jeunesse de Léonard se déroule dans une maison de Florence ornée des œuvres de ces artistes et par les contemporains de Donatello, Masaccio — dont les fresques figuratives et réalistes sont imprégnées d'émotion — et Lorenzo Ghiberti, dont la Porte du Paradis montre la complexité des compositions, alliant travaux architecturaux et soin des détails. Piero della Francesca a fait une étude détaillée de la perspective et sera le premier peintre à faire une étude scientifique de la lumière. Ces études et les traités de Leone Battista Alberti doivent avoir un effet profond sur les jeunes artistes et, en particulier, sur les propres observations de Léonard et ses œuvres d'art[68],[69],[70].
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+ La représentation du nu de Masaccio montrant Adam et Ève quittant le paradis, avec Adam sans ses organes génitaux — masqués par une feuille de vigne —, crée une image très expressive des formes humaines qui influencera beaucoup la peinture, notamment parce qu'elles sont exprimées en trois dimensions par une utilisation novatrice de la lumière et de l'ombre que Léonard développera dans ses propres œuvres. L'humanisme de la Renaissance, influençant le David de Donatello, peut être vu dans les peintures les plus tardives de Léonard, en particulier Saint Jean Baptiste[68].
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146
+ Florence est dirigée à l'époque par Laurent de Médicis et son jeune frère Julien, tué lors de la conjuration des Pazzi en 1478. Ludovic Sforza, qui gouverne Milan entre 1479 et 1499 et chez qui Léonard a été envoyé comme ambassadeur de la cour des Médicis, est aussi son contemporain[68],[69].
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+ C'est également par l'intermédiaire des Médicis que Léonard fait la connaissance d'anciens philosophes humanistes dont Marsile Ficin, partisan du néoplatonisme, et Cristoforo Landino, auteur de commentaires sur les écrits classiques. Jean Pic de la Mirandole est également associé à l'académie des Médicis[70],[71]. Léonard écrit plus tard, dans la marge d'un journal : « Les Médicis m’ont fait et les Médicis m’ont détruit » ; mais le sens de ce commentaire reste discuté[20].
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150
+ Bien que l'on cite ensemble les trois « géants » de la haute Renaissance, Léonard de Vinci, Michel-Ange et Raphaël ne sont pas de la même génération. Léonard a 23 ans quand nait Michel-Ange et 31 ans à la naissance de Raphaël. Raphaël mourra en 1520, une année après de Vinci et Michel-Ange vivra encore quarante-cinq ans[69],[70].
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152
+ Gian Giacomo Caprotti da Oreno[72], dit « il Salaino » (« le petit diable ») ou Salai, a été décrit par Giorgio Vasari comme « un gracieux et beau jeune homme avec des cheveux fins et bouclés, en lequel Léonard était grandement ravi »[29]. Salai entre au service de Léonard en 1490 à l'âge de 10 ans. Leur relation n'est pas facile. Un an plus tard, Léonard fait une liste des délits du garçon, le qualifiant de « voleur », « menteur », « têtu » et « glouton ». Le « petit diable » avait volé de l'argent et des objets de valeur au moins à cinq reprises, et avait dépensé une fortune en vêtements, dont vingt-quatre paires de chaussures[73]. Néanmoins, les carnets de Léonard des premières années de leur relation contiennent beaucoup d'images de l'adolescent. Salai est resté son serviteur et son assistant durant les trente années suivantes[10].
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+ En 1506, Léonard prend comme élève Francesco Melzi, âgé de 15 ans, fils d'un aristocrate lombard. Melzi devient le compagnon de vie de Léonard et il est considéré comme son élève favori. Il se rend en France avec Léonard et Salai, et reste avec lui jusqu'à sa mort[20]. Salai quitte cependant la France en 1518 pour retourner à Milan. Il y construit une maison dans le vignoble de la propriété de Léonard qu'il s'est finalement vu léguer. En 1525, Salai meurt d'une mort violente, soit assassiné, soit à la suite d'un duel[74].
155
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156
+ Salai exécute un certain nombre de tableaux sous le nom d'« Andrea Salai », mais, bien que Giorgio Vasari prétende que Léonard « lui a appris beaucoup de choses sur la peinture »[29], son travail est généralement considéré comme étant de moindre valeur artistique que celui des autres élèves de Léonard, comme Marco d'Oggiono ou Giovanni Antonio Boltraffio. En 1515, il peint une version nue de La Joconde, dite « Monna Vanna »[75]. À sa mort en 1525, la Joconde appartenant à Salai a été évaluée à cinq cent cinq lires, ce qui est une valeur exceptionnellement élevée pour un portrait de petite taille[74].
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+ Giovanni Antonio Boltraffio et Marco d'Oggiono rejoignent l'atelier de Léonard lorsqu'il est de retour à Milan, mais de nombreux autres élèves moins connus tels que Giovanni Ambrogio de Predis, Bernardino de Conti, Francesco Napoletano ou encore Andrea Solario sont aussi présents.
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160
+ Léonard de Vinci a eu beaucoup d'amis qui sont reconnus dans leurs domaines respectifs ou ont eu une influence importante sur l'Histoire. Il s'agit notamment du mathématicien Luca Pacioli avec qui il a collaboré pour un livre, César Borgia au service duquel il a passé deux années, Laurent de Médicis et le médecin Marcantonio della Torre. Il a rencontré Michel-Ange dont il a été le rival et a témoigné une « connivence intime » avec Nicolas Machiavel, les deux hommes ayant pu développer une étroite amitié épistolaire[41]. Parmi ses amis, se trouvent également Franchini Gaffurio et Isabelle d'Este. Léonard semble ne pas avoir eu d'étroites relations avec les femmes, sauf avec Isabelle. Il a fait un portrait d'elle, au cours d'un voyage qui le mena à Mantoue, qui semble avoir été utilisé pour créer une peinture, aujourd'hui perdue[20]. Il était également ami de l'architecte Jacopo Andrea da Ferrara jusqu'à son assassinat[37].
161
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162
+ Au-delà de l'amitié, Léonard garde sa vie privée secrète. De son vivant, ses capacités extraordinaires d'invention, son « exceptionnelle beauté physique », sa « grâce infinie », sa « grande force et générosité », la « formidable ampleur de son esprit », telles que décrites par Vasari[29], ont attisé la curiosité. De nombreux auteurs ont spéculé sur les différents aspects de la personnalité de Léonard. Sa sexualité a souvent été l'objet d'études, d'analyses et de spéculations. Cette tendance a commencé au milieu du XVIe siècle et a été relancée au cours des XIXe et XXe siècles, notamment par Sigmund Freud[76].
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164
+ Les relations les plus intimes de Léonard sont avec ses élèves : Salai et Francesco Melzi. Melzi a écrit que les sentiments de Léonard étaient un mélange d'amour et de passion. Il a été décrit depuis le XVIe siècle que ces relations étaient d'un caractère érotique. Depuis cette date, des auteurs[77],[78] ont beaucoup écrit au sujet de son homosexualité, voire de sa pédérastie présumée et du rôle de cette sexualité dans son art, en particulier dans l'impression androgyne et érotique qui se manifeste dans Bacchus et plus explicitement dans un certain nombre de ses dessins[79]. Cependant, l'homosexualité supposée platonique et courtoise, voire refoulée, de l'artiste, reste très hypothétique et il est difficile de se prononcer sur les mœurs de Léonard[80].
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166
+ Léonard est passionné par la nature et les animaux au point d’acheter des oiseaux en cage pour leur rendre leur liberté[81]. Il est également très bon musicien. Il est admis que Léonard était gaucher et ambidextre, ce qui expliquerait son utilisation de l'écriture spéculaire[14].
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+
168
+ Malgré la relativement récente prise de conscience et l'admiration vouée à Léonard comme scientifique et inventeur, son immense renommée de la plus grande partie de ces quatre cents dernières années a reposé sur ses réalisations en tant que peintre et sur une poignée d'œuvres — authentifiées ou lui étant attribuées — qui ont été considérées comme faisant partie des plus beaux chefs-d'œuvre jamais créés[Note 17].
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170
+ Ces peintures sont célèbres pour de nombreuses raisons et qualités qui ont été beaucoup imitées par les étudiants et discutées très longuement par les connaisseurs et les critiques. Parmi les qualités qui font des travaux de Léonard, des pièces uniques sont souvent citées, les techniques novatrices qu'il a utilisées dans l'application de la peinture, sa connaissance approfondie de l'anatomie humaine et animale, de la botanique et la géologie, mais aussi son utilisation de la lumière, son intérêt pour la physiognomonie et la façon dont les humains utilisent le registre des émotions et les expressions gestuelles, son sens de la composition et celui, subtil, des dégradés de couleurs. Il maîtrisait notamment la technique du « sfumato » et le rendu des ombres et des lumières. Toutes ces qualités sont réunies dans ses tableaux les plus connus, La Joconde, La Cène et La Vierge aux rochers[82].
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172
+ Léonard a réalisé de très nombreux portraits de femmes, mais un seul portrait d’homme — celui d’un musicien — a été retrouvé à ce jour. On lui prête souvent la phrase suivante : « Le personnage le plus digne d’éloges est celui qui, par son mouvement, traduit le mieux les passions de l’âme », qui explique bien sa pensée de peintre. Cependant, il a aussi dessiné des croquis caricaturaux de ses contemporains dans la mode du grotesque.
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+ Léonard est célèbre pour ses dessins et ses peintures dans lesquels il introduit une conception innovante[83] de la perspective. Vinci estimait que les arts picturaux forment une science[84]. Mais l'utilisation, souvent supposée, du nombre d’or dans son œuvre n'est pas avérée[85]. Son travail sur les proportions, à l'image de l’Homme de Vitruve, se limite à l'usage de fractions d'entiers.
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+ Les premiers travaux de Léonard de Vinci commencent avec Le Baptême du Christ peint avec Andrea del Verrocchio, à qui il est attribué, et ses autres élèves. Deux autres peintures semblent dater de cette période à l'atelier et qui sont toutes les deux des « Annonciations » ; l'une est petite, large de cinquante-neuf centimètres pour seulement quatorze de haut. Il s'agit d'une prédelle se plaçant à la base d'une composition plus large, et, dans ce cas, pour un tableau de Lorenzo di Credi duquel il fut séparé. L'autre est un travail beaucoup plus important, de deux cent dix-sept centimètres de large[40].
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+ Dans ces deux annonciations, Léonard a dépeint la Vierge Marie, assise ou agenouillée à la droite de l'image, et un ange de profil s'approchant d'elle par la gauche. Un gros travail est fait sur les mouvements des vêtements et les ailes de l'ange. Bien que précédemment attribuée à Domenico Ghirlandaio, l'œuvre est désormais presque universellement attribuée à de Vinci[86].
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+ Dans le tableau le plus petit, Marie détourne ses yeux et plie ses mains dans un geste qui symbolise la soumission à la volonté de Dieu. Dans le tableau le plus grand cependant, Marie ne semble pas aussi docile ; la jeune femme, interrompue dans sa lecture par ce messager inattendu qu'est l'ange, place son doigt dans le livre saint pour repérer la page de sa lecture interrompue et lève la main dans un geste de salutation ou de surprise[68]. Son calme semble montrer qu'elle accepte son rôle de mère de Dieu, non pas avec résignation, mais avec confiance. Dans ce tableau, le jeune Léonard présente le visage humaniste de la Vierge Marie, reconnaissant le rôle de l'humanité dans l'incarnation de Dieu[Note 18]. Ce dernier tableau a visiblement été travaillé par plusieurs personnes, puisque certaines discontinuités de style sont perceptibles, comme une « erreur » de perspective sur le bras droit de Marie, le pré fleuri comme une broderie ou bien les ailes de rapace de l'ange[30]. Le style du lutrin du tableau pourrait être un clin d'œil au style du tombeau de Pierre de Médicis réalisé par Verrocchio en 1472[30].
181
+
182
+ Dans les années 1480, Vinci reçoit deux très importantes commandes et commence à travailler à une autre œuvre qui est également d'une grande importance en termes de composition. Malheureusement, deux des trois œuvres n'ont jamais été terminées et la troisième a été si longue à créer qu'elle fut soumise à de longues négociations sur son achèvement et son paiement. L'un de ces tableaux est Saint Jérôme. Liana Bortolon, dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967), associe ce tableau à une période difficile de la vie de Léonard. Les signes de la mélancolie peuvent se lire dans son journal : « Je pensais que j'apprenais à vivre ; j'apprenais seulement à mourir[20]. »
183
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+ La composition du tableau est très inhabituelle, même s'il est vrai que certaines parties de celui-ci furent découpées[Note 19]. Le tableau dépeint la pénitence de Jérôme de Stridon dans le désert. Pénitent, Jérôme occupe le milieu de l'image, le corps légèrement en diagonale. Sa posture agenouillée prend une forme trapézoïdale, avec un bras tendu vers le bord extérieur de la peinture et son regard allant dans la direction opposée. Jack Wasserman souligne le lien entre cette peinture et les études anatomiques de Léonard[46]. Au premier plan de l'ensemble s'étend son symbole, un grand lion, dont le corps et la queue effectuent une double courbe à travers la base de l'image. L'autre caractéristique intéressante est l'aspect superficiel du paysage de pierres rocailleuses où se trouve le personnage.
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+ L'affichage audacieux et novateur de la composition, avec les éléments du paysage et le drame personnel, apparaît également dans le grand chef-d'œuvre inachevé qu'est L'Adoration des mages, une commande des moines de San Donato à Scopeto. C'est un tableau à la composition très complexe, et Léonard a fait de nombreux dessins et études préparatoires, y compris une très détaillée pour la perspective linéaire d'une ruine d'architecture classique qui sert de toile de fond à la scène. Mais, en 1482, Léonard part à Milan, à la demande de Laurent de Médicis, afin de gagner les bonnes grâces de Ludovic Sforza. Il abandonne donc son tableau[86],[10].
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+ Le troisième travail important de cette période est La Vierge aux rochers qui a été commandée à Milan pour la confrérie de l'Immaculée Conception. La peinture, faite avec l'assistance des frères, devait combler un grand retable, déjà construit[46]. Léonard a choisi de peindre un passage de l'enfance du Christ tiré des évangiles apocryphes, lorsque le petit Jean le Baptiste, sous la protection d'un ange, a rencontré la sainte Famille sur la route de l'Égypte. Dans cette scène, telle qu'elle a été peinte par Léonard de Vinci, Jean reconnaît et vénère Jésus comme le Christ. Le tableau montre des personnages gracieux s'agenouillant en adoration devant le Christ dans un environnement sauvage et un paysage rocheux[87]. Le tableau est quasiment aussi complexe que la peinture commandée par les moines de San Donato, même s'il a seulement quatre personnages — et non cinquante — et s'il dépeint un paysage plutôt qu'un fond architectural. Le tableau a été achevé, mais deux versions de la peinture ont en fait été réalisées : celle qui est restée à la chapelle de la confrérie et l'autre qu'a emportée Léonard en France. Mais les frères n'ont pas eu leur peinture avant le siècle suivant[10],[25]. Une seconde version de ce tableau, avec l'ajout des auréoles et du bâton de Jean le Baptiste sera faite quelques années plus tard.
189
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190
+ La plus célèbre peinture de Léonard pour la période des années 1490 est La Cène. Elle est peinte directement sur un mur du couvent Santa Maria delle Grazie à Milan. La peinture représente le dernier repas partagé par Jésus et ses disciples avant sa capture et sa mort. Il montre précisément le moment où Jésus déclare : « l'un de vous va me trahir ». Léonard dépeint la consternation que cette déclaration a causée à l'ensemble des douze disciples de Jésus[25].
191
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192
+ Matteo Bandello a observé Léonard au travail et il écrit, dans une de ses nouvelles que, certains jours, il peint de l'aube au crépuscule sans même s'arrêter pour manger, et puis ne peint plus les trois ou quatre jours suivants[46]. Selon Vasari, cela provoque l'incompréhension du père supérieur, le prieur, qui chasse le peintre jusqu'à ce que Léonard demande au duc de Milan, Ludovic Sforza, d'intervenir. Vasari décrit également comment Vinci doute de sa capacité à peindre proprement les visages de Jésus et de Judas, affirmant au duc qu'il a peut-être utilisé le moine pour modèle[29].
193
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194
+ La fresque, achevée, est saluée comme un chef-d'œuvre de conception et de caractérisation[29], obtenant même plus tard l'admiration de Pierre Paul Rubens et de Rembrandt[33]. L'œuvre a été restaurée sans cesse, la peinture se détachant du support en plâtre[15]. La peinture s'est détériorée rapidement, de telle sorte qu'avant même le centième anniversaire de sa création, elle a été décrite par un témoin comme « totalement dévastée »[10]. Léonard, au lieu d'utiliser la technique éprouvée de la fresque, a utilisé la « technique de la tempera », un procédé de peinture utilisant le jaune d'œuf comme médium pour lier les pigments, alors que le support est principalement « gesso », un type de craie fait de carbonate de calcium minéral, ce qui a produit une surface sujette à la moisissure et à l'écaillage[10].
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+ Malgré ces déboires, la Cène est restée l'une des œuvres d'art les plus reproduites. Heureusement, une toile d'époque de grandes dimensions est exposée en l'abbaye de Tongerlo à Westerlo. Elle est une des copies les plus fidèles et les plus anciennes du chef-d'œuvre du maître italien : œuvre des élèves de Léonard, il semblerait qu'il aurait peint lui-même la tête de Jésus et celle de l'apôtre Jean. Les restaurateurs viennent chercher à Westerlo les couleurs exactes pour leurs travaux avant d'aller à Milan.
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198
+ Parmi les œuvres créées par Léonard dans les années 1500, se trouve un petit portrait connu sous le nom de La Joconde (1503-1506) ou, notamment pour les anglophones, sous le nom de « Mona Lisa ». Le tableau est connu, en particulier, pour l'insaisissable sourire sur le visage de la femme, dont les experts s'accordent à dire qu'il s'agit de Lisa Gherardini. La qualité de la peinture est peut-être liée au fait que l'artiste a subtilement ombré les coins de la bouche et les yeux, afin que la nature exacte du sourire ne puisse être déterminée. La qualité des ombres, pour lesquelles le travail est réputé, a été appelée « sfumato » ou « la fumée de Léonard ». Giorgio Vasari a écrit que « le sourire est si agréable qu'il semble divin plutôt qu'humain ; ceux qui l'ont vu ont été très surpris de constater qu'il semble aussi vivant que l'original »[29]. Néanmoins, et pendant longtemps, les experts ont généralement admis que Vasari a pu n'avoir jamais connu la peinture autrement que par sa renommée, car il l'a décrite comme ayant des sourcils. Une analyse spectroscopique à haute résolution a permis de confirmer l'hypothèse de Daniel Arasse qui, dans son livre Leonardo da Vinci (1997), discutait de la possibilité que Léonard ait pu avoir peint le visage avec des sourcils, mais qu'ils ont ensuite été enlevés, notamment parce qu'ils n'étaient pas en vogue au milieu du XVIe siècle. Effectivement, La Joconde aurait eu des sourcils et des cils qui ont, par la suite, été enlevés[88].
199
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200
+ Les autres caractéristiques de ce travail sont la sévérité vestimentaire, laissant les yeux et les mains non concurrencés par d'autres détails, le paysage de fond spectaculaire[89], le travail des couleurs et la nature de la technique de peinture très douce employant des huiles, mais posées un peu comme la tempera et mélangées à la surface de sorte que les coups de pinceau semblent indissociables. Vasari a exprimé l'avis que la façon de peindre ferait même « le plus confiant des maîtres [de la peinture]… désespérer et perdre courage »[29]. L'état de conservation remarquable et le fait qu'il n'y ait aucun signe visible de réparations ou de surcouches repeintes sont extrêmement rares pour une peinture de cette période[40].
201
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202
+ Dans La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, la composition reprend de nouveau le thème de personnages dans un paysage que Jack Wasserman, dans son livre Leonardo da Vinci (1975), qualifie de « saisissant par sa beauté »[46] et renvoie à la peinture inachevée de saint Jérôme avec le personnage faisant un angle oblique avec l'un de ses bras. Ce qui rend La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne si rare est la présence de deux ensembles dans une perspective différente, mais se superposant. Marie est assise sur les genoux de sa mère, sainte Anne. Elle se penche en avant pour prendre dans ses bras l'enfant Jésus qui joue avec un agneau, signe de l'imminence de son propre sacrifice[25]. Ce tableau, copié à plusieurs reprises, a influencé Michel-Ange, Raphaël et Andrea del Sarto[10] et, à travers eux, Pontormo et Le Corrège. Le style de la composition a été adopté en particulier par les peintres vénitiens Le Tintoret et Paul Véronèse.
203
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204
+ Vinci n'a pas été un peintre prolifique, mais il l'a été comme dessinateur, remplissant ses journaux de petits croquis et de dessins détaillés afin de garder une trace de tout ce qui avait attiré son attention. En plus de ses notes, il existe de nombreuses études pour ses peintures, dont certaines peuvent être considérées comme préparatoires à des travaux tels que L'Adoration des mages, La Vierge aux rochers et La Cène[90]. Son premier dessin daté est un paysage, Paysage de la vallée de l'Arno (1473), qui montre la rivière, les montagnes, le château Montelupo et les exploitations agricoles au-delà de celui-ci dans le plus grand détail[20],[90].
205
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206
+ Parmi ses célèbres dessins, il y a l’homme de Vitruve, une étude des proportions du corps humain, la Tête de jeune femme préparatoire à la tête de l'ange dans La Vierge aux rochers et La Vierge, l'Enfant Jésus avec sainte Anne et saint Jean Baptiste, qui est un grand carton (160 × 100 cm) en craie blanche et noire sur un papier de couleur de sainte Anne[90]. Ce thème de sainte Anne sera, avec la sainte Famille, la dominance de l'œuvre de Léonard de 1500 à 1517[37]. Ce dessin emploie la technique subtile du sfumato, à la manière de La Joconde. Léonard ne semble jamais avoir fait une peinture à partir de ce dessin, mais un tableau assez proche en est La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne[10].
207
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208
+ Les autres dessins d'intérêt comprennent de nombreuses études généralement dénommées « caricatures » parce que, bien qu'exagérées, elles semblent être fondées sur l'observation de modèles vivants. Giorgio Vasari rapporte que, si Léonard voyait une personne qui avait un visage intéressant, il la suivait toute la journée pour l'observer[29]. Il existe de nombreuses études de beaux jeunes hommes, souvent associées à Salai, avec le visage rare, très admiré et caractéristique que l'on appelle le « profil grec »[Note 20]. Ces visages sont souvent en contraste avec ceux d'un guerrier[90]. Salai est souvent dépeint dans des costumes et des déguisements. Léonard est connu pour avoir conçu des décors pour des processions traditionnelles. D'autres dessins, souvent minutieux, montrent des études de draperies. Le Musée Léon-Bonnat de Bayonne conserve un dessin de Léonard de Vinci représentant Bernardo di Bandino Baronchelli (l'un des assassins de Julien de Médicis lors de la conjuration des Pazzi), après sa pendaison à l’une des fenêtres du Palazzo del Capitano di Giustizia à Florence, le 29 décembre 1479[91].
209
+
210
+ L'humanisme de la Renaissance ne lie pas les sciences et les arts. Cependant, les études de Vinci en sciences et en ingénierie sont aussi impressionnantes et novatrices que son travail artistique, enregistrées dans des carnets de notes comprenant quelque treize mille pages d'écriture et de dessins, qui associent art et philosophie naturelle (la base de la science moderne). Ces notes ont été réalisées et mises à jour quotidiennement pendant toute la vie et les voyages de Léonard. Continuellement, il s'efforce de faire des observations du monde qui l'entourait[25], conscient et fier d'être, comme il se définissait, un « homme sans lettres », autodidacte et lucide sur les phénomènes naturels souvent bien éloignés de ce qui était appris à l'école[33].
211
+
212
+ Ces journaux sont, pour la plupart, rédigés en toscan dans une écriture spéculaire plus communément appelée « écriture en miroir ». La raison peut avoir été davantage un besoin pratique, pour être plus rapide, que pour des raisons de chiffrement afin d'échapper à la censure de son temps ou de garder ses notes de travail secrètes, comme cela est souvent suggéré (thèse du mathématicien Luca Pacioli dès le XVe siècle, réfutée car cette écriture se lit facilement à l'aide d'un miroir, par ailleurs Léonard truffe ses notes d'abréviations et c'est plutôt cette caractéristique qui en rendent la lecture plus difficile). Comme Léonard écrivait avec sa main gauche, il devait être plus facile pour lui d'écrire de droite à gauche. En effet la main fournit moins d'effort et cette technique évite de laisser des traînées ou effacer l'encre humide en passant dessus sa main qui tient la plume d'oie. Néanmoins, il rédige occasionnellement de gauche à droite, ce qui montre qu'il maîtrise aussi cette technique[92].
213
+
214
+ Ses notes et dessins, dont les plus anciens sont datés de 1475[30], montrent une grande variété d'intérêts et de préoccupations, mais aussi certaines listes quelconques d'épicerie ou de ses débiteurs. Il y a des compositions pour des peintures, des études de détails et de tapisseries, des études de visages et d'émotions, des animaux, des bébés, des dissections, des études botaniques et géologiques, des machines de guerre, des machines volantes et des travaux architecturaux[25].
215
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216
+ Ces carnets de notes — initialement des feuilles volantes de différentes tailles et de différents types, données par ses amis après sa mort — ont trouvé leur place dans les collections importantes comme celles exposées au château de Windsor, à la Bibliothèque de l'Institut de France[93], à la Bibliothèque nationale d'Espagne, à la Bibliothèque Ambrosienne de Milan, au Victoria and Albert Museum et à la British Library de Londres. La British Library a mis une sélection à partir de ses notes (BL Arundel MS 263) sur l'Internet dans les pages de son site abordant ce chapitre[94]. Le Codex Leicester est le seul grand travail scientifique de Vinci qui soit entre les mains d'un propriétaire privé (Bill Gates).
217
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218
+ Les journaux de Léonard semblent avoir été destinés à la publication, car beaucoup de feuilles ont une forme et un ordre qui en faciliteraient l'édition. Dans de nombreux cas, un seul thème, par exemple, le cœur ou le fœtus humain, est traité en détail à la fois dans les mots et les images, sur une seule feuille[95]. Ce mode d'organisation minimise également la perte de données dans le cas où les pages seraient mélangées ou détruites. La raison pour laquelle ces journaux n'ont pas été publiés alors que Léonard était encore en vie est inconnue[25], mais certains estiment que la société n'était pas prête pour cela, notamment l'Église vis-à-vis de ses travaux anatomiques.
219
+
220
+ En 2019, une étude scientifique menés par des chercheurs du musée des Offices de Florence démontre que Léonard de Vinci est ambidextre à partir de l'analyse du dessin le Paesaggio[96].
221
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222
+ L'approche de la science par Léonard est très liée à l'observation : si « la Science est le capitaine, la pratique est le soldat »[33]. Sa science, ses recherches scientifiques ne portent exclusivement que sur les parties qu'il a pratiquées en technicien[19]. Léonard de Vinci a essayé de comprendre un phénomène en le décrivant et en l'illustrant dans les plus grands détails, en n'insistant pas trop sur les explications théoriques. Ses études sur le vol ou le mouvement de l'eau sont sans doute ce qu'il y a de plus remarquable à ce sujet. Comme il manquait d'instruction initiale en latin et en mathématiques, les chercheurs contemporains ont largement ignoré le savant Léonard, bien qu'il ait appris par lui-même le latin.
223
+
224
+ Dans les années 1490, il a étudié les mathématiques à la suite de Luca Pacioli et a fait une série de dessins de solides réguliers dans une forme squelettique afin de les faire graver pour son livre Divina Proportione (1509)[25]. Il est alors particulièrement fasciné par l'idée de l'absolu et de l'universel[33]. Cependant, sa culture mathématique est celle d'un praticien : elle a les objectifs limités des abacistes de son temps, il pénètre avec peine la géométrie des Grecs, sa perspective est celle de tous les théoriciens de son temps. Néanmoins, au-delà du simple aspect géométrique de la représentation de la perspective, il propose dans son Traité de la Peinture, une triple définition de la perspective :
225
+
226
+ 1° : perspective linéaire (diminution de la taille des objets proportionnellement à leur distance à l'observateur, perspective géométrique ss)[98],
227
+
228
+ 2° : perspective des couleurs (atténuation des couleurs proportionnellement à leur distance à l'observateur)[99],
229
+
230
+ 3° : perspective d’effacement (diminution de la précision des détails proportionnellement à leur distance à l'observateur)[100].
231
+
232
+ Également, Léonard a conçu un instrument à système articulé destiné à construire une solution mécanique du problème d'Alhazen, problème essentiellement technique, et qui témoigne d'une connaissance sur les lois de la réflexion[19].
233
+
234
+ De même, la mécanique de Léonard est celle de ses contemporains, avec ses faiblesses, ses incertitudes, ses erreurs et il ne paraît pas qu'il ait apporté beaucoup de découvertes en la matière. Sa physique est assez confuse et vague. Il ne fut certainement jamais artilleur et n'a pas de théorie relative à la balistique. Pourtant, comme l’attestent certains de ses schémas, Léonard de Vinci eut peut-être l’intuition, comme on pouvait l’observer sur un jet d’eau, qu’il n’existait pas de partie rectiligne dans la trajectoire d’un projectile d’artillerie contrairement à ce qui était couramment admis à l’époque. Mais il s’arrêta très vite sur une voie que Tartaglia puis Benedetti allaient suivre et qui mena à Galilée[19].
235
+
236
+ Si Alberti ou Francesco di Giorgio Martini se préoccupèrent de la solidité des poutres, jamais ils n’avaient cherché de formulations mathématiques. Léonard de Vinci s’intéresse au problème de la flexion, sans doute à l’aide d’expériences, et parvient à définir des lois, encore imparfaites[Note 21], de la ligne élastique pour des poutres de différentes sections, libres ou encastrées dont le problème de Galilée (problème du balcon). Ce faisant, il élimine le module d’élasticité et le moment auquel avait pourtant fait allusion Jordanus Nemorarius[19].
237
+
238
+ Sa chimie se borne à la mise au point d'un alambic et aux quelques recherches d'alchimie qu'il pratiqua à Rome[19].
239
+
240
+ Paul Valéry met en avant la manière dont Léonard de Vinci a découvert intuitivement, par l'observation, « le premier germe de la théorie des ondulations lumineuses », sans cependant pouvoir la valider de manière expérimentale : « L'air est rempli d'infinies lignes droites et rayonnantes, entrecroisées et tissées sans que l'une n'emprunte jamais le parcours d'une autre, et elles représentent pour chaque objet la vraie forme de leur raison (de leur explication)[101]. »
241
+
242
+ Léonard de Vinci étudia aussi beaucoup la lumière et l'optique[45] ; en hydrologie, la seule véritable loi qu'il ait formulée est celle du débit des cours d'eau.
243
+
244
+ Il semble que, à partir du contenu de ses carnets, il ait envisagé de publier une série de traités sur une grande variété de sujets. À plusieurs reprises il mentionne un projet de traité de l'eau, mais qui paraît avoir été si considérable dans sa pensée qu'il semblait irréalisable[19]. Un traité d'anatomie aurait été observé au cours d'une visite par le secrétaire du cardinal Louis d'Aragon en 1517[102].
245
+
246
+ Son élève Francesco Melzi, chercha à reconstituer le Traité de la peinture que Léonard de Vinci avait projeté toute sa vie d'écrire. Il compila pour cela les aspects de son travail sur l'anatomie, la lumière et les ombres, les drapés, les paysages. Une édition partielle et incomplète du travail de Francesco Melzi parut en 1651, en italien, puis en français. Charles Le Brun présenta l’édition française du Traité de la peinture aux membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture comme le livre qui devait leur servir désormais de référence (malgré les critiques d‘Abraham Bosse et le scepticisme de Félibien[103]). C’est ainsi que Léonard de Vinci fut transformé « en précurseur de la pensée académique », selon la formule de Daniel Arasse[25].
247
+
248
+ La formation initiale de Léonard à l'anatomie du corps humain a commencé lors de son apprentissage avec Andrea del Verrocchio, son maître insistant sur le fait que tous ses élèves apprennent l'anatomie. Comme artiste, il est rapidement devenu maître de l'anatomie topographique, en s'inspirant de nombreuses études des muscles, des tendons et d'autres caractéristiques anatomiques visibles. Il pose les bases de l'anatomie scientifique, disséquant notamment des cadavres de criminels dans la plus stricte discrétion, pour éviter l’Inquisition. Les conditions de travail sont particulièrement pénibles à cause des problèmes d'hygiène et de conservation des corps.
249
+
250
+ Comme artiste connu, il a reçu l'autorisation de disséquer des cadavres humains à l'hôpital de Santa Maria Nuova à Florence et, plus tard, dans les hôpitaux de Milan et de Rome (de 1513 et 1516, il y dirige plusieurs autopsies dans l'hôpital romain Santo Spirito in Sassia). Il réalise ainsi une vingtaine de dissections à partir de 1487 pour composer un traité d'anatomie[104] qui ne verra jamais le jour[105]. De 1510 à 1511, il a collaboré dans ses recherches avec le médecin Marcantonio della Torre.
251
+
252
+ Léonard a dessiné de nombreux squelettes humains, des os, ainsi que les muscles et les tendons, le cœur et le système vasculaire, l’action de l’œil, les organes sexuels et d'autres organes internes. Ces observations contiennent parfois des inexactitudes dues aux méconnaissances de l'époque[15]. Il n'a par exemple jamais entrevu la circulation du sang[19]. Il a par contre identifié quatre cavités cardiaques dans le cœur (Vésale et Descartes n'y en verront que deux), fait l'un des premiers dessins scientifiques d'un fœtus dans l'utérus[90] et la première constatation scientifique de la rigidité des artères à la suite d'une crise cardiaque. Comme artiste, Léonard observa de près les effets de l'âge et de l'émotion humaine sur la physiologie, en étudiant en particulier les effets de la rage. Il a également dessiné de nombreux modèles, dont certains avec d'importantes déformations faciales ou des signes visibles de maladie[25],[90].
253
+
254
+ Il a aussi étudié et dessiné l'anatomie de nombreux animaux. Il a disséqué des vaches, des oiseaux, des singes, des ours et des grenouilles, comparant la structure anatomique de ces animaux avec celle de l'homme. Il étudia également les chevaux.
255
+
256
+ « Combien de biographies n'a-t-on pas écrites, qui ne mentionnent cette activité scientifique ou technique que pour montrer l'étendue d'un savoir qu'on veut universel […] Tout ceci n'a pu se faire que péniblement, par une recherche constante de ce qu'avaient écrit les anciens ou les prédécesseurs immédiats […] Et faute de connaître tout ce passé qui l'avait fait, on a présenté Léonard comme un inventeur fécond »
257
+
258
+ — Bertrand Gille, dans Les ingénieurs de la Renaissance[19]
259
+
260
+ Léonard de Vinci s’inscrit dans le courant technicien de la Renaissance et, comme tel, il eut des prédécesseurs immédiats ou plus lointains parmi lesquels on peut citer Konrad Kyeser, Taccola, Roberto Valturio, Filippo Brunelleschi, Jacomo Fontana ou encore Leon Battista Alberti à qui il doit sans doute beaucoup[19].
261
+
262
+ Certains furent des personnalités plus puissantes, des esprits plus complets, des curiosités plus larges encore. C’est le cas de Francesco di Giorgio Martini qui fut son supérieur lors de la construction du dôme de Milan et à qui il emprunta certainement beaucoup[19]. Étant sans doute moins occupé par ses réalisations que ce dernier du fait d’un carnet de commandes moins rempli, Léonard de Vinci sera à la fois plus prolifique, mais surtout capable d’un changement de méthode.
263
+
264
+ La légende fait de Léonard le précurseur de plusieurs machines modernes mais nombre d'entre elles ont été inventées par des prédécesseurs (tels le bateau à roues à aubes existant sous la dynastie des Song du Sud au Ve siècle, l'hélicoptère, le véhicule à chenilles, la machine à tisser des scies hydrauliques, le sous-marin ou le char d'assaut blindé que Léonard perfectionne après avoir puisé ses idées notamment dans les carnets de Taccola et de son maître Giorgio, eux-mêmes copiant des manuscrits de penseurs contemporains ou médiévaux[106]) et, au-delà de l'étonnement éprouvé face à l’imagination prospective de l’auteur, on peut vite constater que le fonctionnement réel de la machine n’a pas dû être son souci premier. Comme le moine Eilmer de Malmesbury au XIe siècle qui avait oublié la queue dans sa machine volante, les inventions de Léonard butent sur de nombreuses difficultés : l’hélicoptère s’envolerait comme une toupie, le scaphandrier s’asphyxierait, le bateau à aubes n’avancerait pas, le parachute en pyramide s'enroulerait sur lui-même, etc.[107]. De plus, dans ces épures, Léonard ne pose jamais le problème de la force motrice[108].
265
+
266
+ Dans une lettre d'emploi adressée à Ludovic Sforza[Note 22], qui est une véritable lettre de candidature en dix points, il lui présente son profil professionnel, le meilleur du marché, avec des compétences et des secrets qui peuvent réellement faire la différence avec tous ceux qui se disent experts en matière de guerre. Il énumère : ponts, échafaudages et escaliers, outils pour détruire murs et forteresses, machines de siège, bombardiers et mortiers, passages secrets, chars, armes pour les batailles navales, navires pouvant résister aux bombes, c'est-à-dire toutes sortes de matériels pouvant servir, à la fois pour la protection de la ville et pour un siège[109].
267
+
268
+ Quand il a fui à Venise en 1499, il a trouvé un emploi d'ingénieur et a développé un système de barrières mobiles pour protéger la ville contre les attaques terrestres. Il a également eu pour projet de détourner la circulation de l'Arno afin d'irriguer les champs toscans, de faciliter le transport et même de gêner l'approvisionnement maritime de Pise, la rivale de Florence[37].
269
+
270
+ Ses carnets présentent un grand nombre d'« inventions » (inventions propres ou perfectionnement de machines et d'instruments) à la fois pratiques et réalistes[110], notamment des pompes hydrauliques, des mécanismes à manivelle comme la machine à tailler les vis de bois, des ailettes pour les obus de mortier, un canon à vapeur[20],[25], le sous-marin, plusieurs automates, le char de combat, l'automobile, des flotteurs pour « marcher sur l'eau », la concentration d'énergie solaire, la calculatrice, le scaphandre à casque, la double coque ou encore le roulement à billes. La paternité de la bicyclette est, quant à elle, très controversée[Note 23].
271
+
272
+ Un examen attentif de ces épures indique cependant que nombre de ces techniques furent, soit empruntées à quelques prédécesseurs immédiats (la turbine hydraulique à Francesco di Giorgio Martini, la chaîne articulée pour la transmission des mouvements à Taccola, etc.), soit l'héritage d'une tradition encore plus ancienne (le martinet hydraulique est connu au XIIIe siècle, les siphons et aqueducs sont visibles chez Frontin, les automates de divertissement décrits par les mécaniciens grecs…)[19]. Pourtant Léonard fut aussi novateur ; il est sans doute l'un des premiers dans le cercle des ingénieurs de l'époque à s'intéresser au travail mécanique du métal et en particulier de l'or, plus malléable. Avec la machine volante, les quelques machines textiles, pour lesquelles la régularité des mouvements mis en œuvre lui permet d'appliquer son sens de l'observation, signent son originalité. Le métier mécanique, la machine à carder et celle à tondre les draps font sans doute de Léonard, le premier qui chercha à mécaniser une fabrication industrielle. La machine à polir les miroirs qui supposait la résolution d'un certain nombre de problèmes pour obtenir des surfaces régulières, planes ou concaves, a été imaginée pendant son séjour romain alors qu'il étudiait la fabrication des images. Paradoxalement, Léonard de Vinci s'intéressa peu à des inventions que nous jugeons aujourd'hui très importantes, telles que l'imprimerie, même s'il est un des premiers à nous donner une représentation d'une presse d'imprimerie[19].
273
+
274
+ Si la guerre peut répondre à une nécessité, elle est pazzia bestialissima (« folie sauvage »)[33]. Il étudie donc les armes tout en gardant du recul quant à leur utilisation.
275
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276
+ En 1502, Léonard a dessiné un pont de deux cent quarante mètres dans le cadre d'un projet de génie civil pour le sultan ottoman Bayezid II d'Istanbul. Ce pont était destiné à franchir l'embouchure du Bosphore, connue sous le nom de la « Corne d'Or ». Beyazid ne poursuit pas le projet, car il estime que cette construction serait impossible. La vision de Léonard a été ressuscitée en 2001 quand un petit pont conçu selon ses idées a été construit en Norvège. Le 17 mai 2006, le gouvernement turc a décidé de construire le pont de Léonard pour la Corne d'Or[111].
277
+
278
+ Pendant la majeure partie de sa vie, Léonard a été, comme Icare, fasciné par le vol. Il a produit de nombreuses études sur ce phénomène en s'inspirant des oiseaux et des plans de vol de plusieurs appareils, dont les prémices d'hélicoptère nommées la « vis aérienne », le parachute et une sorte de deltaplane[25] en bambou. Sur ce nombre, la plupart étaient irréalisables, mais le deltaplane a été construit et, avec l'ajout un empennage pour la stabilité, a volé avec succès. Néanmoins, il semble probable qu'il estimait que les systèmes proches des chauves-souris avaient le plus gros potentiel[33]. Il inventa également la soufflerie aérodynamique pour ses travaux.
279
+
280
+ Le musée du clos Lucé à Amboise, le musée Il Castello situé au château de comtes Guidi de Vinci et le Musée des Sciences et des Techniques Léonard de Vinci de Milan contiennent de nombreuses maquettes, des objets grandeur nature établis sur l’étude de ses carnets et des explications sur son travail.
281
+
282
+ De Vinci a également étudié l'architecture. Il est influencé par les travaux de Filippo Brunelleschi et a projeté de surélever le baptistère Saint-Jean de Florence[30] ou de créer une tour-lanterne pour la cathédrale de Milan[33]. Il utilise souvent la forme octogonale pour les bâtiments religieux et le cercle pour les militaires[37]. À la suite de la peste qui frappe Milan vers 1484 et 1485, il conçoit une ville parfaite théorique avec des axes de circulation optimaux et des conditions de vie de qualité, sa vision n'est pas marquée par des distinctions sociales, mais fonctionnelles, tels des organes dans un corps humain[33]. Il travaille également sur les jardins[45]. Néanmoins, beaucoup de ses travaux sur l'architecture seront perdus.
283
+
284
+ Léonard de Vinci a un besoin de rationaliser inconnu jusqu’alors chez les techniciens. Avec lui la technique n’est plus affaire d’artisans, de personnes ignorantes et de traditions plus ou moins valables et plus ou moins comprises par ceux qui étaient chargés de l’appliquer. George Sarton, historien des sciences, indique que Léonard de Vinci a recueilli une « tradition orale et manuelle, non une tradition littéraire[112]. »
285
+
286
+ C’est d’abord par les échecs, par les erreurs, par les catastrophes qu’il essaie de définir la vérité : les lézardes des murs, les affouillements destructeurs des berges, les mauvais mélanges de métaux sont autant d’occasions de connaître les bonnes pratiques.
287
+
288
+ Progressivement, il élabore une sorte de doctrine technique, née d’observations bientôt suivies d’expériences qui furent parfois conduites sur de petits modèles. Harald Höffding présente sa pensée comme un mélange d’empirisme et de naturalisme[113]. En effet, si pour Léonard de Vinci « La sagesse est la fille de l'expérience »[114], elle permet de vérifier constamment ses intuitions et théories, car « L'expérience ne se trompe jamais ; ce sont vos jugements qui se trompent en se promettant des effets qui ne sont pas causés par vos expérimentations »[114].
289
+
290
+ La méthode de Léonard de Vinci a certainement consisté dans la recherche de données chiffrées[112] et son intérêt pour les instruments de mesure en témoigne. Ces données étaient relativement faciles à obtenir dans le cas des poutres en flexion par exemple, beaucoup plus compliquées dans le domaine des arcs ou de la maçonnerie. La formulation des résultats ne pouvait être que simple, c’est-à-dire exprimée le plus souvent par des rapports. Cette recherche effrénée de l’exactitude est devenue la devise de Léonard de Vinci, Hostinato rigore (« obstinée rigueur »)[115]. C’est néanmoins la première fois qu’on voit appliquer de telles méthodes dans les métiers où on dut longtemps se contenter de moyens irraisonnés d’appréciation.
291
+
292
+ Ce faisant, Léonard en est arrivé à pouvoir poser des problèmes en termes généraux. Ce qu’il cherche avant tout ce sont des connaissances générales, applicables dans tous les cas, et qui sont autant de moyens d’action sur le monde matériel. Pour autant sa « science technique » reste fragmentaire. Elle s’attache à un certain nombre de problèmes particuliers, traités très étroitement, mais il y manque encore la cohérence d’ensemble qu'on trouvera bientôt chez ses successeurs[19].
293
+
294
+ Pour lui, cette recherche dans tous les domaines de la science et de l'art est normale, car tout est lié. Sa curiosité et son activité perpétuelle constituent le moyen de garder un esprit vivace, car « Le fer se rouille, faute de s'en servir, l'eau stagnante perd de sa pureté et se glace par le froid. De même, l'inaction sape la vigueur de l'esprit »[114]. Léonard de Vinci considère la peinture, par exemple, comme l'expression visuelle d'un tout ; l'art, la philosophie et la science sont, selon lui, indissociables et pouvant expliquer en partie son approche de polymathe et « Qui blâme la peinture n'aime ni la philosophie ni la nature »[114]. En proposant une « synthèse par la beauté », Léonard de Vinci illustre à lui seul ce que fut le grand courant d'innovation de la Renaissance[116].
295
+
296
+ Cependant, cette tentative de grande synthèse - art-science - fût un échec et marqua la séparation « croissante et définitive » des domaines que sont l’art et les sciences, et marque ainsi le début de l’âge moderne[Note 24].
297
+
298
+ Léonard de Vinci pense que l'homme doit s'engager activement à combattre le mal et faire le bien, car « Celui qui néglige de punir le mal aide à sa réalisation »[114]. Il indique également qu'il ne se fait aucune illusion sur la nature de l'homme et de la façon dont il pourrait utiliser ses inventions, comme il le fait en préambule à une présentation du sous-marin :
299
+
300
+ « Je ne décris pas ma méthode pour rester sous l'eau ni combien de temps je peux y rester sans manger. Et je ne les publie et ne les divulgue pas, en raison de la nature maléfique des hommes, qui les utiliseraient pour l'assassinat au fond de la mer en détruisant les navires en les coulant, eux et les hommes qu'ils transportent[118]. »
301
+
302
+ Léonard de Vinci place également la récompense morale bien au-dessus des récompenses matérielles :
303
+
304
+ « Ce ne sont pas les richesses, qui peuvent être perdues. La vertu est notre vrai bien et la vraie récompense de son possesseur. Elle ne peut être perdue, elle ne peut nous abandonner, sauf quand la vie s'enfuit[114]. »
305
+
306
+ Léonard de Vinci, connu de son vivant pour acheter des oiseaux en cage afin de les libérer[119], était aussi célèbre pour être végétarien par refus de nuire aux animaux (à la manière des « Guzzarati » ou hindous)[120], ce qui peut ainsi le mettre dans la lignée de la philosophie de Pythagore ou d'Empédocle d'Agrigente (qui inspirèrent aussi Giordano Bruno). Léonard de Vinci écrit à ce propos :
307
+
308
+ « Homme, si vous êtes vraiment, comme vous le décrivez, le roi des animaux, — j'aurai dit plutôt le roi des brutes, la plus grande de toutes ! — pourquoi prenez-vous vos sujets et enfants pour satisfaire votre palais, pour des raisons qui vous transforment en une tombe pour tous les animaux ? […] La Nature ne produit-elle peut-être pas en abondance des aliments simples ? Et si vous ne pouvez pas vous contenter de tels aliments simples, pourquoi ne préparez-vous point vos repas en mélangeant entre eux ces aliments [d'origines végétales] de façon sophistiquée ? »
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+ — Quaderni d’Anatomia II 14 r.
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+ Léonard de Vinci incarne parfaitement l’esprit de la Renaissance, époque des « Grandes Découvertes ». Génie universel, curieux de tout, parfois vu comme un personnage entre Faust et Platon[45], il a consacré sa vie à la recherche de la connaissance. Il imagine de multiples appareils et machines, dont la première « machine volante », qui resteront au stade de dessins. Plus qu’en tant que scientifique proprement dit, Léonard de Vinci a impressionné ses contemporains et les générations suivantes par son approche méthodique du savoir, du savoir apprendre, du savoir observer, du savoir analyser. La démarche qu’il déploie dans l’ensemble des activités qu’il aborde, aussi bien en art qu’en technique — les deux ne se distinguant d’ailleurs pas dans son esprit — notamment en horlogerie, procède d’une accumulation préalable d’observations détaillées, de savoirs disséminés çà et là, qui tend vers un surpassement de ce qui existe déjà, avec la perfection pour objectif. Bon nombre des croquis, notes et traités de Léonard de Vinci ne sont pas à proprement parler des trouvailles originales, mais le résultat de recherches effectuées dans un souci encyclopédique, avant l’heure. « Léonard de Vinci se classe mal et c'est en ce sens qu'il a paru exceptionnel »[19].
313
+
314
+ De son vivant, Léonard a déjà une renommée telle que le roi François Ier l'a ramené en France comme un trophée, et a affirmé l'avoir accompagné dans sa vieillesse et l'avoir tenu dans ses bras quand il est mort. La Mort de Léonard de Vinci, telle que représentée par Dominique Ingres, constitue cependant une vision apparemment très romancée. En réalité, François Ier était probablement à Saint-Germain-en-Laye au moment de son décès, en effet il y a signé un édit royal le lendemain du décès de Léonard de Vinci, le 3 mai[121].
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316
+ L'intérêt pour de Vinci n'a jamais diminué depuis cette période. Giorgio Vasari, dans Le Vite, édition de 1568[29], introduit son chapitre sur Léonard de Vinci avec les mots suivants :
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318
+ « Dans le cours normal des événements, beaucoup d'hommes et de femmes sont nés avec des talents remarquables ; mais, parfois, d'une manière qui transcende la nature, une seule personne est merveilleusement dotée par le paradis avec beauté, la grâce et le talent dans une telle abondance qu'il laisse les autres hommes loin derrière. Tous ses actes semblent inspirés et, de fait, tout ce qu'il fait vient clairement de Dieu plutôt que de compétences humaines. Tout le monde reconnaît que c'était vrai pour Léonard de Vinci, un artiste d'une beauté physique étonnante, qui a affiché une grâce infinie dans tout ce qu'il a fait et qui cultivait son génie si brillamment que tous les problèmes qu'il a étudiés, il les résolvait avec facilité[29]. »
319
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320
+ Giorgio Vasari pose ainsi les premiers jalons du mythe de Léonard de Vinci : peintre parfait, courtisan et bel homme, génie ombrageux fasciné par la laideur, mais incapable d'achever ses travaux, les anecdotes de Vasari étant reprises et remaniées dans les biographies de Léonard de Vinci jusqu'à aujourd'hui[122].
321
+
322
+ L'admiration continue qu'ont eue, pour Léonard, les peintres, les critiques et les historiens, se reflète dans de nombreux autres hommages écrits. Baldassare Castiglione, auteur du Livre du courtisan, écrit, en 1528 : « Un autre des plus grands peintres de ce monde, qui regarde d'en haut son art dans lequel il est sans égal »[123] tandis que le biographe « Anonimo » Gaddiano a écrit, vers 1540 : « Il fut si exceptionnel et universel qu'on peut le dire né d'un miracle de la nature »[124].
323
+
324
+ Les écrits de Léonard de Vinci ne sont publiés qu'un siècle après sa mort ; l'édition bilingue français-italien de son Traité de la peinture (Trattato della pittura di Leonardo da Vinci), est éditée à Paris en 1651. Ses tableaux ne sont alors pas étudiés, n'étant redécouverts, comme ses Carnets (le premier carnet à être étudié correspond à des extraits inédits des manuscrits du Codex Atlanticus que le physicien italien Giovanni Battista Venturi déchiffre en 1797 à Paris[125]), qu'au XVIIIe et surtout au XIXe siècle qui voit en lui un prophète de la modernité[122].
325
+
326
+ Le XIXe siècle a introduit une certaine admiration pour le génie Léonard, Johann Heinrich Füssli écrivant en 1801 : « Ainsi fut l'aube de l'art moderne, lorsque Léonard de Vinci apparut avec une splendeur qui distançait l'excellence habituelle : composé de tous les éléments qui constituent l'essence même du génie »[126], ce qui est repris par A. E. Rio, qui écrit en 1861 : « Il était au-dessus de tous les autres artistes grâce à la force et la noblesse de ses talents »[127]. La variété du champ d'application de Léonard, transmise par ses carnets est connue, ainsi que ses peintures. Hippolyte Taine écrit en 1866 : « Il ne peut sans doute pas y avoir dans le monde un exemple d'un génie si universel, si capable de s'épanouir, si empli de nostalgie envers l'infini, si naturellement raffiné, si autant en avance sur son propre siècle et les siècles suivants[128]. » Le célèbre historien d'art Bernard Berenson écrit en 1896 : « Léonard est un artiste dont on peut dire avec une parfaite littéralité : tout ce qu'il a touché s'est transformé en une chose d'une éternelle beauté. Qu'il s'agisse de la section transversale d'un crâne, la structure d'une mauvaise herbe ou une étude des muscles, il l'a, avec son sens de la ligne et de la lumière et de l'ombre, à jamais transformée en des valeurs qui communiquent la vie[129]. Charles Baudelaire le cite même dans Les Fleurs du mal (1857)[130]. »
327
+
328
+ L'intérêt pour le génie Léonard s'est maintenu sans relâche ; des experts étudient et traduisent ses écrits, analysent ses tableaux en utilisant des techniques scientifiques, argumentent sur les œuvres qu'on lui attribue et recherchent des œuvres qui ont été enregistrées, mais jamais découvertes[131]. La critique d'art Liana Bortolon (it) écrit dans son livre The Life and Times of Leonardo (1967) : « En raison de la multiplicité des intérêts qui l'ont incité à poursuivre tous les domaines de connaissances, […] Léonard peut être considéré, à juste titre, d'avoir été le génie universel par excellence et avec toutes les harmoniques inhérentes à ce terme. L'homme est aussi mal à l'aise aujourd'hui face à un génie qu'il l'a été au XVIe siècle. Cinq siècles se sont écoulés et nous voyons encore Léonard avec une grande frayeur[20]. » Les foules font toujours la queue pour voir ses plus célèbres œuvres d'art : par exemple, le Musée du Louvre doit une grande part de sa notoriété à La Joconde.
329
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330
+ Avec le best-seller Da Vinci Code, roman mêlant faits historiques et artifices scénaristiques, Dan Brown a donné un nouvel élan à l'intérêt pour de Vinci en 2003. Le roman a été adapté au cinéma par Ron Howard.
331
+
332
+ D'après un article du Monde[132], la boîte de vitesses de la Tata Nano a été imaginée à partir d'un modèle Léonard de Vinci : il s'agit tout simplement d'une lanterne en forme de tronc de cône qu'il était sans doute difficile de manœuvrer pour la laisser en contact avec la roue dentée sur laquelle elle s'engrenait[19].
333
+
334
+ En 2007, un couple de chercheurs italiens a émis une hypothèse sur la présence d'une partition de musique cachée à l'intérieur de La Cène. La disposition des mains des personnages et des pains sur la table donnerait une petite mélodie[133].
335
+
336
+ Le 26 avril 2008, un saut a été réalisé avec un parachute conçu selon les croquis et textes de Léonard de Vinci datant de 1485. Le Suisse Olivier Vietti-Teppa s'est élancé au-dessus de l'aéroport militaire de Payerne depuis un hélicoptère en vol stationnaire à 650 mètres d'altitude, avec une réplique du parachute fabriquée avec des matériaux modernes[134],[135] : il mesura une vitesse de chute de 3,9 m/s et put atterrir normalement[136]. En 2000, le Britannique Adrian Nicholas avait également réalisé un saut avec une réplique du parachute, mais celui-ci étant plus fidèle à l'original, il pesait 80 kg et présentait des risques à l'atterrissage. L'homme avait abandonné la réplique en vol pour faire un atterrissage avec un parachute actuel.
337
+
338
+ Le 18 décembre 2008, lors d'une restauration, des membres du personnel du Musée du Louvre à Paris découvrent trois dessins représentant une tête de cheval, un crâne et un enfant au dos de La Vierge, l'Enfant Jésus et sainte Anne, vraisemblablement de Léonard de Vinci[137].
339
+
340
+ En France, en 2015, 94 établissements scolaires portent son nom, fait rarissime pour une personnalité étrangère[138].
341
+
342
+ Le 15 novembre 2017, son tableau Salvator Mundi reconnu authentique en 2005, est vendu à New York chez Christie's pour la somme de 450,3 millions de dollars, ce qui en fait la toile la plus chère du monde et de l'histoire[139].
343
+
344
+ A l'occasion des 500 ans de sa mort en 2019, le musée du Louvre à Paris consacre une exposition évènement regroupant un très grand nombre de chef-d'oeuvres attribués à Léonard de Vinci[140].
345
+
346
+ Ce classement est fait selon les tendances générales des experts. La difficulté étant que les travaux « d'atelier » ne sont signés que par le propriétaire de cet atelier et qu'il manque d'œuvres de références pour Vinci, notamment dans la sculpture.
347
+
348
+ Francesco Melzi s‘efforça jusqu’à sa mort de reconstituer le Trattato della pittura projeté par Léonard de Vinci. Son manuscrit, un travail « très avancé, mais inachevé », selon André Chastel, est conservé à la Bibliothèque du Vatican sous la référence Codex Urbinas latinus 1270. La première édition du Tratatto della pittura, parue en 1651, en italien puis en français, est établie sur une copie du Codex Urbinas latinus 1270 que possédait Cassiano Dal Pozzo. L’édition de Guglielmo Manzi, parue en 1817, est la première établie directement sur le Codex Urbinas latinus 1270.
349
+
350
+ La relation amoureuse entre Léonard et Salai, le rôle de ce dernier comme modèle de la Joconde se retrouve dans les bandes dessinées :
351
+
352
+ Dans sa série en deux parties S.H.I.E.L.D. entre 2010 et 2018, Jonathan Hickman scénarise un Léonard De Vinci au sein d'une structure secrète protégeant l'humanité contre toute sorte de fléaux depuis des siècles. Cette Confrérie du Bouclier donnera naissance au SHIELD dans les aventures des héros Marvel. Léonard y est opposé à Isaac Newton.
353
+
354
+ Dans la bande dessinée Le Guide ou le secret de Léonard de Vinci (tome 18 de la série Les Aventures de Vick et Vicky)[143] de Bruno Bertin (Éd. P'tit Louis, 2012), un ouvrier qui travaille dans une chambre du Clos Lucé découvre une petite boite de métal dans un mur. Des enfants qui se rendent en Touraine pour faire un exposé tombent sur cette boîte... L'histoire, qui se déroule à Amboise, au château d'Amboise et au Château du Clos Lucé, sert de prétexte à la découverte de Léonard de Vinci, d'Amboise et de ses monuments historiques[144]. La bande dessinée est déclinée en roman jeunesse par Eve-Lyn Sol (Éd. P'tit Louis, 2013).
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356
+ Des disques permettent de mettre en relation des compositions de la Renaissance avec la vie de Léonard de Vinci :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Artikel 1
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+ L’allemand (en allemand : Deutsch), /ˈdɔʏtʃ/ Écouter) est l'une des langues indo-européennes appartenant à la branche occidentale des langues germaniques. Du fait de ses nombreux dialectes, l'allemand constitue dans une certaine mesure une langue-toit (Dachsprache).
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7
+ Son histoire, en tant que langue distincte des autres langues germaniques occidentales, débute au haut Moyen Âge, lors de la seconde mutation consonantique.
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9
+ Au XXIe siècle, ses locuteurs, appelés « germanophones », se répartissent principalement, avec près de 100 millions de locuteurs, en Europe, ce qui fait de leur langue la plus parlée au sein de l'Union européenne (UE).
10
+
11
+ Avec la première mutation consonantique (erste germanische Lautverschiebung) aux environs du Ve siècle av. J.-C., naissait le germanique commun à partir d'un dialecte indo-européen. Cette transformation explique des différences entre les langues germaniques (plus l'arménien) et les autres langues indo-européennes. On peut, pour simplifier, présenter les faits ainsi :
12
+
13
+ On commence à parler de langue allemande (ou, en linguistique « haut allemand ») lorsque les dialectes parlés dans le sud-ouest de l'Allemagne subirent la seconde mutation consonantique (zweite germanische Lautverschiebung ou hochdeutsche Lautverschiebung, que l'on situe autour du VIe siècle), période au cours de laquelle la langue commença à se différencier des dialectes du nord (Niederdeutsch, bas allemand).
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+
15
+ Cette modification phonétique explique un certain nombre de différences entre l'allemand actuel et, par exemple, le néerlandais ou l'anglais[6]:
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+
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+ pour résumer, *k / *p / *t ➜ ch / pf (ou f) / ts (ou s)
18
+
19
+ Les dialectes du nord qui n'ont pas ou peu subi cette seconde mutation phonétique sont qualifiés de bas allemand. Cette appellation est jugée abusive par certains linguistes, notamment néerlandais (qui ne sont pas « allemands », du moins depuis les traités de Westphalie). Mais le terme « allemand » n'est ici qu'un terme linguistique, un peu comme « roman », « slave » ou « scandinave ».
20
+
21
+ Entre le Xe siècle et le XVe siècle eut lieu une diphtongaison dans les parlers du Sud-Ouest concernant l'articulation en deux phonèmes de ei, eu et au. Cela explique à nouveau certaines différences entre l'allemand standard et, par exemple, le néerlandais (les lettres dans les parenthèses expliquent la prononciation en utilisant la langue française):
22
+
23
+ Contrairement aux États voisins, les contrées germaniques sont restées morcelées (Kleinstaaterei) au cours de l'ensemble du Moyen Âge, ce qui contribua au développement de dialectes très différents et parfois mutuellement inintelligibles. Un premier pas vers une langue interrégionale correspond au Mittelhochdeutsch poétique des poètes de cour vers le XIIIe siècle, bien que l'influence sur la langue vulgaire fût quasiment nulle, en raison de la faible alphabétisation. Aussi les régions germaniques restèrent-elles longtemps coupées en deux régions linguistiques :
24
+
25
+ La période de « l'allemand moderne » « commence conventionnellement avec les écrits de Luther »[7].
26
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27
+ Martin Luther traduisit la Bible en « allemand » à l'adresse de « tous les hommes », alle mannen (étymologie germano-latine du mot « allemand »[8]), c'est-à-dire à l'adresse des « Allemands », afin que le peuple des chrétiens « laïcs » ait accès aux textes religieux, réservés jusque là aux clercs. Il peut être considéré en ce sens, historiquement celui de la Réforme, comme le créateur de la langue allemande moderne. L'allemand moderne est de ce fait une langue écrite, le Schriftdeutsch (« allemand écrit ») : ce sera « la langue de Goethe » — selon l'expression consacrée, dans laquelle écriront en particulier les poètes (Dichter), écrivains et philosophes du « temps de Goethe » (ainsi qu'on désigne habituellement la large période littéraire du romantisme allemand qui s'étend de la fin du XVIIIe siècle au XIXe siècle).
28
+
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+ Luther traduisit le Nouveau Testament en 1521 et l'Ancien Testament en 1534. Bien qu'il ne fût pas pionnier dans l'établissement d'une langue interrégionale — en élaboration depuis le XIVe siècle — il n'en reste pas moins qu'avec la Réforme protestante, il contribua à implanter l'allemand standard dans les administrations et les écoles, y compris dans le nord de l'Allemagne, qui finit par l'adopter. En 1578, Johannes Clajus se fonda sur la traduction de Luther pour rédiger une grammaire allemande[9].
30
+
31
+ Jusqu'au début du XIXe siècle, le Hochdeutsch resta une langue souvent écrite, que beaucoup d'Allemands, en particulier dans le sud, apprenaient à l'école un peu comme « une langue étrangère », à côté des dialectes demeurés vivaces jusqu'à aujourd'hui (notamment en Suisse alémanique).
32
+
33
+ Au milieu du XVIIIe siècle, concernant la diction, les Allemands conviennent que c'est à Dresde et surtout à Leipzig que l’on parle le mieux allemand. À l'inverse, la Westphalie et la Basse-Saxe sont les deux régions dans lesquelles on parle « le plus mauvais allemand »[10].
34
+
35
+ Avec la domination de l'Empire austro-hongrois en Europe centrale, l'allemand y devint la langue véhiculaire. En particulier, jusqu'au milieu du XIXe siècle, les marchands et, plus généralement, les citadins y parlaient l'allemand, indépendamment de leur nationalité : Prague, Budapest, Presbourg, Agram et Laibach constituaient des îlots germanophones au milieu des campagnes qui avaient conservé leur langue vernaculaire.
36
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37
+ Johann Christoph Adelung publia en 1781 le premier dictionnaire allemand exhaustif, initiative suivie par Jacob et Wilhelm Grimm en 1852. Le dictionnaire des frères Grimm, publié en seize tomes entre 1852 et 1860, reste le guide le plus complet du vocabulaire allemand. La normalisation progressive de l'orthographe fut achevée grâce au Dictionnaire orthographique de la langue allemande de Konrad Duden en 1880, qui fut, à des modifications mineures près, déclaré comme référence officielle dans la réforme de l'orthographe de 1901.
38
+
39
+ Comme l'anglais, l'allemand fait partie des langues germaniques occidentales, proche, notamment, du néerlandais. Les autres branches sont la branche nord (dit scandinave) avec le suédois, le danois, le norvégien et l'islandais, et la branche est, éteinte aujourd'hui.
40
+
41
+ L'allemand s'écrit avec les 26 lettres de l'alphabet latin, trois voyelles surmontées d'un Umlaut (sorte de tréma) ä, ö et ü, et un symbole graphique spécial ß, Eszett ou scharfes S (ligature de S long et de « s » ou « z »), utilisé en lieu et place de ss dans certains cas (principalement après une voyelle longue ou une diphtongue). La Suisse n'utilise plus le ß depuis les années 1930. Jusque dans les années 1940, l'allemand était imprimé en écriture gothique (Fraktur) et écrit en sütterlin, qui sont différentes versions de l'alphabet latin.
42
+
43
+ L'orthographe allemande se déduit en général de la prononciation et d'un minimum de connaissances. Mais les fortes disparités régionales dans la prononciation peuvent rendre la tâche ardue. Les principales difficultés orthographiques de l'allemand résident dans :
44
+
45
+ Afin de supprimer une partie des difficultés décrites ci-dessus, les représentants allemands, suisses et autrichiens convinrent d'une réforme de l'orthographe. Elle est entrée en vigueur en 1998 en Allemagne et est devenue obligatoire à partir de la mi-2005. La dernière réforme datait de 1901 et portait entre autres sur la suppression du h dans Thor et sur l'ajout du e pour les voyelles longues et accentuées dans la conjugaison des verbes, par exemple kritisirt ➜ kritisiert).
46
+
47
+ Les principaux changements concernent :
48
+
49
+ Cette réforme rencontre une forte critique en Allemagne. Le Land de Schleswig-Holstein a voté le retour à l'orthographe traditionnelle en 1998 (décision annulée pourtant par le parlement régional) et certains journaux et éditeurs ont depuis décidé de revenir à la graphie conventionnelle.
50
+
51
+ Contrairement à des langues telles que l'anglais, l'allemand standard (Hochdeutsch) se prononce de manière assez conforme au texte écrit et contient très peu d'exceptions (les sons se prononcent souvent de la même façon), hormis pour les mots d'emprunt. Presque toutes les voyelles se prononcent clairement, voire longuement, même sans être suivies de lettre muette servant à insister sur la lettre précédente.
52
+
53
+ Toutefois, les francophones qui apprennent l'allemand rencontrent généralement quelques difficultés, listées ci-dessous.
54
+
55
+ Tous les sons n'y figurant pas se prononcent toujours de la même manière qu'en français (a, b, d, f, i, k, l, m, n, o, p, ph, q, r, t, x).
56
+
57
+ Lettres à Umlaut (le tréma français)
58
+
59
+ Les umlauts indiquent également l'accentuation. Ils marquent souvent le pluriel ou le diminutif (avec « -chen » et « -lein ») des mots.
60
+
61
+ Lorsque les Umlauts ne sont pas accessibles (clavier étranger, Internet…), ils sont représentés par « e » : ae pour ä, oe pour ö, ue pour ü.
62
+
63
+ En Alsace-Moselle, on remplace habituellement les umlauts : Koenigshoffen, Haut-Koenigsbourg, Hœnheim (dans ces exemples, c'est le ö qui est remplacé), ou encore "Schweighaeuser".
64
+
65
+ Il faut bien veiller à ne prononcer qu'un son et pas deux sons distincts pour les combinaisons de deux voyelles : par exemple, pour la combinaison [ei], il faudra prononcer ail (ou le [i] du mot anglais knife) et non le [aï] de na|ïf. Le son français [oi] en est l'exemple même : il ne se prononce pas directement [ou|a].
66
+
67
+ * [ɔi] est parfois retranscrit en [ɔy].
68
+
69
+ Notes :
70
+
71
+
72
+
73
+ L'allemand est une langue flexionnelle comportant des conjugaisons et des déclinaisons.
74
+
75
+ Le principe de la conjugaison allemande est assez proche du principe de la conjugaison française. Les différences notables sont :
76
+
77
+ En ce qui concerne la morphologie, les trois principaux types de verbes sont :
78
+
79
+ Parmi les verbes irréguliers se rangent également les auxiliaires de mode (können, pouvoir ; dürfen, avoir le droit ;, etc..), qui sont employés dans un nombre important de contextes différents.
80
+
81
+ La déclinaison allemande comporte quatre cas, le nominatif, l'accusatif, le datif et le génitif, auxquels se combinent trois genres grammaticaux, le masculin, le féminin et le neutre ainsi que deux nombres, le singulier et le pluriel.
82
+
83
+ Le porteur essentiel de la marque de déclinaison est le déterminant, secondé par l'adjectif épithète si le déterminant est absent ou bien sans désinence (marque de déclinaison).
84
+
85
+ Le nom porte également la marque de déclinaison au datif pluriel à tous les genres, au génitif singulier masculin ou neutre.
86
+
87
+ Les déclinaisons sont employées :
88
+
89
+ L'allemand a pour particularité syntaxique principale de placer des éléments importants, soit en première position dans la phrase, soit en dernière position. L'inversion du verbe et du sujet a lieu quand un complément vient en tête de phrase ;
90
+ « heute geht es ihm gut == aujourd'hui il va bien » ; le rejet est le renvoi du verbe en fin de phrase dans les subordonnées « …, wenn er Wein trinkt = lorsqu'il boit du vin »
91
+
92
+ Autre exemple :
93
+
94
+ Er nahm gestern trotz aller Schwierigkeiten diese Maschine in Betrieb.
95
+
96
+ Il a mis cette machine en service hier malgré toutes les difficultés.
97
+
98
+ Sont mis en valeur :
99
+
100
+ Avant l'action et l'objet sont énumérées les circonstances. L'ordre de la phrase peut être modifié pour insister sur un des éléments, que l'on place alors en tête de phrase :
101
+
102
+ Gestern nahm er trotz aller Schwierigkeiten diese Maschine in Betrieb.
103
+
104
+ C'est hier qu'il a mis cette machine en service malgré toutes les difficultés.
105
+
106
+ Trotz aller Schwierigkeiten nahm er gestern diese Maschine in Betrieb.
107
+
108
+ Malgré toutes les difficultés, il a mis cette machine en service hier.
109
+
110
+ Diese Maschine nahm er gestern trotz aller Schwierigkeiten in Betrieb.
111
+
112
+ C'est cette machine qu'il a mise en service hier malgré toutes les difficultés.
113
+
114
+ La langue allemande peut se passer d'article au génitif en juxtaposant deux éléments (déterminants + déterminé) — ou même beaucoup plus. L'allemand est même connu pour sa capacité à former des surcomposés de grande longueur que les Allemands eux-mêmes appellent par dérision Bandwürmer « vers solitaires »…
115
+
116
+ Exemples :
117
+
118
+ Certains des exemples ci-dessus sont fictifs (ils sont morphologiquement corrects, mais n'ont pas été employés de façon réelle). D'autre part, quand un surcomposé est très long ou peu courant, on peut le diviser par un trait d'union : Mehrjahres-Programmvereinbarungen, « conventions-programmes pluriannuelles ».
119
+
120
+ La composition à multiples éléments ne se limite pas au couple objet possédé-possesseur (du type Kapitänsmütze « casquette de capitaine ») mais aussi à toutes sortes de relations :
121
+
122
+ En français, la possession marquée par « de » a plusieurs sens qui se rendent en allemand de trois manières distinctes :
123
+
124
+ Il faut savoir avant tout qu'en allemand, le premier mot dans un composé est, comme l'adjectif qui précède le sujet, moins mis en avant que s'il est placé après le sujet.
125
+
126
+ Prenons le titre du 3e tome de la bande dessinée Broussaille, La Nuit du chat. Dans le titre (et dans l'histoire), l'élément (et le sujet) important est le chat, connu et recherché. C'est la nuit du chat, qui « appartient » au chat.
127
+ On va donc préférer la traduction Die Nacht der Katze (La nuit du chat) à Die Katzenacht (La nuit à chats). Dans cette dernière formulation, c'est l'élément nuit (Nacht) qui est visé.
128
+
129
+ Autre exemple plus rapproché de la syntaxe française : Dans « Nuits dans les jardins d'Espagne », la traduction correcte est Nächte in den Gärten von Spanien et non Nächte in den spanischen Gärten. La traduction de Nächte in den spanischen Gärten est « Nuits dans les jardins espagnols ».
130
+
131
+ La langue allemande (ainsi que le peuple) a la particularité d'avoir des appellations très différentes d'une langue à l'autre (par exemple German, Deutsch, alemán, német, etc.). En effet, six racines différentes entrent en jeu :
132
+
133
+ En hébreu classique, les pays allemands sont connus sous l’appellation de ashkenaz (אשכנז), par généalogie populaire d'après Gen. 10:3. Pour l’hébreu moderne, voir plus haut.
134
+
135
+ Un nombre important de mots furent empruntés aux dialectes germaniques par le roman et l'ancien français (par ex. heaume, éperon, cible, fauteuil) ; seuls les mots d'origine plus récente sont encore discernables en tant qu'emprunts lexicaux (frichti, ersatz).
136
+
137
+ Exemples de phrases :
138
+
139
+ L'allemand a toujours la possibilité sémantique de former de nouveaux mots par les procédés de composition et de dérivation.
140
+
141
+ Tout comme le français a créé le verbe des pacsés/se pacser à partir d'une abréviation administrative de l'état civil (PACS), l'allemand peut adapter dans le langage courant des termes nouveaux adaptés à l'actualité.
142
+
143
+ Exemple :
144
+
145
+ Le mot apprenti s'est dit pendant des siècles Lehrling du verbe lehren « enseigner » signifiant donc « celui à qui l'on enseigne quelque chose », suivi du diminutif -ling. Son maître était le Meister.
146
+
147
+ La réforme administrative au début des années 1970 a remplacé le terme Meister par deux termes précisant que l'un enseigne effectivement (der Ausbildende, gérondif de ausbilden « former ») et que l'autre a le droit et la responsabilité de la formation (der Ausbilder « le formateur »). L'apprenti devint logiquement der Auszubildende (c'est-à-dire celui qui doit être formé), en abrégé AZUBI (prononcé ATSOUBI). Le génie de la langue ajouta pour la forme féminine la terminaison habituelle -in et l'on prononça le tout ATSOUBINE. Or, le terme Biene « abeille » désigne aussi une jolie fille ce qui transforma la sèche abréviation en un joli petit nom.
148
+
149
+ Prononciation; certaines lettres se prononcent différemment en Autriche. Le « R » a tendance à être roulé, un peu comme dans le Sud de l'Allemagne (Bavière).
150
+
151
+ D'une manière générale, dans la République démocratique allemande, la langue s'était enrichie de termes officiels, spécifiques au régime politique tout comme sous le régime national-socialiste. Dans le langage courant, de nombreux termes tournaient ces derniers en dérision. Par exemple, l'abréviation VEB (pour Volkseigener Betrieb, usine propriété du peuple) devenait Vaters ehemaliger Betrieb (l'ancienne usine de Papa)...
152
+
153
+ De très nombreuses abréviations tirées de l'idéologie communiste avaient cours, les étudiants devaient tous suivre des cours de ML (marxisme-léninisme),
154
+ On retrouve des néologismes ou de nouvelles expressions dans un nombre important de domaines, notamment :
155
+
156
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/1520.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,288 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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+
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+ 1 ELEMENTS (Metals and intermetallic alloys; metalloids and nonmetals; carbides, silicides, nitrides, phosphides)
4
+  1.C Metalloids and Nonmetals
5
+   1.CB Carbon-silicon family
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+    1.CB.10a Diamond CSpace Group F d3mPoint Group 4/m 3 2/m
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+
8
+ Eléments natifs et amalgames
9
+ 1. Eléments naturels et amalgames
10
+
11
+
12
+
13
+ Le diamant (\dja.mã\) est l'allotrope de haute pression du carbone, métastable à basses température et pression. Moins stable que le graphite et la lonsdaléite qui sont les deux autres formes de cristallisation du carbone, sa renommée en tant que minéral lui vient de ses propriétés physiques et des fortes liaisons covalentes entre ses atomes arrangés selon un système cristallin cubique. En particulier, le diamant est le matériau naturel le plus dur (avec l'indice maximal (10) sur l'échelle de Mohs) et il possède une très forte conductivité thermique. Ses propriétés font que le diamant trouve de nombreuses applications dans l'industrie comme outils de coupe et d'usinage, dans les sciences comme bistouris ou enclumes à diamant et dans la joaillerie pour ses propriétés optiques.
14
+
15
+ La majorité des diamants naturels se sont formés dans des conditions de très hautes température et pression à des profondeurs de 140 à 190 kilomètres dans le manteau terrestre. Leur croissance nécessite de 1 à 3,3 milliards d'années (entre 25 et 75 % de l'âge de la Terre). Les diamants sont remontés à la surface par le magma d'éruptions volcaniques profondes qui refroidit pour former une roche volcanique contenant les diamants, les kimberlites et les lamproïtes.
16
+
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+ Le mot provient du grec ancien ἀδάμας – adámas « indomptable ».
18
+
19
+ Le terme diamant provient du bas latin diamas, -antis, probablement issu par métathèse de *adimas, -antis (« aimant », terme désignant à l'origine le métal le plus dur puis toute matière très dure, comme la magnétite qui agit comme un aimant) sous l'influence des mots grecs commençant par dia-, lui-même dérivé du grec ancien Ἀδάμας (adamas : « indomptable », de adamastos[3] : inflexible, inébranlable[4], qui a donné l'adjectif adamantin, l'ancien nom du diamant adamant et également la désignation adamantane, hydrocarbure tricyclique de formule C10H16)[5].
20
+
21
+ Le terme qualifie initialement un état d'âme indomptable avant de désigner les métaux les plus durs avec lequel sont forgés les armes et les instruments des dieux (les seuls à posséder le secret de leur préparation) : le casque d'Héraclès de la Théogonie d'Hésiode[6], la faucille de Cronos, la charrue d'Æétès ou les chaînes de Prométhée (Eschyle)[7]. L'adamant est mentionné dans l'Épinomis[8].
22
+
23
+ L'appellation « adamas » pour « diamant », se précise cependant dans le traité Sur les pierres[9] du philosophe grec Théophraste[7] ; elle est reprise dans l'œuvre Histoire naturelle du romain Pline l'Ancien[10], les deux auteurs réservant au mot diamant la pierre actuellement connue sous ce nom.
24
+
25
+ Du terme adamas dérivent les dénominations occidentales (français diamant, anglais diamond, espagnol et italien diamante), sanskrits et arabes (almas), russe (алмаз)[11].
26
+
27
+ La légende raconte que le diamant est exploité depuis 6 000 ans en Inde (cas du Koh-i Nor)[13]. Historiquement, les premiers diamants sont extraits il y a 3 000 ans en Inde[14] où ils sont trouvés uniquement dans les gisements alluvionnaires (rives des cours d'eau)[15] tels le Pennar, le Godâvarî, le Mahânadî ou le Krishnâ dans la région mythique de Golconde, principal centre de commerce du diamant pendant des siècles[16]. Il est représenté comme le « fruit des étoiles » ou provenant de sources sacrées, aussi orne-t-il les objets religieux[17]. Des textes bouddhistes révèlent tout son symbolisme : Sūtra du Diamant (pour qui le diamant est, comme la vérité, éternel), textes du Vajrayana. Il est aussi un objet de culte hindou, représentant symboliquement les vajras, et fait partie du mysticisme du jaïnisme et du lamaïsme tibétain[18]. Les Dravidiens pensent que les diamants poussent dans le sol comme des légumes, c'est pourquoi ils utilisent le caroubier dont les fèves servent d'étalon de masse pour peser les diamants, pratique à l'origine du carat[19].
28
+
29
+ Le diamant est à l'origine un élément de parure comme d'autres (la taille du diamant (en) en facettes qui lui donne sa brillance caractéristique n'apparaît pas avant le milieu du XIVe siècle[20], probablement par crainte que cette technique ne lui fasse perdre de ses pouvoirs[21]), aussi est-il surtout utilisé comme amulette et talisman à cause de ses pouvoirs magiques et pour sa grande dureté dans la taille d'outils en fer ou la perforation de gemmes (jades, saphirs), comme en Chine, au Yémen vers -400 où ont été trouvées des perles percées par des diamants et au Kalimantan, partie indonésienne de Bornéo où le diamant est découvert vers 600[22].
30
+
31
+ En Égypte, Grèce et Rome antique, il est considéré comme indestructible chimiquement et représente les « larmes de Dieu ». Il est porté comme amulette à laquelle on attribue la vertu d'être un anti-poison, la poudre de diamant est utilisée en glyptique. Sa rareté lui donne de plus en plus de valeur et il gagne son statut de pierre précieuse[17]. Ses formes naturelles, sa dureté et sa transparence obtenue par un polissage partiel le rendent suffisamment attrayant pour qu'il soit monté en bijou pour la première fois vers le IIe siècle, la mythologie gréco-romaine l'associant à l’amour éternel : les flèches de Cupidon auraient en effet été surmontées de pointes de diamant[23].
32
+
33
+ Au début du Moyen Âge, son commerce devient limité : l'expansion de l'Islam a pour effet que les marchands arabes contrôlent les routes caravanières vers l'Inde et l'Église chrétienne condamne l'usage des diamants comme amulette païenne. Le commerce du diamant se redéveloppe à partir des Grandes découvertes qui voient l'ouverture de la route des Indes par les Européens, les républiques maritimes prenant progressivement le monopole des épices et la République de Venise devenant le centre de commerce du diamant en Occident[24].
34
+
35
+ Au Moyen Âge et à la Renaissance, il est porté au sommet des couronnes ou en pendentif, orne les regalia et symbolise le « troisième œil » des mahârâjas. Les rois européens se le procurent pour sa rareté mais aussi pour son pouvoir d'anti-poison, panacée ultime[25]. En 1270, Louis IX institue des lois somptuaires réservant le diamant au seul souverain[26]. Jusqu'en 1477, date à laquelle l'archiduc d'Autriche, Maximilien Ier de Habsbourg offre comme bague de fiançailles un diamant à Marie de Bourgogne, le diamant est porté uniquement[27] par des souverains hommes[28]. François Ier constitue les diamants de la Couronne en important des diamants d'Inde comme le Régent, puis d'autres ont été ajoutés par ses successeurs comme le Sancy et le diamant bleu de la Couronne.
36
+
37
+ En 1534, le pape Clément VII meurt en avalant un médicament à base de poudre de diamant. Dès lors le diamant paré de vertus curatives est utilisé comme poison (poudre de diamant utilisée dans des bagues à poison)[29]. Un diamant imparfait (brillant moins) est supposé porter malheur (ainsi le Bleu de France acheté par Jean-Baptiste Tavernier en 1668 pour le compte de Louis XIV n'est que de 220 000 livres, prix très inférieur aux gros diamants incolores). En fait, il s'agit le plus souvent pour les propriétaires de mine de créer une légende de malédiction pour dissuader les voleurs de vouloir les dérober ou pour les joaillers de créer toute une mythologie qui augmente la cote de vente du joyau[30].
38
+
39
+ Les gisements indiens s'épuisant, la découverte et exploration de l'Amérique ouvre de nouveaux horizons, ce qui entraîne la découverte de gisements au Brésil à partir de 1725 : jusqu'à cette date de leur découverte à Tejuco, l'Inde et l'Indonésie détiennent les seuls gisements exploités, la découverte brésilienne provoquant une véritable « ruée vers le diamant »[31]. Ces diamants brésiliens font chuter le prix du joyau de deux tiers aux trois quarts selon le type de pierre brute : jusqu'alors monté en pièce unique sur des chatons métalliques, il devient désormais une pièce de parure cousue à même le vêtement et portée au milieu du XVIIIe siècle surtout par les reines ou les aristocrates puis au XIXe siècle également par la haute bourgeoisie[32].
40
+
41
+ En 1772, Antoine Lavoisier utilise une lentille pour focaliser les rayons solaires sur un diamant dans une atmosphère riche en oxygène. Le produit de la combustion est du dioxyde de carbone, Lavoisier montrant la nature carbonée du diamant. En 1797, Smithson Tennant répète l'expérience sur le charbon : la combustion du diamant produisant le même volume de dioxyde de carbone qu'une masse équivalente de charbon, il montre que le diamant est du carbone pur[33].
42
+
43
+ En 1866, à Hopetown, à 120 kilomètres au sud de Kimberley (Afrique du Sud), le diamant Eureka (en) (baptisé ainsi à l'Exposition universelle de Paris la même année) est découvert par un jeune garçon, Erasmus Jacobs, dans une kimberlite[34]. La mise au jour dans cette région de nombreuses mines diamantifères donne naissance en 1888 à la De Beers, plus grande entreprise diamantaire du monde.
44
+
45
+ Alors que la découverte de la composition du diamant au XVIIIe siècle marque le début de l'épopée de sa synthèse, il faut attendre le milieu du XXe siècle pour que des chimistes réussissent à le fabriquer. Dès lors, le diamant est devenu un matériau industriel dont la production annuelle atteint aujourd'hui 570 millions de carats, soit 114 tonnes (chiffres 2007)[35].
46
+
47
+ En 1932, Gabrielle Chanel lance la collection « Bijoux de diamants » dans laquelle elle supprime la parure, les diamants étant montés sur platine. Elle est la première à désacraliser le diamant en imaginant des bijoux fantaisie (bijoux faux mélangés avec les vrais)[32].
48
+
49
+ Le 2 octobre 1979 est découverte la mine de diamant d'Argyle en Australie-Occidentale qui est à ce jour la plus importante mine de diamants au monde en volume[36].
50
+
51
+ En septembre 2012, la Russie rend publique l'existence d'un gisement de diamants sans équivalent, tenu secret durant 40 ans. Situé à Popigaï, il a été découvert au début des années 1970 dans une zone inhabitée de la Sibérie orientale, à 400 km de Khantiga et à 2 000 km au nord de Krasnoïarsk, le chef-lieu de la région. Il serait 110 fois supérieur aux réserves mondiales de diamants.
52
+
53
+ L'intérieur de l'exoplanète 55 Cancri e pourrait être constituée, pour au moins un tiers de sa masse, par du diamant[37],[38].
54
+
55
+ Le diamant est une forme métastable du carbone dans les conditions de température et de pression normales. La masse molaire du diamant est de 12,02 g mol−1, sa masse volumique mesurée est de 3 520 kg/m3.
56
+
57
+ Au dessus d'une température de 1 700 °C dans une atmosphère neutre sans oxygène le diamant se transforme en graphite. Dans l'air sa transformation débute à environ 700 °C. Son point d'ignition est situé entre 720 et 800 °C dans l'oxygène et entre 850 et 1 000 °C dans l'air[39].
58
+
59
+ Dans l'édifice cristallin du diamant, les liaisons entre atomes de carbones résultent de la mise en commun des électrons de la couche périphérique afin de former des couches saturées. Chaque atome de carbone est ainsi associé de façon tétraédrique à ses quatre voisins les plus proches (hybridation sp3 du carbone), et complète ainsi sa couche extérieure. Ces liaisons covalentes, fortes et donc difficiles à casser, couvrent tout le cristal, d'où sa très grande dureté.
60
+
61
+ À des pressions de l'ordre de 0,6–1,1 TPa (6–11 Mbar), le carbone liquide est, comme l'eau, plus dense que la forme solide. Les hautes pressions nécessaires à la liquéfaction du diamant pourraient être réunies sur Uranus et Neptune[40].
62
+
63
+ Structure cristalline du diamant. Chaque côté mesure 0,36 nm.
64
+
65
+ Structures respectives du diamant et du graphite.
66
+
67
+ Maille d'un cristal de diamant.
68
+
69
+ Projection stéréographique de la figure de pôles de la structure cristalline du diamant selon l'axe [111], démontrant sa symétrie au long de la diagonale d'espace du cube élémentaire.
70
+
71
+ Dans son état naturel, le diamant possède une structure dérivée de la structure cubique à faces centrées (cfc), appelée structure type diamant où en plus des atomes aux sommets du cube et au centre de chaque face, quatre des huit sites tétraédriques définis par une telle structure sont occupés, ce qui donne finalement huit atomes par maille (contre 4 pour une structure cfc classique), et fait que chaque atome de carbone a quatre voisins.
72
+
73
+ Cette structure est notée A4 en notation Strukturbericht. Son groupe d'espace est Fd3m (no 227 dans les tables internationales), son symbole de Pearson est
74
+
75
+
76
+
77
+ c
78
+ F
79
+ 8
80
+
81
+
82
+
83
+ {\displaystyle cF8\,}
84
+
85
+ . Son paramètre de maille est a = 0,3566 nm. Le volume d'une maille est de 0,04537 nm3, la densité théorique est de 3,517.
86
+
87
+ Le diamant est le matériau naturel le plus dur à la fois sur l'échelle de Vickers et de Mohs.
88
+
89
+ La dureté du diamant dépend de sa pureté, de la perfection et de l'orientation de sa structure cristalline. La dureté est la plus haute pour les cristaux purs et parfaits orientés dans la direction <111>, soit le long de la plus longue diagonale de la construction cubique du diamant en question[41]. S'il est possible de rayer certains diamants avec d'autres matériaux tels que le nitrure de bore, les diamants les plus durs ne peuvent être rayés que par d'autres diamants ou par des nanobaguettes de diamants agrégées.
90
+
91
+ La dureté du diamant contribue à son succès en tant que pierre précieuse. Contrairement à de nombreuses pierres fines ou précieuses, sa résistance aux rayures fait qu'il peut facilement être porté au quotidien en maintenant la qualité de son poli, expliquant peut-être sa popularité de gemme préférée pour les bagues de fiançailles ou les alliances de mariage généralement portées tous les jours.
92
+
93
+ Les diamants naturellement les plus durs proviennent principalement des exploitations de Copeton et Bingara dans la Nouvelle-Galles du Sud en Australie. Ces diamants sont généralement de petite taille, avec une structure moléculaire octaédrique parfaite à semi-parfaite, et sont utilisés pour polir d'autres diamants. Leur dureté est liée à la forme de croissance du cristal en une étape, alors que la plupart des diamants ont plusieurs étapes de croissance, ce qui produit les inclusions et les défauts affectant leur dureté.
94
+
95
+ La dureté est associée à une autre propriété mécanique, la ténacité, qui correspond à la capacité d'un matériau à résister à un choc. La ténacité d'un diamant naturel a été mesurée à 7.5–10 MPa·m1/2[42]. Cette valeur est bonne en comparaison à d'autres matériaux céramiques mais faible comparée aux matériaux utilisés en ingénierie dont les alliages atteignent des ténacités supérieures à 100 MPa·m1/2.
96
+
97
+ La conductivité électrique est basse, car les électrons ne se regroupent pas comme dans un métal : ils restent liés aux atomes et ne peuvent pas, par exemple sous l'action d'un champ électrique extérieur, former un nuage électronique qui transporterait le courant de façon continue. En d'autres termes, le diamant est un très bon isolant. Néanmoins, il fait l'objet d'études en tant que semi-conducteur à large bande pour l'électronique de puissance.
98
+
99
+ Les diamants bleus (en) de type II-B sont semi-conducteurs en raison de la présence d'atomes de bore[43].
100
+
101
+ La conductivité thermique du diamant est exceptionnelle, ce qui explique pourquoi il paraît si froid au toucher. Dans un cristal isolant électrique comme le diamant, la conductivité thermique est assurée par les vibrations cohérentes des atomes de la structure. Des valeurs de 2 500 W/(m·K) ont été mesurées, que l'on peut comparer aux 401 W/(m·K) du cuivre et aux 429 W/(m·K) de l'argent. Cette propriété en fait un candidat comme substrat pour le refroidissement des semi-conducteurs.
102
+
103
+ Le coefficient de dilatation du diamant, lié aux propriétés des vibrations de la structure de ce matériau, est très faible. Pour le diamant pur, l'accroissement relatif de longueur par degré est d'environ un millionième à température ambiante, que l'on peut comparer aux 1,2 millionièmes de l'Invar, alliage constitué de 64 % de fer et de 36 % de nickel, qui est réputé pour sa très faible dilatation. Le fer est très loin derrière, avec 11,7 millionièmes.
104
+
105
+ Contrairement à la plupart des isolants électriques, le diamant pur est un bon conducteur de chaleur du fait des fortes liaisons covalentes constituant le cristal. La conductivité thermique du diamant pur est la plus élevée connue, derrière celle du graphène, pour un solide à température ambiante. A très basse température, comme pour tous les isolants, sa conductivité électrique est très faible contrairement aux métaux dont la conductivité thermique, comme la conductivité électrique, augmentent lorsque leur température baisse. La conductivité des diamants naturels est réduite de 1,1 % par le carbone 13 naturellement présent, qui déshomogénéise la structure[44].
106
+
107
+ Le diamant est une des formes allotropiques du carbone solide. Il est métastable, c'est-à-dire en équilibre thermodynamique avec les autres formes allotropiques : assez pour exister en l'état dans les conditions normales mais pas assez pour le demeurer. En effet, le diamant se transforme spontanément en graphite, la réaction étant favorisée thermodynamiquement par l'énergie de formation très basse du graphite, la forme la plus stable de toutes les formes du carbone. Une modification des paramètres (T, P) peut favoriser la transformation en question et son inverse (fait utilisé pour la conception des diamants de synthèse). Toutefois, la transformation du diamant en graphite est un processus cinétiquement lent, trop lent d'ailleurs pour qu'il puisse être observé, d'où sa stabilité apparente. Par conséquent et contrairement à la réclame, le diamant n'est pas éternel.
108
+
109
+ Le diamant est naturellement lipophile et hydrophobe et ne réagit normalement pas avec les acides et les alcalins. Il est soluble dans la soude fondue et surtout dans le nitrate de potassium, plongé dans ces substances, le diamant se dissout et il est complètement détruit.
110
+
111
+ Enfin, il est sensible à l'oxydation et peut réagir avec certains métaux ou alliages métalliques.
112
+
113
+ Ces défauts ont conduit l'industrie à créer des matériaux d'une dureté comparable, mais plus stables, moins réactifs chimiquement, comme le nitrure de bore cubique.
114
+
115
+ Le diamant est transparent, translucide ou opaque.
116
+
117
+ Son indice de réfraction est particulièrement élevé et varie en fonction de la longueur d'onde : ce sont ces propriétés, associées avec une taille particulière des facettes[45] qui lui donnent son éclat caractéristique, dit « adamantin ».
118
+ Cet indice est de :
119
+
120
+ Les diamants synthétiques sont en général fluorescents, vert, jaune, mauve ou rouge, en raison des impuretés présentes (azote, bore, nickel) ou après irradiation, au contraire de la plupart des diamants naturels.
121
+
122
+ La conductivité thermique naturelle du diamant est utilisée par les bijoutiers et autres gemmologues pour différencier un vrai diamant d’une imitation. Ce test repose sur une paire de thermistances alimentées par batterie, montée sur une pointe cuivre. L’une fonctionne comme un dispositif de chauffage pendant que l’autre mesure la température de la pointe de cuivre. Si la pierre testée est un diamant, elle conduira l'énergie thermique de la pointe assez rapidement pour produire une chute de température mesurable. Le test prend 2 à 3 secondes[46].
123
+
124
+ Les diamants naturels sont souvent composés de carbone qui se trouvait dans le manteau depuis la formation de la Terre mais certains sont constitués de carbone provenant d'organismes comme des algues. C'est ce que révèle la composition isotopique du carbone[47]. Ce carbone organique a été enfoui jusqu'au manteau terrestre par le mouvement des plaques tectoniques, dans les zones de subduction.
125
+
126
+ Les diamants formés dans le manteau contiennent parfois des inclusions microscopiques d'olivine, minéral typique de la roche composant principalement le manteau : la péridotite.
127
+ À l'inverse, les diamants formés lors de subductions, dans des roches éclogitiques, sont parfois porteurs d'inclusions de grenat ou d'omphacite par exemple, qui sont les minéraux typiques de ces roches-ci.
128
+
129
+ On sait que le diamant ne peut se former que dans l'environnement chimique particulier d'un bain silicaté à sulfures et sous des pressions et températures élevées; ces conditions sont rencontrées à de grande profondeur, au moins 150 à 400 km dans la partie supérieure du manteau terrestre. Les diamants sont constitués de carbone. Ils se forment lorsque ce dernier se trouve dans des conditions de température et de pression extrêmes, entre 1 100 °C et 1 400 °C pour la température, et pour la pression, entre 4,5 et 6 GPa (selon des expériences de synthèse en laboratoire dans les années 1970), ce qui correspond à des profondeurs d'environ 150 à 1 000 km dans le manteau terrestre. L'analyse d'inclusions minérales et gazeuses (impuretés comme l'azote, le soufre ou des métaux colorant) permet d'être plus précis. La majorité des diamants cristallise entre 150 et 200 km de profondeur.
130
+
131
+ La plupart des diamants sont extraits de la kimberlite présente dans les régions les plus anciennes de la croûte continentale (au moins 1,5 milliard d'années)[48] (voir craton). Les kimberlites sont rares et insignifiantes en termes de volume (5 000 km3) ; les lamproïtes sont encore plus rares.
132
+
133
+ Dans les parties les plus internes des chaînes de collision (voir tectonique des plaques) comme les Alpes, l'Himalaya ou la chaîne varisque, on trouve des roches continentales contenant des microdiamants[49]. Ces diamants se forment au cours du métamorphisme dit d'ultrahaute pression en contexte subduction-collision : températures modérées de l'ordre de 800 à 900 °C et pression de l'ordre de 4 GPa.
134
+
135
+ La nature minéralogique des inclusions, leur contenu en éléments-trace et la composition isotopique (carbone et azote) des diamants eux-mêmes sont de précieux indices pour comprendre la genèse de ce minéral. Tout porte à croire que la croissance des diamants dans le manteau lithosphérique ne résulte pas d'une transformation directe à partir du graphite mais impliquerait plutôt l'entremise d'un fluide COH (fluide aqueux contenant du carbone dans une forme moléculaire non spécifiée : CH4, CO, CO2) ou d'un magma carbonaté (un panache venant percuter une racine continentale riche en carbonatite). Le mode de cristallisation des diamants issus du manteau inférieur est bien moins contraint. Les caractéristiques en éléments en traces des inclusions de pérovskites calciques dans ces diamants suggèrent à certains auteurs une croissance associée à la présence de croûte océanique, dans une zone du manteau où elle pourrait effectivement s'accumuler[50].
136
+
137
+ Les diamants formés sont de tailles micrométriques et ne peuvent donc pas être concernés par l'exploitation minière. Cependant, ils offrent des objets uniques pour l'étude du comportement d'un système rocheux en profondeur.
138
+
139
+ Deux grandes catégories de diamants sont distinguées selon la nature de leur cortège d'inclusions, caractéristiques de l'environnement de cristallisation. Dans la plupart des cas, ces inclusions représentent une minéralogie de péridotite. Une seconde catégorie d'inclusions est caractéristique d'association éclogitiques.
140
+
141
+ La roche diamantifère se forme à partir du manteau terrestre, en profondeur. Le magma provient d'une profondeur à laquelle les diamants peuvent se former (soit trois fois ou plus la profondeur du magma source de la plupart des volcans). Il s'agit donc d'un phénomène relativement rare. Le magma lui-même ne contient pas de diamants. Le magma qui remonte par volcanisme se refroidit dans les roches ignées (kimberlite ou lamproïte).
142
+
143
+ Les cratères volcaniques constituent généralement de petites surfaces à partir de cheminées volcaniques. Du matériel rocheux est transporté vers la surface. Les diamants sont remontés par des éruptions volcaniques puissantes, ne laissant pas le temps au diamant de se transformer. Elles ont occasionné la formation de brèches volcaniques, constituées de débris de roches d'origines profondes. Les diamants sont ainsi retrouvés en inclusion dans des roches appelées kimberlites.
144
+
145
+ Parce que les cratons sont très épais, ils sont très stables. Leur manteau lithosphérique se développe à une assez grande profondeur ; cette stabilité permet la formation des diamants. Toutes les cheminées volcaniques ne contiennent pas des diamants ; rares sont celles en contennant suffisamment pour permettre une exploitation minière économiquement viable.
146
+
147
+ Une fois que les diamants ont été transportés à la surface par le magma dans une cheminée volcanique, le matériau peut s'éroder et les diamants sont alors répartis sur une grande surface.
148
+
149
+ Une cheminée volcanique contenant des diamants est une source primaire de diamants. Les sources secondaires concernent toutes les régions où un nombre important de diamants a été érodé à partir de la kimberlite ou la matrice lamproïte et accumulé par l'eau ou le vent c'est-à-dire dans les dépôts alluviaux et lacustres, actuels et anciens. Les diamants libérés de leur matrice s'accumulent en fonction de leurs taille et densité dans ses sédiments.
150
+
151
+ Des diamants ont également été plus rarement trouvés dans des dépôts glaciaires (Wisconsin et Indiana). Contrairement aux dépôts alluviaux, les dépôts glaciaires ne constituent pas de bonnes sources d'exploitation[51].
152
+
153
+ Les diamants peuvent également apparaître naturellement lors d'un violent impact d'un astéroïde. Le graphite alors comprimé se transforme en diamant.
154
+
155
+ Un gisement particulièrement riche a été découvert en Sibérie du Nord dans les années 1970. En raison de la guerre froide et pour ne pas remettre en cause les projets russes de construction d'usines de diamants synthétiques, l'information a été tenue secrète jusqu'en 2012[52]. Il s'agit d'un site de cratère d'impact, le cratère Popigaï, dû à un astéroïde il y a 35 millions d'années. La quantité de diamants serait dix fois supérieure à l'ensemble des réserves mondiales (ou beaucoup plus encore selon les sources[53],[54]) mais utilisable uniquement en industrie[55].
156
+
157
+ Depuis 1984, des télescopes ont capté un rayonnement infrarouge émis par des étoiles mourantes riches en carbone et caractéristique de nano-diamants extrasolaires. En 1987, la météorite d'Orgueil révèle des nano-diamants pré-solaires qui seraient issus d'une géante rouge dont l'explosion est à l'origine de la formation du système solaire[56]. En 1997, de tels nano-diamants sont trouvés dans la météorite d'Allende[57].
158
+
159
+ D'après une étude américaine de 2013, dirigée par Mona Delitsky du California Speciality Engineering et Kevin Baines de l'Université du Wisconsin à Madison, des diamants se formeraient dans l'atmosphère de Jupiter et de Saturne à partir du méthane atmosphérique. Cette étude rejoint toutes celles suggérant la production hypothétique de diamants dans les planètes gazeuses massives mais, leur observation étant absente, elles restent purement théoriques[58]. En 2017 de nouvelles expériences simulant les conditions présumées régner 10 000 km sous la surface d'Uranus et de Neptune viennent conforter ce modèle en produisant des diamants de taille nanométrique. Ces température et pression extrêmes ne peuvent pas être maintenues plus d'une nanoseconde en laboratoire, mais elles sont atteintes dans les profondeurs de Neptune ou d'Uranus, où des nanodiamants pourraient se former[59].
160
+
161
+ La filière du diamant, de la mine à la bijouterie, a été baptisée « pipeline », en référence au système d'acheminement de matières fluides[60].
162
+
163
+ Jusqu'au XVIe siècle, l'Inde et, plus particulièrement la région de Golkonda, (Golconde) comme la région de Bornéo étaient les seules régions de production. C'est en Inde qu'ont été extraits les plus célèbres diamants anciens. Puis les gisements du Brésil ont été découverts. Ils ont alimenté le marché occidental jusqu'à la fin du XIXe siècle, date de la découverte des gisements sud-africains.
164
+
165
+ Depuis cette époque, la plupart des diamants viennent d'Afrique (62,1 % en 1999). Cette situation a été l'origine de plusieurs guerres comme celle du Sierra Leone, où les objectifs stratégiques étaient le contrôle des principaux gisements du pays pour financer le conflit[61].
166
+
167
+ Cristal presque octaédrique dans sa matrice.
168
+
169
+ Diamant dans une gangue de kimberlite, Afrique du Sud.
170
+
171
+ Cristal octaédrique de diamant verdâtre.
172
+
173
+ Macle de diamants, Afrique du Sud.
174
+
175
+ Diamant octaédrique, approx. 1.8 carat (6 mm), sur une matrice de kimberlite, Finsch Diamond Mine, Afrique du Sud.
176
+
177
+ En 2005, la production mondiale de diamants était de 173,5 millions de carats et les principaux producteurs sont la Russie, le Botswana, l'Australie et la République démocratique du Congo qui produisent à eux quatre un peu plus de 73 % de la production mondiale[62].
178
+
179
+ M carats
180
+
181
+ M carats
182
+
183
+ M carats
184
+
185
+ Il existe principalement trois catégories de mines : à ciel ouvert, souterraines ou sous-marines[64].
186
+
187
+ Le processus d'extraction est très diversifié, puisqu'il dépend de la région dans laquelle le diamant est exploité. Mais, en général, les opérations se divisent en quatre parties :
188
+
189
+ En raison du coût de l'exploitation minière (en moyenne 250 tonnes[64] de minerai permettent d'extraire seulement un carat de diamant), seules les entreprises investissent dans les régions qui leur garantissent une production importante car des kilomètres carrés de terrain sont généralement excavés pour obtenir une gemme de taille et de qualité appréciables.
190
+
191
+ En dehors, l'extraction est rudimentaire et donc limitée à de petites concessions. Dans certains pays, africains notamment, l'absence d'encadrement législatif et la corruption ouvrent une brèche à la prospection, l'extraction et à un commerce incontrôlés du diamant.
192
+
193
+ L'exploitation alluviale est une alternative moins onéreuse[64], mais elle n'est possible que lorsque les mouvements géologiques ont élevé la roche diamantifère vers la surface, érodée par le lit d'une rivière. L'exploitation en pleine mer est nouvelle, avec un seul navire opérant pour le moment, le Mafuta.
194
+
195
+ Le marché du diamant est un système autorégulé qui fixe ses propres prix. La règle des quatre C (Cut, Color, Clarity and Carat)[65] est traditionnellement utilisée pour déterminer le prix d'un diamant[66] sur la base d'un rapport Rapaport. Ces quatre qualités font du diamant la plus célèbre des pierres précieuses en joaillerie.
196
+
197
+ La beauté de son brillant est due au fait qu'il possède un haut indice de réfraction de la lumière et un grand pouvoir dispersif : en pénétrant, les rayons de lumière sont réfléchis à l'intérieur de la pierre à l'infini et la lumière blanche se disperse, retourne à l'intérieur transformée en un éventail de couleurs. Les diamants (comme les gouttes d'eau) fonctionnent comme des prismes en freinant, plus ou moins en fonction des longueurs d'onde (violette au maximum, rouge au minimum), de façon que les couleurs soient dispersées sous forme d'arc-en-ciel.
198
+
199
+ Tous les diamants ne sont pas utilisés en bijouterie. Le moindre défaut peut leur ôter de la valeur et ils sont alors employés pour des applications industrielles. Il s'agit de bulles internes, de particules étrangères ou d'inclusions, de médiocre coloration ou lorsqu'ils présentent une forme irrégulière.
200
+
201
+ Diagramme de tailles anciennes de diamants : évolution de la plus primitive à plus avancée, pré-Tolkowsky, vieille taille européenne.
202
+
203
+ Taille brillant[67], selon Marcel Tolkowsky, 1919.
204
+
205
+ Formes de diamant : (1) octaèdre, (2) dodecaèdre rhombique, (3) hexakis-octaèdre, (4) et (3) facettes arrondies (Encyclopædia Britannica, 1911).
206
+
207
+ Diamants taillés.
208
+
209
+ Le degré de la beauté de la dispersion (effet arc-en-ciel) du diamant dépend, en grande partie, de la taille et du poli de la pierre. Naturellement les diamants ont leurs éclats propres, ils sont ensuite améliorés et multipliés par la taille experte d'un diamantaire.
210
+
211
+ Ce critère de notation du diamant est le seul qui résulte du travail du lapidaire diamantaire et les laboratoires octroient une note de taille suivant le tableau ci-dessous.
212
+
213
+ La taille des diamants s'effectue surtout à Anvers (Belgique), à Tel-Aviv (Israël) et au Gujarat (Inde) par la communauté jaïne. En Thaïlande, ce sont les pierres précieuses comme les rubis et les saphirs qui sont taillées. Alors qu'en Inde des méthodes de fabrication industrielles sont mises en place, à Anvers l'industrie conserve des méthodes artisanales pour les diamants de plus de 0,5 carat[68].
214
+
215
+ Du fait de son extrême dureté, le diamant ne peut être usiné que par un autre diamant, c'est pourquoi la taille et le poli de la pierre en sont les éléments les plus importants.
216
+
217
+ Avant de le tailler, on examine la gemme pour déterminer ses plans de clivage. On trace ensuite sur elle une ligne qui marque le périmètre de ces plans. Sur celui-ci, on fait une petite cannelure avec une espèce de bois qui porte dans son extrémité un diamant. Par cette ouverture, on introduit une fine lame d'acier, on donne un coup sec et la pierre se divise en deux.
218
+
219
+ Il existe de nombreuses façons de tailler le diamant. Du XVe au XVIIe siècle, on pratique la taille en pointe (polissage de la pointe de l'octaèdre) et celle en table (polissage des faces du cristal à la poudre de diamant). Les peintures de portraits de l'époque montrent un diamant noir car ces techniques sont peu efficaces. Au XVIIe siècle apparaît la taille « brillant », taille la plus connue, celle qui met le mieux en valeur la beauté du diamant et qui est de ce fait la plus utilisée. Cette technique perfectionnée permet de transformer les pierres brutes en véritables joyaux de lumière, en faisant apparaître 58 facettes (57 si l'on ne tient pas compte de la collette) : 33 sur la couronne et 24 sur la culasse, régulières et de tailles définies précisément, à la surface du diamant.
220
+
221
+ En effet, si les notions de pureté de diamant et de couleur paraissent familières, les proportions de taille le sont plus rarement. Pourtant, ces dernières sont un facteur de qualité essentiel. Elles conditionnent directement le rendu de brillance et le « feu » du diamant. À couleur identique, un diamant possédant de bonnes proportions sera bien plus éclatant qu'un diamant pur incorrectement taillé.
222
+
223
+ Depuis l'apparition de la taille Tolkovsky en 1919, les diamantaires n'ont cessé de chercher à optimiser le rendu de brillance du diamant. De toutes les tailles du diamant, c'est certainement la forme ronde brillant qui a été la plus étudiée et qui est la plus aboutie ; aujourd'hui, les proportions appliquées à cette taille résultent directement de la compréhension des lois optiques du matériau et de la maîtrise de la technique de taille et du polissage.
224
+
225
+ Au Japon, la taille flèche et cœurs (Hearts and arrows) est très appréciée et nommée ainsi en raison des formes des jeux de lumière produits.
226
+
227
+ Les diamants sont aussi classés par couleurs. La couleur la plus commune étant « le blanc » (absence de couleur : c'est-à-dire que le diamant est transparent et incolore). Ces couleurs sont notées en allant de D (blanc le plus pur) à Z (teinte la plus foncée) :
228
+
229
+ Ce système de notation de la couleur a été mis en place par le laboratoire indépendant GIA (Gemological Institute of America) en remplacement d'autres systèmes utilisant un classement A, B ou C (A signalant les meilleurs diamants) accompagnés de descriptions de la couleur Bleu blanc. Afin d'éviter toute confusion avec l'ancien système la notation de la couleur démarre à D pour indiquer la meilleure couleur[69].
230
+
231
+ Les diamants d'une autre couleur tels que les diamants bleus sont nommés Fancy Colored Diamonds et disposent d'un système de notation différent[70].
232
+
233
+ Les diamants contiennent aussi une grande variété d'inclusions qui peuvent modifier leur apparence. Une inclusion ou impureté dans un diamant est surnommée « crapaud » en France. Les inclusions sont indiquées en utilisant les codes suivants[71] :
234
+
235
+ Lorsqu'un diamant contient de l'hydrogène comme impureté, il apparaîtra généralement violet ou pourpre, dans de très rares cas il apparaîtra rouge[72],[73]. Les diamants verts résultent d'une irradiation par des particules alpha qui entraînent une déformation du réseau cristallin.
236
+
237
+ La masse d'un diamant se mesure en carats, qui équivaut à 0,20 gramme. La valeur d'un diamant est exponentielle par rapport à sa masse. Autrement dit, un diamant de deux carats a une valeur supérieure à deux diamants d'un carat, puisqu'il est considéré comme plus rare et donc plus cher.
238
+
239
+ Les laboratoires de gemmologie s'occupent de certifier les caractéristiques des diamants suivant la classification des 4C[74]. Cette certification s'accompagne d'une prise des mesures précises des diamants, de l'attribution d'une note de taille, de poli et de symétrie, d'une analyse de la fluorescence et de l'attribution d'un numéro unique gravé au laser dans le diamant. Les personnes chargées de ce travail sont des gemmologues professionnels. Il existe peu de laboratoires mondiaux de gemmologie, les plus connus sont :
240
+
241
+ Il existe deux types de certificats émis par les laboratoires.
242
+
243
+ Ce type de certificat implique l'usage d'instruments modernes : spectroscopie infrarouge (IRTF), spectrométrie ultraviolet-proche infrarouge à basse température (UV-PIR), photoluminescence (PL), etc.
244
+ Le diamantaire (terme désignant initialement le tailleur de diamant) a contrario du gemmologue n'étudie pas le diamant mais le négocie. En fonction de sa spécialité, son activité concernera les pierres taillées ou les bruts, certains cumulant les deux.
245
+
246
+ La classification des diamants s'organise aussi selon qu'il y ait ou non une présence d'azote dans sa structure, ce qui modifie ses propriétés optiques. On distingue deux types[75] : le type I où la présence d'azote est avérée, et le type II sans azote, très rare et qui correspond à des durées de formation plus longues.
247
+
248
+ On peut résumer cette classification, essentiellement scientifique, dans le tableau suivant :
249
+
250
+ Liste de quelques diamants célèbres :
251
+
252
+ Les diamants de conflits, parfois nommés « diamants de sang » (blood diamonds en anglais), sont des diamants issus du continent africain qui alimentent les guerres livrées par des rebelles aux gouvernements. Extraits de mines localisées dans des zones où la guerre fait rage, ces diamants sont vendus en toute illégalité et en toute clandestinité, afin de fournir en armes et en munitions les groupes armés qui les exploitent.
253
+
254
+ En 2003 un régime international de certification des diamants bruts, le Processus de Kimberley (Kimberley Process Certification Scheme - KPCS), est lancé afin de contrôler le commerce mondial des diamants bruts[61]. Toutefois, le forum international fait l'objet de nombreuses critiques dont certaines émanent directement des membres fondateurs du Processus de Kimberley, tels que les ONG Global Witness et Impact (anciennement appelée Partenariat Afrique Canada)[83].
255
+
256
+ L'industrie utilise beaucoup le diamant en raison de sa dureté. Depuis les outils de coupe et d'usinage fondés sur les propriétés mécaniques du diamant, jusqu'aux enclumes à diamant permettant de recréer des pressions titanesques, les applications en sont multiples. Cette dureté intervient aussi dans la précision que l'on peut atteindre avec des outils en diamant : notamment, les bistouris en diamant, permettent de créer des incisions ultraprécises (en ophtalmologie par exemple), car le moindre effleurement découpe la peau. Le diamant n'��tant pas réactif, il est biocompatible et ne génère pas de rejet ou de toxicité.
257
+
258
+ La chimie s'intéresse fortement au diamant : il possède des propriétés qui le rendent tout à fait approprié pour des applications en électrochimie :
259
+
260
+ De nombreux dispositifs optiques utilisent la transparence du diamant, tandis que les dispositifs électroniques exploitent notamment ses propriétés thermiques.
261
+
262
+ En raison de sa faible conductivité électrique, le diamant peut être utilisé dans l'industrie des semi-conducteurs lorsqu'il est dopé avec des impuretés de bore, bore-deutérium ou de phosphore. Un diamant fortement dopé au bore (plus de 3 × 1020 B/cm3) acquiert un comportement métallique et peut être utilisé comme électrode pour l'électrochimie. De telles électrodes son capables de « réduire à des bas potentiels et même d'oxyder à des hauts potentiels des composés que certaines électrodes conventionnelles telles que l’or, le platine, le carbone vitreux ne peuvent atteindre. Elles demeurent alors très intéressantes à des fins environnementales puisque cela leur permet de réduire les nitrates et d’oxyder certains composés organiques qui polluent les eaux sans attaquer l'eau »[84].
263
+
264
+ Les diamants sont actuellement à l'étude pour une utilisation comme détecteurs :
265
+
266
+ En revanche, et malgré leur stabilité considérable, les diamants ne peuvent pas servir dans un cœur de centrale nucléaire, car le bombardement est bien trop important et le matériau serait détruit.
267
+
268
+ Agrandissement des diamants sertis dans une lame.
269
+
270
+ Un scalpel diamant, lame de diamant synthétique.
271
+
272
+ Depuis que l'on sait que le diamant n'est qu'une forme particulière du carbone, les physiciens et chimistes ont essayé de le synthétiser. La première synthèse artificielle du diamant eut lieu en 1953 à Stockholm par l'inventeur Baltzar von Platen et le jeune ingénieur civil Anders Kämpe travaillant pour la compagnie suédoise ASEA. Plus récemment, l'entreprise californienne AKHAN semiconductor a développé un procédé de fabrication afin de les utiliser comme semi-conducteurs à large bande interdite.
273
+
274
+ En soumettant le carbone à une forte pression et à une haute température pendant plusieurs heures en présence de catalyseurs dont de l'hydrogène, il est possible de réaliser un diamant de synthèse. Au départ, en raison de leur petite taille, ces derniers n'étaient utilisés que dans l'industrie[86].
275
+
276
+ En France, l'usage commercial du terme « diamant de culture » est interdit, à la place diamant synthétique doit être utilisé (voir gemme).
277
+
278
+ Un diamant d'imitation est un matériau non diamant utilisé pour simuler l'apparence du diamant. L'oxyde de zirconium est le plus commun d'entre eux, la moissanite fait également office d'imitation du diamant bien qu'elle soit plus couteuse à produire que l'oxyde de zirconium. Les deux sont réalisés de façon artificielle[87].
279
+
280
+ Les améliorations de diamants sont des traitements spécifiques réalisés sur des diamants naturels ou de synthèse, généralement déjà taillés, qui ont pour objectif d'améliorer les caractéristiques de la gemme. Ces traitements incluent le microforga au laser pour retirer des inclusions, l'application d'enduits pour corriger des fissures, des irradiations ou des traitements à haute chaleur et haute pression pour améliorer la couleur d'un diamant voire lui donner une couleur dite "Fancy Color"[88].
281
+
282
+ Le diamant est un symbole utilisé dans plusieurs domaines artistiques et fait l'objet de plus d'une légende ou histoire.
283
+
284
+ L'étymologie du diamant et son sens de brillance étincelante qu'évoque ce « minéral dur » et l'« éclat adamantin » expliquent qu'il a servi de référence pour désigner une grande variété de gemmes comme :
285
+
286
+ Toutes ces dénominations sont en fait abusives[90] (sauf évidemment pour indiquer la provenance d'un véritable diamant).
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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1
+ La notion de diamètre concerne initialement les figures simples de la géométrie euclidienne que sont le cercle et la sphère mais la notion s'élargit par analogie à plusieurs autres objets géométriques.
2
+
3
+ Dans un cercle ou une sphère, le diamètre est un segment de droite passant par le centre et limité par les points du cercle ou de la sphère. Le diamètre est aussi la longueur de ce segment.
4
+
5
+ Le diamètre d'un objet cylindrique ou sphérique est appelé module[1].
6
+
7
+ Pour indiquer qu'une valeur correspond au diamètre, en dessin technique, la valeur (du diamètre) est précédée par un symbole « ⌀ » (U+2300) représentant un cercle barré. Et ce symbole est lui-même précédé par la lettre S, s'il s'agit d'une sphère.[réf. nécessaire]
8
+ Ce symbole ⌀ (U+2300) se dactylographie sur PC avec Windows par la combinaison Alt+0216. Il ne faut pas le confondre avec le symbole ∅ (U+2205), servant à désigner l'ensemble vide, ni avec Ø, qui est la lettre O barrée obliquement.
9
+
10
+ On remarque que le diamètre (en tant que distance) d'un cercle ou d'une sphère est la plus grande distance séparant deux points du cercle ou de la sphère.
11
+
12
+ Par analogie on appelle, dans un espace métrique (E, d), diamètre d'une partie non vide A la borne supérieure (dans l'ensemble ordonné [–∞, +∞]) des distances entre deux points de A :
13
+
14
+ d
15
+ i
16
+ a
17
+ m
18
+
19
+
20
+ (
21
+ A
22
+ )
23
+ =
24
+ sup
25
+
26
+ {
27
+ d
28
+ (
29
+ a
30
+ ,
31
+ b
32
+ )
33
+
34
+ a
35
+
36
+ A
37
+ ,
38
+  
39
+ b
40
+
41
+ A
42
+ }
43
+ .
44
+
45
+
46
+ {\displaystyle {\rm {diam}}(A)=\sup \;\{d(a,b)\mid a\in A,~b\in A\}.}
47
+
48
+ Ainsi, le diamètre d'une partie non vide est un réel positif si cette partie est bornée et vaut +∞ sinon[2],[3].
49
+
50
+ En astronomie, à la notion de diamètre on peut associer celle de diamètre apparent. Le diamètre apparent est alors homogène à un angle et se mesure en degrés ou en radians.
51
+
52
+ On remarque que, si l'on coupe un cercle par un ensemble de droites de même direction et que, pour chacune d'entre elles, on construit le milieu des deux points d'intersection, ces milieux se trouvent tous sur un même diamètre.
53
+
54
+ Cette propriété se vérifie pour toute conique : si l'on coupe une conique par un ensemble de droites de même direction et que, pour chacune d'entre elles, on construit le milieu des deux points d'intersection, ces milieux se trouvent tous sur un même droite. Par analogie avec le cas du cercle, on a donné à cette droite le nom de diamètre de la conique relativement à la direction des droites parallèles. On trouve aussi le diamètre défini comme une portion de droite : le lieu des milieux des cordes parallèles à une même direction[6].
55
+
56
+ Pour les coniques à centre, ces diamètres passent par le centre de la conique. On appelle «diamètres conjugués» deux diamètres dont l'un est le diamètre relatif à la direction définie par l'autre diamètre. Les diamètres conjugués orthogonaux sont les axes de symétrie de la conique.
57
+
58
+ Isaac Newton a observé, en 1706, que cette propriété se généralise à des courbes algébriques de degré supérieur[7]. C'est le théorème de Newton sur les diamètres : si l'on coupe une courbe algébrique de degré n par un ensemble de droites de même direction rencontrant la courbe en n points et que, pour chacune d'entre elles, on construit l'isobarycentre des n points d'intersection, ces isobarycentres se trouvent tous sur un même droite.
59
+
60
+ On appelle cette droite diamètre conjugué à la direction des droites parallèles.
61
+
62
+ Henri Lebesgue, en 1921, travaille dans une autre direction avec une définition différente. Observant que le diamètre d'une conique est un axe de symétrie oblique de celle-ci, il appelle diamètre d'une courbe algébrique plane tout axe de symétrie oblique de celle-ci et il fait une classification des diamètres des courbes algébriques de degré m[8].
63
+
64
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+ Artémis (en grec ancien Ἄρτεμις / Ártemis) est, dans la mythologie grecque, la déesse de la nature sauvage, de la chasse, des accouchements et une des déesses associées à la Lune avec Hécate et Séléné (par opposition à son frère Apollon, qui est lui, associé au Soleil).
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+ Elle est la fille de Zeus et de Léto et la sœur jumelle d'Apollon (ou simplement sa sœur selon l'hymne homérique qui lui est consacré), avec lequel elle partage beaucoup de traits communs. Elle a le pouvoir de faire naître les épidémies mais également le pouvoir de guérir. Elle est également la cause des morts subites et du mal qui emporte les femmes en couche. Enfin, elle est la protectrice des chemins et des ports, des très jeunes enfants et des jeunes animaux. Ses cultes se rapportaient aux grands moments de la vie d'une femme : sa naissance, sa puberté et sa mort.
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+ Elle a été assimilée à la déesse Diane dans la mythologie romaine.
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+ Dans l'Antiquité, les auteurs grecs ont proposé plusieurs étymologies populaires au nom d'Artémis. Platon le rapprochait ainsi d'ἀρτεμές / artémès, « intègre, sain et sauf » : « C'est l'intégrité et la décence que son nom paraît signifier, à cause de son amour de la virginité[1] ». Mais ce caractère de « vierge » n'est pas du tout primitif. D'autres ont vu un rapprochement avec ἄρταμος / artamos, « boucher », et Artémis serait ainsi « celle qui tue ou qui massacre ».
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+ Dans plusieurs études modernes, des hellénistes, entre autres Michael V. Pisani, Pierre Chantraine et Jean Richer, ont établi un lien entre son nom et l'ours, animal qui joue un grand rôle dans son culte[2]. Les variantes Arktemis et Arktemisa seraient constituées d’un élément arkt- correspondant à ἄρκτος / árktos « ourse, Grande Ourse », et de θέμις / thémis qui désigne chez les Grecs une grande force, « l'ordre établi par les dieux ». Compte tenu du fait que les signes du zodiaque étaient connus des Grecs, qu'ils ont fait probablement l'objet d'un enseignement religieux à Delphes, et que pour les peuples de l'Antiquité, l'ordre du monde était fondamentalement identique à l'ordre du ciel, Artémis pourrait donc être la Régente de la loi de l'Ourse, constellation qui se confond avec l'ordre même du ciel[3],[4]. On sait que dans le sanctuaire d'Artémis de Brauron, lors de la fête des Brauronies, certaines fillettes, revêtues d'une robe couleur de safran, étaient conduites à la déesse et consacrées pendant cinq ans à Artémis, sous le nom d’ourses ou oursonnes[5].
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+ Elle est la fille de Zeus et de Léto, fille du Titan Céos et de la Titanide Phœbé. Son frère jumeau est Apollon. Victime de la jalousie d'Héra, femme de Zeus, Léto doit se cacher afin de faire naître ses jumeaux.
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+ Il existe plusieurs versions sur l'accouchement :
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+ L'histoire dit qu'un soir Zeus trompa Héra avec Léto. Héra sut ce qu'il s'était passé et jeta une malédiction à Léto, lui interdisant d'accoucher sur terre et en mer. Léto, bien décidée à mettre au monde ses enfants, se réfugia sur une toute petite île, où elle mit au monde Artémis et Apollon. Dans d'autres versions, Hera demande à tous les lieux de lui refuser l'asile, oubliant Délos, petite île perdue dans les flots.
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+ L'accouchement fut difficile car Ilithye, (déesse des accouchements) reçut l'interdiction d'Héra de lui venir en aide. Iris suppliante lui proposa un collier d'or et d'ambre pour qu'elle lui vienne en aide. Elle accepta et finit par l'assister au bout de 9 jours et 9 nuits de supplice. Le premier des jumeaux fut Artémis qui, aussitôt née, aida sa mère à mettre au monde Apollon.
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+ À la suite de cette épreuve et de l'amour inconditionnel qui les lie, les enfants Apollon et Artémis seront dévoués à leur mère. Dictés par l'amour, ils massacrent les fils et les filles d'Amphion et de Niobé, à la suite de l'insolence dont elle fit preuve à l'encontre de Léto. Ils tuent également le géant Tityos qui tenta de la violer. Il est conté qu'à peine nés, ils auraient tué un dragon venant les attaquer.
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+ Cet enfantement difficile qui dure neuf jours explique le nom de son hypostase Iphigénie « né de la force ». Le rapport avec l'enfantement se basant sur l'homologie entre la naissance et la production du feu par frottement: « le feu nouveau est assimilé à un enfant nouveau-né ».[pas clair] Artémis serait ainsi un ancien Feu divin féminin comme semblent le prouver différents aspects de son culte[6].
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+ L’arbre ci-dessous décrit l’ascendance d’Artémis. Celui-ci est basé sur les écrits du poète grec Hésiode ainsi que sur la Bibliothèque d'Apollodore[7].
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+ Installée sur les genoux de Zeus, alors qu'elle n'a que 3 ans, elle lui demande :
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+ « Accorde, ô mon père ! accorde à ta fille de rester toujours vierge, et de porter assez de noms divers pour que Phébus ne puisse le lui disputer. Donne-moi, comme à Phébus, un arc et des flèches. Que dis-je ?... non, mon père, ce n'est point à toi d'armer ta fille ; les Cyclopes s'empresseront bientôt de me fabriquer des traits, de me forger un carquois. Alors donne-moi l'attribut distinctif de porter des flambeaux et de revêtir une tunique à frange qui ne me descendra que jusqu'aux genoux, pour ne point, m'embarrasser à la cuirasse. Attache à ma suite soixante filles de l'Océan, qui soient toutes à l'âge où l'on ne porte point encore de ceinture. Que vingt autres Nymphes, filles de l'Amnisus, destinées à me servir aux heures où je cesserai de percer les lynx et les cerfs, prennent soin de mes brodequins et de mes chiens fidèles. Cède-moi les montagnes. Je ne demande qu'une ville à ton choix. Diane rarement descendra dans les villes. J'habiterai les monts, et n'approcherai des cités qu'aux moments où les femmes, travaillées des douleurs aiguës de l'enfantement, m'appelleront à leur aide. Tu sais qu'au jour de ma naissance les Parques m'ont imposé la loi de les secourir, parce que le sein qui m'a porté n'a point connu la douleur, et, sans travail, a déposé son fardeau[8]. »
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+ Zeus, fier de sa fille, lui accorda ses prières et lui offrit trente villes au lieu d'une seule, des bois sacrés et des autels, ainsi que la protection des chemins et des ports.
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+ À la suite de l'entretien avec son père, Zeus, elle vola jusqu'en Crète pour choisir ses suivantes : vingt nymphes âgées de 9 ans. Puis elle se dirigea sur l'île de Lipari, île des cyclopes qui lui forgèrent un arc, un carquois et des flèches. Elle partit à la rencontre de Pan, dieu de la nature, qui lui offrit six chiens courageux et sept cynosurides (chiens de la race des lévriers). Au pied du Parrhasius, elle captura à elle seule quatre immenses biches aux cornes d'or qui furent attelées à son char. La cinquième biche fut réservée selon le souhait d'Héra pour les futures épreuves d'Héraclès. Elle finit son voyage en se réfugiant sur le mont d'Arcadie.
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+ Née sur l'île d'Ortygie (« l'île aux cailles »), appelée plus tardivement Délos, Artémis fait du pays des Hyperboréens sa résidence principale[9], où elle règne en maîtresse de la nature sauvage et des animaux.(dans la mythologie crétoise c’était sur l'île Paximadia)
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+ « Que toutes les montagnes soient les miennes », déclare-t-elle dans l'hymne de Callimaque de Cyrène. Elle erre aussi dans les agros, les terres en friches, incultes et peu fréquentées. Comme le souligne Jean-Pierre Vernant, elle « a sa place en bordure de mer, dans les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises[10] ».
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+ Coureuse des forêts, sauvageonne insoumise et fière, Artémis appartient avant tout au monde sauvage, alors que son frère Apollon se présente comme un dieu civilisateur. Seule parmi les dieux, à l'exception de Dionysos, elle est constamment entourée d'une troupe d'animaux sauvages, d'où son épiclèse de Ἡγημόνη / Hêgêmónê, « Conductrice ». Elle est aussi à la tête d'une troupe de nymphes (20 nymphes du mont Amnisos, selon Callimaque) et de jeunes mortelles, qu'elle mène à travers les forêts. L'Iliade en parle comme de « l'agreste Artémis […], la dame des fauves (πότνια θηρῶν / pótnia thêrỗn)[11] ».
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+ Surnommée « la Bruyante » (Κελαδεινή / Keladeinế), elle mène sa meute et la pousse de la voix. Artémis possède en effet le double visage de la compagne des animaux sauvages et de la chasseresse. La biche symbolise bien son ambivalence : la bête est sa compagne favorite, et de nombreuses représentations la montrent à son côté. Néanmoins, Artémis est aussi celle qui est réputée pour suivre de ses flèches cerfs et biches, même si peu de textes l'attestent.
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+ La déesse sagittaire est enfin appelée par Homère Artémis khrysêlakatos, « à l’arc d’or », et par Hésiode iokhéairê, « l'archère »[12].
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+ Chez Homère, l'arc se dit βιός / biós, qui se rapproche de βίος / bíos, « la vie ». C'est pourquoi, Artémis, encore appelée « la radiante », est aussi celle qui guide les égarés, les étrangers, ou les esclaves en fuite au cœur de la nuit. Aussi Artémis porte-t-elle en latin le nom de "Trivia", « celle qui éclaire la route aux carrefours de la vie ».
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+ Sa dextérité à l'arc est illustrée dans l'épisode nommé "catastérisme" où elle tue par erreur son compagnon de chasse Orion.
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+ Sa fonction de maîtresse des animaux sauvages explique sa passion pour la chasse mais également son hostilité à divers chasseurs, notamment Actéon, Orion, Méléagre qu'elle considère comme des rivaux. De nombreuses légendes de récit de chasse mettent en scène une déesse sauvage. Depuis sa naissance, elle a eu beaucoup d'adversaires et de conflits.
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+ À Calydon, ville d'Etolie, le roi Oenée oublia Artémis et son sacrifice lors d'un culte. Pour se venger, elle envoya un énorme sanglier dans le pays qui ravagea les terres et tua le bétail. Pour éliminer l'animal, le roi fit appel aux plus grands chasseurs. La chasse au sanglier de Calydon est un épisode fort de la mythologie grecque.
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+ Artémis tua :
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+ Armée d'un arc et de flèches offerts par les Cyclopes[14], Artémis assiste son frère Apollon dans son combat contre le serpent Python ainsi que dans la gigantomachie.
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+ Pendant la guerre de Troie, elle est également aux côtés des Troyens. Comme lui, elle pourfend de ses flèches les Niobides. Elle l'aide à se venger de Coronis et de Tityos. De manière générale, elle envoie sur les femmes la mort soudaine, alors qu'Apollon se charge des hommes. Dans l’Iliade, Héra la qualifie ainsi de « lionne pour les femmes ». On lui chante, comme à Apollon, le péan.
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+ Toujours située à la frontière entre le monde civilisé et le monde sauvage, Artémis la chasseresse est aussi une κουροτρόφος / kourotróphos[15], qui préside à l'initiation des petits d'hommes et d'animaux et les accompagne jusqu'au seuil de la vie adulte.
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+ Avec son frère Apollon, elle est la principale divinité qui veille à l'initiation des filles et des garçons, à leur passage à l'état d'adultes car cette initiation s'effectue dans la nature sauvage qui est le domaine de la déesse[16].
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+ Tout comme Athéna et Hestia, Artémis est une déesse « vierge ». Elle a demandé à son père l'autorisation de garder sa virginité pour toujours, à cause de son aversion pour le mariage, que sa mère lui a transmise dès la naissance.
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+ Elle a été improprement considérée par les mythocritiques jusqu'au XIXe siècle comme « chaste », jusqu'à ce que Jean-Pierre Vernant éclaire davantage les adjectifs accolés à son nom. Artémis est parthenos, la vierge qui s'occupe du feu, ou, comme le rapporte Plutarque, celle qui s’abstient de tout commerce sexuel avec des hommes. Elle punit sévèrement les hommes qui tentent de la séduire : « Tristes noces, celles que briguèrent Otos et Orion[17] ».
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+ Artémis exigeait de ses compagnes la même chasteté qu'elle pratiquait elle-même. Lorsque Zeus séduit Callisto, une nymphe d'Artémis, et la mit enceinte, Zeus l'aida et décida de la transformer en ourse mais Artémis la tua d'une flèche.
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+ Plusieurs aspects de son culte évoquent un ancien Feu divin : à Patrai, lors de la fête annuelle d'Artémis Laphria, on jetait dans les flammes d'un grand bûcher des animaux sauvages et domestiques, des oiseaux, des fruits[18]. Ce feu justifie son qualificatif de phōsphóros « qui apporte la lumière ». Le rite grec de l'amphiphôn, offrande entourée de la lumière des torches à Artémis Mounichia rappelle l'effet que le feu exerce sur les bêtes sauvages qu'il attire mais empêche de s'approcher[19]. Au temple d'Artémis Perasia à Castatsala en Cilicie les prêtresses marchent pieds nus sur des charbons ardents sans en souffrir[20].
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+ Ses sanctuaires : le temple d'Artémis à Éphèse, l'une des Sept Merveilles du monde ; le lac Stymphalia en Arcadie ; sanctuaire d’Olbia (actuelle Hyères) ; sanctuaire d'Artémis Orthia à Sparte ; Brauron, le sanctuaire d’Artémis en Attique ; Mounichie, le sanctuaire d'Artémis au Pirée (principal port d'Athènes); le sanctuaire d'Artémis Tauropole à Halae Araphenides (en) (au nord de Brauron) ; le sanctuaire d'Artémis à Amarynthos sur l'île d'Eubée[21]
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+ Un sanctuaire dédié à la déesse Artémis a été localisé en 2007 à Amarynthos par l'Ecole suisse d’archéologie[22]. Des fouilles complémentaires réalisées sur le site en 2017 ont permis de confirmer l’existence du sanctuaire, après que des inscriptions au nom d’Artémis aient été retrouvées sur des édifices allant du VIe siècle av. J.-C. au IIe siècle av. J.-C.[23].
74
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75
+ Des inscriptions datant du IVe siècle av. J.-C. indiquent que le sanctuaire d’ Amarynthos accueillait une fête appelée les Artémisia. D’après le géographe et historien grec Strabon, celle-ci donnait lieu à un grand défilé militaire durant lequel paradait le corps civique représentant les six tribus d’Érétrie : 3 000 hoplites, 600 cavaliers et 60 chars de guerre.
76
+ Artémis était alors honorée par les Erétriens comme la déesse médiatrice (« celle qui se tient au milieu »), comme l’indique un décret officialisant la création d’un concours musical en son honneur en 335 avant J.C.[23].
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78
+ Au IIe siècle av. J.-C., le sanctuaire atteignit son apogée. Des monuments honorifiques furent construits en l’honneur d’Artémis mais également du dieu Apollon et de leur mère Léto[23].
79
+
80
+ D’après l’archéologue Denis Knoepfler, le sanctuaire fut probablement saccagé lors des guerres de Mithridate au Ier siècle av. J.-C. puis fut restauré partiellement sous l’Empire romain au Ier siècle[23].
81
+
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+ Le sanctuaire d'Artémis en Tauride donna lieu à un culte sanglant. En effet, Artémis vengeresse enleva Iphigénie, fille d'Agamemnon, afin d'en faire sa prêtresse. Tout étranger qui l'abordait était cruellement sacrifié (voir l'article Taures). Ce culte est, dans les vers d'Euripide, ramené en Attique en même temps que la statue de culte en bois d'Artémis volée par Iphigénie et son frère Oreste, et déposée dans le sanctuaire d'Halae Araphenides (en), sanctuaire situé au nord de Brauron sur la côte est[24].
83
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+ Elle y était aussi déesse de la lumière, personnification de la Lune, qui erre dans les montagnes. Elle était représentée conduisant un char tiré par quatre taureaux, couronnée d'un croissant de lune et portant un flambeau.
85
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+ La déesse est souvent représentée en habit de chasse, les cheveux noués par derrière, la robe retroussée avec une seconde ceinture, le carquois sur l'épaule, un chien à ses côtés, et tenant un arc bandé dont elle décoche une flèche. Elle a les jambes ainsi que les pieds nus, et le sein droit découvert. Quelquefois elle est chaussée de brodequins. Souvent elle a un croissant au-dessus du front, symbole de la Lune. On la représentait chassant, ou dans le bain, ou se reposant des fatigues de la chasse.
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+ Les statues de l'Artémis d'Éphèse sont assez connues. Elles sont très différentes d'autres représentations connues de la déesse à l'époque classique. L'Artémis d'Éphèse est dépourvue de membres inférieurs. Elle est engoncée de la taille aux pieds dans un fourreau qui descend jusqu'au sol, comme si elle y était plantée. Le corps de la déesse est ordinairement divisé par bandes, en sorte qu'elle paraît pour ainsi dire emmaillotée. Elle porte sur la tête une tour à plusieurs étages ; sur chaque bras, des lions ; sur la poitrine et l'estomac, un grand nombre de kuršaš, sacs de cuir magiques anatoliens mentionnés dans la littérature hittite[25], qui peuvent également être considérées comme des mamelles ou des testicules de taureau selon de nombreuses interprétations. Tout le bas du corps est parsemé de différents animaux, de bœufs ou taureaux, de cerfs, de sphinx, d'abeilles, d'insectes, etc. On y voit même des arbres et différentes plantes, tous symboles de la nature et de ses innombrables productions. Nombre de ces animaux sont de souche locale, comme l'épervier que l'on retrouve souvent perché sur un mât au dessus de la déesse. C'est aussi le cas des poissons, coquillages, crabes, qu'on ne trouve guère que chez l'Ephésienne. Ces diverses représentations de la déesse semblent se rapporter à un culte primitif d'origine asiatique.
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90
+ Artémis d'Éphèse, Vienne, Ephesos Museum (en).
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+ Très tôt, les Romains adoptèrent les dieux grecs et leurs légendes, en les ajoutant à leurs propres croyances[26]. En 399 av. J.C. , la déesse Artémis fut ainsi assimilée à la déesse Diane dans la mythologie romaine.
93
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94
+ Au Moyen Âge et à la Renaissance, le latin devient la langue dominante en Europe, notamment dans le domaine culturel[27]. Les noms mythologiques apparaissent alors très souvent dans une forme latine. C’est la raison pour laquelle le nom latin de Diane remplace couramment celui d’Artémis dans les représentations artistiques de cette dernière[28].
95
+
96
+ Ainsi les deux déesses, originellement différentes, sont unies dans leur représentation : on produit donc souvent des représentations d'Artémis sous le nom de Diane, de la même façon que le nom de Neptune est associé aux représentations de Poséidon.
97
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98
+ La mythologie grecque devient un sujet de prédilection pour les peintres pendant la Renaissance, une période marquée par la redécouverte de la littérature, de la philosophie et des sciences de l'Antiquité. A la fin du XVIe siècle, le peintre vénitien Titien réalise ainsi pour le compte du roi Philippe II d'Espagne deux toiles représentant le mythe d’Actéon et d’Artémis[29].
99
+
100
+ Le premier tableau, Diane et Actéon, réalisé entre 1556 et 1559, représente l'instant où Actéon surprend la déesse Artémis (représentée sous le nom de Diane) en train de prendre un bain en compagnie de ses nymphes[30].
101
+
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+ Le second, La Mort d'Actéon, représente la vengeance de la déesse. Il décrit le moment où Actéon, transformé en cerf par Artémis, est tué par ses propres chiens[31].
103
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+ Par la suite, d’autres peintres lui emboîtent le pas. A la fin du XVIIIe siècle, le peintre écossais Gavin Hamilton, qui choisit la majorité de ses sujets dans l'Antiquité, représente la déesse Artémis en compagnie de son frère, dans un tableau intitulé Apollon et Artémis[32].
105
+
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+ En 1772, le français Jacques Louis David met en avant la déesse grecque dans une de ses toiles, intitulée Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé. Le tableau représente le moment où Apollon et Artémis décochent leurs flèches afin de tuer les enfants de Niobé, qui s’était vantée d'avoir eu plus d’enfants que leur mère Léto[33].
107
+
108
+ David présente le tableau au concours du grand Prix de Rome la même année, mais n’obtient pas le premier prix, ce qui déclenchera une polémique entre le peintre et le jury de l’Académie royale de peinture et de sculpture, suite à des accusations de vote arrangé[34].
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+ Diane et Actéon par Titien (entre 1556 et 1559)
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+ La Mort d'Actéon par Titien (entre 1559 et 1575)
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114
+ Naissance d’Apollon et d’Artémis par Marcantonio Franceschini (vers 1692-1709)
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+
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+ Apollon et Artémis par Gavin Hamilton (1770)
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+
118
+ Diane et Apollon perçant de leurs flèches les enfants de Niobé par Jacques Louis David (1772)
119
+
120
+ Artémis. Vitrail de Géza Maróti (1875-1941). Musée des arts appliqués de Budapest
121
+
122
+ Dans la trilogie de science-fiction Hunger Games, l'héroïne Katniss Everdeen est inspirée de la déesse Artémis[35]. A l'image de cette dernière, elle est armée d'un arc et de flèches[36].
123
+
124
+ Tout comme Artémis, Katniss est une excellente chasseuse. Elle évolue avec facilité dans la nature sauvage, et a appris très tôt à chasser le gibier[37]. Comme elle, elle manifeste également le désir de rester vierge et de ne pas avoir d’enfants[38].
125
+
126
+ Elle n’est pas une guerrière dans l’âme tout comme la déesse grecque. Si elle s’engage dans un conflit, c’est parce qu’elle y est contrainte par les événements. Tout comme Artémis s’implique dans la guerre de Troie par solidarité avec son frère Apollon, Katniss doit s’engager malgré elle dans une révolte afin de sauver son peuple[39].
127
+
128
+ De 2012 à 2015, le cinéma s’empare de l’univers d’Hunger Games au travers de quatre films adaptés de la série de science-fiction. A cette occasion, le chercheur français Fabien Bièvre-Perrin compare l'héroïne Katniss, incarnée par Jennifer Lawrence, à une véritable « Diane moderne »[40]. Il note que le combat final du premier film n’est pas sans rappeler le mythe d’Actéon, que la déesse fait dévorer par ses propres chiens[40].
129
+
130
+ Artémis fait partie des nombreux dieux cités dans la série de bande dessinée Astérix, en particulier dans le numéro Astérix aux Jeux Olympiques.
131
+
132
+ Dans celui-ci, Astérix et Obélix se rendent en Grèce afin de participer aux célèbres Jeux olympiques. Découragés par cette arrivée inattendue d'adversaires à la force surhumaine, les athlètes romains s'adonnent à une orgie. Les odeurs de nourriture finissent cependant par irriter les athlètes grecs qui sont installés à proximité et qui sont, eux, soumis à un régime strict. L'un deux, s'exclame : « Par Artémis, et si j'ai envie, moi aussi, de décader ? »[41].
133
+
134
+ Dans le jeu vidéo Assassin's Creed Odyssey après avoir effectué l'ensemble de missions lié aux filles d'Artemis, le joueur obtient l'armure complète et l'arc de la Déesse. Il est aussi possible sous certaines conditions, d'obtenir la divinité en tant que lieutenant pour le navire.
135
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136
+ Artémis est une déesse que l'on peut incarner dans le jeu vidéo SMITE.
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+ : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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+ Selon le Trésor de la langue française, une dictature est un régime politique dans lequel une personne ou un groupe de personnes exercent tous les pouvoirs de façon absolue, sans qu'aucune loi ou institution ne le(s) limite(nt)[1] ; il faut préciser que même un régime autoritaire peut avoir des lois, des institutions, voire un parlement avec des députés élus, mais pas librement et ne représentant donc pas des contre-pouvoirs. Ce régime politique a fréquemment été violemment critiqué ; ainsi, Hannah Arendt affirme que les lois qu'il promulgue sont éthiquement illégitimes, et que les institutions y sont factices[2].
2
+
3
+ L'origine du terme remonte à la Rome antique, où la dictature était un état de la République romaine où un magistrat (le dictateur) se voyait confier de manière temporaire et légale les pleins pouvoirs en cas de troubles graves.
4
+
5
+ Le terme vient du latin dictatura, qui désignait, à l'époque de la République romaine, une magistrature exceptionnelle qui attribuait tous les pouvoirs à un seul homme (le dictateur – étymologiquement « celui qui parle »). Cette magistrature suprême, assortie de règles de désignation précises et temporaires (six mois maximum), était accordée en cas de danger grave contre la République. Tombée en désuétude à la fin du IIIe siècle av. J.-C., reprise par Sylla et Jules César, la dictature est abolie après la mort de ce dernier.
6
+
7
+ Le mot dictateur désigne actuellement ce que l'on appelait plutôt tyran[3] dans l'Antiquité ou despote dans l'Ancien Régime. Cette acception qui s'est développée pendant la Révolution française[4] sert surtout pour la période contemporaine.
8
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9
+ Aristote, dans sa typologie des régimes, fait de la tyrannie une forme corrompue de gouvernement par un seul, la monarchie.
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11
+ Montesquieu, dans son ouvrage De l'esprit des lois, propose une typologie fondée sur les gouvernés : le despotisme est alors un gouvernement qui ne respecte pas les libertés des individus et dont le principe est la crainte.
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+ Selon Hannah Arendt la différence entre une dictature et un régime totalitaire ne se situe pas dans l'ampleur de l'arbitraire, de la répression et des crimes, mais dans le degré de contrôle du pouvoir sur la société : une dictature devient « totalitaire » lorsqu'elle investit la totalité des sphères sociales, s'immisçant jusqu'au cœur des sphères privée et intime (familles, mentalités, psyché individuelle)[5].
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+ Juan Linz propose de réserver l'usage du terme de dictature aux « gouvernements de crise intérimaires qui ne se sont pas institutionnalisés et qui introduisent une coupure provisoire avec les règles du régime précédent en matière d'accession au pouvoir et d'exercice de celui-ci ; et cela, quelque soit la nature des contextes politiques — démocratique, traditionnelle ou autoritaire — dans lesquels ils constituent une parenthèse. » Cette suspension temporaire des règles du régime antérieur serait, selon lui, « le propre des gouvernements justifiant l'appellation de dictatures constitutionnelles. »[6]
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+ Dans le domaine de la politique, on appelle « dictature » un régime dans lequel une personne (dictateur), ou un groupe de personnes, disposant d'un pouvoir absolu, s'y maintient de manière autoritaire et l'exerce de façon arbitraire.
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+ Le caractère absolu du pouvoir se caractérise notamment par l'absence de séparation des pouvoirs (exécutif, législatif, judiciaire). Cette confusion des pouvoirs peut l'être au profit de l'exécutif (cas le plus courant) ou au profit du pouvoir législatif (régime d'assemblée). Il résulte aussi de l'absence de contrôle démocratique et d'élections libres (répression politique des opposants, le non-respect de la liberté de la presse).
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+ Le caractère arbitraire du pouvoir se traduit par le non-respect de l'État de droit (violation de la Constitution, établissement de lois d'exceptions).
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+ Si beaucoup de dictateurs arrivent au pouvoir à la suite d'un coup d'État (en Afrique, en Amérique du Sud et en Europe centrale et orientale notamment), d'une guerre civile (Francisco Franco) ou d'une guerre internationale (Kim Il-sung), il arrive qu'un dirigeant parvienne au pouvoir légalement avant de devenir un dictateur (ce fut le cas d'Adolf Hitler ou d'António de Oliveira Salazar) ou bien accède au pouvoir dans un régime de parti unique (ce fut le cas de Lénine, de Staline et de Mao).
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+ Néanmoins, il reste encore aujourd'hui des régimes autoritaires ou dictatoriaux, la plupart situés sur les continents africains et asiatiques. En Europe, la Biélorussie et l'Azerbaïdjan[réf. nécessaire] sont considérées comme des dictatures. Entre l'Europe et l'Asie, la Turquie est vue comme un régime où la démocratie se dégrade, à la limite un régime autoritaire.
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+ Les dictatures sont fréquemment des régimes à parti unique, quelquefois fermés au reste du monde (Corée du Nord ou Birmanie avant 2011[8]), ou plus ouverts commercialement (Chine). Mais la règle n'est pas absolue car l'histoire admet certaines dictatures pluralistes (exemple : la France de Vichy, le Maroc sous le règne d'Hassan II), auquel cas il est plus approprié d'employer l'expression "régime autoritaire" que celle de "dictature".
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+ La montée en puissance des politiques anti-terroristes dans les démocraties occidentales ont par ailleurs remis au goût du jour la théorie de la dictature constitutionnelle, pensée initialement par des juristes allemands sous la République de Weimar[9] et illustrée par exemple, en France, par les pouvoirs exceptionnels que tient le Président de la République de l'article 16 de la Constitution.
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+ Un dictionnaire /diksjɔnɛʁ/[1] Écouter est un ouvrage de référence contenant un ensemble des mots d’une langue ou d’un domaine d’activité généralement présentés par ordre alphabétique et fournissant pour chacun une définition, une explication ou une correspondance (synonyme, antonyme, cooccurrence, traduction, étymologie).
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+
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+ Le présent article concerne les dictionnaires unilingues qui décrivent ou normalisent une langue. Ceux-ci sont à distinguer d'autres types d'ouvrages de référence : les encyclopédies ou dictionnaire de choses ; les dictionnaires de traduction bilingues ; les dictionnaires des synonymes ; les dictionnaires thématiques spécialisés (dictionnaire du droit, du commerce, dictionnaire de géographie, dictionnaire humoristique[2], etc.).
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+
5
+ Le substantif masculin[3],[4],[5] dictionnaire est un emprunt[3],[4] au latin médiéval dictionarium[3],[4],[5], dérivé du latin dictio. D'abord écrit avec un seul n, il est dérivé du latin dictio : « action de dire, propos, mode d'expression ».
6
+
7
+ Sa première utilisation[6] remonte à Jean de Garlande dont le Dictionarius cum commento paraît en 1220.
8
+
9
+ Dictionnaire est attesté au XVIe siècle[3] : d'après le Trésor de la langue française informatisé[4], sa plus ancienne occurrence connue se trouve dans le Jardin de plaisance et fleur de rhétorique.
10
+
11
+ Les auteurs d'un dictionnaire doivent déterminer au départ les catégories de mots à retenir, en fonction des limites imposées par l'éditeur et du public visé. Il faut décider de la place à faire aux néologismes, aux termes rares ou archaïques, au vocabulaire scientifique et technique, aux mots d'un emploi purement régional, au vocabulaire d'origine étrangère, aux mots grossiers et au vocabulaire populaire et argotique[7].
12
+
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+ Une entrée, aussi appelée vedette, ou mot vedette, comprend normalement : (a) la lexie, ou plus petite unité porteuse de signification, ses dérivés affixaux et ses composés (pomme, pommier, pomme de terre) ; (b) les morphèmes grammaticaux, c’est-à-dire les mots vides qui indiquent les rapports entre les mots pleins, porteurs de signification ou sémantèmes ; (c) la prononciation ; (d) les marques d'usage ; (e) des exemples.
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+
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+ Les renseignements linguistiques sont de trois ordres :
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+
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+ Un dictionnaire doit d'abord donner la définition du mot. Cette opération, bien plus complexe qu'elle n'en a l'air, est « sans conteste l'élément de l'article du dictionnaire qui est le plus difficile à réaliser »[8]. Elle occupe les logiciens depuis des siècles et est également étudiée par la linguistique, la sémiotique et la psycho-sociologie. Selon la méthode fondée par Aristote, définir consiste à découvrir les attributs essentiels, en identifiant les différences et en remontant, par paliers successifs, à la catégorie supérieure. Ainsi, on définirait l’acception principale du mot chien comme un animal de la classe des mammifères, ordre des carnivores et famille des canidés. En procédant ainsi, il faut évidemment veiller à ne pas empiéter sur le sens d'autres mots. En théorie, selon cette méthode, les divers objets du monde pourraient s'emboîter dans un arbre binaire, mais cela n'est valide que pour les objets mathématiques, le langage humain comportant un espace de « jeu » essentiel à la compréhension[8].
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+
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+ Dans la pratique, les définitions incorporent aussi des propriétés non essentielles, mais qui aident le lecteur à identifier ce dont il est question. Ainsi, une définition de chien va inclure que l’animal peut servir comme chien de garde, de chasse, de trait, etc. Ces notations sont de nature encyclopédique, tout comme le fait qu'il aime ronger un os. De nombreux dictionnaires intègrent ces données encyclopédiques au moyen d'exemples.
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+ Il est rare qu'une seule définition épuise tous les sens d'un mot. Le plus souvent, un mot va avoir plusieurs acceptions, c'est-à-dire plusieurs significations, phénomène que l'on désigne par le terme de polysémie. Dans certains cas, un mot peut même désigner deux réalités opposées, comme le mot « hôte » qui peut signifier, selon le contexte, la personne qui accueille ou celle qui est accueillie[9]. Souvent, la différence de sens provient d'un emploi figuré plutôt que littéral ou des déplacements de sens d'un domaine d'activité à un autre. Ainsi, le sens du mot « fuite » varie selon qu'il est utilisé en droit, en peinture, en aéronautique, en économie, en plomberie ou en politique[10]. Un dictionnaire doit non seulement identifier les divers sens du mot, mais encore les classer d'une façon aussi cohérente et significative que possible. Il peut également comporter un répertoire indexé pour en faciliter l'utilisation.
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+ Les exemples sont apparus en français avec le dictionnaire de Richelet, en 1680 (voir ci-dessous). Ils ont une triple utilité :
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+
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+ L'étymologie est apparue dans les dictionnaires français avec Origines de la langue française (1650), de Ménage, qui « découvrit seul, et de manière intuitive, l'origine d'un grand nombre de mots français »[13]. Les bases d'une étymologie scientifique ont été posées par le philologue allemand Friedrich Christian Diez (1794-1876). Le domaine est maintenant couvert par l'ouvrage monumental de Walther von Wartburg (1888-1971), grâce auquel « nous disposons d'informations indiscutables, dans presque tous les cas, sur l'étymologie des mots français »[14].
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+
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+ L'histoire du mot est souvent plus instructive que l'étymologie, car elle permet de voir l'évolution des significations au fil des siècles, mais ces données sont souvent très fragmentaires dans les dictionnaires courants.
28
+
29
+ La datation est également une donnée intéressante, qui indique la date à laquelle un mot a été employé en français pour la première fois dans un texte.
30
+
31
+ Des indications sur la prononciation des mots sont devenues courantes avec le Dictionnaire de la langue française (1863) de Littré[15]. Divers procédés de transcription phonétique ont été utilisés, avec plus ou moins de bonheur, par divers dictionnaires. En 1964, le Petit Robert a adopté l'A.P.I. ou alphabet phonétique international, qui, en plus d'être standardisé à travers les dictionnaires de différentes langues, présente trois avantages :
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+ La prononciation n'est pas homogène, mais varie selon les régions et les groupes sociaux. Des mots comme sculpteur [skyltœ:ʀ] et oignon [ɔɳɔ] possèdent des lettres que les locuteurs cultivés ne prononcent pas, mais le cas de dompteur est moins clair, les deux formes étant en usage : [dɔ̃tœ:ʀ] et [dɔ̃ptœʁ]. L'auteur d'un dictionnaire doit donc déterminer la forme recommandée en se basant sur la prononciation la plus acceptée, qui n'est pas nécessairement la plus répandue. Ces questions complexes, qui touchent à la norme dans ce qu'elle a de plus intime et de moins conscient, ont justifié la rédaction d'ouvrages spécialisés, tel le Dictionnaire de la prononciation française dans sa norme actuelle (1964) de Léon Warnant.
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+ Les dictionnaires électroniques modernes proposent un modèle de prononciation sonore, comme dans le wiktionnaire.
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+
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+ Il ne serait pas efficace, pour un dictionnaire de langue, de retenir toutes les formes fléchies des mots, car cela amènerait un fort taux de répétition. Si certains mots ont une forme unique, tels les adverbes, beaucoup d'autres, en effet, existent sous diverses formes, selon qu'ils sont au singulier ou au pluriel, au masculin ou au féminin, ou s'ils sont des verbes aux formes conjuguées. Pour résoudre ce problème, on recourt à une opération de lemmatisation, qui consiste à regrouper les formes occurrentes d’un mot sous une même adresse lexicale. Si cette opération peut paraître à première vue assez simple, elle se trouve rapidement compliquée par les variations orthographiques survenues au fil du temps, voire par la présence, au sein d’une langue évoluée, de divers homographies. On peut s’en faire une idée en consultant un dictionnaire historique de langue ou un dictionnaire étymologique.
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+ Le classement alphabétique, qui nous paraît aujourd'hui normal et caractéristique des dictionnaires, n'a pas toujours été considéré comme la solution idéale. Le Dictionnaire de l'Académie française de 1694 avait plutôt adopté un classement par famille de mots : malaise est classé sous l'article aise, aîné sous naître, ennemi et inimitié sous amour, etc. Abandonné par la majorité des dictionnaires, un système similaire a cependant encore été retenu par von Wartburg pour son grand dictionnaire étymologique. Une solution mitoyenne est celle du Lexis des éditions Larousse (1979), qui limite les familles aux termes les plus proches, l'objectif, parfaitement défendable au plan pédagogique, étant de faire découvrir à un usager les mots apparentés à celui qu'il consulte. Ce genre de préoccupation devient sans objet avec les dictionnaires électroniques.
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+ Le tri alphabétique, qui apparaît comme une évidence pour un utilisateur francophone contemporain, n'est pas universel.
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+
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+ Les dictionnaires de langue peuvent se classer en deux catégories, selon qu'ils sont de type descriptif ou normatif, ce dernier cas étant le plus fréquent. Un dictionnaire descriptif s'attache autant que possible à décrire une langue telle qu'elle est écrite et parlée dans toute sa diversité ; un dictionnaire normatif tente au contraire d'établir la norme et d'orienter l'usage, en utilisant des expressions comme « à éviter » ou « locution vicieuse » :
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+
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+ « La plupart des dictionnaires français ont un caractère normatif : leur but véritable n'est pas de présenter un tableau fidèle et authentique du français à une certaine époque, mais de constituer un recueil de mots acceptés, fixés, l'omission d'un mot étant, dans la pensée de beaucoup de lexicographes, une condamnation implicite. L'ostracisme se manifeste dans tous les domaines : mots techniques, étrangers, populaires, etc. Cet état d'esprit est flagrant dans le Dictionnaire de l'Académie, mais il est aussi celui de Littré[17]. »
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+
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+ L'Organisation internationale de normalisation travaille afin de définir un cadre commun normalisé pour l'élaboration des lexiques du traitement automatique des langues.
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+ L'Antiquité n'a pas eu de dictionnaire de langue au sens propre, mais elle a mis au point des listes de mots organisées en fonction de la première syllabe. Progressivement sont apparus des protodictionnaires ou formes intermédiaires du dictionnaire tel que nous le connaissons depuis la fin du XVIIe siècle. Les dictionnaires bilingues sont également apparus à une date très ancienne, mais il n'est pas évident qu'ils aient précédé les protodictionnaires[18].
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+ Les premières listes de mots apparaissent à Sumer, vers la fin du IVe millénaire av. J.-C. Elles sont utilisées à des fins pédagogiques, afin de former des scribes, profession très valorisée[19]. On a ainsi trouvé une série de 42 tablettes comportant 14 000 noms classés en fonction de leur premier élément.
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+
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+ Après l'arrivée des Akkadiens, des lexiques bilingues sumérien-akkadien se multiplient. On a aussi trouvé un ensemble de 24 tablettes datant des environs de l'an 2 000 av. J.-C, comportant environ 10 000 entrées où sont mis en correspondance mots sumériens et akkadiens et qui ressemble à une sorte d'encyclopédie du monde de la culture et de la nature, organisée thématiquement[20].
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+
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+ On a également trouvé en Égypte ancienne des listes de mots organisées de façon thématique, telles l’Onomastique du Ramesseum, rédigé vers 1750 av. J.-C., et l’Onomastique d'Aménopé, rédigé vers -1100. Ce proto-dictionnaire (lointain ancêtre du dictionnaire) avait pour vocation « non pas d'apprendre à écrire aux enfants, mais de proposer un programme d'instruction de l'humanité fondé sur l'organisation du monde »[21].
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+ En matière de dictionnaires bilingues, on n'a retrouvé que des fragments d'un dictionnaire akkado-égyptien rédigé vers 1400 av. J.-C. Il faut attendre la période alexandrine (de -323 à -30) pour voir se répandre les glossaires thématiques grecs-coptes[22]. En 580 de notre ère, le Glossaire de Dioscore semble avoir remanié une onomastique grecque ancienne[23].
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+ Divers recueils de gloses ou de scholies (commentaires linguistiques sur des textes), désignés sous le nom de scala, paraissent durant cette période et dans les siècles qui suivent, servant d'étapes intermédiaires dans la mise au point du dictionnaire.
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+ Le courant sophiste porté sur l'art de convaincre, développe le besoin de préciser le sens des mots et l’utilisation d'un vocabulaire précis et adapté.
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+ On trouve des recueils de gloses destinés aux élèves, enseignants et au public lettré ; ce sont de petits lexiques attachés aux œuvres de grands écrivains fournissant des explications sur les mots rares ou difficiles. Au Ve siècle av. J.-C., Protagoras d’Abdère compile une liste des mots rares chez Homère. D'autres glossaires sont dus à Démocrite, Timée de Locres, Philémon d'Athènes (361-262), Philétas de Cos, Zénodote (320-240). Callimaque de Cyrène (310-240) a laissé une œuvre considérable, comportant notamment des glossaires thématiques. Ératosthène (276-194) se définit comme un philologue et développe cette discipline selon des principes rigoureux. Aristophane de Byzance (257-180) est un savant astronome et mathématicien qui s'intéresse aussi à la comédie et à la critique des textes ; un de ses ouvrages s'intitulait Peri Lexeon (Sur les mots), un autre était un dictionnaire des noms propres donnés à des courtisanes dans la comédie[24]. Aristarque de Samothrace (220-143) rédige un lexique homérique. Cratès de Mallos rédige des glossaires. À l'ère chrétienne, on note les noms d'Apollonios le Sophiste, de Pamphile d'Alexandrie, d'Héliodore, et d'Aelius Herodianus qui jouent un rôle important dans l’évolution du dictionnaire par leurs études lexicographiques.
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+
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+ Les Romains ont montré un intérêt très vif pour la langue. On connaît de cette période différents ouvrages de description de la langue ressemblant de près ou de loin à des dictionnaires.
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+
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+ Le début de l'ère chrétienne est marqué par le fort développement des gloses des auteurs latins et de la jurisprudence. La tendance est renforcée par l'apparition du codex qui favorise l'étude des textes. Ces recueils de grande dimension continuent donc de mêler les mots et les choses, les noms propres et les extraits. Parmi les gloses les plus célèbres :
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+ Malgré les lacunes et erreurs, ces ouvrages restent essentiels pour la lexicographie et la lexicologie latine.
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+
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+ Khalil ibn Ahmad (718-791) rédige le premier dictionnaire de la langue arabe, le Kitab al-Ayn (Le livre source). À la suite de celui-ci, une douzaine de dictionnaires arabes sont rédigés jusqu'au XVe siècle. Ces ouvrages sont particulièrement intéressants pour leurs importantes rubriques de citations, qui renvoient à des grammaires, des textes religieux, des ouvrages poétiques, ou encore des proverbes[26].
72
+
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+ Le chinois s'est formé très tôt et son écriture a peu évolué. Le premier dictionnaire connu, le Er ya date probablement du IIIe siècle avant l'ère commune. Le premier dictionnaire largement répandu, le Shuowen Jiezi a été publié au début du IIe siècle. 9353 idéogrammes, dont 1163 à doubles significations, avaient leur prononciation et étaient réunis dans l’ancêtre du Shingi, ouvrage en 44 volumes. Voir Dictionnaire de sinogrammes.
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+ Le Amarakosha fut le premier lexique sanskrit, rédigé par Amarasimha, probablement au IVe siècle à la cour des empereurs Gupta.
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+ On ne trouve toujours pas à la Renaissance de dictionnaire au sens où nous l'entendons aujourd'hui.
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+ Le premier dictionnaire européen entièrement consacré à une langue vivante et proposant pour chaque entrée une définition est le Tesoro de la lengua castellana o española de Covarrubias paru en 1611[34]. La langue italienne est la première à se donner un dictionnaire monolingue rédigé par une académie linguistique : le Vocabolario dell' Accademia della Crusca, dont la première édition paraît à Florence en 1612. En français, il faudra attendre Richelet pour que paraisse le premier dictionnaire monolingue de langue française (1680). La langue anglaise, bien que pourvue de divers dictionnaires, devra attendre 1755 pour se voir dotée d'un dictionnaire exhaustif de la langue anglaise avec le Dictionary of the English Language.
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+ La langue française se fixe sous l'influence de plusieurs théoriciens qui travaillent à son épuration et à sa modernisation: François de Malherbe, Vaugelas, Ménage et Dominique Bouhours,
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+ Au siècle des Lumières, la réflexion sur le langage se complexifie. Si les tendances puristes amorcées au siècle précédent s'exacerbent, notamment chez Voltaire, un courant important tend à régler la langue non plus sur l'usage de la Cour, mais sur celui des écrivains classiques[42]. Les néologismes sont assez facilement acceptés. Les dictionnaires gagnent en prestige dès le milieu du siècle et leur nombre s'accroît considérablement. Le classement alphabétique est devenu tellement populaire que Voltaire y a recours pour son Dictionnaire philosophique. Le prestige des dictionnaires s'accroît.
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+ En Angleterre, Samuel Johnson publie A dictionary of the English Language (1755), premier grand dictionnaire de l'anglais. Avec ses 43 500 entrées appuyées par 118 000 citations balisant l'évolution des sens et des emplois, cet ouvrage remarquable sera sans rival durant plus d'un siècle et fera l'envie de Voltaire, qui souhaitait voir un jour paraître un dictionnaire du français construit sur ce modèle[48].
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+
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+ Au cours de ce siècle que Pierre Larousse a qualifié de « siècle des dictionnaires »[49], de nombreux dictionnaires au lexique étendu et faisant une large place aux mots scientifiques voient le jour.
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+
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+ Dans les autres langues européennes aussi paraissent d'importants dictionnaires, tels le Deutsches Wörterbuch des Frères Grimm en allemand, le Dizionario della lingua italiana de Niccolò Tommaseo en italien, le monumental Oxford English Dictionary qui avec son demi-million d'entrées et ses nombreuses citations établit un nouveau standard en matière de dictionnaire, An American Dictionary of the English Language par Noah Webster en anglais américain, le Woordenboek der Nederlandsche Taal en néerlandais.
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+
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+ Les dictionnaires spécialisés se multiplient :
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+ Suite à la réforme de l'orthographe, celle-ci est prise en compte dans le Dictionnaire de l'Académie française, 9e édition (en cours, depuis 1992).
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+
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+ Avec le développement du web, les dictionnaires se mettent en ligne et les innovations sur papier se font plus rares. Les ressources informatiques sont d'une utilité évidente, notamment car elles sont mises à jour bien plus régulièrement et sont moins encombrantes. Elles tendent donc à affaiblir le marché du dictionnaire papier année après année[61].
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+
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+ On peut noter les ressources suivantes :
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+
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+ Par ailleurs, certaines années ont conduit à la mise à jour des dictionnaires papier pour considérer la nouvelle orthographe[64] :
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+ Dictionnaires répertoriés sur wikisource
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ La mythologie grecque, c'est-à-dire l'ensemble organisé des mythes provenant de la Grèce antique, se développe au cours d'une très longue période allant de la civilisation mycénienne jusqu'à la domination romaine. La rencontre entre les Grecs et les Romains coïncide avec celle de la mythologie grecque et de la mythologie romaine : la première exerce une forte influence sur la seconde, qui ne s'y réduit pas pour autant. Longtemps après la disparition des religions grecque et romaine, la mythologie grecque est utilisée comme sujet d'inspiration par les artistes, et continue à l'être de nos jours.
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+ La mythologie grecque nous est parvenue grâce à un vaste ensemble de textes dont les plus anciens sont les épopées d'Homère et les poèmes d'Hésiode, principalement la Théogonie, mais aussi par les arts picturaux comme la céramique ou par les monuments sacrés. L'ensemble de ces sources présente des généalogies et des récits qui forment un système doté d'une cohérence limitée. Les mythes grecs témoignent de la représentation que les anciens Grecs se faisaient du monde. Néanmoins, le statut de la mythologie grecque est complexe, car la mythologie dépasse le cadre de la religion. Les personnages et les événements mythiques rapportés par la tradition étaient pour les Grecs, du moins dans leurs grandes lignes, des réalités historiques relevant d'un passé lointain et servaient donc de base de travail aux historiens antiques. Dans le même temps, la mythologie fournit une ample source d'inspiration à la littérature et aux arts grecs antiques.
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+ La religion grecque était fondée sur des rituels pratiqués en commun, mais ne reposait pas sur un texte sacré ou sur des dogmes, et il n'existait pas non plus de littérature proprement religieuse[1]. Des textes comme la Théogonie d'Hésiode et les épopées d'Homère ne sont donc pas des textes sacrés : ce sont des œuvres littéraires proposant une vision parmi d'autres de la création du monde et des généalogies divines, mais elles ne se proposent pas de dicter ce qu'il faudrait obligatoirement croire. Le lien entre littérature et religion s'établit plutôt par la composition de textes destinés à être déclamés lors de cérémonies religieuses (par exemple les hymnes de Pindare et, de façon plus indirecte, les textes des tragédies, comédies et drames satyriques, puisque les représentations théâtrales sont liées au culte de Dionysos). Les dieux et héros mythologiques pouvaient être évoqués dans des contextes non immédiatement liés au culte proprement dit. Mais il faut garder à l'esprit que la société grecque antique ne connaît aucune séparation entre un domaine propre à la religion et le reste de la société : au contraire, la religion est présente de manière diffuse dans tous les aspects de la vie sociale et politique[2].
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+ L'absence de dogme ou de canon religieux n'est bien sûr pas synonyme d'absence de croyance. En Grèce antique, la piété (eusebeia), l'une des principales notions de la religion grecque antique, suppose de révérer les mêmes divinités que l'ensemble de la communauté : en introduire de nouvelles est un acte d'impiété, à moins que la cité ne les accepte officiellement, et il est tout aussi impie d'endommager les représentations des dieux ou leurs propriétés ou de parodier les rituels[3]. Mais dans le même temps, plusieurs cosmogonies et théogonies coexistent sans que cela ne pose de problème (Homère présente dans l’Iliade Océan et Téthys comme le couple primordial, tandis que la Théogonie d'Hésiode place le Chaos, puis Éros et Gaïa, aux origines du monde et qu'une secte comme l'orphisme propose encore une autre interprétation). Et la comédie grecque antique de l'époque classique peut librement représenter dieux et héros sous des traits grotesques en leur prêtant un comportement bouffon.
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+ Toutes les divinités ayant reçu un culte en Grèce antique n'ont pas fait l'objet de récits mythiques. Certaines, comme la déesse Hestia, en sont pratiquement absentes[4]. De même, ni la place d'une divinité ou d'un héros dans la hiérarchie des puissances divines, ni l'abondance des récits qui lui sont consacrés, ne reflètent nécessairement l'importance réelle de son culte : ainsi Asclépios, quoique très inférieur à des divinités telles que son père Apollon, disposait d'un sanctuaire à Épidaure dont la renommée s'étendait à l'ensemble du monde grec[5]. Enfin, alors que la différence de statut entre les dieux et les héros est assez appuyée dans les récits, les cultes rendus à des héros (les cultes héroïques) différaient assez peu, dans leurs modalités, de ceux rendus aux dieux[6].
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+ À l'époque archaïque et encore à l'époque classique, la poésie est le domaine par excellence de l'évocation des mythes : au sein de la société grecque, les poètes restent les voix les mieux autorisées à relater les récits fondateurs de la mythologie[7]. Lorsque l'historien Hérodote évoque les origines de la religion grecque dans son Enquête, c'est vers eux qu'il se tourne : « Quelle est l'origine de chacun de ces dieux ? Ont-ils toujours existé ? Quelles formes avaient-ils ? Voilà ce que les Grecs ignoraient hier encore, pour ainsi dire. Car Hésiode et Homère ont vécu, je pense, quatre cents ans tout au plus avant moi ; or ce sont leurs poèmes qui ont donné aux Grecs la généalogie des dieux et leurs appellations, distingué les fonctions et les honneurs qui appartiennent à chacun, et décrit leurs figures »[8]. Les poètes comme Homère et Hésiode ont donc nettement influencé la représentation que les Grecs se faisaient de leurs dieux et des origines du monde, même s'ils ne remplissaient pas une charge à proprement parler religieuse. Mais les mythes sont présents de manière diffuse dans tous les genres littéraires : ils sont évoqués aussi bien par les dramaturges que par les orateurs, les historiens et les philosophes.
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+ Dès Homère, chaque auteur évoque les mythes selon ses propres critères artistiques, le public auquel il s'adresse et le contexte dans lequel il s'inscrit, avec une très grande liberté d'invention et de remodelage[9]. Dans l’Iliade, le précepteur d'Achille est un humain, Phénix, et non le centaure Chiron comme dans d'autres versions. Lorsqu'au chant XIX Phénix raconte à Achille le mythe de la chasse du sanglier de Calydon[10], il l'adapte afin de faire de Méléagre, le principal protagoniste de son récit, un anti-modèle victime de son tempérament colérique, afin de montrer à Achille qu'il a tort de persister dans sa propre colère en refusant de revenir au combat[11]. La tragédie grecque représente souvent les héros de manière anachronique, car elle est un moyen pour la cité de réfléchir sur sa société et ses institutions[12]. Ainsi, dans Les Euménides, Eschyle, en relatant la purification d'Oreste après le parricide qu'il a commis, l'utilise pour élaborer un récit étiologique expliquant les origines du tribunal de l'Aréopage athénien.
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+ Les textes sont loin d'être les seuls vecteurs de la mythologie grecque : celle-ci est également très présente dans les arts figurés tels que la céramique et la sculpture. À toutes les époques, les Grecs vivent entourés de représentations qui s'y rattachent, qu'il s'agisse des monuments et des statues de l'espace public, ou des objets de la vie quotidienne dans leur espace privé. Les représentations figurées mettant en scène des sujets mythologiques ne doivent pas être considérées comme de simples illustrations des textes : bien au contraire, elles adaptent leur sujet au contexte et au public auquel elles se destinent, et inventent souvent des variantes qui ne sont pas attestées par ailleurs dans les textes. Les vases destinés à recevoir le vin, par exemple, représentent eux-mêmes des banquets ou des scènes mythologiques liées à Dionysos, qui ne peuvent être comprises que si on les replace dans ce contexte du banquet grec[13] ; ils mettent volontiers en scène des figures comme les satyres, qui sont assez peu présents par ailleurs dans les textes, mais qui apparaissent très souvent sur les vases dans des scènes typiques[14]. Ainsi, les arts figurés disposent eux aussi d'une grande liberté d'innovation ou de réinvention des mythes, et mettent en place leurs propres codes et conventions pour les représenter.
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+ En Grèce antique, il n'y a pas de distinction tranchée entre les événements relevant du mythe (qui, pour l'historien contemporain, relèvent de la fiction) et les événements historiques (qui nous paraissent les seuls réels). L'évhémerisme considère que les dieux et héros seraient en fait d'anciens personnages réels, qui eurent leur temporalité historique (théorie du mythographe grec Évhémère, IIIe siècle av. J.C.). Par ailleurs, la chronologie figurant sur la Chronique de Paros, une inscription du IIIe siècle av. J.-C., fait se succéder dans une même continuité le règne de Cécrops, le premier roi légendaire d'Athènes, puis le déluge de Deucalion, la guerre de Troie, etc. et des événements historiques comme la bataille de Platées, en indiquant leurs dates dans la computation athénienne. Les premiers historiens, les logographes, qui écrivent dès la fin de l'époque archaïque et le début de l'époque classique, comme Acousilaos, par exemple, se contentent de rapporter les traditions et les généalogies locales des différentes cités dans le but de les faire connaître, sans en critiquer beaucoup le contenu[15]. Les atthidographes, auteurs d'histoires de l'Attique, prennent davantage de distance et rationalisent parfois les éléments merveilleux des récits.
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+ L'un des premiers historiens à opérer une véritable sélection critique des mythes est Hécatée de Milet, au début du Ve siècle av. J.-C. Il opère un choix parmi ce qu'a transmis la tradition et en donne un exposé systématique, cohérent, en prose, en enlevant les éléments qui lui paraissent invraisemblables : il réduit à vingt le nombre des filles de Danaos, qui en possède cinquante dans la tradition à laquelle il s'oppose, et il fait de Cerbère un simple serpent à la piqûre fatale, mais il conserve certains éléments merveilleux comme les unions entre dieux et mortelles[16]. Hérodote, dans l’Enquête, rapporte les traditions dont il a entendu parler et fait état des différentes versions contradictoires, sans toujours se prononcer sur leur véracité[17]. Mais lui aussi rapporte des versions rationalisées de certains récits : l'enlèvement d'Io qui ouvre l’Enquête, par exemple, est une anecdote historique où il n'y a ni interventions divines ni métamorphose[18]. Thucydide évoque les actions des souverains mythiques tels que Minos, Pélops ou Agamemnon en les ramenant sur le même plan que les réalités historiques de son temps et en ignorant leurs aspects merveilleux, mais, pour lui, ces personnages sont aussi historiques que Périclès[19].
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+ L'attitude des historiens demeure tout aussi prudente jusqu'à l'époque romaine. Au Ier siècle av. J.-C., Diodore de Sicile fait une plus grande place au légendaire et s'attache plutôt à rapporter les différentes traditions sans prétendre les rationaliser. Au IIe siècle, Plutarque, au début de la Vie de Thésée, l'une des rares Vies parallèles à traiter d'une figure légendaire, compare le passé lointain aux pays lointains arides et inaccessibles évoqués par les géographes, puis déclare : « […] je souhaite que la légende, épurée par la raison, se soumette à elle et prenne l'aspect de l'histoire. Mais si parfois, dans son orgueil, elle ne se soucie guère d'être crédible et refuse de s'accorder avec la vraisemblance, je solliciterai l'indulgence des lecteurs, et les prierai d'accueillir de bonne grâce ces vieux récits »[20]. Cette volonté d'épurer le mythe par la raison (le logos) témoigne de l'influence de Platon ; mais la prudence de Plutarque envers les mythes n'est nullement le signe d'une méfiance envers la religion en général, puisqu'il fait preuve d'une foi profonde et exerce un temps la charge de prêtre d'Apollon à Delphes[21].
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+ De manière générale, les historiens grecs conservent une attitude prudente en face des mythes, qu'il s'agisse d'y croire ou de ne pas y croire. Paul Veyne, qui s'intéresse au problème complexe de la croyance dans Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, rappelle toute la distance qui sépare les historiens antiques de l'histoire telle qu'elle s'élabore par la suite (fondée sur l'étude et la critique des sources) : « Il arrive parfois qu'un historien ancien signale que ses « autorités » présentent des divergences sur quelque point, ou même qu'il déclare renoncer à savoir quelle était la vérité sur ce point, tant les versions diffèrent. Mais ces manifestations d'esprit critique ne constituent pas un appareil de preuves et de variantes, qui sous-tendrait tout son texte, à la manière de l'appareil de références qui couvre le bas de toutes nos pages d'histoire : ce sont uniquement des endroits désespérés ou douteux, des détails suspects. L'historien ancien croit d'abord et ne doute que sur les détails où il ne peut plus croire »[22].
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+ À toutes les époques, les mythes sont aussi un enjeu politique. Les orateurs attiques s'y réfèrent et les emploient comme des arguments dans leurs discours, en les choisissant ou en les adaptant selon les circonstances[23]. Dans le Panégyrique, Isocrate évoque le mythe de l'autochtonie des Athéniens pour justifier leur prétention à la supériorité sur les autres cités[24], et, dans le Philippe, adressé à Philippe II de Macédoine, il rappelle la parenté entre les ancêtres du roi macédonien et les cités grecques pour le convaincre de leur venir en aide[25]. Les inscriptions consignant des décrets d'alliances entre cités témoignent du même genre de recours aux généalogies mythiques comme argument dans les accords diplomatiques entre deux cités[26].
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+ Dès l'époque archaïque, les philosophes s'écartent parfois beaucoup des récits les plus répandus, beaucoup parce qu'ils proposent leurs propres systèmes, eux-mêmes fortement imprégnés de religion : Pythagore est ainsi, au VIe siècle av. J.-C., le fondateur du pythagorisme. D'autres se montrent plus critiques et à la limite de l'impiété, tel Anaxagore poursuivi en justice à Athènes au Ve siècle av. J.-C. pour avoir affirmé que le soleil était une pierre incandescente[3]. Platon oppose parfois le muthos considéré comme récit mensonger et le discours rationnel (le logos) qui doit guider le philosophe[27] ; mais cette opposition est loin d'être systématique et ne se retrouve pas dans tous ses dialogues[28]. Platon lui-même, dont la pensée s'inscrit par ailleurs dans la continuité de la religion traditionnelle[29], ne rejette pas le concept de muthos conçu comme récit et ne s'interdit nullement d'y recourir. Loin de supprimer totalement les mythes de son œuvre, il en invente de nouveaux qui font partie intégrante de ses démonstrations philosophiques et consistent soit en des allégories destinées à mieux faire comprendre une argumentation (comme l'allégorie de la caverne), soit en des récits élaborés sur le modèle des mythes anciens dont ils reprennent les thèmes et les fonctions, et qui permettent de rendre compte de la composante non rationnelle de certains sujets[30]. C'est dans ce contexte que s'inscrivent par exemple le mythe d'Er au livre X de La République et les différents récits du Banquet, dont le mythe de l'androgynie placé dans la bouche d'Aristophane. Platon utilise aussi le mythe à des fins politiques, par exemple en élaborant le mythe de l'Atlantide qui met en scène une Athènes idéalisée, conforme aux vœux politiques de Platon, luttant victorieusement contre une Atlantide qui incarne tout ce que Platon réprouve dans la thalassocratie athénienne de son temps[31].
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+ Les Grecs connaissaient plusieurs cosmogonies, c'est-à-dire des récits relatant la naissance et la mise en ordre progressive du cosmos, le monde organisé[32]. Celle que nous connaissons le mieux, car elle nous est parvenue en entier, est celle que compose Hésiode dans la Théogonie et selon laquelle existe (ou apparaît) d'abord Chaos, puis Éros et Gaïa (Terre), laquelle engendre Ouranos (Ciel), Pontos (Flot marin) et d'autres divinités, tandis que Chaos en engendre d'autres, les différentes lignées donnant peu à peu naissance, au fil des générations, à toutes les divinités incarnant les aspects fondamentaux de la nature (Hélios, Séléné), aux divinités souveraines (Cronos puis Zeus), mais aussi à des êtres monstrueux qui sont ensuite éliminés ou enfermés par les dieux ou les héros (la plupart des enfants de Nyx, mais aussi Typhée et sa progéniture).
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+ Mais nous connaissons aussi l'existence d'autres cosmogonies. Au chant XIV de l’Iliade, Héra feint de rendre visite à Océan et Téthys, qu'elle qualifie de « père et mère des dieux »[33], ce qui peut constituer une allusion à une cosmogonie différente où Océan et Téthys seraient les deux divinités originelles. L'orphisme, courant religieux qui se plaçait à l'écart des pratiques traditionnelles du culte et se plaçait sous le patronage du poète mythique Orphée, a développé, au moins à partir de l'époque classique[34], plusieurs cosmogonies propres à son système de pensée. Nous n'en avons qu'une connaissance lacunaire, mais nous savons qu'elles plaçaient à l'origine du monde la Nuit ou le Temps, qui engendre un œuf donnant à son tour naissance à Phanès ou bien à Éros[35]. L'orphisme accorde également une place beaucoup plus grande à Dionysos, qui est mis à mort, cuit et mangé par les Titans avant d'être ressuscité[36]. On attribuait aussi une cosmogonie à Musée, un autre poète mythique souvent associé à Orphée. À l'époque archaïque, plusieurs poètes, comme le Crétois Épiménide, le Lacédémonien Alcman ou l'Argien Acousilaos, ainsi que des philosophes présocratiques comme Phérécyde de Syros, composent d'autres cosmogonies[37].
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+ Une anthropogonie (de anthrôpos, « homme », et gonos, « création ») est un récit de l'apparition de l'humanité. Tout comme les Grecs possédaient plusieurs cosmogonies, ils connaissaient plusieurs anthropogonies. Les poèmes mythologiques les mieux conservés restent relativement vagues sur ce sujet. Dans les épopées d'Homère, aucune indication n'est donnée sur les origines de l'humanité, et les dieux ne se sentent pas responsables de l'existence des mortels : ils se contentent de répondre aux manifestations de leur piété, tandis que Zeus exerce les fonctions de juge des mortels et de médiateur entre dieux et mortels[38]. Hésiode, dans la Théogonie, n'explique pas la création des hommes : ils apparaissent dans son poème au moment du partage de Mékôné et de la ruse de Prométhée, récit qui explique surtout les modalités du sacrifice, l'une des pratiques cultuelles fondamentales de la religion grecque. Dans Les Travaux et les Jours[39], Hésiode relate le mythe des races, décrivant plusieurs humanités (plusieurs genos) composées chacune d'un métal différent, la première, la race d'or, remontant au règne de Cronos ; mais son récit a moins pour objet la création de ces humanités que leurs vertus et la dégradation progressive de leurs conditions de vie, ce qui apparente plutôt ce récit aux origines du mythe de l'âge d'or[40]. Il existait par ailleurs une tradition sur l'origine de l'humanité nommée mythe de l'autochtonie, selon lequel les premiers hommes étaient directement sortis de la terre. Ce mythe était utilisé par les Athéniens, qui s'en servaient à l'époque classique pour justifier leur supériorité sur les autres cités[41], mais aucune source ne présente clairement de récit selon lequel ce serait toute l'humanité qui aurait été créée de cette façon.
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+ Les sources de la mythologie restent donc obscures sur la création des tout premiers hommes, mais la plupart s'accordent sur les noms des ancêtres de l'humanité actuelle : Deucalion et Pyrrha[42], qui survivent au déluge et font renaître des humains à partir des pierres, comme le rapporte Pindare dans la neuvième Olympique[43]. Mais il s'agit d'une renaissance de l'humanité plutôt que de ses origines premières, et la façon dont les hommes apparaissent avant le déluge de Deucalion est beaucoup moins claire[42].
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+ Si nous ne possédons pas de récit bien conservé sur l'apparition des hommes, la création de la femme fait l'objet de son propre mythe, celui de Pandore, évoquée par Hésiode dans la Théogonie et Les Travaux et les Jours[44]. Dans la Théogonie, Pandore est créée par Zeus pour châtier les hommes après la ruse de Prométhée qui leur a donné le feu. Son nom grec, Pandora, signifie « don de tous les dieux » : Héphaïstos la façonne dans de la terre et chacun des dieux est invité à lui faire présent d'une qualité physique ou d'un vêtement. Mais Pandore est un piège car, sous sa belle apparence, elle n'apporte que des soucis aux hommes ; dans Les Travaux et les Jours, c'est elle qui soulève le couvercle de la jarre où sont gardés maux et maladies et devient responsable de leur propagation dans le monde entier, ce qui explique la condition misérable des hommes. Le mythe de Pandore véhicule l'idéologie misogyne qui était celle de la société grecque antique[45], mais il représente aussi un changement dans la condition humaine, car l'arrivée de Pandora coïncide avec l'apparition de l'obligation pour les humains de travailler pour vivre, travail et fécondité devenant les deux aspects principaux de la condition humaine contemporaine[46].
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+ Les divinités et héros de la mythologie grecque évoluent dans le monde réel tel que se le représentaient les Grecs, mais aussi dans plusieurs lieux situés hors du monde ou aux limites du monde, qu'il s'agisse des résidences des divinités ou bien de l'au-delà.
42
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+ Les divinités grecques les plus importantes résident sur l'Olympe[47]. Cette représentation de l'Olympe comme demeure des divinités olympiennes est déjà très présente dans les principales œuvres poétiques de l'époque archaïque : l’Iliade et l’Odyssée, puis les poèmes d'Hésiode et les Hymnes homériques, œuvres qui influencent durablement la représentation des dieux grecs. L'Olympe où résident les dieux chez Homère et Hésiode est à la fois un lieu réel, le mont Olympe en Grèce du nord, et une demeure céleste située très haut dans le ciel : ces deux représentations coexistent, non sans entraîner quelques hésitations et incohérences de détail, l'essentiel consistant à affirmer une séparation entre cette demeure des dieux et le reste du monde[47]. Mais tous les dieux grecs ne résident pas sur l'Olympe, loin de là : un grand nombre de divinités résident sur terre ou dans la mer[48].
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+ Dès l'époque archaïque, la littérature grecque ancienne aborde la question de l'au-delà et distingue plusieurs lieux susceptibles d'accueillir les âmes des défunts après la mort[49].
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+ Les Enfers sont le principal au-delà en Grèce ancienne. Chez Homère, ils sont nommés l'« Hadès », du nom du dieu Hadès, qui y réside et y règne sur les morts en compagnie de son épouse Perséphone. L’Odyssée situe l'Hadès aux confins du monde, au-delà du fleuve Okéanos, près du pays des Cimmériens (nom d'un peuple réel). Ulysse, au chant XI, ne s'aventure qu'au seuil de l'Hadès et se contente de dialoguer avec les ombres qu'il fait venir en leur offrant un sacrifice. Dès Homère, les morts sont imaginés comme des ombres immatérielles et sans force qui errent dans l'Hadès pour l'éternité. Plusieurs passages de l’Iliade[50] mentionnent l'existence d'un fleuve, le Styx, que l'âme du mort doit franchir avant de se mêler aux autres ombres, mais l’Odyssée et Hésiode ne parlent pas de cette condition. Plusieurs personnages assurent le rôle de passeur entre le monde des vivants et celui des morts. Au chant XXIV de l’Odyssée, c'est le dieu Hermès qui conduit aux Enfers les âmes des prétendants de Pénélope. L'autre passeur des morts le plus fréquent est le nocher Charon. Charon n'est pas mentionné dans la littérature archaïque et apparaît pour la première fois sur une peinture de l'Hadès par Polygnote au Ve siècle av. J.-C. connue seulement par une description qu'en donne Pausanias[51]. À partir de cette époque, il est représenté sous les traits d'un vieillard posté dans une barque et qui fait franchir aux morts le fleuve qui coule à l'entrée des Enfers.
48
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+ Un autre lieu de l'au-delà est le Tartare. L’Iliade situe le Tartare dans les profondeurs extrêmes de la terre, aussi loin sous l'Hadès que l'Hadès est loin du ciel ; le Tartare est fermé par un seuil de bronze et des portes de fer, et Zeus menace d'y enfermer les dieux qui s'opposeraient à lui[52]. Dans la Théogonie d'Hésiode, les Titans, à l'issue de leur bataille contre les dieux, sont capturés par les Hécatonchires qui les enferment dans le Tartare et en deviennent les gardiens[53]. La Théogonie contient, juste après, une description du Tartare, dont la géographie est assez confuse : elle place le Tartare tantôt sous la terre, tantôt dans un endroit indéterminé aux limites du monde[54]. Il semble que l'Hadès et le Tartare aient parfois été confondus dans certains textes par la suite[55].
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+ En dehors des Enfers et du Tartare, la pensée grecque se représente aussi un au-delà heureux, qui apparaît sous plusieurs formes et sous plusieurs noms. Dans l’Odyssée, le dieu marin Protée prédit à Ménélas qu'il n'est pas destiné à mourir, mais à vivre éternellement dans les Champs Élysées, où il n'y a ni neige ni pluie[56]. Un tel sort semble réservé à de très rares mortels. Dans une autre épopée du Cycle troyen, l’Éthiopide (connue seulement par le résumé qu'en donne Proclus), le héros Achille, après sa mort, est emmené par sa mère Thétis vers un endroit nommé l'Île Blanche[57], qui apparaît ensuite comme un séjour heureux. Un autre endroit jouant le même rôle de séjour éternel agréable est les Îles des Bienheureux. Ces îles sont évoquées pour la première fois par Hésiode dans un passage de son mythe des races dans Les Travaux et les Jours[58], où il écrit qu'au moins une partie de la race des héros y séjourne après la mort. Par la suite, la tradition littéraire tend à s'écarter d'Homère (chez qui tous les morts partagent le même sort dans l'Hadès, y compris les héros de la guerre de Troie[59]) et à considérer que des héros comme Achille bénéficient d'une vie après la mort plus heureuse que celle du commun des mortels[60].
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+ La caractéristique la plus visible des dieux tels que les Grecs se les représentaient est l'anthropomorphisme : l'apparence physique des dieux, leurs actions et leurs sentiments paraissent très proches de ceux des mortels. Hérodote emploie au sujet des dieux l'adjectif paradoxal anthropophues, « de nature humaine »[61]. Cependant, cet anthropomorphisme et cette proximité entre les dieux et les hommes n'est qu'apparente : comme le montre Françoise Frontisi-Ducroux dans un article du recueil Corps des dieux[62], la religion grecque ne cesse de mettre en évidence l'écart qui sépare les dieux et les humains. Le corps des dieux est lui-même surhumain[63] : lorsqu'ils sont évoqués dans l'épopée, ils ont une taille gigantesque, un poids colossal ou au contraire impossiblement léger. Dans leur corps coule non pas du sang mais de l'ichor, et les blessures ne mettent pas leur vie en péril puisqu'ils sont immortels (athanatoi)[64]. Les dieux ne consomment pas la même nourriture que les mortels : le nectar et l'ambroisie sont leur nourriture d'immortalité[65]. Les épopées d'Homère évoquent aussi une langue des dieux différente de celles des mortels[66]. Ce caractère surhumain est mis en valeur par les matières précieuses utilisées pour les statues, par exemple chryséléphantines[67].
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55
+ Si les dieux les plus fameux, les divinités olympiennes, sont anthropomorphes, ce n'est pas le cas de toutes les divinités : les dieux fleuves sont souvent représentés sous la forme de taureaux, et de nombreuses idoles des dieux n'ont pas l'apparence d'êtres vivants[68]. L'apparence surhumaine des dieux est la manifestation de leur statut supérieur et de leur omnipotence : « Les dieux peuvent tout »[69].
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+ Tout comme il existait plusieurs théogonies relatant leur naissance, il existait plusieurs généalogies des divinités grecques. Les manuels consacrés à la religion grecque antique et à la mythologie grecque ont fréquemment recours[70] à la version présentée par la Théogonie d'Hésiode, la plus complète à nous être parvenue.
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+ Dans sa Théogonie, Hésiode décrit la naissance des dieux au fil de générations successives, dont il développe tour à tour les différentes branches en y intercalant des épisodes narratifs qui anticipent parfois sur la suite de son développement. Les tout premiers êtres qui forment l'univers ne sont pas issus d'une reproduction sexuée : Chaos, Éros et Gaïa (la Terre) apparaissent spontanément, et Gaïa engendre seule Ouranos (le Ciel)[71]. Gaïa et Ouranos s'unissent pour former le premier couple divin, et ils donnent naissance à douze Titans, six fils et six filles. Parmi ces titans, Cronos joue un rôle décisif dans la généalogie divine. Cronos prend le pouvoir en châtrant son père Ouranos, dont les organes génitaux, tombés dans l'océan, donnent notamment naissance à Aphrodite[72]. Par la suite, Cronos s'unit à sa sœur Rhéa, qui donne naissance à Hestia, Déméter, Héra, Hadès, Poséidon et enfin Zeus[73], qui forment chez Hésiode la première génération des divinités olympiennes. Zeus prend le pouvoir à son tour, cette fois définitivement[74], et c'est lui qui, en s'unissant à plusieurs divinités, enfante la seconde génération des dieux de l'Olympe : Athéna (fille de Zeus seul : elle sort de son crâne après qu'il a avalé Métis)[75], Apollon et Artémis (enfants de Zeus et de Léto)[76], Arès (fils de Zeus et d'Héra)[77], Hermès (fils de Zeus et de Maïa)[78] et Dionysos (fils de Zeus et de la mortelle Sémélé)[79]. Héphaïstos est engendré par Héra seule, par défi envers Zeus[80].
60
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61
+ Homère, dans l’Iliade et l’Odyssée, diverge d'Hésiode sur plusieurs détails, qui ont aussi beaucoup influencé les représentations les plus courantes de la généalogie des dieux. Ainsi, dans l’Iliade, Zeus est l'aîné des dieux de l'Olympe[81], alors qu'il est le cadet des enfants de Cronos dans la Théogonie[82]. Dans les épopées homériques, Aphrodite est, elle aussi, une fille de Zeus[83], et sa mère est Dioné[84].
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+ La conception de l'histoire du monde des Grecs anciens plaçait, entre l'apparition de l'humanité et l'époque présente, un âge héroïque où avaient vécu des hommes mortels, mais plus grands, plus forts et, de façon générale, dotés de qualités supérieures à celles des hommes du présent : c'étaient les héros, issus directement ou indirectement d'unions entre des divinités et des humains[85]. L'âge héroïque était considéré comme ayant réellement existé ; il ne s'étendait pas sur une très longue période, seulement quelques générations, et n'était pas pensé comme très éloigné dans le passé[85], puisque les héros étaient considérés comme les fondateurs des dynasties royales de nombreuses cités grecques[86]. Les héros sont conçus de différentes manières selon que l'on considère la façon dont ils étaient honorés dans le culte ou bien les différentes évocations littéraires dont ils font l'objet.
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+ Les héros font l'objet d'un culte héroïque : comme le culte des morts, ce culte se développe autour du tombeau du héros, mais, contrairement à un mort ordinaire, un héros est, de fait, honoré comme une puissance divine à part entière, qui peut rendre des oracles ou accorder protection ou guérison à qui vient le prier[87]. À l'époque historique, certaines personnes réelles, distinguées de leur vivant par leurs exploits, font après leur mort l'objet d'un culte héroïque (c'est le cas, par exemple, du général Brasidas)[85]. Une grande partie des cultes héroïques se cantonnent à des localités précises (un village, une cité, une région) et sont inconnus ailleurs ; seuls quelques-uns sont connus dans toute la Grèce, le plus fameux de tous restant Héraclès[88].
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+ Dans la poésie archaïque, Hésiode, dans Les Travaux et les Jours, élabore un mythe des races où il intercale les héros comme une race à part entière de demi-dieux venue après les trois premières races métalliques (d'or, d'argent et de bronze) et avant l'humanité de l'époque présente, qu'il qualifie de race du fer ; il caractérise les héros par leur bravoure et leur justesse, et évoque leurs exploits pendant la guerre des sept chefs contre Thèbes et pendant la guerre de Troie. Le mythe hésiodique a fait l'objet de nombreuses études mythologiques[89].
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+ Dans les épopées homériques, l’Iliade et l’Odyssée, les héros sont dépeints comme plus forts que les hommes du temps présent, mais inéluctablement mortels : Achille et Ulysse se voient ainsi prophétiser leur mort. L’Iliade et l’Odyssée présentent déjà deux conceptions différentes de l'héroïsme : Achille recherche la gloire et l'obtient par ses exploits militaires, tandis qu'Ulysse ne convoite que le retour dans son pays et recourt avant tout à la parole et à la ruse, la mètis, pour parvenir à ses fins[90]. Par ailleurs, chez Homère, le terme de héros est parfois employé de façon assez générale pour désigner des personnages nobles ou remarquables par leur talent[91].
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71
+ À cette époque et aux époques postérieures, les différents genres littéraires s'approprient les figures de l'âge héroïque et en donnent de multiples interprétations. Ainsi, la tragédie grecque athénienne de l'époque classique se concentre sur les malheurs des grandes lignées héroïques comme les Atrides et les Labdacides pour évoquer des problèmes religieux, politiques et philosophiques.
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+ Les récits se rapportant aux héros trouvent souvent leur cohérence dans leur lien avec une cité, dont ils relatent la fondation et l'histoire de la dynastie royale[92]. Les héros se répartissent ainsi en grandes familles, souvent nommées d'après le héros qui est à leur origine (Labdacos et les Labdacides, Pélops et les Pélopides, Cécrops et les Cécropides, etc.). Le destin de ces grandes lignées est plus ou moins étroitement lié à celui d'une ou plusieurs cités.
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+ L'histoire de Thèbes a fait l'objet de plusieurs ensembles de récits sur lesquels nous sommes bien renseignés[93]. Thèbes est fondée par un Phénicien, Cadmos ; une autre légende associée à sa fondation ou à sa refondation est celle des jumeaux Amphion et Zéthos, qui en élèvent les remparts. L'histoire de Thèbes est surtout indissociable de celle de Labdacos et des Labdacides, dont font partie Laïos et Jocaste et leur fils Œdipe, qui, à son insu, tue son père et épouse sa mère. Les enfants de l'inceste entre Œdipe et Jocaste interviennent dans d'autres récits, principalement celui de la querelle fratricide entre les deux fils, Étéocle et Polynice, qui est à l'origine de la guerre des sept chefs puis de l'expédition des Épigones. Dès l'époque archaïque, l'histoire des Labdacides était relatée par quatre épopées, aujourd'hui perdues, qui formaient le Cycle thébain.
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+ La lignée de Tantale, roi d'Asie Mineure, est à l'origine de plusieurs familles héroïques importantes[94]. Pélops, fils de Tantale, s'installe en Élide, dans le Péloponnèse, où il a de nombreux descendants, les Pélopides, qui règnent sur plusieurs cités du Péloponnèse. Parmi les enfants de Pélops figurent Atrée et Thyeste, ainsi que les descendants d'Atrée, les Atrides. Les deux fils d'Atrée, Agamemnon et Ménélas, sont fameux pour leur rôle dans la guerre de Troie.
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+ L'histoire d'Athènes[95], peu évoquée dans les textes les plus anciens et qui semble avoir pris forme plus tard, vers le début de l'époque classique[96], trouve ses origines dans le mythe des autochtones, hommes nés directement de la terre : le premier est Érichthonios, mais c'est aussi le cas de Cécrops, fondateur de la cité. Plusieurs générations après viennent Égée puis son fils Thésée, auquel sont attribués de nombreux exploits.
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+ Plusieurs ensembles de récits mettent en scène des héros d'origines diverses prenant part à une entreprise collective[97]. Ainsi, la chasse au sanglier de Calydon rassemble plusieurs héros autour de Méléagre pour traquer et abattre le sanglier monstrueux. Plus connue, car évoquée par plusieurs épopées et tragédies, la quête de la Toison d'or entreprise par Jason rassemble de nombreux héros dans l'équipage des Argonautes qui, à bord du navire Argo, voyagent jusqu'en Colchide. L'ensemble narratif le plus vaste dans cette catégorie est celui de la guerre de Troie.
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+ Un vaste ensemble de récits et de personnages se rattachent à la guerre de Troie[98]. L'enlèvement d'Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte, par le Troyen Pâris, débouche sur l'organisation d'une grande expédition militaire menée par le frère de Ménélas, Agamemnon, rassemblant des rois venus de toute la Grèce, qui assiègent Troie pendant dix ans. Les premières œuvres littéraires connues de la littérature grecque ancienne, l’Iliade et l’Odyssée, deux épopées que les Anciens attribuaient à Homère, se rapportent à ce mythe : l’Iliade relate la querelle entre Agamemnon et le héros Achille pendant la dixième année de la guerre, tandis que l’Odyssée détaille le long et périlleux retour chez lui d'Ulysse après la fin de la guerre, dont elle raconte a posteriori plusieurs épisodes. En plus des épopées d'Homère, plusieurs autres ont été composées par d'autres auteurs à l'époque archaïque. Regroupées sous le nom de Cycle troyen, elles racontaient l'ensemble de la guerre, de ses origines à ses conséquences lointaines ; aujourd'hui perdues à l'exception de quelques fragments, elles nous sont surtout connues par des résumés ou des réécritures plus récentes[99].
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+ Il est notable que les Anciens mêlaient les événements de leur mythologie à ceux de leur histoire. Ainsi, l’Iliade et l’Odyssée étaient considérées comme historiques. Le Grec Évhémère semble avoir été le premier à émettre l'hypothèse que les récits mythologiques sont des déformations de faits historiques réels. Les très nombreuses recherches archéologiques des XIXe et XXe siècles ont voulu conforter et affiner cette approche. L'ouvrage de Robert Graves, Les Mythes grecs, récapitule les éléments en faveur de cette hypothèse. La question de la continuité entre le temps des dieux et le temps des hommes, apparemment difficile à résoudre, semble pouvoir s'expliquer par des phénomènes de synthèse, de simplification et de symbolisation d'événements concrets (conquêtes, rituels, etc.). Les événements décrits dans les différentes théogonies se déroulent donc dans un temps apparemment parallèle à celui de l'humanité, dont les durées ne sont pas transposables.
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+
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+ En plus de son utilisation constante dans les arts et les sciences humaines comme la psychanalyse et son complexe d'Œdipe, la mythologie grecque fournit des récits très riches sur lesquels sont basés la plupart des problématiques et des thèmes de la littérature occidentale, que l'on peut encore apprécier aujourd'hui.
88
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+ L'interprétation des mythes grecs reprend sa place dans le monde actuel notamment avec l'étude de ces mythes au collège permettant une analyse des textes plus précise et une initiation à l'interprétation des mythes.
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+ Si les Grecs eux-mêmes ont très tôt entamé une réflexion sur leurs récits mythologiques, ce n'est que dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec le développement des sciences humaines, que la mythologie se constitue en une discipline à ambition scientifique, une « science des mythes » : c'est ce que Marcel Detienne nomme, dans son livre éponyme, « l'invention de la mythologie »[100]. L'émergence de l'anthropologie, parallèlement à la découverte par les ethnologues de nombreux peuples possédant eux aussi des mythologies complexes, amène les chercheurs à s'interroger sur l'histoire des religions et à publier les premières études de mythologie comparée. À une époque où les Grecs anciens sont considérés comme supérieurs aux peuplades tenues pour primitives, la science des mythes se trouve confrontée à une sorte de scandale de la pensée, qu'énonce par exemple Friedrich Max Müller : « les poètes de la Grèce ont une aversion instinctive pour tout ce qui est excessif ou monstrueux. Or, les Grecs attribuent à leurs dieux des choses qui feraient frissonner le plus sauvage des Peaux-Rouges[101]… » Il s'agissait donc d'expliquer les éléments qui, dans les mythes grecs, paraissaient absurdes et immoraux, en contradiction avec l'image qu'avait alors la Grèce antique, celle du peuple détenteur de la Raison par excellence[102].
92
+
93
+ Plusieurs écoles d'interprétation des mythes se développent alors. Friedrich Max Müller explique l'apparition des mythes par un modèle linguistique selon lequel les mythes se seraient développés naturellement au cours de l'apparition et de l'évolution du langage : les noms donnés aux forces de la nature au cours de la Préhistoire sont ensuite pris par erreur pour des noms propres et se trouvent alors personnifiés sous la forme de divinités et de héros[103]. Selon Müller, les mythes trouvent donc leur origine dans des métaphores renvoyant aux puissances de la nature ; Müller développe une interprétation « solaire » expliquant l'ensemble des mythes par des références au soleil et à la lumière, tandis qu'Adalbert Kuhn préfère les expliquer par l'impression laissée sur les peuples préhistoriques par les phénomènes naturels violents tels que les orages et les tempêtes. Les historiens britanniques des religions, Edward Tylor puis Andrew Lang, proposent une approche radicalement différente, qui vise à comparer la mythologie grecque à celle de peuples non pas antiques mais contemporains, comme les Indiens d'Amérique du Nord ou les aborigènes australiens, et qui propose une vision évolutionniste de l'histoire, au sein de laquelle le mythe est un stade du développement de la pensée[104].
94
+
95
+ En 1825, Karl Otfried Müller publie Prolégomènes à une connaissance scientifique de la mythologie, ouvrage dans lequel il propose une méthode d'étude historique de la mythologie fondée sur le rassemblement des différentes sources d'un mythe et l'étude de leurs rapports entre elles, par exemple les poètes et les mythographes qui s'inspirent les uns des autres au fil des siècles. Müller espère ainsi remonter à un noyau primitif du mythe, derrière lequel il pense retrouver la trace d'événements historiques réels plus ou moins déformés[105]. Les travaux de Müller permettent aux mythologues d'accorder une attention plus rigoureuse aux contextes précis, géographiques, historiques, culturels et religieux, dans lesquels se développent les mythes.
96
+
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+ Plusieurs nouveaux courants d'interprétation de la mythologie grecque se développent au cours du XXe siècle.
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99
+ Au cours de ses premières décennies, les historiens de la religion grecque prêtent une attention nouvelle aux rites et aux liens qu'ils entretiennent avec les récits mythiques. Les chercheurs britanniques regroupés sous le nom d'école de Cambridge développent plusieurs théories divergentes à ce sujet. Selon Jane Harrison, le rite précède le mythe et permet d'expliquer les étrangetés présentes dans les récits mythologiques ; Jane Harrison publie plusieurs études portant sur les rites d'initiation et les rites de passage[106], qui font l'objet en France, durant la même période, d'études comme celles d'Arnold van Gennep. James George Frazer, dans Le Rameau d'or (The Golden Bough), considère au contraire que le mythe précède le rite et que ce dernier permet de réactiver les puissances vitales évoquées par le mythe[107]. Par la suite, Jane Harrison elle-même et les auteurs qui poursuivent les recherches dans ce domaine, comme Bronisław Malinowski, Edmund Leach, Walter Burkert et plus tard Georges Dumézil, mettent davantage en valeur la complémentarité du mythe et du rite au sein d'un contexte socioculturel donné et montrent que, selon les cas, les relations entre les deux varient énormément[107].
100
+
101
+ Dans la seconde moitié du siècle, des avancées décisives, comme le déchiffrement du linéaire B dans le domaine mycénien, l'approfondissement de l'étude du Proche-Orient ancien (Anatolie, Mésopotamie) et l'élaboration de nouvelles méthodes de recherche, contribuent à renouveler profondément l'étude de la mythologie grecque.
102
+
103
+ Le structuralisme, dont l'un des grands représentants est Claude Lévi-Strauss qui publie Anthropologie structurale en 1958, abandonne l'idée de remonter à un noyau primitif d'un mythe et considère au contraire un mythe comme l'ensemble de ses variantes, qu'il s'agit d'étudier en les comparant les unes aux autres. Lévi-Strauss met en avant dans ses travaux l'idée que les mythes constituent une forme de pensée à part entière, un moyen de réflexion sur le monde et sur la société[108]. Si Lévi-Strauss propose une interprétation structuraliste du mythe d'Œdipe dans Anthropologie structurale, la plupart de ses travaux portent sur les mythologies d'Amérique du Nord et du Sud ; mais sa méthode exerce par la suite une influence notable sur les chercheurs dans le domaine grec, notamment Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne.
104
+
105
+ Au tournant du XXIe siècle, historiens et anthropologues abandonnent peu à peu l'idée d'une grille de lecture univoque qui permettrait d'expliquer l'ensemble des mythes grecs, et tentent de saisir leur rôle au sein de la société grecque ancienne en adoptant des approches pluridisciplinaires, mêlant littérature, histoire, histoire des religions, anthropologie et psychologie.
106
+
107
+ Plusieurs types de sources antiques sont intéressants pour l'étude de la mythologie grecque.
108
+
109
+ Les sources iconographiques, fournies par les innombrables représentations figurées qui ornent les objets et les édifices produits par la culture grecque antique, sont consultables dans des sommes telles que le Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae.
110
+
111
+ Pour ce qui est des sources écrites, signalons d'une part l'épigraphie, d'autre part la littérature antique :
112
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113
+ Depuis l'Antiquité, la mythologie grecque n'a pas cessé d'exercer une influence considérable sur les arts et les lettres, mais aussi plus généralement la culture de nombreuses régions du monde.
114
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+ En Europe de l'Ouest, la mythologie grecque est connue au Moyen Âge de manière souvent indirecte, par l'intermédiaire de libres traductions ou d'adaptations latines des écrivains grecs. Pendant la même période, les savants de l'empire byzantin et du monde arabo-musulman lisent les auteurs grecs dans le texte.
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+
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+ L'étude du grec ancien se répand à nouveau en Europe de l'Ouest à la faveur de la Renaissance, occasionnant des traductions nouvelles qui popularisent massivement les auteurs grecs. La colonisation exporte sur plusieurs continents la culture classique et donne lieu, après la décolonisation, à des réappropriations variées des mythes grecs aux Amériques, en Asie, en Afrique ou en Océanie[109].
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+ La mythologie grecque occupe une place importante dans « l'Antiquité imaginaire » dépeinte par la fiction sur différents supports[110]. Longtemps associée à une culture académique, la mythologie grecque inspire également la culture populaire, mais sous des formes différentes. À partir de la fin du XIXe siècle, la mythologie grecque est présente au cinéma dès ses débuts, à travers le genre du péplum[111]. La mythologie fournit les sujets de la majorité des péplums situés en Grèce antique, au contraire de la Rome antique que le cinéma aborde surtout par le biais de sujets historiques. Les mythes grecs les plus représentés au cinéma à partir des années 1950 sont les exploits d'Héraclès et la guerre de Troie[112]. La mythologie grecque devient un thème récurrent de chaque nouvelle forme d'art, de la bande dessinée au jeu vidéo. La thématique mythologique est également régulièrement exploité dans le cadre de la littérature pour la jeunesse[113] sous la forme de fiction comme d'ouvrages documentaires de civilisation[114]. La postérité contemporaine de la mythologie grecque reste extrêmement abondante et variée de nos jours.
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+ Dieu (hérité du latin deus, lui-même issu d'une racine indo-européenne *deiwos, « une divinité », de la base*dei-, « lueur, briller » ; prononciation : Écouter) désigne un être ou force suprême structurant l'univers ; il s'agit selon les croyances soit d'une personne, soit d'un concept philosophique ou religieux. Principe fondateur dans les religions monothéistes, Dieu est l'être suprême, unique, transcendant, universel, créateur de toutes choses, doté d'une perfection absolue, constituant le principe de salut pour l'humanité et qui se révèle dans le déroulement de l'histoire[2]. Comme entité philosophique, Dieu est le principe d'explication et d'unité de l'univers[3].
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5
+ L'existence réelle d'un être suprême et les implications politiques, philosophiques, scientifiques, sociales et psychologiques qui en découlent font l'objet de nombreux débats à travers l'Histoire, les croyants monothéistes appelant à la foi, tandis qu'elle est contestée sur les terrains philosophique et religieux par les libres-penseurs, agnostiques, athées ou croyants sans Dieu.
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7
+ La notion de Dieu revêt un considérable impact culturel, notamment dans la musique, la littérature, le cinéma, la peinture, et plus généralement dans les arts. La représentation de Dieu et la façon de nommer Dieu varient en fonction des époques et systèmes de croyances.
8
+
9
+ Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » qui, élargie en deiwo- et en dyew-, sert à désigner le ciel lumineux en tant que divinité ainsi que les êtres célestes par opposition aux êtres terrestres, les hommes[4]. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios. De la même racine est issue la désignation de la lumière du jour (diurne) et du jour, lui-même (dies en latin)[5].
10
+
11
+ Dans la langue française, le mot est attesté dès le tout premier texte français[4], les Serments de Strasbourg, en 842 sous les formes Deo au cas régime et Deus au cas sujet[6],[7]. Dans ce texte, le terme désigne avec une majuscule la divinité du monothéisme chrétien. On trouve ensuite Deu et Dieu aux XIe et XIIe siècles[4]. Il indique également une divinité du polythéisme à partir du XIIe siècle[4]. Considéré comme un nom propre, le nom « Dieu » prend alors une majuscule[8] ainsi que les métonymies ou les pronoms qui s'y substituent[9].
12
+
13
+ Les termes qui désignent Dieu dans les langues germaniques (𐌲𐌿𐌸 Guþ en gotique, Gott en allemand, God en anglais et en néerlandais, Gud dans les langues scandinaves, Guð en islandais) ont une autre origine, elle aussi indo-européenne, liée à la notion d'« appel » ou d'« invocation »[10]. Sa plus ancienne mention écrite se trouve dans le Codex Argenteus, au VIe siècle. Ce Codex est une copie de la traduction de la Bible effectuée selon l'alphabet inventé par l'évêque Wulfila deux siècles plus tôt.
14
+
15
+ Les termes qui désignent Dieu dans les langues slaves (Бог en biélorusse, bulgare, macédonien, russe, serbe, ukrainien ; Bog en croate ; Bóg en polonais ; Bůh en tchèque) sont issus du proto-slave bogъ lui-même issu de l'indo-européen bhag-[11].
16
+
17
+ Dans le Tanakh (la Bible hébraïque), le Nom sacré par excellence s'écrit YHWH et ne se prononce pas[note 1].
18
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19
+ Le nom de « Dieu » en arabe est « Allah » (الله) issu de l'arabe préislamique ʾilāh-[12].
20
+
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+ Dans le calendrier, le nom dimanche[13] vient du titre « Seigneur » donné dans la plupart des religions chrétiennes aussi bien à Dieu qu'à Jésus. Il est aussi donné indirectement, dans plusieurs langues romanes, au jeudi, jadis consacré à Jupiter[14].
22
+
23
+ Le concept de Dieu possède des aspects religieux et métaphysiques très divers, ce qui rend particulièrement difficile sa définition[15]. Certains auteurs estiment même que Dieu est si grand qu'il échappe à toute tentative de définition par des mots humains[16]. C'est en particulier le cas de ceux qui s'inscrivent dans une approche apophatique. Ainsi, par exemple, Jean Scot Erigène a pu écrire :
24
+
25
+ « Nous ne savons pas ce qu'est Dieu. Dieu lui-même ignore ce qu'il est parce qu'il n'est pas quelque chose. Littéralement Dieu n'est pas, parce qu'il transcende l'être. »
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27
+ Et le Pseudo-Denys l'Aréopagite :
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29
+ « Là, dans la théologie affirmative, notre discours descendait du supérieur à l'inférieur puis il allait s'élargissant au fur et à mesure de sa descente; mais maintenant que nous remontons de l'inférieur jusqu'au Transcendant, notre discours se réduit à proportion de notre montée. Arrivés au terme nous serons totalement muets et entièrement unis à l'Indicible. »
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+ — Pseudo-Denys l'Aréopagite, De la théologie mystique.
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+ Abordée au XIXe siècle, l'étude de l'évolution religieuse de l'humanité est un champ de recherches longtemps délaissé, victime d'une part de conceptions souvent « évolutionnistes » sous-tendant la démarche — présupposant un « sens » de l'histoire jalonné d'étapes précises, ou fondé sur l'idée de l'accomplissement d’une rationalité immanente — et, paradoxalement, victime de la spécialisation de la recherche au fil de l'accroissement de la connaissance des religions elles-mêmes. Certains grands noms de la sociologie des religions, parmi lesquels Émile Durkheim, Marcel Mauss, Georg Simmel et Max Weber[17], ont cependant jeté les bases de cette étude. Le sociologue des religions Yves Lambert, développant une grille d'analyse avancée par Karl Jaspers, a proposé la poursuite de cette approche par la sociologie historique et comparée des religions afin de présenter des clefs d'analyse pour l'appréhension du « fait » religieux, sans éluder la singularité de chacun des grands ensembles religieux. Jaspers a souligné la contemporanéité de changements radicaux intervenus à travers de grandes aires civilisationnelles — en Iran, en Palestine, en Grèce, en Inde ou en Chine — entre le VIIIe et le IIIe siècle av. J.-C. — particulièrement au VIe siècle av. J.-C. —, permettant l'apparition d'innovations culturelles fondamentales — parmi lesquelles l'unicité et l'universalité de Dieu — dans un processus qualifié par Jaspers de « période axiale »[18].
34
+
35
+ Suivant Yves Lambert[19], une religion est à considérer comme une « organisation supposant l'existence d'une réalité supra-empirique avec laquelle il est possible de communiquer par des moyens symboliques (prière, rites, méditations, etc.) afin de procurer une maîtrise et un accomplissement dépassant les limites de la réalité objective »[20]. Cinq types de religions peuvent être distingués, qui correspondent à autant de moments « nouveaux » de l'histoire humaine, sans qu'il faille y voir pour autant une forme « évolutive », les modèles émergents n'étant pas exclusifs des précédents : aux premières religions connues — celles des peuples de chasseurs-cueilleurs — succèdent les religions orales agraires corrélatives à la sédentarisation, au développement de l'agriculture et de l'élevage. L'apparition des grandes civilisations antiques s'accompagne de l'émergence des polythéismes après lesquels apparaissent les religions du salut et enfin la transformation de celles-ci à partir de l'époque moderne, au XVIe siècle. L'apparition du concept de « Dieu » s'opère à l'époque de l'« âge axial » qui, suivant Jaspers correspond à « la naissance spirituelle de l'homme »[21].
36
+
37
+ La religion mésopotamienne se distingue des religions orales agraires par différentes caractéristiques telles que l'apparition d'un panthéon, d'épopées, d'une caste sacerdotale nombreuse et hiérarchisée, de grands édifices religieux, de théodicée, etc. La plus ancienne liste de dieux connue figure sur des tablettes datant du XXVIIe siècle av. J.-C. et compte les noms de 560 dieux[22].
38
+
39
+ Les dieux locaux perdent peu à peu de leur prestige au fil de la domination étrangère pour constituer progressivement un « polythéisme au seuil du monothéisme »[21]. C'est à cette époque, vers le VIe siècle av. J.-C. qu'apparaît au sein du peuple hébreu la mutation d'une monolâtrie — caractérisée par un aniconisme inédit — au monothéisme[23] et qu'émergent « l'Unicité et la Transcendance absolues de Dieu »[24].
40
+
41
+ Dès le XIVe siècle av. J.-C., le règne d'Akhenaton est le cadre d'une brève révolution monothéiste fondée sur le culte d'Aton dont la portée réelle est discutée. L'archéologue Alain Zivie souligne que les changements radicaux n'ont peut-être atteint que les élites, la cour royale et les grands temples, « avec de nettes limites géographiques aussi bien que thématiques et conceptuelles »[25]. Ce culte s'effondre dès la disparition de ce pharaon[26]. On a longtemps voulu y puiser l'origine du monothéisme biblique, ce qui est contesté par les historiens actuels[27] : le monothéisme juif n'apparaît que huit siècles plus tard et ne revêt sa forme « exclusive » actuelle qu'au cours du VIe siècle av. J.-C.[28], au retour du peuple juif de l'exil de Babylone[29],[27].
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43
+ Pour Mireille Hadas-Lebel, l'idée du Dieu unique, à la fois créateur, miséricordieux et tout-puissant, s'est faite au terme d'une lente évolution dans le cas du monothéisme juif, qui était au contact de cultures et d'empires polythéistes[30]. Citant à ce propos Marcel Gauchet, l'historienne souligne la nécessité d'une « extraterritorialité » religieuse pour le peuple juif : celui-ci peut alors s'affranchir du pouvoir impérial et du « culte de souverains puissants aisément divinisés par leurs sujets ».
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45
+ Le monothéisme judaïque s'élabore dans un contexte plus propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sîn le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l'unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand — considéré lui-même comme un messie de YHWH — influencent le monothéisme judéen en faisant d'Ahura Mazda le dieu officiel de l'empire[31].
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+ Le zoroastrisme est la première religion attestée proposant un salut éternel[32]. Également appelé « mazdéisme », elle doit son nom à Zoroastre ou Zarathustra, apparaissant probablement à une époque que les spécialistes contemporains situent — malgré le silence des textes sacrés à ce sujet[33] — vers le IXe siècle av. J.-C., avant qu'elle devienne la religion officielle du royaume de Darius Ier, vers 520 av. J.-C.[32]. La minceur des sources conservées, composées à peine d'une vingtaine de Gathâs[34], des hymnes en vieil-avestique longtemps transmis oralement[35], pose des problèmes d'interprétations considérables qui partagent les chercheurs entre deux types d'interprétations[36].
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+
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+ La première[32] fait du zoroastrisme la première religion monothéiste faisant état d'un salut dans un autre monde[37]. Ce point de vue se fonde sur deux observations, d'une part le rejet des daivas[38], les dieux traditionnels, et d'autre part l'omniprésence d'un seul dieu dans ces textes, une divinité unique dûment nommée, Ahura Mazda, le Maître attentif[39]. Celui-ci, dont dérive le terme mazdéisme, est le dieu unique et créateur qui se révèle à Zoroastre et dont le règne doit s'établir à l'issue de la lutte dualiste entre le Bien et le Mal, personnifiés par deux agents divins jumeaux créés par Ahura Mazda qui est assisté par six « Immortels bienfaisants », six Entités[40] qu'il a suscitées pour aider l'homme à faire le bien[32].
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+ La seconde[36] y voit le fruit de l'évolution religieuse d'un culte assez proche du védisme, en réformant les dérives ritualistes et sacrificielles mais conservant sa nature polythéiste[41] ; toutefois, cette dernière position peut admettre un processus de monothéisation allant de pair avec un processus de théogenèse qui continue de peupler le panthéon de divinités nouvelles[39].
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+ Si Zoroastre a pu être monothéiste — ou monolâtre[42] —, il apparaît que ses héritiers inclinent vers une re-polythéisation, divinisant les Entités et réintroduisant des divinités antérieures dans une évolution qui peut faire penser à l'Égypte et diverge radicalement de celle du yahwisme judaïque. Cette tendance s'accentue au sein de l'empire perse[43], dans un processus de re-mythologisation qui conserve et accentue le dualisme[44]. L'influence du zoroastrisme est débattue mais il est possible qu'elle ait existé dans une certaine mesure sur le judaïsme à partir de la libération des Israélites de Babylone par Cyrus II en 539 av. J.-C., à une époque où apparaissent les notions de résurrection, de jugement et de royaume de Dieu, sans qu'on puisse toutefois prouver formellement ces possibles emprunts[45].
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+ Quand un monothéisme accepte la coexistence avec le polythéisme ou conçoit sa divinité « nationale »[27],[46] comme simplement « supérieure » à d'autres, on parle plutôt de « monolâtrie » ou d'« hénothéisme »[47], termes de création récente[27].
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+ Dans le judaïsme antique, si un premier yahvisme monôlatrique remonte probablement à la sortie d'Égypte, on ignore comment le dieu Yahvé devient précisément le dieu national des deux royaumes de Juda et d'Israël[48]. Yahvé revêt alors de multiples formes, fonctions et attributs : il est vénéré comme une divinité de l'orage à travers une statue bovine dans les temples de Béthel et de Samarie[49] alors qu'à Jérusalem, il est plutôt vénéré comme un dieu de type solaire[48].
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+ Le Deutéronome — proposant toujours une formulation monolâtrique qui ne nie pas encore les autres dieux[50] — semble avoir été écrit vers 622 av. J.-C. quand le roi Josias entend faire de YHWH le seul Dieu de Juda et empêcher qu'il ne soit vénéré sous différentes manifestations comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman[51], dans l'idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale[52].
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+ L'émergence du monothéisme judaïque « exclusif » est liée à la crise de l'Exil. En 597 av. J.-C., l'armée babylonienne défait le royaume de Juda, l'occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les Babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple ; s'ensuit alors une deuxième déportation. C'est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l'on trouve la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrés par cette succession de catastrophes[53].
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+ Non seulement la défaite n'est pas due à l'abandon par YHWH, mais c'est au contraire l'occasion de le présenter comme seul et unique Dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d'être un signe de faiblesse de YHWH, montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les Babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n'ont pas respecté ses commandements. YHWH devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda[54].
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+ Ainsi les rédacteurs du Deutéronome articulent leur réflexion théologique sur le thème de l'« élection » qui permet de répondre à la question que pose la conception d'un dieu unique de l'univers entier et de sa relation spéciale avec le peuple d'Israël : c'est alors tout le peuple — se substituant au roi — qui devient l'élu de Dieu sur un mode d'exclusion, interdisant parfois le contact avec les peuples idolâtres[55]. Le concept de « communauté d'Israël » apparaît alors et le culte de YHWH devient le ciment de l'identité judéenne[56].
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+ Suivant Wilfred Monod, « le Dieu des philosophes grecs ne prétend pas rendre raison de l'origine de l'Univers, mais seulement de l'ordre et de la hiérarchie qui s'y découvrent, au-dessus des choses soumises à la génération et à la corruption »[57].
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+ La philosophie antique, si elle a largement influencé les réflexions classiques et modernes sur Dieu, ne s'est paradoxalement qu'assez peu intéressée aux questions divines, considérant que le nombre important de dieux — les Grecs nourrissent le sentiment d'un monde tout entier habité par le divin[58] — ne méritait pas un chapitre singulier de la philosophie[59]. Par exemple, dans l'œuvre d'Aristote, qui alimente de manière considérable les réflexions théologiques tant juives que chrétiennes ou musulmanes[60], seule une portion ténue est consacrée à la question du divin[61]. Ainsi, contrairement à la plupart des lectures rétrospectives qui en seront faites, lorsque Aristote évoque le divin (to théon), il s'agit d'un « universel abstrait », un être primordial, autosuffisant mais qui n'est nullement un « Dieu » unique et transcendant au monde[58].
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+ Ce n'est qu'au IIIe siècle, avec le néoplatonisme, lorsqu'une concurrence intellectuelle et morale se produit avec le christianisme émergent, que des philosophes comme Plotin, Porphyre ou Proclus font des questions théologiques l'objet principal de leur réflexion intellectuelle. Plotin (207-270) promeut l'idée du « Un » (en grec : to en), un principe premier transcendant qui domine la réalité[58] et qui n'est connaissable qu'au travers de ses attributs.
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+ Les religions abrahamiques[note 2] voient Dieu comme le principe créateur, selon l'analyse de Mireille Hadas-Lebel : « Chez les Grecs, l’idée d’un principe unique qui anime le monde relevait de la philosophie. Chez les Juifs, il n’y avait peut-être pas de philosophes, mais cette idée de principe unique, cette intuition que l’on appelle monothéisme, était commune à tous, du plus grand au plus humble, et s’accompagnait de l’interdit de la représentation de la divinité, ce qui, dans un environnement idolâtre, paraissait la chose la plus étrange du monde.Ce Dieu n’était cependant pas un principe abstrait, mais une force tutélaire : roi, père, juge qui veillait sur les Hommes et exigeait d’eux un comportement moral dont aucune divinité de l’Olympe ni de l’Orient antique ne pouvait donner l’exemple. Tel est le Dieu que prient encore aujourd’hui les Juifs »[62].
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+ Il se peut que le culte de YHWH ait été prédominant parmi les Hébreux dès le Xe siècle av. J.-C.[63], opposé à un polythéisme dès lors minoritaire. Cette hypothèse se fonde notamment sur l'étude statistique des occurrences des noms yahvistes[64]. Toutefois, suivant une partie de l'exégèse moderne du début du XXIe siècle, l'idée de YHWH comme étant le Dieu unique apparaît pendant la période perse à la suite d'une réflexion monothéiste qui aboutit à l'affirmation — dans une polémique anti-idolâtrique — de cette unicité que l'on retrouve dans le Livre d'Isaïe[65] rédigé dans une période comprise entre la moitié du VIe et le début du Ve siècle av. J.-C.[66], le seul parmi les livres prophétiques bibliques à affirmer cette unicité[67]. Probablement influencée par les conceptions religieuses des Achéménides[68], cette conception devrait également beaucoup à l'approfondissement de la tradition aniconique, le rejet des images étant un trait fondamental du judaïsme qui semble remonter aux origines de celui-ci[69].
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+ Les religions abrahamiques sont monothéistes, elles affirment l'existence d'un Dieu unique et transcendant.
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+ Au Moyen Âge, sous l'impulsion de la pensée arabe et grecque, la pensée juive élabore une théologie d'où ressort, entre autres, un principe énoncé par Saadia Gaon : « la pensée humaine, don de Dieu, est valide et source de vérité à l'égal de la Révélation ». Dès lors, la rationalité pour appréhender Dieu est légitimée comme devoir religieux, ce qui trouve un meilleur accueil, à l'époque, que la seule foi. Toutefois des désaccords apparaissent sur la question de savoir si la réflexion rationnelle concernant Dieu constitue ou non une forme suprême d'expérience religieuse. Juda Halevi apporte une réponse négative, affirmant que les preuves logiques ne permettent pas d'aboutir au Dieu d'Abraham, seule une « communication immédiate », une « Révélation divine » le permet[70].
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+ Dans la Bible, Dieu est décrit en termes psychologiques : coléreux, content, triste, déçu, ayant de la pitié, aimant ou haïssant. Depuis Maimonïde, la tradition théologique hébraïque insiste sur la distinction entre le sens littéral des expressions parlant de Dieu et ses qualités : une manière d'en parler convenablement serait de lui attribuer des œuvres et des actions, et non des intentions ou des émotions car l'essence de Dieu est inconnaissable et dépasse l'entendement humain. Toutefois il parait assuré que Dieu et ses « attributs essentiels » ne forment qu'un[70].
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+ La théologie judaïque s'attache à « fonder la croyance qu'il [Dieu] agit dans la nature et dans l'histoire, ce qui le met en relation avec l'homme de telle sorte que celui-ci se sente tenu de répondre »[70].
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+ La Kabbale distingue le « Dieu en soi, caché dans la profondeur de son être » et le Dieu révélé qui se manifeste à travers sa création et de qui, seulement, on peut dire quelque chose, tout en mettant l'accent sur l'unité de ces deux aspects. Dans cette tradition, on insiste sur la présence de Dieu dans l'ensemble de sa création, disant que la Torah est l'incarnation vivante de la sagesse divine. La question « comment le monde peut-il exister si Dieu est partout ? » s'est alors posée. Pour y répondre, Isaac Louria a développé la doctrine du tsimtsoum[70].
88
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+ À la suite des œuvres de David Hume et de Kant, les théologies judaïques se sont tournées vers la raison pratique et l'idéalisme moral pour parler de Dieu. Au XXe siècle, ont été développées des problématiques déistes modernes : Samson Raphaël Hirsch, Mordecai Kaplan, Franz Rosenzweig, Abraham Joshua Heschel, etc.[70].
90
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+ La conception chrétienne de Dieu s'élabore dans les premiers siècles du christianisme par une hybridation entre la pensée biblique et la pensée grecque notamment le néoplatonisme[71]. Elle est l'œuvre des Pères de l'Église, notamment Augustin d'Hippone. À la différence du Dieu impersonnel des néo-platoniciens, le Dieu chrétien est incarné[72], c'est un Dieu lumière intérieure qui « travaille » les humains au plus intime de leur être. Augustin d'Hippone insiste sur ce point dans Les Confessions III.6, 11 : « Tu autem eras interior intimo meo et superior sumno meo (Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi et plus haut que le tréhaut de moi) »[73]. Dans le christianisme deux conceptions de Dieu, celle de la religion et celle de la philosophie, tantôt cohabitent comme c'est le cas chez Augustin d'Hippone, tantôt sont séparées. Pour Goulven Madec, Blaise Pascal dans son Mémorial instaure une césure quasi définitive entre le Dieu des philosophes et le Dieu de la Bible en opposant nettement les deux: « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants »[74]. La conception de Dieu dans le christianisme doit faire face à un certain nombre de questionnements.
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+ Le christianisme va devoir faire face à des questions soulevées par le fait que Jésus-Christ, fils de Dieu s'est fait homme. Au IIe et au IIIe siècle, plusieurs conceptions vont s'affronter : certains considèrent que Jésus est un homme adopté par Dieu, d'autres que Jésus n'a pas réellement souffert, les ariens considèrent que seul le Père est vraiment ancré et que Jésus ne lui est que subordonné, enfin d'autres, les nicéens, considèrent comme cela sera affirmé dans le Credo adopté lors du concile de Nicée de 325 que « Jésus Christ est le Fils unique de Dieu », « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, engendrée et non pas créée, consubstantiel au Père » (ce terme consubstantiel vient d'un mot grec qui veut dire essence ou substance)[82]. Néanmoins la querelle continue ce qui amène les pères cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze à élaborer la théologie de la Trinité qui veut qu'il y ait un Dieu en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit pour reprendre la traduction qu'Augustin d'Hippone a fait du grec[83]. Cette théologie sera adoptée par le concile de Constantinople en 381[84] Actuellement le Credo de Nicée-Constantinople est considéré par les catholiques, une majorité de protestants et les orthodoxes (avec des réserves sur le Saint-Esprit) comme un des fondements du christianisme[84].
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+ Quelques années plus tard, entre 400 et 418, Augustin d'Hippone écrit un livre intitulé De la Trinité qui marque le christianisme latin et qui insiste sur l'unité de la trinité « Unitas Trinitas, Deus Trinitas, Deus Trinitatis »[83]. Par ailleurs, pour Augustin, le mystère de la Trinité est au-delà de ce qu'on peut en dire. Malgré tout la position nicéenne a du mal à s'imposer. Vers 500, à la suite notamment des invasions menées par des peuples professant l'arianisme, seul le royaume franc de Clovis et de Clotilde (465-545) professe le christianisme nicéen[85]. C'est à partir de cette base que le Credo de Nicée-Constantinople gagne l'Europe occidentale au Moyen Âge.
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+ Dans l'iconographie chrétienne ou la peinture d'inspiration chrétienne, il arrive qu'une Colombe représentant le Saint-Esprit fasse le pont entre le Dieu le Père et Dieu le Fils[86]. D'une façon générale, François Bœspflug[87] distingue « six grandes périodes dans l'histoire iconique de Dieu et de la Trinité dans l'art ». La première période, celle du christianisme des deux premiers siècles semble se refuser à la représentation de Dieu[87]. Durant la seconde qui court jusqu'à à la fin du VIIIe siècle, le mystère trinitaire est peu représenté. La troisième période (du IXe siècle au XIe siècle est dominée par l'image « d'un Dieu-Christ siégeant en majesté »[87]. La quatrième période voit l'apparition à côté du Dieu-Christ de gloire d'un « Christ de pitié »[87]. Durant la cinquième période, des motifs nouveaux apparaissent tels que la « compassion du Père ou [le] couronnement de la Vierge »[87] La sixième période voit le déclin de la représentation trinitaire qui disparait pratiquement au XXe siècle[88] au profit du Christ seul.
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+ À partir des années 1930, Robert Eisler développe la thèse selon laquelle « Jésus aurait été un révolutionnaire politique d'empreinte apocalyptique »[89]. Cette thèse sera complétée en 1967 par celle de Samuel Brandon qui voit Jésus comme un zélote, c'est-à-dire comme un membre d'un mouvement à la fois opposé à la culture hellénistique (grecque) et recourant à la violence politique[89]. Ces thèses seront reprises à la fin des années 1960 et au début des années 1970 par des mouvements que le théologien Joseph Ratzinger qualifie de théologies de la révolution, peut-être pense-t-il à la théologie de la libération[90]. Pour Joseph Ratzinger (théologien, cardinal, puis pape émérite), cette thèse est erronée. En effet, pour lui, Jésus n'était pas un zélote car d'une part, il ne prêchait pas la violence et « a transformé en zèle de la Croix le « zèle » qui voulait servir Dieu par la violence »[91] et d'autre part, sa pensée universaliste ne s'opposait pas à la culture gréco-latine[92].
100
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101
+ Dans l'islam, Dieu porte le nom d'Allah et constitue le cœur de la foi et de la pratique des croyants musulmans dont chaque aspect de la vie lui est ainsi relié à travers la religion[93]. Traditionnellement dépourvu de genre, c'est un créateur omnipotent, omniscient et omniprésent qui transcende toute sa création. Divinité centrale d'un monothéisme intégral et intransigeant, un et unique, maître des mondes et des destinées, juge du Jugement dernier, il s'est révélé à chaque prophète depuis Adam jusqu'à Mahomet. La sourate 112 — al-ikhlas — rassemble l'essentiel de la conception musulmane de Dieu : « Lui est Allah un, Allah l'impénétrable, Il n'engendre pas, il n'est pas engendré, et nul n'est égal à Lui »[94]. Le Coran affirme également le caractère absolument transcendant de Dieu qui est pourtant tout à la fois d'une grande proximité avec l'homme[95] et sa création dans et par laquelle il se manifeste[93].
102
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103
+ De nature indivisible, insécable, irréductible à une interprétation en termes de trinité à l'instar du christianisme trinitaire, Allah constitue une monade, seule vérité et seule réalité. L'islam insiste très fortement sur la foi en l'unicité d'Allah[96] — le tawhid — et condamne vivement toute atteinte à cette unicité en lui adjoignant des associés. Ainsi, dans l'islam, l'associationnisme (shirk) est la seule faute catégoriquement impardonnable[97].
104
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105
+ Allah mène les hommes dans une destinée dont ils ignorent et le sens et l'issue ; il peut à la fois les guider et les égarer, les punir et les pardonner. Connaissant leurs moindres pensées, c'est le juge du Jugement dernier qui châtie les pécheurs et les incrédules et récompense les fidèles. Si sa fureur est régulièrement affirmée — il est parfois surnommé « le Terrible »[98] ou « le Redoutable »[99] — sa dimension la plus importante est la miséricorde dont il fait preuve, un trait caractéristique d'une grande intensité et universelle qui est rappelée au début de chaque sourate du Coran[93].
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107
+ Le texte coranique donne 99 noms différents à Dieu[100] qui sont parfois répartis en deux catégories par la tradition entre ceux qui décrivent un Dieu proche de l'homme ou de la création et, d'autre part, ceux qui soulignent sa transcendance et son incompatibilité avec cette création[101].
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109
+ Le Coran rapporte en outre des descriptions ou attributs anthropomorphiques de Dieu dont la portée sera disputée dès le début de l'islam[101] : le Coran mentionne sa face[102], ses yeux[103], ses mains[104] ou encore le trône sur lequel il siège[105]. Pour la révélation du texte sacré de l'islam, Dieu s'exprime à travers l'ange Gabriel et le prophète Mahomet qui entend la parole divine mais pas sa voix. Dès le Xe siècle, le théologien sunnite Al Ash'ari considère qu'avec la puissance, la science, la vie, la volonté, la vue, l'ouïe et la durée, cette parole fait partie des éléments anthropomorphiques attributs de l'essence divine là où les premiers mutazilites ne voyaient que des métaphores[106]. À la fois proche et lointain, humain et impénétrable, Dieu tel qu'il est décrit dans l'islam est — suivant le texte coranique — essentiellement un « mystère » (« ghayb »[107]) qui ne saurait être ramené ou comparé à rien de semblable dans la création. C'est la « matrice exclusive de tous les univers »[101] qui enjoint aux croyants, à travers Mahomet, de concentrer sur l'unicité de Dieu dans une affirmation qui devient le dogme fondamental de l’islam[101].
110
+
111
+ Gautama Bouddha a rejeté l'existence d'un dieu créateur[108], a refusé d'approuver de nombreux points de vue sur la création[109], et a déclaré que les questions sur l'origine du monde ne sont pas en fin de compte utiles pour mettre fin à la souffrance.
112
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113
+ Inspirée entre autres des traditions religieuses hindoue et islamique, le sikhisme connaît lui aussi un Dieu « strictement monothéiste »[110]. Pour cette religion, le Dieu unique est créateur du monde[111], tout puissant[112], transcendant et immanent[111], infini et éternel[112], sans forme[111],[112], juste et plein d'amour[111]. Être personnel, il est inconnaissable dans son essence[111].
114
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115
+ La Mul Mantra, qui débute le Livre saint du sikhisme, le Guru Granth Sahib, énumère en une formule les attributs de la Divinité[112]. Cette prière commence ainsi : « Une, Énergie créatrice, Manifestée, Vérité est son nom[113]… »
116
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117
+ Le mysticisme — qui dérive du grec mystikos signifiant « caché »[114] — postule que l'on peut acquérir une connaissance de réalités qui ne sont pas accessibles à la perception sensorielle ou à la pensée rationnelle. C'est un phénomène que l'on retrouve dans de nombreuses cultures, généralement associé à une tradition religieuse[115], caractérisé par une recherche de l'invisible et le témoignage de la présence de l'Absolu — Dieu ou divinité —, dont la révélation finale se fait au terme de dévoilements successifs[116]. L'expérience mystique — caractérisée par le profond impact émotionnel éprouvé par celui qui l'expérimente[117] — est généralement le résultat d'un entraînement spirituel impliquant une combinaison de prières, de méditation, de jeûne, de discipline corporelle et de renoncement aux préoccupations terrestres.
118
+
119
+ Dans les monothéismes abrahamistes - à la différence du bouddhisme et certaines variétés de l'hindouisme où il n'y a pas à proprement parler de figure divine personnifiée - les mystiques décrivent l'expérience mystique comme accordée par Dieu lui-même dont ils affirment souvent ressentir la proximité au cours de celle-ci. Mais l'extase peut également révéler des éléments théologiques plus précis, comme chez certains mystiques chrétiens, une vision de la Trinité[117]. La mystique propose une lecture intériorisée de l'indicible et exprime souvent Dieu en termes de négation : Dieu n'est pas dans le sens où les créatures sont et le seul moyen de s'approcher de son infinie transcendance est, dans un premier temps, d'éprouver ce qu'il n'est pas[118]. La révélation du Dieu invisible nécessite le recours aux images, à un langage métaphorique souvent proche de la poésie, éloigné des spéculations théologiques, et dont la lumière est un élément récurrent. On la retrouve par exemple dans le Sefer HaBahir – le Livre de la Clarté – un texte de la Kabbale du XIIe siècle mais aussi, vers la même époque, chez le grand maître du soufisme Ibn Arabi, dans Tardjumân al-ashwâq - L’interprète des désirs ardents[119].
120
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121
+ Le déisme — forgé sur le terme latin deus — désigne l'affirmation rationnelle de l'existence de Dieu, proposant une forme religieuse conforme à la raison, exclusive des religions révélées[121], proposant d'arriver à Dieu par des voies exclusivement humaines[122], sans pour autant pouvoir en déterminer les attributs[123]. C'est un Dieu du raisonnement plutôt qu'un Dieu de foi ou de culte, bien que Kant ait proposé « culte de Dieu » ramené à la pratique morale « en esprit et en vérité »[124]. Le concept se développe essentiellement en Angleterre et en France à partir du XVIIe siècle, mais est difficile d'accès et ambigu, car il réfère à plusieurs systèmes distincts[121]. On ne l'utilise plus guère en dehors de ses applications historiques[123].
122
+
123
+ À l'instar du terme « théisme » dont il est assez proche, le mot apparaît en France dans les violentes luttes théologiques et religieuses du XVIe siècle dans un usage péjoratif cherchant à discréditer l'adversaire. Il apparait en relation avec les antitrinitaires sociniens[125] et est attesté pour la première fois sous la plume du pasteur Pierre Viret en 1534 qui y voit des blasphémateurs, des « athéistes » qui s'ignorent. À partir du XVIIe siècle, lorsque, sous l'influence de la science nouvelle et de l'émergence de nouvelles manières de penser, la perception du concept de nature — fondamentale en théologie et en philosophie — se modifie, le déisme évolue vers une forme de religion naturelle[121].
124
+
125
+ Pour leurs critiques apologètes chrétiens, les déistes, prétendant arriver à Dieu sans l'aide de Dieu, en se passant de la Révélation, sont impies et pécheurs. Les déistes ne forment cependant pas un groupe homogène et il existe une grande variété de positions, suivant les auteurs déistes, par rapport à ce qui a trait tant à la nature de Dieu, qu'à la providence ou encore à l'immortalité de l'âme. John Locke développe ainsi un « christianisme raisonnable », tandis que Spinoza est classé ou non, selon les époques, dans leurs rangs. La question centrale est, plutôt que celle de l'existence de Dieu, celle de sa Révélation que les déistes rejettent avec l'immortalité de l'âme, à la différence des théistes[121].
126
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127
+ Le XVIIIe siècle voit l'apparition d'une nouvelle logique des questions philosophiques, qui amène à l'effacement de Dieu comme le personnage central autour duquel s'articule la métaphysique : la question de son existence et de sa nature est désormais disputée, passant du stade de vérité première à celui d'hypothèse bientôt dispensable[126]. Rousseau, suivant lequel la nature est plus éloquente sur Dieu que les subtilités scolastiques, propose le Dieu de la foi déiste comme volontaire et intelligent, mouvant l'univers et animant la nature, tandis que l'homme est libre dans ses actions et doté d'une âme immatérielle. À la différence de Kant, il associe la nature à l'ordre divin, tandis que ce dernier établit une différence ontologique entre les deux. Pour Kant, le déisme envisage Dieu comme la « cause du monde », un principe régulateur qui ne peut satisfaire complètement les attentes de l'homme ; pour le philosophe, le déisme « recourt à Dieu pour penser la science en tant qu'elle progresse »[127]. Plus tôt, Voltaire, admirateur de Newton et de sa mécanique rationnelle du monde, voit en Dieu l'« horloger de l'Univers » et tourne la providence en dérision[128].
128
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129
+ La difficulté de donner des contours clairs au concept de Dieu et la fragilité et l’ambiguïté de celui-ci dans le déisme ont empêché ce dernier d'avoir une postérité réellement significative en tant que courant religieux. « Effort pour penser sans préjugé et sans dogmatisme le concept de Dieu », des éléments du déisme peuvent cependant être reconnus dans le cadre du renouveau de la théologie naturelle depuis la fin du XXe siècle[128]. Certaines enquêtes montrent d'ailleurs qu'en France, la religion naturelle est une option philosophique — souvent inconsciente — de certains croyants non pratiquants qui envisagent Dieu comme le créateur et le gouverneur du monde, jugeant les individus sur leur conduite morale et rétribuant les mérites, dans une attitude assez proche du déisme[121].
130
+
131
+ En grec ancien, l’adjectif atheos (ἄθεος) composé du mot θεός (dieu) précédé d'un « ἀ- » privatif, signifie « sans-dieu ». La constitution étymologique des mots « athéisme » et « athée » n'est pas sans poser de problème chez les auteurs qui traitent de ce sujet : le « a- » privatif peut être compris de différentes manières, exprimant parfois la négation — l'affirmation que Dieu n'existe pas — parfois la privation — l'accusation de méconnaitre la divinité ou les divinités comme il le faudrait, ainsi que dans l'antiquité gréco-romaine, les Romains en faisaient le reproche aux chrétiens, puis, au Moyen Âge, les courants orthodoxes contre les christianismes hétérodoxes[129]. Ainsi, cette terminologie relativement pauvre pour définir un phénomène complexe est restée longtemps négative, les termes même enfermant les athées « dans la catégorie négative des négatifs négateurs »[130]. Il existe ainsi différents athéismes, variés « dans leurs expressions et dans leurs fondements »[129].
132
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133
+ Dans l'antiquité grecque, le préfixe « a » indique une absence de dieu revendiquée dès le Ve siècle av. J.-C. et prend le sens de « rompre la relation avec les dieux » ou « nier les dieux » à la place de l’ancien sens asebēs (en grec : ἀσεβής), « impie ». Cette notion — qui suppose l'idée de divinité donc probablement postérieure aux religions[131], mais antérieure aux trois monothéismes — est présente chez les atomistes grecs — au rang desquels on compte Démocrite et Épicure — mais aussi chez les Indiens dès le VIe siècle av. J.-C. avec les Charvakas[132]. Mais il s'agit souvent davantage d'un type d'agnosticisme, voire de laïcité dont la portée est débattue par les chercheurs[131]. On peut identifier un penseur réellement irréligieux avec le poète et philosophe romain Lucrèce qui, prolongeant Épicure, explique au Ier siècle av. J.-C. que l'homme invente des dieux pour expliquer ce qu'il ne comprend pas[133].
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+ On peut distinguer l’« athéisme pratique » consistant à vivre comme s'il n'y avait pas de dieu — ce qui n'empêche pas par ailleurs de se déclarer croyant, indifférent ou incroyant — et l'« athéisme théorique » qui se fonde sur des spéculations philosophiques, morales ou scientifiques[132].
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137
+ Ce dernier processus a pris du temps et les bases de l'athéisme moderne puis contemporain se posent au cours des XVIe et XVIIe siècles[132]. On trouve notamment chez Baruch Spinoza (1632-1677) — qui ne se dit pas athée — une résurgence de l'inspiration critique et rationaliste de l'Antiquité : celui-ci identifie Dieu et la nature (Deus sive natura, « Dieu ou la nature ») ce d'où découle un naturalisme (la nature est tout, le surnaturel n'existant pas) ou un panthéisme (Dieu est tout)[133], qui sera d'ailleurs longtemps confondu avec l'athéisme[132]. À partir du XVIIIe siècle, l'athéisme — même très minoritaire[134] — se structure autour du refus radical de toute transcendance, de tout surnaturel et même de toute foi. D'Holbach (1723-1789) est ainsi l'auteur d'une œuvre philosophique profondément anticléricale et athée que précède une œuvre radicale mais longtemps peu connue, celle du curé Jean Meslier (1664-1729)[133]. Les arguments relèvent essentiellement de la notion de nature — qui n'obéirait qu'à ses propres lois et non à un créateur imaginaire — et à celle de matière, présentée comme éternelle dotée de son énergie propre. La réflexion porte également sur la notion de mal qui contredit l'existence d'un Dieu bon et omnipotent, un Dieu dont par ailleurs l'adoration et le service s'opposent à la liberté et à la dignité humaines[132].
138
+
139
+ Cette base humaniste de l'athéisme s'épanouit au cours du XIXe siècle — essentiellement dans le monde germanique — et celui-ci cesse d'être une exception philosophique, dans le sillage du philosophe hégélien Ludwig Feuerbach (1804-1872) qui publie en 1841 l’Essence du christianisme. Selon lui, le divin n'est que l'essence de l'homme objectivée et hypostasiée ; « l'homme a créé Dieu à son image » et en toute religion, c'est donc l'homme qu'on adore. L'athéisme devient une « religion de l'homme », postulant Homo homini deus (« L'homme est un dieu pour l'homme »)[135]. Karl Marx poursuit la démarche humaniste de Feuerbach mais en conteste bientôt la dimension religieuse en soulignant sa dimension politique, arguant que « l'essence humaine […] dans sa réalité effective, […] est l'ensemble des rapports sociaux » et non « une abstraction inhérente à l'individu isolé », ajoutant que tout élément poussant au mysticisme devrait trouver « [sa] solution rationnelle dans la pratique humaine ». Chez Marx, pour lequel critique de la religion et critique de la société vont de pair, il ne convient plus d'interpréter différemment le monde mais de le changer[132].
140
+
141
+ Un peu plus tard, Friedrich Nietzsche (1844-1900) — qui déteste le socialisme dont il considère qu'il prolonge le christianisme[135] — confère une radicalité nouvelle à l'athéisme en développant le thème de la « mort de Dieu »[132]. Il explique que l'homme cherche un principe au nom duquel mépriser l'homme, et s'invente un monde imaginaire qui lui permet de calomnier ce monde-ci, ne saisissant qu'un néant dont il fait un Dieu, dans lequel la religion projette toutes les valeurs, dévalorisant de ce fait le monde réel[136].
142
+
143
+ L'athéisme trouve une dimension supplémentaire avec les travaux de Sigmund Freud (1856-1939), notamment dans son ouvrage L'avenir d'une illusion, publié en 1927[132]. Celui qui considère la foi comme un symptôme exprimant la détresse, voit en Dieu un « père transfiguré » — meilleur et plus puissant que l'autre — et en la religion une « névrose obsessionnelle universelle », qui, si elle est souvent utile tant pour l'humanité que pour l'individu, n'en demeure pas moins une illusion : croire en Dieu, c'est prendre ses désirs pour des réalités[136].
144
+
145
+ Un trait commun aux divers courants du New Age est le rejet du dualisme au profit d'une recherche de l'harmonie. Ainsi les adeptes n'opposent pas la matière à l'esprit ou le visible à l'invisible et considèrent que l'ensemble de l'univers est constitué de la même essence divine. Selon ce mouvement, il n'y a pas de véritable séparation entre la Création et son Créateur, dans une approche qui ne correspond pas à celle du Dieu personnel et transcendant des monothéismes : au contraire, cette vision immanente de la divinité se rapproche des conceptions panthéistes. Ainsi, pour certaines franges du New Age « Dieu est en tout et tout est en Dieu » ; Dieu s'apparente alors à un « Grand Être universel » qui n'appartient à aucune religion et qui vibre au plus profond des êtres, le salut passant essentiellement par la transformation de soi[137].
146
+
147
+ Les représentations des dieux, sinon leur existence, ont été très tôt critiquées par les philosophes : « Les Éthiopiens disent que leurs dieux ont le nez camus et le teint foncé, les Thraces voient leurs dieux avec des yeux clairs et une chevelure rousse »[138] ; « C'est d'abord sur terre la crainte qui a créé les dieux »[139]. Les thèses chrétiennes pour critiquer les « faux dieux » païens (sont-ils des personnifications de phénomènes naturels, des grands hommes divinisés, ont-ils des origines linguistiques, etc. ?) se sont appliquées au monothéisme à partir du XVIIIe siècle[140].
148
+
149
+ Les philosophes ont conçu la divinité de manières très diverses. Chez certains, le polythéisme n'exclut pas un principe divin suprême à l'instar du logos ou « raison immanente de l'univers » chez les stoïciens, mais il s'agit davantage de principe premier plutôt que de principe unique[58] dans un monde pour lequel, comme le rappelle Platon, « tout est plein de dieux »[141]. Platon voyait une divinité « bonne » et unique comme une cause première[58], créatrice ou démiurge[142] assistée de dieux subalternes, ordonnateur d'une matière qu'il n'a pas créée, et Aristote comme la fin de toutes choses. Descartes le voit comme transcendant infiniment le monde qu'il a créé, Spinoza le pense immanent (Deus sive Natura), une tradition néo-platonicienne avance que Dieu n'est pas car il est au-delà de l’Être (théologie négative), etc.[140].
150
+
151
+ Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie[143], sous la direction d'André Lalande, Dieu est analysé suivant deux axes principaux :
152
+
153
+ Kant est alors un exemple d'une vision de Dieu principalement comme principe explicatif : Dieu existe comme « Idéal de la Raison pure ». La définition de Dieu par Descartes, « Dieu est l'être parfait », malgré son équivoque peut être comprise comme une identification de l'ordre ontologique et de l'ordre moral. La monadologie de Leibniz est un effort de synthèse de toutes ces facettes[144].
154
+
155
+ Au cours de l'histoire de la philosophie de nombreux arguments ont été fournis en faveur et en défaveur de l'existence de Dieu ou de la croyance en cette existence. Les arguments sur l'existence même de Dieu peuvent être des arguments métaphysiques ou empiriques, ceux portant sur la croyance en Dieu sont dits arguments épistémiques.
156
+
157
+ De nombreuses positions existent aussi bien chez les défenseurs de l'existence de Dieu que chez leurs adversaires. On peut les regrouper et distinguer schématiquement les grandes positions suivantes :
158
+
159
+ Une discussion détaillée des arguments soutenant ces différentes positions se trouve dans l'article arguments sur l'existence de Dieu. Voici une présentation volontairement limitée des principaux arguments en faveur de l'existence de Dieu et de leur réfutation par Emmanuel Kant.
160
+
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+ Trois arguments classiques sont a posteriori : partant de l'expérience prise comme conséquence pour remonter à son principe[147].
162
+
163
+ Ces trois arguments sont, comme tous les autres, l'objet d'une vive controverse depuis leur premier énoncé, et de l'avis de la majeure partie des commentateurs aucun ne peut emporter l'adhésion à lui seul. Pascal qui n'acceptait comme arguments en faveur de l'existence de Dieu que les prophéties et les miracles (le pari pascalien n'étant pas présenté comme une preuve)[140], en parle en ces termes : « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si compliquées, qu’elles frappent peu, et quand cela servirait à quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration, mais une heure après, ils craignent de s’être trompés »[153].
164
+
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+ Anselme de Cantorbéry, le premier[147] proposa un argument a priori : l'idée de Dieu, et ses conséquences, rend nécessaire l'existence de Dieu sans qui il ne saurait y avoir d'idée de Dieu. Cet argument se retrouve aussi chez Descartes et Leibniz[147].
166
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167
+ Kant (dans Critique de la raison pratique) et Nédoncelle ont développé des preuves, dites morales, où l'existence de Dieu est seule capable d'expliquer la conscience morale, chez le premier, ou l'ordre des personnes humaines, chez le second[147].
168
+
169
+ L'Église catholique depuis l'encyclique Æterni Patris (1879) réaffirme la validité des Quinque viae, les cinq preuves de Thomas d'Aquin qui utilisent l'argument cosmologique et l'appel au dessein. Ce point de doctrine a été rappelé par le pape Jean-Paul II dans l'encyclique Fides et Ratio et plusieurs déclarations[154]. Lors de son audience du 10 juillet 1985, Jean-Paul II dira que "quand on parle de preuves de l’existence de Dieu, il faut souligner qu’il ne s’agit pas de preuves scientifico-expérimentales." Mais plutôt d'une façon pour l'intelligence humaine de ne pas abdiquer face à la complexité du monde et une stimulation pour la réflexion. Elles sont d'abord un soutien de l'intelligence à la foi des croyants, et non destinée à la conversion des sceptiques.[155]
170
+
171
+ Dans le judaïsme, la question ne se pose pas, non par tabou mais du fait même de la conception de la transcendance : Dieu dépasse totalement l'entendement humain. Vouloir cerner son concept de manière analytique est voué à l'échec par sa nature même. Certains auteurs juifs n'hésitent pas à nier toute possibilité de « parler » de Dieu[156].
172
+
173
+ Au livre II de la Critique de la raison pure, Emmanuel Kant montre que l'argument cosmologique et l'argument téléologique (qu'il nomme argument physico-théologique) se fondent sur l'argument ontologique. En effet, après avoir observé la contingence du monde, l'argument cosmologique doit poser l'existence d'un être nécessaire ; il est alors obligé de recourir à l'argument ontologique, qui déduit du concept de Dieu qu'il existe. Quant à l'argument physico-théologique, à partir de l'observation de fins dans la nature, il en conclut qu'il a fallu un créateur pour que le monde existe (argument cosmologique), et que ce créateur doit exister nécessairement (argument ontologique).
174
+
175
+ Si l'argument ontologique est réfuté, l'argument cosmologique et l'argument téléologique tombent avec d'après Kant. Kant propose donc une réfutation de l'argument ontologique dans l'espoir de ruiner toutes preuves de l'existence de Dieu. Pour Kant, l'existence n'est pas une propriété intrinsèque, on ne peut pas légitimement dire que l'existence appartienne au concept de Dieu : c'est confondre le contenu conceptuel et le prédicat existentiel d'une chose. Ainsi, pour Kant, le concept de Dieu demeure le même, qu'il existe ou pas : ce « concept de Dieu » ne prouve rien, n'indiquant qu'une possibilité[157],[158]. Afin de l'illustrer, Kant prend l'exemple suivant : « Cent thalers réels ne contiennent rien de plus que cent thalers possibles. Car, comme les thalers possibles expriment le concept et les thalers réels, l'objet et sa position en lui-même, au cas où celui-ci contiendrait plus que celui-là, mon concept n'en serait pas le concept adéquat. Mais je suis plus riche avec cent thalers réels qu'avec leur simple concept (c'est-à-dire avec leur possibilité). »
176
+
177
+ En bref : la conséquence du raisonnement ontologique est que l'« idée de Dieu » existe, mais l'existence elle-même de Dieu n'est pas une idée[147].
178
+
179
+ La philosophie des religions, et la question des preuves de l'existence de Dieu, ont connu un grand renouveau dans le sillage de la tradition analytique. Des auteurs tels que Peter Geach, Richard Swinburne[159], Alvin Plantinga, Antony Flew, John Leslie Mackie[160], et Jordan Howard Sobel se demandent quelles raisons nous avons d'affirmer ou de contester l'existence d'un être surnaturel dont dépendrait l'existence du monde.
180
+
181
+ Tandis que les autres philosophes sont soit catholiques, soit protestants, soit anglicans, la caractéristique d'Antony Flew, qui lui a assuré un surcroit de notoriété ces cinq dernières années, consiste à avoir été, des années durant, un éminent philosophe des religions et d'avoir revendiqué son athéisme. Il a fini par considérer, autour de sa 81e année, que non seulement la question de l'existence de Dieu était importante mais encore que l'existence de Dieu[161] était possible selon une variante de l'argument téléologique, que les Anglo-Saxons nomment fine tuning[note 3], en quelque sorte, l'argument du meilleur des mondes possibles[162]. Il considère que, plus la complexité du monde apparaît dans les connaissances humaines, plus cet argument est puissant pour fonder le théisme[note 4],[163]. Quelques militants de la cause de l'athéisme s'en sont trouvés gênés et ont déclaré pour les uns, que cette conversion était un vœu pieux des croyants, en dépit de la lettre de Flew à Philosophy Now et pour les autres que l'auteur était déjà âgé[réf. nécessaire].
182
+
183
+ Depuis Paul Ricœur[164], on nomme habituellement « maîtres du soupçon »[165] les penseurs Marx, Nietzsche et Freud[166].
184
+
185
+ En Occident, à partir de René Descartes, Blaise Pascal et Grotius notamment, l'existence de Dieu est devenue sujette à la démonstration, et de plus en plus exposée à la critique, concomitante à la crise de la religion chrétienne et l'apparition du protestantisme. Les philosophes du XVIIIe siècle sont critiques mais pas athées[note 5].
186
+
187
+ On doit à Friedrich Nietzsche la formule célèbre « Dieu est mort », mais c'est Feuerbach qui ouvre le feu. La théologie de la mort de Dieu le prendra au mot[167]. Ce courant de pensée n'est, d'ailleurs, étranger ni à l'islam[168] ni au judaïsme[169].
188
+
189
+ Ludwig Feuerbach fait écho aux mutations de la société occidentale moderne que sont le scientisme, la théorie de l'évolution de Darwin, le socialisme, partageant, entre autres, une critique des dogmes religieux[note 6], qui ouvre la voie à l'athéisme en considérant la notion de Dieu comme un construct social étranger à la réalité.
190
+ Le concept principalement développé dans l'Essence du christianisme[170] peut se résumer en deux points, à savoir, d'une part, Dieu comme aliénation et, d'autre part, l'athéisme comme religion de l'homme.
191
+
192
+ Ce n'est plus l'homme qui dépend du divin mais le divin qui dépend de l'homme[171] : « le progrès historique des religions consiste en ceci : ce qui dans la religion plus ancienne valait comme objectif, est reconnu comme subjectif, c'est-à-dire, ce qui était contemplé et adoré comme Dieu, est à présent reconnu comme humain […]. Ce que l'homme affirme de Dieu, il l'affirme en vérité de lui-même »[172]. Feuerbach voit ainsi la théologie comme une anthropologie renversée et Dieu comme une sorte de surmoi social, relevant de la sociologie des religions ou de la psychologie individuelle ou collective, en aucun cas de la philosophie[173].
193
+
194
+ « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »
195
+
196
+ — Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir[174]
197
+
198
+ La théologie du process est le nom sous lequel on rassemble les œuvres de cette métaphysique sur la nature de Dieu[175]. Cette métaphysique, au contraire des précédentes, transcende les frontières des dénominations religieuses. Même si les penseurs chrétiens (protestants avec John B. Cobb ou catholiques avec, d'une certaine façon, Pierre Teilhard de Chardin et Jean-Luc Marion[176], ou encore laïcs avec Henri Bergson) ont publié plus d'ouvrages, on trouve aussi des penseurs du Process dans le judaïsme[177], dans l'hindouisme et dans une moindre mesure dans l'islam. Elle s'est développée autour de deux pôles :
199
+
200
+ Toutefois, le chef de file de cette théologie est le mathématicien Alfred North Whitehead dont le livre Procès et réalité[note 7],[182] semble constituer la théologie systématique qui demeure peu connue en Europe[183] faute de traduction de son œuvre théologique alors que, aux États-Unis, ses textes sont au programme des études secondaires.
201
+
202
+ Si la théologie du process est plus particulièrement développée aux États-Unis, elle trouve néanmoins un certain écho en Europe grâce aux travaux d’André Gounelle qui a donné une introduction aux diverses théologies du process sous le titre Le Dynamisme créateur de Dieu[184].
203
+
204
+ Whitehead ne donne aucune définition[note 8] de Dieu. Il en décrit les trois fonctionnalités[184] :
205
+
206
+ Pour le philosophe chrétien Michel Henry, Dieu n’est rien d’autre que la vie phénoménologique absolue qui donne en permanence chaque ego à lui-même et qui se révèle à nous dans la souffrance comme dans la jouissance de soi[186],[187] :
207
+
208
+ « Dieu est Vie, il est l’essence de la Vie, ou, si l’on préfère, l’essence de la vie est Dieu. Disant cela, nous savons déjà ce qu’est Dieu, nous ne le savons pas par l’effet d’un savoir ou d’une connaissance quelconque, nous ne le savons pas par la pensée, sur le fond de la vérité du monde ; nous le savons et ne pouvons le savoir que dans et par la Vie elle-même. Nous ne pouvons le savoir qu’en Dieu[188]. »
209
+
210
+ Freud considère que la foi est un symptôme qui exprime un besoin d'être protégé et la détresse qui prolonge celle de l'enfant : Dieu représente un père transfiguré, supérieur au vrai père et meilleur que lui[189] : Dieu a été inventé par l'homme comme « substitut psychotique de la protection parentale que l'homme perçoit comme défaillante », inventant un Dieu bon ainsi que la croyance en la vie éternelle[190]. Même s'il considère que la religion a rendu de grands services à la civilisation[191], Freud ne pense pas qu'il faille croire à ce qu'il estime être une « névrose obsessionnelle universelle », croire en Dieu revenant par ailleurs à prendre ses désirs pour des réalités[189]. En 1927, dans L'Avenir d'une illusion, Freud écrit : « Il serait certes très beau qu'il y eût un Dieu créateur du monde et une providence pleine de bonté, un ordre moral de l'univers et une vie après la mort; mais il est cependant très curieux que tout cela soit exactement ce que nous pourrions nous souhaiter à nous-même »[192].
211
+
212
+ Carl Gustav Jung, pour qui un symbole est quelque chose qui « renvoie toujours à un contenu plus vaste que son sens immédiat et évident »[193], dit de Dieu qu'il est « le symbole des symboles »[194]. C'est une expression qui ne se veut pas révolutionnaire, mais au contraire dans la continuité des diverses expressions du divin. Les recherches de Jung, dans l'alchimie ou la philosophie chinoise, tentent de relier ce qui est universel dans le ressenti de Dieu[195]. Ces archétypes communs (qui constituent l'inconscient collectif), seraient exprimés par chaque religion de façon différente, mais toujours pour exprimer cette même symbolisation.
213
+
214
+ L'impossibilité d'associer Dieu et la science est développée par l'agnostique Stephen Jay Gould dans son concept de non-recouvrement des magistères[196]. Des théologiens, tels qu'Alister Edgar McGrath, font également valoir que l'existence de Dieu ne peut être statuée sur le pour ou le contre à l'aide de la méthode scientifique[197].
215
+
216
+ Selon le biologiste athée Richard Dawkins, un scientifique peut porter un regard scientifique sur l'éventuelle gouvernance d'un dieu sur la nature en ce sens qu'un astronome est plus qualifié qu'un théologien à propos des questions cosmologiques[198]. À l'argument qu'on lui oppose de n'être pas suffisamment formé dans les matières qu'il critique, il explique qu'il n'est pas besoin d'étudier la théologie pastafarienne pour ne pas croire au Monstre en Spaghettis volant ni d'être dépositaire d'une particulière érudition pour désavouer les contes de fée ou l'astrologie[199]. Son ouvrage a suscité une controverse nourrissant des critiques souvent issues de milieux confessionnels chrétiens[200] tandis que certains estiment que les publications de Dawkins ouvrent l'ère d'un fondamentalisme athée[201].
217
+
218
+ Exposant son approche de l'argument cosmologique au cours d'un débat sur la science et Dieu avec John Lennox au Musée d'histoire naturelle de l'université d'Oxford en octobre 2008[202], Dawkins explique que, selon lui, il existe un aspect « inconnaissable » à la création de l'univers que l'on pourrait attribuer à un dieu si on entend par là une « singularité qui aurait donné naissance à son existence ». Selon lui, s'opposant à la vision théiste des miracles auxquels croit John Lennox, un plaidoyer sérieux pourrait être élaboré en faveur d’une explication déiste de l'univers, auquel lui-même ne souscrirait cependant pas[203]. Explicitant Stephen Hawking et la notion d'« esprit de Dieu » qu'il rapproche de la conception d'Albert Einstein, Dawkins voit le terme comme une métaphore, une manière poétique d'exprimer un état ou un moment où les physiciens auraient unifié leurs théories et auraient l'explication et la compréhension de tout. Dieu est ainsi une manière de désigner « ce que nous ne comprenons pas »[204]. Néanmoins, pas plus Hawking qu'Einstein n'ont foi en un Dieu personnel : suivant Dawkins qui partage le même point de vue, ce qu'Einstein appelle « Dieu » correspond aux lois de la nature dont le mystère inspire un sentiment de révérence, que Dawkins se refuse pour sa part à nommer de la sorte[205].
219
+
220
+ À côté du renouveau de la philosophie thomiste (le néothomisme) il s'est développé au tout début du XXe siècle une métaphysique contemporaine qui tient compte du progrès scientifique tel que le représentent la physique quantique, les théories de l'évolution, la psychanalyse[réf. nécessaire].
221
+
222
+ Sur les attributs féminins du Dieu judaïque, voir Thomas Römer, Dieu obscur : le sexe, la cruauté et la violence dans l'Ancien Testament[206].
223
+
224
+ Si Dieu est souvent représenté comme un homme, cette question est objet de débats, notamment chez les philosophes, voir, par exemple, sous la direction de Jacques Maître, Religion et sexualité[207].
225
+
226
+ C'est une difficulté si le Dieu dont on parle relève de la transcendance et si l'on souhaite dépasser le cadre confessionnel.
227
+
228
+ Selon John Hick : « Au premier cercle, nous rencontrons un problème de terminologie auquel aucune solution satisfaisante ne peut être proposée. Comment devons-nous nommer cette réalité transcendante à laquelle nous supposons que la religion constitue la réponse humaine ? On peut pencher initialement pour le rejet de « Dieu », parce que trop théiste - si l'on retient que l'éventail des religions inclut les plus grandes traditions non-théistes comme les théistes - et considérer des alternatives telles que « Le Transcendant », « Le Divin », « Le Dharma », « l'Absolu », « Le Tao », « L'Être en soi-même », « Brahman », « L'ultime réalité divine ». Le fait est que nous ne disposons pas d'un terme parfaitement libre vis-à-vis d'une quelconque tradition ou susceptible de les transcender. C'est pourquoi on en vient à utiliser le terme fourni par l'une de ces traditions, toutefois l'utilisant (ou ayant conscience de mal l'utiliser) d'une façon qui force ses frontières. Comme chrétien, je serais assez d'accord pour utiliser « Dieu » mais je ne l'utiliserais pas dans son sens absolument théiste. C'est donc un danger pour l'auteur comme pour le lecteur de passer sans l'avoir remarqué et de régresser au sens strict et standard de ce terme ; tous deux doivent demeurer vigilants contre cela. Je parlerai donc de Dieu dans ce qui suit, avec cette restriction importante que c'est une question ouverte de savoir, à ce moment du propos, si Dieu est personnel. Nous serons conduits, je le présume, à distinguer Dieu de « Dieu comme il est conçu et perçu par les hommes ». Dieu n'est ni une personne ni un objet mais la réalité transcendante telle qu'elle est conçue et expérimentée par diverses mentalités humaines, notamment soit de façon personnelle, soit de façon non-personnelle »[208]. Dieu peut avoir un nom défini, comme YHWH[note 10] ou Allah, nom que les croyants énoncent souvent avec réserve et déférence, préférant l'usage de ses surnoms ou attributs, qui tendent à approximer son ineffabilité foncière. Certaines religions demandent ou édictent qu'on ne prononce jamais son nom hors d'un contexte rituel et sacré[note 1].
229
+
230
+ André Chouraqui décrit Moïse au Buisson Ardent en face à face avec « Celui qui n’a pas de nom », également appelé El ou Allah[209].
231
+
232
+ Lors de la mutation du monolâtrisme — ou de l'hénotéisme — yahviste vers le début du VIe siècle, le Dieu unique, transcendant, devient « un souverain invisible plus puissant encore » et par là frôle l'idolâtrie[pas clair][210]. On en vient donc à ne pas le représenter, même au moyen d'un objet ou d'un symbole.
233
+
234
+ Ainsi, les trois monothéismes dits abrahamiques s'accordent pour déclarer Dieu irreprésentable[211], qu'il ne peut exister aucune représentation qui lui ressemble, de par sa nature transcendante. Cependant, la foi en l'Incarnation du Verbe de Dieu en Jésus de Nazareth a singularisé sur ce plan le christianisme : croire que Jésus est Dieu fait homme permet d'affirmer la représentativité de Dieu en Jésus-Christ[212]. Le christianisme, particulièrement latin - est ainsi le seul des trois monothéismes abrahamiques « qui ait toléré, puis accepté, légitimé, suscité et pratiqué une formidable galerie de portraits du Dieu unique »[213].
235
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236
+ « Un mot ou une image sont symboliques lorsqu'ils impliquent quelque chose de plus que leur sens évident et immédiat. Ce mot ou cette image ont un aspect "inconscient" plus vaste, qui n'est jamais défini avec précision, ni pleinement expliqué. Personne d'ailleurs ne peut espérer le faire. Lorsque l'esprit entreprend l'exploration d'un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que notre raison peut saisir. »
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+ Jupiter, en latin Juppiter ou Iuppiter (génitif Jovis), est le dieu romain qui gouverne la terre et le ciel, ainsi que tous les êtres vivants s'y trouvant. Il est aussi le maître des autres dieux et est originellement un dieu du ciel, caractéristique que l'on retrouve dans son association aux présages célestes liés aux pratiques divinatoires des prêtres de Rome. Dieu souverain, il a pour attributs l'aigle et le Foudre.
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+ Les Romains finirent par associer le dieu Jupiter à son équivalent grec Zeus, même si les deux dieux se distinguent d'abord très nettement. Dans la tradition littéraire romaine, la représentation de Zeus se superpose à celle de Jupiter, au point que les deux dieux finissent par être confondus tant par les mythes que l'iconographie. C'est pour cela que Jupiter, jusqu'alors quasiment privé de mythologie ou de liens de parenté, se voit attribuer les caractéristiques mythologiques du dieu grec Zeus. Ainsi, Jupiter est marié à sa sœur, Junon.
6
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+ Le nom « Jupiter » vient de l'évolution d'un nom composé d'origine indo-européenne *Dyēus ph2ter signifiant « Ciel père », que l'on retrouve dans le grec Ζεύς πατὴρ et le védique Dyauṣ Pitā. La première partie du composé appartient à la famille formée sur *dyew, racine indo-européenne désignant « la lumière diurne », le « ciel lumineux »[1] et sur laquelle est également formé le mot latin dies, « le jour ». On trouve même Diespiter chez Plaute et Varron pour désigner Jupiter[2].
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+ L'accusatif Jovem a donné les adjectifs « jovial », « jovien » et aussi le substantif « jeudi » signifiant « jour de Jupiter » (Jovis dies). Le mot francoprovençal « Joux » que l'on retrouve souvent en toponymie alpine pourrait en dériver. Molière n'hésitait pas à mettre « Per Jovem ! » (« Par Jupiter ! ») dans la bouche de ses personnages pédants[3].
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+ Jupin est une forme abrégée de Jupiter[4] surtout utilisée en ancien français[4] et qui se rencontre parfois en poésie.
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+ Dieu du Ciel diurne, Jupiter est également originellement un dieu de l'Orage. Nombre d'épiclèses identifient ainsi le dieu souverain comme dieu de l'Orage : Jupiter tonans, « tonnant », Jupiter fulminator « qui lance la foudre », Jupiter Fulgurator « de la foudre », Jupiter Summanus « dieu tonnant la nuit », Jupiter Pluvius « qui envoie la pluie »[5].
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+ De même à Rome, le pouvoir fulgurant de Jupiter est divinisé par les épithètes fulgur littéralement « le brillant » qui correspond à « foudre », fulmen, fulminator. Fulgur est ce qui brille, l'« éclair », fulmen est ce qui tombe, la « foudre » proprement dite. Le fulmen est également le nom du foudre, l'arme mythique de Jupiter, portée par le dieu sur ses idoles. Il est un déverbatif du verbe fulgere désignant ce qui brille[6]. Même une épithète comme Lucetius qui paraît d'abord se rapporter à la lumière désigne en réalité le flamboiement de l'éclair ou de la foudre[7]. Il est encore si bien compris comme le maître de la pluie que des cérémonies relativement tardives comme les Nudipedalia, destinées à la faire tomber, se sont rattachées naturellement à lui[7].
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+ C'est en tant que dieu du Ciel qu'il fait paraître les auspices, signes que, dieu souverain, il donne aux chefs de Rome par les oiseaux et que les augures doivent interpréter[7].
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+ Jupiter est attaché à la fonction souveraine. Il est rex et protège le roi humain. Même aux temps républicains, quand ce titre devient suspect, il reste le seul dieu à pouvoir le donner. Jupiter est maître du serment, maître du droit. Il est absolument libre. Ces qualités rejaillissent sur le flamen Dialis à son service, qui est le seul Romain à être exclu du serment. Tout un symbolisme personnel met en valeur sa liberté, son absence de liens[7].
20
+
21
+ Un élément du prestige de Jupiter est son rôle de témoin, de garant, de vengeur des serments et des pactes, dans la vie privée comme dans la vie publique. Dieu souverain, placé au dessus des autres dieux, summus maximus, il garde un droit de regard sur toute chose[7]. Près de son temple sur le Capitole se trouvait celui de Fides, déesse de la bonne foi et de l'honneur, temple où avait lieu le sacrifice annuel des flamines majeurs[7].
22
+
23
+ C'est également en tant que dieu souverain qu'il intervient dans la guerre. Jupiter Stator est invoqué dans une situation désespérée afin qu'il permette par un miracle le retournement du combat[7].
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+
25
+ Au cours de l'histoire, Jupiter sera naturellement associé à la mission de conquête et de puissance que Rome se découvrait. Selon Georges Dumézil, l'une des premières inventions en ce sens fut celle du présage du caput humanum trouvé par les terrassiers qui creusaient les fondations de son temple et qui promettait à Rome pour commencer l'empire de l'Italie[7].
26
+
27
+ La plupart des mythes usuellement associés à Jupiter sont en réalité des adaptations en termes latins des légendes du dieu grec Zeus. La théologie typiquement romaine est pauvre en mythes, tant elle a été associée à une conception historique des légendes fondatrices[8].
28
+
29
+ C'est donc dans une perspective historique et non mythologique que les Romains représentent les actions de Jupiter. Ainsi, à plusieurs reprises dans l'histoire romaine, les Romains voient le signe d'une intervention de leur dieu. Celui-ci est par exemple censé avoir influencé le roi Numa Pompilius quand ce dernier organisa les institutions romaines. Les écrivains romains précisent également que Jupiter aurait envoyé à Numa un bouclier de bronze dont il fit des copies, les anciles[9]. Jupiter est également censé avoir guidé Tarquin l'Ancien jusqu'à son statut de roi de Rome. On lui attribue de même l'apothéose de Romulus[10].
30
+
31
+ Dans le cadre de Interpretatio graeca, l'assimilation avec Zeus intervint très tôt. Georges Dumézil considère, néanmoins, qu'elle ne fut pas profonde. Elle se manifestera plus tard, sans grand effet sur le culte, quand Jupiter et Junon formeront un couple. C'est surtout dans la littérature que Jupiter se tournera vers Zeus. Toutefois, les poètes du siècle d'Auguste garderont à Jupiter sa signification et son allure nationales[7].
32
+
33
+ Parmi les divinités, Jupiter tenait toujours le plus haut rang. L'aigle, qui plane en haut des cieux et fond comme la foudre sur sa proie, était son oiseau favori. Il était de fait, en tant que maître du ciel, associé aux pratiques divinatoires liées à l'interprétation des signes célestes, tels que le vol des oiseaux ou les éclairs, comme la pratiquaient les prêtres et les haruspices. Le jeudi, jour de la semaine, lui était consacré (Jovis dies).
34
+
35
+ Les Vinalia, les Vinalia priora célébrées le 23 avril et les Vinalia rustica célébrées le 19 août, deux fêtes liées au vin, lui sont consacrées.
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+
37
+ En tant que Jupiter Feretrius, on lui apporte les dépouilles opimes, c'est-à-dire les trophées (armes et pièces d'armure) pris par un général romain sur un chef ennemi[7].
38
+
39
+ Jupiter Latiaris est honoré dans les monts Albains. Un des premiers actes des nouveaux consuls était d'aller lui sacrifier. Célébrées avec les autres cités du Latium, les Féries latines feriae Latinae manifestaient que Rome était devenue l'héritière des anciennes confédérations albines[7]
40
+
41
+ On sacrifiait seulement à Jupiter des animaux de couleur blanche : il est le seul des dieux romains dont les victimes sacrificielles sont caractérisées par cette spécificité. Les trois principaux animaux sacrifiés étaient le bœuf, l'agneau et la chèvre. Quelques exceptions notoires sont connues, comme lors d'une crise des guerres puniques pendant laquelle tous les animaux nés dans l'année lui furent sacrifiés : cette pratique était appelée ver sacrum.
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+
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+ Dans ce temple, Jupiter logeait deux divinités mineures, Juventas et Terminus. A la première, lorsqu'ils revêtaient la toge, symbole du passage de l'enfance à l'âge viril, les jeunes Romains devaient faire l'offrande d'une pièce de monnaie. Terminus illustrait, lui, un autre aspect du dieu souverain : la juste répartition des biens dans la société[7].
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+
45
+ On peut noter qu'en France, le toponyme « Montjovis », littéralement « colline de Jupiter », désigne souvent l'ancien emplacement d'un temple dédié au dieu.
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47
+ On lui donne pour attribut l'aigle, le plus majestueux des oiseaux, le foudre, le chêne, le sceptre et le trône.
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+ Il est le maître de l'univers, de la terre et des cieux mais également le dieu des dieux.
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+ Il existe de nombreuses épithètes de Jupiter. Ce sont des noms complémentaires qui correspondent à ses pouvoirs, actions :
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+ Jupiter connait plusieurs équivalences avec des dieux d'autres religions notamment avec le dieu grec Zeus. Héritier du dieu indo-européen du Ciel diurne, maître de la foudre, ce dernier a connu une évolution semblable à celle de Jupiter en devenant naturellement le dieu souverain[15]. Il a également été assimilé à Dyaus Pitar chez les Hindous.
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+ Sous le nom de Tinia, les Étrusques honoraient un dieu qu'ils avaient assimilé à Jupiter[7].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ L’allemand (en allemand : Deutsch), /ˈdɔʏtʃ/ Écouter) est l'une des langues indo-européennes appartenant à la branche occidentale des langues germaniques. Du fait de ses nombreux dialectes, l'allemand constitue dans une certaine mesure une langue-toit (Dachsprache).
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7
+ Son histoire, en tant que langue distincte des autres langues germaniques occidentales, débute au haut Moyen Âge, lors de la seconde mutation consonantique.
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+ Au XXIe siècle, ses locuteurs, appelés « germanophones », se répartissent principalement, avec près de 100 millions de locuteurs, en Europe, ce qui fait de leur langue la plus parlée au sein de l'Union européenne (UE).
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+ Avec la première mutation consonantique (erste germanische Lautverschiebung) aux environs du Ve siècle av. J.-C., naissait le germanique commun à partir d'un dialecte indo-européen. Cette transformation explique des différences entre les langues germaniques (plus l'arménien) et les autres langues indo-européennes. On peut, pour simplifier, présenter les faits ainsi :
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+
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+ On commence à parler de langue allemande (ou, en linguistique « haut allemand ») lorsque les dialectes parlés dans le sud-ouest de l'Allemagne subirent la seconde mutation consonantique (zweite germanische Lautverschiebung ou hochdeutsche Lautverschiebung, que l'on situe autour du VIe siècle), période au cours de laquelle la langue commença à se différencier des dialectes du nord (Niederdeutsch, bas allemand).
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+ Cette modification phonétique explique un certain nombre de différences entre l'allemand actuel et, par exemple, le néerlandais ou l'anglais[6]:
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+ pour résumer, *k / *p / *t ➜ ch / pf (ou f) / ts (ou s)
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+
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+ Les dialectes du nord qui n'ont pas ou peu subi cette seconde mutation phonétique sont qualifiés de bas allemand. Cette appellation est jugée abusive par certains linguistes, notamment néerlandais (qui ne sont pas « allemands », du moins depuis les traités de Westphalie). Mais le terme « allemand » n'est ici qu'un terme linguistique, un peu comme « roman », « slave » ou « scandinave ».
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+
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+ Entre le Xe siècle et le XVe siècle eut lieu une diphtongaison dans les parlers du Sud-Ouest concernant l'articulation en deux phonèmes de ei, eu et au. Cela explique à nouveau certaines différences entre l'allemand standard et, par exemple, le néerlandais (les lettres dans les parenthèses expliquent la prononciation en utilisant la langue française):
22
+
23
+ Contrairement aux États voisins, les contrées germaniques sont restées morcelées (Kleinstaaterei) au cours de l'ensemble du Moyen Âge, ce qui contribua au développement de dialectes très différents et parfois mutuellement inintelligibles. Un premier pas vers une langue interrégionale correspond au Mittelhochdeutsch poétique des poètes de cour vers le XIIIe siècle, bien que l'influence sur la langue vulgaire fût quasiment nulle, en raison de la faible alphabétisation. Aussi les régions germaniques restèrent-elles longtemps coupées en deux régions linguistiques :
24
+
25
+ La période de « l'allemand moderne » « commence conventionnellement avec les écrits de Luther »[7].
26
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27
+ Martin Luther traduisit la Bible en « allemand » à l'adresse de « tous les hommes », alle mannen (étymologie germano-latine du mot « allemand »[8]), c'est-à-dire à l'adresse des « Allemands », afin que le peuple des chrétiens « laïcs » ait accès aux textes religieux, réservés jusque là aux clercs. Il peut être considéré en ce sens, historiquement celui de la Réforme, comme le créateur de la langue allemande moderne. L'allemand moderne est de ce fait une langue écrite, le Schriftdeutsch (« allemand écrit ») : ce sera « la langue de Goethe » — selon l'expression consacrée, dans laquelle écriront en particulier les poètes (Dichter), écrivains et philosophes du « temps de Goethe » (ainsi qu'on désigne habituellement la large période littéraire du romantisme allemand qui s'étend de la fin du XVIIIe siècle au XIXe siècle).
28
+
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+ Luther traduisit le Nouveau Testament en 1521 et l'Ancien Testament en 1534. Bien qu'il ne fût pas pionnier dans l'établissement d'une langue interrégionale — en élaboration depuis le XIVe siècle — il n'en reste pas moins qu'avec la Réforme protestante, il contribua à implanter l'allemand standard dans les administrations et les écoles, y compris dans le nord de l'Allemagne, qui finit par l'adopter. En 1578, Johannes Clajus se fonda sur la traduction de Luther pour rédiger une grammaire allemande[9].
30
+
31
+ Jusqu'au début du XIXe siècle, le Hochdeutsch resta une langue souvent écrite, que beaucoup d'Allemands, en particulier dans le sud, apprenaient à l'école un peu comme « une langue étrangère », à côté des dialectes demeurés vivaces jusqu'à aujourd'hui (notamment en Suisse alémanique).
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33
+ Au milieu du XVIIIe siècle, concernant la diction, les Allemands conviennent que c'est à Dresde et surtout à Leipzig que l’on parle le mieux allemand. À l'inverse, la Westphalie et la Basse-Saxe sont les deux régions dans lesquelles on parle « le plus mauvais allemand »[10].
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35
+ Avec la domination de l'Empire austro-hongrois en Europe centrale, l'allemand y devint la langue véhiculaire. En particulier, jusqu'au milieu du XIXe siècle, les marchands et, plus généralement, les citadins y parlaient l'allemand, indépendamment de leur nationalité : Prague, Budapest, Presbourg, Agram et Laibach constituaient des îlots germanophones au milieu des campagnes qui avaient conservé leur langue vernaculaire.
36
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37
+ Johann Christoph Adelung publia en 1781 le premier dictionnaire allemand exhaustif, initiative suivie par Jacob et Wilhelm Grimm en 1852. Le dictionnaire des frères Grimm, publié en seize tomes entre 1852 et 1860, reste le guide le plus complet du vocabulaire allemand. La normalisation progressive de l'orthographe fut achevée grâce au Dictionnaire orthographique de la langue allemande de Konrad Duden en 1880, qui fut, à des modifications mineures près, déclaré comme référence officielle dans la réforme de l'orthographe de 1901.
38
+
39
+ Comme l'anglais, l'allemand fait partie des langues germaniques occidentales, proche, notamment, du néerlandais. Les autres branches sont la branche nord (dit scandinave) avec le suédois, le danois, le norvégien et l'islandais, et la branche est, éteinte aujourd'hui.
40
+
41
+ L'allemand s'écrit avec les 26 lettres de l'alphabet latin, trois voyelles surmontées d'un Umlaut (sorte de tréma) ä, ö et ü, et un symbole graphique spécial ß, Eszett ou scharfes S (ligature de S long et de « s » ou « z »), utilisé en lieu et place de ss dans certains cas (principalement après une voyelle longue ou une diphtongue). La Suisse n'utilise plus le ß depuis les années 1930. Jusque dans les années 1940, l'allemand était imprimé en écriture gothique (Fraktur) et écrit en sütterlin, qui sont différentes versions de l'alphabet latin.
42
+
43
+ L'orthographe allemande se déduit en général de la prononciation et d'un minimum de connaissances. Mais les fortes disparités régionales dans la prononciation peuvent rendre la tâche ardue. Les principales difficultés orthographiques de l'allemand résident dans :
44
+
45
+ Afin de supprimer une partie des difficultés décrites ci-dessus, les représentants allemands, suisses et autrichiens convinrent d'une réforme de l'orthographe. Elle est entrée en vigueur en 1998 en Allemagne et est devenue obligatoire à partir de la mi-2005. La dernière réforme datait de 1901 et portait entre autres sur la suppression du h dans Thor et sur l'ajout du e pour les voyelles longues et accentuées dans la conjugaison des verbes, par exemple kritisirt ➜ kritisiert).
46
+
47
+ Les principaux changements concernent :
48
+
49
+ Cette réforme rencontre une forte critique en Allemagne. Le Land de Schleswig-Holstein a voté le retour à l'orthographe traditionnelle en 1998 (décision annulée pourtant par le parlement régional) et certains journaux et éditeurs ont depuis décidé de revenir à la graphie conventionnelle.
50
+
51
+ Contrairement à des langues telles que l'anglais, l'allemand standard (Hochdeutsch) se prononce de manière assez conforme au texte écrit et contient très peu d'exceptions (les sons se prononcent souvent de la même façon), hormis pour les mots d'emprunt. Presque toutes les voyelles se prononcent clairement, voire longuement, même sans être suivies de lettre muette servant à insister sur la lettre précédente.
52
+
53
+ Toutefois, les francophones qui apprennent l'allemand rencontrent généralement quelques difficultés, listées ci-dessous.
54
+
55
+ Tous les sons n'y figurant pas se prononcent toujours de la même manière qu'en français (a, b, d, f, i, k, l, m, n, o, p, ph, q, r, t, x).
56
+
57
+ Lettres à Umlaut (le tréma français)
58
+
59
+ Les umlauts indiquent également l'accentuation. Ils marquent souvent le pluriel ou le diminutif (avec « -chen » et « -lein ») des mots.
60
+
61
+ Lorsque les Umlauts ne sont pas accessibles (clavier étranger, Internet…), ils sont représentés par « e » : ae pour ä, oe pour ö, ue pour ü.
62
+
63
+ En Alsace-Moselle, on remplace habituellement les umlauts : Koenigshoffen, Haut-Koenigsbourg, Hœnheim (dans ces exemples, c'est le ö qui est remplacé), ou encore "Schweighaeuser".
64
+
65
+ Il faut bien veiller à ne prononcer qu'un son et pas deux sons distincts pour les combinaisons de deux voyelles : par exemple, pour la combinaison [ei], il faudra prononcer ail (ou le [i] du mot anglais knife) et non le [aï] de na|ïf. Le son français [oi] en est l'exemple même : il ne se prononce pas directement [ou|a].
66
+
67
+ * [ɔi] est parfois retranscrit en [ɔy].
68
+
69
+ Notes :
70
+
71
+
72
+
73
+ L'allemand est une langue flexionnelle comportant des conjugaisons et des déclinaisons.
74
+
75
+ Le principe de la conjugaison allemande est assez proche du principe de la conjugaison française. Les différences notables sont :
76
+
77
+ En ce qui concerne la morphologie, les trois principaux types de verbes sont :
78
+
79
+ Parmi les verbes irréguliers se rangent également les auxiliaires de mode (können, pouvoir ; dürfen, avoir le droit ;, etc..), qui sont employés dans un nombre important de contextes différents.
80
+
81
+ La déclinaison allemande comporte quatre cas, le nominatif, l'accusatif, le datif et le génitif, auxquels se combinent trois genres grammaticaux, le masculin, le féminin et le neutre ainsi que deux nombres, le singulier et le pluriel.
82
+
83
+ Le porteur essentiel de la marque de déclinaison est le déterminant, secondé par l'adjectif épithète si le déterminant est absent ou bien sans désinence (marque de déclinaison).
84
+
85
+ Le nom porte également la marque de déclinaison au datif pluriel à tous les genres, au génitif singulier masculin ou neutre.
86
+
87
+ Les déclinaisons sont employées :
88
+
89
+ L'allemand a pour particularité syntaxique principale de placer des éléments importants, soit en première position dans la phrase, soit en dernière position. L'inversion du verbe et du sujet a lieu quand un complément vient en tête de phrase ;
90
+ « heute geht es ihm gut == aujourd'hui il va bien » ; le rejet est le renvoi du verbe en fin de phrase dans les subordonnées « …, wenn er Wein trinkt = lorsqu'il boit du vin »
91
+
92
+ Autre exemple :
93
+
94
+ Er nahm gestern trotz aller Schwierigkeiten diese Maschine in Betrieb.
95
+
96
+ Il a mis cette machine en service hier malgré toutes les difficultés.
97
+
98
+ Sont mis en valeur :
99
+
100
+ Avant l'action et l'objet sont énumérées les circonstances. L'ordre de la phrase peut être modifié pour insister sur un des éléments, que l'on place alors en tête de phrase :
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+
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+ Gestern nahm er trotz aller Schwierigkeiten diese Maschine in Betrieb.
103
+
104
+ C'est hier qu'il a mis cette machine en service malgré toutes les difficultés.
105
+
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+ Trotz aller Schwierigkeiten nahm er gestern diese Maschine in Betrieb.
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+
108
+ Malgré toutes les difficultés, il a mis cette machine en service hier.
109
+
110
+ Diese Maschine nahm er gestern trotz aller Schwierigkeiten in Betrieb.
111
+
112
+ C'est cette machine qu'il a mise en service hier malgré toutes les difficultés.
113
+
114
+ La langue allemande peut se passer d'article au génitif en juxtaposant deux éléments (déterminants + déterminé) — ou même beaucoup plus. L'allemand est même connu pour sa capacité à former des surcomposés de grande longueur que les Allemands eux-mêmes appellent par dérision Bandwürmer « vers solitaires »…
115
+
116
+ Exemples :
117
+
118
+ Certains des exemples ci-dessus sont fictifs (ils sont morphologiquement corrects, mais n'ont pas été employés de façon réelle). D'autre part, quand un surcomposé est très long ou peu courant, on peut le diviser par un trait d'union : Mehrjahres-Programmvereinbarungen, « conventions-programmes pluriannuelles ».
119
+
120
+ La composition à multiples éléments ne se limite pas au couple objet possédé-possesseur (du type Kapitänsmütze « casquette de capitaine ») mais aussi à toutes sortes de relations :
121
+
122
+ En français, la possession marquée par « de » a plusieurs sens qui se rendent en allemand de trois manières distinctes :
123
+
124
+ Il faut savoir avant tout qu'en allemand, le premier mot dans un composé est, comme l'adjectif qui précède le sujet, moins mis en avant que s'il est placé après le sujet.
125
+
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+ Prenons le titre du 3e tome de la bande dessinée Broussaille, La Nuit du chat. Dans le titre (et dans l'histoire), l'élément (et le sujet) important est le chat, connu et recherché. C'est la nuit du chat, qui « appartient » au chat.
127
+ On va donc préférer la traduction Die Nacht der Katze (La nuit du chat) à Die Katzenacht (La nuit à chats). Dans cette dernière formulation, c'est l'élément nuit (Nacht) qui est visé.
128
+
129
+ Autre exemple plus rapproché de la syntaxe française : Dans « Nuits dans les jardins d'Espagne », la traduction correcte est Nächte in den Gärten von Spanien et non Nächte in den spanischen Gärten. La traduction de Nächte in den spanischen Gärten est « Nuits dans les jardins espagnols ».
130
+
131
+ La langue allemande (ainsi que le peuple) a la particularité d'avoir des appellations très différentes d'une langue à l'autre (par exemple German, Deutsch, alemán, német, etc.). En effet, six racines différentes entrent en jeu :
132
+
133
+ En hébreu classique, les pays allemands sont connus sous l’appellation de ashkenaz (אשכנז), par généalogie populaire d'après Gen. 10:3. Pour l’hébreu moderne, voir plus haut.
134
+
135
+ Un nombre important de mots furent empruntés aux dialectes germaniques par le roman et l'ancien français (par ex. heaume, éperon, cible, fauteuil) ; seuls les mots d'origine plus récente sont encore discernables en tant qu'emprunts lexicaux (frichti, ersatz).
136
+
137
+ Exemples de phrases :
138
+
139
+ L'allemand a toujours la possibilité sémantique de former de nouveaux mots par les procédés de composition et de dérivation.
140
+
141
+ Tout comme le français a créé le verbe des pacsés/se pacser à partir d'une abréviation administrative de l'état civil (PACS), l'allemand peut adapter dans le langage courant des termes nouveaux adaptés à l'actualité.
142
+
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+ Exemple :
144
+
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+ Le mot apprenti s'est dit pendant des siècles Lehrling du verbe lehren « enseigner » signifiant donc « celui à qui l'on enseigne quelque chose », suivi du diminutif -ling. Son maître était le Meister.
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+ La réforme administrative au début des années 1970 a remplacé le terme Meister par deux termes précisant que l'un enseigne effectivement (der Ausbildende, gérondif de ausbilden « former ») et que l'autre a le droit et la responsabilité de la formation (der Ausbilder « le formateur »). L'apprenti devint logiquement der Auszubildende (c'est-à-dire celui qui doit être formé), en abrégé AZUBI (prononcé ATSOUBI). Le génie de la langue ajouta pour la forme féminine la terminaison habituelle -in et l'on prononça le tout ATSOUBINE. Or, le terme Biene « abeille » désigne aussi une jolie fille ce qui transforma la sèche abréviation en un joli petit nom.
148
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+ Prononciation; certaines lettres se prononcent différemment en Autriche. Le « R » a tendance à être roulé, un peu comme dans le Sud de l'Allemagne (Bavière).
150
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+ D'une manière générale, dans la République démocratique allemande, la langue s'était enrichie de termes officiels, spécifiques au régime politique tout comme sous le régime national-socialiste. Dans le langage courant, de nombreux termes tournaient ces derniers en dérision. Par exemple, l'abréviation VEB (pour Volkseigener Betrieb, usine propriété du peuple) devenait Vaters ehemaliger Betrieb (l'ancienne usine de Papa)...
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+ De très nombreuses abréviations tirées de l'idéologie communiste avaient cours, les étudiants devaient tous suivre des cours de ML (marxisme-léninisme),
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+ On retrouve des néologismes ou de nouvelles expressions dans un nombre important de domaines, notamment :
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
4
+
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ L’hindouisme[1](hindi : hindu dharm ; devanāgarī : हिन्दू धर्म ; tamoul : இந்து சமயம் ; « religion hindoue »), ou sanatana dharma[2], (sanskrit IAST : sanātanadharma, en écriture devanāgarī : सनातनधर्म ; « Loi Éternelle »)[3], est l'une des plus anciennes religions du monde encore pratiquées[note 1] qui n'a ni fondateur ni institution cléricale organisée uniformément (les brâhmanes peuvent être de différentes écoles)[4],[5]. En 2015, le nombre de fidèles est estimé à 1,1 milliard[6],[7] dans 85 pays[8], c'est actuellement la troisième religion la plus pratiquée dans le monde après le christianisme et l'islam. Elle est issue du sous-continent indien[note 2] qui reste son principal foyer de peuplement.
2
+
3
+ Le terme persan hindu (du sanskrit Sindhu) désignait au départ, pour les musulmans qui pénétrèrent en Inde, les habitants du bassin de l'Indus[8].
4
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5
+ La notion de « religion », au sens judéo-chrétien du mot, s'applique difficilement à l'hindouisme, qui est organisé d'une façon très différente, jusque dans ses dogmes centraux[note 3]. La majorité des hindous ont foi en l'autorité du Veda[note 4], considéré comme « permanent » (nitya), qui fut révélé aux hommes de façon « non-humaine » (अपौरुषेय, apauruṣeya)[9] par Brahmā et grâce à l'« audition » des Rishi[10] (c'est-à-dire les « Sages ») ; c'est l'avis des traditions brahmaniques comme le Vedanta et la Mîmâmsâ, mais pas pour les écoles philosophiques brahmaniques Nyâya et Vaisheshika qui reconnaissent l'autorité du Véda tout en le considérant anitya (« impermanent ») et paurusheya (« humain »)[11]. Les auteurs de textes védiques ne sont pas tous identifiés, ou bien de façon légendaire comme Vyāsa.
6
+
7
+ L'hindouisme se présente comme un ensemble de concepts philosophiques issus d'une tradition remontant à la protohistoire indienne[12], la pratique hindouiste étant sans doute issue d'une tradition orale très ancienne, proche de l'animisme. On retient parfois une tripartition historique qui fait de l'hindouisme la dernière phase du développement des religions en Inde, après le védisme (env. 1500-500 avant notre ère) et le brahmanisme (-600 à 500 de l'ère courante)[13].
8
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9
+ Au-delà du syncrétisme théologique, l'hindouisme d'avant les invasions islamiques et le colonialisme européen qui soumirent l'Inde à leur autorité[14] était un vecteur pour toutes les sciences : le droit, la politique, l'architecture, l'astronomie, la philosophie, la médecine ayurvédique, etc., comme d'autres savoirs qui avaient en commun le substrat religieux.
10
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11
+ Hindū, ou hindou, est le nom persan désignant l'Indus, d'abord rencontré dans l'ancien persan, correspondant au mot védique sanskrit Sindhu, — l'Indus[15]. Le Rig-Véda mentionne la terre des Indo-Aryens comme le Sapta Sindhu (« sept Indus », sanskrit : सप्त सिन्धव)[16], la terre des sept rivières du nord-ouest de l'Asie du Sud, l'un d'entre eux étant l'Indus. Cela correspond à Hapta Həndu dans l'Avesta (Vendidad ou Videvdad 1.18) — le texte sacré du Zoroastrisme. Le terme était utilisé par les hommes vivant à l'ouest de l'Indus, pour nommer les peuples qui habitaient dans le sous-continent indien, à partir ou au-delà du « Sindhu[17] ». Dans l'islam, le terme que l'on trouve dans les textes arabes — Al-Hind — se réfère aussi à la terre du peuple vivant sur le territoire de l'Inde moderne[18].
12
+
13
+ Le terme persan (persan ancien : Hindūk, en persan : Hindū) fit son entrée avec les invasions islamiques, officiellement avec le sultanat de Delhi et apparaît à la fois en Inde du Sud et dans des textes cachemiriens à partir de 1323 apr. J.-C.[19] puis, de plus en plus communément, sous la colonisation britannique, dans le sens au début d'un autochtone de l'Inde (un sens qui durera en français jusqu'au XXe siècle). En conséquence, le terme « hindou » ne vient pas des peuples « hindouistes » eux-mêmes, bien qu'il ait fini par être adopté et assimilé par eux. Depuis la fin du XVIIIe siècle, le mot a été utilisé comme un terme général pour la plupart des traditions religieuses, spirituelles et philosophiques du sous-continent, mises à part les religions d'origine indienne distinctes comme le sikhisme, le bouddhisme, ou le jaïnisme. Ainsi, selon ce point de vue, un hindou est celui qui respecte la philosophie exposée dans les Vedas et nommée « Upanishad » (le mot Veda peut être traduit par connaissance) et accepte son autorité.
14
+
15
+ Le terme Hindou a été introduit dans le monde occidental par le biais de la langue anglaise[20]. Le terme hindouisme est apparu au début du XIXe siècle[21]. En France, on utilisait auparavant les termes brahmanisme[22], religion brahmane ou religion des brahmanes[23].
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17
+ L'hindouisme ou sanâtana dharma (« ordre socio-cosmique éternel ») s'apparente davantage à un substrat culturel, un mode de vie ou de pensée, qu’à une religion organisée. Ce qu'on appelle « hindouisme » aujourd'hui est la tentative de rassembler les croyances disparates issues de l'ancien panthéon védique éclipsé par la popularité de Shiva, de Vishnou ou de Krishna[24].
18
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19
+ L'hindouisme est aussi appelé religion aryenne (Arya Dharma), ce qui signifie religion noble. On trouve aussi le terme de Vaidika Dharma (la religion védique).
20
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21
+ En 1966, la Cour suprême de l'Inde a défini le cadre de la foi hindoue[25],[26] comme suit :
22
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23
+ La civilisation de la vallée de l'Indus, datant de l'âge du bronze, présente des éléments comparables à ceux de l'hindouisme, tels que les bains, les symboles phalliques comparés au Shiva lingam ainsi que des svastikas[27]. Un sceau découvert sur le site de Mohenjo-daro est parfois considéré comme une représentation d'un proto-Shiva, mais cette interprétation n'est pas reconnue par toute la communauté scientifique[28]. D'une façon générale, la nature exacte des relations entre la religion de la civilisation de la vallée de l'Indus et l'hindouisme reste conjecturale.
24
+
25
+ C'est durant la période védique, à l'âge de fer, entre 1500 et 600 av. J.-C., que les quatre Védas qui constituent les textes fondateurs de l'hindouisme sont composés[29]. Les rites principaux du védisme concernent le yajña, le sacrifice védique en l'honneur des deva. Plusieurs divinités du Rig-Veda ont été ensuite reprises ou révisées par l'hindouisme.
26
+
27
+ Au Moyen Âge, l'hindouisme, par le biais du théisme, retrouve un nouvel essor. L'hindouisme que l'on connaît aujourd'hui est principalement issu de ce nouveau courant qui a profité du déclin du bouddhisme des IVe et Ve siècles.
28
+
29
+ Au XXe siècle, l'hindouisme se répand hors de l'Inde et en particulier en Occident. Vivekananda en fait une première présentation en 1893 au Parlement mondial des religions à Chicago.
30
+
31
+ Les textes sacrés de l’Inde antique relatifs à l'hindouisme[30] se classent grossièrement en deux catégories.
32
+
33
+ Les Védas sont les textes les plus anciens qui nous soient parvenus en langues indo-européennes. Les Védas sont considérés par les hindous comme faisant partie de la Śruti (connaissance révélée). La tradition déclare qu'ils sont directement révélés par le Brahman aux rishis alors que ces derniers étaient en méditation profonde[33],[34]. Les hymnes des Védas ont été transmis oralement de père en fils et de professeur à disciple. Par la suite, ces hymnes ont été compilés par un sage appelé Vyāsa (littéralement, le compilateur, bien que le nom puisse avoir désigné un groupe de personnes personnifiées pour les besoins de la tradition) ou encore Vedavyāsa (diffuseur des Védas)[31].
34
+
35
+ Les textes les plus anciens sont formés des quatre Saṃhitā, ou recueils constituant les quatre Veda, à savoir: le Ṛgveda ou « Veda des strophes », le Yajurveda ou « Veda des formules », le Sāmaveda ou « Veda des mélodies » et l’Atharvaveda à caractère magique[35]. Le Ṛgveda contient des mantras pour invoquer les devas pour les rites de feu-sacrifice ; le Sāmaveda, c'est le cantique, avec des notations musicales ; le Yajurveda a de véritables instructions pour les sacrifices ; et l'Atharvaveda comprend des charmes philosophiques et demi-magiques (sic) — des charmes contre les ennemis, les sorciers, les maladies et les erreurs pendant le rite sacrifiant. À ces quatre Védas ont succédé les Brāhmaṇās qui sont des interprétations sur le Brahman, les Āraṇyaka ou « Traités forestiers » à réciter loin des agglomérations et les Upaniṣad ou « Approches » à caractère spéculatif[35] qui ont pour seule matière la métaphysique[36]. Les upaniṣad qui font partie de la Śruti clôturent le canon védique[37].
36
+
37
+ Du fait d'une conception énigmatique de la vérité par le Veda, les vérités védiques peuvent être exprimées sous forme d'« incertitudes positives » et de « vérités ultimes à mode interrogatif »[note 6], comme dans l'hymne du Rigveda-Samhitâ (X.129) : « Celui qui a l'œil sur ce monde au plus haut firmament, il le sait sans doute ; et s'il ne le savait pas[38] ? »
38
+
39
+ Les Vedas sont désignés sous le nom de Shruti (ce qui est révélé). Les textes plus récents sont appelés Smriti (ce qui est rappelé ou mémoire/tradition). Tandis que la littérature shruti est composée en sanskrit védique, les textes smriti sont en sanskrit classique (plus facile) et, pour certains, en prâkrit ou langue commune. Puisqu’elle est accessible à tous, la littérature smriti a connu une grande popularité dans toutes les couches de la société indienne, et ce, dès le début. Aujourd’hui même, la plus grande partie du monde hindou est plus familière avec le smriti qu’avec la littérature shruti réservée (tardivement) à la caste dominante des brahmanes. La smriti correspond ainsi à la littérature populaire et, en tant que telle, elle est théoriquement moins ardue que la shruti (la shruti, remontant à l'aube de l'Inde c'est-à-dire à l'époque v��dique, est aujourd'hui, du fait de son langage et de son vocabulaire, sujette à interprétation). La smriti (collection de 36 textes selon Paithina) est le pendant populaire de la shruti, à travers l'histoire des dieux et des héros, elle instruit sur la pensée indienne. Les textes révélés ou Shrutis font autorité sur les textes mythologiques ou Smritis et cela indépendamment du sujet traité. La majorité des livres de la Smriti font référence aux textes sacrés des Vedas ; leur but est de décoder les messages ancestraux et de les enseigner à la population. Cette seconde littérature n'est pas pour autant de moindre valeur, elle est au contraire très riche et offre des dialogues philosophiques très poussés.
40
+
41
+ La littérature smriti inclut :
42
+
43
+ La philosophie hindoue décrite dans les épopées et les Puranas est centrée d'abord sur celle de la doctrine de l’avatar (incarnation, partielle ou totale, d'un dieu en être humain). Les deux avatars principaux de Vishnou qui apparaissent dans les épopées sont Râma, le héros du Râmâyana, et Krishna, le protagoniste majeur du Mahâbhârata. À la différence des deva de la Samhitâ védique et du concept abstrait de Brahman issu des Upaniṣad (qui décrivent le divin comme étant omniprésent, impersonnel et sans forme), les avatars de ces épopées sont des intermédiaires humains entre l’Être suprême et les mortels qui offrent une vision du divin plus accessible. Dieu y est décrit comme personnel et proche de sa création (dans le Bhagavata Purana, Krishna est un pâtre, sa création est son troupeau, le souffle traversant sa flûte est l'âme sans début ni fin des créatures).
44
+
45
+ Cette doctrine a eu un grand impact sur la vie religieuse hindoue, parce qu’elle montre que Dieu s’est manifesté sous une forme qui peut être appréciée même par le plus modeste des hommes. Râma et Krishna sont depuis des milliers d’années des manifestations du divin, aimées et adorées des hindous. Le concept du brahman des Upanishad est assurément le pinacle de la pensée religieuse indienne, mais la vision des avatars et le récit de leurs mythes ont certainement eu plus d’influence sur l’hindou moyen. Les hindous attachent plus d'importance à l'éthique et aux sens métaphoriques transmis par ces textes qu'à la mythologie littérale.
46
+
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+ Selon la mesure védique du temps, qui s'étend sur plusieurs milliards d'années, l'univers connaît des périodes d'expansion (kalpa ou jour de Brahmâ, équivalent à 1000 mahayuga, soit 4,32 milliards d'années) puis d'anéantissement (pralaya ou nuit de Brahmâ, de même durée). Un mahayuga est composé de 4 yuga, dont le dernier, actuel, est le kaliyuga, « âge de fer » ou « âge des conflits », dénommé ainsi car c'est une période matérialiste et décadente par rapport à l'âge d'or de l'humanité (kritayuga)[39].
48
+
49
+ La cosmogonie hindoue enseigne que le principe de toute vie, de tout progrès, de toute énergie, réside dans les différences, les contrastes[13]. « L’une des explications les plus courantes du passage de Brahman [l'Absolu] à l’univers est celle selon laquelle la première différenciation se ferait entre énergie et substance, force et matière, dans leurs essences primordiales respectives appelées dans la terminologie hindoue prâna et âkâsha[40]. »
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+
51
+ La cosmogonie hindoue est la théorie hindouiste de la création de l'univers et de son image. Celle-ci est caractérisée par un recours constant au chiffre 7[41].
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53
+ Le monde a été créé en forme d'œuf (l'« œuf d'or de Brahmâ », hiranyagarbha en sanskrit). La moitié supérieure de l'œuf cosmique (brahmāṇḍa) se divise en sept zones : les trois premières, terre, air et ciel, forment ensemble le triloka (« trois mondes ») et sont surmontées par quatre régions célestes constituant la demeure des dieux[41]. La moitié inférieure de l'œuf cosmique comprend sept régions infernales (pātāla), qui forment des étages et sont habitées par des démons et des serpents[41]. Au-dessous de l'œuf cosmique se trouve l'Océan primitif, formé par sept autres zones infernales[41]. La Terre est divisée en sept continents entourés de sept mers[41].
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55
+ Le Brahman (prononcé comme /brəh mən/) est un concept provenant à l'origine des Védas. C'est l'indescriptible, le neutre, l'inépuisable, l'omniscient, l'omniprésent, l'original, l'existence infinie, l'Absolu transcendant et immanent (cf. panenthéisme), l'Éternel, l'Être, et le principe ultime qui est sans commencement et sans fin, – dans l'univers entier[42]. C'est la Réalité Ultime, l'Âme Absolue ou Universelle (Paramatman), l'Un[42]. Il ne doit pas être confondu avec la divinité Brahmâ ou le nom des prêtres hindous, les brâhmanes.
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+
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+ De nombreuses Upanishad font référence entre le rapport qu'entretient le Brahman (âme universelle[43]) avec l'âtman (essence de toute créature), vision qui est considérée comme libératrice, car menant les actes (karma) d'un tel connaisseur à ne plus s'identifier à son ego transitoire :
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59
+ « L'âme des créatures est une, mais elle est présente dans chaque créature ; à la fois unité et pluralité, comme la lune qui se reflète dans les eaux. »
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+
61
+ — Tripura Tapini Upanishad, V-15 (Atharva-Véda).
62
+
63
+ « Le Brahman sert de demeure à tous les êtres et demeure en tous les êtres. »
64
+
65
+ « Pour le yogi qui est connaisseur de Brahman, toutes les créatures vivantes sont Brahman. De ce fait, les distinctions de caste[note 7] lui sont indifférentes. »
66
+
67
+ — Pashupata Brahmana Upanishad, chapitre II, sûtra 39 (Atharva-Véda)[44].
68
+
69
+ « Voici la vérité : de même que d'un feu ardent sortent par milliers des étincelles pareilles à lui, ainsi naissent de l'Être immuable (Brahman) toutes sortes d'êtres qui retournent à lui. »
70
+
71
+ — Mundaka Upanishad, II-i-1 (Atharva-Véda).
72
+
73
+ « Dans l'étreinte de l'amour, un homme oublie le monde entier, tout ce qui existe en lui-même et au dehors ; de même, dans l'Union [Yoga] avec le Divin [Brahman], on ne connaît plus rien d'autre, ni au dedans ni au dehors[45]. »
74
+
75
+ — Brihadaranyaka Upanishad, chapitre 4, brahmana 3, sûtra 21 (Shukla Yajur Véda).
76
+
77
+ « Quiconque se voit dans tous les êtres et voit tous les êtres en lui, devient ainsi Un avec le Brahman suprême. Ce Suprême est l'âme de Tout, le principe de l'Univers, l'Être éternel [sans début ni fin]. Et Cela aussi tu l'es : tu es Cela (Tat tvam asi)[45] »
78
+
79
+ Cet Absolu, que les hindous désignent aussi par le nom de tat en sanscrit (« Cela ») est par sa nature même impossible à représenter[42]. L'Absolu est tantôt manifesté : Tat Tvam Asi (तत्त्वमसि : Tu es Cela), ou « Tout cela est Brahman » disent les textes sacrés[42], tantôt non-manifesté : « le Brahman est Vérité, le monde est Illusion », disent aussi les textes sacrés[42].
80
+
81
+ Il est parfois évoqué un Brahman supérieur, le Parabrahman[42]. Le Brahman peut en effet être considéré sans attributs personnels, sans forme (Nirguna Brahman), d'une façon totalement abstraite, ou avec attributs, avec forme, au travers de la multitude des divinités (Saguna Brahman)[42].
82
+
83
+ Certains courants de l'hindouisme peuvent être considérés comme panthéistes, d'autres comme panenthéistes[47],[48].
84
+
85
+ La tradition brahmanique comprend l'Absolu (Brahman, l'Âme universelle, la Réalité infinie, la Divinité suprême dotée ou non d'attributs et de formes) comme étant l'Un (sans second), que l'on peut concevoir de différentes façons : soit en privilégiant une divinité particulière considérée comme supérieure aux autres (sans nier les autres pour autant), c'est-à-dire par une attitude relevant de l'hénothéisme, ou soit en concevant chaque divinité comme un membre vénérable de l’Absolu ; toutes les divinités, différentes et prises séparément, sont chacune une fenêtre distincte ouverte sur le paysage divin : et toutes ces fenêtres ouvertes réunies sur l’Absolu (Brahman) — et uniquement lorsqu’elles sont réunies — constituent effectivement l’Absolu, l’Âme cosmique, c'est-à-dire par une attitude liée au polythéisme (le Divin est Multiple)[10]. Quoi qu'il en soit, le Brahman est omniprésent sans pour autant être confondu avec les choses limitées et transitoires qui composent le monde :
86
+
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+ « Le Brahman est Tout, mais tout n’est pas Brahman »
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+ — Mandana Mishra, Brahmasiddhi[49]
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+ La nature du Brahman ne l'empêche pas de se manifester sous la forme d'un dieu personnel[42]. L'hindouisme, selon les courants religieux, donne divers noms au dieu personnel. Un nom général existe cependant, celui d'Ishvara (litt., « le Seigneur Suprême »), terme surtout philosophique car, dans la pratique du culte et de la vie quotidienne, on ne s'adresse guère qu'à l'un des membres de la Trimurti : (Shiva, Vishnou, ou, plus rarement, Brahmâ, car ce dernier, en créant les créatures vivantes, a engendré le samsara, le cycle des réincarnations que l'on doit abandonner, « opposé » à Moksha, la libération)[42].
92
+
93
+ Les dieux personnels majeurs sont ceux de la Trimūrti. Ce sont dans l'ordre Brahmâ, Vishnou et Shiva, qui correspondent respectivement à l'action créatrice, conservatrice et destructrice de l'Absolu transcendant (Brahman)[42]. Ils représentent trois aspects inséparables de la structure de l'Univers[42].
94
+
95
+ Dans les manifestations personnelles (divinités) du dieu impersonnel (Brahman), l'hindouisme est une religion polythéiste[42],[50] ; à ce titre, cette religion comporte une variété et une diversité de 330 millions de divinités (le chiffre est parfois considéré comme symbolique, du même nombre d'êtres vivants, selon quoi Dieu vit dans le cœur de tout être vivant, en tant que Sarvanetradhivasa, « Celui qui est présent dans les yeux de tous les êtres »[51]) .
96
+
97
+ « Si dans la Multitude nous poursuivons avec insistance l'Un, c'est pour revenir avec la bénédiction et la révélation de l'Un se confirmant dans le Multiple. »
98
+
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+ — Shrî Aurobindo[52].
100
+
101
+ L'hindou peut vénérer le Brahman sous la forme d'une divinité de son choix, sans pour autant rejeter l'existence d'autres divinités, considérant Ganesh, par exemple, comme l'incarnation suprême du Brahman (cet hindou sera un ganapatya, et shivaïte) : dans ce cas, l'hindouisme est un hénothéisme. Néanmoins, selon cet aphorisme du Brahmanoûtchîntamam :
102
+
103
+ « Celui qui adore un Dieu comme différent de lui, en pensant : "il est un autre. Je suis un autre", cet homme ne connait pas le Brahman : il est pareil à un animal pour les Dieux[53] »
104
+
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+ — Brihadaranyaka Upanishad, I-iv-10.
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+
107
+ Dans l'hindouisme, il n'y a pas de conflit entre polythéisme et monothéisme : la religion, la philosophie et les théories qui les accompagnent ne sont que des chemins qui tentent de décrire le Brahman (« Âme universelle »[43]) au-delà duquel il n'y a plus rien, et la manière de se fondre en lui.
108
+
109
+ Depuis Georges Dumézil qui a mis en lumière la fonction triadique dans les civilisations Indo-Européennes, un parallèle formel entre la trimurti et la trinité chrétienne peut être établi (ce qui n'induit pas un rapprochement théologique entre les traditions chrétiennes et hindoues) : en effet, en Inde, on représente la divinité comme triple, on appelle ce principe la trimurti dans le panthéon hindou : Brahma, Vishnu et Shiva, sont trois aspects du divin. Brahma désigne symboliquement le créateur (démiurge), Vishnu représente le conservateur et Shiva représente le destructeur dans le cycle de l'existence. Cette triple Nature se rapprocherait de l'énoncé de l'européen médiéval : spiritus, anima, corpus[54]. Un tel rapprochement entre Trinité chrétienne et Trimūrti a été notamment effectué par l'indianiste Alain Daniélou (à ne pas confondre avec son frère le théologien Jean Daniélou) dans Mythes et dieux de l'Inde mais ultérieurement critiqué par d'autres spécialistes (voir l'article Trimūrti pour plus d'informations).
110
+
111
+ L'hindouisme est une religion dont les différentes divinités sont considérées comme les formes différentes d'une même expression divine sous-tendue par une réalité ultime. La question sur la nature exacte de cette dernière (immanente ou transcendante, personnelle ou impersonnelle) dépend des différents courants. Selon Ananda Coomaraswamy, le culte des puissances de la nature dans l'hindouisme doit être compris dans le sens de natura naturans est deus, « lesdites puissances ne sont que les noms des actes divins »[55]. Depuis la Chandogya Upaniṣad[56], cette philosophie de l'unité divine est devenue très importante dans la littérature sacrée. Le mantra Tat Tvam Asi (तत्त्वमसि : Tu Es Cela) célèbre cette unité de la création avec son créateur, qu'il soit personnel ou impersonnel. Un épisode du Srimad Bhagavatam[57] met en avant cette réalité : le dieu Krishna, avatar de Vishnu, demande aux habitants de Vrindavan d'abandonner le culte d'Indra pour le sien, puisque Krishna se présente comme le Dieu suprême dont Indra n'est qu'un fragment.
112
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113
+ Les diverses incarnations (« descentes », avatar) de la Trimurti (Krishna est un avatar de Vishnou) sont des divinités majeures. Les divinités mineures sont des créations ou des procréations des divinités majeures. Ganesh, qui est une divinité importante dans l'hindouisme, est lié à Shiva en tant que procréation ou création selon les mythes développés à son sujet.
114
+
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+ La religion hindoue croit en l'existence d'entités célestes appelées devas (ou dévas).
116
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117
+ Le féminin de deva est devî (ou dévî). La question de la nature de ces devas peut être analysée selon ces trois points :
118
+
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+ Plus précisément, les textes hindous et la plupart des pensées Shivaïtes et Vishnouistes considèrent le deva comme une combinaison des deux premiers points de vue ; par exemple, Krishna est considéré par les krishnaïtes comme Îshvara et tous les dieux lui sont subordonnés, et simultanément tous les autres dieux sont vus comme les manifestations mondaines de Krishna.[réf. nécessaire]
120
+
121
+ Dans la Brihadaranyaka Upanishad (III.IX.1 à 9), Shakala demande au sage Yajnavalkya quel est le nombre exact de dieux (deva) ; Yajnavalkya répond : « trois cent trois et trois mille trois » (autant que mentionnés dans le groupe de mantras du Veda nommé Nivid des Vishvadeva, ce sont les « manifestations de la grandeur des dieux ») ; mais Shakala réitère la même question et Yajnavalkya répond : « trente-trois » (les huit Vasus, les onze Rudras, les douze Adityas, Indra et Prajapati) ; Shakala recommence à poser encore et encore la même question pour connaître le nombre exact de dieux et Yajnavalkya répond : « six » (le feu, la terre, l'air, l'espace atmosphérique, le soleil et l'espace céleste), puis « trois » (les trois mondes, triloka), « deux » (la nourriture et l'énergie vitale), « un et demi » (« le souffle de vie, qui circule partout ») pour en arriver à « un » : le dieu unique « est le souffle vital, et on le nomme Brahman, le lointain (tyat) » [60].
122
+
123
+ Quelle que soit la nature des devas (aussi appelés dévatâs), ils sont une partie intégrante de la culture hindoue. Les 33 devas védiques incluent Indra, Agni, Soma, Varuna, Mitra, Rudra, Prajâpati, Vishnu, Aryaman et les Ashvins ; les devîs importantes étaient Sarasvatî, Ûshâ et Prithivi. Indra est le roi des dieux (Vishnou, pour un vishnouite, est le Dieu des dieux).
124
+
125
+ Bien que la mythologie hindoue mentionne plusieurs classes d'êtres démoniaques (les rakshasas, les daityas, les dânavas, les pishâchas ou les non-dieux, les asuras), opposés aux esprits célestes (appelés devas), Gandarvas, Vidyadharas, elle ne croit pas au concept du Mal. « Les oppositions, dualités, polarités, sur lesquelles insiste tant l'hindouisme, ne sont pas constituées par des entités indépendantes, fixes, aux caractères immuables et contradictoires telles que le christianisme populaire se représente Dieu et le Diable[61]. » Cela signifie que le mal dans le monde n'est pas attribué à une force supérieure mais à l'ignorance humaine et donc comme une conséquence possible du libre arbitre et de la Nature. La mythologie indienne n'oppose pas le Bien contre le Mal : les batailles sont celles de classes d'êtres contre d'autres, d'une idée contre une autre, où les plus nobles sortent victorieuses.
126
+
127
+ On trouve parmi les dévas les lokapālas (les divinités du védisme recyclées dans le panthéon du sanatana dharma), les navagrahas (les neuf planètes de l'astrologie indienne).
128
+
129
+ Om (ou Aum) est un des symboles sacrés de l'hindouisme. C'est le son primordial qui surgit du chaos avant la Création, il est la source de l'existence.
130
+ Il est utilisé comme préfixe et parfois suffixe aux mantras hindous. Il représente la contraction des trois états de la matière : Sattva, Tamas et Rajas, et représente l'univers.
131
+
132
+ Écrit « Om », il est la contraction de Aum, « m » étant la résonance et « o », la vibration originale[62].
133
+
134
+ Le son Ôm (ou Aum, ॐ) est empli d'un message symbolique profond : il est considéré comme la vibration primitive divine de l'Univers qui représente toute existence, entourant toute nature dans Une Vérité Ultime[8].
135
+
136
+ Ainsi, le son, produit d'une façon prolongée, résultat de la combinaison de trois sons A-U-M (de la triade à l'unité), signifie « ce qui a été, est et sera », et possède, pour ceux qui se vouent à la méditation, une force à la fois magique et religieuse[8]. Une Upaniṣad affirme :
137
+
138
+ « Comme s'agglomèrent toutes les feuilles enfilées sur une tige qui les traverse, de même toute parole se fond dans le son OM. Le son OM est tout cet univers[8]. »
139
+
140
+ Des élaborations philosophiques, constituant la source de ce qu'on appelle aujourd'hui « hindouisme », ont été transmises oralement pendant des siècles et ont commencé à être transcrites dans la première moitié du Ier millénaire av. J.-C. Le système religieux et culturel qu'on appelle hindouisme s'est développé dans le sous-continent indien et n'est que rarement sorti de ses frontières[41].
141
+
142
+ L'hindouisme a développé des astika antiques, ou écoles orthodoxes (car acceptant l’autorité des Vedas) de philosophie, ou shaddarshana. Ces systèmes, ou « visions » (darshana), de l'hindouisme classique sont au nombre de six ; chacun d'entre eux est le fruit d'une longue élaboration dont témoigne une vaste littérature et sont tous de nature sotériologique, ont pour but d'atteindre la libération, la délivrance des transmigrations (मोक्ष, mokṣa)[41] :
143
+
144
+ Les nâstika ou écoles non-orthodoxes — qui ne sont pas discutées dans cet article — sont le jaïnisme, le bouddhisme, le sikhisme et le chârvâka, l'athéisme ancien classique de l’Inde, ne reconnaissent pas l'autorité brahmanique du Véda.
145
+
146
+ Certains courants considèrent l’hindouisme comme une religion hénothéiste ou même panenthéiste. Les diverses divinités et avatars adorés par les hindous sont considérés comme différentes formes de l’Un, le dieu suprême ou Brahman, formes adoptées qui seules sont accessibles à l’homme (on prendra garde à ne pas confondre Brahman, l’être suprême et la source ultime de toute énergie divine, et Brahma, le créateur du monde).
147
+
148
+ Ce chemin vers la connaissance suprême orthodoxe (jnanamarga), prôné par les six écoles hindouistes, reste le privilège d'une élite intellectuelle restreinte, le croyant populaire mélangeant souvent tous ces courants de pensée. Toutefois, trois grands courants théistes de l'hindouisme se démarquent de façon relativement importante dans toutes les couches de la population : le vishnouisme, le shivaïsme et le shaktisme[41]. À l'intérieur de ces courants, de nombreuses écoles se sont développées, qui se différencient surtout par leur interprétation des rapports existant entre Être suprême, conscience individuelle et monde, ainsi que des conceptions ésotériques qui en dérivent[41]. Les textes védiques (Vedas, Upanishads, etc.) constituent une référence pour les trois courants, même si chacun d'entre eux les complète par les textes (Purana-s, Gita-s, etc.) qui leur sont propres[41]. Ces textes ne s'excluent pas, car l'hindouisme admet la coexistence de voies différentes vers le salut (Moksha)[41]. Ainsi le choix d'un courant n'implique pas le rejet des autres[41].
149
+
150
+ L'hindouisme comportent plusieurs branches, les principales étant :
151
+
152
+ Chacun de ces cultes se pratique avec les mêmes moyens philosophiques ou de yoga, ce sont leurs méthodes qui diffèrent. Ces dénominations ne devraient pas être considérées comme des « Églises », parce qu'il n'y a aucun dogme central dans l'hindouisme, et les croyances individuelles sont toujours respectées. D'ailleurs, une importante majorité des hindous modernes peut ne pas se considérer comme appartenant à une dénomination précise.
153
+
154
+ Selon une estimation générale, les Vaishnavas constituent approximativement une majorité d'hindous à ce jour[réf. nécessaire], estimant que Vishnou personnalise le Brahman, le vénérant souvent par le biais, entre autres, des deux avatars — ou incarnations terrestres — de Vishnou, Râma et Krishna. Les hindous non-vishnouïtes sont le plus souvent des Shivaïtes (surtout localisés dans le Sud de l'Inde), qui considèrent Shiva ou ses fils comme le(s) représentant(s) du Brahman ; le reste assimile la Shakti au Brahman, Ishvari ou la déesse Kâlî/Durga. Mais, bien souvent, le croyant hindou possède chez lui les représentations de plusieurs de ces formes de Dieu (Ishvara).
155
+
156
+ Rishabhanatha (« Seigneur Taureau »), ou Rishabha (« Taureau »), est l'un des vingt-deux avatars de Vishnou dans la Bhagavata Purana[64],[65],[66]. Certains chercheurs affirment que cet avatar représente le premier Tirthankara du jaïnisme du même nom [67].
157
+
158
+ Dans l'hindouisme, Bouddha est considéré comme un Avatar de Vishnou. Dans les textes pouraniques, il est le vingt-quatrième des vingt-cinq avatars, préfigurant une prochaine incarnation finale[68]. Un certain nombre de traditions hindoues parlent du Bouddha comme du plus récent, précédant l'avatar à venir Kalkî, des dix avatars principaux connus sous le nom de Dashâvatar (Dix Incarnations de Dieu).
159
+
160
+ En parallèle des quatre périodes de la vie hindoue, l'hindouisme considère qu'il existe quatre buts à l'existence ou pouroushârtha. Les désirs humains étant naturels, chacun de ces buts sert à parfaire la connaissance de l'homme puisque, par l'éveil des sens et sa participation au monde, il en découvre les principes. Cependant, l'hindou doit se garder d'en être charmé, sous peine d'errer sans fin dans le cycle du samsâra.
161
+
162
+ Ces vers de Kâlidâsa résument parfaitement cette pensée :
163
+
164
+ « Enfants, ils s'attachent à l'étude ; jeunes gens, recherchent les plaisirs ; vieillards, pratiquent l'ascèse ; et c'est dans le yoga qu'ils achèvent leur existence. »
165
+
166
+ — (Raghuvamça[73])
167
+
168
+ La vie spirituelle d'un hindou est traditionnellement divisée en quatre stades ou âshrama[74]. Ces quatre stades sont étroitement liés aux quatre buts de la vie, chacun de ces stades permettant d'atteindre au mieux ces buts. Cette rigueur permettait d'accéder à une vie spirituelle remplie [note 11].
169
+
170
+ Aujourd'hui, ces observances ne sont plus suivies avec rigueur. La philosophie de la bhakti qui consiste dans le culte des dieux tend à supplanter cette tradition.[réf. nécessaire]
171
+
172
+ « Les quatre varnas assumaient avec rigueur leurs responsabilités. Les brâhmanes suivaient scrupuleusement les règles de vie recommandées par les textes : ils étaient pleins de foi, de douceur et de bonnes manières, savants connaisseurs des Védas et de leurs six branches[note 12]. Les kshatriyas, guerriers, s'exerçaient dans les vertus de courage, de fidélité et de détermination : ils étaient attachés au code d'honneur de leur varna. Les vaïshyas, commerçants, artisans et agriculteurs, remplissaient avec honnêteté et dévouement les devoirs de leur métier, sans penser à des gains illicites. Les shoûdras servaient avec joie les autres varnas, et ils étaient hautement respectés pour leur zèle par les brâhmanes, les kshatriyas et les vaïshyas. »
173
+
174
+ — Valmiki, Le Râmâyana[77].
175
+
176
+ La société hindoue a été depuis traditionnellement divisée à partir de ces quatre grandes classes, basées sur la place que l'homme a dans le rituel védique et la profession[10] :
177
+
178
+ Ces classes sont dénommées varna (« couleur ») et le système a été appelé Varna Vyavastha. Le système de varna est une partie intégrante de l'hindouisme, et il est strictement sanctionné par les textes du Véda[10]. Les textes de la Smriti (y compris les Lois de Manu) ont élaboré les règles de ce système. La Bhagavad-Gita résume précisément ces distinctions :
179
+
180
+ « Les devoirs des brâhmanes, kshatriya, vaishya, shudra se répartissent en fonction des qualités primordiales d'où vient leur nature propre. Sérénité, maîtrise de soi, ascèse, pureté, patience et rectitude, connaissance, discernement et foi, tels sont les devoirs du brâhmane selon sa nature. La vaillance, la gloire, la constance et l'adresse, le refus de la fuite, le don et la seigneurie, tels sont les devoirs du kshatriya selon sa nature. Soin des champs et du bétail, négoce, tels sont les devoirs du vaishya selon sa nature. Servir est le devoir du shudra selon sa nature. »
181
+
182
+ — Bhagavad-Gita, XVIII, 41-44, d'après la traduction d'Émile Senart, Les Belles Lettres, 1967.
183
+
184
+ Le système de castes basé sur la naissance, qui existe en Inde moderne, n'existait pas dans l'hindouisme védique antique. Un hymne célèbre du Veda indique ainsi :
185
+
186
+ « Je suis un poète, mon père est un médecin, le travail de ma mère est de moudre le blé… »
187
+
188
+ — (Rig-Veda[78] 9, 112, 3)
189
+
190
+ Précédemment, le système était seulement basé sur la profession, la place dans le rituel védique et le caractère, et il y a toujours eu des exemples où les gens ont librement changé de profession et se sont librement inter-mariés[79].
191
+
192
+ Selon Jean Herbert, « tout au long de l’histoire de l’Inde, on a discuté pour savoir si l’homme se rangeait dans l’une ou l’autre des castes par droit de naissance ou par les vertus dont il faisait preuve. Il y a dans le Mahâbhârata [Vana Parvan, chap. CLXXIX] un dialogue qui illustre bien ces deux conceptions [et dans lequel] Yudhishthira [dit a] Nahusha (en) : "Celui-là est brahmane, disent les sages, en qui se manifestent la vérité, la charité, le pardon, la bonne conduite, la bienveillance, l’observation des rites de son ordre et la compassion. (...) Un shûdra n’est pas shûdra exclusivement par sa naissance, et un brahmane n’est pas non plus brahmane exclusivement par sa naissance. Celui-là, disent les sages, chez qui l’on voit ces vertus est brahmane. Et les gens appellent shûdra celui chez qui ces qualités n’existent pas, même s’il est brahmane de naissance »[80].
193
+
194
+ Ce système fut fixé sur la naissance au début du Moyen Âge indien[81]. Ainsi, avec l'évolution de plusieurs sous-castes (avec une classe des intouchables hors du Varna Vyavastha), le système a évolué vers le système de castes comme nous le connaissons aujourd'hui.
195
+
196
+ Avec la modernisation, les différences des castes s'estompent dans l'Inde moderne, mais les tensions et les préjugés restent persistants, surtout envers les Intouchables (Dalit).[réf. nécessaire]
197
+
198
+ Le système des varnas s'explique théologiquement : dans l'hindouisme, on considère que la société sacrée est organisée selon l'équilibre du dharma (en sachant que l'épouse/parèdre de Dharma déva, dieu de l'Ordre sacré, est Ahimsâ dévî, déesse de l'universelle Non-violence, tous deux parents du Dieu-Roi Vishnu ; lorsque le dharma s'affaiblit, lorsque la violence envers les créatures gagne du terrain et la déesse Terre, Bhu dévi, est en danger — la Terre étant une des épouses de Vishnu —, Vishnu se fait justement avatâr, « descente » de Dieu sur Terre, pour tuer les démons fautifs qui engendrent le désordre cosmique, nient les divins parents de Vishnu — Dharma et Ahimsâ — et ce faisant font souffrir les vies, afin de redonner aux brâhmanes leur place primordiale qui maintient l'harmonie universelle où les autres varna sont tous respectueux de leur ordre, — dharma[82]). Cette organisation sacrée permet la régulation des rapports entre les hommes et de définir les actes qui leur incombent, afin de ne pas laisser prospérer l'orgueil, du moins au niveau communautaire. Ce souci d'équilibre a une origine doctrinale, car elle répond à la symbolique des gunas, ou qualités/saveurs. Aux trois gunas correspondent des couleurs (le noir, le rouge et le blanc) qui sont chacune associées à un varna. À l'origine, l'hindou ne naît pas dans un varna : il s'insère dans celle-ci en fonction du rôle qu'il est amené à jouer et des responsabilités qui lui reviendront. Beaucoup de textes mythologiques dénoncent l'usurpation au titre de brâhmane de certains personnages qui, sous couvert de la naissance, profitaient d'un statut valorisant sans s'acquitter de leurs devoirs. Mais, à la suite des invasions comme de la colonisation britannique, la règle s'est resserrée au profit des castes dirigeantes, enfermant les shûdras dans un statut de dominés par la société.[réf. nécessaire]
199
+
200
+ « Il n'est point d'entité, ni sur la terre, ni au ciel parmi les dieux, qui ne soit sujette au jeu de ces trois qualités (gunas) nées de la nature. Les œuvres des brahmanes, des kshatriyas, des vaïshyas et des shûdras se distinguent selon les qualités (gunas) nées de leur propre nature intérieure. »
201
+
202
+ — (Bhagavad-Gîtâ, XVIII, 40 et 41)
203
+
204
+ Ce faisant, selon la philosophie samkhya, la qualité principale du Brâhmane est le sattva, la qualité lumineuse harmonieuse de la connaissance transcendant le rajas (qualité active) et le tamas (qualité de l'ignorance passive), celle du kshatriya
205
+ est principalement un mélange de sattva et de rajas (ce dernier étant la qualité crépusculaire et dynamique faisant passer du sattva au tamas, ou l'inverse), celle du vaishya est un mélange de rajas et de tamas, et celle du shudra est principalement du tamas, qualité obscure et lourde de non-connaissance venant du moi (ce qui explique pourquoi même les enfants de Brâhmanes sont shudra tant qu'ils n'ont pas reçu l'initiation védique[10] : la connaissance brahmanique doit tuer la tendance naturelle de l'ego à obscurcir la conscience).
206
+
207
+ La croyance hindoue soutient que ce système est « naturel »[83],[84], qu'on le retrouve dans le règne animal (fourmis, abeilles et les mammifères vivant en troupeaux) et dans l'organisation familiale (respect et autorité des parents et ancêtres), comme dans la société. En effet, l'hindouisme ne fait pas de différence entre culture et nature, le dharma, devoir de chaque être, est une « loi naturelle », et l'humanité n'est pas vue en tant qu'entité homogène chargée de soumettre le monde et les autres êtres, mais nécessairement plurielle et vouée à se transformer, comme l'explique Michel Angot :
208
+
209
+ « L'anthropologie brahmanique n'est pas anthropocentrique. […] Les questions premières sont : Qui suis-je ? Où en suis-je dans l'échelle des êtres ? […] Ce que nous nommons l'homme n'est pas la mesure de toutes choses[note 13] ni le centre du monde, et l'univers n'est pas ordonné pour lui, sauf à considérer son orientation finale [Moksha]. Les frontières qui le séparent des autres catégories d'êtres sont perméables, ouvertes. Ni animal politique comme en Grèce, ni créature de Dieu destinée à dominer les animaux et le monde, l'homme est pénétré par le monde qu'il parcourt et intègre ce faisant. On le saisit instantanément sur l'échelle des êtres : il est shudra, kshatriya, brahmane, etc., mais cette hiérarchie instantanée n'est pas définitive, elle est une échelle à parcourir[85]. »
210
+
211
+ Du point de vue hindou, ce système serait évolutif et s'adapterait avec la société ; ainsi :
212
+
213
+ « Le système des varna proposait à tous un idéal en fonction duquel chaque groupe devait se situer et que la Bhagavad-Gîta décrit ainsi : « L'intrépidité, l'intégrité, la fermeté à acquérir, la science, la générosité, la maîtrise de soi, la pitié, l'humilité, l'ascèse et la droiture, la non-violence [envers les créatures], la véracité, la patience, le renoncement, la sérénité et la sincérité, la bonté pour tous les êtres, le désintéressement, la tendresse, la pudeur et la tranquillité, l'énergie, l'endurance, la volonté, la pureté, l'indulgence et la modestie, tels sont les traits de l'homme en marche vers le divin. » C'est évidemment le portrait du brâhmane idéal. Mais que l'on y regarde de plus près, ce qui est proposé à l'émulation et au respect de tous, c'est un ensemble de valeurs précises et qui vont à contre-courant non seulement des mentalités indiennes de ce temps là, mais de toute société concrète humaine ; la pauvreté et non la richesse, la non-violence et non la violence, l'ouverture à tous et non le chauvinisme, etc. »
214
+
215
+ — Le modèle indou, Guy Deleury[86].
216
+
217
+ Il existerait ainsi une distinction entre le système tel qu'il serait exprimé par les textes et son application courante. Aurobindo écrit : « Les paroles de la Gîtâ se rapportent à l'ancien système de chaturvarna, tel qu'il existait ou est supposé avoir existé en sa pureté idéale — fût-ce jamais autre chose qu'un idéal, une norme générale, suivis de plus ou moins près dans la pratique[87] ? »
218
+
219
+ Il est possible d'être rejeté de sa caste (surtout les brâhmanes, qui ont beaucoup plus de devoirs à honorer et de purifications à maintenir que le simple shudra, à qui l'on demande seulement de respecter et de servir l'autorité brahmanique et ceux qui la protègent — par la force physique (si l'on est kshatriya) ou par la richesse matérielle (si l'on est vaishya ou shudra), mais, pour cela, les fautes de l'individu doivent être relativement graves. En Inde, on reconnaît cinq péchés majeurs ou mahâpataka, le plus grave étant le meurtre d'un brahmane (ou brahmahatyâ), mais la consommation d'alcool, le vol, l'adultère avec la femme de son gourou et la protection de criminels sont également sévèrement punis. Perdre sa caste peut être douloureux pour un hindou, puisque vivre au sein d'une communauté soudée offre un certain nombre d'avantages et de protections.
220
+
221
+ L'hindouisme prescrit des devoirs universels, tels que l'hospitalité[88],[note 14], s'abstenir de blesser les êtres vivants ou non-violence (ahimsa), l'honnêteté (asteya), la patience, la tolérance, le contrôle de soi, la compassion (karuna)[89],[note 15], la charité (dāna)[90],[91],[92] et la bienveillance (kshama)[93], entre autres.
222
+
223
+ Ahimsâ, « épouse » ou shakti du primordial Dharma (« Devoir »)[94], est un concept qui recommande la non-violence et le respect pour toute vie, humaine et animale, et même végétale (voir les Bishnoï). Ahimsâ est assez souvent traduit par non-violence. En fait, ce terme signifie, dans son sens exact, non-nuisance à l'égard de tous les êtres vivants ou respect de la vie sous toutes ses formes. Dans un sens positif, ou actif, l'ahimsâ est synonyme de compassion, de générosité. La racine sanskrite est hims (« nuire ») avec le privatif « a ». L'ahimsâ est fondé sur une injonction védique :
224
+
225
+ « माहिंस्यात्सर्वभूतानि, mâhimsyât sarvabhûtâni (qu'on ne nuise à aucun être vivant)[95] »
226
+
227
+ Mais le terme ahimsâ apparaît pour la première fois dès les Oupanishads et dans le Raja-Yoga, c'est le premier des cinq yamas, ou vœux éternels, les restrictions indispensables du yoga. Les textes sacrés brahmaniques insistent beaucoup sur le fait que l'Ahimsâ et toutes les valeurs qui en découlent (amitié équanime, charité, abnégation altruiste, etc.) est l'éthique incontournable et fondamentale.
228
+
229
+ Cette pratique non-violente dans l'hindouisme est en lien étroit avec le végétarisme et la doctrine de la réincarnation des âmes qui pousse à voir comme un égal à soi-même tout ce qui vit ; à ce sujet, Bhishma dit dans le Mahâbhârata :
230
+
231
+ « La viande des animaux est comme la chair de nos propres fils[96] »
232
+
233
+ La croyance en la réincarnation est fondamentale dans le bouddhisme, le jaïnisme et l'hindouisme : nous avons été, nous sommes et nous serons (peut-être) tous des animaux au cours de nos innombrables vies. En réalité, selon l'hindouisme, du fait qu'il y a une infinité d'univers et que le cycle des réincarnations est sans commencement, tous les végétaux et animaux sont tous d'anciens humains qui n'ont pas réussi à accéder au Nirvâna[10]. Naître humain est donc vu comme une chance rare à ne pas gaspiller en désirs et actes égoïstes qui noient dans le samsara[97].
234
+
235
+ L'Ahimsâ est la notion philosophique de l'hindouisme (mais aussi du bouddhisme ou du jaïnisme) qui introduit le végétarisme comme norme dans l'alimentation. D'après certaines estimations, 85 % de la population hindoue[98] suit un régime végétarien (pas de viande, de poisson ni d'œufs ; les œufs non fécondés sont considérés comme aliments non végétariens, en Inde[97]) : surtout dans les communautés orthodoxes de l'Inde du Sud, dans certains États du Nord comme le Gujarat ou du Sud au Karnataka (où l'influence des jaïns est significative). Ce régime alimentaire est principalement fondé sur une nourriture à base de laitages et produits verts. Quelques-uns évitent même l'oignon et l'ail, qui sont considérés comme ayant des propriétés rajas, c'est-à-dire « passionnelles ». Dans l'Inde traditionnelle, un brahmane n'était rien sans sa vache, car elle lui fournissait l'offrande aux dieux la plus appréciée. Le svadharma (le dharma personnel) des brahmanes inclut le végétarisme, le brahmane étant appelé à mener une vie absolument pure (le Mahâbhârata déclare à ce sujet : « Qui est brahmane ? C'est celui en qui se manifeste la charité, le pardon, la bonne conduite, la bienveillance, la compassion et l'observation des rites de son ordre. Les gens en qui ces qualités n'existent pas sont des shudras, même s'ils seraient nés de parents brahmanes »). L'hindouisme encourage le végétarisme[99]. La consommation de viande, de poisson (et d'œufs fécondés) n'est pas promue, seulement tolérée, dans le cadre du rang que l'hindouisme lui a assigné dès les Védas : inférieur, non respectueux de l'ahimsâ et impur par rapport à un régime végétarien[10].
236
+
237
+ Certains brahmanes sont non seulement végétariens mais végétaliens, c'est-à-dire qu'ils ne consomment aucun produit d'origine animale (lait, etc.).
238
+
239
+ D'une façon générale, les Upanishads, déjà (à partir du VIe siècle av. J.-C.), soulignent que les bêtes et les humains sont semblables, puisque tous hébergent en eux l'âtman, et de ce fait sont les sanctuaires du Brahman (« Absolu », la plus haute notion de Dieu, dans l'hindouisme). C'est précisément parce que tous les êtres vivants sont le sanctuaire du Brahman qu'il n'y a pas en Inde de temple du Brahman, comme il y a des temples de Vishnou ou de Shiva[100].
240
+
241
+ On peut constater que dans la plupart des villes saintes hindoues, il existe une interdiction de tous les aliments non-végétariens et de tous les alcools, et une interdiction légale existe même sur l'abattage de bovins dans 22 États sur les 29 existants en Inde. Parmi ceux-là le fait de tuer une vache peut être puni de perpétuité. Le cuir d'une vache morte de cause naturelle est cependant acceptable.[réf. nécessaire]
242
+
243
+ La plupart des hindous voient la vache comme le meilleur représentant de la bienveillance de tous les animaux — puisqu’elle est l'animal le plus apprécié pour son lait, elle est vénérée comme une mère. La vache est le symbole du pouvoir du brâhmane et de l'Ahimsâ[101].
244
+
245
+ Le mot karma signifie « action ». L'hindou croit en une vie après la mort et avant la naissance, le corps n'étant qu'une enveloppe matérielle temporaire[102]. Le gourou Yājñavalkya enseignait qu'à sa mort chaque homme subissait une dissolution ; le corps retournait à la terre, le sang à l'eau, le souffle au vent, la vue au soleil et l'intellect à la lune, mais les « actions non rémunérées » (celles qu'on a produites sans en récolter les conséquences) se réunissaient pour s'incarner de nouveau en un être. De cette façon, la notion, présente dans les Upanishads, de la transmigration des âmes (ou jiva, c'est l'atman - qui, lui, est purement immatériel - dans ou avec le corps organique) et de leur renaissance, se joignait à celle du karma (littéralement, l'« action »)[8]. Cependant, selon l'anthropologue Robert Deliège, la croyance en la réincarnation n'est pas uniformément ancrée en Inde, il y a des variations selon les populations, les milieux sociaux, les régions[103].
246
+
247
+ Le karma était à l'origine le seul acte rituel[8],[10] ; mais par la suite, considéré comme moteur du samsâra, il est identifié à toute action déterminant de façon automatique non seulement la renaissance après la mort, mais aussi les formes de cette future existence et la situation que l'individu connaîtra dans sa nouvelle vie[8].
248
+
249
+ En d'autres termes, l'homme devient ce qu'il accomplit[8] ; les bonnes actions d'une existence antérieure améliorent les conditions de vie de l'existence à venir, tandis que de mauvaises actions les aggravent[8] : « On doit se considérer comme étant la cause unique de son bonheur et de son malheur, aussi doit-on s'en tenir au chemin salutaire, être sans crainte[104] ».
250
+
251
+ Aussi chaque individu détermine-t-il par la loi de maturation des actes son propre destin dans la vie à venir, le « théâtre » de son fruit renouvelé (il n'est pas question de récompense ou de punition, puisqu'il n'y a personne pour récompenser ou punir)[8].
252
+
253
+ Par ailleurs, dans cette succession sans commencement [note 16] d'existences en tant que créatures mortelles, l'âtman demeure l'essence invariable, indivisible, indestructible et propre à tout être vivant, malgré sa mutation permanente à travers le temps, représentant ainsi la continuité du moi au sein de la migration des âmes, « par quoi nous sommes identiques les uns aux autres et identiques aux puissances de l'univers[8] ».
254
+
255
+ Les différentes écoles de philosophie indienne enseignent plusieurs voies pour parvenir à la libération (moksha) de l'âme. À travers notamment la pratique du yoga, l'hindou peut choisir entre une variété de chemins tels que la dévotion (bhakti yoga), l'action désintéressée (karma yoga), la connaissance (jnana yoga) ou la méditation (raja yoga). La voie du bhakti yoga est la plus pratiquée car plus facile d'accès que les autres[105].
256
+
257
+ Selon Jean Herbert : « Aux yeux des hindous, le corps physique est à la fois un danger grave et une aide puissante. C’est là une des nombreuses ambivalences qui ne sont pas seulement des questions de vocabulaire, mais qui plongent profondément leurs racines dans la façon même dont les hindous se représentent les choses et les événements. Le corps, et plus particulièrement le corps humain, est précieux, car c’est seulement en l’employant que l’âme peut achever son évolution et parvenir à la libération. Même lorsqu’elle est arrivée dans un paradis, même lorsqu’elle a obtenu un corps divin, elle est obligée de redescendre sur la terre (karma-kshetra) pour y épuiser complètement son karma et se dégager définitivement du samsâra. « Les trois plus grands bienfaits, dit Shankara [dans le Viveka Chudamani], que puisse désirer une âme dans son évolution, sont une naissance humaine, la soif spirituelle, et le gourou qui doit la guider. Si elle réunit les trois, elle est certaine de parvenir à la libération ». Il ne faut donc pas traiter le corps avec mépris ; il faut le maintenir en excellent état[106]. »
258
+
259
+ Les pratiquants effectuent de nombreux rituels qui leur permettent au quotidien d'exprimer et de rythmer leurs vies religieuses. Au-delà des rituels, ils passent de longues heures à méditer et se consacrer à leur divinité (devata).
260
+
261
+ Les rituels peuvent être des offrandes, des purifications (ablutions, jeûne), la récitation de mantras ou de prières[8]. Parmi les cérémonies, on peut citer la puja (rite quotidien) et le homa.
262
+
263
+ Les rituels peuvent se faire dans les temples (mandir) mais les pratiquants ont aussi chez eux une section consacrée, un autel, pour la réalisation de leurs rituels.
264
+
265
+ Les temples hindous (mandir en hindi, koyil en tamoul) ont hérité des rites et des traditions riches et anciennes, et ont occupé une place particulière dans la société hindoue. Ils sont d'habitude dédiés à une divinité primaire, appelée la divinité tutélaire, et à d'autres divinités subalternes associées à la divinité principale. Cependant, quelques temples sont dédiés aux multiples divinités[107]. La plupart des temples majeurs sont construits par les agama-shastras et beaucoup sont des sites de pèlerinage. Pour beaucoup d'hindous, les quatre shankaracharyas, fonctionnaires religieux chargés de donner des conseils religieux[75] (les abbés des monastères de Badrinath, Puri, Sringeri et Dwarka — quatre des centres de pèlerinage les plus saints — et parfois un cinquième, celui de Kanchi) sont considérés par les hindous comme les quatre plus hauts patriarches. Le temple est un lieu pour le darshan (la vision de l'être-divin), pour la pūjā (le rituel), la méditation, parmi les autres activités religieuses. La pūjā ou adoration, utilise fréquemment l'aide d'une mūrti (la statue ou l'icône dans laquelle la présence divine est invoquée) conjointement avec des chants ou des mantras. La vénération de ces murtis est faite tous les jours dans un temple.
266
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267
+ Le swastika[108] est un signe bénéfique[109], d'origine très ancienne, il se retrouve dans de nombreuses civilisations et symbolise la révolution du soleil et les forces cosmiques. Tourné vers la droite, il est lié à l'Ordre brahmanique, au Dharma, et représente le jour ; tourné vers la gauche, il est lié au Temps qui s'écoule au sein de la Nature/Prakriti et représente la nuit et la déesse Kâlî ; on l'appelle alors sauvastika[110]. Sa composition en 4 branches, branches dépendantes les unes des autres pour former l'unité harmonieuse du tout bien équilibré, est le symbole même des 4 buts de la vie (Kâma, Artha, Dharma et Moksha), des 4 Vedas, des 4 varna (Brâhmane/enseignant, Kshatriya/défenseur, Vaishya/paysan-artisan et Shudra/serviteur) et des 4 périodes de la vie[111]. Avec ses 4 branches qui convergent vers un même point, le bindu, il symbolise aussi le chiffre 5, avec les 5 éléments dont le bindu représente l'éther, la source de la création, et, par extension, le Nirvâna, état de l'être où l'on n'est plus soumis aux forces opposées de la Nature, transcendant les différentes catégories de créatures dépendantes de tel ou tel conditionnement physique qu'incarnent les 5 éléments. Enfin, le svastika exprime à lui seul une maxime védique enseignant la pluralité nécessaire des points de vue en ce qui concerne l'approche de la vérité (« Vérité », qui est, dans l'hindouisme, un des noms de Dieu[97]) : Ekam sat anekâ panthâ, « la vérité est une, les chemins sont multiples »[112], le bindu central (des quatre branches réunies du svastika) exprimant la vérité (ou l'Être) unique que l'on peut toujours approcher par divers chemins de connaissance, même si l'origine de ces chemins est toutefois différente, inverse (chemins de savoir interdépendants représentés par les quatre ramifications du svastika). Du fait de ce poids symbolique très important, qui va bien au-delà d'un simple aspect décoratif, le svastika se trouve être une forme sacrée relativement omniprésente dans le monde hindou.
268
+
269
+ Véritable art rituel, la danse classique indienne naît dans les temples[113].
270
+
271
+ Plusieurs siècles avant l'ère chrétienne, les grands sanctuaires utilisent les talents des jeunes danseuses[113].
272
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273
+ Artistes sacrées, elles sont attachées au temple, portent le nom de devadasi (« esclaves de dieu »), et participent aux cérémonies d’offrandes et d'adoration[113].
274
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+ Lorsque, plus tard, la danse sera pratiquée à la cour des princes, elle conservera cette inspiration religieuse[113].
276
+
277
+ L'Inde classique a connu deux grands types de danse :
278
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279
+ L'environnement dans l'hindouisme a une grande importance. Sanâtana-dharma renvoie à la conception d'une essence éternelle du cosmos, la qualité qui lie tous les êtres humains, animaux et végétaux à l'univers alentour et éventuellement à la source de toute existence[114],[41].
280
+
281
+ Cette perspective se retrouve clairement dans les Lois de Manu (qui indiquent les moyens de se purifier d'actes impurs), où l'on indique plusieurs fois que l’ahimsa (« non-violence ») — dharma/devoir premier à cultiver — ne concerne pas seulement le règne animal, mais aussi le règne végétal et l'environnement de manière générale[115] : On y indique ainsi que celui qui a rendu impure l'eau, d'une quelconque manière que ce soit, doit pratiquer l'aumône pendant un mois pour se purifier de cette mauvaise action/karma[115] ; que celui qui blesse, même sans volonté de nuire, des arbres fruitiers et d'autres végétaux divers, doit, toujours pour se purifier, répéter cent prières du Rig-Véda[115] ou suivre toute une journée une vache en signe d'humilité et ne s'alimenter que de son lait[115]. Ces mesures purificatoires sont là pour rappeler que l'environnement, les végétaux et les éléments naturels (comme l'eau, etc.), sont à respecter, car ils sont aussi l'émanation du Brahman (« Âme universelle ») : les détruire ou blesser à bien des conséquences karmiques néfastes que l'on doit éviter ou éliminer par une quelconque ascèse[115].
282
+
283
+ Les Bishnoïs (ou Vishnoï) sont les membres d'une communauté créée par le gouroû Jambeshwar Bhagavan, appelé communément Jambaji (1451-?), surtout présente dans l'État du Rajasthan, majoritairement dans les régions de Jodhpur et de Bîkâner, et dans une moindre mesure dans l'État voisin de l'Haryana en Inde.
284
+ Les Bishnoïs suivent vingt-neuf principes édictés par leur gouroû et se caractérisent par leur végétarisme, leur respect strict de toute forme de vie (non-violence, ahimsa), leur protection des animaux ainsi que des arbres, leur adoption d'une tenue vestimentaire particulière[116]. On les définit souvent comme ayant une forte conscience écologique. Les Bishnoïs vivent paisiblement dans des villages isolés loin des centres de peuplement et sont environ sept millions en Inde. Ils font partie des hindous qui enterrent leurs morts, (les sadhus, sannyasins, yogis, sont eux aussi enterrés), du fait que l'on ne puisse couper du bois d'arbre vivant pour réaliser la crémation[117].
285
+
286
+ Les fêtes dans l'hindouisme occupent une place visible et incontestable dans la pratique de la religion hindoue. Exceptées les fêtes les plus populaires, comme celle de Holî, de la naissance de Krishna ou de Divālī, la fête des lumières, qui sont célébrées dans toute l'Inde, la plupart des célébrations ont une importance surtout locale[41].
287
+
288
+ Habituellement, le déroulement de la fête est centré sur un grand char richement orné portant les images des divinités du temple, et qui est tiré à travers le village ou la région tout entière[41].
289
+
290
+ L'une des fêtes les plus connues est celle qui se tient à Puri (en Orissa) en l'honneur de Krishna-Vishnou qui représente à cette occasion les figures de Jaqannatha (« seigneur du monde »), de son frère Balarama et de sa sœur Soubhadra[41].
291
+
292
+ On peut également citer Janmâshtami, « huitième jour de naissance », fête de la nativité de Krishna, au mois d'août. Une poupée représentant Krishna bébé est placée dans une crèche, autour de laquelle la famille veille une grande partie de la nuit en récitant des invocations et des chants. Le jeûne est souvent observé à l'occasion de cette cérémonie.[réf. nécessaire]
293
+
294
+ L'Inde, le Népal et l'île Maurice sont des nations majoritairement hindouistes. Jusqu'en mai 2006, le Népal était le seul État dans le monde dont la religion officielle était l'hindouisme, jusqu'à ce que le Parlement proclame le principe de laïcité dans ce pays[118] (ce qui ne change rien en soi pour la pratique religieuse, puisque l'hindouisme, qui a plusieurs branches différentes, n'a aucune Église officielle à laquelle un quelconque État peut s'associer).
295
+
296
+ Depuis le XIXe siècle, une diaspora indienne s'est constituée. Ainsi, on trouve actuellement des minorités hindouistes notables dans les pays suivants (estimation 2010[119], sauf mention contraire) : le Bangladesh (11,7[120] à 13,5 millions) l'Indonésie (4 millions), le Sri Lanka (2,8 millions), les États-Unis (1,8 million), la Malaisie (1,7 million), le Pakistan (1,3[121] à 3,3 millions), l'île Maurice (0,7 million), l’Afrique du Sud (0,6 million) le Royaume-Uni (0,8 million), la Birmanie (0,8 million) le Canada (0,5 million), l'Australie (0,3 million), la Trinité-et-Tobago (0,3 million), Singapour (0,26 million), les Fidji (0,24 million), le Guyana (0,2 million), le Suriname (0,1 million), etc. L'hindouisme se répand notamment en Afrique, non par le biais seul d'une diaspora indienne, mais par l'adhésion des Africains eux-mêmes, notamment au Ghana et au Togo[122] (l'hindouisme est la religion à la plus forte croissance au Ghana[123]).
297
+
298
+ Certains États comme le Bangladesh et le Sri Lanka abritent une importante minorité hindoue : cela est dû au fait que ces États constituaient une partie de l'Inde avant la partition en 1947. Au Sri Lanka, la minorité tamoule (majoritairement composée de hindous, mais aussi de chrétiens et de musulmans) a subi un génocide organisé par les nationalistes bouddhistes et l'armée cinghalaise : c'est le sujet du livre The Tamil Genocide by Sri Lanka de Francis Anthony Boyle. Comme au Pakistan, la minorité hindoue au Bangladesh a subi de nombreuses persécutions de la part des islamistes (comme les violences anti-hindoues de 2013) ; ces violences et persécutions anti-hindoues au Bangladesh sont le sujet du célèbre livre Lajja de Taslima Nasreen.
299
+
300
+ L’Asie du Sud-Est a été largement convertie à l'hindouisme depuis le IIIe siècle. Il en reste un grand nombre de monuments, comme la ville-temple d’Angkor Vat au Cambodge ou les temples de l'île de Java en Indonésie, ainsi que la grande popularité des épopées du Mahabharata et du Ramayana. L'influence dans la danse est moins évidente. L’île indonésienne de Bali est ainsi marquée par une forte influence hindoue, avec des éléments bouddhistes et surtout d'un animisme local, indonésien (mais qui se réfère à la trimurti), le syncrétisme étant plus facile dans ces cultures (l'hindouisme brahmanique étant à sa façon lui aussi un « animisme », mais toujours basé sur des philosophies systématiques universelles et non des croyances éparses, non classifiées et à tendance tribale). La culture javanaise est encore fortement imprégnée d'éléments indiens, et il reste des enclaves d'hindouisme à Java. La Thaïlande et l'Indonésie ont comme armoiries nationales Garuda, le véhicule de Vishnou, que l'on retrouve également dans le nom de la compagnie aérienne nationale, Garuda Indonesia.[réf. nécessaire]
301
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302
+ L'hindouisme, qui est un mot valise pour désigner un ensemble de rituels, de pratiques religieuses, de philosophies, de métaphysiques et de courants de pensée existant depuis longue date, a été inventé au XIXe siècle sous la colonisation et la domination britannique en Inde. Depuis, les controverses sont nombreuses.
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+ Dieu (hérité du latin deus, lui-même issu d'une racine indo-européenne *deiwos, « une divinité », de la base*dei-, « lueur, briller » ; prononciation : Écouter) désigne un être ou force suprême structurant l'univers ; il s'agit selon les croyances soit d'une personne, soit d'un concept philosophique ou religieux. Principe fondateur dans les religions monothéistes, Dieu est l'être suprême, unique, transcendant, universel, créateur de toutes choses, doté d'une perfection absolue, constituant le principe de salut pour l'humanité et qui se révèle dans le déroulement de l'histoire[2]. Comme entité philosophique, Dieu est le principe d'explication et d'unité de l'univers[3].
4
+
5
+ L'existence réelle d'un être suprême et les implications politiques, philosophiques, scientifiques, sociales et psychologiques qui en découlent font l'objet de nombreux débats à travers l'Histoire, les croyants monothéistes appelant à la foi, tandis qu'elle est contestée sur les terrains philosophique et religieux par les libres-penseurs, agnostiques, athées ou croyants sans Dieu.
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7
+ La notion de Dieu revêt un considérable impact culturel, notamment dans la musique, la littérature, le cinéma, la peinture, et plus généralement dans les arts. La représentation de Dieu et la façon de nommer Dieu varient en fonction des époques et systèmes de croyances.
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9
+ Le mot « dieu » vient du latin deus, lui-même issu de la racine indo-européenne dei- « briller » qui, élargie en deiwo- et en dyew-, sert à désigner le ciel lumineux en tant que divinité ainsi que les êtres célestes par opposition aux êtres terrestres, les hommes[4]. Étroitement liée à cette notion de lumière, c'est la plus ancienne dénomination indo-européenne de la divinité qui se retrouve dans le nom du dieu grec Zeus dont le génitif est Dios. De la même racine est issue la désignation de la lumière du jour (diurne) et du jour, lui-même (dies en latin)[5].
10
+
11
+ Dans la langue française, le mot est attesté dès le tout premier texte français[4], les Serments de Strasbourg, en 842 sous les formes Deo au cas régime et Deus au cas sujet[6],[7]. Dans ce texte, le terme désigne avec une majuscule la divinité du monothéisme chrétien. On trouve ensuite Deu et Dieu aux XIe et XIIe siècles[4]. Il indique également une divinité du polythéisme à partir du XIIe siècle[4]. Considéré comme un nom propre, le nom « Dieu » prend alors une majuscule[8] ainsi que les métonymies ou les pronoms qui s'y substituent[9].
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+ Les termes qui désignent Dieu dans les langues germaniques (𐌲𐌿𐌸 Guþ en gotique, Gott en allemand, God en anglais et en néerlandais, Gud dans les langues scandinaves, Guð en islandais) ont une autre origine, elle aussi indo-européenne, liée à la notion d'« appel » ou d'« invocation »[10]. Sa plus ancienne mention écrite se trouve dans le Codex Argenteus, au VIe siècle. Ce Codex est une copie de la traduction de la Bible effectuée selon l'alphabet inventé par l'évêque Wulfila deux siècles plus tôt.
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+ Les termes qui désignent Dieu dans les langues slaves (Бог en biélorusse, bulgare, macédonien, russe, serbe, ukrainien ; Bog en croate ; Bóg en polonais ; Bůh en tchèque) sont issus du proto-slave bogъ lui-même issu de l'indo-européen bhag-[11].
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+ Dans le Tanakh (la Bible hébraïque), le Nom sacré par excellence s'écrit YHWH et ne se prononce pas[note 1].
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+ Le nom de « Dieu » en arabe est « Allah » (الله) issu de l'arabe préislamique ʾilāh-[12].
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+ Dans le calendrier, le nom dimanche[13] vient du titre « Seigneur » donné dans la plupart des religions chrétiennes aussi bien à Dieu qu'à Jésus. Il est aussi donné indirectement, dans plusieurs langues romanes, au jeudi, jadis consacré à Jupiter[14].
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+ Le concept de Dieu possède des aspects religieux et métaphysiques très divers, ce qui rend particulièrement difficile sa définition[15]. Certains auteurs estiment même que Dieu est si grand qu'il échappe à toute tentative de définition par des mots humains[16]. C'est en particulier le cas de ceux qui s'inscrivent dans une approche apophatique. Ainsi, par exemple, Jean Scot Erigène a pu écrire :
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+ « Nous ne savons pas ce qu'est Dieu. Dieu lui-même ignore ce qu'il est parce qu'il n'est pas quelque chose. Littéralement Dieu n'est pas, parce qu'il transcende l'être. »
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+ Et le Pseudo-Denys l'Aréopagite :
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+ « Là, dans la théologie affirmative, notre discours descendait du supérieur à l'inférieur puis il allait s'élargissant au fur et à mesure de sa descente; mais maintenant que nous remontons de l'inférieur jusqu'au Transcendant, notre discours se réduit à proportion de notre montée. Arrivés au terme nous serons totalement muets et entièrement unis à l'Indicible. »
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+ — Pseudo-Denys l'Aréopagite, De la théologie mystique.
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+ Abordée au XIXe siècle, l'étude de l'évolution religieuse de l'humanité est un champ de recherches longtemps délaissé, victime d'une part de conceptions souvent « évolutionnistes » sous-tendant la démarche — présupposant un « sens » de l'histoire jalonné d'étapes précises, ou fondé sur l'idée de l'accomplissement d’une rationalité immanente — et, paradoxalement, victime de la spécialisation de la recherche au fil de l'accroissement de la connaissance des religions elles-mêmes. Certains grands noms de la sociologie des religions, parmi lesquels Émile Durkheim, Marcel Mauss, Georg Simmel et Max Weber[17], ont cependant jeté les bases de cette étude. Le sociologue des religions Yves Lambert, développant une grille d'analyse avancée par Karl Jaspers, a proposé la poursuite de cette approche par la sociologie historique et comparée des religions afin de présenter des clefs d'analyse pour l'appréhension du « fait » religieux, sans éluder la singularité de chacun des grands ensembles religieux. Jaspers a souligné la contemporanéité de changements radicaux intervenus à travers de grandes aires civilisationnelles — en Iran, en Palestine, en Grèce, en Inde ou en Chine — entre le VIIIe et le IIIe siècle av. J.-C. — particulièrement au VIe siècle av. J.-C. —, permettant l'apparition d'innovations culturelles fondamentales — parmi lesquelles l'unicité et l'universalité de Dieu — dans un processus qualifié par Jaspers de « période axiale »[18].
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+ Suivant Yves Lambert[19], une religion est à considérer comme une « organisation supposant l'existence d'une réalité supra-empirique avec laquelle il est possible de communiquer par des moyens symboliques (prière, rites, méditations, etc.) afin de procurer une maîtrise et un accomplissement dépassant les limites de la réalité objective »[20]. Cinq types de religions peuvent être distingués, qui correspondent à autant de moments « nouveaux » de l'histoire humaine, sans qu'il faille y voir pour autant une forme « évolutive », les modèles émergents n'étant pas exclusifs des précédents : aux premières religions connues — celles des peuples de chasseurs-cueilleurs — succèdent les religions orales agraires corrélatives à la sédentarisation, au développement de l'agriculture et de l'élevage. L'apparition des grandes civilisations antiques s'accompagne de l'émergence des polythéismes après lesquels apparaissent les religions du salut et enfin la transformation de celles-ci à partir de l'époque moderne, au XVIe siècle. L'apparition du concept de « Dieu » s'opère à l'époque de l'« âge axial » qui, suivant Jaspers correspond à « la naissance spirituelle de l'homme »[21].
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+ La religion mésopotamienne se distingue des religions orales agraires par différentes caractéristiques telles que l'apparition d'un panthéon, d'épopées, d'une caste sacerdotale nombreuse et hiérarchisée, de grands édifices religieux, de théodicée, etc. La plus ancienne liste de dieux connue figure sur des tablettes datant du XXVIIe siècle av. J.-C. et compte les noms de 560 dieux[22].
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+ Les dieux locaux perdent peu à peu de leur prestige au fil de la domination étrangère pour constituer progressivement un « polythéisme au seuil du monothéisme »[21]. C'est à cette époque, vers le VIe siècle av. J.-C. qu'apparaît au sein du peuple hébreu la mutation d'une monolâtrie — caractérisée par un aniconisme inédit — au monothéisme[23] et qu'émergent « l'Unicité et la Transcendance absolues de Dieu »[24].
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+ Dès le XIVe siècle av. J.-C., le règne d'Akhenaton est le cadre d'une brève révolution monothéiste fondée sur le culte d'Aton dont la portée réelle est discutée. L'archéologue Alain Zivie souligne que les changements radicaux n'ont peut-être atteint que les élites, la cour royale et les grands temples, « avec de nettes limites géographiques aussi bien que thématiques et conceptuelles »[25]. Ce culte s'effondre dès la disparition de ce pharaon[26]. On a longtemps voulu y puiser l'origine du monothéisme biblique, ce qui est contesté par les historiens actuels[27] : le monothéisme juif n'apparaît que huit siècles plus tard et ne revêt sa forme « exclusive » actuelle qu'au cours du VIe siècle av. J.-C.[28], au retour du peuple juif de l'exil de Babylone[29],[27].
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+ Pour Mireille Hadas-Lebel, l'idée du Dieu unique, à la fois créateur, miséricordieux et tout-puissant, s'est faite au terme d'une lente évolution dans le cas du monothéisme juif, qui était au contact de cultures et d'empires polythéistes[30]. Citant à ce propos Marcel Gauchet, l'historienne souligne la nécessité d'une « extraterritorialité » religieuse pour le peuple juif : celui-ci peut alors s'affranchir du pouvoir impérial et du « culte de souverains puissants aisément divinisés par leurs sujets ».
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+ Le monothéisme judaïque s'élabore dans un contexte plus propice à de telles idées : le roi babylonien Nabonide tente de faire du dieu lunaire Sîn le dieu unique de son empire, en Grèce, les présocratiques défendent l'unicité de la divinité contre le panthéon et les successeurs achéménides de Cyrus II le Grand — considéré lui-même comme un messie de YHWH — influencent le monothéisme judéen en faisant d'Ahura Mazda le dieu officiel de l'empire[31].
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+ Le zoroastrisme est la première religion attestée proposant un salut éternel[32]. Également appelé « mazdéisme », elle doit son nom à Zoroastre ou Zarathustra, apparaissant probablement à une époque que les spécialistes contemporains situent — malgré le silence des textes sacrés à ce sujet[33] — vers le IXe siècle av. J.-C., avant qu'elle devienne la religion officielle du royaume de Darius Ier, vers 520 av. J.-C.[32]. La minceur des sources conservées, composées à peine d'une vingtaine de Gathâs[34], des hymnes en vieil-avestique longtemps transmis oralement[35], pose des problèmes d'interprétations considérables qui partagent les chercheurs entre deux types d'interprétations[36].
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+ La première[32] fait du zoroastrisme la première religion monothéiste faisant état d'un salut dans un autre monde[37]. Ce point de vue se fonde sur deux observations, d'une part le rejet des daivas[38], les dieux traditionnels, et d'autre part l'omniprésence d'un seul dieu dans ces textes, une divinité unique dûment nommée, Ahura Mazda, le Maître attentif[39]. Celui-ci, dont dérive le terme mazdéisme, est le dieu unique et créateur qui se révèle à Zoroastre et dont le règne doit s'établir à l'issue de la lutte dualiste entre le Bien et le Mal, personnifiés par deux agents divins jumeaux créés par Ahura Mazda qui est assisté par six « Immortels bienfaisants », six Entités[40] qu'il a suscitées pour aider l'homme à faire le bien[32].
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+ La seconde[36] y voit le fruit de l'évolution religieuse d'un culte assez proche du védisme, en réformant les dérives ritualistes et sacrificielles mais conservant sa nature polythéiste[41] ; toutefois, cette dernière position peut admettre un processus de monothéisation allant de pair avec un processus de théogenèse qui continue de peupler le panthéon de divinités nouvelles[39].
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+ Si Zoroastre a pu être monothéiste — ou monolâtre[42] —, il apparaît que ses héritiers inclinent vers une re-polythéisation, divinisant les Entités et réintroduisant des divinités antérieures dans une évolution qui peut faire penser à l'Égypte et diverge radicalement de celle du yahwisme judaïque. Cette tendance s'accentue au sein de l'empire perse[43], dans un processus de re-mythologisation qui conserve et accentue le dualisme[44]. L'influence du zoroastrisme est débattue mais il est possible qu'elle ait existé dans une certaine mesure sur le judaïsme à partir de la libération des Israélites de Babylone par Cyrus II en 539 av. J.-C., à une époque où apparaissent les notions de résurrection, de jugement et de royaume de Dieu, sans qu'on puisse toutefois prouver formellement ces possibles emprunts[45].
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+ Quand un monothéisme accepte la coexistence avec le polythéisme ou conçoit sa divinité « nationale »[27],[46] comme simplement « supérieure » à d'autres, on parle plutôt de « monolâtrie » ou d'« hénothéisme »[47], termes de création récente[27].
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+ Dans le judaïsme antique, si un premier yahvisme monôlatrique remonte probablement à la sortie d'Égypte, on ignore comment le dieu Yahvé devient précisément le dieu national des deux royaumes de Juda et d'Israël[48]. Yahvé revêt alors de multiples formes, fonctions et attributs : il est vénéré comme une divinité de l'orage à travers une statue bovine dans les temples de Béthel et de Samarie[49] alors qu'à Jérusalem, il est plutôt vénéré comme un dieu de type solaire[48].
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+ Le Deutéronome — proposant toujours une formulation monolâtrique qui ne nie pas encore les autres dieux[50] — semble avoir été écrit vers 622 av. J.-C. quand le roi Josias entend faire de YHWH le seul Dieu de Juda et empêcher qu'il ne soit vénéré sous différentes manifestations comme cela semble être le cas à Samarie ou à Teman[51], dans l'idée de faire de Jérusalem le seul lieu saint légitime de la divinité nationale[52].
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+ L'émergence du monothéisme judaïque « exclusif » est liée à la crise de l'Exil. En 597 av. J.-C., l'armée babylonienne défait le royaume de Juda, l'occupe et déporte en exil à Babylone la famille royale et les classes supérieures. Dix ans plus tard, les Babyloniens ruinent Jérusalem et détruisent son Temple ; s'ensuit alors une deuxième déportation. C'est au sein de cette élite déportée et de sa descendance que l'on trouve la plupart des rédacteurs des textes vétérotestamentaires qui vont apporter la réponse du monothéisme au terrible choc et la profonde remise en question de la religion officielle engendrés par cette succession de catastrophes[53].
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+ Non seulement la défaite n'est pas due à l'abandon par YHWH, mais c'est au contraire l'occasion de le présenter comme seul et unique Dieu : dans les récits que les intellectuels judéens écrivent alors, la destruction de Jérusalem, loin d'être un signe de faiblesse de YHWH, montre la puissance de celui qui a instrumentalisé les Babyloniens pour punir ses rois et son peuple qui n'ont pas respecté ses commandements. YHWH devient dès lors, au-delà de son peuple, le maître des ennemis de Juda[54].
66
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+ Ainsi les rédacteurs du Deutéronome articulent leur réflexion théologique sur le thème de l'« élection » qui permet de répondre à la question que pose la conception d'un dieu unique de l'univers entier et de sa relation spéciale avec le peuple d'Israël : c'est alors tout le peuple — se substituant au roi — qui devient l'élu de Dieu sur un mode d'exclusion, interdisant parfois le contact avec les peuples idolâtres[55]. Le concept de « communauté d'Israël » apparaît alors et le culte de YHWH devient le ciment de l'identité judéenne[56].
68
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+ Suivant Wilfred Monod, « le Dieu des philosophes grecs ne prétend pas rendre raison de l'origine de l'Univers, mais seulement de l'ordre et de la hiérarchie qui s'y découvrent, au-dessus des choses soumises à la génération et à la corruption »[57].
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+ La philosophie antique, si elle a largement influencé les réflexions classiques et modernes sur Dieu, ne s'est paradoxalement qu'assez peu intéressée aux questions divines, considérant que le nombre important de dieux — les Grecs nourrissent le sentiment d'un monde tout entier habité par le divin[58] — ne méritait pas un chapitre singulier de la philosophie[59]. Par exemple, dans l'œuvre d'Aristote, qui alimente de manière considérable les réflexions théologiques tant juives que chrétiennes ou musulmanes[60], seule une portion ténue est consacrée à la question du divin[61]. Ainsi, contrairement à la plupart des lectures rétrospectives qui en seront faites, lorsque Aristote évoque le divin (to théon), il s'agit d'un « universel abstrait », un être primordial, autosuffisant mais qui n'est nullement un « Dieu » unique et transcendant au monde[58].
72
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73
+ Ce n'est qu'au IIIe siècle, avec le néoplatonisme, lorsqu'une concurrence intellectuelle et morale se produit avec le christianisme émergent, que des philosophes comme Plotin, Porphyre ou Proclus font des questions théologiques l'objet principal de leur réflexion intellectuelle. Plotin (207-270) promeut l'idée du « Un » (en grec : to en), un principe premier transcendant qui domine la réalité[58] et qui n'est connaissable qu'au travers de ses attributs.
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+ Les religions abrahamiques[note 2] voient Dieu comme le principe créateur, selon l'analyse de Mireille Hadas-Lebel : « Chez les Grecs, l’idée d’un principe unique qui anime le monde relevait de la philosophie. Chez les Juifs, il n’y avait peut-être pas de philosophes, mais cette idée de principe unique, cette intuition que l’on appelle monothéisme, était commune à tous, du plus grand au plus humble, et s’accompagnait de l’interdit de la représentation de la divinité, ce qui, dans un environnement idolâtre, paraissait la chose la plus étrange du monde.Ce Dieu n’était cependant pas un principe abstrait, mais une force tutélaire : roi, père, juge qui veillait sur les Hommes et exigeait d’eux un comportement moral dont aucune divinité de l’Olympe ni de l’Orient antique ne pouvait donner l’exemple. Tel est le Dieu que prient encore aujourd’hui les Juifs »[62].
76
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77
+ Il se peut que le culte de YHWH ait été prédominant parmi les Hébreux dès le Xe siècle av. J.-C.[63], opposé à un polythéisme dès lors minoritaire. Cette hypothèse se fonde notamment sur l'étude statistique des occurrences des noms yahvistes[64]. Toutefois, suivant une partie de l'exégèse moderne du début du XXIe siècle, l'idée de YHWH comme étant le Dieu unique apparaît pendant la période perse à la suite d'une réflexion monothéiste qui aboutit à l'affirmation — dans une polémique anti-idolâtrique — de cette unicité que l'on retrouve dans le Livre d'Isaïe[65] rédigé dans une période comprise entre la moitié du VIe et le début du Ve siècle av. J.-C.[66], le seul parmi les livres prophétiques bibliques à affirmer cette unicité[67]. Probablement influencée par les conceptions religieuses des Achéménides[68], cette conception devrait également beaucoup à l'approfondissement de la tradition aniconique, le rejet des images étant un trait fondamental du judaïsme qui semble remonter aux origines de celui-ci[69].
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+ Les religions abrahamiques sont monothéistes, elles affirment l'existence d'un Dieu unique et transcendant.
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+ Au Moyen Âge, sous l'impulsion de la pensée arabe et grecque, la pensée juive élabore une théologie d'où ressort, entre autres, un principe énoncé par Saadia Gaon : « la pensée humaine, don de Dieu, est valide et source de vérité à l'égal de la Révélation ». Dès lors, la rationalité pour appréhender Dieu est légitimée comme devoir religieux, ce qui trouve un meilleur accueil, à l'époque, que la seule foi. Toutefois des désaccords apparaissent sur la question de savoir si la réflexion rationnelle concernant Dieu constitue ou non une forme suprême d'expérience religieuse. Juda Halevi apporte une réponse négative, affirmant que les preuves logiques ne permettent pas d'aboutir au Dieu d'Abraham, seule une « communication immédiate », une « Révélation divine » le permet[70].
82
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83
+ Dans la Bible, Dieu est décrit en termes psychologiques : coléreux, content, triste, déçu, ayant de la pitié, aimant ou haïssant. Depuis Maimonïde, la tradition théologique hébraïque insiste sur la distinction entre le sens littéral des expressions parlant de Dieu et ses qualités : une manière d'en parler convenablement serait de lui attribuer des œuvres et des actions, et non des intentions ou des émotions car l'essence de Dieu est inconnaissable et dépasse l'entendement humain. Toutefois il parait assuré que Dieu et ses « attributs essentiels » ne forment qu'un[70].
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85
+ La théologie judaïque s'attache à « fonder la croyance qu'il [Dieu] agit dans la nature et dans l'histoire, ce qui le met en relation avec l'homme de telle sorte que celui-ci se sente tenu de répondre »[70].
86
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87
+ La Kabbale distingue le « Dieu en soi, caché dans la profondeur de son être » et le Dieu révélé qui se manifeste à travers sa création et de qui, seulement, on peut dire quelque chose, tout en mettant l'accent sur l'unité de ces deux aspects. Dans cette tradition, on insiste sur la présence de Dieu dans l'ensemble de sa création, disant que la Torah est l'incarnation vivante de la sagesse divine. La question « comment le monde peut-il exister si Dieu est partout ? » s'est alors posée. Pour y répondre, Isaac Louria a développé la doctrine du tsimtsoum[70].
88
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89
+ À la suite des œuvres de David Hume et de Kant, les théologies judaïques se sont tournées vers la raison pratique et l'idéalisme moral pour parler de Dieu. Au XXe siècle, ont été développées des problématiques déistes modernes : Samson Raphaël Hirsch, Mordecai Kaplan, Franz Rosenzweig, Abraham Joshua Heschel, etc.[70].
90
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+ La conception chrétienne de Dieu s'élabore dans les premiers siècles du christianisme par une hybridation entre la pensée biblique et la pensée grecque notamment le néoplatonisme[71]. Elle est l'œuvre des Pères de l'Église, notamment Augustin d'Hippone. À la différence du Dieu impersonnel des néo-platoniciens, le Dieu chrétien est incarné[72], c'est un Dieu lumière intérieure qui « travaille » les humains au plus intime de leur être. Augustin d'Hippone insiste sur ce point dans Les Confessions III.6, 11 : « Tu autem eras interior intimo meo et superior sumno meo (Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi et plus haut que le tréhaut de moi) »[73]. Dans le christianisme deux conceptions de Dieu, celle de la religion et celle de la philosophie, tantôt cohabitent comme c'est le cas chez Augustin d'Hippone, tantôt sont séparées. Pour Goulven Madec, Blaise Pascal dans son Mémorial instaure une césure quasi définitive entre le Dieu des philosophes et le Dieu de la Bible en opposant nettement les deux: « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants »[74]. La conception de Dieu dans le christianisme doit faire face à un certain nombre de questionnements.
92
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93
+ Le christianisme va devoir faire face à des questions soulevées par le fait que Jésus-Christ, fils de Dieu s'est fait homme. Au IIe et au IIIe siècle, plusieurs conceptions vont s'affronter : certains considèrent que Jésus est un homme adopté par Dieu, d'autres que Jésus n'a pas réellement souffert, les ariens considèrent que seul le Père est vraiment ancré et que Jésus ne lui est que subordonné, enfin d'autres, les nicéens, considèrent comme cela sera affirmé dans le Credo adopté lors du concile de Nicée de 325 que « Jésus Christ est le Fils unique de Dieu », « Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, engendrée et non pas créée, consubstantiel au Père » (ce terme consubstantiel vient d'un mot grec qui veut dire essence ou substance)[82]. Néanmoins la querelle continue ce qui amène les pères cappadociens Basile de Césarée, Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze à élaborer la théologie de la Trinité qui veut qu'il y ait un Dieu en trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit pour reprendre la traduction qu'Augustin d'Hippone a fait du grec[83]. Cette théologie sera adoptée par le concile de Constantinople en 381[84] Actuellement le Credo de Nicée-Constantinople est considéré par les catholiques, une majorité de protestants et les orthodoxes (avec des réserves sur le Saint-Esprit) comme un des fondements du christianisme[84].
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+ Quelques années plus tard, entre 400 et 418, Augustin d'Hippone écrit un livre intitulé De la Trinité qui marque le christianisme latin et qui insiste sur l'unité de la trinité « Unitas Trinitas, Deus Trinitas, Deus Trinitatis »[83]. Par ailleurs, pour Augustin, le mystère de la Trinité est au-delà de ce qu'on peut en dire. Malgré tout la position nicéenne a du mal à s'imposer. Vers 500, à la suite notamment des invasions menées par des peuples professant l'arianisme, seul le royaume franc de Clovis et de Clotilde (465-545) professe le christianisme nicéen[85]. C'est à partir de cette base que le Credo de Nicée-Constantinople gagne l'Europe occidentale au Moyen Âge.
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+ Dans l'iconographie chrétienne ou la peinture d'inspiration chrétienne, il arrive qu'une Colombe représentant le Saint-Esprit fasse le pont entre le Dieu le Père et Dieu le Fils[86]. D'une façon générale, François Bœspflug[87] distingue « six grandes périodes dans l'histoire iconique de Dieu et de la Trinité dans l'art ». La première période, celle du christianisme des deux premiers siècles semble se refuser à la représentation de Dieu[87]. Durant la seconde qui court jusqu'à à la fin du VIIIe siècle, le mystère trinitaire est peu représenté. La troisième période (du IXe siècle au XIe siècle est dominée par l'image « d'un Dieu-Christ siégeant en majesté »[87]. La quatrième période voit l'apparition à côté du Dieu-Christ de gloire d'un « Christ de pitié »[87]. Durant la cinquième période, des motifs nouveaux apparaissent tels que la « compassion du Père ou [le] couronnement de la Vierge »[87] La sixième période voit le déclin de la représentation trinitaire qui disparait pratiquement au XXe siècle[88] au profit du Christ seul.
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+ À partir des années 1930, Robert Eisler développe la thèse selon laquelle « Jésus aurait été un révolutionnaire politique d'empreinte apocalyptique »[89]. Cette thèse sera complétée en 1967 par celle de Samuel Brandon qui voit Jésus comme un zélote, c'est-à-dire comme un membre d'un mouvement à la fois opposé à la culture hellénistique (grecque) et recourant à la violence politique[89]. Ces thèses seront reprises à la fin des années 1960 et au début des années 1970 par des mouvements que le théologien Joseph Ratzinger qualifie de théologies de la révolution, peut-être pense-t-il à la théologie de la libération[90]. Pour Joseph Ratzinger (théologien, cardinal, puis pape émérite), cette thèse est erronée. En effet, pour lui, Jésus n'était pas un zélote car d'une part, il ne prêchait pas la violence et « a transformé en zèle de la Croix le « zèle » qui voulait servir Dieu par la violence »[91] et d'autre part, sa pensée universaliste ne s'opposait pas à la culture gréco-latine[92].
100
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101
+ Dans l'islam, Dieu porte le nom d'Allah et constitue le cœur de la foi et de la pratique des croyants musulmans dont chaque aspect de la vie lui est ainsi relié à travers la religion[93]. Traditionnellement dépourvu de genre, c'est un créateur omnipotent, omniscient et omniprésent qui transcende toute sa création. Divinité centrale d'un monothéisme intégral et intransigeant, un et unique, maître des mondes et des destinées, juge du Jugement dernier, il s'est révélé à chaque prophète depuis Adam jusqu'à Mahomet. La sourate 112 — al-ikhlas — rassemble l'essentiel de la conception musulmane de Dieu : « Lui est Allah un, Allah l'impénétrable, Il n'engendre pas, il n'est pas engendré, et nul n'est égal à Lui »[94]. Le Coran affirme également le caractère absolument transcendant de Dieu qui est pourtant tout à la fois d'une grande proximité avec l'homme[95] et sa création dans et par laquelle il se manifeste[93].
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103
+ De nature indivisible, insécable, irréductible à une interprétation en termes de trinité à l'instar du christianisme trinitaire, Allah constitue une monade, seule vérité et seule réalité. L'islam insiste très fortement sur la foi en l'unicité d'Allah[96] — le tawhid — et condamne vivement toute atteinte à cette unicité en lui adjoignant des associés. Ainsi, dans l'islam, l'associationnisme (shirk) est la seule faute catégoriquement impardonnable[97].
104
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105
+ Allah mène les hommes dans une destinée dont ils ignorent et le sens et l'issue ; il peut à la fois les guider et les égarer, les punir et les pardonner. Connaissant leurs moindres pensées, c'est le juge du Jugement dernier qui châtie les pécheurs et les incrédules et récompense les fidèles. Si sa fureur est régulièrement affirmée — il est parfois surnommé « le Terrible »[98] ou « le Redoutable »[99] — sa dimension la plus importante est la miséricorde dont il fait preuve, un trait caractéristique d'une grande intensité et universelle qui est rappelée au début de chaque sourate du Coran[93].
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107
+ Le texte coranique donne 99 noms différents à Dieu[100] qui sont parfois répartis en deux catégories par la tradition entre ceux qui décrivent un Dieu proche de l'homme ou de la création et, d'autre part, ceux qui soulignent sa transcendance et son incompatibilité avec cette création[101].
108
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109
+ Le Coran rapporte en outre des descriptions ou attributs anthropomorphiques de Dieu dont la portée sera disputée dès le début de l'islam[101] : le Coran mentionne sa face[102], ses yeux[103], ses mains[104] ou encore le trône sur lequel il siège[105]. Pour la révélation du texte sacré de l'islam, Dieu s'exprime à travers l'ange Gabriel et le prophète Mahomet qui entend la parole divine mais pas sa voix. Dès le Xe siècle, le théologien sunnite Al Ash'ari considère qu'avec la puissance, la science, la vie, la volonté, la vue, l'ouïe et la durée, cette parole fait partie des éléments anthropomorphiques attributs de l'essence divine là où les premiers mutazilites ne voyaient que des métaphores[106]. À la fois proche et lointain, humain et impénétrable, Dieu tel qu'il est décrit dans l'islam est — suivant le texte coranique — essentiellement un « mystère » (« ghayb »[107]) qui ne saurait être ramené ou comparé à rien de semblable dans la création. C'est la « matrice exclusive de tous les univers »[101] qui enjoint aux croyants, à travers Mahomet, de concentrer sur l'unicité de Dieu dans une affirmation qui devient le dogme fondamental de l’islam[101].
110
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111
+ Gautama Bouddha a rejeté l'existence d'un dieu créateur[108], a refusé d'approuver de nombreux points de vue sur la création[109], et a déclaré que les questions sur l'origine du monde ne sont pas en fin de compte utiles pour mettre fin à la souffrance.
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113
+ Inspirée entre autres des traditions religieuses hindoue et islamique, le sikhisme connaît lui aussi un Dieu « strictement monothéiste »[110]. Pour cette religion, le Dieu unique est créateur du monde[111], tout puissant[112], transcendant et immanent[111], infini et éternel[112], sans forme[111],[112], juste et plein d'amour[111]. Être personnel, il est inconnaissable dans son essence[111].
114
+
115
+ La Mul Mantra, qui débute le Livre saint du sikhisme, le Guru Granth Sahib, énumère en une formule les attributs de la Divinité[112]. Cette prière commence ainsi : « Une, Énergie créatrice, Manifestée, Vérité est son nom[113]… »
116
+
117
+ Le mysticisme — qui dérive du grec mystikos signifiant « caché »[114] — postule que l'on peut acquérir une connaissance de réalités qui ne sont pas accessibles à la perception sensorielle ou à la pensée rationnelle. C'est un phénomène que l'on retrouve dans de nombreuses cultures, généralement associé à une tradition religieuse[115], caractérisé par une recherche de l'invisible et le témoignage de la présence de l'Absolu — Dieu ou divinité —, dont la révélation finale se fait au terme de dévoilements successifs[116]. L'expérience mystique — caractérisée par le profond impact émotionnel éprouvé par celui qui l'expérimente[117] — est généralement le résultat d'un entraînement spirituel impliquant une combinaison de prières, de méditation, de jeûne, de discipline corporelle et de renoncement aux préoccupations terrestres.
118
+
119
+ Dans les monothéismes abrahamistes - à la différence du bouddhisme et certaines variétés de l'hindouisme où il n'y a pas à proprement parler de figure divine personnifiée - les mystiques décrivent l'expérience mystique comme accordée par Dieu lui-même dont ils affirment souvent ressentir la proximité au cours de celle-ci. Mais l'extase peut également révéler des éléments théologiques plus précis, comme chez certains mystiques chrétiens, une vision de la Trinité[117]. La mystique propose une lecture intériorisée de l'indicible et exprime souvent Dieu en termes de négation : Dieu n'est pas dans le sens où les créatures sont et le seul moyen de s'approcher de son infinie transcendance est, dans un premier temps, d'éprouver ce qu'il n'est pas[118]. La révélation du Dieu invisible nécessite le recours aux images, à un langage métaphorique souvent proche de la poésie, éloigné des spéculations théologiques, et dont la lumière est un élément récurrent. On la retrouve par exemple dans le Sefer HaBahir – le Livre de la Clarté – un texte de la Kabbale du XIIe siècle mais aussi, vers la même époque, chez le grand maître du soufisme Ibn Arabi, dans Tardjumân al-ashwâq - L’interprète des désirs ardents[119].
120
+
121
+ Le déisme — forgé sur le terme latin deus — désigne l'affirmation rationnelle de l'existence de Dieu, proposant une forme religieuse conforme à la raison, exclusive des religions révélées[121], proposant d'arriver à Dieu par des voies exclusivement humaines[122], sans pour autant pouvoir en déterminer les attributs[123]. C'est un Dieu du raisonnement plutôt qu'un Dieu de foi ou de culte, bien que Kant ait proposé « culte de Dieu » ramené à la pratique morale « en esprit et en vérité »[124]. Le concept se développe essentiellement en Angleterre et en France à partir du XVIIe siècle, mais est difficile d'accès et ambigu, car il réfère à plusieurs systèmes distincts[121]. On ne l'utilise plus guère en dehors de ses applications historiques[123].
122
+
123
+ À l'instar du terme « théisme » dont il est assez proche, le mot apparaît en France dans les violentes luttes théologiques et religieuses du XVIe siècle dans un usage péjoratif cherchant à discréditer l'adversaire. Il apparait en relation avec les antitrinitaires sociniens[125] et est attesté pour la première fois sous la plume du pasteur Pierre Viret en 1534 qui y voit des blasphémateurs, des « athéistes » qui s'ignorent. À partir du XVIIe siècle, lorsque, sous l'influence de la science nouvelle et de l'émergence de nouvelles manières de penser, la perception du concept de nature — fondamentale en théologie et en philosophie — se modifie, le déisme évolue vers une forme de religion naturelle[121].
124
+
125
+ Pour leurs critiques apologètes chrétiens, les déistes, prétendant arriver à Dieu sans l'aide de Dieu, en se passant de la Révélation, sont impies et pécheurs. Les déistes ne forment cependant pas un groupe homogène et il existe une grande variété de positions, suivant les auteurs déistes, par rapport à ce qui a trait tant à la nature de Dieu, qu'à la providence ou encore à l'immortalité de l'âme. John Locke développe ainsi un « christianisme raisonnable », tandis que Spinoza est classé ou non, selon les époques, dans leurs rangs. La question centrale est, plutôt que celle de l'existence de Dieu, celle de sa Révélation que les déistes rejettent avec l'immortalité de l'âme, à la différence des théistes[121].
126
+
127
+ Le XVIIIe siècle voit l'apparition d'une nouvelle logique des questions philosophiques, qui amène à l'effacement de Dieu comme le personnage central autour duquel s'articule la métaphysique : la question de son existence et de sa nature est désormais disputée, passant du stade de vérité première à celui d'hypothèse bientôt dispensable[126]. Rousseau, suivant lequel la nature est plus éloquente sur Dieu que les subtilités scolastiques, propose le Dieu de la foi déiste comme volontaire et intelligent, mouvant l'univers et animant la nature, tandis que l'homme est libre dans ses actions et doté d'une âme immatérielle. À la différence de Kant, il associe la nature à l'ordre divin, tandis que ce dernier établit une différence ontologique entre les deux. Pour Kant, le déisme envisage Dieu comme la « cause du monde », un principe régulateur qui ne peut satisfaire complètement les attentes de l'homme ; pour le philosophe, le déisme « recourt à Dieu pour penser la science en tant qu'elle progresse »[127]. Plus tôt, Voltaire, admirateur de Newton et de sa mécanique rationnelle du monde, voit en Dieu l'« horloger de l'Univers » et tourne la providence en dérision[128].
128
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129
+ La difficulté de donner des contours clairs au concept de Dieu et la fragilité et l’ambiguïté de celui-ci dans le déisme ont empêché ce dernier d'avoir une postérité réellement significative en tant que courant religieux. « Effort pour penser sans préjugé et sans dogmatisme le concept de Dieu », des éléments du déisme peuvent cependant être reconnus dans le cadre du renouveau de la théologie naturelle depuis la fin du XXe siècle[128]. Certaines enquêtes montrent d'ailleurs qu'en France, la religion naturelle est une option philosophique — souvent inconsciente — de certains croyants non pratiquants qui envisagent Dieu comme le créateur et le gouverneur du monde, jugeant les individus sur leur conduite morale et rétribuant les mérites, dans une attitude assez proche du déisme[121].
130
+
131
+ En grec ancien, l’adjectif atheos (ἄθεος) composé du mot θεός (dieu) précédé d'un « ἀ- » privatif, signifie « sans-dieu ». La constitution étymologique des mots « athéisme » et « athée » n'est pas sans poser de problème chez les auteurs qui traitent de ce sujet : le « a- » privatif peut être compris de différentes manières, exprimant parfois la négation — l'affirmation que Dieu n'existe pas — parfois la privation — l'accusation de méconnaitre la divinité ou les divinités comme il le faudrait, ainsi que dans l'antiquité gréco-romaine, les Romains en faisaient le reproche aux chrétiens, puis, au Moyen Âge, les courants orthodoxes contre les christianismes hétérodoxes[129]. Ainsi, cette terminologie relativement pauvre pour définir un phénomène complexe est restée longtemps négative, les termes même enfermant les athées « dans la catégorie négative des négatifs négateurs »[130]. Il existe ainsi différents athéismes, variés « dans leurs expressions et dans leurs fondements »[129].
132
+
133
+ Dans l'antiquité grecque, le préfixe « a » indique une absence de dieu revendiquée dès le Ve siècle av. J.-C. et prend le sens de « rompre la relation avec les dieux » ou « nier les dieux » à la place de l’ancien sens asebēs (en grec : ἀσεβής), « impie ». Cette notion — qui suppose l'idée de divinité donc probablement postérieure aux religions[131], mais antérieure aux trois monothéismes — est présente chez les atomistes grecs — au rang desquels on compte Démocrite et Épicure — mais aussi chez les Indiens dès le VIe siècle av. J.-C. avec les Charvakas[132]. Mais il s'agit souvent davantage d'un type d'agnosticisme, voire de laïcité dont la portée est débattue par les chercheurs[131]. On peut identifier un penseur réellement irréligieux avec le poète et philosophe romain Lucrèce qui, prolongeant Épicure, explique au Ier siècle av. J.-C. que l'homme invente des dieux pour expliquer ce qu'il ne comprend pas[133].
134
+
135
+ On peut distinguer l’« athéisme pratique » consistant à vivre comme s'il n'y avait pas de dieu — ce qui n'empêche pas par ailleurs de se déclarer croyant, indifférent ou incroyant — et l'« athéisme théorique » qui se fonde sur des spéculations philosophiques, morales ou scientifiques[132].
136
+
137
+ Ce dernier processus a pris du temps et les bases de l'athéisme moderne puis contemporain se posent au cours des XVIe et XVIIe siècles[132]. On trouve notamment chez Baruch Spinoza (1632-1677) — qui ne se dit pas athée — une résurgence de l'inspiration critique et rationaliste de l'Antiquité : celui-ci identifie Dieu et la nature (Deus sive natura, « Dieu ou la nature ») ce d'où découle un naturalisme (la nature est tout, le surnaturel n'existant pas) ou un panthéisme (Dieu est tout)[133], qui sera d'ailleurs longtemps confondu avec l'athéisme[132]. À partir du XVIIIe siècle, l'athéisme — même très minoritaire[134] — se structure autour du refus radical de toute transcendance, de tout surnaturel et même de toute foi. D'Holbach (1723-1789) est ainsi l'auteur d'une œuvre philosophique profondément anticléricale et athée que précède une œuvre radicale mais longtemps peu connue, celle du curé Jean Meslier (1664-1729)[133]. Les arguments relèvent essentiellement de la notion de nature — qui n'obéirait qu'à ses propres lois et non à un créateur imaginaire — et à celle de matière, présentée comme éternelle dotée de son énergie propre. La réflexion porte également sur la notion de mal qui contredit l'existence d'un Dieu bon et omnipotent, un Dieu dont par ailleurs l'adoration et le service s'opposent à la liberté et à la dignité humaines[132].
138
+
139
+ Cette base humaniste de l'athéisme s'épanouit au cours du XIXe siècle — essentiellement dans le monde germanique — et celui-ci cesse d'être une exception philosophique, dans le sillage du philosophe hégélien Ludwig Feuerbach (1804-1872) qui publie en 1841 l’Essence du christianisme. Selon lui, le divin n'est que l'essence de l'homme objectivée et hypostasiée ; « l'homme a créé Dieu à son image » et en toute religion, c'est donc l'homme qu'on adore. L'athéisme devient une « religion de l'homme », postulant Homo homini deus (« L'homme est un dieu pour l'homme »)[135]. Karl Marx poursuit la démarche humaniste de Feuerbach mais en conteste bientôt la dimension religieuse en soulignant sa dimension politique, arguant que « l'essence humaine […] dans sa réalité effective, […] est l'ensemble des rapports sociaux » et non « une abstraction inhérente à l'individu isolé », ajoutant que tout élément poussant au mysticisme devrait trouver « [sa] solution rationnelle dans la pratique humaine ». Chez Marx, pour lequel critique de la religion et critique de la société vont de pair, il ne convient plus d'interpréter différemment le monde mais de le changer[132].
140
+
141
+ Un peu plus tard, Friedrich Nietzsche (1844-1900) — qui déteste le socialisme dont il considère qu'il prolonge le christianisme[135] — confère une radicalité nouvelle à l'athéisme en développant le thème de la « mort de Dieu »[132]. Il explique que l'homme cherche un principe au nom duquel mépriser l'homme, et s'invente un monde imaginaire qui lui permet de calomnier ce monde-ci, ne saisissant qu'un néant dont il fait un Dieu, dans lequel la religion projette toutes les valeurs, dévalorisant de ce fait le monde réel[136].
142
+
143
+ L'athéisme trouve une dimension supplémentaire avec les travaux de Sigmund Freud (1856-1939), notamment dans son ouvrage L'avenir d'une illusion, publié en 1927[132]. Celui qui considère la foi comme un symptôme exprimant la détresse, voit en Dieu un « père transfiguré » — meilleur et plus puissant que l'autre — et en la religion une « névrose obsessionnelle universelle », qui, si elle est souvent utile tant pour l'humanité que pour l'individu, n'en demeure pas moins une illusion : croire en Dieu, c'est prendre ses désirs pour des réalités[136].
144
+
145
+ Un trait commun aux divers courants du New Age est le rejet du dualisme au profit d'une recherche de l'harmonie. Ainsi les adeptes n'opposent pas la matière à l'esprit ou le visible à l'invisible et considèrent que l'ensemble de l'univers est constitué de la même essence divine. Selon ce mouvement, il n'y a pas de véritable séparation entre la Création et son Créateur, dans une approche qui ne correspond pas à celle du Dieu personnel et transcendant des monothéismes : au contraire, cette vision immanente de la divinité se rapproche des conceptions panthéistes. Ainsi, pour certaines franges du New Age « Dieu est en tout et tout est en Dieu » ; Dieu s'apparente alors à un « Grand Être universel » qui n'appartient à aucune religion et qui vibre au plus profond des êtres, le salut passant essentiellement par la transformation de soi[137].
146
+
147
+ Les représentations des dieux, sinon leur existence, ont été très tôt critiquées par les philosophes : « Les Éthiopiens disent que leurs dieux ont le nez camus et le teint foncé, les Thraces voient leurs dieux avec des yeux clairs et une chevelure rousse »[138] ; « C'est d'abord sur terre la crainte qui a créé les dieux »[139]. Les thèses chrétiennes pour critiquer les « faux dieux » païens (sont-ils des personnifications de phénomènes naturels, des grands hommes divinisés, ont-ils des origines linguistiques, etc. ?) se sont appliquées au monothéisme à partir du XVIIIe siècle[140].
148
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149
+ Les philosophes ont conçu la divinité de manières très diverses. Chez certains, le polythéisme n'exclut pas un principe divin suprême à l'instar du logos ou « raison immanente de l'univers » chez les stoïciens, mais il s'agit davantage de principe premier plutôt que de principe unique[58] dans un monde pour lequel, comme le rappelle Platon, « tout est plein de dieux »[141]. Platon voyait une divinité « bonne » et unique comme une cause première[58], créatrice ou démiurge[142] assistée de dieux subalternes, ordonnateur d'une matière qu'il n'a pas créée, et Aristote comme la fin de toutes choses. Descartes le voit comme transcendant infiniment le monde qu'il a créé, Spinoza le pense immanent (Deus sive Natura), une tradition néo-platonicienne avance que Dieu n'est pas car il est au-delà de l’Être (théologie négative), etc.[140].
150
+
151
+ Dans le Vocabulaire technique et critique de la philosophie[143], sous la direction d'André Lalande, Dieu est analysé suivant deux axes principaux :
152
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153
+ Kant est alors un exemple d'une vision de Dieu principalement comme principe explicatif : Dieu existe comme « Idéal de la Raison pure ». La définition de Dieu par Descartes, « Dieu est l'être parfait », malgré son équivoque peut être comprise comme une identification de l'ordre ontologique et de l'ordre moral. La monadologie de Leibniz est un effort de synthèse de toutes ces facettes[144].
154
+
155
+ Au cours de l'histoire de la philosophie de nombreux arguments ont été fournis en faveur et en défaveur de l'existence de Dieu ou de la croyance en cette existence. Les arguments sur l'existence même de Dieu peuvent être des arguments métaphysiques ou empiriques, ceux portant sur la croyance en Dieu sont dits arguments épistémiques.
156
+
157
+ De nombreuses positions existent aussi bien chez les défenseurs de l'existence de Dieu que chez leurs adversaires. On peut les regrouper et distinguer schématiquement les grandes positions suivantes :
158
+
159
+ Une discussion détaillée des arguments soutenant ces différentes positions se trouve dans l'article arguments sur l'existence de Dieu. Voici une présentation volontairement limitée des principaux arguments en faveur de l'existence de Dieu et de leur réfutation par Emmanuel Kant.
160
+
161
+ Trois arguments classiques sont a posteriori : partant de l'expérience prise comme conséquence pour remonter à son principe[147].
162
+
163
+ Ces trois arguments sont, comme tous les autres, l'objet d'une vive controverse depuis leur premier énoncé, et de l'avis de la majeure partie des commentateurs aucun ne peut emporter l'adhésion à lui seul. Pascal qui n'acceptait comme arguments en faveur de l'existence de Dieu que les prophéties et les miracles (le pari pascalien n'étant pas présenté comme une preuve)[140], en parle en ces termes : « Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes et si compliquées, qu’elles frappent peu, et quand cela servirait à quelques-uns, cela ne servirait que pendant l’instant qu’ils voient cette démonstration, mais une heure après, ils craignent de s’être trompés »[153].
164
+
165
+ Anselme de Cantorbéry, le premier[147] proposa un argument a priori : l'idée de Dieu, et ses conséquences, rend nécessaire l'existence de Dieu sans qui il ne saurait y avoir d'idée de Dieu. Cet argument se retrouve aussi chez Descartes et Leibniz[147].
166
+
167
+ Kant (dans Critique de la raison pratique) et Nédoncelle ont développé des preuves, dites morales, où l'existence de Dieu est seule capable d'expliquer la conscience morale, chez le premier, ou l'ordre des personnes humaines, chez le second[147].
168
+
169
+ L'Église catholique depuis l'encyclique Æterni Patris (1879) réaffirme la validité des Quinque viae, les cinq preuves de Thomas d'Aquin qui utilisent l'argument cosmologique et l'appel au dessein. Ce point de doctrine a été rappelé par le pape Jean-Paul II dans l'encyclique Fides et Ratio et plusieurs déclarations[154]. Lors de son audience du 10 juillet 1985, Jean-Paul II dira que "quand on parle de preuves de l’existence de Dieu, il faut souligner qu’il ne s’agit pas de preuves scientifico-expérimentales." Mais plutôt d'une façon pour l'intelligence humaine de ne pas abdiquer face à la complexité du monde et une stimulation pour la réflexion. Elles sont d'abord un soutien de l'intelligence à la foi des croyants, et non destinée à la conversion des sceptiques.[155]
170
+
171
+ Dans le judaïsme, la question ne se pose pas, non par tabou mais du fait même de la conception de la transcendance : Dieu dépasse totalement l'entendement humain. Vouloir cerner son concept de manière analytique est voué à l'échec par sa nature même. Certains auteurs juifs n'hésitent pas à nier toute possibilité de « parler » de Dieu[156].
172
+
173
+ Au livre II de la Critique de la raison pure, Emmanuel Kant montre que l'argument cosmologique et l'argument téléologique (qu'il nomme argument physico-théologique) se fondent sur l'argument ontologique. En effet, après avoir observé la contingence du monde, l'argument cosmologique doit poser l'existence d'un être nécessaire ; il est alors obligé de recourir à l'argument ontologique, qui déduit du concept de Dieu qu'il existe. Quant à l'argument physico-théologique, à partir de l'observation de fins dans la nature, il en conclut qu'il a fallu un créateur pour que le monde existe (argument cosmologique), et que ce créateur doit exister nécessairement (argument ontologique).
174
+
175
+ Si l'argument ontologique est réfuté, l'argument cosmologique et l'argument téléologique tombent avec d'après Kant. Kant propose donc une réfutation de l'argument ontologique dans l'espoir de ruiner toutes preuves de l'existence de Dieu. Pour Kant, l'existence n'est pas une propriété intrinsèque, on ne peut pas légitimement dire que l'existence appartienne au concept de Dieu : c'est confondre le contenu conceptuel et le prédicat existentiel d'une chose. Ainsi, pour Kant, le concept de Dieu demeure le même, qu'il existe ou pas : ce « concept de Dieu » ne prouve rien, n'indiquant qu'une possibilité[157],[158]. Afin de l'illustrer, Kant prend l'exemple suivant : « Cent thalers réels ne contiennent rien de plus que cent thalers possibles. Car, comme les thalers possibles expriment le concept et les thalers réels, l'objet et sa position en lui-même, au cas où celui-ci contiendrait plus que celui-là, mon concept n'en serait pas le concept adéquat. Mais je suis plus riche avec cent thalers réels qu'avec leur simple concept (c'est-à-dire avec leur possibilité). »
176
+
177
+ En bref : la conséquence du raisonnement ontologique est que l'« idée de Dieu » existe, mais l'existence elle-même de Dieu n'est pas une idée[147].
178
+
179
+ La philosophie des religions, et la question des preuves de l'existence de Dieu, ont connu un grand renouveau dans le sillage de la tradition analytique. Des auteurs tels que Peter Geach, Richard Swinburne[159], Alvin Plantinga, Antony Flew, John Leslie Mackie[160], et Jordan Howard Sobel se demandent quelles raisons nous avons d'affirmer ou de contester l'existence d'un être surnaturel dont dépendrait l'existence du monde.
180
+
181
+ Tandis que les autres philosophes sont soit catholiques, soit protestants, soit anglicans, la caractéristique d'Antony Flew, qui lui a assuré un surcroit de notoriété ces cinq dernières années, consiste à avoir été, des années durant, un éminent philosophe des religions et d'avoir revendiqué son athéisme. Il a fini par considérer, autour de sa 81e année, que non seulement la question de l'existence de Dieu était importante mais encore que l'existence de Dieu[161] était possible selon une variante de l'argument téléologique, que les Anglo-Saxons nomment fine tuning[note 3], en quelque sorte, l'argument du meilleur des mondes possibles[162]. Il considère que, plus la complexité du monde apparaît dans les connaissances humaines, plus cet argument est puissant pour fonder le théisme[note 4],[163]. Quelques militants de la cause de l'athéisme s'en sont trouvés gênés et ont déclaré pour les uns, que cette conversion était un vœu pieux des croyants, en dépit de la lettre de Flew à Philosophy Now et pour les autres que l'auteur était déjà âgé[réf. nécessaire].
182
+
183
+ Depuis Paul Ricœur[164], on nomme habituellement « maîtres du soupçon »[165] les penseurs Marx, Nietzsche et Freud[166].
184
+
185
+ En Occident, à partir de René Descartes, Blaise Pascal et Grotius notamment, l'existence de Dieu est devenue sujette à la démonstration, et de plus en plus exposée à la critique, concomitante à la crise de la religion chrétienne et l'apparition du protestantisme. Les philosophes du XVIIIe siècle sont critiques mais pas athées[note 5].
186
+
187
+ On doit à Friedrich Nietzsche la formule célèbre « Dieu est mort », mais c'est Feuerbach qui ouvre le feu. La théologie de la mort de Dieu le prendra au mot[167]. Ce courant de pensée n'est, d'ailleurs, étranger ni à l'islam[168] ni au judaïsme[169].
188
+
189
+ Ludwig Feuerbach fait écho aux mutations de la société occidentale moderne que sont le scientisme, la théorie de l'évolution de Darwin, le socialisme, partageant, entre autres, une critique des dogmes religieux[note 6], qui ouvre la voie à l'athéisme en considérant la notion de Dieu comme un construct social étranger à la réalité.
190
+ Le concept principalement développé dans l'Essence du christianisme[170] peut se résumer en deux points, à savoir, d'une part, Dieu comme aliénation et, d'autre part, l'athéisme comme religion de l'homme.
191
+
192
+ Ce n'est plus l'homme qui dépend du divin mais le divin qui dépend de l'homme[171] : « le progrès historique des religions consiste en ceci : ce qui dans la religion plus ancienne valait comme objectif, est reconnu comme subjectif, c'est-à-dire, ce qui était contemplé et adoré comme Dieu, est à présent reconnu comme humain […]. Ce que l'homme affirme de Dieu, il l'affirme en vérité de lui-même »[172]. Feuerbach voit ainsi la théologie comme une anthropologie renversée et Dieu comme une sorte de surmoi social, relevant de la sociologie des religions ou de la psychologie individuelle ou collective, en aucun cas de la philosophie[173].
193
+
194
+ « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »
195
+
196
+ — Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir[174]
197
+
198
+ La théologie du process est le nom sous lequel on rassemble les œuvres de cette métaphysique sur la nature de Dieu[175]. Cette métaphysique, au contraire des précédentes, transcende les frontières des dénominations religieuses. Même si les penseurs chrétiens (protestants avec John B. Cobb ou catholiques avec, d'une certaine façon, Pierre Teilhard de Chardin et Jean-Luc Marion[176], ou encore laïcs avec Henri Bergson) ont publié plus d'ouvrages, on trouve aussi des penseurs du Process dans le judaïsme[177], dans l'hindouisme et dans une moindre mesure dans l'islam. Elle s'est développée autour de deux pôles :
199
+
200
+ Toutefois, le chef de file de cette théologie est le mathématicien Alfred North Whitehead dont le livre Procès et réalité[note 7],[182] semble constituer la théologie systématique qui demeure peu connue en Europe[183] faute de traduction de son œuvre théologique alors que, aux États-Unis, ses textes sont au programme des études secondaires.
201
+
202
+ Si la théologie du process est plus particulièrement développée aux États-Unis, elle trouve néanmoins un certain écho en Europe grâce aux travaux d’André Gounelle qui a donné une introduction aux diverses théologies du process sous le titre Le Dynamisme créateur de Dieu[184].
203
+
204
+ Whitehead ne donne aucune définition[note 8] de Dieu. Il en décrit les trois fonctionnalités[184] :
205
+
206
+ Pour le philosophe chrétien Michel Henry, Dieu n’est rien d’autre que la vie phénoménologique absolue qui donne en permanence chaque ego à lui-même et qui se révèle à nous dans la souffrance comme dans la jouissance de soi[186],[187] :
207
+
208
+ « Dieu est Vie, il est l’essence de la Vie, ou, si l’on préfère, l’essence de la vie est Dieu. Disant cela, nous savons déjà ce qu’est Dieu, nous ne le savons pas par l’effet d’un savoir ou d’une connaissance quelconque, nous ne le savons pas par la pensée, sur le fond de la vérité du monde ; nous le savons et ne pouvons le savoir que dans et par la Vie elle-même. Nous ne pouvons le savoir qu’en Dieu[188]. »
209
+
210
+ Freud considère que la foi est un symptôme qui exprime un besoin d'être protégé et la détresse qui prolonge celle de l'enfant : Dieu représente un père transfiguré, supérieur au vrai père et meilleur que lui[189] : Dieu a été inventé par l'homme comme « substitut psychotique de la protection parentale que l'homme perçoit comme défaillante », inventant un Dieu bon ainsi que la croyance en la vie éternelle[190]. Même s'il considère que la religion a rendu de grands services à la civilisation[191], Freud ne pense pas qu'il faille croire à ce qu'il estime être une « névrose obsessionnelle universelle », croire en Dieu revenant par ailleurs à prendre ses désirs pour des réalités[189]. En 1927, dans L'Avenir d'une illusion, Freud écrit : « Il serait certes très beau qu'il y eût un Dieu créateur du monde et une providence pleine de bonté, un ordre moral de l'univers et une vie après la mort; mais il est cependant très curieux que tout cela soit exactement ce que nous pourrions nous souhaiter à nous-même »[192].
211
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+ Carl Gustav Jung, pour qui un symbole est quelque chose qui « renvoie toujours à un contenu plus vaste que son sens immédiat et évident »[193], dit de Dieu qu'il est « le symbole des symboles »[194]. C'est une expression qui ne se veut pas révolutionnaire, mais au contraire dans la continuité des diverses expressions du divin. Les recherches de Jung, dans l'alchimie ou la philosophie chinoise, tentent de relier ce qui est universel dans le ressenti de Dieu[195]. Ces archétypes communs (qui constituent l'inconscient collectif), seraient exprimés par chaque religion de façon différente, mais toujours pour exprimer cette même symbolisation.
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+ L'impossibilité d'associer Dieu et la science est développée par l'agnostique Stephen Jay Gould dans son concept de non-recouvrement des magistères[196]. Des théologiens, tels qu'Alister Edgar McGrath, font également valoir que l'existence de Dieu ne peut être statuée sur le pour ou le contre à l'aide de la méthode scientifique[197].
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+ Selon le biologiste athée Richard Dawkins, un scientifique peut porter un regard scientifique sur l'éventuelle gouvernance d'un dieu sur la nature en ce sens qu'un astronome est plus qualifié qu'un théologien à propos des questions cosmologiques[198]. À l'argument qu'on lui oppose de n'être pas suffisamment formé dans les matières qu'il critique, il explique qu'il n'est pas besoin d'étudier la théologie pastafarienne pour ne pas croire au Monstre en Spaghettis volant ni d'être dépositaire d'une particulière érudition pour désavouer les contes de fée ou l'astrologie[199]. Son ouvrage a suscité une controverse nourrissant des critiques souvent issues de milieux confessionnels chrétiens[200] tandis que certains estiment que les publications de Dawkins ouvrent l'ère d'un fondamentalisme athée[201].
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+ Exposant son approche de l'argument cosmologique au cours d'un débat sur la science et Dieu avec John Lennox au Musée d'histoire naturelle de l'université d'Oxford en octobre 2008[202], Dawkins explique que, selon lui, il existe un aspect « inconnaissable » à la création de l'univers que l'on pourrait attribuer à un dieu si on entend par là une « singularité qui aurait donné naissance à son existence ». Selon lui, s'opposant à la vision théiste des miracles auxquels croit John Lennox, un plaidoyer sérieux pourrait être élaboré en faveur d’une explication déiste de l'univers, auquel lui-même ne souscrirait cependant pas[203]. Explicitant Stephen Hawking et la notion d'« esprit de Dieu » qu'il rapproche de la conception d'Albert Einstein, Dawkins voit le terme comme une métaphore, une manière poétique d'exprimer un état ou un moment où les physiciens auraient unifié leurs théories et auraient l'explication et la compréhension de tout. Dieu est ainsi une manière de désigner « ce que nous ne comprenons pas »[204]. Néanmoins, pas plus Hawking qu'Einstein n'ont foi en un Dieu personnel : suivant Dawkins qui partage le même point de vue, ce qu'Einstein appelle « Dieu » correspond aux lois de la nature dont le mystère inspire un sentiment de révérence, que Dawkins se refuse pour sa part à nommer de la sorte[205].
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+ À côté du renouveau de la philosophie thomiste (le néothomisme) il s'est développé au tout début du XXe siècle une métaphysique contemporaine qui tient compte du progrès scientifique tel que le représentent la physique quantique, les théories de l'évolution, la psychanalyse[réf. nécessaire].
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+ Sur les attributs féminins du Dieu judaïque, voir Thomas Römer, Dieu obscur : le sexe, la cruauté et la violence dans l'Ancien Testament[206].
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+ Si Dieu est souvent représenté comme un homme, cette question est objet de débats, notamment chez les philosophes, voir, par exemple, sous la direction de Jacques Maître, Religion et sexualité[207].
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+ C'est une difficulté si le Dieu dont on parle relève de la transcendance et si l'on souhaite dépasser le cadre confessionnel.
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+ Selon John Hick : « Au premier cercle, nous rencontrons un problème de terminologie auquel aucune solution satisfaisante ne peut être proposée. Comment devons-nous nommer cette réalité transcendante à laquelle nous supposons que la religion constitue la réponse humaine ? On peut pencher initialement pour le rejet de « Dieu », parce que trop théiste - si l'on retient que l'éventail des religions inclut les plus grandes traditions non-théistes comme les théistes - et considérer des alternatives telles que « Le Transcendant », « Le Divin », « Le Dharma », « l'Absolu », « Le Tao », « L'Être en soi-même », « Brahman », « L'ultime réalité divine ». Le fait est que nous ne disposons pas d'un terme parfaitement libre vis-à-vis d'une quelconque tradition ou susceptible de les transcender. C'est pourquoi on en vient à utiliser le terme fourni par l'une de ces traditions, toutefois l'utilisant (ou ayant conscience de mal l'utiliser) d'une façon qui force ses frontières. Comme chrétien, je serais assez d'accord pour utiliser « Dieu » mais je ne l'utiliserais pas dans son sens absolument théiste. C'est donc un danger pour l'auteur comme pour le lecteur de passer sans l'avoir remarqué et de régresser au sens strict et standard de ce terme ; tous deux doivent demeurer vigilants contre cela. Je parlerai donc de Dieu dans ce qui suit, avec cette restriction importante que c'est une question ouverte de savoir, à ce moment du propos, si Dieu est personnel. Nous serons conduits, je le présume, à distinguer Dieu de « Dieu comme il est conçu et perçu par les hommes ». Dieu n'est ni une personne ni un objet mais la réalité transcendante telle qu'elle est conçue et expérimentée par diverses mentalités humaines, notamment soit de façon personnelle, soit de façon non-personnelle »[208]. Dieu peut avoir un nom défini, comme YHWH[note 10] ou Allah, nom que les croyants énoncent souvent avec réserve et déférence, préférant l'usage de ses surnoms ou attributs, qui tendent à approximer son ineffabilité foncière. Certaines religions demandent ou édictent qu'on ne prononce jamais son nom hors d'un contexte rituel et sacré[note 1].
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+ André Chouraqui décrit Moïse au Buisson Ardent en face à face avec « Celui qui n’a pas de nom », également appelé El ou Allah[209].
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+ Lors de la mutation du monolâtrisme — ou de l'hénotéisme — yahviste vers le début du VIe siècle, le Dieu unique, transcendant, devient « un souverain invisible plus puissant encore » et par là frôle l'idolâtrie[pas clair][210]. On en vient donc à ne pas le représenter, même au moyen d'un objet ou d'un symbole.
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+ Ainsi, les trois monothéismes dits abrahamiques s'accordent pour déclarer Dieu irreprésentable[211], qu'il ne peut exister aucune représentation qui lui ressemble, de par sa nature transcendante. Cependant, la foi en l'Incarnation du Verbe de Dieu en Jésus de Nazareth a singularisé sur ce plan le christianisme : croire que Jésus est Dieu fait homme permet d'affirmer la représentativité de Dieu en Jésus-Christ[212]. Le christianisme, particulièrement latin - est ainsi le seul des trois monothéismes abrahamiques « qui ait toléré, puis accepté, légitimé, suscité et pratiqué une formidable galerie de portraits du Dieu unique »[213].
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+ « Un mot ou une image sont symboliques lorsqu'ils impliquent quelque chose de plus que leur sens évident et immédiat. Ce mot ou cette image ont un aspect "inconscient" plus vaste, qui n'est jamais défini avec précision, ni pleinement expliqué. Personne d'ailleurs ne peut espérer le faire. Lorsque l'esprit entreprend l'exploration d'un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que notre raison peut saisir. »
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ République fédérale d’Allemagne
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+ (de) Bundesrepublik Deutschland
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+ 52° 31′ N, 13° 25′ E
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+ L'Allemagne (/almaɲ/ ; en allemand : Deutschland /ˈdɔʏtʃlant/ Écouter), en forme longue la République fédérale d'Allemagne[a] abrégée en RFA (en allemand : Bundesrepublik Deutschland /ˈbʊn.dəs.ʁe.pu.ˌblik ˈdɔʏtʃ.lant/ Écouter, abrégée en BRD), est un État d'Europe centrale, entouré par la mer du Nord, le Danemark et la mer Baltique au nord, par la Pologne à l'est-nord-est, par la Tchéquie à l'est-sud-est, par l'Autriche au sud-sud-est, par la Suisse au sud-sud-ouest, par la France au sud-ouest, par la Belgique et le Luxembourg à l'ouest, enfin par les Pays-Bas à l'ouest-nord-ouest. Décentralisée et fédérale, l'Allemagne compte quatre métropoles de plus d'un million d'habitants : la capitale Berlin, ainsi que Hambourg, Munich et Cologne. Le siège du gouvernement est situé dans la ville de Berlin et dans la ville fédérale de Bonn. Francfort-sur-le-Main est considérée comme la capitale financière de l'Allemagne[b] : dans cette ville se trouve le siège de la BCE.
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+ Beaucoup de peuples germaniques occupent le Nord du territoire actuel depuis l'Antiquité classique. Durant ce que l'on nomme les invasions barbares, les tribus germaniques se rapprochent du Sud de ce territoire. À partir du Xe siècle, les territoires forment la partie centrale du Saint-Empire romain germanique. Au XVIe siècle, le Nord de l'Allemagne est au cœur de la réforme protestante. Le pangermanisme entraîne l'unification des États allemands en 1871 pour former l'Empire allemand. Après la Première Guerre mondiale, et la révolution allemande de 1918-1919, l'Empire est remplacé par la république parlementaire de Weimar. L'accès au pouvoir des nazis en 1933 mène à la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle le régime totalitaire connu sous le nom de Troisième Reich, fondé sur un racisme et un antisémitisme singulier, et dirigé par le dictateur Adolf Hitler perpètre des crimes de masse en Europe, dont la Shoah, et laisse le pays en ruines. Après sa défaite militaire en 1945, l'Allemagne perd des territoires et — par la volonté des vainqueurs alliés qui entrent dans la « guerre froide » — est contrainte de se scinder en deux nations : à l'ouest un État démocratique, la République fédérale d'Allemagne (en abrégé RFA) et, à l'est, la République démocratique allemande (en abrégé RDA) sous emprise de l'Union soviétique. Le mur de Berlin — qui symbolise cette division dans l'ancienne capitale — tombe le 9 novembre 1989 et l'Allemagne est à nouveau réunifiée le 3 octobre 1990, Berlin en redevenant la capitale.
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+ La langue officielle du pays est l'allemand, sa monnaie est l'euro, sa devise est Einigkeit und Recht und Freiheit (« Unité et Droit et Liberté ») et son drapeau est constitué de trois bandes horizontales aux couleurs nationales de l'Allemagne : noir, rouge et or. Son hymne national est Das Deutschlandlied (« Le Chant de l'Allemagne »). Avec plus de 83 millions d'habitants[2], l'Allemagne est le pays le plus peuplé de l'Union européenne. Elle est une grande puissance politique[5] et sa dirigeante politique, Angela Merkel en 2019, est largement perçue comme la personnalité politique la plus influente de l'Union européenne[6]. L'Allemagne est aussi la première puissance économique d'Europe ainsi que la quatrième puissance économique mondiale et elle compte parmi les pays industrialisés les plus développés et les plus performants dans le monde. Elle figure parmi les premiers mondiaux dans les secteurs de l'aéronautique, de l'automobile, de l'industrie chimique et de la construction mécanique. L'Allemagne est en 2017 le troisième exportateur mondial derrière la Chine et les États-Unis et elle est le pays présentant le plus grand excédent commercial du monde en 2018[7]. Elle a aussi le taux de chômage le plus bas parmi les 19 États membres de la zone euro, ce taux s'établissant à 3,3 % en décembre 2018, d'après Eurostat[8]. L'Allemagne affiche un niveau de vie « très élevé » : elle est 4e au classement IDH en 2019[4].
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+ Membre fondateur de l'Union européenne et membre du G7, du G20, de la zone euro, de l'espace Schengen et de l'OTAN, elle abrite le siège de la Banque centrale européenne, du Tribunal international du droit de la mer et de l'Office européen des brevets. L'Allemagne est le pays le plus apprécié du monde, ceci d'après des sondages effectués à la demande de la BBC en mai 2013[9], du GfK en novembre 2014[10] et de U.S. News en janvier 2016[11]. Comme destination d'immigration, elle est une des terres préférées, se classant ainsi deuxième dans le monde[12], après les États-Unis. L'Allemagne est en 2014 le principal pollueur d'Europe, émettant à elle seule près de 23 % de l'ensemble des émissions de CO2 du continent[13].
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+ Le mot gotique Thiuda signifiant « peuple », a comme adjectif Thiudisk. Thiudisk est transformé en Theodischus par les Romains, puis en Teudischus. Thiudisk devient Diutisca en vieux haut allemand pour aboutir à Deutsch en allemand moderne ou Tysk dans les langues scandinaves (d'où Tyskland). En ancien français, le latin Theodiscus donne Thodesche, puis Tudesque.
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19
+ Le français moderne préfère le mot Allemand issu du latin Alamanni désignant le peuple des Alamans[14]. Ceci est également valable, par exemple, en portugais (Alemão), en espagnol ou castillan (Alemán), et pour le catalan (Alemanys). L'italien lui, a conservé l'origine latine dans son adjectif Tedesco pour dire Allemand[15].
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+ Germany en anglais se réfère aux Germains et Saksa en finnois et en estonien se réfère aux Saxons.
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+ Dans les langues des peuples slaves, le nom renvoie à l'adjectif signifiant « muet ».
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+ En langue chinoise écrite, le nom de l'Allemagne est 德国 (Déguó). Ici, 德 (Dé) est l'abréviation de la transcription 德意志 (Déyìzhì) du mot allemand deutsch, et 国 (Guó) signifie pays[16].
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+ De 962 à 1806, l'Allemagne est la force centrifuge du Saint-Empire romain germanique. Après le Congrès de Vienne, les États allemands se regrouperont au sein de la Confédération germanique (de 1815 à 1866) alors en proie aux luttes d'influence entre l'Autriche et la Prusse. C'est en 1871, à la fin de la guerre franco-prussienne, les divers États allemands furent réunis dans un État dominé par la Prusse, donnant ainsi naissance à l'Allemagne unifiée moderne, dite également Deuxième Reich ou Reich Wilhelminien. La défaite allemande qui suivit la Première Guerre mondiale provoqua en 1918 l'avènement de la République, puis en 1933 celui du Troisième Reich, lequel s'effondra en 1945 dans la défaite qu'entraîna la Seconde Guerre mondiale. D'abord occupée par les forces armées de ses vainqueurs, l'Allemagne fut séparée en deux parties en 1949, qui formèrent la République fédérale d'Allemagne (dite « Allemagne de l'Ouest ») et la République démocratique allemande (dite « Allemagne de l'Est »). La réunification a eu lieu le 3 octobre 1990, onze mois après la chute du Mur de Berlin, qui marqua la réunification populaire. En 1990, sa capitale redevient Berlin.
28
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+ La linguistique et les textes latins nous montrent que la mention du peuple germain remonte à l'époque romaine. Cependant les historiens s'entendent pour trouver les origines d'un territoire allemand au partage de Verdun de 842. Louis le Germanique a obtenu, lors de ce partage, l'est de l'empire carolingien, nommé Francie orientale. C'est de la Francie orientale qu'est issu le Saint-Empire romain germanique fondé par Otton Ier, dit le Grand (936-973). Cet empire comprend, outre le territoire de l'actuelle Allemagne, l'Italie du nord et la Bourgogne. Dès sa fondation, ce nouvel empire est entravé par le peu d'institutions sur lesquelles l'empereur peut asseoir son autorité et la faiblesse des revenus, les empereurs ne disposant que de leurs propres domaines pour financer leur politique. Le système d'élection de l'empereur par les princes-électeurs conduisit souvent à affaiblir le pouvoir du monarque. Traditionnellement, l'empereur élu entreprenait un voyage à Rome pour être couronné par le pape.
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+ Le délitement du pouvoir impérial est accentué par l'obsession de certains empereurs à vouloir établir une autorité forte dans leurs possessions italiennes. Au XIIIe siècle, Frédéric II est tellement occupé par ses affaires italiennes qu'il renonce à tout pouvoir et tout contrôle dans les nombreuses principautés ecclésiastiques allemandes et qu'il abdique une grande partie de ceux-ci dans les principautés laïques. De ce fait, les terres allemandes sont pratiquement indépendantes du pouvoir impérial dès cette époque.
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+ À partir du XIe siècle, la Germanie déborde de ses limites traditionnelles entre le Rhin et l'Oder. Commence alors la colonisation de l'Europe centrale sous l'action de grands seigneurs, des rives de la mer Baltique par une croisade menée par les chevaliers Teutoniques et du Sud du pays à partir du règne de Otton Ier. Des centaines de milliers d'Allemands de l'Ouest poussés par la surpopulation ont ainsi migré vers l'Est où des tenures plus vastes et des droits féodaux plus légers les attendent. Les villes rhénanes et les ports se développent mais prennent une part peu active au grand commerce européen du XIIe siècle.
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+ Après 1438, l'empereur porte le titre d'un « empereur élu » après son élection formelle par les sept « électeurs » de l'Empire à Francfort. À l'époque moderne, le Saint-Empire compte plus de 300 États qui n'obéissent que de très loin à l'empereur Habsbourg.
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+ Au XVIe siècle, la réforme luthérienne continue à diviser l'Allemagne. En 1546, l'empereur Charles Quint entre en guerre contre les nombreux princes et villes allemands qui se sont convertis au luthéranisme. Son échec à réduire le protestantisme dans le Saint-Empire est sanctionné par la paix d'Augsbourg de 1555, qui permet à chaque prince et ville libre de choisir sa religion mais oblige les sujets à avoir la même religion que leur souverain — cujus regio, ejus religio. L'Allemagne n'en a pas pour autant fini avec les guerres de religion. Les progrès du calvinisme en Allemagne à la fin du XVIe siècle et la volonté de l'empereur Ferdinand II d'imposer son autorité et celle de la religion catholique aux États du Saint-Empire, entraînent la guerre de Trente Ans qui ravage le pays de 1618 à 1648. Les traités de Westphalie entérinent l'affaiblissement du pouvoir impérial en favorisant les droits des 350 États allemands. La liberté religieuse des princes est réaffirmée.
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+ Le rapprochement se fait partiellement par la finance. La Frankfurter Wertpapierbörse créée en 1585 par des marchands pour établir un cours unique des monnaies, devenue une bourse aux effets de commerce au XVIIe siècle, centralise depuis la fin du XVIIIe siècle la négociation de la dette publique. La Banque de Bethmann innove en fragmentant et revendant, par appel à l'épargne publique, les prêts souverains à François Ier[17].
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+ Sous la pression de la France, le Saint-Empire est dissous en 1806 et remplacé par la Confédération du Rhin sous protectorat français. Après le congrès de Vienne (novembre 1814 - juin 1815), celle-ci est remplacée par la Confédération germanique (en allemand : Deutscher Bund) qui ne regroupe plus que 39 États sous la direction honorifique des Habsbourg, lesquels ne portent plus que le titre d'Empereur d'Autriche. En fait, cette confédération ne peut exister que si l'Autriche et la Prusse s'entendent. À partir de 1834, le Zollverein ou union douanière commence à se constituer à l'initiative de la Prusse. Il construit un espace économique sans douane intérieure et définit une même politique commerciale vis-à-vis de l'extérieur. Cet espace, progressivement élargi, exclut délibérément l'Autriche. Les révolutions de 1848 touchent la plupart des États allemands. Une assemblée élue au suffrage universel se réunit à Francfort et propose la couronne d'une Allemagne unifiée au roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, qui la refuse, soucieux de ne pas tenir son pouvoir de la souveraineté du peuple. Il est prêt à accepter la couronne que lui proposent les princes allemands, mais l'Autriche force la Prusse à renoncer en 1850. L'Allemagne se retrouve dans la même situation politique qu'en 1815.
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+ En 1862, Otto von Bismarck devient le ministre-président du roi de Prusse Guillaume Ier. Il a compris que l'unité allemande ne se fera pas sans l'éviction de l'Autriche par la guerre. Il fait passer par la force les réformes modernisant l'armée. En 1866, l'armée prussienne écrase l'armée autrichienne à Sadowa.
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+ La Prusse annexe les territoires situés entre sa partie orientale et sa partie occidentale, et dirige la Confédération de l'Allemagne du Nord. Seuls les quatre États du Sud n'y adhèrent pas.
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+ La France, en déclarant la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870, permet de fédérer tous les États allemands autour d'un ennemi commun. La défaite française débouche sur la proclamation de l'Empire allemand le 18 janvier 1871 dans la galerie des Glaces du château de Versailles, avec Guillaume Ier de Prusse à sa tête, entraînant également l'annexion de l'Alsace (sauf Belfort) et du nord de la Lorraine, dont la région de Metz, place-forte de première importance. L'unité allemande s'est faite par le haut et par la guerre, comme le souhaitait Bismarck.
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49
+ L'indemnité de guerre de 1871, forçant la France à emprunter 25 % de son PIB pour verser de l'or à l'Allemagne, dope la spéculation immobilière à Berlin, précipitant le krach de mai 1873, le plus profond de l'histoire boursière allemande, puis la Grande Dépression (1873-1896). Les banques se méfient les unes des autres. Les prêts interbancaires s'assèchent, mais la Deutsche Bank nouvellement créée résiste à la tempête et d'autres banques la suivent.
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+ La sidérurgie allemande connaît une formidable expansion car elle profite mieux des procédés Bessemer (1858) et surtout Thomas (1877), grâce à un charbon plus abondant, même s'il est moins rentable, exploité dans les mines de la Ruhr. Dans les années 1890 des dizaines de milliers de travailleurs polonais émigrent de Pologne vers la Ruhr pour s'embaucher dans les mines de charbon, dont une partie qui se feront embaucher après la Première Guerre mondiale par les industriels français souhaitant relancer leur économie, grâce à leur savoir-faire[18].
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53
+ L'Allemagne, devenue une des puissances politiques majeures en Europe s'engage dans la Première Guerre mondiale aux côtés de l'Autriche-Hongrie (1914) et tente d'envahir la France. Après les premiers assauts, la guerre s'oriente vers une longue et lente guerre de position dans les tranchées, meurtrière d'un côté comme de l'autre. Elle prend fin en 1918 avec la défaite allemande, et l'empereur allemand, le Kaiser Guillaume II, doit abdiquer en raison de la Révolution allemande de novembre 1918. Lors du traité de Versailles, l'Allemagne est considérée comme responsable de la guerre et condamnée à payer de très lourdes réparations, d'autant que les Allemands ont fait sauter les cuvelages de 18 des 19 sociétés minières françaises du nord pendant la guerre et noyé les galeries.
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+ L'Allemagne, chose unique dans l'histoire diplomatique, n'est pas invitée aux discussions versaillaises. Elle est jugée comme principalement responsable (avec l'Autriche-Hongrie) de la guerre, mais conserve néanmoins la Rhénanie, au regret de la France qui voulait fixer la frontière sur le Rhin. L'Alsace et la Lorraine perdues en 1871 reviennent à la France qui n'obtient cependant pas la Sarre (51 millions de tonnes de charbon, soit deux tiers des besoins français), en raison des pressions exercées par l'Angleterre. La Sarre est placée sous la tutelle de la Société des Nations et un référendum sera organisé quinze ans plus tard pour décider son rattachement à la France ou à l'Allemagne. Le Schleswig du Nord est rattaché au Danemark après consultation de la population. Les cantons d'Eupen et de Malmedy sont rattachés à la Belgique. La Pologne obtient un accès à la mer, le fameux « corridor de Dantzig », avec les populations Kachoubes parlant un dialecte polonais mais étant favorables aux Allemands. La ville de Dantzig n'est rattachée ni à l'Allemagne, ni à la Pologne, c'est une ville libre sous contrôle de la SDN. Solutions de compromis qui ne plaisent à personne. 80 kilomètres séparent la Prusse-Orientale du reste de l'Allemagne. La Haute-Silésie, rattachée après plébiscite à l'Allemagne en mars 1921, est occupée par la Pologne peu après. La SDN arbitre la situation et le partage, dénoncé par les deux parties, est réalisé arbitrairement.
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+ L'Allemagne perd 88 000 km2 et huit millions d'habitants. Le service militaire est aboli et l'armée est réduite à 100 000 hommes dont 5 000 officiers. Elle ne peut posséder ni blindés, ni artillerie lourde, ni aviation. Sa flotte de guerre se saborde à Scapa Flow le 26 juin 1919. Elle perd ses colonies, qui sont placées par la SDN sous mandats confiés aux vainqueurs. Comme responsable de la guerre, elle doit céder du matériel et des produits agricoles. Les réparations de guerre sont évaluées en 1921 à 132 milliards de marks-or à payer en 30 ans. Tous les brevets allemands sont perdus, les vainqueurs obtiennent la clause de « nation la plus favorisée » et le Rhin, l'Oder et l'Elbe sont internationalisés, l'Allemagne perdant tout pouvoir sur leur contrôle. La rive gauche du Rhin, avec des têtes de pont rive droite, est occupée, puis considérée comme démilitarisée perpétuellement.
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+ Malgré ces mesures intransigeantes, l'industrie allemande résiste et affiche une croissance plus forte que celle des Anglais, qui sont les perdants de la forte expansion européenne des années 1920. En 1939, le charbon français coûte 25 % plus cher qu'en Allemagne.
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+ Le pangermanisme dévoyé en un nationalisme hostile à l'impérialisme franco-britannique et raciste envers les populations juives et slaves, le ressentiment contre les conditions du traité de Versailles et les conséquences particulièrement dures de la crise économique mondiale de 1929 permettent au NSDAP (parti nazi) d'Adolf Hitler d'accéder par les urnes au pouvoir en 1933. Hitler élimine rapidement toute opposition puis prend le contrôle absolu de l'État allemand en instaurant un régime totalitaire[19]. En 1935, l'Allemagne devient officiellement antisémite en promulguant les lois de Nuremberg. La politique d'Hitler consistant à annexer ou envahir ses voisins finit par provoquer la Seconde Guerre mondiale le 1er septembre 1939.
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+ L'Allemagne domine le début du conflit. Elle conquiert une grande partie de l'Europe, de l'Afrique du Nord, de l'URSS. Mais pendant l'hiver 1941-1942, l'armée allemande subit de lourdes pertes sur le front russe. En 1942-1943, la guerre tourne en faveur des pays alliés : le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, l'URSS écrasent finalement les armées de l'Axe, envahissant finalement Berlin. La Shoah est l'extermination systématique par l'Allemagne nazie d'entre cinq et six millions de juifs, soit les deux tiers des juifs d'Europe et environ 40 % des juifs du monde. Le 30 avril 1945, Hitler se suicide.
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+ Dévastée par la guerre (même si le potentiel industriel du pays est encore énorme car la politique de la terre brûlée souhaitée par Adolf Hitler n'est pas appliquée de façon conséquente), l'Allemagne est occupée par les Alliés. Le pays et Berlin sont divisés en quatre secteurs, chacun contrôlé par l'une des nations victorieuses (États-Unis, Royaume-Uni, Union soviétique et France). Après plusieurs propositions pour une nouvelle Allemagne (comme le plan Morgenthau), elle est finalement divisée en deux parties durant toute la Guerre froide : la RFA (République fédérale d'Allemagne) créée le 23 mai 1949 à l'Ouest avec Bonn pour capitale et siège administratif, et la RDA (République démocratique allemande) créée le 7 octobre 1949 à l'Est avec Berlin-Est pour capitale. Les territoires à l'est du fleuve Oder et son affluent Neisse de Lusace ont été intégrés à la Pologne et à l'URSS.
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+ Le creux démographique provoqué par la guerre est rapidement compensé par l'arrivée d'environ 13 millions d'Allemands expulsés des anciens territoires d'Allemagne-Orientale et des pays d'Europe de l'Est. Ces millions de réfugiés ont été intégrés dans la société d'après-guerre des territoires de la RFA et la RDA. Ils venaient principalement des anciennes provinces allemandes de la Silésie, de la Prusse-Orientale et aussi de l'est de la province de la Poméranie. En outre ils venaient de Pologne, notamment des anciennes provinces de la Prusse-Occidentale et de la Posnanie. Ils venaient encore des régions qui autrefois appartenaient à l'Autriche-Hongrie : de la Tchécoslovaquie - notamment des régions de Bohême, Moravie et Silésie Tchèque (Allemands des Sudètes) -, ainsi que de Hongrie et de Roumanie (Transylvanie). Par ailleurs ils venaient du territoire de Klaipėda (Memel), en Lituanie.
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+ Sous l'impulsion du plan Marshall (1948-1952), l'Allemagne de l'Ouest renoue rapidement avec la croissance économique, au contraire de l'Allemagne de l'Est. L'amitié franco-allemande naît avec Konrad Adenauer et Charles de Gaulle, et est considérée encore aujourd'hui comme le moteur de l'Europe. À la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, prélude à la réunification de l'Allemagne du 3 octobre 1990, les deux pays de RFA et de RDA ne possèdent pas le même niveau économique. Cette différence persiste aujourd'hui, les Länder de l'Est (ancienne RDA) demeurant plus pauvres que ceux de l'Ouest. Le coût de la réunification a entraîné d'importantes difficultés économiques pour le pays depuis les années 1990. Son unification a cependant permis d'en faire une nation politiquement incontournable au sein de l'Union européenne et la première puissance économique du continent.
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+ De 1991 à 2000, 150 milliards de DM ont été investis chaque année à l'Est de l'Allemagne sans parvenir à sortir cette région de la crise, mais des réformes en profondeur sont entreprises dans les deux parties de l'Allemagne dans les années 1990, afin d'inciter le pays à être plus compétitif, en particulier celle du système de retraite. De 1998 à l'automne 2005, le gouvernement allemand est dirigé par Gerhard Schröder, du SPD (Parti social-démocrate). Les écologistes du parti Die Grünen participent à un gouvernement de coalition. Après les élections législatives anticipées de 2005, la chancelière chrétienne démocrate Angela Merkel dirige un gouvernement basé sur une « grande coalition » qui regroupe cette fois la CDU (et sa branche bavaroise la CSU) et le SPD. Depuis 2009, la même Angela Merkel est à la tête d'une coalition « noire-jaune » entre la CDU et les libéraux du FDP avant de former une nouvelle « grande coalition » après les élections fédérales en 2013.
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+ En 2005, le cardinal Joseph Ratzinger, ancien archevêque de Munich, et au Vatican préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, est élu pape sous le nom de Benoît XVI. Benoît XVI est le premier pape germanique depuis Benoît XI, qui a régné au XIIIe siècle.
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+ En 2015, lors de la crise migratoire en Europe, Angela Merkel affirme que l'Allemagne doit être un pays d'accueil et annonce vouloir accueillir 800 000 migrants[20]. Mais, rapidement confronté à une vague d'une ampleur inattendue qui dépasse le million de migrants[21] le gouvernement décide de rétablir sa frontière avec l'Autriche le 13 septembre 2015 afin de freiner le flux des arrivées[22].
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+ En 2016, les agressions sexuelles du Nouvel An qui font plus de 1 049 victimes ont un impact considérable dans la population allemande[23]. En juillet de la même année, le pays connaît ses premiers attentats islamistes[24],[25],[26]. Ceux-ci, impliquant des demandeurs d'asile, font 15 morts et plusieurs dizaines de blessés en moins d'un mois[27].
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+ Le Nord est occupé par la plaine d'Europe du Nord, formée par les glaciations du quaternaire, aux paysages fortement différenciés, le centre par des montagnes anciennes d'altitudes peu élevées, le sud par un bassin sédimentaire et par le massif alpin. Ce pays, bordé au nord-ouest par la mer du Nord et au nord-est par la mer Baltique, occupe une place centrale dans l'Union européenne par sa situation, sa puissance démographique, industrielle et commerciale. Une grande partie de l'Allemagne occidentale fait partie de l'Europe rhénane, la région la plus dynamique d'Europe et l'une des plus dynamiques du monde.
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+ La réunification de 1990 a changé l'organisation de l'espace allemand. L'espace rhénan reste cependant le cœur de l'Allemagne et l'axe le plus fréquenté, aussi bien sur le plan économique que sur le plan démographique malgré la nécessaire mutation de la Ruhr. Francfort et la conurbation de Région Rhin-Main continue de jouer son rôle de capitale financière du pays.
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+ Depuis le début des années 1960, les régions du Sud, le Bade-Wurtemberg et la Bavière sont des espaces attractifs. Ce sont des régions aussi bien industrielles (techniques de pointe, complexes militaro-industriels) que touristiques. Le solde migratoire régional est fortement positif.
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+ Depuis la réunification, le Centre et le Nord jouissent d'une position privilégiée. Ils sont devenus un nouveau centre géographique de l'Allemagne. Les ports de Hambourg et de Brême disposent de l'Hinterland de l'ancienne RDA dont ils étaient privés jusqu'en 1990. Le transit entre ces ports et les régions diverses d'Allemagne et d'Europe permet au Land de Basse-Saxe d'occuper une place majeure dans l'espace de l'Allemagne réunifiée.
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+ Les cinq Länder de l'est constituent une périphérie en reconstruction. Le passage d'une économie socialiste à une économie de marché a entraîné la fermeture de nombreuses usines vétustes et peu concurrentielles, le développement de friches industrielles, des migrations régionales vers les Länder de l'ouest et une forte augmentation du chômage. Le taux de chômage était, fin 2006, de 16,4 %[28] alors qu'il est de 10,1 % pour l'ensemble de l'Allemagne. Ceci est dû à une faible compétitivité qui persiste depuis plus de quinze ans, malgré les investissements consentis par le gouvernement fédéral. Cette situation a abouti à un « désamour » entre les Allemands de l'ouest « Wessis » et les Allemands de l'est « Ossis », les uns trouvant qu'ils ont payé trop cher l'union, les autres se sentant oubliés par les plus nantis et regrettant l'époque de la RDA. Ce dernier phénomène a été appelé Ostalgie par les journalistes. Cependant, les autorités misent sur les nouveaux élargissements de l'Union européenne à l'Est pour dynamiser l'économie des cinq Länder de l'est.
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+ Entre 1990 et 2017, l'Allemagne a perdu 75 % de ses insectes volants[29].
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+ En 2019, le jour du dépassement (date de l'année à partir de laquelle l'humanité est supposée avoir consommé l'ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an) de l'Allemagne[c] est le 3 mai[30]. L'Allemagne est l'un des pays dont la consommation dépasse le plus les capacités de la planète.
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+ L'Allemagne est le 25e pays ayant la plus forte concentration annuelle de particules. Celle-ci dépasse légèrement le seuil recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS)[31].
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+ La disparition des insectes est massive en Allemagne : jusqu'à 67 % ont disparu entre 2010 et 2019 des prairies, et 41 % dans les forêts[32].
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+ L'Allemagne a connu des changements territoriaux successifs au XXe siècle. La défaite de 1918 a sonné le glas de l'Empire allemand. Le traité de Versailles de 1919 qui règle le sort de l'Allemagne fait passer la superficie de l'Allemagne de 540 848 km2 à 468 776 km2. Celle-ci est amputée de l'Alsace-Moselle, du Nord du Schleswig, d'Eupen et de Malmedy. De plus, pour permettre à la Pologne d'avoir un accès à la mer, la Prusse-Orientale est séparée du reste de l'Allemagne par le corridor de Dantzig.
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+ Après la défaite de 1945, l'Allemagne est occupée par les vainqueurs. À l'est, onze millions d'Allemands sont chassés ou fuient vers l'ouest. Environ 110 000 km2 de l'Est allemand sont rattachés à la Pologne ou à l'URSS. Une des conséquences de la Guerre froide est la création en 1949 de la RFA à l'ouest dans les zones d'occupations des occidentaux suivie par celle de la RDA dans la zone occupée par les soviétiques à l'est. Il y a désormais deux États allemands : la République fédérale allemande (RFA), une démocratie pluraliste et capitaliste et la République démocratique allemande (RDA), une démocratie populaire avec un parti unique au pouvoir, le Parti socialiste unifié d'Allemagne (SED), et une économie calquée sur celle de l'URSS.
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+ Le 9 novembre 1989, le mur de Berlin, construit en 1961, tombe. L'année suivante la RDA est absorbée par la RFA. Les Allemands sont de nouveau réunis dans un seul État, la République fédérale d'Allemagne, le 3 octobre 1990. L'Allemagne renonce alors officiellement à ses revendications territoriales sur la Prusse-Orientale[33]. Ce nouvel État doit surmonter le coût de la réunification allemande, c'est-à-dire investir pour rattraper le retard économique des Länder de l'Est par rapport à ceux de l'Ouest. Il s'agit de reconnecter les deux territoires coupés par le rideau de fer durant la Guerre froide : le gouvernement a notamment mis en œuvre des chantiers d'infrastructures de transport : le projet « Unité allemande » lancé en 1992, prévoit des travaux jusqu'en 2010[34] pour un montant total de plusieurs dizaines de milliards d'euros. L'effort est porté en particulier sur les autoroutes à numéros pairs, d'orientation est-ouest : par exemple, la Bundesautobahn 4 qui va de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie à la frontière polonaise en passant par la Thuringe. Les canaux sont modernisés ou complétés, comme le Mittellandkanal. L'intégration de l'ex-Allemagne de l'Est à l'Union européenne reste encore inachevée et les inégalités sont toujours présentes.
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+ Les plus grandes îles de l'Allemagne sont
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+ Les plus longs fleuves d'Allemagne sont listés ci-dessous (avec la longueur entière et la longueur en Allemagne, entre parenthèses est indiquée la plus grande ville allemande dans le bassin versant du fleuve respectif).
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+ Affluent de la mer Noire :
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+ Affluent de la mer du Nord :
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+ Affluent de la mer Baltique :
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+ Les plus longs fleuves entièrement en Allemagne (mer du Nord) :
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+ Les villes d'Aix-la-Chapelle et Mönchengladbach sont situées dans le bassin versant de la Meuse.
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+ La Vltava froide (en tchèque : Studená Vltava ; en allemand : Kalte Moldau), le premier affluent de la Vltava, prend sa source en Bavière. Elle est le plus court des deux ruisseaux qui s'unissent pour former la Vltava. Le plus long est la Vltava chaude (en tchèque : Teplá Vltava).
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+ La Breg et la Brigach s'unissent à Donaueschingen, dans la Forêt-Noire, pour former le Danube.
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+ Le rapport de suivi du gouvernement fédéral allemand (« Monitoringbericht 2019 ») montre le tableau suivant pour l'Allemagne[35]: Les dernières années ont été très chaudes et caractérisées par de longues périodes de sécheresse et des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des tempêtes et de fortes pluies. Les étés 2003, 2018 et 2019 ont été les plus chauds depuis le début des records météorologiques. La température de l'air a augmenté de 1,5 °C de 1881 à 2018. Au cours des dernières décennies, une tendance à la hausse des chaleurs extrêmes a été observée. En particulier, le nombre de journées chaudes (> 30 °C) a considérablement augmenté. Par exemple, en 2003, environ 7 500 personnes sont mortes de plus que ce à quoi on aurait pu s'attendre sans une vague de chaleur. Les mois où le niveau des eaux souterraines est inférieur à la moyenne deviennent nettement plus fréquents. En été, les rivières contiennent de moins en moins d'eau. Le niveau de la mer dans les mers Nord et Baltique est en forte hausse. Cela provoque une augmentation de l'intensité des ondes de tempête. La durée des périodes de végétation est de plus en plus longue. Un exemple est la saison des fleurs de pommier. La proportion de hêtres a diminué par rapport aux essences mieux adaptées à la sécheresse dans les réserves forestières naturelles chaudes et sèches. Les effets du réchauffement croissant sont également évidents si la température de l'eau des lacs et de la mer du Nord a considérablement augmenté.
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+ Les États fédérés de l'Allemagne se nomment Bundesland (singulier) ou Bundesländer (pluriel).
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+ * Berlin, Brême et Hambourg sont des « villes-Länder » (en allemand « Stadtstaat »). Pour Hambourg et Brême, il s'agit d'un héritage du passé commercial de ces villes (voir Hanse). Elles sont des Länder à part entière.
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+ Chaque Land a sa propre constitution (Verfassung). Il est aussi doté d'un Parlement (Landtag) et d'un gouvernement (Landesregierung) issu de la majorité du Landtag. Il est souverain en matière de culture (enseignement, théâtre, musique, etc.), d'organisation des services de police, de droit communal. La Fédération peut élargir les compétences des Länder par des prescriptions-cadres : l'enseignement supérieur, l'aménagement du territoire, la protection de la nature et la conservation des sites naturels sont passés de la compétence de la Fédération à celle des Länder. Enfin, les Länder ont la responsabilité de faire respecter les décisions fédérales sur leur territoire. Chacun des Länder peut également lever des impôts. De ce fait, 36 % des impôts directs collectés reviennent aux Länder, l'État fédéral en recevant près de 50 % et les communes se partageant le reste.
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+ La loi fondamentale n'a pas délimité strictement certains domaines législatifs : pour le droit civil, le droit pénal, le droit économique, le droit du travail, la politique du logement, la politique énergétique, la circulation routière ou encore la gestion des déchets, les Länder peuvent légiférer à condition que l'État fédéral l'autorise. Et ce dernier ne peut légiférer que pour un besoin uniforme à l'échelle nationale.
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+ Une des particularités de la démocratie allemande est l'institutionnalisation du rôle des partis politiques : représenter les citoyens et leur apporter une formation politique.
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+ La Deutsche Bahn, souvent désignée par son nom commercial Die Bahn ou par le sigle DB, est l'entreprise ferroviaire publique en Allemagne, la plus importante d'Europe après la Russie, tant par la longueur de son réseau, que par le chiffre d'affaires ou les prestations de transport.
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+ Voici une liste des aéroports allemands avec plus de 1 000 000 passagers par an :
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+ Les alliés occidentaux ont réintroduit une structure fédéraliste en Allemagne en 1949. Le but était de préserver l'unité de la partie occupée par les occidentaux en empêchant le retour d'une Allemagne trop puissante sur le plan politique. Le fonctionnement du système politique allemand est donc régi depuis 1949 par une Constitution appelée Loi fondamentale (Grundgesetz). La Cour constitutionnelle qui siège à Karlsruhe veille à son respect. Depuis cette date, l'Allemagne est donc une république fédérale, composée d'abord de onze Länder[d], puis de seize depuis 1990. Depuis la réunification des deux Allemagnes la capitale fédérale est Berlin. Les pouvoirs exercés par la seule Fédération concernent les affaires étrangères, la défense, la nationalité, la monnaie, les frontières, le trafic aérien, les postes et télécommunications, et une partie du droit fiscal. Le Parlement allemand est composé de deux chambres, le Bundestag, élu au scrutin mixte pour quatre ans, et le Bundesrat (Conseil fédéral) qui comprend 68 représentants des gouvernements des Länder. Chaque Land donne toutes ses voix pour ou contre une loi.
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+ L'accroissement des pouvoirs du Bundesrat met ceux-ci en mesure de bloquer l'action du gouvernement fédéral. En même temps, les compétences de l'État fédéral ont augmenté aux dépens des Länder. L'imbrication des compétences rend toute décision de plus en plus difficile. En effet, le Bundesrat doit se prononcer sur toutes les lois dont le contenu est applicable dans les Länder. En cinquante ans, la proportion de lois fédérales exigeant l'accord du Bundesrat est passée de 10 % à 60 %. En cas de différence de majorité entre les Länder et le gouvernement fédéral, il y a parfois blocage. Cela gêne même l'action de l'Allemagne dans les instances européennes[39].
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+ Les Länder et le gouvernement fédéral ont donc réfléchi ensemble à une réforme des institutions allemandes qui a été votée en mars 2006. Les prérogatives législatives du Bundesrat sont diminuées. Le Bundesrat ne vote que les lois qui ont un impact sur les budgets des régions. En contrepartie, l'État fédéral abandonne à celles-ci des champs entiers de compétences dans l'éducation, la recherche et l'environnement[40].
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+ Le président de la République fédérale (Bundespräsident) est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, au suffrage indirect, c'est-à-dire par les députés du Bundestag et des personnes élues par les parlements des Länder. Il représente l'unité allemande et défend les intérêts de l'Allemagne mais ses prérogatives restent serrées, son rôle étant essentiellement symbolique. Cependant, il s'agit d'une autorité morale respectée et écoutée. L'actuel président fédéral est Frank-Walter Steinmeier ; cet ancien ministre fédéral des Affaires étrangères a été élu à la fonction présidentielle le 12 février 2017.
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+ Le chancelier fédéral (Bundeskanzler) est le chef du gouvernement allemand. Il est élu par les membres du Bundestag, sur proposition du président fédéral pour un mandat de quatre ans, renouvelable à plusieurs reprises. Angela Merkel (CDU) est l'actuelle chancelière fédérale (Bundeskanzlerin) depuis le 22 novembre 2005 ; elle a été réélue en 2009, 2013 et 2017.
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+ La formation de coalitions (généralement désignées par référence aux couleurs qui symbolisent les grands partis) joue un grand rôle dans le fonctionnement politique de l'Allemagne, tant au niveau fédéral que dans chaque Land. Un seul des vingt-et-un gouvernements fédéraux ne reposait sur aucune coalition : le cabinet Adenauer III, entre 1960 et 1961. Deux grands partis dominent traditionnellement ces coalitions et s'opposent électoralement, quand ils ne sont pas unis dans une Grande coalition (große Koalition, de 1966 à 1969, de 2005 à 2009 et depuis 2013 au niveau fédéral) : l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (Christlich Demokratische Union Deutschlands, CDU, symbolisée par le noir, centre droit démocrate chrétien et libéral-conservateur, présent dans tous les Länder sauf la Bavière) et son allié bavarois l'Union chrétienne-sociale en Bavière (Christlich-soziale union in Bayern, CSU, symbolisée par le bleu ou le noir, droite démocrate chrétienne et conservatrice), membres du Parti populaire européen, ont dominé le gouvernement fédéral en occupant la chancellerie de 1949 à 1969, de 1982 à 1998 et depuis 2005) ; le Parti social-démocrate d'Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD, symbolisé par le rouge, centre gauche social-démocrate), membre du Parti socialiste européen, a dirigé l'Allemagne fédérale de 1969 à 1982 et de 1998 à 2005, et deuxième force d'une Grande coalition de 1966 à 1969, de 2005 à 2009 et depuis 2013.
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+ Deux autres partis ont été des partenaires mineurs de coalition au niveau fédéral : le Parti libéral-démocrate (Freie Demokratische Partei, FDP, symbolisé par le jaune, centre libéral), membre du Parti de l'Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe, a été associé aussi bien à la CDU/CSU (coalition noire-jaune) de 1961 à 1966, de 1982 à 1998 et de 2009 à 2013, qu'au SPD (coalition sociale-libérale ou rouge-jaune) de 1969 à 1982, en s'affirmant pendant longtemps comme la troisième force politique du pays avant de disparaître du Bundestag en 2013 ; l'Alliance 90 / Les Verts (Bündnis 90 / Die Grünen, symbolisée par le vert, centre gauche écologiste), membre du Parti vert européen, n'a été membre d'un cabinet fédéral qu'en association avec le SPD (coalition rouge-verte) de 1998 à 2005, après avoir connu une progression électorale relativement soutenue depuis les années 1980. Une cinquième formation est représentée au Bundestag depuis 2009 sans avoir jamais fait partie d'une coalition au niveau fédéral et est devenue la troisième force politique allemande (et la première d'opposition) en 2013 : Die Linke (« La Gauche », symbolisé par le rouge, gauche et extrême gauche socialiste démocratique, antilibéral et populiste de gauche), membre du Parti de la gauche européenne. Plus récemment, durant les années 2010, à la suite successivement de la crise de la dette dans la zone euro et à la crise migratoire en Europe, un parti eurosceptique a vu ses résultats électoraux progresser très rapidement (cinquième force lors des élections européennes de 2014, la deuxième lors des élections législatives régionales de 2016 en Saxe-Anhalt et la troisième pour celles de Rhénanie-Palatinat et de Bade-Wurtemberg la même année) : l'Alternative pour l'Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD symbolisé par le bleu et le rouge), à l'origine créé par des économistes critiques envers l'euro, devenu davantage national-conservateur depuis 2015 en se réorientant vers des positions anti-immigration et anti-islam.
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+ Au niveau des Länder, au 19 juillet 2016, neuf d'entre eux ont un ministre-président social-démocrate dont quatre dans le cadre d'une coalition rouge-verte (Brême, Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Basse-Saxe et Hambourg), deux avec une Grande coalition (Berlin et Mecklembourg-Poméranie-Occidentale), deux dans une coalition en feu tricolore (avec l'Alliance 90 / Les Verts et un parti centriste libéral ou régionaliste, Schleswig-Holstein avec le parti de défense de la minorité danoise de la Fédération des électeurs du Schleswig-du-Sud ou SSW, et Rhénanie-Palatinat avec le FDP), un avec une coalition rouge-rouge (avec Die Linke, Brandebourg). Quatre Länder ont un chef de gouvernement issu de la CDU, dont deux en Grande coalition (Sarre et Saxe), un avec une coalition noire-verte (avec l'Alliance 90 / Les Verts, Hesse) et un avec une coalition noire-rouge-verte ou kényane (avec le SPD et l'Alliance 90 / Les Verts, Saxe-Anhalt), à quoi s'ajoute un Land traditionnellement dominé par la CSU seule (Bavière). Enfin, deux Länder ont un ministre-président issu d'autres mouvements que les deux grandes forces de gouvernement : le Bade-Wurtemberg a un dirigeant issu de l'Alliance 90 / Les Verts gouvernant en coalition avec la CDU (coalition verte-noire) depuis 2016 après l'avoir fait avec le SPD (coalition verte-rouge) de 2011 à 2016 ; la Thuringe avec un chef issu de Die Linke depuis 2014 qui mène une coalition rouge-rouge-verte (avec le SPD et l'Alliance 90 / Les Verts).
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+ La Bundeswehr (en allemand « force de défense fédérale ») est une armée exclusivement servie par des professionnels depuis 2011, composée en décembre 2012 de 191 818 militaires, dotée d'un budget de 31,68 milliards d'euros qui déploie aujourd'hui à l'étranger plus de 13 000 hommes.
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+ De 1945 à la réunification allemande de 1990, la RFA cultive l'« oubli de puissance »[41]. Elle devient le modèle de l'État-marchand civil qui renonce à toute ambition militaire et rôle important dans les relations internationales. Elle cherche à faire oublier son passé impérialiste en s'intégrant au sein du plus grand nombre d'alliances. De ce point de vue l'entrée de la RFA dans l'OTAN, en 1955, la fait passer de pays occupé à partenaire stratégique des États-Unis. La RFA tient d'autant plus à cette alliance que les États-Unis sont ses principaux protecteurs face à l'Union soviétique. La participation à la CECA en 1951 et à la naissance de la CEE marquent le retour de l'Allemagne dans le jeu européen. Néanmoins, les actions de la RFA sur la scène internationale étaient de l'ordre d'une « diplomatie du chéquier[42], » la RFA se montrant généreuse sur le plan des solidarités internationales. Le traité de l'Élysée signé en 1963, permet la réconciliation franco-allemande et une coopération profitable pour les deux pays.
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+ La chute du communisme et la réunification de l'Allemagne changent le statut du pays. L'unification intéresse directement les quatre vainqueurs de 1945 qui s'étaient partagé quatre secteurs d'occupation. Sans leur accord l'unité allemande est impossible, chacun ayant un droit de veto sur le processus. D'où la signature, à Moscou en 1990, du traité « 4 + 2 » ou « 2 + 4 », ou bien traité de Moscou, son véritable nom étant pour autant « Traité portant règlement définitif concernant l'Allemagne »[43]. Ce traité règle le nouveau statut international de l'Allemagne unie au cœur de l'Europe en fixant définitivement les frontières (art. 1er), et en plafonnant l'armée allemande à 370 000 hommes. Après 45 ans de tutelle étrangère, l'Allemagne retrouve sa souveraineté pleine et entière ; elle redevient un État comme les autres. Forte de sa puissance économique et de sa stabilité, elle s'efforce d'aider les autres États, principalement ses voisins de l'Est, à acquérir cette même stabilité politique. N'ayant plus de visée de puissance ou d'hégémonie, elle promeut les critères environnementaux, les droits de l'homme ou les droits sociaux[44], elle privilégie la culture d'influence via les investissements économiques dans les pays de l'Europe centrale et orientale dont elle favorise l'intégration à l'Europe politique. Elle est devenue un des piliers de l'Europe. Des troupes allemandes sont intervenues dans le cadre des missions de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine, au Kosovo et en Afghanistan. En ce qui concerne ce dernier pays, la Bundeswehr y participe depuis janvier 2002 à la mission de la Force internationale d'assistance à la sécurité (ISAF) de l'OTAN[45]. En 2005, environ 7 000 soldats y étaient stationnés[46].
157
+
158
+ Après une hausse considérable de la dette publique allemande à cause de paiements forts pour l'Allemagne de l'Est après la réunification allemande et la crise économique à partir de 2008, le taux de la dette publique trouvait son maximum en 2010 (80,9 % du PIB)[47]. À partir de 2012, l'Allemagne a réalisé des excédents budgétaires sur l'ensemble de l'État[48] et était capable de réduire ses dettes de 80,9 % en 2010 à 63,9 % du PIB (2 092,6 milliards d'euros) en 2017[47]. Cela signifie qu'aussi la dette absolue de l'Allemagne ne grossit plus mais au contraire désormais se rétracte.
159
+
160
+ Par conséquent, l' Allemagne respecte le critère sur le déficit budgétaire du Pacte de stabilité et de croissance de la zone euro, qui limite le déficit à 3 % du PIB ainsi que les critères du Pacte budgétaire européen de 2012 qui limitent le déficit structurel à 0,5 % du PIB pour l'objectif budgétaire à moyen terme. La dette publique allemande rapportée au PIB pourrait passer dès 2018, avant l'objectif visé de 2019, sous le plafond de 60% fixé par l'Union européenne.
161
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162
+ En 2009 l'Allemagne a introduit un frein à l'endettement pour continuer à atteindre des budgets publiques sans déficits structurels (Länder, États fédéraux) ou au maximum un déficit très limité (0,35 % du PIB pour l'État fédéral). Le frein à l'endettement est maintenant fixé en article 109 paragraphe 3 de la Loi fondamentale. Entre-temps, quelques Länder ont aussi adopté le frein d'endettement dans leurs constitutions régionales. Avec le frein d'endettement, le déficit structurel fédéral, et non le déficit conjoncturel, ne doit plus surmonter 0,35 % du PIB à partir de 2016. Pour les Länder, des déficits structurels sont complètement interdits à partir de 2020. Seule exception sont des catastrophes naturelles ou récessions fortes.
163
+
164
+ La notation financière de l'Allemagne par les trois agences de notation les plus suivies Moody's, Standard & Poor's et Fitch est AAA, la note maximale. L'emprunt d'État à long terme (10 à 30 ans) émis par l'Allemagne s'appelle Bundesanleihe et constitue le marché directeur des taux d'intérêt à moyen et long terme dans la zone euro.
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+ L'Allemagne est peuplée de 83,1 millions d'habitants[2] en septembre 2019, dont 10,3 millions d'étrangers[2]. Avec ses 233 habitants par km2, l'Allemagne est l'un des pays les plus densément peuplés d'Europe (après les Pays-Bas, la Belgique et le Royaume-Uni). C'est le pays le plus peuplé de l'Union européenne. L'Ouest du pays reste plus peuplé que l'Est. En effet, on rencontre d'importantes concentrations urbaines à l'Ouest (région métropolitaine Rhin-Ruhr), dans le Sud-Ouest (région Rhin-Main, région métropolitaine Rhin-Neckar) et le Sud du pays (région métropolitaine de Stuttgart, région métropolitaine de Munich).
167
+
168
+ Le taux de natalité de l'Allemagne est l'un des plus faibles du monde (9,5 ‰) et son accroissement naturel est négatif depuis les années 1980 pour les onze Länder de l'Ouest, et dès 1972 à l'échelle nationale. Le nombre de naissances a atteint un minimum en 2011 avec 662.685 avant de remonter dans les années suivantes jusqu'à 792,000 naissances en 2016 du fait d'une immigration augmentée et une politique familiale plus ambitieuse. En 2016, le taux de fécondité allemand est de 1,60 enfant par femme et se trouve proche de la moyenne de l'Union européenne[54]. Jusqu'au début des années 1990 cependant, les cinq Länder de l'Est avaient un taux de fécondité bien plus élevé qu'à l'Ouest, mais la natalité de l'Est est aujourd'hui aussi faible que celle de l'Ouest. Une des raisons de cette faible fécondité résidait dans la difficulté pour les femmes de concilier vies familiale et professionnelle. Cela s'est amélioré dans les dernières années grâce à l'ouverture de beaucoup de nouvelles crèches[55].
169
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170
+ Durant longtemps, l'Allemagne a été réticente à toute politique incitative qui lui rappelait l'époque nazie ou, en RDA, celle communiste. La récente coalition CDU-SPD a pris une série de mesures, sous la houlette de la ministre ancienne de la Famille, des Personnes âgées, des Femmes et de la Jeunesse, Ursula von der Leyen, qui bouleversent la politique familiale. En 2007, un salaire parental a été créé. Il vient s'ajouter aux allocations familiales. Le parent qui arrête son travail pendant un an touche une allocation représentant 67 % du salaire perdu, avec un plafond de 1 800 euros et un minimum de 300 euros[56]. La ministre a décidé la construction de crèches représentant 500 000 places jusqu'en 2013 pour les enfants de un à trois ans. Le nombre de places en crèches a atteint de nouveaux sommets en 2014[55]. L'aménagement du temps de travail, indispensable au développement de toute politique familiale, commence à entrer dans les négociations collectives. Ainsi, en 2016, l'Allemagne applique une des politiques familiales les plus coûteuses au monde, avec un total de 156 mesures, pour un coût annuel total de 55,4 milliards d'euros. En 2019, les allocations familiales sont augmentées de 10 € par mois et enfant : 204 € au lieu de 194 € pour le premier et deuxième enfant, 210 € au lieu de 200 € pour le troisième enfant et 235 € au lieu de 225 € par mois pour le quatrième enfant et les enfants suivants. Une nouvelle augmentation de 15 € par mois et enfant est prévue pour 2021.
171
+
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+ Actuellement, la population allemande n'augmente que grâce à un solde migratoire positif[2]. En 2018, ce solde migratoire net a atteint un niveau entre 340 000 et 380 000 personnes, mais le nombre de naissances était inférieur à celui des décès par 150 000 à 180 000[57]. L'essentiel des nouveaux immigrés en Allemagne est originaire des pays de l'Union européenne.
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+ Pour résoudre le problème du financement des retraites, les assemblées allemandes ont choisi d'élever l'âge légal du départ à la retraite de 65 à 67 ans entre 2012 et 2029[58]. Il est ensuite question de le repousser à 69 ans et quatre mois. Les retraites en Allemagne sont assez faibles, ne représentant que 48 % du salaire moyen[59].
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+
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+ L'Allemagne accueille environ 10,3 millions d'étrangers[2], parmi lesquels les Turcs forment la plus importante minorité avec 1,5 million de ressortissants[60], devant les Italiens, les Polonais, les Russes et les Grecs.
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+
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+ L'Allemagne durcit son encadrement de l'immigration et des procédures d'intégration des nouveaux arrivants, et adopte en 2005 la Zuwanderungsgesetz (de), ou loi sur l'immigration, qui comprend la reconnaissance de l'Allemagne en tant que « pays d'immigration »[61].
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+ Cette nouvelle loi sur l'immigration touche aussi la loi sur la Natalité, facilitant l'obtention du statut de Citoyen pour les enfants nés sur le territoire allemand d'au moins un parent ayant vécu légalement en Allemagne pendant cinq ans[61].
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+
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+ Le tableau ci-dessous donne la liste des principales aires urbaines au sens de l'Eurostat :
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+ Dans le dernier classement de Mercer des villes les plus agréables à vivre dans le monde de mars 2019, cinq villes allemandes se trouvent parmi les 25 premières, en offrant une très haute qualité de vie à leurs habitants : Munich (3e), Düsseldorf (6e), Francfort (7e), Berlin (13e), Hambourg (19e) et Nuremberg 23e[62].
185
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+ Faust spricht mit dem Erdgeist (« Faust parle avec le Erdgeist ») de Margret Hofheinz-Döring en 1969.
187
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+ L'Allemand parlé : extrait du Faust de Goethe.
189
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+ L'allemand est une langue indo-européenne appartenant à la branche occidentale des langues germaniques, de même que le néerlandais ou l'anglais. 92 % de la population a l'allemand comme langue maternelle, ce qui indique une très grande homogénéité linguistique. 8 % de locuteurs parlent une autre langue : le danois, le frison septentrional, le frison oriental, le sorabe, le polonais, les parlers de deux groupes roms (les Sintis et les Roms allemands) ainsi que le turc, le kurde, ou le serbe.
191
+
192
+ Il s'agit d'une estimation, car il n'existe en Allemagne aucun recensement basé sur les données linguistiques. Les immigrés ont contribué à l'élargissement du champ linguistique.
193
+
194
+ L'allemand standard, appelé en Allemagne Hochdeutsch, n'est pas la langue vernaculaire de tous les germanophones. En effet, plusieurs millions d'Allemands parlent dans leur vie quotidienne l'un des dialectes allemands. Ces nombreux dialectes peuvent être rattachés géographiquement à trois groupes, du nord au sud : le bas-allemand (Niederdeutsch), le bas francique, au centre les dialectes du moyen-allemand occidental et du moyen-allemand oriental, et au sud le haut allemand : le bavarois, l'alémanique, le francique méridional et le francique oriental (voir la liste complète des dialectes dans l'article détaillé sur la langue allemande). La différenciation nord-sud (bas-allemand / haut-allemand) est apparue à partir du VIe siècle. En 1980, on estimait qu'environ 50 % des Allemands utilisaient dans leur vie quotidienne l'un de ces dialectes sans jamais l'écrire[63].
195
+
196
+ L'anglais est très répandu, et est la première langue étrangère et commerciale : le quotidien Aktuelle Woche estime[source insuffisante] qu'au moins 50 % des Allemands parlent anglais, ou ont des notions d'anglais, et 30 % des Allemands parleraient anglais couramment. Le français, qui avait un taux de connaissance de quelque 15 % dans les années 1970, a maintenant moins de 5 % de locuteurs en seconde langue.
197
+
198
+ Minorités linguistiques historiques
199
+
200
+ Les lois fédérales reconnaissent quatre minorités nationales : les Danois, les Frisons, les Sorabes et les Tsiganes. Les quatre communautés reconnues ont fondé en 2004 un Conseil des minorités doté d'une convention commune pour promouvoir leurs intérêts devant le gouvernement fédéral.
201
+
202
+ Les Sorabes ou Sorbes, qui constituaient une minorité protégée dans la République démocratique allemande, vivent dans la région de la Lusace (dans les Länder de Saxe et de Brandebourg), qui est subdivisée en Haute Lusace et Basse Lusace. Ils parlent les langues slaves occidentales haut-sorabe et bas-sorabe (en sorabe hornjoserbšćina et delnjoserbšćina), et forment la minorité nationale reconnue la plus importante. Ils ont réussi à maintenir leur culture et leur langue malgré les tentatives de germanisation dans le passé. Tous parlent aussi l'allemand, le taux de bilinguisme atteignant près de 100 %[63]. Le sorabe se situe entre le tchèque et le polonais et s'écrit en caractères latins complétés par quelques signes diacritiques. Le haut sorabe est phonétiquement proche du tchèque mais dispose d'un lexique apparenté au polonais, alors que le bas sorabe à l'inverse est phonétiquement proche du polonais mais utilise un lexique plus proche du tchèque.
203
+ La ville de Budisse, Budyšin ou Budyšyn en sorabe, est considérée comme le centre des sorabes de la Haute Lusace, et la ville de Cottbus, Chóśebuz en sorabe, est considérée comme le centre politique et culturel des sorabes de la Basse Lusace.
204
+
205
+ Les Frisons vivent dans la Frise, principalement dans la région côtière du nord-ouest du Land de Schleswig-Holstein. Ils parlent le frison septentrional et le frison oriental, qui font partie du groupe des langues germaniques occidentales. Ils constituent avec l'anglais et le scots la branche anglo-frisonne de ce groupe. Ils ressemblent étroitement au vieil anglais, mais aussi au néerlandais et au bas-allemand.
206
+
207
+ Dans la moitié nord du Land de Schleswig-Holstein, il existe une petite minorité danoise (en danois : det danske mindretal i Sydslesvig), parlant le sydslesvigsdansk, le danois du sud du Schleswig. La minorité danoise représente entre 15 000 et 50 000 personnes. Elle dispose d'organisations culturelles, d'une Église (rattachée à l'Église du Danemark) et d'écoles spécifiques. La minorité danoise est reconnue officiellement et protégée dans le cadre de l'accord germano-danois de 1955 et de la convention-cadre sur les minorités du Conseil de l'Europe. La Fédération des électeurs du Schleswig-du-Sud, son parti, est exemptée de la règle des 5 % pour être représentée au parlement régional.
208
+
209
+ Entre 1570 et 1815, des centaines de milliers de Huguenots, ou Protestants Français fuient la France pour s'installer dans les états Allemands du Saint Empire Germanique. Après 1685, et la révocation de l'édit de Nantes en France, par Louis XIV, les départs de protestants pour les états Allemands s'accélèrent. On retrouve de nos jours les descendants de ces protestants à travers leurs noms, à consonance française.
210
+
211
+ On estime a plus de 10 millions le nombre de francophones en Allemagne[64]. Avant 1815, date du congrès de Vienne, certaines régions frontalières, comme celle de Landau étaient françaises. En 1815, l'Alsace sera maintenue française, mais les régions au-delà du Rhin ou au nord de la Lorraine, dont la Sarre et Sarrelouis, furent cédées aux états du Saint-Empire germanique (états Allemands dont la Prusse). Avec le temps et les divers conflits, les minorités francophones de ces régions ont disparu.
212
+
213
+ Un regain pour la langue française va revenir avec le rapprochement franco-allemand des années 1960, initié par les présidents de Gaulle et Adenauer.
214
+
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+ En conséquence, l'organisation des francophones en Allemagne va retrouver une certaine vigueur en intégrant diverses structures francophones dont La Gazette de Berlin, Le Carrefour francophone de Hanovre et de sa région, la Société franco-allemande de Berlin ou encore la Société franco-allemande d'Osnabrück[65].
216
+
217
+ De plus, on peut noter la présence de paroisses francophones dont la communauté catholique d'Aix-la-Chapelle, la communauté catholique francophone et l'aumônerie de Bonn ou la communauté catholique francophone de Francfort[66].
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219
+ Enfin, un point d'accès à la culture francophone en Allemagne vient consolider la présence française dans ce pays[67]. En effet, l'Institut français d'Allemagne y fait la promotion du français depuis 1949. Il est à noter que sur les 200 structures d'Institut français à travers le monde, l'Institut français d'Allemagne est un des plus développés sur la planète.
220
+
221
+ Les guerres de religions ont déchiré les Allemands aux XVIe et XVIIe siècles, au cours de la guerre de Trente Ans. La réforme luthérienne est introduite par le moine augustin Martin Luther. La diffusion de la Dispute de Martin Luther sur la puissance des indulgences (titre latin Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum), plus connue comme les Quatre-vingt-quinze thèses, a déclenché la Réforme en Allemagne. Le document aurait été placardé à la porte de l'église de Wittemberg (aujourd'hui en Saxe-Anhalt) le 31 octobre 1517. Les 95 thèses sont finalement condamnées le 15 juin 1520 par la bulle Exsurge Domine du pape Léon X. Luther, alors ouvertement en conflit avec l'Église, est excommunié au début de l'année suivante.
222
+
223
+ Aujourd'hui, le Nord et l'Est de l'Allemagne sont majoritairement protestants. La grande majorité des protestants allemands appartient à l'Église évangélique en Allemagne qui rassemble 25,5 % de la population. Des majorités catholiques se trouvent avant tout en Rhénanie, au sud du Bade-Wurtemberg et en Bavière où est né le pape Benoît XVI. 27,7 % de la population est catholique[68]. L'Est de l'Allemagne et Hambourg sont majoritairement sans confession[69] mais la première religion reste le luthéranisme. Enfin, l'islam est pratiqué par la communauté turque, concentrée dans la Ruhr et à Berlin. La population alévi bektachi est estimée entre 500 000 et 625 000. En 2000, l'Allemagne accorde aux alévis le statut de « communauté religieuse »[70].
224
+
225
+ En Allemagne existe la Kirchensteuer, un impôt destiné aux institutions religieuses.
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227
+ Églises (édifices)
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229
+ Quelques-unes des plus grandes et fameuses églises d'Allemagne :
230
+
231
+ L'Allemagne est la première puissance économique de l'Union européenne. Elle figure au quatrième rang mondial depuis 2008 derrière les États-Unis, le Japon, et la Chine[71] mais devant la France et le Royaume-Uni. Elle possède pour cela de nombreux atouts : un marché intérieur important, une population active qualifiée grâce à l'apprentissage professionnel, et un niveau de vie élevé. Les entreprises et les syndicats allemands fonctionnent en cogestion. Le PIB allemand s'élève à 3 876 milliards de dollars (GDP 2014, Fonds monétaire international)[72]. Le commerce extérieur représente un tiers du PNB : avec un volume d'exportations de 1 134 milliards d'euros (2014)[73]. L'excédent commercial était le plus élevé du monde en 2014 avec 217 milliards d'euros[73]. Le principal moteur de ce commerce extérieur est l'industrie, dont le pourcentage dans le total des exportations se situe à quelque 84 % (2004).
232
+
233
+ L'économie allemande dispose d'un réseau de communication de première qualité : le plus long réseau autoroutier d'Europe, un réseau ferré particulièrement dense et trois axes navigables, le Rhin premier fleuve mondial pour le fret, la liaison Rhin-Main-Danube et le canal du Mittelland.
234
+
235
+ L'Allemagne est la quatrième puissance maritime économique du monde. Au 1er janvier 2013, sa flotte s'élevait à 3 833 navires, totalisant 125,778 millions de tonnes de port en lourd, dont 109,136 millions battant pavillon étranger et répartis sur 3 437 unités. 52,41 % de la totalité du tonnage est immatriculée au Liberia et 10,43 % à Antigua-et-Barbuda, contre seulement 13,23 % en Allemagne[74].
236
+
237
+ Certaines entreprises allemandes occupent la première place du marché mondial dans leur domaine (par exemple BASF dans l'industrie chimique, Munich Re (aussi Münchener Rück) dans la réassurance, Aldi et Lidl pour les supermarchés hard-discount). Autres entreprises occupent la première place européenne dans leur domaine (par exemple Volkswagen dans la construction automobile, Bosch pour les équipementiers automobiles, Deutsche Bahn pour les entreprises ferroviaires, Lufthansa pour les compagnies aériennes, DHL pour la logistique, SAP pour les entreprises de logiciels ou Adidas dans la fabrication d'articles de sport). En outre, il y a beaucoup de petites et moyennes entreprises, le fameux « Mittelstand », qui occupent la première place du marché mondial ou européen dans une niche qui s'appellent « champions cachées »[75] ou « hidden champions »[76].
238
+
239
+ L'évasion fiscale représente 165 milliards d'euros par an selon Tax Justice Network[77].
240
+
241
+ Les inégalités comptent parmi les plus élevées d'Europe et se traduisent notamment par des bas salaires dans de nombreux secteurs. Ainsi, 22,5 % des actifs gagnent moins de 10,50 € de l'heure contre seulement 8,8 % pour la France[78].
242
+
243
+ L'Allemagne est confrontée depuis 2004 à une envolée du prix des loyers, pouvant déboucher sur l'éclatement d'une bulle immobilière. Entre 2016 et 2017, les prix ont augmenté de plus de 20 % à Berlin[79].
244
+
245
+ L'industrie est un secteur économique très important en Allemagne. Environ 33 % de la population active travaille dans ce secteur. Les principaux secteurs en chiffre d'affaires sont la construction automobile avec 777 000 salariés en 2004, suivie par l'électrotechnique avec 799 000 salariés, la construction mécanique avec 868 000 salariés et l'industrie chimique[80]. À côté des grandes entreprises mondialement connues comme Siemens, Volkswagen, ThyssenKrupp, Allianz, Bosch, BASF ou Bayer, les PME/PMI emploient plus de 20 millions de salariés. Dans la construction mécanique, secteur où la RFA détient 19,3 % du marché mondial, la grande majorité des entreprises a moins de 200 salariés. Ces succès sont dus à la réputation de bonne qualité des produits allemands en général. Les entreprises allemandes dépendent peu des banques pour leur financement. Grâce à leurs bons rendements, près de 70 % d'entre elles peuvent couvrir elles-mêmes leurs besoins financiers[81].
246
+
247
+ La construction automobile fournit 40 % des exportations allemandes. Un salarié sur sept travaille dans ce secteur. Les grands constructeurs Volkswagen et Audi, BMW, Daimler AG, Porsche et Opel, ce dernier filiale allemande de PSA depuis 2017, font de l'Allemagne le troisième producteur d'automobiles mondial. Environ six millions de voitures sortent chaque année des chaînes de montage allemandes et 4,8 millions de voitures de marque allemande sont produites à l'étranger.
248
+
249
+ L'industrie automobile allemande traverse une période de fortes convulsions due au dieselgate, au déploiement de l'électromobilité à marche forcée, et aux changements de paradigme tels que l'autopartage et le véhicule autonome[82]. L'arrivée de Tesla dans le Brandebourg, aux portes de Berlin, va compliquer la situation[83]. En 2020, la pandémie de Covid-19 vient encore affaiblir l'industrie automobile du pays, car les gens auront « tout autre chose en tête que l'achat d'une nouvelle voiture », dans tous les marchés, qu'ils soient européens, chinois ou américains[84]. En matière d'emploi, eu égard aux changements de paradigme, The Shift Project s'attend à « bilan globalement négatif [...] qui ne sera probablement pas entièrement compensé par le développement des mobilités actives et partagées »[85].
250
+
251
+ Comme dans toutes les économies développées, le secteur tertiaire est le premier employeur allemand. Près de 28 millions de personnes y travaillent dont 10 millions dans le commerce, l'hôtellerie, la restauration et les transports. Ce secteur est constitué à plus de 40 % de PME/PMI.
252
+
253
+ Le tourisme est en Allemagne un facteur économique important. L'Allemagne est le leader mondial du tourisme d'affaires avec une part de 11 % des voyages d'affaires internationaux. Des concerts, des festivals et de grandes manifestations sportives attirent beaucoup de vacanciers. Pour ne citer que quelques exemples, il y a les fêtes de rues ou les marchés de Noël (voir aussi: section de la culture)[86].
254
+
255
+ Quoique densément peuplée et fortement industrialisée, l'Allemagne offre encore une large place à la nature. Les forêts recouvrent 29 % du territoire. La forêt bavaroise constitue le plus grand espace de montagnes boisées en Europe centrale et la Forêt-Noire conserve toujours un caractère sauvage. Il y a des siècles gestion durable des forêts en Allemagne.
256
+
257
+ L'agriculture est également très importante, contrairement aux idées reçues ; en comparaison, l'Allemagne se situe juste derrière la France pour la production céréalière, mais la devance et occupe ainsi le premier rang européen en ce qui concerne la production de lait. Depuis 2007, les exportations agro-alimentaires allemandes ont dépassé celles de la France pour parvenir au second rang mondial derrière les États-Unis[87].
258
+
259
+ L'économie allemande est particulièrement orientée vers le marché mondial. Les grands partenaires commerciaux de l'Allemagne sont la France, les États-Unis, l'Italie et le Royaume-Uni. Mais l'Allemagne, qui a retrouvé un rôle de pivot de l'Europe depuis la chute du communisme et la réunification, cherche à développer de nouveaux débouchés. Elle a accru sa présence en Europe de l'Est. Depuis le début des années 1990, une partie de la production allemande a été délocalisée vers ces pays, si bien que 830 000 personnes travaillaient pour des entreprises allemandes dans les anciens pays communistes en 2002, contre presque aucune avant 1990. Des entreprises allemandes ont aussi absorbé des entreprises locales comme Volkswagen qui a racheté le constructeur tchèque Skoda[88]. Au total, plus de 10 % des exportations allemandes se font vers ces pays, soit autant que vers les États-Unis.
260
+
261
+ Les pays émergents constituent un défi de taille pour l'Allemagne. L'importance des relations économiques avec la Chine ou l'Inde ne cesse donc de croître. Les échanges avec l'Inde sont plus modestes. Les entreprises allemandes doivent relever le défi de la compétitivité face à des pays où le coût de la main-d'œuvre est très faible. Cependant, elles misent peu sur le faible prix de leurs produits pour exporter, mais beaucoup plus sur leur qualité ou leur spécificité. On achète les produits allemands non pas parce qu'ils sont bon marché, mais parce qu'ils sont de bonne qualité[89], ou parce qu'on a besoin d'un produit que seuls les Allemands fabriquent.
262
+
263
+ L'Allemagne a connu après la réunification des difficultés. La concurrence internationale est importante et les entreprises doivent se moderniser rapidement ou délocaliser, sous peine de faillite. L'Ouest du pays est le plus dynamique, tandis qu'à l'Est (ancienne RDA) de nombreuses entreprises ont dû fermer, ce qui a provoqué une forte hausse du chômage jusqu'à 2005 et un exode de l'Est vers l'Ouest.
264
+
265
+ À cause des reformes du marché de travail (réformes Hartz), la performance forte des entreprises, notamment dans l'export, et aussi à cause de la démographie (plus de nouveaux retraités que de jeunes entrants sur le marché de travail), le taux de chômage a fortement diminué depuis 2005 et s'établit selon Eurostat en décembre 2018 à seulement 3,3 %[8]. C'est le taux le plus bas de tous les 19 États membres de la zone euro devant les Pays-Bas (3,6 %) et la Malte (3,8 %). Le taux de chômage pour les jeunes de moins de 25 ans s'établit à seulement 6,0 %[8] - c'est le taux le plus bas de l'Union européenne devant les Pays-Bas (6,6 %) et l'Autriche (8,9 %).
266
+
267
+ Le nombre de postes proposés en Allemagne a crû fortement de 300 641 en 2009 à 556 831 en 2015[90]. Pour trouver plus de travailleurs étrangers, l'État allemand a lancé la campagne « Make it in Germany »[91].
268
+
269
+ En 2006, le PIB a crû de 2,9 %, après plusieurs années de stagnation[92]. Les entreprises profitent d'une compétitivité regagnée depuis dix ans à force de restructurations et de modération salariale. Depuis 2006, la production augmente chaque année, les carnets de commande restent remplis[93]. Après un fort recul du PIB pendant la crise économique de 2008/2009, la croissance de celui-ci a fortement repris en 2010 (4,1 %) et en 2011 (3,6 %), et plus légèrement en 2012 (0,4 %) et 2013 (0,1 %). En 2014, la croissance reprenait à 1,6 %[94], et en 2015, à 1,7 %[95].
270
+
271
+ Selon les données d'Eurostat, 70,8 % des chômeurs allemands vivent dans la pauvreté en 2016, le taux le plus élevé de l'Union européenne, contre 38,4 % en France. Cet écart serait lié entre autres aux conditions d'accès à l'indemnisation du chômage très restrictives en Allemagne[96].
272
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+ Dans la dernière décennie, l'Allemagne a réformé son marché du travail avec les réformes Hartz (2003/2005) et pris des mesures contre la crise pour préserver son dynamisme économique. Ces mesures sont souvent vues comme un modèle pour les autres pays européens car l'Allemagne a été capable de diminuer le chômage à 3,3 % (Eurostat, décembre 2018)[8] et de réaliser des excédents budgétaires sur l'ensemble de l'État à partir de 2012[97], mais le prix à payer sur le plan social est également souligné par les économistes et il est jugé parfois excessif. Ainsi, Henrik Uterwedde, économiste et directeur adjoint de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg, parle-t-il de quasi-« abus et exploitation en ce qui concerne les temps partiels et les bas salaires »[98].
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+ Pour maintenir son dynamisme économique, l'Allemagne a en effet privilégié l'emploi précaire sans salaire minimum : les mesures prises par le gouvernement allemand (définissant de nouveaux contrats de travail, exonérant les employeurs et ne donnant pas droit au chômage, avec la possibilité de payer des chômeurs de longue durée moins d'un euro par heure pour une activité à temps partiel afin d'aider ces personnes à se réintégrer dans le marché de travail normal), en accord avec le patronat et les syndicats ont ainsi entraîné une baisse de salaire de 20 % pour 1,6 million de personnes, et une stagnation depuis dix ans pour les autres[98].
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+ Concernant la recherche d'emploi, il y a en tout 7 millions de personnes (soit 16 % de la population active) qui sont soit au chômage soit touchent des indemnités prévues par la loi Hartz IV. Les chômeurs allemands (dont le nombre s'est réduit de manière significative ces dernières années) sont les plus exposés à la pauvreté relative dans l'Union européenne : 70 % d'entre eux sont en danger de pauvreté (moins de 952 euros par mois de ressources), contre 45 % en moyenne dans l'Union européenne[99]. Cependant, le coût de la vie et en particulier du logement est beaucoup moins élevé en Allemagne - en moyenne les loyers à Paris avec 26,25 € par mètre carré sont beaucoup plus élevés qu'à Berlin (5,73 €/m2), Hambourg (6,30 €/m2), Munich (9,70 €/m2) ou Cologne (7,26 €/m2) en 2009[100]. Les loyers offerts pour les nouvelles locations dans les grandes villes ont en général augmenté fortement durant les dernières années mais ont aussi été plafonnés récemment par une nouvelle loi[101].
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+ Pour restreindre l'emploi précaire, le gouvernement allemand avait décidé en printemps 2014 d'introduire un salaire minimum de 8,50 € bruts de l'heure à partir du 1er janvier 2015, mais une période de transition était prévue pour les secteurs qui étaient encore sous le coup d'un accord de branche. À partir de 2017, il concerne tout le monde, sauf les moins de 18 ans, les stagiaires et les chômeurs de longue durée, exemptés pendant les six mois suivant leur embauche[102]. Le salaire minimum a été relevé à 8,84 € bruts de l'heure à partir du 1er janvier 2017[103]. La commission chargée de le réévaluer statuera en 2018 sur une nouvelle augmentation, pour une application au 1er janvier 2019[104]. En septembre 2016, l'institut IAB de recherche sur l'emploi évalue à 60 000 le nombre de postes perdus ou non-créés à cause du salaire minimum[105].
280
+
281
+ Les personnes âgées sont également de plus en plus exposées à la pauvreté. Depuis l'adoption des réformes lancées en 2002 et 2005 par le chancelier Gerhard Schröder, le taux de remplacement (montant de la première pension en comparaison du dernier salaire) est tombé à 48 %. Plus d'un million de seniors, pour beaucoup âgés de plus de 70 ans, sont contraints en 2019 d'exercer des « mini-jobs » pour vivre. Soit une hausse de 40 % sur dix ans. La part des retraités précipités sous le seuil de pauvreté a nettement augmentée. 16,8 % des personnes âgées sont touchés aujourd'hui. Une enquête prospective publiée en septembre 2019 par l'institut de recherche économique de Berlin (DIW) relève qu'avec le système actuel, 21,6 % des retraités allemands seront en situation de grande pauvreté à l'horizon 2039[106].
282
+
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+ L'Allemagne fait partie de l'aire de la civilisation occidentale et européenne et compte 46 sites inscrits au patrimoine mondial, dont quarante-trois culturels et trois naturels.
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+ La notion de culture est perçue de façon différente en France et en Allemagne. En France, la culture désigne plus une connaissance « intellectuelle », individuelle. En Allemagne, les deux sens, individuel et collectif, sont exprimés par deux mots distincts : Bildung et Kultur. La définition de la culture individuelle ou culture générale correspond au mot Bildung[107]. C'est surtout cette dernière notion que l'article se propose de développer même si le mot culture et le mot civilisation sont désormais pratiquement synonymes en France[108]. La deuxième difficulté rencontrée pour parler de culture allemande est liée au fait que l'État allemand ne date que de la seconde moitié du XIXe siècle. Beaucoup d'artistes perçus comme allemands ne se revendiquent pas comme tels, mais sont assimilés à l'aire germanique qui se définit sur des bases linguistiques. À ce titre, il est difficile de distinguer culture allemande et culture autrichienne jusqu'au milieu du XIXe siècle. Enfin, les frontières du territoire allemands ont fluctué à travers les siècles, ce qui rend la définition géographique du sujet délicate.
286
+
287
+ Certaines grandes fêtes populaires - comme la Noël en Allemagne, la fête de la bière à Munich (« Oktoberfest »), le Christopher Street Day dans les grandes villes, le Carnaval des cultures à Berlin, les carnavals de Mayence, Düsseldorf et de Cologne, le Hanse Sail de Rostock - sont depuis longtemps des pôles d'attraction pour beaucoup de locaux et touristes.
288
+
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+ L'Allemagne est également le pays possédant le plus de zoo au monde, ainsi que le plus grand nombre espèces différentes vivantes dans ces zoo[109].
290
+
291
+ Le pays compte plusieurs orchestres de renommée internationale, au premier rang desquels :
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+
293
+ L'Allemagne a été riche en compositeurs, notamment :
294
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295
+ Karl Friedrich Abel, Jean-Sébastien Bach[e] et ses fils Carl Philipp Emanuel Bach et Johann Christian Bach, Ludwig van Beethoven, Johannes Brahms, Johann Jakob Froberger, Christoph Willibald Gluck, Georg Friedrich Haendel, E.T.A. Hoffmann, Félix Mendelssohn, Johann Pachelbel, Johann Joachim Quantz, Max Reger, Heinrich Schütz, Robert Schumann, Richard Strauss[f], Georg Philipp Telemann, Richard Wagner, et Carl Maria von Weber entre autres.
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+
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+ Les principaux opéras d'Allemagne sont situés à :
298
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+ L'Allemagne connaît aussi la pratique de musiques traditionnelles, notamment le Yodel encore connu de nos jours dans les régions alpines de Bavière.
300
+
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+ La musique populaire allemande s'appelle le Schlager. Des groupes comme Modern Talking, Alphaville, Münchener Freiheit, Ireen Sheer, Dschinghis Khan ou la chanteuse de Nouvelle Vague Allemande (Neue Deutsche Welle) Nena originaires d'Allemagne ont connu un succès international.
302
+
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+ Le pays a donné naissance à plusieurs groupes de rock allemand de renommée internationale, notamment avec Scorpions à partir des années 1980, Rammstein des années 1990 à aujourd'hui et Scooter (groupe) de 1994 à aujourd'hui, ou encore le groupe Tokio Hotel de 2001 à nos jours.
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+
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+ Jean-Sébastien Bach(1685-1750).
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+ Ludwig van Beethoven(1770-1827).
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+ Richard Wagner(1813-1883).
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+ Semperoper, Dresde(construit 1878).
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+ Rammstein(commencé en 1994).
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+ Des philosophes allemands :
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+ Theodor W. Adorno, Hannah Arendt, Jakob Böhme, Friedrich Engels, Johann Gottlieb Fichte, Jürgen Habermas, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Martin Heidegger, Max Horkheimer, Edmund Husserl, Karl Jaspers, Emmanuel Kant, Gottfried Wilhelm Leibniz, Karl Marx, Friedrich Nietzsche, Friedrich Wilhelm Joseph von Schelling, August Wilhelm Schlegel, Arthur Schopenhauer, Christian Wolff.
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+
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+ G. W. Leibniz(1646-1716).
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+
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+ Emmanuel Kant(1724-1804).
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+
324
+ Arthur Schopenhauer(1788-1860).
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+
326
+ Karl Marx(1818-1883).
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+
328
+ Friedrich Nietzsche(1844-1900).
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+ Des ingénieurs ou scientifiques allemands :
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+
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+ Johannes Gutenberg(1400-1468).
335
+
336
+ Alexander von Humboldt(1769-1859).
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+
338
+ Max Planck(1858-1947).
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340
+ Albert Einstein(1879-1955).
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+ Konrad Zuse(1910-1995).
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+ La littérature allemande s'inscrit dans le cadre plus général de la littérature de langue allemande qui regroupe l'ensemble des œuvres littéraires de langue allemande, en englobant celles produites en Autriche ainsi que dans une partie de la Suisse.
347
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+ Née au Moyen Âge, la littérature allemande a connu des périodes de grand rayonnement comme le « Sturm und Drang » (vers 1765-1785) avec Johann Wolfgang von Goethe et Friedrich von Schiller, le romantisme (vers 1796-1835) avec les Frères Grimm et les poètes Friedrich Hölderlin, Jean Paul Richter, Novalis, Joseph von Eichendorff, et un peu plus tard Heinrich Heine, avant la période « Klassische Moderne » (de 1900 aux années 1920) où dominent Hermann Hesse, Erich Kästner et Thomas Mann qui, avec les poètes et prosateurs autrichiens, ouvrent la voie de la modernité sur laquelle pèsera le nazisme qui conduira de nombreux auteurs à l'exil.
349
+
350
+ Enfin le renouveau littéraire depuis 1945 a été notable et marqué par plusieurs attributions du prix Nobel de littérature à des écrivains allemands : Nelly Sachs (1966, naturalisée suédoise), Heinrich Böll (1972), Günter Grass (1999) et Herta Müller (2009).
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+ Goethe(1749-1832).
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+ Friedrich von Schiller(1759-1805).
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+ Les Frères Grimm(1785-1863).
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+ Thomas Mann(1875-1955).
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+ Hermann Hesse(1877-1962).
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+ Certains designers allemands ont apporté une contribution importante au design industriel moderne, en s'inspirant notamment de l'école du Bauhaus, de Dieter Rams et de Braun[111].
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+
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+ La mode vestimentaire en Allemagne, si elle ne dispose pas d'influence au niveau mondial, est source de plusieurs personnalités reconnues, telles Karl Lagerfeld ou Claudia Schiffer ainsi que de marques largement implantées internationalement comme Hugo Boss ou Esprit. Pour ces personnalités qui officient parfois pour des entreprises tierces, une grande part de leur réussite est liée à leur présence sur la scène européenne ou parisienne, ainsi que pour l'industrie, à l'exportation. La Semaine de la mode qui a lieu annuellement dans la capitale voit grandir peu à peu son importance sur la scène européenne, y compris à travers des événements annexes tel que le Bread & Butter.
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+ Karl Lagerfeld(1933-2019).
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+ Claudia Schiffer(*1970).
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+ Heidi Klum(*1973).
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+ Diane Kruger(*1976).
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+ Philipp Plein(*1978).
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
2
+
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+
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+ La liste traditionnelle comprend :
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+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.
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+ La tension électrique est la circulation du champ électrique le long d'un circuit électrique mesurée en volts par un voltmètre. Elle est notée U aux bornes d'un dipôle.
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+ La notion de tension électrique est souvent confondue avec celle de la « différence de potentiel électrique » (DDP) entre deux points d'un circuit électrique. Les deux notions sont équivalentes en régime stationnaire (indépendant du temps). Néanmoins, dans un cas général, en régime variable (par exemple : les courants alternatifs), la circulation du champ électrique n'étant plus conservative en raison du phénomène d'induction électromagnétique, la tension et la différence de potentiel ne sont alors plus synonymes[1],[2]. Dans ce cas général, la différence de potentiel perd sa signification physique et doit être remplacée par la notion de tension[2].
6
+
7
+ La notion de tension électrique est aussi désignée par l'anglicisme : « voltage », comme il est possible de trouver l'expression « ampérage » pour désigner l'intensité électrique. Cependant, ces termes sont considérés comme incorrects même si certains les considèrent équivalents[3],[4],[5].
8
+
9
+ De manière plus générale, l’existence d'une tension dans un circuit électrique constitué d'éléments de résistance non nulle, est la preuve de l'existence dans ce circuit d'un générateur électrique entretenant une tension à ses bornes.
10
+
11
+ Dans le cas général, le symbole normalisé de la tension électrique est U[6] mesuré en volts, unité dont le symbole est V.
12
+
13
+ Sur un schéma électrique, la tension peut être complétée par des flèches, ou des + et − pour indiquer son sens. Ces différences sont uniquement des différences de convention (cf. image 1).
14
+
15
+ Pour distinguer les différentes tensions dans un circuit, le U majuscule peut être accompagné d'une lettre en indice décrivant à quel élément du circuit cette tension est rattachée. Dans un circuit RLC, il a donc 4 tensions : U (tension aux bornes du générateur), UR (tension aux bornes de la résistance), UL (tension aux bornes de l'inductance) et UC (tension aux bornes de la capacitance). (cf. image 2)
16
+
17
+ En triphasé, on note les tensions composées (tensions entre phases) U et les tensions simples (tensions entre phase et neutre) V[7]. Dans le cas du courant triphasé, il y a donc 6 tensions :
18
+
19
+ UAB (tension entre la phase A et la phase B)
20
+ UAC (tension entre la phase A et la phase C)
21
+ UBC (tension entre la phase B et la phase C)
22
+ VA (tension entre la phase A et le neutre)
23
+ VB (tension entre la phase B et le neutre)
24
+ VC(tension entre la phase C et le neutre) - (image 3).
25
+
26
+ Image 1 - Conventions de représentation du courant et de la tension sur un dipôle récepteur.a : Convention recommandée selon la norme internationale IEC/CEI 60375 ed2.0b : Convention en usage aux États-Unisc : Convention en usage en France.
27
+
28
+ Image 2 - Tensions dans un circuit RLC : U, UR, UL et UC.
29
+
30
+ Image 3 : Représentation de Fresnel des tensions simples et composées pour un système équilibré direct.
31
+
32
+ On peut mesurer la tension à l'aide d'un voltmètre branché en parallèle/ dérivation sur le circuit[8]. Cette mesure fut découverte par Alessandro comte de la Volta.
33
+
34
+ La tension électrique aux bornes d'un dipôle est toujours égale à la circulation du champ électrique à l'intérieur de ce dipôle.
35
+
36
+ En d'autres termes, la tension électrique représente le travail de la force électrique (qui règne au sein du dipôle) sur une particule chargée, divisé par la valeur de la charge (dans le cas d'un générateur de tension continue, une pile par exemple, la tension électrique à vide de cette pile, appelée force électromotrice (fem), est le travail de la force électrostatique de propulsion sur les électrons)[9].
37
+
38
+ On parlera donc d'énergie échangée par unité de charge, qui peut être comparée, si l'on ne tient pas compte des unités, à l'énergie échangée pour une charge de 1 coulomb.
39
+
40
+ Son unité est donc celle d'une énergie divisée par une charge électrique, c'est-à-dire le joule par coulomb, lequel équivaut au volt[9].
41
+
42
+ Tout dipôle d'un circuit électrique développe une tension à ses bornes, ce qui revient à dire qu'il échangera une certaine énergie avec les charges en mouvement le traversant, qui sont, dans un nombre important de cas, des électrons. Cette tension est égale à l'énergie par unité de charge, échangée entre chaque particule chargée qui traverse le dipôle et le dipôle lui-même[9].
43
+
44
+ Dans le cas de la traversée d'un générateur d'énergie, l'énergie reçue par les charges est convertie en un déséquilibre électrostatique (densité volumique de charge différente d'un point à un autre) qui crée la tension aux bornes du générateur. Autrement dit, l'énergie gagnée par une charge dans le générateur est convertie en énergie potentielle qui sera transformée dans le reste du circuit.
45
+
46
+ W/q reçu dans générateur = tension générateur
47
+
48
+ Dans le cas de la traversée d'un récepteur d'énergie, l'énergie prise aux particules chargées par le dipôle a pour effet de « retenir » aux bornes du récepteur une partie (plus ou moins grande suivant le nombre de récepteurs) de la tension du générateur. Cette tension a pour effet de fournir l'énergie nécessaire aux charges pour la traversée du dipôle récepteur.
49
+
50
+ W/q perdue dans le récepteur = tension récepteur
51
+
52
+ Si on note e la charge électrique d'un électron en coulombs et u la tension d'un dipôle en volts, alors chaque électron traversant ce dernier y gagnera ou y perdra (suivant le signe de u) une énergie égale à W = u * e joules.
53
+
54
+ D'après la seconde loi de Kirchhoff, également appelée loi des mailles, et valable dans l'approximation des régimes quasi stationnaires (c'est-à-dire lorsque le temps de propagation de la tension d'un bout à l'autre du circuit est négligeable devant le temps caractéristique de la variation de la tension du générateur), on peut dire que la somme des tensions (avec leur signe suivant la nature du dipôle) dans une maille d'un circuit est nulle. On désigne ici par maille, un chemin permettant aux charges électriques libres de se déplacer, d'effectuer un tour complet (c'est-à-dire de partir d'un point et de pouvoir y revenir). Pour l'application de cette loi, on attribue un signe aux tensions du circuit : positives pour les générateurs et négatives pour les récepteurs.
55
+
56
+ L'important est de bien discerner que le passage par un générateur donne de l'énergie alors que le récepteur en retire. L'énergie reçue par les différents récepteurs du circuit est bien sûr égale à celle fournie par le ou les générateur(s).
57
+
58
+ En toute rigueur, la loi des mailles n'est plus applicable en régime rapidement variable, les tensions n'étant plus conservatives et leur somme sur un circuit fermé n'étant plus nulle.
59
+
60
+ La tension électrique des centrales thermiques ou nucléaires est élevée à l'aide de transformateurs. L'énergie électrique est alors transportée en haute tension, à des tensions supérieures à 100 kV, jusqu'à 1 200 kV. Elle est ensuite abaissée. Les ménages sont alimentés en basse tension (230 V/ 400 V par exemple en France, Belgique et Allemagne ou 120 V/ 240 V au Canada).
61
+
62
+ Ci-dessous le tableau des différents domaines de tension suivant le décret français no 88-1056 du 14 novembre 1988 :
63
+ ce décret traite de la protection des travailleurs dans les établissements assujettis au code du travail (livre 2, titre 3) qui mettent en œuvre des courants électriques.
64
+
65
+ Le décret de 1988 a été remplacé par un décret de 1995[10].
66
+ La nouvelle classification des domaines de tension ne fait plus la différence entre le BTA et BTB. Seul le domaine BT existe depuis pour couvrir les domaines de 50 V à 1 000 V en alternatif et de 120 V à 1 500 V en tension continue[11].
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+ La digestion est un mode de transformation mécanique et chimique des aliments en nutriments assimilables ou non par l'organisme.
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+ Par définition, la digestion est un processus présent chez tous les organismes hétérotrophes. Cette digestion se réalise dans un système digestif qui peut correspondre à une simple vacuole digestive d'une eubactérie, ou se spécialiser comme c'est le cas des mammifères ruminants (vache, etc.). La digestion peut aussi se définir comme étant la simplification moléculaire c’est-à-dire la transformation des macromolécules (molécules de grandes tailles) en micromolécules.
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+ Des aliments aux nutriments : pour transformer les aliments en nutriments, il faut passer par une étape obligatoire : la digestion. Une première phase de la digestion est mécanique et buccale, les aliments étants préparés dans la bouche pour leur ingestion stomacale. Ainsi il convient de ne pas fumer avant de manger pour ne pas détruire le ferment salivaire permettant la première transformation utile des aliments ingérés. La digestion est assurée par le tube digestif et ses glandes annexes : glandes salivaires, hépatique et pancréatique. Elle permet de transformer les aliments en petites molécules absorbables par les cellules du tube digestif et utilisables par l’organisme. Dans sa phase stomacale, le suc gastrique produit un acide qui permet une meilleur assimilation des aliments, dont la fabrication est favorisée dès la perception des odeurs de cuisine, ce qui produit de l'appétit. Le suc intestinal permet de digérer les sucres. Il accompagne l'action du suc pancréatique, et de celui de la bile dont l'action digestive se situe dans la partie de l'estomac nommée duodénum. La bile venant du foie, agit sur les graisses qu'elle rend assimilables. Le suc pancréatique possède plusieurs ferments dont la trypsine fait pour digérer surtout la viande. L'estomac peut assimiler l'eau et le sel, mais en quantité réduite, l'assimilation la plus importante se faisant dans la première partie de l'intestin grêle, le duodénum et le jéjunum. La digestion peut durer de quelques minutes à plusieurs heures, selon la qualité, la composition, la préparation et les conditions du repas. Une moyenne difficile à établir avec précision, peut s'établir entre huit ou dix, voire douze heures. Elle est variable selon les personnes.
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+ Le processus de digestion n'est pas réservé aux animaux. Des plantes carnivores capturent d'autres organismes, le plus souvent des animaux invertébrés, et les digèrent de manière chimique. Les champignons sont aussi en mesure de digérer de la matière organique. Les champignons entomopathogènes sont même capables de parasiter un insecte, de le tuer, et de se développer aux dépens de son cadavre.
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+ Des aliments aux nutriments : pour transformer les aliments en nutriments, il faut passer par une étape obligatoire : la digestion. Une première phase de la digestion est mécanique et buccale, les aliments étants préparés dans la bouche pour leur ingestion stomacale. Ainsi il convient de ne pas fumer avant de manger pour ne pas détruire le ferment salivaire permettant la première transformation utile des aliments ingérés. La digestion est assurée par le tube digestif et ses glandes annexes : glandes salivaires, hépatique et pancréatique. Elle permet de transformer les aliments en petites molécules absorbables par les cellules du tube digestif et utilisables par l’organisme. Dans sa phase stomacale, le suc gastrique produit un acide qui permet une meilleur assimilation des aliments, dont la fabrication est favorisée dès la perception des odeurs de cuisine, ce qui produit de l'appétit. Le suc intestinal permet de digérer les sucres. Il accompagne l'action du suc pancréatique, et de celui de la bile dont l'action digestive se situe dans la partie de l'estomac nommée duodénum. La bile venant du foie, agit sur les graisses qu'elle rend assimilables. Le suc pancréatique possède plusieurs ferments dont la trypsine fait pour digérer surtout la viande. L'estomac peut assimiler l'eau et le sel, mais en quantité réduite, l'assimilation la plus importante se faisant dans la première partie de l'intestin grêle, le duodénum et le jéjunum. La digestion peut durer de quelques minutes à plusieurs heures, selon la qualité, la composition, la préparation et les conditions du repas. Une moyenne difficile à établir avec précision, peut s'établir entre huit ou dix, voire douze heures. Elle est variable selon les personnes.
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+ Le processus de digestion n'est pas réservé aux animaux. Des plantes carnivores capturent d'autres organismes, le plus souvent des animaux invertébrés, et les digèrent de manière chimique. Les champignons sont aussi en mesure de digérer de la matière organique. Les champignons entomopathogènes sont même capables de parasiter un insecte, de le tuer, et de se développer aux dépens de son cadavre.
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+ La digestion est un mode de transformation mécanique et chimique des aliments en nutriments assimilables ou non par l'organisme.
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+ Par définition, la digestion est un processus présent chez tous les organismes hétérotrophes. Cette digestion se réalise dans un système digestif qui peut correspondre à une simple vacuole digestive d'une eubactérie, ou se spécialiser comme c'est le cas des mammifères ruminants (vache, etc.). La digestion peut aussi se définir comme étant la simplification moléculaire c’est-à-dire la transformation des macromolécules (molécules de grandes tailles) en micromolécules.
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+ Des aliments aux nutriments : pour transformer les aliments en nutriments, il faut passer par une étape obligatoire : la digestion. Une première phase de la digestion est mécanique et buccale, les aliments étants préparés dans la bouche pour leur ingestion stomacale. Ainsi il convient de ne pas fumer avant de manger pour ne pas détruire le ferment salivaire permettant la première transformation utile des aliments ingérés. La digestion est assurée par le tube digestif et ses glandes annexes : glandes salivaires, hépatique et pancréatique. Elle permet de transformer les aliments en petites molécules absorbables par les cellules du tube digestif et utilisables par l’organisme. Dans sa phase stomacale, le suc gastrique produit un acide qui permet une meilleur assimilation des aliments, dont la fabrication est favorisée dès la perception des odeurs de cuisine, ce qui produit de l'appétit. Le suc intestinal permet de digérer les sucres. Il accompagne l'action du suc pancréatique, et de celui de la bile dont l'action digestive se situe dans la partie de l'estomac nommée duodénum. La bile venant du foie, agit sur les graisses qu'elle rend assimilables. Le suc pancréatique possède plusieurs ferments dont la trypsine fait pour digérer surtout la viande. L'estomac peut assimiler l'eau et le sel, mais en quantité réduite, l'assimilation la plus importante se faisant dans la première partie de l'intestin grêle, le duodénum et le jéjunum. La digestion peut durer de quelques minutes à plusieurs heures, selon la qualité, la composition, la préparation et les conditions du repas. Une moyenne difficile à établir avec précision, peut s'établir entre huit ou dix, voire douze heures. Elle est variable selon les personnes.
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+ Le processus de digestion n'est pas réservé aux animaux. Des plantes carnivores capturent d'autres organismes, le plus souvent des animaux invertébrés, et les digèrent de manière chimique. Les champignons sont aussi en mesure de digérer de la matière organique. Les champignons entomopathogènes sont même capables de parasiter un insecte, de le tuer, et de se développer aux dépens de son cadavre.
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+ Digitalis
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+ Genre
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+ Classification phylogénétique
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+ Les digitales forment le genre Digitalis, environ vingt espèces de plantes herbacées classiquement placées dans la famille des Scrofulariacées. Les études récentes situent désormais ce genre dans les Plantaginacées.
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+ Les digitales sont originaires d'Europe, d'Afrique du nord-ouest et d'Asie occidentale et centrale.
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+ Ces plantes peuvent être très toxiques. L'absorption d'environ une dizaine de feuilles provoque des troubles graves sur un sujet humain de corpulence moyenne[1].
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+ Le nom provient du latin digitus c'est-à-dire « doigt », et se réfère à la facilité avec laquelle on peut introduire un doigt dans la corolle de la fleur de Digitalis purpurea. Pour la même raison, les Anglais nomment ces plantes foxglove, « gant de renard » et les Allemands Fingerhut, « dé à coudre ». En français, d'autres appellations existent comme « Dé de Bergère », « Gant de Bergère », « queue-de-loup »[2].
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+
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+ Les digitales, comme la digitale pourpre, ont des grandes fleurs qui sont groupées en masse sur une tige d'environ 1,5 m. Leur port spectaculaire fait qu'on les retrouve également chez les horticulteurs[3].
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+ Les autres espèces du genre peuvent avoir des fleurs d'autres couleurs : jaunes, brunâtres...
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+ La plante est toxique dans toutes ses parties.
24
+
25
+ Chaque plante en fonction de son exposition au soleil, contient à des doses différentes le principe actif[3]. Elle est courante à la lisière des bois ou dans les clairières des forêts. Les concentrations en glycosides toxiques des digitales laineuses (Digitalis lanata) ou des digitales jaunes (Digitalis lutea) peuvent être plusieurs fois supérieures à celles trouvées dans la digitale pourpre (Digitalis purpurea)[1]. L'absorption d'environ une dizaine de feuilles de digitale pourpre (qui peuvent être confondues avec celles de la bourrache) provoque des troubles graves sur un sujet humain de corpulence moyenne[1]. Selon le Dr Georges Becker, 120 g de feuilles de digitale pourpre représentent une dose mortelle[4].
26
+
27
+ Les premiers symptômes sont les nausées, les vomissements, les diarrhées, les troubles cardiaques importants. La mort intervient rapidement[3].
28
+
29
+ C'est William Withering, médecin et botaniste britannique, qui découvrit en 1785 par hasard la digitaline, substance contenue dans les feuilles de digitales. L'utilisation thérapeutique moderne de cette molécule sera rendue possible grâce aux travaux de cristallisation du pharmacien et chimiste français Claude-Adolphe Nativelle en 1868.
30
+
31
+ La digitaline est un cardiotonique. Le Code ATC des feuilles de digitale est C01AA03. Les hétérosides purifiés sont la digoxine et la digitoxine.
32
+
33
+ Toutes les préparations, de toutes les digitales, à partir de la plante entière, sont toxiques et donc ne sont plus employées du fait de l'impossibilité de faire un dosage exact.
34
+
35
+ Il existe plus de 20 espèces, parmi lesquelles :
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+
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+ Digitale pourpre.
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+
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+ Digitalis purpurea blanche.
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+
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+ Digitalis lanata
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+
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+ Digitalis obscura.
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+
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+ Digitalis isabelliana des Canaries.
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+ Le dimanche est, en France, le septième et dernier jour de la semaine civile.[1]. La norme internationale ISO 8601 considère que le dimanche clôt la semaine et le code avec le chiffre 7.
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+ Pour les religions bibliques, le dimanche est le premier jour de la semaine juive et chrétienne[2]. Pour les chrétiens, le dimanche est le jour de la résurrection du Christ ainsi que celui de la Pentecôte. Selon toute vraisemblance, les premiers chrétiens se réunissaient déjà le dimanche pour célébrer le culte et partager la cène[3],[4].
3
+
4
+ En Europe, le dimanche est considéré comme un jour de repos depuis le règne de l'empereur romain Constantin Ier qui en a fait le « Jour du Soleil » par une loi du 7 mars 321 en hommage au Soleil invaincu[5].
5
+
6
+ En français le mot Dimanche est un nom propre issu de *diominicu (*non attesté), qui remonte au gallo-roman *didominicu par dissimilation consonantique, lui-même du latin chrétien dies dominica (latin dies Dominicus) « jour du Seigneur »[6],[7],[8]. L'étymologie du terme peut être retracée à partir de l'Apocalypse (1,10) et de la Didachè : Dies dominicus est une traduction du grec Kuriake Heméra (quoi que la Didaché ne définisse pas le « jour du Seigneur » de façon explicite comme étant le dimanche). L'expression appliquée à ce jour de la semaine est un usage chrétien manifestement fort ancien.
7
+ En vieux français dimanche se disait « diemaine », qui provient de « di-maine », qui signifie « jour grand » (dies magnus); alors que le samedi provient de « seme-di », « sepme-di » ou encore de « setme-di » qui signifie « septième jour ». Dictionnaire de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle – Godefroy[source insuffisante]
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+ La norme internationale ISO 8601 considère que la semaine commence un lundi et code le dimanche avec le chiffre 7.
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+ Les calendriers rédigés en anglais et en japonais sont généralement imprimés avec le dimanche en premier et certains sites internet, ou des logiciels informatiques (comme SAS pour son format des dates), continuent cette pratique. Toutefois la tendance générale semble aller vers l'adoption de la norme ISO 8601.
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+
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+ L'Académie française note, en 1990, dans la neuvième édition de son dictionnaire : « Du latin chrétien dies dominicus, « jour du Seigneur ». Il comportait aussi la prescription du repos. Dans la langue courante, septième et dernier jour de la semaine[9]. » Le Littré de 1863 indique seulement : « premier jour de la semaine »[10].
14
+
15
+ Le livre de la Genèse raconte que Yahvé, après avoir achevé l'Univers en six jours, se repose le septième jour, et le quatrième des Dix Commandements prescrit que le septième jour de chaque semaine devra être un jour de repos pour les êtres humains (qu'ils soient hommes libres, femmes ou esclaves) et les animaux : le Chabbat. Pour une grande majorité de chrétiens, le Sabbat, qui représentait l'achèvement de la première création est remplacé par le « jour du Seigneur », le dimanche, qui rappelle la création nouvelle inaugurée à la résurrection de leur messie, Jésus-Christ, célébrée hebdomadairement[11].
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+
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+ Il est difficile de déterminer à partir de quand et quel jour les premières communautés chrétiennes célèbrent le dernier repas du Christ, mais il semble que le jour de cette Cène et le chabbat soit confondu chez les judéo-chrétiens jusqu'à l'émergence de chrétiens au IIe siècle qui rompent avec leurs racines juives et choisissent le jour de la résurrection de Jésus (le dimanche, le troisième jour après le Vendredi saint) pour en faire leur repas dominical et le premier jour de la semaine[12]. Il est cependant établi que les premiers chrétiens célèbrent ce jour par des offrandes aux pauvres et un repas occasionnel de communion fraternelle, les agapes qui sont symbolisées lors de la célébration de l'eucharistie, et que le pape Victor Ier cherche en vain au IIe siècle à imposer aux Églises d'Asie cette célébration lors de la solennité de Pâques le dimanche, suivant l’usage romain, puis à rejouer cette Pâque juive tous les dimanches de la semaine[13].
18
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19
+ Le 3 juillet 321[14], ce jour est décrété jour de repos légal dans l'empire romain par l'empereur Constantin Ier[15], qui, usant de son droit régalien, se sert de la notion de justitium — une institution romaine qui permettait de suspendre toute activité étatique judiciaire pour marquer un événement marquant[16]. Une coïncidence veut que les doctrines astrologiques juives et gréco-romaines attribuent toutes deux les planètes connues — au nombre de sept avec le Soleil — à différents jours de la semaine. Un de ceux-ci est dédié à l'astre solaire, comme en atteste encore l'étymologie des mots allemand « Sonntag » ou anglais « sunday », littéralement « jour du Soleil ». Constantin déclare un justitium permanent, qui prend place ce jour connu tant des païens que des chrétiens, le « dies solis », le « jour du soleil ». En effet, les chrétiens, pour leur part, se réunissent chaque semaine pour commémorer l'eucharistie de la résurrection de Jésus-Christ qui aurait pris place le premier jour de la semaine juive (le lendemain du chabbat), ce jour devenant le « dies dominicus » ou « jour du Seigneur », à l'origine des mots français « dimanche », italien « domenica » ou encore portugais et espagnol « domingo ». Cette décision a pour effet d'imposer un nouveau rythme temporel hebdomadaire, différent du calendrier romain[15].
20
+
21
+ Si on ne connaît pas les motivations réelles de Constantin, il est envisageable qu'elles aient été largement fondées sur des considérations d'ordre socio-économiques pour s'adapter aux coutumes du plus grand nombre, puisqu’à cette époque où les chrétiens ne sont encore qu'une petite minorité, c'était également le jour dédié au culte solaire, très répandu[17]. Néanmoins, cette décision est à compter au nombre des actes qui favorisent indirectement la reconnaissance du christianisme.
22
+
23
+ Constantin édicte une loi supplémentaire qui donne à ses soldats — ou au moins sa garde personnelle — du temps libre chaque dimanche afin d'accomplir leurs dévotions envers leurs dieux respectifs ou envers l'empereur. Vers la fin du IIIe siècle et au début du IVe siècle, plusieurs lois interdisent les spectacles théâtraux et les courses de chars pour favoriser l'écoute des sermons des prédicateurs chrétiens, mais peinent à s'imposer[15].
24
+
25
+ La Bible instaure l'obligation d'observer le jour de sabbat, jour de culte et de repos. Le commandement se trouve dans le Décalogue et fait écho au jour de repos de Dieu lors de la création (selon Genèse 2:2). Parmi les premiers chrétiens, certains continuèrent à observer le sabbat, tandis que d'autres (une majorité), sous l'impulsion de l'Église catholique romaine et dans l'intérêt de se distinguer du judaïsme célébrèrent le dimanche, considéré comme le jour de la résurrection de Jésus de Nazareth. En effet, selon eux, le dimanche est le jour où le Christ est ressuscité. D'après la Bible, Jésus meurt sur la Croix un vendredi après-midi. Il fut enterré rapidement à cause du Chabbat qui commence dès la tombée de la nuit et pendant lequel il est interdit d'ensevelir les morts et de les couvrir de parfum. Les femmes myrrhophores furent donc obligées d'attendre le dimanche matin, pour procéder aux embaumements et préparations qu'elles n'auraient pas eu le temps de faire le vendredi avant le coucher du soleil. Elles découvrirent alors le tombeau vide.
26
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27
+ Chaque dimanche est la célébration de la résurrection du Christ, événement capital sur lequel se fonde la foi chrétienne. C'est pourquoi le dimanche est aussi considéré comme le huitième jour d'une création nouvelle inaugurée par la Résurrection. C'est au cours de la journée du dimanche qu'a lieu la principale célébration eucharistique de la semaine dite messe chez les catholiques, culte chez les protestants et Sainte liturgie chez les orthodoxes. Chaque catholique doit se rendre à la « messe dominicale ». Pour faciliter cette participation, l'Église romaine a obtenu que le dimanche devienne jour de repos légal, à partir du IVe et surtout du Ve siècle à Rome, depuis le règne de l'empereur Constantin[18].
28
+
29
+ L'emprise de la messe dominicale diminue dès le XVIIIe siècle pour des raisons matérielles (églises pas assez nombreuses, trop petites et inconfortables), liturgiques (les messes successives lors des matines dominicales sont obligatoires mais celles des vêpres, des complies et des saluts dominicaux sont facultatives chez les catholiques) et économiques (selon la météorologie, les paysans peuvent devoir aller aux champs le dimanche, la révolution industrielle crée des métiers qui doivent travailler en continu comme les laveries, la sidérurgie ; ainsi suivant les régions et les époques, les évêques imposent une messe dominicale bimensuelle ou mensuelle)[12].
30
+
31
+ Thomas d'Aquin s'appuie sur le cinquième précepte du Décalogue[19] pour définir la sanctification du dimanche : c'est le jour où l'esprit humain participe au repos de Dieu. « À cela s'oppose la négligence spirituelle à l'égard du bien divin », c'est-à-dire l'acédie ou paresse spirituelle, un péché capital[20].
32
+ Le repos dominical, qui interrompt la production, le commerce et la course au profit, est, pour les chrétiens, un signe de gratuité et de grâce[21].
33
+
34
+ L'aspect de liberté par rapport au commandement de la sanctification du jour du repos a été particulièrement repris par le protestantisme pour qui il ne s'agit pas d'une prescription à suivre de manière intégriste ou légaliste, parce que « Le sabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat[22] ».
35
+
36
+ Pour les Adventistes, les Baptistes du Septième Jour et d'autres minorités chrétiennes, il n'appartenait pas à l'homme de modifier l'institution du sabbat. Ces mouvements continuent donc d'observer le samedi comme jour de culte, considérant que Dieu n'a pas aboli la loi du sabbat, telle que mentionnée dans la Torah dans les dix commandements[23]. La plupart des Églises chrétiennes, cependant, ont choisi le « premier jour de la semaine » pour célébrer leur culte[24].
37
+
38
+ Ces confessions chrétiennes qui reconnaissent le dimanche comme jour de repos[25] s'appuient sur le fait que le Nouveau Testament, selon elles, instaure une nouvelle ère de liberté affranchissant le peuple de la nouvelle Alliance des observances de la loi de Moïse[26], parce que, pour elles, le dimanche est célébration de la « nouvelle création » inaugurée dans la résurrection de Jésus-Christ[21]. Ainsi, le dimanche, jour de la résurrection du Christ[27], est le jour privilégié des chrétiens pour se réunir et partager[28].
39
+
40
+ En conclusion du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde, le pape François a demandé que l’on pense à un « dimanche entièrement consacré à la Parole de Dieu, pour comprendre l’inépuisable richesse qui provient de ce dialogue constant de Dieu avec son peuple »[29].
41
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42
+ Par la lettre apostolique Aperuit illis du 30 septembre 2019, le pape François a établi que le IIIe Dimanche du Temps Ordinaire soit consacré à la célébration, à la réflexion et à la proclamation de la Parole de Dieu[30].
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+ Dinosauriens • Dinosaures
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+ Super-ordre
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+ Taxons de rang inférieur
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7
+ Les Dinosauria (du grec ancien δεινός / deinόs « terrible » et σαῦρος / saûros « lézard »[1],[a]), plus communément appelés dinosaures, forment un super-ordre ainsi qu'un clade extrêmement diversifié de sauropsides de la sous-classe des diapsides. Ce sont des archosaures ovipares, ayant en commun une posture érigée et partageant un certain nombre de synapomorphies telles que la présence d'une crête deltopectorale allongée au niveau de l'humérus et un acetabulum perforant le bassin. Présents dès le milieu du Ladinien (dernier étage du Trias moyen), il y a environ 240 Ma, la branche non avienne des dinosaures disparait entièrement lors de l'extinction Crétacé-Paléogène il y a 66 Ma. Les oiseaux, la branche avienne des dinosaures, a émergé de petits dinosaures théropodes du Jurassique supérieur. Ainsi la survie des oiseaux à cette extinction, leur diversification considérable durant le Cénozoïque, en fait le seul groupe vivant actuel de dinosaures.
8
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+ Ce groupe de vertébrés majoritairement terrestres connut un succès évolutif considérable au Mésozoïque, dominant les faunes continentales entre le Trias supérieur et le Crétacé supérieur pendant plus de 170 Ma. Présents sur l'ensemble des continents dès la fin du Trias, ils comprennent des formes très diverses d'animaux terrestres et volants, bipèdes et quadrupèdes, carnivores et herbivores, ayant développé toute une série d'innovations squelettiques et tégumentaires telles que des cornes, des crêtes, des plaques et des plumes. Les dinosaures non-aviens comptent parmi eux les animaux les plus grands et les plus lourds ayant existé sur la terre ferme. Néanmoins, un grand nombre de dinosaures ne dépassait pas la taille d'un être humain et certains d'entre eux étaient plus petits qu'une poule.
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+ La classification standard des dinosaures distingue deux grands clades selon la morphologie de leur bassin : les Ornithischia et les Saurischia. Les Ornithischia (ou Ornithischiens) ne comprennent que des dinosaures herbivores que les paléontologues divisent en trois groupes majeurs : les Ornithopoda qui regroupent des dinosaures majoritairement bipèdes dont les fameux dinosaures à « bec de canard » (ou Hadrosauridae), les Marginocephalia qui incluent des dinosaures à collerette et à dôme osseux sur le haut de la tête (respectivement les Ceratopsia et les Pachycephalosauria), et enfin les Thyreophora qui englobent des dinosaures quadrupèdes surmontés d'armures, de piques et de plaques osseuses sur le dos et la queue (les Ankylosauria et les Stegosauria). Les Saurischia (ou Saurischiens) sont divisés en deux clades bien distincts, les Theropoda qui comprennent des dinosaures bipèdes et l'entièreté des dinosaures carnivores et piscivores ainsi que les dinosaures à plumes et les dinosaures volants (les oiseaux dans leur grande majorité), et les Sauropodomorpha, des animaux généralement quadrupèdes et de très grande taille munis d'un long cou, d'une petite tête et d'une longue queue.
12
+
13
+ En 2017, une révision de cette classification est proposée par Matthew Baron et ses collègues, en regroupant d'une part les théropodes et les ornithischiens au sein d'un même clade (les ornithoscélidés[b]) et d'autre part les sauropodomorphes et les herrérasauridés au sein du clade des saurischiens (qui n'inclut donc plus les théropodes)[2],[3],[4].
14
+
15
+ Le terme Dinosauria fut proposé par le paléontologue anglais Richard Owen en avril 1842. Dès le milieu du XIXe siècle et jusqu'à la fin des années 1960, les dinosaures furent considérés par les scientifiques comme des lézards géants, des reptiles à sang froid, patauds et lents, ayant disparu à la fin du Mésozoïque victimes de leur stupidité. Amorcée par le paléontologue américain John Ostrom, en 1969, la « renaissance des dinosaures » se caractérise par un regain d'intérêt pour l'étude des dinosaures, qui furent dès lors reconnus comme des animaux actifs, probablement endothermes même si toutes les études ne sont pas d'accord, et ayant des comportements sociaux complexes, bien distincts de nos reptiles actuels.
16
+
17
+ Les dinosaures suscitèrent dès leur découverte un grand intérêt auprès du public et les reconstitutions de squelettes dévoilées à l'occasion des expositions ont toujours été des attractions majeures dans les musées du monde entier. Les dinosaures sont d'ailleurs devenus partie intégrante de la culture populaire aux XXe et XXIe siècles, figurant dans une pléthore de livres et des films à succès tels que Jurassic Park et L'âge de glace 3. Aujourd'hui, si une « dinomania » touche notamment certains enfants, la curiosité populaire ne s'est jamais démentie et les nouvelles découvertes régulièrement rapportées par les médias entretiennent une certaine fascination pour ces animaux. Le mot « dinosaure » est largement passé dans le langage courant et son usage souvent inconsidéré tend à attribuer faussement ce terme à d'autres animaux disparus comme les ptérosaures, les reptiles marins (mosasaures, plésiosaures, etc.) et les reptiles mammaliens comme Dimetrodon ou Edaphosaurus qui n'étaient pas des dinosaures.
18
+
19
+ Le substantif masculin[5],[6],[7] dinosaure est emprunté[5],[6], par l'intermédiaire de l'anglais[5] dinosaur[6], au latin scientifique moderne dinosaurus[5],[6].
20
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21
+ Le taxon Dinosauria a été introduit et défini par le paléontologue britannique Richard Owen en 1842 afin de regrouper une « tribu ou sous-ordre distinct de Reptiles Sauriens »[8]. Le terme dérive de deux racines grecques δεινός, deinos, signifiant, selon Owen, « effroyablement grand », et σαύρα, sauros, voulant dire « reptile » ou « lézard ». Dès l'apparition du nom, la première racine deinos fut incorrectement traduite par « terrible » ou « effrayant », bien qu'Owen n'utilisât pas cette racine comme un adjectif mais bien sa forme superlative, comme l'eut employée Homère dans l'Iliade, afin de révéler la nature impressionnante de ces animaux[9]. Le paléontologue anglais incluait alors dans ce nouveau groupe de reptiles au moins trois genres, Megalosaurus, Iguanodon et Hylaeosaurus, tous trois caractérisés, entre autres, par un large bassin (sacrum) formé de cinq vertèbres ankylosées, la grande hauteur des épines neurales des vertèbres dorsales et la double articulation des côtes des vertèbres[8]. Trois autres dinosaures préalablement nommés, le sauropode Cetiosaurus, le théropode Poekilopleuron et le sauropodomorphe basal Thecodontosaurus, ne furent cependant pas classés parmi les Dinosauria par Owen qui les considérait alors comme des reptiles indéterminés.
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+ Les fossiles de grands animaux mésozoïques sont connus depuis l'aube de l'humanité, mais leurs véritables identifications n'ont émergé qu'après des millénaires d'interprétations mythologiques, et après plusieurs décennies de postulats fantaisistes même au sein d'une géologie et d'une paléontologie scientifiques, mais manquant, aux débuts, d'un nombre suffisant de données.
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+ Pour les Chinois c'étaient des os de dragons, pour les Européens des restes des Géants bibliques et d'autres créatures tuées par le Déluge. Georges Cuvier décrit un lézard marin, le mosasaure (contemporain des dinosaures, mais qui n'en était pas un), dès 1808. Les premières espèces identifiées et baptisées sont l’iguanodon, découvert en 1822 par le géologue anglais Gideon Mantell, qui a remarqué des similitudes entre ses fossiles et les os de l’iguane contemporain. Le premier article scientifique sur les dinosaures paraît deux ans plus tard. Il est publié par le révérend William Buckland, professeur de géologie à l'université d’Oxford, et concerne Megalosaurus bucklandii, dont un fossile avait été découvert près d’Oxford. L'étude de ces « grands lézards fossiles » fait l'objet d'un grand intérêt dans les cercles scientifiques européens et américains, et le paléontologue anglais Richard Owen invente le terme « dinosaure » en 1842. Il remarque que les restes précédemment trouvés (Iguanodon, Megalosaurus et Hylaeosaurus) ont de nombreux caractères en commun, et décide de créer un nouveau groupe taxonomique. Avec l'aide du prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, mari de la reine Victoria, il crée le musée d'histoire naturelle de Londres, à South Kensington (Natural History Museum), pour exposer la collection nationale de fossiles de dinosaures, ainsi que quelques autres objets d'intérêt botanique et géologique.
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+ Vulgarisateur bénéficiant de gros budgets pour faire voir et faire toucher ce qu'il croit être une reconstitution exacte, Richard Owen rend populaire sa dénomination qui atteint un apogée dans les foules curieuses vers 1890. Le naturaliste Thomas Henry Huxley propose ornithoscélidés, littéralement « à la cuisse d'oiseaux ». Hermann de Meyer préfère pachypodes c'est-à-dire « aux pieds épais ». Ces dénominations ne quittent pas le cercle de lecteurs savants. Mais, après 1887, les spécialistes de sciences naturelles lassés du spectacle d'Owen, ordonnent avec rigueur les différentes familles de Saurischiens et d'Ornithischiens[réf. nécessaire].
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+ En 1858 le premier fossile de dinosaure américain est découvert, dans des marnières près de la petite ville de Haddonfield, dans le New Jersey (ce n'est pas le premier fossile de dinosaure trouvé en Amérique, mais le premier identifié comme tel). L’animal est nommé Hadrosaurus foulkii, du nom de la ville et de son découvreur : William Parker Foulke. Cette découverte est capitale car il s'agissait du premier squelette presque complet découvert, et Joseph Leidy met en évidence sans doute possible que l'animal était bipède. Jusqu’alors la plupart des scientifiques croyaient que les dinosaures marchaient à quatre pattes comme les lézards.
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+ La découverte de l'Hadrosaurus bipède marque le début effervescent d'une chasse aux fossiles de dinosaures aux États-Unis. La lutte acharnée entre Edward Drinker Cope, amateur fortuné de géologie et de paléontologie, natif de Philadelphie et Othniel Charles Marsh, heureux new-yorkais héritier de George Peabody à 21 ans et prospecteur infatigable, est connue sous le nom de « guerre des os » (Bone Wars), ou « ruée vers l'os », expression qui fait référence à la ruée vers l'or au XIXe siècle. Leur querelle irrémédiable après 1870, née d'une rivalité dans la chasse aux dinosaures démultipliée par de nombreuses brouilles dont Como Bluff, gisement mis au jour par deux ouvriers de l'Union Pacific et finalement exploité par O.C. Marsh, dure presque 30 ans, et finit en 1879 quand Cope mourut après avoir dépensé toute sa fortune dans cette quête. Marsh qui lui survécut vingt années sortit vainqueur, mais n'évita la ruine que grâce à l’aide financière inespérée de l’Organisation Géologique des États-Unis (United States Geological Survey). La collection d'Edward Cope, auteur prolifique de plus de 1800 articles scientifiques depuis ses dix-huit ans, ce qui ne l'empêcha pas de placer la tête sur la queue d'un plésiosaure, se trouve aujourd'hui au Musée américain d'histoire naturelle, à New York, celle de Marsh au musée Peabody d'histoire naturelle, à l'université Yale.
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+ L'assistant de Cope, Charles Hazelius Sternberg aidé de ses trois fils, reprend le flambeau en entreprenant, au début du siècle suivant, des missions en Alberta, au Kansas, dans le Montana et le Wyoming. Dans ce dernier État, il relève en 1908 la première empreinte de peau momifiée de ce qui s'avère être un Anatosaurus. Une seconde découverte similaire est faite en 1910. Une partie de son équipe rejoint en 1913 Barnum Brown, qui, parfois avec son ami Henry Fairfield Osborn, prospecte depuis 1910 les berges de la Red Deer river entre l'Alberta et le Montana. Les barges des chercheurs, perturbés dans leur repérage au fil de l'eau par d'agaçants moustiques, dérivent avec le courant. Mais la moisson de trouvailles en vaut la peine : squelettes de théropodes, aratopsiens, hadrosaures[réf. nécessaire]...
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+ Les chercheurs du IIe Reich annoncent la généralisation de la chasse lointaine et systématique, par leurs succès dans les colonies allemandes d'Afrique occidentale et orientale. Dans l'actuelle Tanzanie, le site de Tendaguru livre des grands sauropodes de la famille des Brachiosauridés et des petits stégosauriens genre Kentrosaurus aux paléontologues allemands. Werner Janensch supervise la collection rapatriée au Musée d'histoire naturelle de Berlin. Edwin Hennig poursuit les investigations en Afrique entre 1908 et 1912.
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+ Si les chasseurs de dinosaures Cope et Marsh sont les véritables héros de la « guerre des os », cette bataille se poursuit de 1870 à 1910 avec plusieurs pays émergents comme les États-Unis et l'Allemagne qui veulent se mesurer aux grandes nations de l'époque, en finançant des expéditions dans le monde entier pour découvrir les dinosaures les plus spectaculaires par leur taille et leur étrangeté<[11].
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+ C'est grâce à une exploration asiatique à la quête de l'origine de l'homme que la Smithsonian Institution, par l'intermédiaire de son musée d'histoire naturelle, le Musée national d'histoire naturelle des États-Unis, cumule les trouvailles décisives dans le désert de Gobi entre 1922 et 1925. La mission du Musée américain d'histoire naturelle, à la suite d'une initiative d'Osborn et de Granger et commandée par Roy Chapman Andrews, découvre des œufs et des nids de Protoceratops andrewsi.
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+ La Chine et ses confins avaient déjà attiré une expédition russe entre 1915 et 1917. Les missions russes, source de prestige, reprennent en 1946 et 1948. Les Chinois rentrent tôt dans la course et lancent leurs propres missions scientifiques après 1933. Après le refroidissement des relations sino-soviétiques, elles se cantonnent à la Mongolie. Les missions russo-mongoles et polono-mongoles se succèdent dans les années 1960 et 1970. Le Gobi est alors l'éden des chasseurs de dinosaures. Plus que les rares revues spécialisées, journaux et radio relatent les péripéties aventureuses.
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+ La Chine investit avec force la spécialité de la paléontologie des vertébrés. Le temps du terrible dragon Kong-Hong reconnu dans les entrailles de la terre et vénéré laisse la place à l'analyse scientifique. Des spécialistes de renom émergent tels C. C. Young alias Yang Zhongjian et le professeur Dong Zhiming qui découvrent plus de cent espèces inconnues en Chine : Sauropode Mamenchisaurus, Hadrosaure Tsintaosaurus, Prosauropode Lufengosaurus, Stegosaure Tuojiangosaurus…
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+ La connaissance de la faune du Mésozoïque s'accroît aussi avec l'expédition franco-norvégienne du Spitzberg en 1968, les paléontologues français y sont avantagés par la connaissance préalable de cette période géologique au Sahara et en Afrique du Nord[réf. nécessaire].
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+ La recherche de fossiles s'est étendue à toute la surface du globe, y compris en Antarctique, où un ankylosaure, Antarctopelta, est découvert en 1986 sur l'île James-Ross, mais dont la description n'intervient que vingt ans après[12]. C'est cependant en 1994 qu'un dinosaure habitant réellement l'Antarctique, Cryolophosaurus ellioti, est décrit dans un journal scientifique[13]. Les zones particulièrement intéressantes sont aujourd'hui l'Amérique du Sud, surtout l'Argentine, et la Chine, dont le sous-sol a révélé de nombreux squelettes très bien conservés.
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+ Afin de distinguer les dinosaures de leurs plus proches cousins (les dinosauromorphes), les scientifiques cladistes, qui définissent des groupes d'organismes sur base de leurs ancêtres plutôt que sur la possession des caractères anatomiques particuliers, ont défini les dinosaures comme étant les « membres du clade le moins inclusif comprenant Triceratops horridus et Passer domesticus » (le moineau domestique)[15],[16],[17].
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+ Cette définition, dite phylogénétique ou cladiste, a besoin d'un contexte phylogénétique et ne peut être comprise qu'en utilisant un cladogramme, ou arbre phylogénétique, un arbre schématique illustrant les liens de parentés entre les êtres vivants et les groupes au sein desquels ils se classent. Ainsi, un animal est un dinosaure s'il se positionne, dans un cladogramme, dans ce groupe d'organismes comprenant à la fois le Triceratops, le moineau, et l'ensemble des descendants de leur ancêtre commun. En d'autres termes, toute espèce descendant de cet ancêtre particulier est par définition un dinosaure. Cet ancêtre peut être positionné dans le cladogramme en trouvant le Triceratops et le moineau (Passer) puis en suivant leurs branches jusqu'à ce qu'elles se rejoignent en un nœud particulier correspondant au nœud du clade des dinosaures.
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+ Des variantes de cette définition phylogénétique des dinosaures existent dans la littérature. Fernando Novas fut le premier à donner une définition du taxon Dinosauria, un clade incluant l'ancêtre commun des Herrerasauridae et des Saurischia + Ornithischia, nommant le clade comprenant les Saurischia et Ornithischia Eudinosauria, un taxon qui n'a jamais été repris par la suite[18]. Un an plus tard, Kevin Padian et Cathleen May définirent le clade des Dinosauria comme étant l'ensemble des descendants du plus récent ancêtre commun des oiseaux et de Triceratops[15], la définition actuellement reconnue des dinosaures, reprise parfois de manière légèrement différente par d'autres auteurs comme le célèbre paléontologue américain Paul Sereno (Triceratops, Neornithes, leur plus récent ancêtre commun et l'ensemble de ses descendants)[19], Olshevsky, qui souhaitait faire honneur à l'inventeur des dinosaures Richard Owen (le plus récent ancêtre commun de Megalosaurus et Iguanodon et l'ensemble de ses descendants)[20] et Fraser et ses collègues (Triceratops (représentant les Ornithischia) plus Aves (représentant les Saurischia) et l'ensemble des descendants de leur dernier ancêtre commun)[21].
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+ L'ensemble de ces définitions permet de regrouper des animaux définis comme étant des dinosaures (Dinosauria = Saurischia + Ornithischia) et comprenant les théropodes (dinosaures bipèdes, parfois carnivores, incluant les oiseaux), les sauropodomorphes (dinosaures herbivores majoritairement quadrupèdes munis d'un long cou), les ornithopodes (dinosaures herbivores majoritairement bipèdes comprenant les dinosaures à « bec de canard »), les ankylosauriens (dinosaures herbivores quadrupèdes munis d'armures osseuses sur le dos), les stégosauriens (dinosaures herbivores quadrupèdes portant des plaques osseuses et parfois des épines sur le dos), les cératopsiens (dinosaures herbivores majoritairement quadrupèdes possédant une crête osseuse à l'arrière du crâne et parfois des cornes sur le haut de la tête) et les pachycéphalosauridés (dinosaures herbivores bipèdes au crâne épaissi).
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+ Il y a un consensus presque total chez les paléontologues sur le fait que les oiseaux sont les descendants des dinosaures, et plus précisément des dinosaures théropodes appartenant au clade des Maniraptora[22]. Suivant la définition phylogénétique (aussi appelée cladiste), les oiseaux sont donc des dinosaures et les dinosaures n'ont par conséquent pas disparu. Néanmoins, dans le langage courant, ainsi que pour les systématiciens de l'école évolutionniste[23], le mot « dinosaure » n'inclut pas les oiseaux. Par souci de clarté, cet article utilise ainsi le mot « dinosaure » comme synonyme de « dinosaure non-avien ».
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+ Les premiers scientifiques qui étudièrent les dinosaures ne leur avaient pas donné une telle définition puisque la théorie de l'évolution, impliquant la notion d'ancêtre commun, était vue à leur époque comme une hérésie. Ainsi, suivant la coutume de son époque, Richard Owen définit les dinosaures comme étant des animaux possédant un certain nombre de caractères anatomiques particuliers. Ces derniers sont actuellement nommés synapomorphies, des caractères dérivés, ou nouveautés évolutives, hérités d'un ancêtre commun et unissant l'ensemble des membres d'un clade. Les dinosaures possèdent plusieurs synapomorphies listées ci-dessous. Ces caractères dérivés partagés par l'ensemble des dinosaures permettent, non pas de définir les dinosaures, mais de les identifier, comme un médecin utiliserait une liste de symptômes pour diagnostiquer une maladie particulière[24].
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+ Et selon Nesbitt (2011)[25] :
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+ D'autres caractères ostéologiques ne se retrouvent uniquement que chez les dinosaures, mais puisque leur présence est incertaine chez leurs cousins les plus proches (dinosauromorphes), ils ne peuvent être utilisés avec certitude afin d'identifier un dinosaure d'un autre archosaure.
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+ Plusieurs caractères anatomiques avaient été utilisés par plusieurs auteurs afin d'identifier les dinosaures. Cependant, avec la découverte de dinosaures basaux et de nouveau taxons proches des dinosaures, certains de ces caractères se sont révélés être partagés par des proches cousins des dinosaures, ou absent chez certains dinosaures basaux[17].
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+ Bien que nécessaire, la liste des traits anatomiques énoncée ci-dessus et permettant de différencier un dinosaure d'un autre animal est rébarbative et emploie un grand nombre de termes anatomiques complexes et peu intéressants pour un public non-spécialisé. Ainsi, un animal d'origine archosaurienne ayant vécu au Mésozoïque, ne volant pas et se différenciant des reptiles par une posture « érigée en contrefort » est très souvent, un dinosaure (non-avien).
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+ Puisque les dinosaures sont des archosaures, les mammifères disparus tels le Mammouth ne sont pas des dinosaures, de même que tout animal ayant vécu avant le Trias comme le Dimetrodon, un synapside non-mammalien datant du Permien. Les dinosaures furent des animaux majoritairement terrestres et seuls quelques dinosaures à plumes proches de la lignée avienne comme Microraptor étaient capables de voler et d'occuper ainsi la niche écologique des airs. Par conséquent, les animaux aquatiques ayant vécu à la même époque que les dinosaures, comme les plésiosaures, les ichtyosaures et les mosasaures, n'étaient pas des dinosaures. De la même manière, et bien qu'ayant également vécu uniquement au Mésozoïque également, les ptérosaures, des proches cousins des dinosaures, exclusivement volants et dont l'aile est formée par une voile de peau soutenue par le quatrième doigt de la main qui s'est considérablement allongé, ne sont pas des dinosaures. Puisque les dinosaures possédaient des membres dressés, maintenus sous le corps, les animaux proches des dinosaures à posture semi-dressée ou rampante comme les reptiles, tels les crocodiles ou les lézards, ne sont pas non plus des dinosaures.
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+ La posture dressée n'est pas une exclusivité dinosaurienne au sein de la lignée archosaurienne puisqu'elle est également partagée, en plus des proches cousins des dinosaures les dinosauromophes, par d'autres archosaures contemporains des premiers dinosaures : les Rauisuchia. La posture érigée de ces archosaures est néanmoins différente de celle des dinosaures (et des mammifères) dans la configuration anatomique du bassin. Chez les dinosaures (et les ornithodires d'une manière générale), la stature dressée fut acquise en gardant une position verticale des os du bassin et en tournant la tête du fémur médialement afin qu'elle s'articule dans la cavité de l'acetabulum qui s'ouvre latéralement[28], une posture dite « érigée en contrefort » ('buttress-erect' posture)[29]. Chez les rauisuchiens, la stature érigée, qui est apparue indépendamment de celle des dinosaures[30],[31], s'est développée grâce à une rotation de l'ilion vers une position horizontale, orientant ainsi l'acetabulum presque ventralement[30],[32],[33]. Cette configuration est connue sous le nom de posture « érigée en pilier » ('pillar-erect' posture)[29].
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+ Il est nettement plus difficile de différencier les tout premiers dinosaures de leur proches cousins les dinosauromorphes puisque ces derniers sont également des archosaures bipèdes à posture « érigée en contrefort » ayant vécu à la même époque que les premiers dinosaures. Comme le montre la liste de caractères anatomiques propre aux dinosaures donnée ci-dessus, les dinosaures ne se différencient véritablement de leurs proches cousins que par une posture dressée plus rapide et plus effective, où les muscles du cou et des membres antérieurs et postérieurs furent plus développés et plus puissants, permettant aux premiers dinosaures d'avoir une bipédie effective et un mode de vie très actif.
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+ Seule une posture dressée et des membres antérieurs et postérieurs pourvus de muscles puissants permettent de caractériser l'ensemble des dinosaures, qui furent de taille et de morphologie extrêmement diverses. En effet, les dinosaures, comprennent des animaux bipèdes et quadrupèdes, carnivores et herbivores, avec ou sans dents, à écaille, à poils (des proto-plumes) ou à plumes, aux membres antérieurs très développés ou très courts, des cous démesurément longs ou presque absents, et munis ou non de becs, collerettes, armures osseuses, plaques, cornes, épines, voiles, crêtes et dômes osseux.
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+ Le crâne et la mâchoire des dinosaures sont certainement les parties du squelette dont la forme est la plus variée. En effet, la morphologie de la tête, que ces deux entités anatomiques constituent, est directement liée au régime alimentaire, si bien que les dinosaures qui se nourrissaient de plantes coriaces, de feuilles, de viandes, de poissons ou filtraient les eaux pour se sustenter avaient des crânes et des mâchoires de forme très différente. Ainsi, les dinosaures théropodes qui comprennent des prédateurs puissants comme Tyrannosaurus[34], Acrocanthosaurus[35] et Torvosaurus[36] avaient des crânes massifs et robustes munis de dents tranchantes dentelées, alors que leur proches cousins piscivores les Spinosauridae comme Irritator[37] et Spinosaurus[38] avaient un crâne étroit et allongé portant de dents coniques dépourvues de denticules. Beaucoup de théropodes étaient également exclusivement herbivores[39] et possédaient des têtes à bec édenté comme certains Oviraptoridae tel que Citipati[40] ou des mâchoires à bec munies de petites dents triangulaires comme les Therizinosauroidea tel Erlikosaurus[41],[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Parmi les dinosaures ornithischiens, qui furent exclusivement herbivores, le crâne était également souvent muni de becs osseux comme la plupart des cératopsiens et des hadrosaures dont les mâchoires portaient de véritables batteries dentaires[24]. Néanmoins, la forme du crâne des ornithischiens, en plus d'être liée au régime alimentaire, variait également fortement suivant les attributs de protections ou de parades comme les cornes, les dômes osseux, les crêtes et les collerettes qu'il portait. Ainsi, la tête des cératopsiens comme Styracosaurus[46], Pachyrhinosaurus[47] et Triceratops[48], qui fut munie d'une collerette (courte ou longue) et parfois de cornes nasales, frontales ou encore de cornes à l'extrémité de la collerette, se distinguait fortement de la tête épaisse et étroite des pachycéphalosauridés comme Stegoceras[49] ou Pachycephalosaurus[50] dont le crâne était épaissi et parfois bombé à son sommet. De même, la tête des hadrosaures, souvent pourvue de longues crêtes osseuses à l'extrémité du crâne comme chez Corythosaurus[51] et Parasaurolophus[52], ne pouvait être confondue avec la tête épaisse et courte des ankylosauridés comme Ankylosaurus[53] et Euoplocephalus[54] dont le sommet était protégé de protubérances osseuses et parfois rehaussé de courtes épines[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Malgré cette large variabilité de forme que déploie la tête des dinosaures, le crâne et la mâchoire sont toujours constitués des mêmes os et montrent toujours les mêmes ouvertures. En effet, les dinosaures sont des reptiles diapsides, des animaux dont le crâne est perforé par deux ouvertures crâniennes, ou fenêtres (également appelées fosses), dans la partie postérieure du crâne, la fenêtre temporale inférieure et la fenêtre temporale supérieure. De même, comme la majorité des vertébrés, les dinosaures possèdent une ouverture à l'emplacement de l’œil nommée orbite au milieu duquel se trouve l'anneau sclérotique permettant le support de l’œil, ainsi qu'une ouverture au niveau des narines, la fosse nasale d'où se terminaient les conduits respiratoires jusqu'aux narines. L'entièreté des saurischiens, et certains ornithischiens, montrent enfin une dernière fenêtre, généralement large, au niveau du crâne et située entre l'orbite et la fosse nasale. Cette ouverture, appelée fenêtre antéorbitaire, ce qui signifie "en avant de l'orbite", permettait le passage de plusieurs muscles reliant le toit du crâne aux mâchoires supérieures et inférieures. La mandibule est également pourvue d'une ouverture nommée fenêtre mandibulaire externe, présente chez la plupart des dinosaures[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les os formant le crâne et la mâchoire, en grande majorité double (présents du côté gauche et droit) puisque la tête est symétrique, sont nombreux et leur morphologie est également très diverse au sein des différents groupes de dinosaures. Seuls les plus caractéristiques sont ici exposés. Le prémaxillaire se situe à l'extrémité antérieure du crâne et porte des dents ou un bec corné appelé ramphothèque, ou les deux. Néanmoins, chez les hadrosaures, il existe deux prémaxillaires qui contribuent à la crête osseuse portée par bon nombre d'entre eux. Le maxillaire est également, chez les dinosaures dentés, un os porteur de dents qui constitue la majeure partie de la mâchoire supérieure. Les os formant le toit du crâne sont l'os nasal (délimitant en partie la fosse nasale et formant parfois des crêtes osseuses de toutes sortes), l'os frontal, et l'os pariétal et squamosal qui se trouvent à l'arrière de la tête. Ces deux derniers sont extrêmement développés chez la plupart des cératopsiens puisqu'ils forment la large crête permettant de protéger le cou de ces animaux. La mandibule est majoritairement constituée de l'os dentaire qui est le seul à porter des dents au niveau de la mâchoire inférieure. Chez les dinosaures à bec comme les cératopsiens, les stégosauridés et les hadrosauridés, l'extrémité antérieure de la mâchoire se termine par un os supplémentaire directement relié au dentaire, l'os prédentaire, qui est également renforcé par une ramphothèque chez ces animaux à bec. De la même manière, chez les cératopsiens le prémaxillaire de la mâchoire supérieure est prolongé par un os supplémentaire portant le bec corné et appelé os rostral[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Si le squelette post-crânien (le squelette mis à part la tête) des dinosaures est moins différencié que le crâne et la mandibule, il n'en reste pas moins que sa morphologie est très variable au sein des différents clades de dinosaures. Directement lié à la locomotion et à l'alimentation, le squelette des dinosaures pouvait également déployer toute une série d'innovations squelettiques jouant des rôles de protection, de défense et de parade. Les dinosaures carnivores étaient ainsi exclusivement bipèdes, ce qui leur permettait de se déplacer avec agilité et rapidité pour attraper des proies. Leurs membres postérieurs furent nettement plus développés et robustes que les membres antérieurs, et les doigts de ces animaux se terminaient par des griffes acérées et parfois rétractiles. Au contraire, une majorité de dinosaures herbivores fut quadrupède et beaucoup d'entre eux étaient dotés de protubérances osseuses qui les protégeaient. Si la tête de certains Ceratopsidae déployaient des cornes, le corps des Stegosauridae portait des plaques osseuses triangulaires ou losangiques sur le haut du dos et parfois de longues épines à l'extrémité de la queue et sur les bas côté du ventre[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les ankylosauriens adoptèrent une autre stratégie pour se prémunir des prédateurs. Chez ces animaux quadrupèdes, le corps était recouvert d'un bouclier osseux fait d'une imbrications de nodules, de piques et parfois de larges épines pointant vers les côtés. La queue de ces herbivores se terminait parfois également par une massue osseuse que l'animal était capable de balancer pour repousser les assaillants les plus téméraires. Un autre moyen de se protéger des prédateurs et vers lequel les Sauropodomorpha évoluèrent fut l'accroissement démesuré du corps, où le cou et la queue prirent des longueurs gigantesques. La grande dimension du cou permit à ces dinosaures quadrupèdes d'atteindre la cime des arbres les plus hauts pour se nourrir alors qu'une queue excessivement longue aida à contrebalancer le reste du corps et parfois également à jouer un rôle de fouet supersonique capable de claquer face aux carnassiers qui les attaquaient. Des nodules et épines osseuses se trouvaient également sur le dos de certains sauropodes titanosaures tels qu'Agustinia et Ampelosaurus, de même que certains théropodes carnivores comme Ceratosaurus. La longue queue de certains sauropodes se terminait également par une massue, comme le montre Shunosaurus et Omeisaurus, et parfois même de courtes épines telle la queue de Spinophorosaurus[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les dinosaures herbivores bipèdes, comme la plupart des Ornithopoda, des Pachycephalosauridae et un grand nombre de théropodes maniraptoriformes, comptèrent surtout sur la robustesse et la vélocité de leurs membres postérieurs pour échapper aux prédateurs, mais certains herbivores comme Iguanodon portèrent également de larges éperons au niveau des pouces afin de poinçonner le cou des prédateurs. Bien que la plupart des théropodes comprenaient trois à quatre doigts à chaque main, quelques-uns d'entre eux comme Tyrannosaurus n'étaient pourvus que de deux doigts développés et un troisième doigt vestigial totalement réduit. Par ailleurs, les membres antérieurs de certains théropodes Alvarezsauridae ne furent terminés que par un doigt unique muni d'une large griffe. Les membres antérieurs des théropodes furent généralement bien développés, parfois même robustes comme chez les Spinosauridae, mais certains d'entre eux au sein de la lignée des Abelisauridae, Tyrannosauridae et Alvarezsauridae montraient des membres antérieurs extrêmement courts, leur réduction au cours du temps témoignant parfois d'une absence d'utilité. Dinosaures herbivores et carnivores pouvaient également déployer une voile osseuse sous-tendue par des épines neurales hypertrophiées sur le haut du dos. C'est le cas des dinosaures ornithopodes Ouranosaurus et Hypacrosaurus ainsi que les dinosaures théropodes Acrocanthosaurus, Concavenator et Spinosaurus[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Une fois encore, cette large variabilité de forme du corps des dinosaures ne dérive que de la transformation d'un certain nombre d'os, et la toute grande majorité des os du squelette des dinosaures fut partagée par l'ensemble d'entre eux et configurée de la même manière. Ainsi, la colonne vertébrale comprend toujours un nombre (parfois variable) de vertèbres cervicales (vertèbres du cou), dorsales (du dos), sacrales (du bassin) et caudales (de la queue). La cage thoracique est protégée par les côtes (cervicales et dorsales) et des os fins et parallèles nommés gastralias au niveau du bas-ventre, et les petits os situés sous les vertèbres caudales et permettant aux muscles de la queue de s'y attacher sont appelés chevrons ou arcs hémaux. Les membres antérieurs incluent un humérus (partie proximale de l'avant-bras), un radius et une ulna (partie distale de l'avant-bras) et enfin les os de la main que sont les carpes, métacarpes et phalanges. De même, les membres postérieurs se divisent en fémur (partie proximale de la jambe), tibia et fibula (partie distale de la jambe) et enfin des os du pied, à savoir les tarses, métatarses et phalanges. Le complexe scapulaire formant l'épaule comprend la scapula et le coracoïde ainsi que deux petits os, le sternum et la clavicule (cette dernière étant fusionnée chez les théropodes pour former un os en forme de 'V' nommé furcula) et le bassin se constitue d'un ilion, d'un ischion et d'un pubis. Les piques, plaques et nodules que portent certains dinosaures sont enfin des ostéodermes, des protubérances osseuses dérivant de l'ossification de certaines parties du derme[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Si l'anatomie osseuse des dinosaures est relativement bien connue grâce à la découverte de leurs os fossilisés, il en est tout à fait autrement de leur anatomie interne. En effet, les organes internes que sont par exemple le cerveau, les organes respiratoires et digestifs (poumons, estomacs, intestins, etc.) et les muscles, se dégradent rapidement une fois l'animal mort et seuls des cas exceptionnels de dépôt rapide et de fossilisations permettent à ces parties molles du corps d'être préservées dans la roche.
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+ Un des plus beaux exemples est donné par le théropode juvénile Scipionyx dont les organes et tissus mous ont été particulièrement bien conservés[55]. La préservation unique des ligaments, des cartilages et des muscles du corps, des vaisseaux sanguins et de la totalité des organes digestifs chez ce petit coelurosaure a permis la découverte d'éléments cruciaux sur l'anatomie générale des dinosaures, qui semble se rapprocher beaucoup plus de celle des oiseaux que des reptiles contemporains[56].
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+ Bien qu'à un degré inférieur de préservation, des restes de viscères et de muscles fossilisés d'autres dinosaures ont été mis au jour : Mirischia[57] préservant des traces d'intestins, Santanaraptor[58] et Pelecanimimus[59] montrant des restes de peau et de muscles, ainsi que plusieurs exemples d'hadrosauridés momifiés comme Brachylophosaurus (nommé «Leonardo»)[60] et Edmontosaurus (nommé «Dakota»)[61] chez lesquels on a retrouvé des restes tégumentaires, ligamentaires et viscéraux.
98
+
99
+ La découverte d'un cœur fossilisé de Thescelosaurus, un petit dinosaure appartenant au sous-ordre des ornithopodes, a fait l'objet d'un article dans Science en avril 2000. Après une étude par tomodensitométrie, il semblerait que le cœur de Thescelosaurus était divisé en quatre chambres (deux aortes et deux ventricules)[pas clair], comme celui des mammifères et des oiseaux[62]. Un examen minutieux de ce cœur pétrifié, qui aurait été conservé par saponification et transformation en goethite selon certains[62], a révélé qu'il s'agit-là plus vraisemblablement d'une concrétion rocheuse[63],[64].
100
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101
+ La musculature des dinosaures a été particulièrement étudiée ces dernières années et les reconstitutions musculaires se basent moins sur les tissus musculaires préservés, qui restent très rares dans le registre fossile, mais sur les attaches musculaires visibles sur les os et une comparaison minutieuse avec l'anatomie musculaire des proches parents des dinosaures vivants de nos jours, à savoir les oiseaux et les crocodiles. Ainsi, les muscles du crâne et de la mâchoire, qui comprennent les muscles orbito-temporaux [65], palataux [66], temporaux [67] et mandibulaires [68], ont été récemment reconstitués chez Edmontosaurus, Diplodocus et Majungasaurus[69]. Quant aux muscles du cou, une reconstitution de leur anatomie a pu être donnée chez certains théropodes[70],[71],[72], marginocéphales[73] et sauropodes[74]. De la même manière, des données nouvelles sur la musculature des membres antérieurs et postérieurs chez les dinosaures ont été récemment apportées, par exemple chez Tyrannosaurus[75],[76] et les Dromaeosauridae[77], contribuant à développer de manière importante les connaissances sur la locomotion des dinosaures[78],[79],[80].
102
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103
+ Du fait de sa complexité, la boîte crânienne (ou neurocrâne) renfermant le cerveau a été pendant longtemps une des régions du squelette des dinosaures les moins connues[42]. Néanmoins, les connaissances relativement faibles de son anatomie aux siècles derniers se sont considérablement améliorées au XXIe siècle avec l'avènement du CT-scan. Cet outil utilisé dans les hôpitaux a permis de scanner avec précision et dans les moindres détails la cavité céphalique des boîtes crâniennes relativement bien conservées de nombreux dinosaures. Des reconstructions en 3 dimensions des hémisphères cérébraux, des bulbes olfactifs et des organes de l'oreille interne ont pu être ainsi faites chez plusieurs dinosaures comme Majungasaurus[81], Tyrannosaurus[82], Alioramus[83], Hypacrosaurus[84], Pachyrhinosaurus[85], Diplodocus[86], Camarasaurus[86] et Nigersaurus[87]. Ces études ont permis de comprendre beaucoup mieux l'anatomie du cerveau des dinosaures, mais également d'avoir une idée de leur intelligence et de leurs facultés sensorielles (ouïe, odorat, vue). L'on sait à présent que la morphologie du cerveau est très variable au sein du groupe des dinosaures et les ornithischiens, les sauropodomorphes et les théropodes basaux possédèrent généralement un cerveau proche des reptiles actuels dans sa configuration anatomique, alors que les théropodes dérivés avaient un cerveau ressemblant beaucoup plus à celui des oiseaux. Le cerveau des dinosaures peut se diviser en deux parties, le bulbe olfactif antérieurement et les hémisphères cérébraux au centre, auxquels s'ajoutent, de part et d'autre du cerveau, les 12 nerfs majeurs du cerveau (notés de I à XII), les veines cérébrales et enfin l'oreille interne, constitué du labyrinthe osseux. L'évolution du cerveau chez les théropodes correspond ainsi a un accroissement important du volume cérébral chez les coelurosaures, de même qu'un alignement du bulbe olfactif, des hémisphères cérébraux (télencéphale) et du rhombencéphale sur un même plan[88],[89]. La découverte exceptionnelle d'un cerveau fossilisé qui aurait appartenu à un iguanodonte a permis de constater que la structure de celui était proche des oiseaux modernes et des crocodiliens. En outre, l'étude associée, publiée en 2016, a permis de suggérer que la boîte crânienne et le cerveau chez ces animaux étaient en contact l'un avec l'autre et non pas séparés par un système sanguin. Cette hypothèse indiquerait une taille plus importante du cerveau que celle qui était considérée jusqu'alors[90],[91].
104
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105
+ Les dinosaures furent classés pendant longtemps comme des reptiles couverts d'écailles tels nos crocodiles et lézards actuels. Cette vision a fortement changé de nos jours depuis la découverte de structures osseuses typiques des animaux homéothermes (à sang chaud) chez de nombreux dinosaures, et depuis que la province du Liaoning, en Chine, a livré dans les années 1990 et 2000 un grand nombre de fossiles de dinosaures couverts de poils et de plumes. Si certains dinosaures portaient ce genre de téguments filamenteux, d'autres semblent avoir eu la peau lisse, et d'autres encore avoir été couverts d'écailles ; plusieurs types de phanères ont pu coexister, comme chez les oiseaux actuels. En effet, des traces d'écailles ont été découvertes chez de nombreux groupes de dinosaures[92] comme les hadrosauridés (par exemple, Saurolophus[93], Brachylophosaurus[60], Edmontosaurus[61]), les cératopsidés (p. ex. Centrosaurus[94], Chasmosaurus[95]), les stégosauridés (p. ex., Gigantspinosaurus[96], Hesperosaurus[97]), les ankylosauridés (p. ex. Scelidosaurus[98], Tarchia[99]), les sauropodes[100] (p. ex., Saltasaurus[101], Tehuelchesaurus[102]) et les théropodes (p. ex., Carnotaurus[103], Juravenator[104]). Il s'agit dans la plupart des cas d'impressions de peau dans le sédiment mais il existe des cas exceptionnels de peaux fossilisées dont la structure moléculaire a été préservée, comme les momies de dinosaures dont la plupart sont des hadrosaures.
106
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107
+ La très grande majorité des paléontologues s'accorde à présent à dire que les dinosaures, et plus exactement les théropodes, furent les ancêtres directs des oiseaux, et les preuves de plumes chez certains théropodes non-aviens ont grandement conforté cette théorie. En effet, l'évolution de la plume se suit très bien tout au long du clade des dinosaures, depuis les dinosaures relativement basaux portant un duvet pileux, jusqu'aux théropodes dérivés déployant de véritables rémiges. La présence de poils est avérée chez aux moins deux ornithischiens, l'Heterodontosauridae Tianyulong[105] et le Psittacosauridae Psittacosaurus[106], et un certain nombre de théropodes dont le Megalosauridae Sciurumimus[107], le Tyrannosauroidea Dilong[108], les Compsognathidae Sinosauropteryx[109] et Juravenator[110], et l'Alvarezsauridae Shuvuuia[111]. Ces poils de structures très simples se différencient déjà des téguments filamenteux plus larges et plus longs du Therizinosauroidea Beipiaosaurus[112],[113]. L'Oviraptoridae Caudipteryx[114] et le Dromaeosauridae Sinornithosaurus[115],[116],[117] portent quant à eux des proto-plumes, des structures tégumentaires branchues comprenant une tige centrale à laquelle se joignent des filaments latéraux. Finalement, plusieurs coelurosaures dérivés dont les Oviraptoridae Caudipteryx[114],[118] et Similicaudipteryx[119], les Dromaeosauridae Microraptor[120] et les Troodontidae Anchiornis[121] furent couverts de plumes de type pennes tout à fait homologues à celles de nos oiseaux actuels. Des plumes asymétriques, caractéristiques des oiseaux modernes pouvant voler, ont été découvertes chez Jianianhualong, cette découverte n'impliquant toutefois pas nécessairement la capacité de ce troodontidé au vol[122]. Bien qu'aucun fossile de Velociraptor n'ait conservé des empreintes de plumes, les os des membres antérieurs, et plus spécifiquement l'ulna, montrent de petites protubérances alignées de manière régulière le long de l'os et interprétées comme étant le lieu de fixation de plumes modernes (formée de rachis, vannes et barbules)[123]. Des structures similaires ont également été découvertes le long de l'ulna du Carcharodontosauridae Concavenator, un théropode beaucoup plus primitif que les maniraptoriformes à plumes, démontrant, s'il ne s'agit pas là de lieux d'attachement des muscles[24], la présence de rémiges le long des bras déjà chez ces théropodes relativement primitifs[124]. En 2016 un article publié dans Current Biology annonce la découverte en Birmanie un bloc d'ambre daté de 99 millions d'années contenant un fragment de queue attribué à un coelurosauria et où apparaissent clairement des plumes[125].
108
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109
+ Bien que la plupart des dinosaures semble avoir porté uniquement des écailles, il n'est pas impossible que ceux-ci aient perdu la pilosité de leur ancêtres. En effet, les dinosaures à poils les plus primitifs appartiennent au groupe des Heterodontosauridae[105], des ornithischiens primitifs de petite taille, néanmoins la présence de poils est également avérée chez certains ptérosaures comme Sordes, des reptiles volants proches parents des dinosaures. Il n'est pas encore certain que les structures filamenteuses des ptérosaures et des dinosaures soient homologues mais si cela devait être le cas, cela signifierait que les ancêtres communs des ptérosaures et des dinosaures portaient des poils, et donc que les dinosaures les plus basaux furent déjà à fourrure[105],[24].
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+ La découverte des dinosaures à plumes en Chine à la fin du siècle dernier et de ce siècle-ci a révolutionné nos connaissances des dinosaures et de l'évolution de leur descendants actuels les oiseaux. Mais leur découverte a permis d'amorcer une tout autre révolution dans le domaine de la paléontologie des dinosaures, celle de leurs couleurs. Depuis leur naissance au milieu XIXe siècle jusqu'au début du XXIe siècle, il était impossible de fournir des informations concrètes sur la couleur des dinosaures. En effet, les pigments de couleur ne se préservent pas à l'état fossile, et l'entièreté des fossiles de peau, de poils et de plumes des dinosaures ont perdu leur coloration à jamais[126]. Néanmoins, grâce à un examen minutieux des poils et des plumes extrêmement bien préservés des dinosaures du Liaoning à l'aide d'un microscope électronique à balayage (SEM), les paléontologues ont découvert dans les années 2010 la présence de mélanosomes fossilisés, ces organites de cellules pigmentées comprenant la mélanine et responsables, entre autres, des couleurs arborées par les poils et les plumes[127],[128]. La découverte de ces mélanosomes a permis avant tout de démontrer la nature épidermique des plumes des dinosaures[127], qui furent vues par quelques rares paléontologues comme des fibres de collagènes[129],[130],[131].
112
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+ La combinaison de forme, taille, densité et distribution des mélanosomes a également permis de reconstituer les motifs de couleurs déployés par les plumes. Les mélanosomes qui produisent des couleurs noires et grises sont ainsi longs et étroits alors que ceux donnant des couleurs brun-rouge et marron sont courts et larges[128]. Cette technique a jusqu'ici été appliquée à trois dinosaures, au Compsognathidae Sinosauropteryx, au Troodontidae Anchiornis et au Dromaeosauridae Microraptor. Les résultats de cette technique ont ainsi révélé, pour Sinosauropteryx, un pelage de la queue fait d'une alternance de bandes de couleurs claires et foncées, ces dernières déployant des tons plutôt brun-rouge[127]. Chez Anchiornis, le plumage qui couvrait le corps et le cou était généralement grisé. Les ailes des membres antérieurs portaient des bandes de couleurs blanches et noires, alors que les ailes des membres postérieurs étaient blanches à leur base et noires à leur extrémité. Enfin, le plumage de la tête fut généralement grisé et tacheté de couleurs brun-rouge, tout comme les plumes de la crête qui semblent avoir été colorées plus largement de brun-rouge[128]. Quant à Microraptor, la présence de mélanosomes de forme allongée et étroite au niveau des plumes a permis de révéler un plumage de couleur noire majoritairement iridescent[132].
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+ Puisque la couleur des dinosaures fut totalement inconnue jusqu'il y a peu, et reste encore ignorée pour un grand nombre de dinosaures, les artistes de la première moitié du XXe siècle dépeignaient les dinosaures dans des tons de brun, vert et gris, basant leur interprétation sur les animaux actuels comme les reptiles (crocodiles, dragons de Komodo, etc.) et les gros mammifères (éléphants, hippopotames, etc.). La palette des artistes actuels s'est néanmoins fortement élargie. Les dinosaures sont de nos jours représentés avec des couleurs vives, portant un large éventail de couleurs comme beaucoup d'oiseaux, de reptiles et de mammifères actuels, reflétant ainsi leur activité sociale complexe, une idée qui a émergé dans les années 1960[126].
116
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+ Si les dinosaures fascinent une grande partie du public, c'est surtout en raison de la taille gigantesque que certains d'entre eux ont atteinte. Une majorité de personnes voient d'ailleurs les dinosaures comme des animaux uniformément grands et imposants, oubliant souvent que beaucoup d'entre eux furent aussi très petits comme le montrent beaucoup de dinosaures à plumes d'une trentaine de centimètres de longueur seulement[133],[134]. Néanmoins, les dinosaures furent les géants de leur époque, surpassant en taille tout autre animal contemporain. Ils restent de nos jours les animaux terrestres les plus grands et les plus lourds à avoir foulé notre planète, tant au niveau des herbivores, dont les sauropodes ont les records de poids et de taille[135],[136], que des carnivores, dont les plus grands dépassaient les 12 mètres de longueur[137].
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+ La taille des dinosaures a fluctué durant le Trias, le Jurassique et le Crétacé[138]; néanmoins les dinosaures ont, dès leur apparition, augmenté de taille tout au long du Mésozoïque[139], et atteint une taille particulièrement grande dès la fin du Trias, en témoigne le prosauropode Plateosaurus dont la taille fut estimée à 8 à 10 mètres pour un poids oscillant entre 600 à 900 kilogrammes[140]. Cette augmentation de taille s'observe chez tous les groupes de dinosaures mis à part les sauropodes Macronaria et les théropodes coelurosaures[139]. Ces derniers ont donné naissance aux oiseaux qui furent particulièrement petits au début de leur histoire évolutive. La réduction de taille est ainsi une tendance évolutive rare chez les dinosaures[141]. La distribution de taille des dinosaures est également unique parmi les vertébrés, la courbe de taille des dinosaures étant positionnée au niveau d'animaux de grande taille au contraire des poissons, reptiles, mammifères et oiseaux actuels, démontrant ainsi une stratégie évolutive différente entre dinosaures et vertébrés actuels[142]. Ceci s'observe également entre les dinosaures herbivores (sauropodomorphes et ornithopodes) et les carnivores (théropodes), ces derniers ayant autant d'individus de petite, moyenne et grande taille alors que les dinosaures herbivores comptent surtout des animaux de grande taille. Cette divergence s'explique par le fait que les dinosaures herbivores ont très vite augmenté leur taille afin d'échapper aux prédateurs et de maximiser leur efficacité digestive, au contraire des carnivores qui avaient des ressources en nourriture suffisantes parmi les dinosaures juvéniles et d'autres proies de petites tailles[142].
120
+
121
+ En 1990, avant la découverte d'un grand nombre de très petits dinosaures à plumes, une étude portant sur 63 genres de dinosaures évalua le poids moyen d'un dinosaure à 850 kg, un poids comparable à celui d'un grizzly, et un poids médian (qui devait osciller entre 9 kg et 5 tonnes) de près de deux tonnes, alors que le poids moyen des mammifères est de 863 grammes, soit celui d'un gros rongeur[143].
122
+
123
+ Les paléontologues ont de tous temps essayé d'estimer la taille et le poids des dinosaures, particulièrement des plus grands comme Brachiosaurus et des plus féroces tel Tyrannosaurus. La première méthode quantitative sérieuse fut proposée par Gregory en 1905 afin d'évaluer le poids d'Apatosaurus (alors nommé Brontosaurus)[144]. Sur base d'un modèle rigoureux de l'animal en argile et en plastique sculpté à la main, il put extrapoler le volume de l'animal en l'immergeant dans un liquide et en mesurant le volume de liquide déplacé, puis en le multipliant par la densité présumée du dinosaure (à savoir celle de l'eau) et par le facteur d'échelle du modèle. Cette technique fut suivie par d'autres auteurs jusque dans les années 1980 avant l'avènement de techniques informatiques plus robustes. Colbert, en 1962, estima ainsi le poids de Tyrannosaurus à 7 tonnes, 8,5 tonnes pour Triceratops, 28 tonnes pour Apatosaurus et 78 tonnes pour Brachiosaurus[145].
124
+
125
+ Seule une petite fraction des animaux morts se fossilisent et seuls quelques spécimens découverts sont des fossiles complets ; les impressions de peaux et de tissus mous sont rares.
126
+
127
+ La reconstruction d'un squelette d'une espèce en comparant la taille et la morphologie des os avec ceux d'une autre espèce similaire mieux connue est un art inexact ; faire la recomposition des muscles et des autres organes d'un spécimen est scientifiquement difficile. On ne sera donc jamais vraiment certain de la taille des plus grands et plus petits dinosaures.
128
+
129
+ Parmi les dinosaures, les sauropodes étaient gigantesques, les plus grands étaient d'un ordre de grandeur plus massif que tous les animaux ayant marché depuis sur la Terre. Des mammifères préhistoriques comme l'Indricotherium et le mammouth colombien étaient des nains comparés aux sauropodes. Seule une poignée d'animaux aquatiques contemporains les approchent ou les surpassent en taille, telle la baleine bleue, qui pèse 180 tonnes et atteint 31 mètres de long au maximum.
130
+
131
+ Le plus grand et plus lourd dinosaure connu à partir de squelettes complets ou presque est le Giraffatitan (autrefois connu sous le nom de Brachiosaurus brancai)[146]. Il mesurait 12 m de haut, 22,5 m de long, et aurait pesé entre 30 et 60 tonnes (pour mémoire un éléphant de savane d'Afrique, le plus grand animal terrestre du monde, pèse en moyenne 7,7 tonnes). Le plus long dinosaure issu d'un fossile complet est le Diplodocus qui faisait 27 m (Pittsburgh, musée Carnegie d'histoire naturelle, 1907).
132
+
133
+ Il y avait de plus grands dinosaures mais les données connues sont estimées sur quelques fossiles fragmentaires. La plupart sont des herbivores découverts dans les années 1970 ou après, parmi lesquels l'énorme Argentinosaurus, qui pourrait avoir pesé entre 80 et 100 tonnes ; le plus long de tous, le Supersaurus de 40 mètres ; et le plus grand, le Sauroposeidon de 18 mètres, qui aurait pu atteindre une fenêtre au 6e étage.
134
+
135
+ Un dinosaure encore plus grand, le Amphicoelias fragillimus, connu seulement de quelques vertèbres découvertes en 1878, pourrait avoir atteint 58 mètres de long et un poids de 120 tonnes[147]. Le plus lourd aurait pu être le peu connu et encore débattu Bruhathkayosaurus, qui pourrait avoir atteint de 175 à 220 tonnes. On admet actuellement que Bruhathkayosaurus matleyi ne devait pas dépasser 139 tonnes, pour environ 34 mètres de long.
136
+
137
+ Le plus grand carnivore était le Spinosaurus, qui atteignait une taille de 16 à 18 mètres et pesait 9 tonnes[148]. D'autres grands carnivores incluaient les Giganotosaurus, Mapusaurus, Tyrannosaurus rex et Carcharodontosaurus.
138
+
139
+ Sans inclure les oiseaux contemporains comme les oiseaux-mouches, les plus petits dinosaures avaient la taille d'un corbeau ou d'un poulet. Les théropodes Microraptor et Parvicursor faisaient moins de 60 cm de long.
140
+
141
+ L'interprétation du comportement des dinosaures non-aviens est généralement établie sur la disposition des fossiles découverts, leur habitat, les simulations par ordinateur de leurs biomécaniques (basées sur les pistes fossiles et sur des comparaisons avec des animaux actuels situés dans la même niche écologique, ainsi que l'étude des représentants actuels des dinosaures : les oiseaux). On a aussi insufflé de l'air dans les moulages de crânes de certains hadrosaures à crête pour entendre les sons que cette expérience produisit (sans que cela donne la moindre indication sur leurs rythmes et modulations). Comme telle, la compréhension actuelle du comportement des dinosaures fossiles repose donc en grande partie, comme leurs coloris, sur des spéculations, dont certaines resteront probablement controversées pendant encore longtemps. Cependant, il y a un consensus sur le fait que certaines caractéristiques qui sont communes chez les oiseaux et les crocodiles (le groupe le plus proche des dinosaures), telle que la nidification, aient été courantes chez l'ensemble des dinosaures disparus (et ce d'autant plus que des nids fossiles ont été découverts en nombre : voir plus bas).
142
+
143
+ La première preuve de l'existence de troupeaux de dinosaures fut découverte en 1878 en Belgique à Bernissart. 31 Iguanodons semblaient avoir péri ensemble après être tombés dans une doline profonde et inondée[149] ; au vu des dernières analyses, ces squelettes semblent s'être déposés lors de trois événements distincts[150].
144
+
145
+ D'autres sites de morts massives furent découverts. Ceux-ci, avec de nombreuses traces fossiles suggérèrent que les troupeaux ou les hordes étaient communes dans beaucoup d'espèces. Les pistes de centaines, voire de milliers d'herbivores, indiquent que les dinosaures à bec de canard pouvaient se déplacer en grands troupeaux, tel le bison ou le springbok. Des traces de sauropodes permirent de voir que ces animaux voyageaient en groupes composés de plusieurs espèces différentes[151], et d'autres gardaient les jeunes au milieu du troupeau afin de les protéger, d'après les traces au Davenport Ranch au Texas.
146
+
147
+ La découverte en 1978 par Jack Horner du nid du Maiasaura (« dinosaure bonne mère ») au Montana démontra que les soins parentaux duraient bien après l'éclosion chez les ornithopodes[152]. Il y a aussi des preuves que d'autres dinosaures du Crétacé comme le sauropode Saltasaurus (découvert en 1997 en Patagonie) avaient des comportements similaires, et que ces animaux se regroupaient en immenses colonies nidificatrices comme celles des manchots. Ce comportement de nidification groupée et de protection des œufs est confirmé en 2019, avec la découverte en Mongolie de 15 nids (et plus de 50 œufs, dont environ 60 % d'œufs éclos) vieux d'environ 80 Ma et clairement issus de la même saison de nidification[153],[154].
148
+
149
+ L'Oviraptor de Mongolie a été découvert (1993) dans une position de couvaison comme celle de la poule, ce qui signifie qu'il était recouvert d'une couche de plumes isolantes qui gardait l'œuf au chaud[155]. Des pistes fossiles ont aussi confirmé le comportement maternel parmi les sauropodes et les ornithopodes de l'île de Skye[156]. Des nids et des œufs fossilisés ont été trouvés pour la plupart des principaux groupes de dinosaures, et il apparaît probable que les dinosaures non aviens communiquaient avec leurs petits d'une manière similaire aux dinosaures actuels (oiseaux) et aux crocodiles.
150
+
151
+ Certains dinosaures installaient leurs nids sur des sites hydrothermaux, ce qui permettait aux œufs de bénéficier d'une température idéale et régulière[157].
152
+
153
+ Une étude de 2017 basée sur les lignes de croissance incrémentielle de dents fossiles de certains dinosaures ornithischiens (Protoceratops andrewsi et Hypacrosaurus stebingeri) a conclu que l'incubation des œufs était longue (3 à 6 mois avant l'éclosion), au moins chez plusieurs espèces[158]. Ce long délai pourrait avoir contribué à la disparition des dinosaures non aviens face aux oiseaux et mammifères après l'évènement du Crétacé-Paléogène, la question restant de savoir si les théropodes avaient la même physiologie, notamment ceux proches des oiseaux tel Velociraptor[159].
154
+
155
+ Les crêtes de certains dinosaures, comme les marginocéphales, les théropodes et les hadrosauridae, pourraient avoir été trop fragiles pour une défense active et donc auraient probablement été utilisées pour les parades sexuelles ou à des fins d'intimidation, bien qu'il existe peu d'éléments sur le territorialisme et l'accouplement des dinosaures.
156
+
157
+ La nature des communications entre dinosaures reste également énigmatique, mais des découvertes récentes suggèrent que la crête creuse des lambeosaurines pourrait avoir fonctionné comme une caisse de résonance utilisée pour une grande variété de vocalisations.
158
+
159
+ La morphologie et la dentition des dinosaures permettent de distinguer les herbivores des carnivores (ces derniers, munis de dents comprimées en forme de lame, pouvaient être charognards, chasseurs, piscivores ou insectivores) et des omnivores[160]. Les gisements de fossiles montrent souvent une surabondance des carnivores.
160
+
161
+ Les coprolithes permettent de préciser le régime alimentaire, de même que l'analyse isotopique (42Ca/44Ca et 13C/12C) des dents, qui peut indiquer quels types de plantes étaient consommés[161]. Par exemple, vers 120 et 100 Ma BP en Afrique du Nord, les abélisauridés et les carcharodontosauridés (des théropodes) chassaient préférentiellement des proies terrestres (dont des dinosaures herbivores), alors que les spinosaures étaient piscivores (tandis que les crocodiles géants comme Sarcosuchus — qui n'étaient pas des dinosaures — avaient un régime mixte)[162],[163]. Certains dinosaures herbivores comme Argentinosaurus ingurgitaient avec la végétation des cailloux, gastrolithes qu'ils gardaient dans leur estomac pour faciliter la digestion[164].
162
+
163
+ D'un point de vue comportemental, l'un des fossiles les plus importants de dinosaure a été découvert dans le désert de Gobi en 1971. Il incluait un Velociraptor attaquant un Protoceratops[165], prouvant physiquement que les dinosaures s'attaquaient et se mangeaient entre eux.
164
+
165
+ Bien que le cannibalisme parmi les théropodes ne constitue nullement une surprise[166], il a été confirmé par des traces de dents sur un fossile de Majungasaurus à Madagascar en 2003[167].
166
+
167
+ Basé sur les preuves fossiles existantes, il n'y avait aucune espèce de dinosaure fouisseur et peu de dinosaures grimpeurs. Puisque l'expansion des mammifères au cénozoïque vit l'apparition de nombreuses espèces fouisseuses et grimpantes, le manque de preuves pour des espèces de dinosaures similaires est quelque peu surprenant.
168
+
169
+ Une bonne compréhension de la façon dont les dinosaures se déplaçaient est la clef des modèles de comportements des espèces. La biomécanique en particulier a fourni de nombreux éléments comme la détermination de la vitesse de course des dinosaures d'après l'étude des forces exercées par leurs muscles et la gravité sur la structure de leur squelette[168],[169], savoir si les diplodocides pouvaient créer un bang supersonique en balayant l'air avec leur queue en forme de fouet[170], déterminer si les théropodes géants devaient ralentir quand ils poursuivaient leurs proies pour éviter des blessures mortelles[171], et si les sauropodes pouvaient flotter[172].
170
+
171
+ La théorie scientifique qui prévalait jusqu'ici est que les dinosaures avaient des modes de vie diurnes, alors que les premiers mammifères apparus étaient crépusculaires ou nocturnes[173],[174].
172
+
173
+ Une étude paléontologique en 2011 de la structure oculaire (longueur de l’orbite et diamètre de l’anneau scléreux) sur 33 espèces d'archosauriens, comparée à celle de 164 espèces actuelles (dont des reptiles, des oiseaux et des mammifères), montre que les dinosaures carnivores étaient partiellement nocturnes, les dinosaures volants et ptérosaures principalement diurnes et les dinosaures herbivores surtout cathéméraux (actifs de jour comme de nuit)[175].
174
+
175
+ Une étude française sur la composition isotopique en oxygène des dents et os de 80 dinosaures du Crétacé (théropodes, sauropodes, ornithopodes et cératopsiens[176]) provenant de gisements d'Amérique du Nord, d'Europe, d'Afrique et d'Asie, a montré que ceux-ci devaient être homéothermes. Le rapport 18O/16O — qui dépend de la température interne de l'animal vivant — est identique à celui des mammifères et oiseaux, homéothermes, et diffère nettement de celui des reptiles actuels, ectothermes, et des chéloniens et crocodiliens fossiles du Crétacé.
176
+
177
+ La présence de structures de Havers (micro-canaux entourés d'une couche d'os concentrique au sein des squelettes) dans les os fossilisés serait également un élément en faveur du caractère endotherme[177].
178
+
179
+ En 2006, une étude a estimé que la température était proportionnelle à la masse et au taux de croissance, allant de 25 °C pour les petits dinosaures jusqu’à 41 °C pour les plus grands[178]. Un modèle numérique, permettant d'estimer la température corporelle en fonction de la taille et du rythme de croissance, a été appliqué à huit espèces, du psittacosaure (Psittacosaurus mongoliensis, 12 kg) à l'apatosaure (Apatosaurus excelsus, 26 000 kg). D'après cette étude, la température interne de Sauroposeidon proteles, le plus lourd des dinosaures connus (60 tonnes), devait atteindre 48 °C. Ce modèle tendant à prouver que les gros dinosaures étaient chauffés par « homéothermie inertielle », a été remis en cause par R. Eagle et ses collègues. Ces derniers ont en effet estimé la température corporelle de grands sauropodes du Jurassique, tels Camarasaurus et Brachiosaurus, entre 36 et 38 °C, équivalente à celles de mammifères actuels[179].
180
+
181
+ Cependant, en 2014 une nouvelle étude comparative sur plus de 400 espèces éteintes et vivantes conclut que les dinosaures devaient avoir le sang tiède, dit mésotherme[180]. Une étude en 2015 basée sur la température interne corrélée à la composition chimique des œufs fossilisés estime la température des sauropodes à environ 38 °C contre 32 °C pour celle des oviraptoridés[181].
182
+
183
+ Parmi les amniotes (eux-mêmes issus des reptiliomorphes), les dinosaures sont apparus au sein du super-ordre des archosauriens, un groupe de petits diapsides de la fin du Permien et surtout du début du Trias, qualifiés de reptiles.
184
+
185
+ L'extinction radicale de la fin du Permien — l'extinction Permien-Trias, il y a environ 251 millions d'années, a balayé de 80 à 96 % des espèces marines, et 70 % des familles de vertébrés terrestres de l'époque[182],[183], permettant à des groupes d'animaux ou de plantes de prendre leur essor par radiations évolutives, notamment les amniotes, parmi lesquels on trouve les reptiles, les ancêtres des dinosaures, et ceux des mammifères anciens et actuels. De nombreux évènements géologiques sont contemporains de cette crise.
186
+
187
+ Les petits diapsides, c'est-à-dire dont le crâne a deux paires de fosses en arrière des orbites, possèdent des os pré-dentaires à l'avant de la mandibule et des membres transversaux ou semi-dressés. Ils partent à la conquête des écosystèmes et ils divergent en trois grandes familles :
188
+
189
+ L'analyse de la structure du bassin, comportant trois os pairs, ilion, pubis, ischion permet de retrouver ces différences. Ainsi le paléontologue Harry Govier Seeley a fondé dès 1887[184],[185] la distinction capitale entre :
190
+
191
+ Cladogramme de la branche Avemetatarsalia d'après Nesbitt (2011) et Nesbitt et al. (2017) :
192
+
193
+ (la lignée des crocodiliens)
194
+
195
+ †Aphanosauria
196
+
197
+ †Scleromochlus ?
198
+
199
+ †Pterosauria
200
+
201
+ †Lagerpetidae
202
+
203
+ †Marasuchus
204
+
205
+ †Silesauridae
206
+
207
+ Dinosauria (dont les oiseaux)
208
+
209
+ Les premiers dinosaures sont apparus au début du Trias il y a environ 245 millions d'années, ou selon les plus récentes découvertes, il y a 250 millions d'années[186] ; ils étaient peu nombreux cependant, avant le Trias supérieur il y a environ 232 millions d'années, moment où débute l'expansion qui leur confèrera une domination écologique[187].
210
+
211
+ Les traces de pas fossiles les plus anciennes, et attribuées à des dinosaures, datent de 248 millions d'années environ et concernent « de petits reptiles quadrupèdes, de la taille d’un chat, [qui] ont laissé leurs empreintes dans l’argile il y a environ 250 millions d’années […]. Ces pas ont été découverts dans le sud-ouest [de la] Pologne, dans les Monts Sainte-Croix. […] Les empreintes […] ont été laissées il y a 248 millions d‘années par des reptiles du genre Prorotodactylus, quadrupèdes dotés de pattes à cinq doigts, dont les trois doigts centraux sont les plus fortement imprimés dans le sol. Proches les unes des autres, ces traces se distinguent de celles d’autres reptiles du groupe des crocodiles et des lézards[188] ».
212
+
213
+ Des « traces […] plus récentes découvertes par l’équipe de Grzegorz Niedzwiedzki de l’université de Varsovie datent de 246 millions d’années. Plus grosses – une quinzaine de centimètres – elles auraient été laissées par des dinosaures du genre Sphingopus, bipèdes[188] ».
214
+
215
+ Ces traces font probablement remonter la toute première espèce de dinosaures encore indifférenciée entre ornithischiens et saurischiens quelques millions d'années plus tôt, soit dès la fin du permien.
216
+
217
+ Le plus ancien dinosaure connu par des fossiles est Nyasasaurus âgé de 243 millions d'années, découvert en Tanzanie[189]. Ensuite viennent de fossiles de carnivores âgés de 225 à 230 millions d'années, Eoraptor et Herrerasaurus, découverts dans la Formation d'Ischigualasto en Argentine[17],[190]. Tous deux montrent déjà une certaine spécialisation, puisque ce sont des saurischiens, datant d'après la divergence entre les dinosaures ornithischiens et saurischiens. Notons que tous les dinosaures ont une denture homodonte comme les autres reptiles. Herrerasaurus est non seulement un saurischien, mais peut-être même un théropode déjà affirmé[191].
218
+
219
+ Les dinosaures ont commencé à connaître une diversification rapide dès le Carnien (Trias supérieur), il y a environ 232 millions d'années, et sont sortis triomphants écologiquement du Trias supérieur, après avoir supplanté les rhynchosaures en tant qu'herbivores, et les archosaures basaux en tant que carnivores[187]. Plusieurs causes ont été avancées pour expliquer cette explosion radiative. Selon une première opinion, les dinosaures étaient plus compétitifs que d'autres espèces, du fait de leur posture droite, de leur habileté prédatrice et de leur sang chaud[187]. Selon un autre modèle explicatif, dit "opportuniste", les dinosaures auraient bénéficié d'un changement floral majeur, au cours duquel les flores de conifères ont remplacé les flores dominées par la fougère dicroidium (en), changement qui aurait entraîné l'extinction des herbivores auparavant dominants[187]. Enfin selon l'explication la plus récente (2018), un changement climatique mondial, associé à l'épisode pluvial du Carnien, avec passage d'un climat sec à un climat humide, et retour au climat sec, dans un intervalle court, a favorisé la diversification rapide des dinosaures[187],[192].
220
+
221
+ La disparition de la plupart des espèces des dinosaures donna naissance à de nombreuses théories, certaines farfelues comme la destruction des dinosaures par des extraterrestres, et d'autres plus probables et scientifiquement testables. Il convient toutefois de noter que l'extinction des dinosaures est un problème sémantique : les dinosaures ne sont pas éteints puisqu'il subsiste des oiseaux.
222
+
223
+ En revanche, il y a bien eu une crise à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années. Bien que cette dernière ait eu un impact moyen sur la biodiversité en général (si on la compare à la crise Permo-Triasique ou même à celle de l'Ordovicien) et qu'elle ait surtout décimé des organismes marins tels les foraminifères et non des organismes terrestres dont l'extinction relative est beaucoup moins élevée, elle est devenue très célèbre en raison de la surmédiatisation relative aux dinosaures.
224
+
225
+ La comparaison du taux d'extinction, taxon par taxon, montre que certains des clades contemporains des dinosaures ont été très affectés (tels les plésiosaures et les ptérosaures) et d'autres beaucoup moins (crocodiliens et chéloniens par exemple). Cette crise a éliminé les dinosaures non-aviens vivant à cette époque.
226
+
227
+ Les causes les plus probables ayant induit la crise K-T sont :
228
+
229
+ Ces trois théories sont basées sur des faits et la crise K-T pourrait être la conséquence de la quasi-simultanéité de ces trois événements. Les avis divergent en ce qui concerne l'importance relative de chacun d'eux.
230
+
231
+ Le premier fossile d'oiseau, l'Archéoptéryx, du Jurassique supérieur, a été découvert en Bavière en 1861. Sa grande ressemblance avec certains petits dinosaures carnivores bipèdes, comme les Compsognathus, a immédiatement fait apparaître la théorie selon laquelle les oiseaux descendraient d'un groupe de dinosaures au sein des Cœlurosauriens.
232
+
233
+ Pendant un siècle, cette théorie est restée très controversée, voire rejetée. En effet, les oiseaux ont des clavicules, alors que les cœlurosauriens n'en avaient pas. Mais l'importance accordée aux clavicules est excessive : les carnivores n'ont pas de clavicules ; ils n'en sont pas moins des mammifères.[C'est-à-dire ?][réf. nécessaire]
234
+
235
+ Depuis les années 1970, cependant, des Cœlurosauriens dotés de clavicules ont été découverts (et même dans des groupes moins dérivés) et la théorie dinosaurienne sur l'origine des oiseaux est redevenue dominante.
236
+
237
+ Dans les années 1990, de nombreux fossiles de dinosaures à plumes ont été découverts, principalement dans la région du Liaoning, en Chine et ont contribué à réactiver cette théorie. Il s'agit dans certains cas d'oiseaux primitifs, et dans d'autres de dinosaures non aviens à plumes ou proto-plumes.
238
+
239
+ L'interprétation qui est faite de ces découvertes est qu'une ou plusieurs espèces de dinosaure cœlurosaurien (voire l'ancêtre des Cœlurosauriens lui-même) a développé le caractère « plume », semble-t-il sans l'utiliser pour le vol, et a donné naissance à des espèces assez nombreuses de dinosaures à plumes. Une de ces espèces de dinosaures à plume aurait, des millions d'années plus tard, donné naissance à l'ancêtre commun à tous les oiseaux.
240
+
241
+ En 2011, au Canada, onze plumes de dinosaures, colorées (du marron au noir) ont été retrouvées dans de l'ambre, datant de 78 à 79 millions d'années (fin crétacé) avec barbes et barbules visibles, semblables à ceux d'oiseaux contemporains, avec des indices d'imperméabilité pouvant laisser penser qu'il s'agissait (dans ce cas) d'animaux semi-aquatiques[196]. Divers indices laissent penser que les plumes de dinosaures étaient souvent colorées[197].
242
+
243
+ Bien que cette théorie faisant des oiseaux un sous-groupe des dinosaures soit très largement dominante, il reste des contestataires, regroupés sous l'acronyme « BAND » : Birds Are Not Dinosaurs[198].
244
+
245
+ De nombreuses lignées qualifiées de reptiliennes vivaient aux mêmes périodes géologiques que les dinosaures, et ont parfois été confondues avec les dinosaures par le cinéma ou la littérature. Les plus connues sont :
246
+
247
+ Aucune de ces lignées n'est scientifiquement classée comme dinosaurienne.
248
+
249
+ Il n'y a pas encore si longtemps[Quand ?], on classait dans les dinosaures : les ichthyosaures, les pliosaures, les plésiosaures (trois groupes de reptiles aquatiques) et les ptérosaures (reptiles volants)[réf. souhaitée] qui, aujourd'hui, sont considérés comme des lignées évolutives indépendantes des dinosaures parmi les reptiles ayant vécu au Mésozoïque. Les dinosaures étaient un groupe d'animaux extrêmement divers ; selon une étude de 2006, 527 genres de dinosaures ont été décrits avec certitude, et plus de 1 844 genres sont encore à classer[199],[200]. Certains d'entre eux étaient herbivores, d'autres carnivores. Certains dinosaures étaient bipèdes, d'autres étaient quadrupèdes et certains, tels Ammosaurus et Iguanodon, pouvaient marcher aussi bien sur deux ou quatre pattes.
250
+
251
+ Les dinosaures sont nommés de façon précise selon leur genre et leur espèce. Souvent, ce nom d'espèce est donné en fonction du nom du lieu de sa découverte comme Iguanodo bernissartensis du nom de la localité de Bernissart, en Belgique, où fut découvert un troupeau de 31 iguanodons, ou bien Saltasaurus, le dinosaure de la rivière Salta en Argentine. Une particularité anatomique peut servir de base pour baptiser une espèce, comme c'est le cas pour le Triceratops, la face à trois cornes. Ou c'est le nom d'un paléontologue connu qui est utilisé, comme pour Othnielia du nom d'Othniel Charles Marsh. Avec l'essor de la paléontologie, les noms d'espèces s'internationalisent. Les racines grecques et latines sont remplacées parfois par des racines chinoises, mongoles ou africaines comme Nqwebasaurus venant du xhosa, une langue d'Afrique du Sud[201].
252
+
253
+ Sur la base du code international de nomenclature zoologique, on peut reconnaitre de 630 à 650 genres de dinosaures, rassemblant plusieurs milliers d'espèces de dinosaures (une trentaine de nouvelles espèces sont décrites tous les ans). Un peu plus de la moitié de ces espèces ne sont représentées que par un seul spécimen (souvent incomplet) et moins de 20 % des espèces sont connues par plus de cinq spécimens. Ce tableau général fournit des liens entre les principaux groupes de dinosaures. On trouvera à droite quelques genres illustrant les ordres et les familles représentés.
254
+
255
+ Famille des Herrerasauridae
256
+
257
+ Sous-ordre des Theropoda
258
+
259
+ Sous-ordre des Sauropodomorpha
260
+
261
+ Famille des Heterodontosauridae
262
+
263
+ Sous-ordre des Thyreophora
264
+
265
+ Neornithischia
266
+
267
+ Neornithischia basaux
268
+
269
+ Sous-ordre des Cerapoda
270
+
271
+ Marginocephalia
272
+
273
+ Infra-ordre des Ornithopoda
274
+
275
+ De très nombreux musées accueillent des squelettes ou des reconstitutions de dinosaures. Voici une liste non exhaustive des musées les plus importants pour quelques pays du globe :
276
+
277
+ Cet article contient une ou plusieurs listes. Ces listes gagneraient à être rédigées sous la forme de paragraphes synthétiques, plus agréables à la lecture, les listes pouvant être aussi introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents items.
278
+
279
+ Sur les autres projets Wikimedia :
280
+
281
+ En cryptozoologie, certains cryptides sont présentés comme des dinosaures survivants, par exemple le Mokele-mbembe ou le Ngoubou, deux cryptides d'Afrique centrale qui seraient respectivement un sauropode et un cératopsien. Cependant, l'immense majorité des paléontologues et des zoologistes réfutent cette hypothèse, notamment parce qu'il n'y a aucune preuve et qu'aucun fossile de dinosaure non avien postérieur à l'extinction K/T n'a été découvert.
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1
+ Dinosauriens • Dinosaures
2
+
3
+ Super-ordre
4
+
5
+ Taxons de rang inférieur
6
+
7
+ Les Dinosauria (du grec ancien δεινός / deinόs « terrible » et σαῦρος / saûros « lézard »[1],[a]), plus communément appelés dinosaures, forment un super-ordre ainsi qu'un clade extrêmement diversifié de sauropsides de la sous-classe des diapsides. Ce sont des archosaures ovipares, ayant en commun une posture érigée et partageant un certain nombre de synapomorphies telles que la présence d'une crête deltopectorale allongée au niveau de l'humérus et un acetabulum perforant le bassin. Présents dès le milieu du Ladinien (dernier étage du Trias moyen), il y a environ 240 Ma, la branche non avienne des dinosaures disparait entièrement lors de l'extinction Crétacé-Paléogène il y a 66 Ma. Les oiseaux, la branche avienne des dinosaures, a émergé de petits dinosaures théropodes du Jurassique supérieur. Ainsi la survie des oiseaux à cette extinction, leur diversification considérable durant le Cénozoïque, en fait le seul groupe vivant actuel de dinosaures.
8
+
9
+ Ce groupe de vertébrés majoritairement terrestres connut un succès évolutif considérable au Mésozoïque, dominant les faunes continentales entre le Trias supérieur et le Crétacé supérieur pendant plus de 170 Ma. Présents sur l'ensemble des continents dès la fin du Trias, ils comprennent des formes très diverses d'animaux terrestres et volants, bipèdes et quadrupèdes, carnivores et herbivores, ayant développé toute une série d'innovations squelettiques et tégumentaires telles que des cornes, des crêtes, des plaques et des plumes. Les dinosaures non-aviens comptent parmi eux les animaux les plus grands et les plus lourds ayant existé sur la terre ferme. Néanmoins, un grand nombre de dinosaures ne dépassait pas la taille d'un être humain et certains d'entre eux étaient plus petits qu'une poule.
10
+
11
+ La classification standard des dinosaures distingue deux grands clades selon la morphologie de leur bassin : les Ornithischia et les Saurischia. Les Ornithischia (ou Ornithischiens) ne comprennent que des dinosaures herbivores que les paléontologues divisent en trois groupes majeurs : les Ornithopoda qui regroupent des dinosaures majoritairement bipèdes dont les fameux dinosaures à « bec de canard » (ou Hadrosauridae), les Marginocephalia qui incluent des dinosaures à collerette et à dôme osseux sur le haut de la tête (respectivement les Ceratopsia et les Pachycephalosauria), et enfin les Thyreophora qui englobent des dinosaures quadrupèdes surmontés d'armures, de piques et de plaques osseuses sur le dos et la queue (les Ankylosauria et les Stegosauria). Les Saurischia (ou Saurischiens) sont divisés en deux clades bien distincts, les Theropoda qui comprennent des dinosaures bipèdes et l'entièreté des dinosaures carnivores et piscivores ainsi que les dinosaures à plumes et les dinosaures volants (les oiseaux dans leur grande majorité), et les Sauropodomorpha, des animaux généralement quadrupèdes et de très grande taille munis d'un long cou, d'une petite tête et d'une longue queue.
12
+
13
+ En 2017, une révision de cette classification est proposée par Matthew Baron et ses collègues, en regroupant d'une part les théropodes et les ornithischiens au sein d'un même clade (les ornithoscélidés[b]) et d'autre part les sauropodomorphes et les herrérasauridés au sein du clade des saurischiens (qui n'inclut donc plus les théropodes)[2],[3],[4].
14
+
15
+ Le terme Dinosauria fut proposé par le paléontologue anglais Richard Owen en avril 1842. Dès le milieu du XIXe siècle et jusqu'à la fin des années 1960, les dinosaures furent considérés par les scientifiques comme des lézards géants, des reptiles à sang froid, patauds et lents, ayant disparu à la fin du Mésozoïque victimes de leur stupidité. Amorcée par le paléontologue américain John Ostrom, en 1969, la « renaissance des dinosaures » se caractérise par un regain d'intérêt pour l'étude des dinosaures, qui furent dès lors reconnus comme des animaux actifs, probablement endothermes même si toutes les études ne sont pas d'accord, et ayant des comportements sociaux complexes, bien distincts de nos reptiles actuels.
16
+
17
+ Les dinosaures suscitèrent dès leur découverte un grand intérêt auprès du public et les reconstitutions de squelettes dévoilées à l'occasion des expositions ont toujours été des attractions majeures dans les musées du monde entier. Les dinosaures sont d'ailleurs devenus partie intégrante de la culture populaire aux XXe et XXIe siècles, figurant dans une pléthore de livres et des films à succès tels que Jurassic Park et L'âge de glace 3. Aujourd'hui, si une « dinomania » touche notamment certains enfants, la curiosité populaire ne s'est jamais démentie et les nouvelles découvertes régulièrement rapportées par les médias entretiennent une certaine fascination pour ces animaux. Le mot « dinosaure » est largement passé dans le langage courant et son usage souvent inconsidéré tend à attribuer faussement ce terme à d'autres animaux disparus comme les ptérosaures, les reptiles marins (mosasaures, plésiosaures, etc.) et les reptiles mammaliens comme Dimetrodon ou Edaphosaurus qui n'étaient pas des dinosaures.
18
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19
+ Le substantif masculin[5],[6],[7] dinosaure est emprunté[5],[6], par l'intermédiaire de l'anglais[5] dinosaur[6], au latin scientifique moderne dinosaurus[5],[6].
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21
+ Le taxon Dinosauria a été introduit et défini par le paléontologue britannique Richard Owen en 1842 afin de regrouper une « tribu ou sous-ordre distinct de Reptiles Sauriens »[8]. Le terme dérive de deux racines grecques δεινός, deinos, signifiant, selon Owen, « effroyablement grand », et σαύρα, sauros, voulant dire « reptile » ou « lézard ». Dès l'apparition du nom, la première racine deinos fut incorrectement traduite par « terrible » ou « effrayant », bien qu'Owen n'utilisât pas cette racine comme un adjectif mais bien sa forme superlative, comme l'eut employée Homère dans l'Iliade, afin de révéler la nature impressionnante de ces animaux[9]. Le paléontologue anglais incluait alors dans ce nouveau groupe de reptiles au moins trois genres, Megalosaurus, Iguanodon et Hylaeosaurus, tous trois caractérisés, entre autres, par un large bassin (sacrum) formé de cinq vertèbres ankylosées, la grande hauteur des épines neurales des vertèbres dorsales et la double articulation des côtes des vertèbres[8]. Trois autres dinosaures préalablement nommés, le sauropode Cetiosaurus, le théropode Poekilopleuron et le sauropodomorphe basal Thecodontosaurus, ne furent cependant pas classés parmi les Dinosauria par Owen qui les considérait alors comme des reptiles indéterminés.
22
+
23
+ Les fossiles de grands animaux mésozoïques sont connus depuis l'aube de l'humanité, mais leurs véritables identifications n'ont émergé qu'après des millénaires d'interprétations mythologiques, et après plusieurs décennies de postulats fantaisistes même au sein d'une géologie et d'une paléontologie scientifiques, mais manquant, aux débuts, d'un nombre suffisant de données.
24
+
25
+ Pour les Chinois c'étaient des os de dragons, pour les Européens des restes des Géants bibliques et d'autres créatures tuées par le Déluge. Georges Cuvier décrit un lézard marin, le mosasaure (contemporain des dinosaures, mais qui n'en était pas un), dès 1808. Les premières espèces identifiées et baptisées sont l’iguanodon, découvert en 1822 par le géologue anglais Gideon Mantell, qui a remarqué des similitudes entre ses fossiles et les os de l’iguane contemporain. Le premier article scientifique sur les dinosaures paraît deux ans plus tard. Il est publié par le révérend William Buckland, professeur de géologie à l'université d’Oxford, et concerne Megalosaurus bucklandii, dont un fossile avait été découvert près d’Oxford. L'étude de ces « grands lézards fossiles » fait l'objet d'un grand intérêt dans les cercles scientifiques européens et américains, et le paléontologue anglais Richard Owen invente le terme « dinosaure » en 1842. Il remarque que les restes précédemment trouvés (Iguanodon, Megalosaurus et Hylaeosaurus) ont de nombreux caractères en commun, et décide de créer un nouveau groupe taxonomique. Avec l'aide du prince Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, mari de la reine Victoria, il crée le musée d'histoire naturelle de Londres, à South Kensington (Natural History Museum), pour exposer la collection nationale de fossiles de dinosaures, ainsi que quelques autres objets d'intérêt botanique et géologique.
26
+
27
+ Vulgarisateur bénéficiant de gros budgets pour faire voir et faire toucher ce qu'il croit être une reconstitution exacte, Richard Owen rend populaire sa dénomination qui atteint un apogée dans les foules curieuses vers 1890. Le naturaliste Thomas Henry Huxley propose ornithoscélidés, littéralement « à la cuisse d'oiseaux ». Hermann de Meyer préfère pachypodes c'est-à-dire « aux pieds épais ». Ces dénominations ne quittent pas le cercle de lecteurs savants. Mais, après 1887, les spécialistes de sciences naturelles lassés du spectacle d'Owen, ordonnent avec rigueur les différentes familles de Saurischiens et d'Ornithischiens[réf. nécessaire].
28
+
29
+ En 1858 le premier fossile de dinosaure américain est découvert, dans des marnières près de la petite ville de Haddonfield, dans le New Jersey (ce n'est pas le premier fossile de dinosaure trouvé en Amérique, mais le premier identifié comme tel). L’animal est nommé Hadrosaurus foulkii, du nom de la ville et de son découvreur : William Parker Foulke. Cette découverte est capitale car il s'agissait du premier squelette presque complet découvert, et Joseph Leidy met en évidence sans doute possible que l'animal était bipède. Jusqu’alors la plupart des scientifiques croyaient que les dinosaures marchaient à quatre pattes comme les lézards.
30
+
31
+ La découverte de l'Hadrosaurus bipède marque le début effervescent d'une chasse aux fossiles de dinosaures aux États-Unis. La lutte acharnée entre Edward Drinker Cope, amateur fortuné de géologie et de paléontologie, natif de Philadelphie et Othniel Charles Marsh, heureux new-yorkais héritier de George Peabody à 21 ans et prospecteur infatigable, est connue sous le nom de « guerre des os » (Bone Wars), ou « ruée vers l'os », expression qui fait référence à la ruée vers l'or au XIXe siècle. Leur querelle irrémédiable après 1870, née d'une rivalité dans la chasse aux dinosaures démultipliée par de nombreuses brouilles dont Como Bluff, gisement mis au jour par deux ouvriers de l'Union Pacific et finalement exploité par O.C. Marsh, dure presque 30 ans, et finit en 1879 quand Cope mourut après avoir dépensé toute sa fortune dans cette quête. Marsh qui lui survécut vingt années sortit vainqueur, mais n'évita la ruine que grâce à l’aide financière inespérée de l’Organisation Géologique des États-Unis (United States Geological Survey). La collection d'Edward Cope, auteur prolifique de plus de 1800 articles scientifiques depuis ses dix-huit ans, ce qui ne l'empêcha pas de placer la tête sur la queue d'un plésiosaure, se trouve aujourd'hui au Musée américain d'histoire naturelle, à New York, celle de Marsh au musée Peabody d'histoire naturelle, à l'université Yale.
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33
+ L'assistant de Cope, Charles Hazelius Sternberg aidé de ses trois fils, reprend le flambeau en entreprenant, au début du siècle suivant, des missions en Alberta, au Kansas, dans le Montana et le Wyoming. Dans ce dernier État, il relève en 1908 la première empreinte de peau momifiée de ce qui s'avère être un Anatosaurus. Une seconde découverte similaire est faite en 1910. Une partie de son équipe rejoint en 1913 Barnum Brown, qui, parfois avec son ami Henry Fairfield Osborn, prospecte depuis 1910 les berges de la Red Deer river entre l'Alberta et le Montana. Les barges des chercheurs, perturbés dans leur repérage au fil de l'eau par d'agaçants moustiques, dérivent avec le courant. Mais la moisson de trouvailles en vaut la peine : squelettes de théropodes, aratopsiens, hadrosaures[réf. nécessaire]...
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35
+ Les chercheurs du IIe Reich annoncent la généralisation de la chasse lointaine et systématique, par leurs succès dans les colonies allemandes d'Afrique occidentale et orientale. Dans l'actuelle Tanzanie, le site de Tendaguru livre des grands sauropodes de la famille des Brachiosauridés et des petits stégosauriens genre Kentrosaurus aux paléontologues allemands. Werner Janensch supervise la collection rapatriée au Musée d'histoire naturelle de Berlin. Edwin Hennig poursuit les investigations en Afrique entre 1908 et 1912.
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+ Si les chasseurs de dinosaures Cope et Marsh sont les véritables héros de la « guerre des os », cette bataille se poursuit de 1870 à 1910 avec plusieurs pays émergents comme les États-Unis et l'Allemagne qui veulent se mesurer aux grandes nations de l'époque, en finançant des expéditions dans le monde entier pour découvrir les dinosaures les plus spectaculaires par leur taille et leur étrangeté<[11].
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+ C'est grâce à une exploration asiatique à la quête de l'origine de l'homme que la Smithsonian Institution, par l'intermédiaire de son musée d'histoire naturelle, le Musée national d'histoire naturelle des États-Unis, cumule les trouvailles décisives dans le désert de Gobi entre 1922 et 1925. La mission du Musée américain d'histoire naturelle, à la suite d'une initiative d'Osborn et de Granger et commandée par Roy Chapman Andrews, découvre des œufs et des nids de Protoceratops andrewsi.
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+ La Chine et ses confins avaient déjà attiré une expédition russe entre 1915 et 1917. Les missions russes, source de prestige, reprennent en 1946 et 1948. Les Chinois rentrent tôt dans la course et lancent leurs propres missions scientifiques après 1933. Après le refroidissement des relations sino-soviétiques, elles se cantonnent à la Mongolie. Les missions russo-mongoles et polono-mongoles se succèdent dans les années 1960 et 1970. Le Gobi est alors l'éden des chasseurs de dinosaures. Plus que les rares revues spécialisées, journaux et radio relatent les péripéties aventureuses.
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+ La Chine investit avec force la spécialité de la paléontologie des vertébrés. Le temps du terrible dragon Kong-Hong reconnu dans les entrailles de la terre et vénéré laisse la place à l'analyse scientifique. Des spécialistes de renom émergent tels C. C. Young alias Yang Zhongjian et le professeur Dong Zhiming qui découvrent plus de cent espèces inconnues en Chine : Sauropode Mamenchisaurus, Hadrosaure Tsintaosaurus, Prosauropode Lufengosaurus, Stegosaure Tuojiangosaurus…
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+ La connaissance de la faune du Mésozoïque s'accroît aussi avec l'expédition franco-norvégienne du Spitzberg en 1968, les paléontologues français y sont avantagés par la connaissance préalable de cette période géologique au Sahara et en Afrique du Nord[réf. nécessaire].
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+ La recherche de fossiles s'est étendue à toute la surface du globe, y compris en Antarctique, où un ankylosaure, Antarctopelta, est découvert en 1986 sur l'île James-Ross, mais dont la description n'intervient que vingt ans après[12]. C'est cependant en 1994 qu'un dinosaure habitant réellement l'Antarctique, Cryolophosaurus ellioti, est décrit dans un journal scientifique[13]. Les zones particulièrement intéressantes sont aujourd'hui l'Amérique du Sud, surtout l'Argentine, et la Chine, dont le sous-sol a révélé de nombreux squelettes très bien conservés.
48
+
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+ Afin de distinguer les dinosaures de leurs plus proches cousins (les dinosauromorphes), les scientifiques cladistes, qui définissent des groupes d'organismes sur base de leurs ancêtres plutôt que sur la possession des caractères anatomiques particuliers, ont défini les dinosaures comme étant les « membres du clade le moins inclusif comprenant Triceratops horridus et Passer domesticus » (le moineau domestique)[15],[16],[17].
50
+
51
+ Cette définition, dite phylogénétique ou cladiste, a besoin d'un contexte phylogénétique et ne peut être comprise qu'en utilisant un cladogramme, ou arbre phylogénétique, un arbre schématique illustrant les liens de parentés entre les êtres vivants et les groupes au sein desquels ils se classent. Ainsi, un animal est un dinosaure s'il se positionne, dans un cladogramme, dans ce groupe d'organismes comprenant à la fois le Triceratops, le moineau, et l'ensemble des descendants de leur ancêtre commun. En d'autres termes, toute espèce descendant de cet ancêtre particulier est par définition un dinosaure. Cet ancêtre peut être positionné dans le cladogramme en trouvant le Triceratops et le moineau (Passer) puis en suivant leurs branches jusqu'à ce qu'elles se rejoignent en un nœud particulier correspondant au nœud du clade des dinosaures.
52
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+ Des variantes de cette définition phylogénétique des dinosaures existent dans la littérature. Fernando Novas fut le premier à donner une définition du taxon Dinosauria, un clade incluant l'ancêtre commun des Herrerasauridae et des Saurischia + Ornithischia, nommant le clade comprenant les Saurischia et Ornithischia Eudinosauria, un taxon qui n'a jamais été repris par la suite[18]. Un an plus tard, Kevin Padian et Cathleen May définirent le clade des Dinosauria comme étant l'ensemble des descendants du plus récent ancêtre commun des oiseaux et de Triceratops[15], la définition actuellement reconnue des dinosaures, reprise parfois de manière légèrement différente par d'autres auteurs comme le célèbre paléontologue américain Paul Sereno (Triceratops, Neornithes, leur plus récent ancêtre commun et l'ensemble de ses descendants)[19], Olshevsky, qui souhaitait faire honneur à l'inventeur des dinosaures Richard Owen (le plus récent ancêtre commun de Megalosaurus et Iguanodon et l'ensemble de ses descendants)[20] et Fraser et ses collègues (Triceratops (représentant les Ornithischia) plus Aves (représentant les Saurischia) et l'ensemble des descendants de leur dernier ancêtre commun)[21].
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+ L'ensemble de ces définitions permet de regrouper des animaux définis comme étant des dinosaures (Dinosauria = Saurischia + Ornithischia) et comprenant les théropodes (dinosaures bipèdes, parfois carnivores, incluant les oiseaux), les sauropodomorphes (dinosaures herbivores majoritairement quadrupèdes munis d'un long cou), les ornithopodes (dinosaures herbivores majoritairement bipèdes comprenant les dinosaures à « bec de canard »), les ankylosauriens (dinosaures herbivores quadrupèdes munis d'armures osseuses sur le dos), les stégosauriens (dinosaures herbivores quadrupèdes portant des plaques osseuses et parfois des épines sur le dos), les cératopsiens (dinosaures herbivores majoritairement quadrupèdes possédant une crête osseuse à l'arrière du crâne et parfois des cornes sur le haut de la tête) et les pachycéphalosauridés (dinosaures herbivores bipèdes au crâne épaissi).
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+ Il y a un consensus presque total chez les paléontologues sur le fait que les oiseaux sont les descendants des dinosaures, et plus précisément des dinosaures théropodes appartenant au clade des Maniraptora[22]. Suivant la définition phylogénétique (aussi appelée cladiste), les oiseaux sont donc des dinosaures et les dinosaures n'ont par conséquent pas disparu. Néanmoins, dans le langage courant, ainsi que pour les systématiciens de l'école évolutionniste[23], le mot « dinosaure » n'inclut pas les oiseaux. Par souci de clarté, cet article utilise ainsi le mot « dinosaure » comme synonyme de « dinosaure non-avien ».
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+ Les premiers scientifiques qui étudièrent les dinosaures ne leur avaient pas donné une telle définition puisque la théorie de l'évolution, impliquant la notion d'ancêtre commun, était vue à leur époque comme une hérésie. Ainsi, suivant la coutume de son époque, Richard Owen définit les dinosaures comme étant des animaux possédant un certain nombre de caractères anatomiques particuliers. Ces derniers sont actuellement nommés synapomorphies, des caractères dérivés, ou nouveautés évolutives, hérités d'un ancêtre commun et unissant l'ensemble des membres d'un clade. Les dinosaures possèdent plusieurs synapomorphies listées ci-dessous. Ces caractères dérivés partagés par l'ensemble des dinosaures permettent, non pas de définir les dinosaures, mais de les identifier, comme un médecin utiliserait une liste de symptômes pour diagnostiquer une maladie particulière[24].
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+ Et selon Nesbitt (2011)[25] :
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+ D'autres caractères ostéologiques ne se retrouvent uniquement que chez les dinosaures, mais puisque leur présence est incertaine chez leurs cousins les plus proches (dinosauromorphes), ils ne peuvent être utilisés avec certitude afin d'identifier un dinosaure d'un autre archosaure.
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+ Plusieurs caractères anatomiques avaient été utilisés par plusieurs auteurs afin d'identifier les dinosaures. Cependant, avec la découverte de dinosaures basaux et de nouveau taxons proches des dinosaures, certains de ces caractères se sont révélés être partagés par des proches cousins des dinosaures, ou absent chez certains dinosaures basaux[17].
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+ Bien que nécessaire, la liste des traits anatomiques énoncée ci-dessus et permettant de différencier un dinosaure d'un autre animal est rébarbative et emploie un grand nombre de termes anatomiques complexes et peu intéressants pour un public non-spécialisé. Ainsi, un animal d'origine archosaurienne ayant vécu au Mésozoïque, ne volant pas et se différenciant des reptiles par une posture « érigée en contrefort » est très souvent, un dinosaure (non-avien).
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+ Puisque les dinosaures sont des archosaures, les mammifères disparus tels le Mammouth ne sont pas des dinosaures, de même que tout animal ayant vécu avant le Trias comme le Dimetrodon, un synapside non-mammalien datant du Permien. Les dinosaures furent des animaux majoritairement terrestres et seuls quelques dinosaures à plumes proches de la lignée avienne comme Microraptor étaient capables de voler et d'occuper ainsi la niche écologique des airs. Par conséquent, les animaux aquatiques ayant vécu à la même époque que les dinosaures, comme les plésiosaures, les ichtyosaures et les mosasaures, n'étaient pas des dinosaures. De la même manière, et bien qu'ayant également vécu uniquement au Mésozoïque également, les ptérosaures, des proches cousins des dinosaures, exclusivement volants et dont l'aile est formée par une voile de peau soutenue par le quatrième doigt de la main qui s'est considérablement allongé, ne sont pas des dinosaures. Puisque les dinosaures possédaient des membres dressés, maintenus sous le corps, les animaux proches des dinosaures à posture semi-dressée ou rampante comme les reptiles, tels les crocodiles ou les lézards, ne sont pas non plus des dinosaures.
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+ La posture dressée n'est pas une exclusivité dinosaurienne au sein de la lignée archosaurienne puisqu'elle est également partagée, en plus des proches cousins des dinosaures les dinosauromophes, par d'autres archosaures contemporains des premiers dinosaures : les Rauisuchia. La posture érigée de ces archosaures est néanmoins différente de celle des dinosaures (et des mammifères) dans la configuration anatomique du bassin. Chez les dinosaures (et les ornithodires d'une manière générale), la stature dressée fut acquise en gardant une position verticale des os du bassin et en tournant la tête du fémur médialement afin qu'elle s'articule dans la cavité de l'acetabulum qui s'ouvre latéralement[28], une posture dite « érigée en contrefort » ('buttress-erect' posture)[29]. Chez les rauisuchiens, la stature érigée, qui est apparue indépendamment de celle des dinosaures[30],[31], s'est développée grâce à une rotation de l'ilion vers une position horizontale, orientant ainsi l'acetabulum presque ventralement[30],[32],[33]. Cette configuration est connue sous le nom de posture « érigée en pilier » ('pillar-erect' posture)[29].
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+ Il est nettement plus difficile de différencier les tout premiers dinosaures de leur proches cousins les dinosauromorphes puisque ces derniers sont également des archosaures bipèdes à posture « érigée en contrefort » ayant vécu à la même époque que les premiers dinosaures. Comme le montre la liste de caractères anatomiques propre aux dinosaures donnée ci-dessus, les dinosaures ne se différencient véritablement de leurs proches cousins que par une posture dressée plus rapide et plus effective, où les muscles du cou et des membres antérieurs et postérieurs furent plus développés et plus puissants, permettant aux premiers dinosaures d'avoir une bipédie effective et un mode de vie très actif.
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+ Seule une posture dressée et des membres antérieurs et postérieurs pourvus de muscles puissants permettent de caractériser l'ensemble des dinosaures, qui furent de taille et de morphologie extrêmement diverses. En effet, les dinosaures, comprennent des animaux bipèdes et quadrupèdes, carnivores et herbivores, avec ou sans dents, à écaille, à poils (des proto-plumes) ou à plumes, aux membres antérieurs très développés ou très courts, des cous démesurément longs ou presque absents, et munis ou non de becs, collerettes, armures osseuses, plaques, cornes, épines, voiles, crêtes et dômes osseux.
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+ Le crâne et la mâchoire des dinosaures sont certainement les parties du squelette dont la forme est la plus variée. En effet, la morphologie de la tête, que ces deux entités anatomiques constituent, est directement liée au régime alimentaire, si bien que les dinosaures qui se nourrissaient de plantes coriaces, de feuilles, de viandes, de poissons ou filtraient les eaux pour se sustenter avaient des crânes et des mâchoires de forme très différente. Ainsi, les dinosaures théropodes qui comprennent des prédateurs puissants comme Tyrannosaurus[34], Acrocanthosaurus[35] et Torvosaurus[36] avaient des crânes massifs et robustes munis de dents tranchantes dentelées, alors que leur proches cousins piscivores les Spinosauridae comme Irritator[37] et Spinosaurus[38] avaient un crâne étroit et allongé portant de dents coniques dépourvues de denticules. Beaucoup de théropodes étaient également exclusivement herbivores[39] et possédaient des têtes à bec édenté comme certains Oviraptoridae tel que Citipati[40] ou des mâchoires à bec munies de petites dents triangulaires comme les Therizinosauroidea tel Erlikosaurus[41],[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Parmi les dinosaures ornithischiens, qui furent exclusivement herbivores, le crâne était également souvent muni de becs osseux comme la plupart des cératopsiens et des hadrosaures dont les mâchoires portaient de véritables batteries dentaires[24]. Néanmoins, la forme du crâne des ornithischiens, en plus d'être liée au régime alimentaire, variait également fortement suivant les attributs de protections ou de parades comme les cornes, les dômes osseux, les crêtes et les collerettes qu'il portait. Ainsi, la tête des cératopsiens comme Styracosaurus[46], Pachyrhinosaurus[47] et Triceratops[48], qui fut munie d'une collerette (courte ou longue) et parfois de cornes nasales, frontales ou encore de cornes à l'extrémité de la collerette, se distinguait fortement de la tête épaisse et étroite des pachycéphalosauridés comme Stegoceras[49] ou Pachycephalosaurus[50] dont le crâne était épaissi et parfois bombé à son sommet. De même, la tête des hadrosaures, souvent pourvue de longues crêtes osseuses à l'extrémité du crâne comme chez Corythosaurus[51] et Parasaurolophus[52], ne pouvait être confondue avec la tête épaisse et courte des ankylosauridés comme Ankylosaurus[53] et Euoplocephalus[54] dont le sommet était protégé de protubérances osseuses et parfois rehaussé de courtes épines[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Malgré cette large variabilité de forme que déploie la tête des dinosaures, le crâne et la mâchoire sont toujours constitués des mêmes os et montrent toujours les mêmes ouvertures. En effet, les dinosaures sont des reptiles diapsides, des animaux dont le crâne est perforé par deux ouvertures crâniennes, ou fenêtres (également appelées fosses), dans la partie postérieure du crâne, la fenêtre temporale inférieure et la fenêtre temporale supérieure. De même, comme la majorité des vertébrés, les dinosaures possèdent une ouverture à l'emplacement de l’œil nommée orbite au milieu duquel se trouve l'anneau sclérotique permettant le support de l’œil, ainsi qu'une ouverture au niveau des narines, la fosse nasale d'où se terminaient les conduits respiratoires jusqu'aux narines. L'entièreté des saurischiens, et certains ornithischiens, montrent enfin une dernière fenêtre, généralement large, au niveau du crâne et située entre l'orbite et la fosse nasale. Cette ouverture, appelée fenêtre antéorbitaire, ce qui signifie "en avant de l'orbite", permettait le passage de plusieurs muscles reliant le toit du crâne aux mâchoires supérieures et inférieures. La mandibule est également pourvue d'une ouverture nommée fenêtre mandibulaire externe, présente chez la plupart des dinosaures[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les os formant le crâne et la mâchoire, en grande majorité double (présents du côté gauche et droit) puisque la tête est symétrique, sont nombreux et leur morphologie est également très diverse au sein des différents groupes de dinosaures. Seuls les plus caractéristiques sont ici exposés. Le prémaxillaire se situe à l'extrémité antérieure du crâne et porte des dents ou un bec corné appelé ramphothèque, ou les deux. Néanmoins, chez les hadrosaures, il existe deux prémaxillaires qui contribuent à la crête osseuse portée par bon nombre d'entre eux. Le maxillaire est également, chez les dinosaures dentés, un os porteur de dents qui constitue la majeure partie de la mâchoire supérieure. Les os formant le toit du crâne sont l'os nasal (délimitant en partie la fosse nasale et formant parfois des crêtes osseuses de toutes sortes), l'os frontal, et l'os pariétal et squamosal qui se trouvent à l'arrière de la tête. Ces deux derniers sont extrêmement développés chez la plupart des cératopsiens puisqu'ils forment la large crête permettant de protéger le cou de ces animaux. La mandibule est majoritairement constituée de l'os dentaire qui est le seul à porter des dents au niveau de la mâchoire inférieure. Chez les dinosaures à bec comme les cératopsiens, les stégosauridés et les hadrosauridés, l'extrémité antérieure de la mâchoire se termine par un os supplémentaire directement relié au dentaire, l'os prédentaire, qui est également renforcé par une ramphothèque chez ces animaux à bec. De la même manière, chez les cératopsiens le prémaxillaire de la mâchoire supérieure est prolongé par un os supplémentaire portant le bec corné et appelé os rostral[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Si le squelette post-crânien (le squelette mis à part la tête) des dinosaures est moins différencié que le crâne et la mandibule, il n'en reste pas moins que sa morphologie est très variable au sein des différents clades de dinosaures. Directement lié à la locomotion et à l'alimentation, le squelette des dinosaures pouvait également déployer toute une série d'innovations squelettiques jouant des rôles de protection, de défense et de parade. Les dinosaures carnivores étaient ainsi exclusivement bipèdes, ce qui leur permettait de se déplacer avec agilité et rapidité pour attraper des proies. Leurs membres postérieurs furent nettement plus développés et robustes que les membres antérieurs, et les doigts de ces animaux se terminaient par des griffes acérées et parfois rétractiles. Au contraire, une majorité de dinosaures herbivores fut quadrupède et beaucoup d'entre eux étaient dotés de protubérances osseuses qui les protégeaient. Si la tête de certains Ceratopsidae déployaient des cornes, le corps des Stegosauridae portait des plaques osseuses triangulaires ou losangiques sur le haut du dos et parfois de longues épines à l'extrémité de la queue et sur les bas côté du ventre[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les ankylosauriens adoptèrent une autre stratégie pour se prémunir des prédateurs. Chez ces animaux quadrupèdes, le corps était recouvert d'un bouclier osseux fait d'une imbrications de nodules, de piques et parfois de larges épines pointant vers les côtés. La queue de ces herbivores se terminait parfois également par une massue osseuse que l'animal était capable de balancer pour repousser les assaillants les plus téméraires. Un autre moyen de se protéger des prédateurs et vers lequel les Sauropodomorpha évoluèrent fut l'accroissement démesuré du corps, où le cou et la queue prirent des longueurs gigantesques. La grande dimension du cou permit à ces dinosaures quadrupèdes d'atteindre la cime des arbres les plus hauts pour se nourrir alors qu'une queue excessivement longue aida à contrebalancer le reste du corps et parfois également à jouer un rôle de fouet supersonique capable de claquer face aux carnassiers qui les attaquaient. Des nodules et épines osseuses se trouvaient également sur le dos de certains sauropodes titanosaures tels qu'Agustinia et Ampelosaurus, de même que certains théropodes carnivores comme Ceratosaurus. La longue queue de certains sauropodes se terminait également par une massue, comme le montre Shunosaurus et Omeisaurus, et parfois même de courtes épines telle la queue de Spinophorosaurus[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Les dinosaures herbivores bipèdes, comme la plupart des Ornithopoda, des Pachycephalosauridae et un grand nombre de théropodes maniraptoriformes, comptèrent surtout sur la robustesse et la vélocité de leurs membres postérieurs pour échapper aux prédateurs, mais certains herbivores comme Iguanodon portèrent également de larges éperons au niveau des pouces afin de poinçonner le cou des prédateurs. Bien que la plupart des théropodes comprenaient trois à quatre doigts à chaque main, quelques-uns d'entre eux comme Tyrannosaurus n'étaient pourvus que de deux doigts développés et un troisième doigt vestigial totalement réduit. Par ailleurs, les membres antérieurs de certains théropodes Alvarezsauridae ne furent terminés que par un doigt unique muni d'une large griffe. Les membres antérieurs des théropodes furent généralement bien développés, parfois même robustes comme chez les Spinosauridae, mais certains d'entre eux au sein de la lignée des Abelisauridae, Tyrannosauridae et Alvarezsauridae montraient des membres antérieurs extrêmement courts, leur réduction au cours du temps témoignant parfois d'une absence d'utilité. Dinosaures herbivores et carnivores pouvaient également déployer une voile osseuse sous-tendue par des épines neurales hypertrophiées sur le haut du dos. C'est le cas des dinosaures ornithopodes Ouranosaurus et Hypacrosaurus ainsi que les dinosaures théropodes Acrocanthosaurus, Concavenator et Spinosaurus[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Une fois encore, cette large variabilité de forme du corps des dinosaures ne dérive que de la transformation d'un certain nombre d'os, et la toute grande majorité des os du squelette des dinosaures fut partagée par l'ensemble d'entre eux et configurée de la même manière. Ainsi, la colonne vertébrale comprend toujours un nombre (parfois variable) de vertèbres cervicales (vertèbres du cou), dorsales (du dos), sacrales (du bassin) et caudales (de la queue). La cage thoracique est protégée par les côtes (cervicales et dorsales) et des os fins et parallèles nommés gastralias au niveau du bas-ventre, et les petits os situés sous les vertèbres caudales et permettant aux muscles de la queue de s'y attacher sont appelés chevrons ou arcs hémaux. Les membres antérieurs incluent un humérus (partie proximale de l'avant-bras), un radius et une ulna (partie distale de l'avant-bras) et enfin les os de la main que sont les carpes, métacarpes et phalanges. De même, les membres postérieurs se divisent en fémur (partie proximale de la jambe), tibia et fibula (partie distale de la jambe) et enfin des os du pied, à savoir les tarses, métatarses et phalanges. Le complexe scapulaire formant l'épaule comprend la scapula et le coracoïde ainsi que deux petits os, le sternum et la clavicule (cette dernière étant fusionnée chez les théropodes pour former un os en forme de 'V' nommé furcula) et le bassin se constitue d'un ilion, d'un ischion et d'un pubis. Les piques, plaques et nodules que portent certains dinosaures sont enfin des ostéodermes, des protubérances osseuses dérivant de l'ossification de certaines parties du derme[42],[43],[24],[44],[45].
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+ Si l'anatomie osseuse des dinosaures est relativement bien connue grâce à la découverte de leurs os fossilisés, il en est tout à fait autrement de leur anatomie interne. En effet, les organes internes que sont par exemple le cerveau, les organes respiratoires et digestifs (poumons, estomacs, intestins, etc.) et les muscles, se dégradent rapidement une fois l'animal mort et seuls des cas exceptionnels de dépôt rapide et de fossilisations permettent à ces parties molles du corps d'être préservées dans la roche.
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95
+ Un des plus beaux exemples est donné par le théropode juvénile Scipionyx dont les organes et tissus mous ont été particulièrement bien conservés[55]. La préservation unique des ligaments, des cartilages et des muscles du corps, des vaisseaux sanguins et de la totalité des organes digestifs chez ce petit coelurosaure a permis la découverte d'éléments cruciaux sur l'anatomie générale des dinosaures, qui semble se rapprocher beaucoup plus de celle des oiseaux que des reptiles contemporains[56].
96
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+ Bien qu'à un degré inférieur de préservation, des restes de viscères et de muscles fossilisés d'autres dinosaures ont été mis au jour : Mirischia[57] préservant des traces d'intestins, Santanaraptor[58] et Pelecanimimus[59] montrant des restes de peau et de muscles, ainsi que plusieurs exemples d'hadrosauridés momifiés comme Brachylophosaurus (nommé «Leonardo»)[60] et Edmontosaurus (nommé «Dakota»)[61] chez lesquels on a retrouvé des restes tégumentaires, ligamentaires et viscéraux.
98
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99
+ La découverte d'un cœur fossilisé de Thescelosaurus, un petit dinosaure appartenant au sous-ordre des ornithopodes, a fait l'objet d'un article dans Science en avril 2000. Après une étude par tomodensitométrie, il semblerait que le cœur de Thescelosaurus était divisé en quatre chambres (deux aortes et deux ventricules)[pas clair], comme celui des mammifères et des oiseaux[62]. Un examen minutieux de ce cœur pétrifié, qui aurait été conservé par saponification et transformation en goethite selon certains[62], a révélé qu'il s'agit-là plus vraisemblablement d'une concrétion rocheuse[63],[64].
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+ La musculature des dinosaures a été particulièrement étudiée ces dernières années et les reconstitutions musculaires se basent moins sur les tissus musculaires préservés, qui restent très rares dans le registre fossile, mais sur les attaches musculaires visibles sur les os et une comparaison minutieuse avec l'anatomie musculaire des proches parents des dinosaures vivants de nos jours, à savoir les oiseaux et les crocodiles. Ainsi, les muscles du crâne et de la mâchoire, qui comprennent les muscles orbito-temporaux [65], palataux [66], temporaux [67] et mandibulaires [68], ont été récemment reconstitués chez Edmontosaurus, Diplodocus et Majungasaurus[69]. Quant aux muscles du cou, une reconstitution de leur anatomie a pu être donnée chez certains théropodes[70],[71],[72], marginocéphales[73] et sauropodes[74]. De la même manière, des données nouvelles sur la musculature des membres antérieurs et postérieurs chez les dinosaures ont été récemment apportées, par exemple chez Tyrannosaurus[75],[76] et les Dromaeosauridae[77], contribuant à développer de manière importante les connaissances sur la locomotion des dinosaures[78],[79],[80].
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+ Du fait de sa complexité, la boîte crânienne (ou neurocrâne) renfermant le cerveau a été pendant longtemps une des régions du squelette des dinosaures les moins connues[42]. Néanmoins, les connaissances relativement faibles de son anatomie aux siècles derniers se sont considérablement améliorées au XXIe siècle avec l'avènement du CT-scan. Cet outil utilisé dans les hôpitaux a permis de scanner avec précision et dans les moindres détails la cavité céphalique des boîtes crâniennes relativement bien conservées de nombreux dinosaures. Des reconstructions en 3 dimensions des hémisphères cérébraux, des bulbes olfactifs et des organes de l'oreille interne ont pu être ainsi faites chez plusieurs dinosaures comme Majungasaurus[81], Tyrannosaurus[82], Alioramus[83], Hypacrosaurus[84], Pachyrhinosaurus[85], Diplodocus[86], Camarasaurus[86] et Nigersaurus[87]. Ces études ont permis de comprendre beaucoup mieux l'anatomie du cerveau des dinosaures, mais également d'avoir une idée de leur intelligence et de leurs facultés sensorielles (ouïe, odorat, vue). L'on sait à présent que la morphologie du cerveau est très variable au sein du groupe des dinosaures et les ornithischiens, les sauropodomorphes et les théropodes basaux possédèrent généralement un cerveau proche des reptiles actuels dans sa configuration anatomique, alors que les théropodes dérivés avaient un cerveau ressemblant beaucoup plus à celui des oiseaux. Le cerveau des dinosaures peut se diviser en deux parties, le bulbe olfactif antérieurement et les hémisphères cérébraux au centre, auxquels s'ajoutent, de part et d'autre du cerveau, les 12 nerfs majeurs du cerveau (notés de I à XII), les veines cérébrales et enfin l'oreille interne, constitué du labyrinthe osseux. L'évolution du cerveau chez les théropodes correspond ainsi a un accroissement important du volume cérébral chez les coelurosaures, de même qu'un alignement du bulbe olfactif, des hémisphères cérébraux (télencéphale) et du rhombencéphale sur un même plan[88],[89]. La découverte exceptionnelle d'un cerveau fossilisé qui aurait appartenu à un iguanodonte a permis de constater que la structure de celui était proche des oiseaux modernes et des crocodiliens. En outre, l'étude associée, publiée en 2016, a permis de suggérer que la boîte crânienne et le cerveau chez ces animaux étaient en contact l'un avec l'autre et non pas séparés par un système sanguin. Cette hypothèse indiquerait une taille plus importante du cerveau que celle qui était considérée jusqu'alors[90],[91].
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+ Les dinosaures furent classés pendant longtemps comme des reptiles couverts d'écailles tels nos crocodiles et lézards actuels. Cette vision a fortement changé de nos jours depuis la découverte de structures osseuses typiques des animaux homéothermes (à sang chaud) chez de nombreux dinosaures, et depuis que la province du Liaoning, en Chine, a livré dans les années 1990 et 2000 un grand nombre de fossiles de dinosaures couverts de poils et de plumes. Si certains dinosaures portaient ce genre de téguments filamenteux, d'autres semblent avoir eu la peau lisse, et d'autres encore avoir été couverts d'écailles ; plusieurs types de phanères ont pu coexister, comme chez les oiseaux actuels. En effet, des traces d'écailles ont été découvertes chez de nombreux groupes de dinosaures[92] comme les hadrosauridés (par exemple, Saurolophus[93], Brachylophosaurus[60], Edmontosaurus[61]), les cératopsidés (p. ex. Centrosaurus[94], Chasmosaurus[95]), les stégosauridés (p. ex., Gigantspinosaurus[96], Hesperosaurus[97]), les ankylosauridés (p. ex. Scelidosaurus[98], Tarchia[99]), les sauropodes[100] (p. ex., Saltasaurus[101], Tehuelchesaurus[102]) et les théropodes (p. ex., Carnotaurus[103], Juravenator[104]). Il s'agit dans la plupart des cas d'impressions de peau dans le sédiment mais il existe des cas exceptionnels de peaux fossilisées dont la structure moléculaire a été préservée, comme les momies de dinosaures dont la plupart sont des hadrosaures.
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+ La très grande majorité des paléontologues s'accorde à présent à dire que les dinosaures, et plus exactement les théropodes, furent les ancêtres directs des oiseaux, et les preuves de plumes chez certains théropodes non-aviens ont grandement conforté cette théorie. En effet, l'évolution de la plume se suit très bien tout au long du clade des dinosaures, depuis les dinosaures relativement basaux portant un duvet pileux, jusqu'aux théropodes dérivés déployant de véritables rémiges. La présence de poils est avérée chez aux moins deux ornithischiens, l'Heterodontosauridae Tianyulong[105] et le Psittacosauridae Psittacosaurus[106], et un certain nombre de théropodes dont le Megalosauridae Sciurumimus[107], le Tyrannosauroidea Dilong[108], les Compsognathidae Sinosauropteryx[109] et Juravenator[110], et l'Alvarezsauridae Shuvuuia[111]. Ces poils de structures très simples se différencient déjà des téguments filamenteux plus larges et plus longs du Therizinosauroidea Beipiaosaurus[112],[113]. L'Oviraptoridae Caudipteryx[114] et le Dromaeosauridae Sinornithosaurus[115],[116],[117] portent quant à eux des proto-plumes, des structures tégumentaires branchues comprenant une tige centrale à laquelle se joignent des filaments latéraux. Finalement, plusieurs coelurosaures dérivés dont les Oviraptoridae Caudipteryx[114],[118] et Similicaudipteryx[119], les Dromaeosauridae Microraptor[120] et les Troodontidae Anchiornis[121] furent couverts de plumes de type pennes tout à fait homologues à celles de nos oiseaux actuels. Des plumes asymétriques, caractéristiques des oiseaux modernes pouvant voler, ont été découvertes chez Jianianhualong, cette découverte n'impliquant toutefois pas nécessairement la capacité de ce troodontidé au vol[122]. Bien qu'aucun fossile de Velociraptor n'ait conservé des empreintes de plumes, les os des membres antérieurs, et plus spécifiquement l'ulna, montrent de petites protubérances alignées de manière régulière le long de l'os et interprétées comme étant le lieu de fixation de plumes modernes (formée de rachis, vannes et barbules)[123]. Des structures similaires ont également été découvertes le long de l'ulna du Carcharodontosauridae Concavenator, un théropode beaucoup plus primitif que les maniraptoriformes à plumes, démontrant, s'il ne s'agit pas là de lieux d'attachement des muscles[24], la présence de rémiges le long des bras déjà chez ces théropodes relativement primitifs[124]. En 2016 un article publié dans Current Biology annonce la découverte en Birmanie un bloc d'ambre daté de 99 millions d'années contenant un fragment de queue attribué à un coelurosauria et où apparaissent clairement des plumes[125].
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+ Bien que la plupart des dinosaures semble avoir porté uniquement des écailles, il n'est pas impossible que ceux-ci aient perdu la pilosité de leur ancêtres. En effet, les dinosaures à poils les plus primitifs appartiennent au groupe des Heterodontosauridae[105], des ornithischiens primitifs de petite taille, néanmoins la présence de poils est également avérée chez certains ptérosaures comme Sordes, des reptiles volants proches parents des dinosaures. Il n'est pas encore certain que les structures filamenteuses des ptérosaures et des dinosaures soient homologues mais si cela devait être le cas, cela signifierait que les ancêtres communs des ptérosaures et des dinosaures portaient des poils, et donc que les dinosaures les plus basaux furent déjà à fourrure[105],[24].
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+ La découverte des dinosaures à plumes en Chine à la fin du siècle dernier et de ce siècle-ci a révolutionné nos connaissances des dinosaures et de l'évolution de leur descendants actuels les oiseaux. Mais leur découverte a permis d'amorcer une tout autre révolution dans le domaine de la paléontologie des dinosaures, celle de leurs couleurs. Depuis leur naissance au milieu XIXe siècle jusqu'au début du XXIe siècle, il était impossible de fournir des informations concrètes sur la couleur des dinosaures. En effet, les pigments de couleur ne se préservent pas à l'état fossile, et l'entièreté des fossiles de peau, de poils et de plumes des dinosaures ont perdu leur coloration à jamais[126]. Néanmoins, grâce à un examen minutieux des poils et des plumes extrêmement bien préservés des dinosaures du Liaoning à l'aide d'un microscope électronique à balayage (SEM), les paléontologues ont découvert dans les années 2010 la présence de mélanosomes fossilisés, ces organites de cellules pigmentées comprenant la mélanine et responsables, entre autres, des couleurs arborées par les poils et les plumes[127],[128]. La découverte de ces mélanosomes a permis avant tout de démontrer la nature épidermique des plumes des dinosaures[127], qui furent vues par quelques rares paléontologues comme des fibres de collagènes[129],[130],[131].
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+
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+ La combinaison de forme, taille, densité et distribution des mélanosomes a également permis de reconstituer les motifs de couleurs déployés par les plumes. Les mélanosomes qui produisent des couleurs noires et grises sont ainsi longs et étroits alors que ceux donnant des couleurs brun-rouge et marron sont courts et larges[128]. Cette technique a jusqu'ici été appliquée à trois dinosaures, au Compsognathidae Sinosauropteryx, au Troodontidae Anchiornis et au Dromaeosauridae Microraptor. Les résultats de cette technique ont ainsi révélé, pour Sinosauropteryx, un pelage de la queue fait d'une alternance de bandes de couleurs claires et foncées, ces dernières déployant des tons plutôt brun-rouge[127]. Chez Anchiornis, le plumage qui couvrait le corps et le cou était généralement grisé. Les ailes des membres antérieurs portaient des bandes de couleurs blanches et noires, alors que les ailes des membres postérieurs étaient blanches à leur base et noires à leur extrémité. Enfin, le plumage de la tête fut généralement grisé et tacheté de couleurs brun-rouge, tout comme les plumes de la crête qui semblent avoir été colorées plus largement de brun-rouge[128]. Quant à Microraptor, la présence de mélanosomes de forme allongée et étroite au niveau des plumes a permis de révéler un plumage de couleur noire majoritairement iridescent[132].
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+ Puisque la couleur des dinosaures fut totalement inconnue jusqu'il y a peu, et reste encore ignorée pour un grand nombre de dinosaures, les artistes de la première moitié du XXe siècle dépeignaient les dinosaures dans des tons de brun, vert et gris, basant leur interprétation sur les animaux actuels comme les reptiles (crocodiles, dragons de Komodo, etc.) et les gros mammifères (éléphants, hippopotames, etc.). La palette des artistes actuels s'est néanmoins fortement élargie. Les dinosaures sont de nos jours représentés avec des couleurs vives, portant un large éventail de couleurs comme beaucoup d'oiseaux, de reptiles et de mammifères actuels, reflétant ainsi leur activité sociale complexe, une idée qui a émergé dans les années 1960[126].
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+ Si les dinosaures fascinent une grande partie du public, c'est surtout en raison de la taille gigantesque que certains d'entre eux ont atteinte. Une majorité de personnes voient d'ailleurs les dinosaures comme des animaux uniformément grands et imposants, oubliant souvent que beaucoup d'entre eux furent aussi très petits comme le montrent beaucoup de dinosaures à plumes d'une trentaine de centimètres de longueur seulement[133],[134]. Néanmoins, les dinosaures furent les géants de leur époque, surpassant en taille tout autre animal contemporain. Ils restent de nos jours les animaux terrestres les plus grands et les plus lourds à avoir foulé notre planète, tant au niveau des herbivores, dont les sauropodes ont les records de poids et de taille[135],[136], que des carnivores, dont les plus grands dépassaient les 12 mètres de longueur[137].
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+ La taille des dinosaures a fluctué durant le Trias, le Jurassique et le Crétacé[138]; néanmoins les dinosaures ont, dès leur apparition, augmenté de taille tout au long du Mésozoïque[139], et atteint une taille particulièrement grande dès la fin du Trias, en témoigne le prosauropode Plateosaurus dont la taille fut estimée à 8 à 10 mètres pour un poids oscillant entre 600 à 900 kilogrammes[140]. Cette augmentation de taille s'observe chez tous les groupes de dinosaures mis à part les sauropodes Macronaria et les théropodes coelurosaures[139]. Ces derniers ont donné naissance aux oiseaux qui furent particulièrement petits au début de leur histoire évolutive. La réduction de taille est ainsi une tendance évolutive rare chez les dinosaures[141]. La distribution de taille des dinosaures est également unique parmi les vertébrés, la courbe de taille des dinosaures étant positionnée au niveau d'animaux de grande taille au contraire des poissons, reptiles, mammifères et oiseaux actuels, démontrant ainsi une stratégie évolutive différente entre dinosaures et vertébrés actuels[142]. Ceci s'observe également entre les dinosaures herbivores (sauropodomorphes et ornithopodes) et les carnivores (théropodes), ces derniers ayant autant d'individus de petite, moyenne et grande taille alors que les dinosaures herbivores comptent surtout des animaux de grande taille. Cette divergence s'explique par le fait que les dinosaures herbivores ont très vite augmenté leur taille afin d'échapper aux prédateurs et de maximiser leur efficacité digestive, au contraire des carnivores qui avaient des ressources en nourriture suffisantes parmi les dinosaures juvéniles et d'autres proies de petites tailles[142].
120
+
121
+ En 1990, avant la découverte d'un grand nombre de très petits dinosaures à plumes, une étude portant sur 63 genres de dinosaures évalua le poids moyen d'un dinosaure à 850 kg, un poids comparable à celui d'un grizzly, et un poids médian (qui devait osciller entre 9 kg et 5 tonnes) de près de deux tonnes, alors que le poids moyen des mammifères est de 863 grammes, soit celui d'un gros rongeur[143].
122
+
123
+ Les paléontologues ont de tous temps essayé d'estimer la taille et le poids des dinosaures, particulièrement des plus grands comme Brachiosaurus et des plus féroces tel Tyrannosaurus. La première méthode quantitative sérieuse fut proposée par Gregory en 1905 afin d'évaluer le poids d'Apatosaurus (alors nommé Brontosaurus)[144]. Sur base d'un modèle rigoureux de l'animal en argile et en plastique sculpté à la main, il put extrapoler le volume de l'animal en l'immergeant dans un liquide et en mesurant le volume de liquide déplacé, puis en le multipliant par la densité présumée du dinosaure (à savoir celle de l'eau) et par le facteur d'échelle du modèle. Cette technique fut suivie par d'autres auteurs jusque dans les années 1980 avant l'avènement de techniques informatiques plus robustes. Colbert, en 1962, estima ainsi le poids de Tyrannosaurus à 7 tonnes, 8,5 tonnes pour Triceratops, 28 tonnes pour Apatosaurus et 78 tonnes pour Brachiosaurus[145].
124
+
125
+ Seule une petite fraction des animaux morts se fossilisent et seuls quelques spécimens découverts sont des fossiles complets ; les impressions de peaux et de tissus mous sont rares.
126
+
127
+ La reconstruction d'un squelette d'une espèce en comparant la taille et la morphologie des os avec ceux d'une autre espèce similaire mieux connue est un art inexact ; faire la recomposition des muscles et des autres organes d'un spécimen est scientifiquement difficile. On ne sera donc jamais vraiment certain de la taille des plus grands et plus petits dinosaures.
128
+
129
+ Parmi les dinosaures, les sauropodes étaient gigantesques, les plus grands étaient d'un ordre de grandeur plus massif que tous les animaux ayant marché depuis sur la Terre. Des mammifères préhistoriques comme l'Indricotherium et le mammouth colombien étaient des nains comparés aux sauropodes. Seule une poignée d'animaux aquatiques contemporains les approchent ou les surpassent en taille, telle la baleine bleue, qui pèse 180 tonnes et atteint 31 mètres de long au maximum.
130
+
131
+ Le plus grand et plus lourd dinosaure connu à partir de squelettes complets ou presque est le Giraffatitan (autrefois connu sous le nom de Brachiosaurus brancai)[146]. Il mesurait 12 m de haut, 22,5 m de long, et aurait pesé entre 30 et 60 tonnes (pour mémoire un éléphant de savane d'Afrique, le plus grand animal terrestre du monde, pèse en moyenne 7,7 tonnes). Le plus long dinosaure issu d'un fossile complet est le Diplodocus qui faisait 27 m (Pittsburgh, musée Carnegie d'histoire naturelle, 1907).
132
+
133
+ Il y avait de plus grands dinosaures mais les données connues sont estimées sur quelques fossiles fragmentaires. La plupart sont des herbivores découverts dans les années 1970 ou après, parmi lesquels l'énorme Argentinosaurus, qui pourrait avoir pesé entre 80 et 100 tonnes ; le plus long de tous, le Supersaurus de 40 mètres ; et le plus grand, le Sauroposeidon de 18 mètres, qui aurait pu atteindre une fenêtre au 6e étage.
134
+
135
+ Un dinosaure encore plus grand, le Amphicoelias fragillimus, connu seulement de quelques vertèbres découvertes en 1878, pourrait avoir atteint 58 mètres de long et un poids de 120 tonnes[147]. Le plus lourd aurait pu être le peu connu et encore débattu Bruhathkayosaurus, qui pourrait avoir atteint de 175 à 220 tonnes. On admet actuellement que Bruhathkayosaurus matleyi ne devait pas dépasser 139 tonnes, pour environ 34 mètres de long.
136
+
137
+ Le plus grand carnivore était le Spinosaurus, qui atteignait une taille de 16 à 18 mètres et pesait 9 tonnes[148]. D'autres grands carnivores incluaient les Giganotosaurus, Mapusaurus, Tyrannosaurus rex et Carcharodontosaurus.
138
+
139
+ Sans inclure les oiseaux contemporains comme les oiseaux-mouches, les plus petits dinosaures avaient la taille d'un corbeau ou d'un poulet. Les théropodes Microraptor et Parvicursor faisaient moins de 60 cm de long.
140
+
141
+ L'interprétation du comportement des dinosaures non-aviens est généralement établie sur la disposition des fossiles découverts, leur habitat, les simulations par ordinateur de leurs biomécaniques (basées sur les pistes fossiles et sur des comparaisons avec des animaux actuels situés dans la même niche écologique, ainsi que l'étude des représentants actuels des dinosaures : les oiseaux). On a aussi insufflé de l'air dans les moulages de crânes de certains hadrosaures à crête pour entendre les sons que cette expérience produisit (sans que cela donne la moindre indication sur leurs rythmes et modulations). Comme telle, la compréhension actuelle du comportement des dinosaures fossiles repose donc en grande partie, comme leurs coloris, sur des spéculations, dont certaines resteront probablement controversées pendant encore longtemps. Cependant, il y a un consensus sur le fait que certaines caractéristiques qui sont communes chez les oiseaux et les crocodiles (le groupe le plus proche des dinosaures), telle que la nidification, aient été courantes chez l'ensemble des dinosaures disparus (et ce d'autant plus que des nids fossiles ont été découverts en nombre : voir plus bas).
142
+
143
+ La première preuve de l'existence de troupeaux de dinosaures fut découverte en 1878 en Belgique à Bernissart. 31 Iguanodons semblaient avoir péri ensemble après être tombés dans une doline profonde et inondée[149] ; au vu des dernières analyses, ces squelettes semblent s'être déposés lors de trois événements distincts[150].
144
+
145
+ D'autres sites de morts massives furent découverts. Ceux-ci, avec de nombreuses traces fossiles suggérèrent que les troupeaux ou les hordes étaient communes dans beaucoup d'espèces. Les pistes de centaines, voire de milliers d'herbivores, indiquent que les dinosaures à bec de canard pouvaient se déplacer en grands troupeaux, tel le bison ou le springbok. Des traces de sauropodes permirent de voir que ces animaux voyageaient en groupes composés de plusieurs espèces différentes[151], et d'autres gardaient les jeunes au milieu du troupeau afin de les protéger, d'après les traces au Davenport Ranch au Texas.
146
+
147
+ La découverte en 1978 par Jack Horner du nid du Maiasaura (« dinosaure bonne mère ») au Montana démontra que les soins parentaux duraient bien après l'éclosion chez les ornithopodes[152]. Il y a aussi des preuves que d'autres dinosaures du Crétacé comme le sauropode Saltasaurus (découvert en 1997 en Patagonie) avaient des comportements similaires, et que ces animaux se regroupaient en immenses colonies nidificatrices comme celles des manchots. Ce comportement de nidification groupée et de protection des œufs est confirmé en 2019, avec la découverte en Mongolie de 15 nids (et plus de 50 œufs, dont environ 60 % d'œufs éclos) vieux d'environ 80 Ma et clairement issus de la même saison de nidification[153],[154].
148
+
149
+ L'Oviraptor de Mongolie a été découvert (1993) dans une position de couvaison comme celle de la poule, ce qui signifie qu'il était recouvert d'une couche de plumes isolantes qui gardait l'œuf au chaud[155]. Des pistes fossiles ont aussi confirmé le comportement maternel parmi les sauropodes et les ornithopodes de l'île de Skye[156]. Des nids et des œufs fossilisés ont été trouvés pour la plupart des principaux groupes de dinosaures, et il apparaît probable que les dinosaures non aviens communiquaient avec leurs petits d'une manière similaire aux dinosaures actuels (oiseaux) et aux crocodiles.
150
+
151
+ Certains dinosaures installaient leurs nids sur des sites hydrothermaux, ce qui permettait aux œufs de bénéficier d'une température idéale et régulière[157].
152
+
153
+ Une étude de 2017 basée sur les lignes de croissance incrémentielle de dents fossiles de certains dinosaures ornithischiens (Protoceratops andrewsi et Hypacrosaurus stebingeri) a conclu que l'incubation des œufs était longue (3 à 6 mois avant l'éclosion), au moins chez plusieurs espèces[158]. Ce long délai pourrait avoir contribué à la disparition des dinosaures non aviens face aux oiseaux et mammifères après l'évènement du Crétacé-Paléogène, la question restant de savoir si les théropodes avaient la même physiologie, notamment ceux proches des oiseaux tel Velociraptor[159].
154
+
155
+ Les crêtes de certains dinosaures, comme les marginocéphales, les théropodes et les hadrosauridae, pourraient avoir été trop fragiles pour une défense active et donc auraient probablement été utilisées pour les parades sexuelles ou à des fins d'intimidation, bien qu'il existe peu d'éléments sur le territorialisme et l'accouplement des dinosaures.
156
+
157
+ La nature des communications entre dinosaures reste également énigmatique, mais des découvertes récentes suggèrent que la crête creuse des lambeosaurines pourrait avoir fonctionné comme une caisse de résonance utilisée pour une grande variété de vocalisations.
158
+
159
+ La morphologie et la dentition des dinosaures permettent de distinguer les herbivores des carnivores (ces derniers, munis de dents comprimées en forme de lame, pouvaient être charognards, chasseurs, piscivores ou insectivores) et des omnivores[160]. Les gisements de fossiles montrent souvent une surabondance des carnivores.
160
+
161
+ Les coprolithes permettent de préciser le régime alimentaire, de même que l'analyse isotopique (42Ca/44Ca et 13C/12C) des dents, qui peut indiquer quels types de plantes étaient consommés[161]. Par exemple, vers 120 et 100 Ma BP en Afrique du Nord, les abélisauridés et les carcharodontosauridés (des théropodes) chassaient préférentiellement des proies terrestres (dont des dinosaures herbivores), alors que les spinosaures étaient piscivores (tandis que les crocodiles géants comme Sarcosuchus — qui n'étaient pas des dinosaures — avaient un régime mixte)[162],[163]. Certains dinosaures herbivores comme Argentinosaurus ingurgitaient avec la végétation des cailloux, gastrolithes qu'ils gardaient dans leur estomac pour faciliter la digestion[164].
162
+
163
+ D'un point de vue comportemental, l'un des fossiles les plus importants de dinosaure a été découvert dans le désert de Gobi en 1971. Il incluait un Velociraptor attaquant un Protoceratops[165], prouvant physiquement que les dinosaures s'attaquaient et se mangeaient entre eux.
164
+
165
+ Bien que le cannibalisme parmi les théropodes ne constitue nullement une surprise[166], il a été confirmé par des traces de dents sur un fossile de Majungasaurus à Madagascar en 2003[167].
166
+
167
+ Basé sur les preuves fossiles existantes, il n'y avait aucune espèce de dinosaure fouisseur et peu de dinosaures grimpeurs. Puisque l'expansion des mammifères au cénozoïque vit l'apparition de nombreuses espèces fouisseuses et grimpantes, le manque de preuves pour des espèces de dinosaures similaires est quelque peu surprenant.
168
+
169
+ Une bonne compréhension de la façon dont les dinosaures se déplaçaient est la clef des modèles de comportements des espèces. La biomécanique en particulier a fourni de nombreux éléments comme la détermination de la vitesse de course des dinosaures d'après l'étude des forces exercées par leurs muscles et la gravité sur la structure de leur squelette[168],[169], savoir si les diplodocides pouvaient créer un bang supersonique en balayant l'air avec leur queue en forme de fouet[170], déterminer si les théropodes géants devaient ralentir quand ils poursuivaient leurs proies pour éviter des blessures mortelles[171], et si les sauropodes pouvaient flotter[172].
170
+
171
+ La théorie scientifique qui prévalait jusqu'ici est que les dinosaures avaient des modes de vie diurnes, alors que les premiers mammifères apparus étaient crépusculaires ou nocturnes[173],[174].
172
+
173
+ Une étude paléontologique en 2011 de la structure oculaire (longueur de l’orbite et diamètre de l’anneau scléreux) sur 33 espèces d'archosauriens, comparée à celle de 164 espèces actuelles (dont des reptiles, des oiseaux et des mammifères), montre que les dinosaures carnivores étaient partiellement nocturnes, les dinosaures volants et ptérosaures principalement diurnes et les dinosaures herbivores surtout cathéméraux (actifs de jour comme de nuit)[175].
174
+
175
+ Une étude française sur la composition isotopique en oxygène des dents et os de 80 dinosaures du Crétacé (théropodes, sauropodes, ornithopodes et cératopsiens[176]) provenant de gisements d'Amérique du Nord, d'Europe, d'Afrique et d'Asie, a montré que ceux-ci devaient être homéothermes. Le rapport 18O/16O — qui dépend de la température interne de l'animal vivant — est identique à celui des mammifères et oiseaux, homéothermes, et diffère nettement de celui des reptiles actuels, ectothermes, et des chéloniens et crocodiliens fossiles du Crétacé.
176
+
177
+ La présence de structures de Havers (micro-canaux entourés d'une couche d'os concentrique au sein des squelettes) dans les os fossilisés serait également un élément en faveur du caractère endotherme[177].
178
+
179
+ En 2006, une étude a estimé que la température était proportionnelle à la masse et au taux de croissance, allant de 25 °C pour les petits dinosaures jusqu’à 41 °C pour les plus grands[178]. Un modèle numérique, permettant d'estimer la température corporelle en fonction de la taille et du rythme de croissance, a été appliqué à huit espèces, du psittacosaure (Psittacosaurus mongoliensis, 12 kg) à l'apatosaure (Apatosaurus excelsus, 26 000 kg). D'après cette étude, la température interne de Sauroposeidon proteles, le plus lourd des dinosaures connus (60 tonnes), devait atteindre 48 °C. Ce modèle tendant à prouver que les gros dinosaures étaient chauffés par « homéothermie inertielle », a été remis en cause par R. Eagle et ses collègues. Ces derniers ont en effet estimé la température corporelle de grands sauropodes du Jurassique, tels Camarasaurus et Brachiosaurus, entre 36 et 38 °C, équivalente à celles de mammifères actuels[179].
180
+
181
+ Cependant, en 2014 une nouvelle étude comparative sur plus de 400 espèces éteintes et vivantes conclut que les dinosaures devaient avoir le sang tiède, dit mésotherme[180]. Une étude en 2015 basée sur la température interne corrélée à la composition chimique des œufs fossilisés estime la température des sauropodes à environ 38 °C contre 32 °C pour celle des oviraptoridés[181].
182
+
183
+ Parmi les amniotes (eux-mêmes issus des reptiliomorphes), les dinosaures sont apparus au sein du super-ordre des archosauriens, un groupe de petits diapsides de la fin du Permien et surtout du début du Trias, qualifiés de reptiles.
184
+
185
+ L'extinction radicale de la fin du Permien — l'extinction Permien-Trias, il y a environ 251 millions d'années, a balayé de 80 à 96 % des espèces marines, et 70 % des familles de vertébrés terrestres de l'époque[182],[183], permettant à des groupes d'animaux ou de plantes de prendre leur essor par radiations évolutives, notamment les amniotes, parmi lesquels on trouve les reptiles, les ancêtres des dinosaures, et ceux des mammifères anciens et actuels. De nombreux évènements géologiques sont contemporains de cette crise.
186
+
187
+ Les petits diapsides, c'est-à-dire dont le crâne a deux paires de fosses en arrière des orbites, possèdent des os pré-dentaires à l'avant de la mandibule et des membres transversaux ou semi-dressés. Ils partent à la conquête des écosystèmes et ils divergent en trois grandes familles :
188
+
189
+ L'analyse de la structure du bassin, comportant trois os pairs, ilion, pubis, ischion permet de retrouver ces différences. Ainsi le paléontologue Harry Govier Seeley a fondé dès 1887[184],[185] la distinction capitale entre :
190
+
191
+ Cladogramme de la branche Avemetatarsalia d'après Nesbitt (2011) et Nesbitt et al. (2017) :
192
+
193
+ (la lignée des crocodiliens)
194
+
195
+ †Aphanosauria
196
+
197
+ †Scleromochlus ?
198
+
199
+ †Pterosauria
200
+
201
+ †Lagerpetidae
202
+
203
+ †Marasuchus
204
+
205
+ †Silesauridae
206
+
207
+ Dinosauria (dont les oiseaux)
208
+
209
+ Les premiers dinosaures sont apparus au début du Trias il y a environ 245 millions d'années, ou selon les plus récentes découvertes, il y a 250 millions d'années[186] ; ils étaient peu nombreux cependant, avant le Trias supérieur il y a environ 232 millions d'années, moment où débute l'expansion qui leur confèrera une domination écologique[187].
210
+
211
+ Les traces de pas fossiles les plus anciennes, et attribuées à des dinosaures, datent de 248 millions d'années environ et concernent « de petits reptiles quadrupèdes, de la taille d’un chat, [qui] ont laissé leurs empreintes dans l’argile il y a environ 250 millions d’années […]. Ces pas ont été découverts dans le sud-ouest [de la] Pologne, dans les Monts Sainte-Croix. […] Les empreintes […] ont été laissées il y a 248 millions d‘années par des reptiles du genre Prorotodactylus, quadrupèdes dotés de pattes à cinq doigts, dont les trois doigts centraux sont les plus fortement imprimés dans le sol. Proches les unes des autres, ces traces se distinguent de celles d’autres reptiles du groupe des crocodiles et des lézards[188] ».
212
+
213
+ Des « traces […] plus récentes découvertes par l’équipe de Grzegorz Niedzwiedzki de l’université de Varsovie datent de 246 millions d’années. Plus grosses – une quinzaine de centimètres – elles auraient été laissées par des dinosaures du genre Sphingopus, bipèdes[188] ».
214
+
215
+ Ces traces font probablement remonter la toute première espèce de dinosaures encore indifférenciée entre ornithischiens et saurischiens quelques millions d'années plus tôt, soit dès la fin du permien.
216
+
217
+ Le plus ancien dinosaure connu par des fossiles est Nyasasaurus âgé de 243 millions d'années, découvert en Tanzanie[189]. Ensuite viennent de fossiles de carnivores âgés de 225 à 230 millions d'années, Eoraptor et Herrerasaurus, découverts dans la Formation d'Ischigualasto en Argentine[17],[190]. Tous deux montrent déjà une certaine spécialisation, puisque ce sont des saurischiens, datant d'après la divergence entre les dinosaures ornithischiens et saurischiens. Notons que tous les dinosaures ont une denture homodonte comme les autres reptiles. Herrerasaurus est non seulement un saurischien, mais peut-être même un théropode déjà affirmé[191].
218
+
219
+ Les dinosaures ont commencé à connaître une diversification rapide dès le Carnien (Trias supérieur), il y a environ 232 millions d'années, et sont sortis triomphants écologiquement du Trias supérieur, après avoir supplanté les rhynchosaures en tant qu'herbivores, et les archosaures basaux en tant que carnivores[187]. Plusieurs causes ont été avancées pour expliquer cette explosion radiative. Selon une première opinion, les dinosaures étaient plus compétitifs que d'autres espèces, du fait de leur posture droite, de leur habileté prédatrice et de leur sang chaud[187]. Selon un autre modèle explicatif, dit "opportuniste", les dinosaures auraient bénéficié d'un changement floral majeur, au cours duquel les flores de conifères ont remplacé les flores dominées par la fougère dicroidium (en), changement qui aurait entraîné l'extinction des herbivores auparavant dominants[187]. Enfin selon l'explication la plus récente (2018), un changement climatique mondial, associé à l'épisode pluvial du Carnien, avec passage d'un climat sec à un climat humide, et retour au climat sec, dans un intervalle court, a favorisé la diversification rapide des dinosaures[187],[192].
220
+
221
+ La disparition de la plupart des espèces des dinosaures donna naissance à de nombreuses théories, certaines farfelues comme la destruction des dinosaures par des extraterrestres, et d'autres plus probables et scientifiquement testables. Il convient toutefois de noter que l'extinction des dinosaures est un problème sémantique : les dinosaures ne sont pas éteints puisqu'il subsiste des oiseaux.
222
+
223
+ En revanche, il y a bien eu une crise à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d'années. Bien que cette dernière ait eu un impact moyen sur la biodiversité en général (si on la compare à la crise Permo-Triasique ou même à celle de l'Ordovicien) et qu'elle ait surtout décimé des organismes marins tels les foraminifères et non des organismes terrestres dont l'extinction relative est beaucoup moins élevée, elle est devenue très célèbre en raison de la surmédiatisation relative aux dinosaures.
224
+
225
+ La comparaison du taux d'extinction, taxon par taxon, montre que certains des clades contemporains des dinosaures ont été très affectés (tels les plésiosaures et les ptérosaures) et d'autres beaucoup moins (crocodiliens et chéloniens par exemple). Cette crise a éliminé les dinosaures non-aviens vivant à cette époque.
226
+
227
+ Les causes les plus probables ayant induit la crise K-T sont :
228
+
229
+ Ces trois théories sont basées sur des faits et la crise K-T pourrait être la conséquence de la quasi-simultanéité de ces trois événements. Les avis divergent en ce qui concerne l'importance relative de chacun d'eux.
230
+
231
+ Le premier fossile d'oiseau, l'Archéoptéryx, du Jurassique supérieur, a été découvert en Bavière en 1861. Sa grande ressemblance avec certains petits dinosaures carnivores bipèdes, comme les Compsognathus, a immédiatement fait apparaître la théorie selon laquelle les oiseaux descendraient d'un groupe de dinosaures au sein des Cœlurosauriens.
232
+
233
+ Pendant un siècle, cette théorie est restée très controversée, voire rejetée. En effet, les oiseaux ont des clavicules, alors que les cœlurosauriens n'en avaient pas. Mais l'importance accordée aux clavicules est excessive : les carnivores n'ont pas de clavicules ; ils n'en sont pas moins des mammifères.[C'est-à-dire ?][réf. nécessaire]
234
+
235
+ Depuis les années 1970, cependant, des Cœlurosauriens dotés de clavicules ont été découverts (et même dans des groupes moins dérivés) et la théorie dinosaurienne sur l'origine des oiseaux est redevenue dominante.
236
+
237
+ Dans les années 1990, de nombreux fossiles de dinosaures à plumes ont été découverts, principalement dans la région du Liaoning, en Chine et ont contribué à réactiver cette théorie. Il s'agit dans certains cas d'oiseaux primitifs, et dans d'autres de dinosaures non aviens à plumes ou proto-plumes.
238
+
239
+ L'interprétation qui est faite de ces découvertes est qu'une ou plusieurs espèces de dinosaure cœlurosaurien (voire l'ancêtre des Cœlurosauriens lui-même) a développé le caractère « plume », semble-t-il sans l'utiliser pour le vol, et a donné naissance à des espèces assez nombreuses de dinosaures à plumes. Une de ces espèces de dinosaures à plume aurait, des millions d'années plus tard, donné naissance à l'ancêtre commun à tous les oiseaux.
240
+
241
+ En 2011, au Canada, onze plumes de dinosaures, colorées (du marron au noir) ont été retrouvées dans de l'ambre, datant de 78 à 79 millions d'années (fin crétacé) avec barbes et barbules visibles, semblables à ceux d'oiseaux contemporains, avec des indices d'imperméabilité pouvant laisser penser qu'il s'agissait (dans ce cas) d'animaux semi-aquatiques[196]. Divers indices laissent penser que les plumes de dinosaures étaient souvent colorées[197].
242
+
243
+ Bien que cette théorie faisant des oiseaux un sous-groupe des dinosaures soit très largement dominante, il reste des contestataires, regroupés sous l'acronyme « BAND » : Birds Are Not Dinosaurs[198].
244
+
245
+ De nombreuses lignées qualifiées de reptiliennes vivaient aux mêmes périodes géologiques que les dinosaures, et ont parfois été confondues avec les dinosaures par le cinéma ou la littérature. Les plus connues sont :
246
+
247
+ Aucune de ces lignées n'est scientifiquement classée comme dinosaurienne.
248
+
249
+ Il n'y a pas encore si longtemps[Quand ?], on classait dans les dinosaures : les ichthyosaures, les pliosaures, les plésiosaures (trois groupes de reptiles aquatiques) et les ptérosaures (reptiles volants)[réf. souhaitée] qui, aujourd'hui, sont considérés comme des lignées évolutives indépendantes des dinosaures parmi les reptiles ayant vécu au Mésozoïque. Les dinosaures étaient un groupe d'animaux extrêmement divers ; selon une étude de 2006, 527 genres de dinosaures ont été décrits avec certitude, et plus de 1 844 genres sont encore à classer[199],[200]. Certains d'entre eux étaient herbivores, d'autres carnivores. Certains dinosaures étaient bipèdes, d'autres étaient quadrupèdes et certains, tels Ammosaurus et Iguanodon, pouvaient marcher aussi bien sur deux ou quatre pattes.
250
+
251
+ Les dinosaures sont nommés de façon précise selon leur genre et leur espèce. Souvent, ce nom d'espèce est donné en fonction du nom du lieu de sa découverte comme Iguanodo bernissartensis du nom de la localité de Bernissart, en Belgique, où fut découvert un troupeau de 31 iguanodons, ou bien Saltasaurus, le dinosaure de la rivière Salta en Argentine. Une particularité anatomique peut servir de base pour baptiser une espèce, comme c'est le cas pour le Triceratops, la face à trois cornes. Ou c'est le nom d'un paléontologue connu qui est utilisé, comme pour Othnielia du nom d'Othniel Charles Marsh. Avec l'essor de la paléontologie, les noms d'espèces s'internationalisent. Les racines grecques et latines sont remplacées parfois par des racines chinoises, mongoles ou africaines comme Nqwebasaurus venant du xhosa, une langue d'Afrique du Sud[201].
252
+
253
+ Sur la base du code international de nomenclature zoologique, on peut reconnaitre de 630 à 650 genres de dinosaures, rassemblant plusieurs milliers d'espèces de dinosaures (une trentaine de nouvelles espèces sont décrites tous les ans). Un peu plus de la moitié de ces espèces ne sont représentées que par un seul spécimen (souvent incomplet) et moins de 20 % des espèces sont connues par plus de cinq spécimens. Ce tableau général fournit des liens entre les principaux groupes de dinosaures. On trouvera à droite quelques genres illustrant les ordres et les familles représentés.
254
+
255
+ Famille des Herrerasauridae
256
+
257
+ Sous-ordre des Theropoda
258
+
259
+ Sous-ordre des Sauropodomorpha
260
+
261
+ Famille des Heterodontosauridae
262
+
263
+ Sous-ordre des Thyreophora
264
+
265
+ Neornithischia
266
+
267
+ Neornithischia basaux
268
+
269
+ Sous-ordre des Cerapoda
270
+
271
+ Marginocephalia
272
+
273
+ Infra-ordre des Ornithopoda
274
+
275
+ De très nombreux musées accueillent des squelettes ou des reconstitutions de dinosaures. Voici une liste non exhaustive des musées les plus importants pour quelques pays du globe :
276
+
277
+ Cet article contient une ou plusieurs listes. Ces listes gagneraient à être rédigées sous la forme de paragraphes synthétiques, plus agréables à la lecture, les listes pouvant être aussi introduites par une partie rédigée et sourcée, de façon à bien resituer les différents items.
278
+
279
+ Sur les autres projets Wikimedia :
280
+
281
+ En cryptozoologie, certains cryptides sont présentés comme des dinosaures survivants, par exemple le Mokele-mbembe ou le Ngoubou, deux cryptides d'Afrique centrale qui seraient respectivement un sauropode et un cératopsien. Cependant, l'immense majorité des paléontologues et des zoologistes réfutent cette hypothèse, notamment parce qu'il n'y a aucune preuve et qu'aucun fossile de dinosaure non avien postérieur à l'extinction K/T n'a été découvert.
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+ Mise en garde médicale
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+
5
+ L'allergie est un phénomène d'exagération pathologique de la réponse immunitaire, en particulier la réaction inflammatoire, face à un antigène généralement étranger à l'organisme—on parle plus précisément d'allergène dans le cas de l'allergie. Il s'agit d'une forme d'hypersensibilité. Les traitements consistant à rendre l'organisme tolérant à la substance incriminée sont dits de « désensibilisation ».
6
+
7
+ Il existe des prédispositions familiales—on parle alors de terrain « atopique ». Ce peut être un facteur aggravant chez certains sujets et fonction des allergies développées. L'allergie est populairement présentée comme une maladie à multiples facettes[1], du fait qu'une première allergie annonce souvent un terrain allergique plus général.
8
+
9
+ La branche de la médecine qui étudie les allergies est l'allergologie. Les médecins spécialistes de cette maladie sont les allergologues.
10
+
11
+ Dans un nombre important et toujours croissant de pays industrialisés, l'allergie est un véritable phénomène de société émergent. En 1980, 10 % de la population en souffrait, en 1999 plus de 30 %[2], les prédictions les plus alarmistes montent jusqu'à 50 % d'ici 2025[3] dans les pays industrialisés de l'hémisphère Nord.
12
+
13
+ De nombreux experts estiment qu'il faudrait approfondir la question des allergies croisées et des effets des faibles doses et cocktails de produits, ce qui est rendu difficile par la complexité des interactions entre allergènes et organismes vivants[4].
14
+
15
+ L'évolution est officiellement suivie en France par le Réseau national de surveillance aérobiologique, organisme membre du « Réseau européen EPI » lui-même doté de son propre site[5]. 20 à 25 % de la population générale en France, souffre d’une maladie allergique.
16
+
17
+ Parmi les réactions communément connues du grand public : eczéma, urticaire, rhinite allergique, attaques d'asthme, allergies alimentaires.
18
+
19
+ Le choc anaphylactique reste la manifestation la plus grave avec l'œdème de Quincke.
20
+
21
+ Elles se manifestent essentiellement par la rhinite allergique, avec nez bouché, démangeaisons, nez qui coule, éternuements fréquents, perte d'odorat… Il existe deux types de rhinite :
22
+
23
+ Les conséquences :
24
+
25
+ Les allergies respiratoires peuvent également se manifester à travers l'asthme, avec crise d'étouffement et des sifflements. Ces allergies sont essentiellement dues à des contacts respiratoires avec des « allergènes » comme les pollens, les acariens domestiques, les moisissures, les animaux.
26
+
27
+ Les symptômes de l'asthme allergique :
28
+
29
+ La conjonctivite allergique est aussi une forme d'allergie respiratoire. Elle peut être provoquée par les pollens, certains produits comme les gouttes ophtalmiques, les poussières, etc. Elle n'est pas contagieuse. Cette manifestation allergique est souvent associée à d'autres (rhinite ou asthme). Les allergènes en cause sont les acariens, les poils ou plumes d'animaux, fleurs colorées ou plantes à bulbes, certains cosmétiques[6].
30
+
31
+ Les allergies respiratoires concernent un Français sur quatre, chiffre en constante augmentation, depuis 30 ans[Quand ?][6].
32
+
33
+ Elles se manifestent soit sous forme d'urticaire avec des éruptions de plaques rouges ou rosées, lisses entraînant de fortes démangeaisons, soit de l'eczéma avec peau sèche, rougeurs, démangeaisons parfois saignements et croûtes. Lorsque l'urticaire affecte les extrémités corporelles (pieds, mains, etc.), elle a l'aspect d’un gonflement important appelé « œdème de Quincke ».Les causes des urticaires allergiques sont multiples : allergie à des médicaments, à des aliments, au contact de certaines substances animales ou végétales.
34
+
35
+ Pour les eczémas, là aussi les causes sont variées ; soit identiques à celles de l'urticaire, soit liées à des contacts avec certains métaux (bijoux fantaisie), cosmétiques, résines, colles, éventuellement introduits dans la peau (tatouages), etc.
36
+
37
+ Leurs symptômes sont cutanés (urticaire, œdème, eczéma), respiratoires (asthme), digestifs (diarrhée, douleurs abdominales) ou systémiques et parfois sévères allant jusqu'au « choc anaphylactique» (cf. les réactions anaphylactiques).
38
+
39
+ Les aliments ou additifs responsables sont nombreux :
40
+
41
+ Ils font l'objet d'études de plus en plus approfondies. Aux États-Unis, les chercheurs bio-statisticiens constatent que 90 % des allergies alimentaires reconnues peuvent être imputées à huit catégories génériques de produits alimentaires, soit par ordre de fréquence : arachides, blé, lait de vache, noix, fruits de mer, œufs, soja, poissons[7].
42
+
43
+ Presque tous les médicaments peuvent causer des allergies (cutanées, respiratoires, digestives mais aussi parfois atteinte du foie, des poumons, de reins et des cellules sanguines). Citons comme responsables fréquents les antibiotiques, les sulfamides, les anti-inflammatoires, les produits utilisés en radiologie[11] ou en anesthésie[12].
44
+
45
+ À mentionner l'allergie au latex (gants des chirurgiens, sondes utilisées) pouvant être responsable d'une allergie au cours d'une intervention chirurgicale[13].
46
+
47
+ Les venins en cause sont surtout ceux de guêpes, frelons, abeilles. Elles se traduisent souvent par de fortes réactions très localisées autour du point de piqûre, mais peuvent éventuellement déclencher des réactions généralisées sévères. Il importe d'en faire le diagnostic car un traitement par désensibilisation est très efficace.
48
+
49
+ Ce sont les plus graves. Souvent brutales, elles engagent le pronostic vital du patient allergique : œdème, asthme, diarrhée, baisse sévère de la tension artérielle, voire arrêt cardiaque sont observés.
50
+
51
+ La prise en charge thérapeutique doit être la plus rapide possible, souvent avec un urticaire local ou « géant », éventuel premier symptôme d'un choc anaphylactique, qui est une réaction allergique extrême, brutale et pouvant conduire à la mort ;
52
+
53
+ Elle résulte à la fois de la nature et fréquence des contacts avec les allergènes, de l'« éducation » du système immunitaire (qui se fait d'abord in utero et dans l'enfance).
54
+
55
+ Des prédispositions génétiques sont probablement parfois aussi en cause.
56
+
57
+ Classification dite « de Gell–Coombs » : les hypersensibilités sont des réponses inappropriées ou excessive de l'organisme à un allergène.
58
+
59
+ En 1963, Gell et Coombs les ont classées en quatre types, correspondant à 4 types de réponse du système immunitaire :
60
+
61
+ Certains auteurs ont proposé d'autres types de réponse[15].
62
+
63
+ Un facteur de protection important est la fréquence et la variété de contacts que peut avoir le nourrisson avec les microbes et son microbiote[16] (le microbiote est l'ensemble des micro-organismes ; bactéries, levures, champignons, virus du microbiome. il est essentiellement composé de la flore intestinale).
64
+
65
+ Chez l'enfant, une plus grande diversité de microbes intestinaux diminue les risques d'allergiques et d’eczéma dans le futur de l'individu précocement exposé à ces antigènes[16],[17] (cela vaut aussi pour certaines maladies auto-immunes et d'autres perturbations de l'immunité telle que le diabète de type 1 par exemple), ce qui expliquerait l'augmentation des allergies dans les pays riches où les enfants vivent dans des environnements plus aseptisés qu'ailleurs, tout en étant exposés à un grand nombre de produits chimiques d'origine anthropiques. Le système immunitaire intestinal du jeune enfant bénéficie de contacts répétés avec une plus grande diversité d'antigènes bactériens[16]. Certaines bactéries pourraient jouer un rôle plus important (Bacteroidetes et Proteobacteria selon une étude récente[16]) ou encore Bifidobacteria et les Clostridia selon des travaux plus anciens[18].
66
+
67
+ Une étude récente[19] a montré que les enfants sensibilisés à des allergènes ont trop de bactéries intestinales du genre Enterobacteriaceae et pas assez de Bacteroides (le taux Enterobacteriaceae/Bacteroides (rapport E/B) était de 1 chez les enfants contrôles, tandis qu'il atteignait 135,5 chez ceux s'avérant sensibilisés 9 mois plus tard)[20].
68
+
69
+ Fonctionnellement, lorsque l'organisme produit une réaction allergique, il libère une substance, l'histamine, responsable majeure des symptômes. L'action de l'histamine est bloquée par des médicaments dits « antihistaminiques ».
70
+
71
+ Composante immunitaire : une compréhension profonde des causes suppose une bonne connaissance du système immunitaire. Les immunoglobulines sont des glycoprotéines riches en ponts disulfures dont tout porte à penser qu'elles dérivent des protéines responsables de l'adhérence cellulaire.
72
+
73
+ Qu'elles soient portées par les globules blancs ou qu'elles soient dissoutes dans les fluides de l'organisme, ces immunoglobulines reconnaissent avec une extrême précision la structure tridimensionnelle des atomes des substances avec lesquelles elles se lient. Par exemple, certaines de ces immunoglobulines, les IgE, sont sécrétées par des globules blancs dans les mucus de l'appareil respiratoire, du système digestif, de l'arbre urinaire… Quand des substances, habituellement présentes dans ces mucus, atteignent d'autres territoires de l'organisme, le système immunitaire devrait les reconnaître comme du non-soi et ses globules blancs devraient synthétiser des immunoglobulines M et G capables de s'y fixer et de provoquer leur destruction.
74
+
75
+ En l'absence de ces immunoglobulines M et G, ces allergènes sont reconnus par les IgE qui se fixent aux mastocytes et déclenchent une réaction allergique en libérant de l'histamine et d'autres molécules qui engendrent un œdème local qui limite la propagation de ces molécules étrangères. L'accumulation de ces mastocytes et l'augmentation de la synthèse des IgE accentuent donc l'allergie. Une prise en charge globale de l'allergie ne se limite pas à ses composantes immunitaires.
76
+
77
+ Ainsi, l'allergie ORL peut provoquer une toux ou des éternuements qui favorisent les remontées de l'acidité de l'estomac jusque dans les bronches, et dans la sphère ORL. L'abrasion des muqueuses provoquée par ces reflux favorise la diffusion des allergènes dans les muqueuses et dans les tissus qui les soutiennent. Les globules blancs qui y demeurent accentuent alors la réaction allergique dont le traitement peut, donc, passer par celui des reflux de l'estomac. Un phénomène similaire, cf. supra, favorise l'allergie aux protéines du lait, et une digestion incomplète de certains aliments laisse subsister, dans l'intestin grêle, des molécules qui y provoquent une allergie car elles ne devraient pas y être.
78
+
79
+ Des faisceaux concordants d'indices laissent penser que synergies, allergies croisées et potentialisations sont possibles, et notamment liées à la pollution routière, de l'air, urbaine et industrielle, ou pollution intérieure (induite par l'usage de parfums, cosmétique, pesticides…) dans l'air intérieur, etc. De plus, les pollens, comme les poussières peuvent adsorber d'autres polluants, éventuellement également allergènes (les nano- ou micro-particules, notamment celles du diesel/mazout, émises par des carburants sales et une mauvaise combustion et des fumées non filtrés, auraient une incidence sur l'allergénicité de nombreux pollens[14], mais d'autres études (japonaises) infirment ce point[réf. nécessaire]). Enfin, certains pollens sont de plus en plus présents dans l'air, devenant des allergènes communs[14].
80
+
81
+ L'augmentation des taux d'ultraviolet, l'air urbain pollué (acide, déshydratant et oxydant) contribuent à éroder la cuticule des pollens dont certains semblent alors devenir plus allergènes, d'autant que les pollinisateurs (dont abeilles) peu présents en ville emportent moins de pollens qu'ils ne le feraient dans la nature à nombre équivalent de fleurs.
82
+
83
+ L'allergie alimentaire semble régulièrement augmenter. Elle touche environ 3 % de la population (8 % pour les enfants). Les principaux allergènes alimentaires sont l'œuf, l'arachide, les rosacées (prune, pomme, cerise, pêche, etc.), les ombellifères (persil, carotte, céleri, fenouil, etc.), les fruits à latex (kiwi, avocat, banane…) les fruits de mer (huîtres), crustacés et les poissons. Il existe également des allergies au café et à certains additifs alimentaires.
84
+
85
+ Il est souvent difficile, notamment chez les nourrissons, de distinguer les allergies aux protéines du lait de vache et les intolérances au lactose contenu dans ce lait. Car, en abrasant la muqueuse de l'intestin grêle, l'intolérance au lactose permet un contact intempestif des protéines du lait avec le système immunitaire (cf. infra). Et, en abrasant la muqueuse de l'intestin grêle, la réaction d'allergie aux protéines du lait détruit de nombreuses enzymes dont la lactase et favorise, ainsi, l'intolérance au lactose.
86
+
87
+ Le diagnostic par l'allergologue permet de déterminer à quels allergènes ou groupes d'allergène un individu est sensible.
88
+
89
+ La gestion efficace des maladies allergiques repose sur un diagnostic précis. Les tests d’allergie, qui évaluent la présence d’IgE spécifiques d'allergènes, aident à confirmer ou infirmer une allergie. Deux types de tests sont utilisés : les tests cutanés ou les tests sanguins. Les deux méthodes sont recommandées et ont une valeur diagnostique similaire.
90
+
91
+ Un diagnostic correct et des conseils d’évictions basés sur des résultats de tests d’allergie validés contribuent à réduire l'incidence des symptômes, la prise de médicaments, et à améliorer la qualité de vie des patients allergiques.
92
+
93
+ Un diagnostic précoce et précis évitera également de nombreux coûts : consultations multiples, orientation vers des soins spécialisés injustifiés, erreurs de diagnostic, admissions en urgence.
94
+
95
+ L’allergie évolue dans le temps. Des tests réguliers permettent de savoir si et comment la prise en charge du patient doit être adaptée afin d’améliorer sa santé et sa qualité de vie. Les tests sont habituellement renouvelés une fois par an pour déterminer si une allergie au lait, à l’œuf, au soja et au blé a guéri, alors que l’intervalle de temps est plutôt de 2 à 3 ans pour le suivi d’une allergie à l’arachide, aux fruits à coque, au poisson et aux crustacés. Les résultats de ces tests de suivi peuvent aider à décider si et comment un aliment peut être réintroduit en toute sécurité dans le régime alimentaire.
96
+
97
+ Un test sanguin est rapide et simple, et peut être prescrit par tout médecin, par exemple un allergologue, un médecin généraliste ou un pédiatre. Un test sanguin peut être réalisé quels que soient l’âge du patient, ses symptômes, l’état de sa peau, l’activité de sa maladie et ses traitements médicamenteux en cours.
98
+
99
+ Les raisons de prescrire des tests sanguins sont nombreuses, la principale étant que plusieurs autres maladies peuvent avoir des symptômes similaires et sont difficiles à différencier d’une allergie. Par exemple, des symptômes de rhinite typiques peuvent avoir une origine allergique, non allergique ou infectieuse, nécessitant des prises en charge et des traitements différents. Un autre exemple est celui de l’allergie alimentaire souvent confondue avec une maladie cœliaque ou d’autres maladies telles qu’une intolérance alimentaire. Des directives du monde entier recommandent aux cliniciens de réaliser des tests d’allergie chaque fois qu’une allergie est suspectée :
100
+
101
+ Les tests sanguins d’allergie sont disponibles dans tout laboratoire d’analyse médicale. Le laboratoire procède à un prélèvement de sang qui est analysé vis-à-vis des allergènes prescrits par le médecin. De très nombreux allergènes peuvent être détectés à partir d’un seul prélèvement.
102
+
103
+ Les tests sanguins d’allergie sont sans danger puisque le patient n’est exposé à aucun allergène au cours de la procédure du test. Le test sanguin mesure la quantité d’IgE spécifiques d’allergènes dans le sang. Son résultat quantitatif améliore l’évaluation de la capacité de différentes substances à déclencher des symptômes. En règle générale, plus la quantité d’IgE mesurées est importante, plus la probabilité d’avoir des symptômes d’allergie est grande. La mesure d’IgE en faibles quantités qui ne déclencheraient pas aujourd’hui de symptômes peut toutefois aider à prédire le développement de symptômes dans le futur.
104
+
105
+ Le résultat quantitatif d’un test sanguin d’allergie aide à déterminer à quoi est allergique le patient, à prédire et suivre le développement de la maladie, à estimer le risque d’une réaction sévère et expliquer une réactivité croisée.
106
+
107
+ Il existe également des tests qui mesurent la quantité d’IgE totales dans le sang. Cependant un faible taux d’IgE totales ne permet pas d’écarter une sensibilisation aux allergènes inhalés courants. De plus, des méthodes statistiques telles que les courbes ROC, les valeurs prédictives, et les rapports de vraisemblance qui examinent la relation entre différentes méthodes de tests ont montré que les patients avec une concentration élevée d’IgE totales ont une forte probabilité de sensibilisation allergique, mais que des investigations plus approfondies avec des tests d’IgE spécifiques pour des allergènes soigneusement choisis est souvent justifiée.
108
+
109
+ Ce sont généralement des tests indolores sur le bras ou dans le dos, basé sur la mise en contact avec le derme de substances potentiellement allergisantes pour l'individu. Après quelques minutes, la réaction immunitaire fait apparaître une marque plus ou moins importante. Plus cette marque est importante par rapport au témoin (de l'histamine), plus l'allergie à la substance est importante.
110
+
111
+ Si le patient a antérieurement connu des réactions fortes (choc anaphylactique), on évite ce type de test ou on le pratique en milieu hospitalier à proximité d'un service de réanimation.
112
+
113
+ La médecine propose 4 types de solutions à l'allergie :
114
+
115
+ Sur les autres projets Wikimedia :
fr/1550.html.txt ADDED
@@ -0,0 +1,427 @@
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
1
+
2
+
3
+ Gaz carbonique, anhydride carbonique
4
+
5
+ équation[5] :
6
+
7
+
8
+
9
+ ρ
10
+ =
11
+ 2.768
12
+
13
+ /
14
+
15
+
16
+ 0.26212
17
+
18
+ (
19
+ 1
20
+ +
21
+ (
22
+ 1
23
+
24
+ T
25
+
26
+ /
27
+
28
+ 304.21
29
+
30
+ )
31
+
32
+ 0.2908
33
+
34
+
35
+ )
36
+
37
+
38
+
39
+
40
+ {\displaystyle \rho =2.768/0.26212^{(1+(1-T/304.21)^{0.2908})}}
41
+
42
+
43
+ Masse volumique du liquide en kmol·m-3 et température en kelvins, de 216,58 à 304,21 K.
44
+ Valeurs calculées :
45
+ 0,71354 g·cm-3 à 25 °C.
46
+
47
+
48
+
49
+ 569,1 mmHg (−82 °C) ;
50
+ 104,2 mmHg (−100 °C) et
51
+ 10,5 mmHg (−120 °C)[3]
52
+
53
+ équation[5] :
54
+
55
+
56
+
57
+
58
+ P
59
+
60
+ v
61
+ s
62
+
63
+
64
+ =
65
+ e
66
+ x
67
+ p
68
+ (
69
+ 140.54
70
+ +
71
+
72
+
73
+
74
+
75
+ 4735
76
+
77
+ T
78
+
79
+
80
+ +
81
+ (
82
+
83
+ 21.268
84
+ )
85
+ ×
86
+ l
87
+ n
88
+ (
89
+ T
90
+ )
91
+ +
92
+ (
93
+ 4.0909
94
+ E
95
+
96
+ 2
97
+ )
98
+ ×
99
+
100
+ T
101
+
102
+ 1
103
+
104
+
105
+ )
106
+
107
+
108
+ {\displaystyle P_{vs}=exp(140.54+{\frac {-4735}{T}}+(-21.268)\times ln(T)+(4.0909E-2)\times T^{1})}
109
+
110
+
111
+ Pression en pascals et température en kelvins, de 216,58 à 304,21 K.
112
+ Valeurs calculées :
113
+ 6 447 890,53 Pa à 25 °C.
114
+
115
+ équation[5] :
116
+
117
+
118
+
119
+
120
+ C
121
+
122
+ P
123
+
124
+
125
+ =
126
+ (
127
+
128
+ 8.3043
129
+ E
130
+ 6
131
+ )
132
+ +
133
+ (
134
+ 104370
135
+ )
136
+ ×
137
+ T
138
+ +
139
+ (
140
+
141
+ 433.33
142
+ )
143
+ ×
144
+
145
+ T
146
+
147
+ 2
148
+
149
+
150
+ +
151
+ (
152
+ 0.60052
153
+ )
154
+ ×
155
+
156
+ T
157
+
158
+ 3
159
+
160
+
161
+
162
+
163
+ {\displaystyle C_{P}=(-8.3043E6)+(104370)\times T+(-433.33)\times T^{2}+(0.60052)\times T^{3}}
164
+
165
+
166
+ Capacité thermique du liquide en J·kmol-1·K-1 et température en kelvins, de 220 à 290 K.
167
+ Valeurs calculées :
168
+
169
+
170
+
171
+ équation[8] :
172
+
173
+
174
+
175
+
176
+ C
177
+
178
+ P
179
+
180
+
181
+ =
182
+ (
183
+ 27.437
184
+ )
185
+ +
186
+ (
187
+ 4.2315
188
+ E
189
+
190
+ 2
191
+ )
192
+ ×
193
+ T
194
+ +
195
+ (
196
+
197
+ 1.9555
198
+ E
199
+
200
+ 5
201
+ )
202
+ ×
203
+
204
+ T
205
+
206
+ 2
207
+
208
+
209
+ +
210
+ (
211
+ 3.9968
212
+ E
213
+
214
+ 9
215
+ )
216
+ ×
217
+
218
+ T
219
+
220
+ 3
221
+
222
+
223
+ +
224
+ (
225
+
226
+ 2.9872
227
+ E
228
+
229
+ 13
230
+ )
231
+ ×
232
+
233
+ T
234
+
235
+ 4
236
+
237
+
238
+
239
+
240
+ {\displaystyle C_{P}=(27.437)+(4.2315E-2)\times T+(-1.9555E-5)\times T^{2}+(3.9968E-9)\times T^{3}+(-2.9872E-13)\times T^{4}}
241
+
242
+
243
+ Capacité thermique du gaz en J mol−1 K−1 et température en kelvins, de 50 à 5 000 K.
244
+ Valeurs calculées :
245
+ 38,418 J·mol-1·K-1 à 25 °C.
246
+
247
+ b = 3,535 Å
248
+ c = 4,140 Å
249
+ α = 90,00°
250
+ β = 90,00°
251
+ γ = 90,00°[10]
252
+
253
+ Le dioxyde de carbone, aussi appelé gaz carbonique ou anhydride carbonique, est un composé inorganique dont la formule chimique est CO2, la molécule ayant une structure linéaire de la forme O=C=O. Il se présente, sous les conditions normales de température et de pression, comme un gaz incolore, inodore, à la saveur piquante.
254
+
255
+ Le CO2 est utilisé par l'anabolisme des végétaux pour produire de la biomasse à travers la photosynthèse, processus qui consiste à réduire le dioxyde de carbone par l'eau, grâce à l'énergie lumineuse reçue du soleil et captée par la chlorophylle, en libérant de l'oxygène pour produire des oses, et en premier lieu du glucose par le cycle de Calvin. Le CO2 est libéré, à travers le cycle de Krebs, par le catabolisme des plantes, des animaux, des fungi (mycètes, ou champignons) et des micro-organismes. Ce catabolisme consiste notamment à oxyder les lipides et les glucides en eau et en dioxyde de carbone grâce à l'oxygène de l'air pour produire de l'énergie et du pouvoir réducteur, sous forme respectivement d'ATP et de NADH + H+. Le CO2 est par conséquent un élément fondamental du cycle du carbone sur notre planète. Il est également produit par la combustion des énergies fossiles telles que le charbon, le gaz naturel et le pétrole, ainsi que par celle de toutes les matières organiques en général. C'est un sous-produit indésirable dans les processus industriels à grande échelle.
256
+
257
+ Des quantités significatives de CO2 sont par ailleurs rejetées par les volcans et autres phénomènes géothermiques tels que les geysers.
258
+
259
+ En juin 2019, l'atmosphère terrestre comportait 413 ppmv (parties par million en volume) de CO2, soit 0,0413 %[14]. En 2009, cette concentration atteignait précisément 386 ppmv[15], contre seulement 283,4 ppmv en 1839 d'après les carottes de glace prélevées dans la région du cap Poinsett dans l'Antarctique[16], soit une augmentation globale d'environ 42 % en 177 ans[17]. En 2017, avec 405 ppm, il a dépassé un taux jamais atteint depuis 800 000 ans[18].
260
+
261
+ Le CO2 est un gaz à effet de serre important, transparent en lumière visible mais absorbant dans le domaine infrarouge, de sorte qu'il tend à bloquer la réémission vers l'espace de l'énergie thermique reçue au sol sous l'effet du rayonnement solaire ; il serait responsable de 26 % de l'effet de serre à l'œuvre dans notre atmosphère (la vapeur d'eau en assurant 60 %)[19], où l'augmentation de sa concentration serait en partie responsable du réchauffement climatique constaté à l'échelle de notre planète depuis les dernières décennies du XXe siècle. Par ailleurs, l'acidification des océans résultant de la dissolution du dioxyde de carbone atmosphérique pourrait compromettre la survie de nombreux organismes marins[20] avant la fin du XXIe siècle[21], notamment tous ceux à exosquelette calcifié tels que les coraux[22],[23] et les coquillages[24], mais aussi de certains poissons[25].
262
+
263
+ À pression atmosphérique, il se sublime à −78,5 °C[11] (passage de l'état solide à l'état gazeux), mais ne fond pas (passage de l'état solide à l'état liquide).
264
+
265
+ La phase liquide ne peut exister qu'à une pression minimale de 519 kPa (soit 5,12 atm), et dans un intervalle de température allant de −56,6 °C (point triple) à 31,1 °C au maximum à 7,38 MPa (soit 72,8 atm) (point critique).
266
+
267
+ Il existerait au moins cinq phases solides moléculaires (existant à « basse » pression, moins de 30 à 60 GPa) et trois phases solides polymériques (aux pressions plus élevées) du CO2[27] :
268
+
269
+ Le CO2 se dissout dans l’eau et y forme de l’acide carbonique H2CO3 :
270
+ CO2 (aq) + H2O(l)  
271
+
272
+
273
+
274
+
275
+
276
+
277
+ {\displaystyle \rightleftharpoons }
278
+
279
+   H2CO3 (aq), avec Kh = [H2CO3] / [CO2] ≈ 1,70 × 10−3 à 25 °C.
280
+
281
+ Il est également liposoluble (soluble dans les corps gras).
282
+
283
+ L’acide carbonique n’est que modérément stable et il se décompose facilement en H2O et CO2. En revanche, lorsque le dioxyde de carbone se dissout dans une solution aqueuse basique (soude, potasse…), la base déprotone l’acide carbonique pour former un ion hydrogénocarbonate HCO–3, aussi appelé ion bicarbonate, puis un ion carbonate CO2–3. De cette façon, la solubilité du CO2 est considérablement augmentée. Le carbonate de potassium K2CO3 a par exemple une solubilité de 1,12 kg/l d'eau à 20 °C.
284
+
285
+ C'est ainsi que le calcaire se dissout dans l'eau, dans la plage de pH dans laquelle l'hydrogénocarbonate acide est stable, en produisant une solution d'hydrogénocarbonate(s) (de calcium et de magnésium…). Il est donc susceptible de précipiter lorsque le CO2 dissous est dégazé, comme dans la formation des stalagmites et des stalactites. Le calcaire a ainsi, en présence de CO2, une solubilité qui diminue quand la température augmente, à l'instar des gaz et au contraire de la plupart des solides (dont la solubilité augmente généralement avec la température).
286
+
287
+ Dans certaines conditions (haute pression + basse température) le CO2 peut être piégé dans des cages d'eau dites clathrates[28],[29],[30]. C'est un des moyens possibles de séparation industrielle du CO2 contenu dans un gaz[31] en pré- ou post-combustion[32]. C'est aussi un des moyens envisagés de séquestration de CO2 industrielle[33],[34] ou de stockage géologique étudié, éventuellement corrélativement à la dessalinisation d'eau de mer[35],[36] (il peut théoriquement même être substitué au méthane d'hydrate de méthane[Quoi ?])[37].
288
+
289
+ Le dioxyde de carbone est l'un des premiers gaz (avec la vapeur d'eau) à avoir été décrit comme étant une substance distincte de l'air. Au XVIIe siècle, le chimiste et médecin flamand Jean-Baptiste Van Helmont observa qu'en brûlant du charbon de bois en vase clos, la masse des cendres résultantes est inférieure à celle du charbon. Son interprétation était que la masse manquante s'était transmutée en une substance invisible qu'il nomme « gas » ou spiritus sylvestre (« esprit sauvage »)[38].
290
+
291
+ Les propriétés du dioxyde de carbone furent étudiées plus en détail dans les années 1750 par le chimiste et physicien écossais Joseph Black. Il découvrit qu'en chauffant ou en versant un acide sur du calcaire (roche composée de carbonate de calcium), il en résultait l'émission d'un gaz, qu'il nomma « air fixe », mettant à mal la théorie du phlogiston encore enseignée à cette époque. Il observa que celui-ci est plus dense que l'air et qu'il ne peut ni entretenir une flamme, ni la vie d'un animal. Black découvrit également que lorsque le dioxyde de carbone est introduit dans une solution calcaire (hydroxyde de calcium), il en résulte un précipité de carbonate de calcium. Il utilisa ce phénomène pour illustrer le fait que le dioxyde de carbone est produit par la respiration animale et la fermentation microbienne[39].
292
+
293
+ En 1772, le chimiste anglais Joseph Priestley publia un ouvrage intitulé Impregnating Water with Fixed Air dans lequel il décrivit un processus consistant à verser de l'acide sulfurique (ou « huile de vitriol » comme on la nommait à cette époque) sur de la craie afin de produire du dioxyde de carbone, puis forçant le gaz à se dissoudre dans un bol d'eau. Il venait d'« inventer » l'eau gazeuse[40]. Le procédé est ensuite repris par Johann Jacob Schweppe qui fonda, en 1790, à Londres une usine de production de soda connue sous le nom de Schweppes.
294
+
295
+ En 1781, le chimiste français Antoine Lavoisier mit en évidence le fait que ce gaz est le produit de la combustion du carbone avec le dioxygène.
296
+
297
+ Le dioxyde de carbone fut liquéfié pour la première fois en 1823 par Humphry Davy et Michael Faraday[41]. La première description du dioxyde de carbone en phase solide fut écrite par Charles Thilorier (en), qui en 1834 ouvrit un container pressurisé de gaz carbonique liquéfié et découvrit que le refroidissement produit par la rapide évaporation du liquide générait de la « neige » de CO2[42],[43].
298
+
299
+ Le dioxyde de carbone est commercialisé sous différentes formes pour des usages variés, dans un marché dominé par des grandes entreprises comme Messer, Air liquide et Air Products[44]. Pour l'industrie agro-alimentaire, la norme de référence en Europe est éditée par l'European Industrial Gases Association (de) (association européenne des gaz industriels)[45]. En France, elle représente 70 % de la consommation[44].
300
+
301
+ L'Agence internationale de l'énergie a publié en septembre 2019 un rapport sur les utilisations du CO2, qu'il évalue à 230 Mt/an, dont 130 Mt/an pour la fabrication d'engrais et 80 Mt/an pour la récupération assistée de pétrole et de gaz naturel. L'objectif de ce rapport est d'évaluer leur potentiel de contribution à la compensation des émissions de CO2. Il conclut que ce potentiel est faible à court terme, et restera à long terme très inférieur à celui de la capture et séquestration du dioxyde de carbone ; les pistes les plus prometteuses sont les utilisations dans les matériaux de construction, dans la fabrication de polymères et dans les serres[46].
302
+
303
+ Le CO2 a de nombreuses utilisations, dont :
304
+
305
+ Sous forme liquide, il est utilisé comme :
306
+
307
+ Quand il est utilisé comme fluide frigorigène, le CO2 porte la dénomination de nomenclature industrielle « R744 ». Son utilisation comme fluide frigorigène tend à se démocratiser ces dernières années : il est considéré comme « frigorigène naturel », et son potentiel de réchauffement global est très faible comparé aux fluides frigorigènes « traditionnels ».
308
+
309
+ À pression atmosphérique, le dioxyde de carbone n’est jamais sous forme liquide. Il passe directement de la forme solide à la forme gazeuse (sublimation).
310
+
311
+ Le dioxyde de carbone sous forme solide a de nombreuses appellations : « glace carbonique », « neige carbonique », « Carboglace »[48], « glace sèche ». Il est issu de la solidification du CO2 liquide. On obtient de la neige carbonique qui est ensuite comprimée pour obtenir de la glace carbonique.
312
+
313
+ Dans sa phase solide, cette glace carbonique se sublime en ne laissant aucun résidu, avec une enthalpie de sublimation de 573 kJ kg−1[49] (soit 25,2 kJ mol−1), à −78,5 °C et à 1 atm. On lui a donc rapidement trouvé de multiples utilisations en tant que réfrigérant.
314
+
315
+ Il est commercialisé sous différentes présentations selon son usage :
316
+
317
+ Le dioxyde de carbone solide est également présent sous forme de neige carbonique aux pôles de la planète Mars, où il couvre pendant l'hiver local les calottes glaciaires (composées d'eau très majoritairement) et leurs périphéries, ainsi que sous forme de givre carbonique à plus basse latitude, en fin de nuit au début des printemps locaux (photographies prises par les atterrisseurs Viking, le rover Sojourner, l’atterrisseur Phoenix, et de nombreuses images HRSC). Des dépôts importants en sont géologiquement séquestrés au pôle sud[50].
318
+
319
+ Au-delà de son point critique, le dioxyde de carbone entre dans une phase appelée supercritique. La courbe d'équilibre liquide-gaz est interrompue au niveau du point critique, assurant à la phase supercritique un continuum des propriétés physico-chimiques sans changement de phase. C'est une phase aussi dense qu'un liquide mais assurant des propriétés de transport (viscosité, diffusion) proches de celles d'un gaz. Le dioxyde de carbone supercritique est utilisé comme solvant vert, les extraits étant exempts de trace de solvant.
320
+
321
+ Sous cette forme, il sert comme :
322
+
323
+ C'est un sous-produit de processus industriels à grande échelle. Un exemple est la production d'acide acrylique qui est produit dans une quantité de plus de cinq millions de tonnes par an. Le défi dans le développement de ces procédés est de trouver un catalyseur et des conditions de procédé appropriés qui maximisent la formation du produit et minimisent la production de CO2[51],[52],[53],[54].
324
+
325
+ Le dioxyde de carbone est une molécule très stable, avec une enthalpie standard de formation de −393,52 kJ mol−1. Le carbone présente une charge partielle positive, ce qui rend la molécule faiblement électrophile. Par exemple, un carbanion va pouvoir réaliser une addition nucléophile sur le CO2 et former un acide carboxylique après hydrolyse. Par ailleurs, le CO2 peut être utilisé pour former des carbonates organiques, par addition sur des époxydes.
326
+
327
+ Enfin, le CO2 peut être réduit, par exemple en monoxyde de carbone par électrochimie avec un potentiel redox de −0,53 V par rapport à l'électrode standard à hydrogène[55] ou par hydrogénation.
328
+
329
+ L'air extérieur contient, en 2019, environ 0,04 % de CO2 (412 ppm en janvier 2019)[56].
330
+
331
+ À partir d'une certaine concentration dans l'air, ce gaz s'avère dangereux voire mortel à cause du risque d'asphyxie ou d'acidose, bien que le CO2 ne soit pas chimiquement toxique. La valeur limite d'exposition est de 3 % sur une durée de quinze minutes[57]. Cette valeur ne doit jamais être dépassée. Au-delà, les effets sur la santé sont d'autant plus graves que la teneur en CO2 augmente. Ainsi, à 2 % de CO2 dans l'air, l'amplitude respiratoire augmente. À 4 %, la fréquence respiratoire s'accélère. À 10 %, peuvent apparaître des troubles visuels, des tremblements et des sueurs. À 15 %, c'est la perte de connaissance brutale. À 25 %, un arrêt respiratoire entraîne le décès.
332
+
333
+ L'inhalation de dioxyde de carbone concentré entraîne un blocage de la ventilation, parfois décrit comme une violente sensation d'étranglement, un souffle coupé, une détresse respiratoire ou encore une oppression thoracique, pouvant rapidement mener au décès si l'exposition est prolongée.
334
+
335
+ Des études signalent selon l'ANSES « des concentrations associées à des effets sanitaires intrinsèques du CO2 (seuil à environ 10 000 ppm correspondant à l'apparition d'une acidose respiratoire (baisse du pH sanguin), premier effet critique du CO2) ». Une acidose respiratoire peut survenir dès 1 % (10 000 ppm) de CO2 dans l'air, s'il est respiré durant trente minutes ou plus par un adulte en bonne santé avec une charge physique modérée, et probablement plus tôt chez des individus vulnérables ou sensibles. Ces taux « sont supérieurs aux valeurs limites réglementaire et/ou normative de qualité du renouvellement d'air en France et au niveau international, qui varient usuellement entre 1 000 et 1 500 ppm de CO2 ». Une petite étude expérimentale (ayant concerné 22 adultes) a conclu à un effet du CO2 sur la psychomotricité et la fonction intellectuelle (prise de décision, résolution de problèmes) dès de 1 000 ppm (étude de Satish et al., 2012), mais cette étude doit être confirmée par des travaux ayant une puissance statistique plus élevée[58]. L'ANSES note qu'il y a finalement peu d'études épidémiologiques sur ce gaz commun, dont sur d'éventuels effets CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques)[58].
336
+
337
+ Le dioxyde de carbone étant un gaz incolore et lourd s'accumulant en nappes, il est difficilement détectable par une personne non expérimentée.
338
+
339
+ Les humains passent de plus en plus de temps en atmosphère confinée (environ 80-90 % du temps dans un bâtiment ou un véhicule). Selon l'ANSES et divers acteurs[59] en France, le taux de CO2 dans l'air intérieur des bâtiments (lié à l'occupation humaine ou animale et à la présence d'installations de combustion), pondéré par le renouvellement de l'air, est « habituellement compris entre 350 et 2 500 ppm environ »[58].
340
+
341
+ Dans les logements, les écoles, les crèches et les bureaux, il n'y a pas de relations systématiques entre les taux de CO2 et d'autres polluants, et le CO2 intérieur n'est statistiquement pas un bon prédicteur de polluants liés au trafic routier (ou aérien...) extérieur[60]. Le CO2 est le paramètre qui change le plus vite (avec l'hygrométrie et le taux d'oxygène quand des humains ou des animaux sont rassemblés dans une pièce fermée ou mal aérée[61]. Dans les pays pauvres de nombreux foyers ouverts sont sources de CO2 et de CO émis directement dans le lieu de vie. Or séjourner toute la journée dans un air dont le taux de CO2 atteint ou dépasse 600 ppm dégrade nos capacités cognitives (penser, raisonner, se souvenir, décider)[62]. Selon une étude publiée dans Environmental Health Perspectives, de faibles variations du taux de CO2 dans l'air affectent fortement nos capacités de pensée complexe et de prise de décision. Ce taux de 600 ppm est souvent atteint dans l'air intérieur où il dépasse souvent 1 000 ppm, plusieurs fois par jour avec par exemple une teneur moyenne de 3 110 mg/m3 de CO2 dans les salles de classes étudiées ; au détriment des capacités d'apprentissage des enfants[63]) .
342
+
343
+ Un cas particulier est celui des salles de sport où l'effort physique implique un besoin supplémentaire en oxygène et une augmentation du CO2 expiré par les joueurs (et les spectateurs). Par exemple, lors des matchs de hockey sur glace, le CO2 augmente de 92 à 262 ppm lors d'un match (surtout joué par des hommes adultes). Au centre de la patinoire, le taux de CO2 dépasse les 1000 ppm à chaque match (seuil max. recommandé par l'Institut norvégien de la santé publique)[64]. Les mesures in situ montrent qu'un joueur respire un air plus enrichi en CO2 que les spectateurs, et que le taux de CO2 descend durant les temps de repos et remonte durant le temps joué. La nuit après un match, dans une salle de hockey fermée, il faut près d'une dizaines d'heures pour retrouver un taux de CO2 bas (600 à 700 ppm), qui est encore au-dessus de la normale[64]. En outre dans les pays froids, tempérés ou chauds, de nombreuses salles de sport sont climatisées ; pour des raisons d'économies d'énergie elles n'ont pas un renouvellement d'air extérieur constant ou suffisant. Durant un match de hockey sur glace, les femmes et les enfants émettent moins de CO2 que les hommes, mais dans une même salle, le degré d'augmentation du taux de CO2 dans l'air de la salle de sport est comparable, et dans tous les cas étudiés la pause entre deux matchs ne réduit pas la concentration en CO2 assez pour que le début de la deuxième période soit aussi faible que le début de la première[65]. Quand le nombre de spectateurs augmente, le taux de CO2 dans la salle augmente plus encore[64]. Le nombre d'ouvertures/fermetures de portes donnant sur l'extérieur influe aussi sur le renouvellement d'air et donc le taux de CO2 dans la salle de sport. Des études ont montré une diminution des performances cognitives et de décision ou d'apprentissage quand le CO2 augmente. Peu d'études ont porté sur l'effet de ce même CO2 sur les performances sportives d'un individu ou de son équipe[66].
344
+
345
+ Il n'est pas réglementé dans l'air du domicile ; mais il doit être mesuré en tant qu'« indicateur de confinement et de la qualité du renouvellement de l'air » dans certains lieux confinés, sur la base de normes dont l'ANSES estime qu'elles n'ont pas de bases sanitaires[58].
346
+
347
+ En France, le règlement sanitaire départemental (RSD) recommande de ne pas passer le seuil de 1 000 ppm (partie par million) « dans des conditions normales d'occupation », avec une tolérance à 1 300 ppm dans les lieux où il est interdit de fumer (« sans fondement sanitaire explicite de ces deux valeurs » selon l'Anses[58].
348
+
349
+ Un décret du 5 janvier 2012 impose une surveillance de la qualité de l'air intérieur à certains établissements recevant du public sensible tel que les enfants ; il propose le calcul d'un « indice de confinement » dit « indice Icone » (proposé par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) sur la base de la fréquence de dépassement des niveaux de CO2 par rapport à deux seuils de 1 000 et 1 700 ppm dans les salles de classe[58].
350
+
351
+ En milieu professionnel, la question de la sécurité et de la prévention liée aux risques d'intoxication au dioxyde de carbone est une préoccupation majeure pour limiter les risques d'accident du travail[67]. Faute de données épidémiologiques, il n'a cependant pas été considéré comme pertinent en France comme indicateur de la qualité sanitaire de l'air intérieur par l'Anses qui ne prévoit pas de valeur guide de qualité d'air intérieur (VGAI) pour ce polluant[58].
352
+
353
+ Dans de fortes concentrations approchant les 50 à 100 %, telles que celles retrouvées dans les nappes de dioxyde de carbone d'origine artificielle en milieu professionnel, il peut se produire un effet de sidération nerveuse et une perte de conscience immédiate, suivie d'une mort rapide en l'absence d'aide extérieure. Ces accidents présentent un risque élevé de suraccident, des témoins pouvant se précipiter au secours de la victime sans penser à leur propre sécurité et devenir eux aussi victimes de l'intoxication.
354
+
355
+ Le dioxyde de carbone n'est normalement présent dans l'atmosphère terrestre qu'à l'état de traces. Il est mesuré via un indice, nommé « Annual Greenhouse Gas Index » (AGGI) depuis 1979 par un réseau d'une centaine de stations sur terre et en mer, disposées de l'Arctique au pôle Sud.
356
+
357
+ Depuis la révolution industrielle, en raison de la combustion constante de très grandes quantités de carbone fossile, alors que la régression des incendies, des forêts et des superficies végétalisées se poursuit, le taux de CO2 dans l'air augmente régulièrement (actuellement : 405 ppm en volume[74]. Ceci correspond à une masse totale de CO2 atmosphérique d'environ 3,16 × 1015 kg (environ trois mille gigatonnes). L'année 1990 (qui correspond à un surplus d'environ 2,1 W/m2 par rapport à 1980) est l'année de référence retenue pour le protocole de Kyoto (elle a donc un « indice AGGI » de 1)[75],[76]. Un groupe de recherche spécifique sur le cycle du carbone et les gaz à effet de serre a été mis en place[77].
358
+
359
+ À un instant t, la teneur en CO2 diffère dans chaque hémisphère, avec dans chaque hémisphère des variations saisonnière régulières (cf. motif « en dents de scie » sur le graphique de droite, montrant une baisse de CO2 en saison de végétation et une augmentation en hiver). Il existe aussi des variations régionales en particulier au niveau de la couche limite atmosphérique, c'est-à-dire dans les couches proches du sol.
360
+
361
+ Les taux de CO2 sont généralement plus élevés dans les zones urbaines et dans les habitations (jusqu'à dix fois le niveau de fond).
362
+
363
+ Peu après la formation de la terre (bien avant l'apparition de la vie), alors que le soleil était presque deux fois moins « chaud », la pression initiale de CO2 était environ 100 000 fois plus élevée qu'aujourd’hui (30 à 60 atmosphères de CO2 (soit 3 000 000 à 6 000 000 pascals), soit 100 000 fois la quantité actuelle de CO2 il y a environ 4,5 milliards d'années)[78].
364
+
365
+ Puis la vie et la photosynthèse sont apparues, prélevant le CO2 de l'atmosphère et de l'eau pour le transformer en roches carbonatées et en charbon, pétrole et gaz naturel, en grande partie enfouis dans les profondeurs de la terre[78]. Le taux de CO2 a néanmoins encore connu quelques pics de bien moindre importance (vingt fois plus élevée qu'aujourd'hui il y a environ un demi milliard d'années, mais le soleil était alors moins chaud qu'aujourd'hui (le rayonnement solaire croît avec le temps ; il a augmenté d'environ 40 % dans les quatre derniers milliards d'années)[78]. Le taux de CO2 a encore chuté de quatre-cinq fois durant le Jurassique, puis a diminué lentement, sauf, de manière accélérée durant un épisode géologiquement bref, dit « évènement Azolla » (il y a environ 49 millions d'années)[79],[80].
366
+
367
+ Le volcanisme émet aussi du CO2 (jusqu'à 40 % des gaz émis par certains volcans lors des éruptions subaériennes sont du dioxyde de carbone[81]) et certaines sources chaudes en émettent aussi (par exemple sur le site italien de Bossoleto près de Rapolano Terme où dans une dépression en forme de cuvette d'environ 100 m de diamètre, par nuit calme, le taux de CO2 peut grimper de 75 % en quelques heures, assez pour tuer les insectes et petits animaux. Mais la masse de gaz se réchauffe rapidement quand le site est ensoleillé et est alors dispersée par les courants de convection de l'air durant la journée[82]. Localement des concentrations élevées de CO2, produites par la perturbation de l'eau d'un lac profond saturé en CO2 peuvent aussi tuer (exemple : 37 morts lors d'une éruption de CO2 à partir du lac Monoun au Cameroun en 1984 et 1 700 victimes autour du lac Nyos (Cameroun également) en 1986[83].
368
+
369
+ Les émissions de CO2 par les activités humaines sont actuellement plus de 130 fois supérieures à la quantité émise par les volcans, d'un montant de près de 27 milliards de tonnes par an en 2007[84]. En 2012, la Chine est le premier émetteur mondial de dioxyde de carbone avec 27 % du total, et les États-Unis, en deuxième position, produit 14 % du total mondial[85]. En 2016, l’agence météorologique de l’ONU indique que la concentration de dioxyde de carbone a atteint un nouveau record historique, soit 403,3 ppm[86], et un record de température a été battu pour l'El Niño de 2017 selon l'OMM[18] alors qu'avec 405 ppm, le taux de CO2 de l'air n'avait jamais été aussi élevé depuis environ 800 000 ans[18].
370
+
371
+ Les émissions mondiales de CO2 augmentent de 2,7 % en 2018, ce qui constitue la plus forte hausse en sept ans[87]. Dans un rapport de 2019, les concentrations en CO2 ont atteint 407,8 ppm en 2018, un constat corrélé également à l'augmentation des concentrations de méthane (CH4) et de protoxyde d'azote (N2O)[88].
372
+
373
+ Un taux plus élevé de CO2 stimule la photosynthèse et la croissance des plantes, avec des avantages potentiels pour la productivité des cultures céréalières, première source alimentaire dans le monde[89] pour les humains et les animaux d'élevage. Le carbone, tiré du dioxyde de carbone de l'air par les plantes autotrophes grâce au processus de la photosynthèse, ou tiré du carbone du sol, est effectivement l'un des principaux nutriments du réseau trophique. L'augmentation de la biomasse est l'un des effets des simulations d'expériences prédisant une augmentation de 5 à 20 % du rendement des cultures à 550 ppm de CO2. Il a été démontré que les taux de photosynthèse foliaire augmentent de 30 à 50 % dans les plantes C3 et de 10 à 25 % dans le C4 sous des niveaux de CO2 doublés[90].
374
+
375
+ À partir de 2010, un tableau plus complet se dessine, avec une différence significative des réponses observées pour différentes espèces végétales, les disponibilités en eau et la concentration d'ozone. Par exemple, le projet Horsham Free-air concentration enrichment (en) (FACE) 2007-2010 (utilisant des cultures de blé) à Victoria, en Australie, a constaté que « l'effet de l'eCO2 était d'augmenter la biomasse des cultures à maturité de 20 % et la biomasse des racines de l'anthèse de 49 % »[91]. Il a été constaté qu'une augmentation du dioxyde de carbone atmosphérique réduisait la consommation d'eau des plantes et, par conséquent, l'absorption d'azote, ce qui bénéficiait particulièrement aux rendements des cultures dans les régions arides[92].
376
+
377
+ Cependant, si l'élévation du taux de CO2 atmosphérique dope effectivement la croissance (des céréales par exemple), pour des raisons encore mal comprises, elle diminue alors la valeur nutritionnelle des principales cultures de base (riz, blé et pomme-de-terre notamment), en diminuant leur taux de protéines[93], d'oligo-éléments et de vitamines du groupe B[94],[95]. En conditions expérimentales, le taux de CO2 augmenté (même non-combiné à une température augmentée) se traduit par un taux de sucres plus élevé dans les végétaux cultivés (source d'alcools de plus en plus forts pour le raisin), mais aussi par des carences en protéines et en minéraux[96]. Le riz présente en outre souvent des concentrations élevées d'arsenic[97], que l'acidification des milieux peut aggraver. Enfin, des concentrations plus élevées de CO2 exacerbent l'acidification des eaux douces et l'acidification des océans, ce qui pourrait affecter la productivité des algues (et donc l'algoculture).
378
+
379
+ Pour cette raison, selon une étude récente (2018), dès 2015-2050, le taux anormalement élevé de CO2 de notre atmosphère pourrait dans le monde entraîner avant 2050 des maladies induites chez l'homme et certains animaux d'élevage (porcs, vaches, volailles) par des carences alimentaires[98]. Dans une étude publiée dans un numéro spécial de PLOS Medicine sur le changement climatique et la santé, Christopher Weyant et ses collègues de l'université Stanford se sont concentrés sur deux micronutriments essentiels, le zinc et le fer[98],[99]. En tenant compte du dérèglement climatique et des habitudes alimentaires, ils montrent que le risque de maladie évoluera dans les 137 pays[100]. Si rien n'est fait, l'augmentation du taux de CO2 diminuera le taux de zinc et de fer des aliments, coûtant environ 125,8 millions d'années de vie corrigées de l'incapacité (intervalle de confiance de 95 % [CrI] 113,6–138,9) dans le monde pour la période 2015–2050, en raison d'une augmentation des maladies infectieuses, des diarrhées et des cas d'anémie, tout particulièrement en Asie du Sud-Est et Afrique où la population est déjà très affectée par des carences en zinc et fer[98]. Les enfants seraient particulièrement affectés, avec des risques de troubles irréversibles du développement liés à ces carences, transmissible sur plusieurs générations au moins pour des raisons épigénétiques[101].
380
+
381
+ L'étude de Weyant indiquerait aussi que l'inégalité nutritionnelle pourrait augmenter, et montrerait que les réponses traditionnelles de santé publique (dont la supplémentation en minéraux et vitamines, et le contrôle renforcé des maladies humaines et animales) pourraient ne pas suffire à endiguer le phénomène. En effet, de telles réponses ne permettraient de réduire que 26,6 % (95 % des IC 23,8–29,6) de ce fardeau sanitaire, humain et économique, tandis qu'une stratégie efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre, telle que proposée par l'Accord de Paris sur le climat, permettrait d'éviter jusqu'à 48,2 % (95% de l'indice CIF 47,8–48,5) de cette charge[98].
382
+
383
+ Bien que le CO2 nourrisse la croissance des plantes, son excès induit une dégradation de leur valeur alimentaire qui aura des conséquences globales pour toutes les créatures vivantes qui consomment des plantes, y compris l'homme[98]. Les auteurs incitent à mieux étudier les effets de l'augmentation du CO2 atmosphérique sur d'autres composés d'origine végétale ayant des implications pour la santé humaine (ex : acides gras, vitamines, composés pharmacologiques[102],[95], d'autant que cette étude n'a pas tenu compte d'autres conséquences de l'augmentation du CO2, sur les aléas météorologique et biologiques (déprédation accrue...) sur la sécurité alimentaire, l'accès aux aliments, leur usage et la stabilité des prix, ni les chaines de conséquences différées dans l'espace et le temps (effets à long terme de la dénutrition notamment)[103].
384
+
385
+ Les rendements agricoles stagnent ou se dégradent dans une partie du monde, en raison notamment du réchauffement (vagues de chaleur...) et de régimes de précipitations modifiés. Les cultures vitales (blé et riz notamment) sont déjà affectées en zone tropicale et tempérée et des études prospectives laissent penser que les cultures de riz et de maïs pourrait décliner de 20 à 40 % rien qu'à cause des hausses de température prévues en zone tropicale et subtropicale d'ici à 2100, dans même prendre en compte les effets des évènements climatiques extrêmes[104]. Ce contexte pourrait causer des hausses des prix des aliments, les rendant inabordable pour les plus pauvres, alors que la hausse des teneurs de l'air en CO2 pourrait aussi réduire la qualité nutritionnelle, des céréales notamment, importantes pour la santé humaine et, potentiellement, pour celle des animaux (également sources de lait et de viande (et donc de protéines)[98], pendant qu'en mer la biomasse en poisson diminue aussi.
386
+
387
+ « On ignore encore si le déclin de la valeur nutritive des cultures vivrières induit par le CO2 est linéaire et si la qualité nutritionnelle a déjà baissé en raison de l'augmentation du CO2 depuis le début de la révolution industrielle. »
388
+
389
+ En complément des mesures d'adaptation au Changement climatique, les mesures de réduction des émissions de CO2 et piégeage biologique du CO2 restent urgemment nécessaires. Des cultivars moins sensibles aux déficits nutritionnels dans un climat qui se réchauffe sont à rechercher concluent les travaux de Weyant et ses collègues[98].
390
+
391
+ Les effets de l'augmentation du CO2 sur les plantes se montrent plus préoccupants que ce qui était prédit par les premiers modèles des années 1990 et du début des années 2000[105]. Morgan et al., sur la base d'expériences de laboratoire et in situ, ont confirmé dès 2004 que dans les écosystèmes émergés, le CO2, même quand il améliore la productivité en termes de biomasse, peut néanmoins avoir des effets négatifs en modifiant la composition des espèces et en réduisant la digestibilité des graminées courtes par exemple dans la végétation steppique)[106].
392
+
393
+ Le CO2 est le deuxième gaz à effet de serre le plus important dans l'atmosphère après la vapeur d'eau, contribuant respectivement à hauteur de 26 % et 60 % à ce phénomène[19]. La réalité du réchauffement climatique observé à l'échelle planétaire depuis le siècle dernier n'est aujourd'hui plus guère contestée d'un point de vue scientifique[107], mais la part exacte de responsabilité du dioxyde de carbone dans ce processus (par rapport au méthane notamment) doit encore être précisée, grâce aux enregistrements fossiles des paléoclimats notamment[108].
394
+
395
+ Une réduction des émissions anthropiques est visée par le protocole de Kyōto ainsi que par la directive 2003/87/CE ; sa séquestration géologique à long terme fait l'objet de recherches mais est une solution controversée quand il s'agit simplement d'injecter du CO2 dans les couches géologiques.
396
+
397
+ Le CO2 a un certain effet eutrophisant (c'est un nutriment de base, essentiel pour les plantes), mais il est aussi un facteur d'acidification des océans et de certaines masses d'eau douce, qui peut négativement interférer avec de nombreuses espèces (dont certaines microalgues et autres microorganismes aquatiques protégées par des structures calcaires que l'acide carbonique peut dissoudre). L'acidification favorise aussi la libération et la circulation et donc la biodisponibiltié de la plupart des métaux lourds, métalloïdes ou radionucléides (naturellement présent dans les sédiments ou d'origine anthropique depuis la révolution industrielle surtout).
398
+
399
+ L'augmentation de la teneur de l'atmosphère en CO2 peut aussi avoir des effets différentiés voire antagonistes selon son taux, le contexte environnemental et biogéographique et selon des données plus récentes selon la saison et les variations saisonnières de la pluviométrie (au-dessus des forêts notamment[109]) ;
400
+
401
+ Il existe chez les écologues associés à l'étude des effets du changement climatique un consensus sur le fait qu'au-delà d'une augmentation de 2 °C en un siècle, les écosystèmes terrestres et marins seront sérieusement négativement affectés[110].
402
+
403
+ En 2013, la réponse réelle des écosystèmes au CO2 et ses modulations biogéographiques sont encore considérées comme complexes et à mieux comprendre, en raison de nombreux « feedbacks biogéochimiques »[111],[112]. Elle doit être néanmoins élucidée si l'on veut correctement évaluer voire prédire les capacités planétaires ou locales des écosystèmes en termes de stockage naturel du carbone et d'amortissement des effets du dérèglement climatique induit par l'Homme[113].
404
+
405
+ Les rétroactions médiés par le cycle hydrologique sont particulièrement importantes[114] et la pluviométrie y joue un rôle majeur. La physiologie des plantes a au moins un rôle bien connu ; jusqu'à un certain stade (au-delà duquel la plante dépérit), l'augmentation du taux de CO2 de l'air réduit la conductance stomatique et augmente l'efficacité d'utilisation de l'eau par les plantes[112] (la quantité d'eau nécessaire pour produire une unité de matière sèche), la diminution de l'utilisation de l'eau se traduisant par une plus grande disponibilité de l'humidité du sol[115]. Il a été estimé, en 2008, que les effets de l'augmentation du CO2 dans l'air sur l'écosystème devraient être exacerbés quand l'eau est un facteur limitant[116] (mais les apports d'azote sont aussi à prendre en compte[116],[117],[118]) ; ceci a été démontré par quelques expériences[119], mais est un facteur qui a été « oublié » par de nombreuses études[120],[121],[122],[123].
406
+
407
+ Cette relation semble si forte qu'elle permet — en zone tempérée — de prédire avec précision les variations annuelles de la stimulation de la biomasse aérienne à la suite de l'élévation du taux de CO2 dans une prairie mixte contenant des végétaux de type C3 et C4, sur la base du total des précipitations saisonnières ; les pluies d'été ayant un effet positif, alors que celles d'automne et du printemps ont des effets négatifs sur la réponse au CO2[112]. L'effet du taux croissant de CO2 dépendra donc principalement des nouveaux équilibres ou déséquilibres qui s'établiront entre les précipitations estivales et d'automne / printemps[112].
408
+
409
+ Le lien à l'azote (autre élément perturbé par les activités humaines dont l'agriculture industrielle, l'industrie et les émissions de la circulation automobile) est ici retrouvé : de fortes précipitations en saisons froides et humides conduisent à limiter l'accès des plantes terrestres à l'azote et, de ce fait, réduisent ou interdisent la stimulation de la biomasse par un taux de CO2 élevé[112]. Il a aussi été noté que cette prédiction valait aussi pour des parcelles « réchauffées » de 2 °C ou non-réchauffées, et était similaire pour les plantes en C3 et de la biomasse totale, ce qui semble permettre aux prospectivistes de faire des prévisions robustes sur les réponses aux concentrations élevées de CO2 de l'écosystème[112]. Ceci est un atout précieux car les projections climatiques des modèles à haute résolution confirment la très forte probabilité de changements importants dans la répartition annuelle des pluies, même là où la quantité annuelle totale de pluie tombée au sol ne changera pas[124]. Ces données scientifiquement confirmées (en 2013) devraient aider à expliquer certaines différences apparues dans les résultats des expériences basées sur l'exposition de plantes à un taux accru de CO2, et améliorer l'efficacité prospective des modèles qui ne tenaient pas assez compte des effets saisonniers des précipitations sur les réponses de la biodiversité au CO2[119],[125] 14, notamment en milieux forestiers[126].
410
+
411
+ Plusieurs voies sont explorées ou mises en œuvre pour limiter l'accumulation du CO2 dans l'atmosphère. Elles peuvent faire appel à des processus naturels comme la photosynthèse ou à des procédés industriels. Il faut également distinguer la capture à la source de la capture dans l'atmosphère.
412
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413
+ La startup indienne Carbon Clean Solutions (CCSL) a lancé sa première installation, qui capte et réutilise à 100 % les émissions de CO2 (60 000 tonnes par an) d'une petite centrale au charbon en Inde, à Chennai (Madras) ; ce CO2 est purifié, puis revendu à un industriel local, qui l'utilise pour fabriquer de la soude. La technologie de CCSL ramène le coût de revient du CO2 vendu à 30 dollars la tonne en Inde et à 40 dollars en Europe ou aux États-Unis, très en dessous du prix du marché : 70 à 150 dollars la tonne. Veolia a signé avec CCSL un contrat pour commercialiser ce procédé à l'international[127]. En parallèle, l'entreprise Climeworks cherche à capturer le CO2 en filtrant l’air ambiant.
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+ La société canadienne Carbon Engineering, fondée par l'ingénieur David Keith et financée par Bill Gates et plusieurs entreprises pétrolières et minières, a développé un réacteur qui extrait le CO2 de l'atmosphère à un coût inférieur à celui des technologies de capture existantes. Les fonds apportés par les investisseurs seront employés à combiner ce procédé de capture directe avec un procédé « Air to fuels » permettant de transformer le carbone récupéré dans l’atmosphère en un carburant similaire à l'essence. Elle envisage la construction d'une importante usine à Houston en partenariat avec Occidental Petroleum. Cependant, les réacteurs capteurs de CO2 sont très énergivores et doivent donc être alimentés par des sources d’énergie renouvelable ; le Conseil scientifique des Académies des sciences européennes (EASAC) émet des réserves : selon lui, l’élimination du CO2 dans l’air n’empêchera pas le changement climatique et n’est, à ce jour, pas à la hauteur des recommandations du GIEC[128],[129].
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+ Vers une production de "méthane solaire" à partir de CO2 ?[130].
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+ En théorie, transformer du CO2 en carburant ou en matières premières chimiques permettrait de diminuer l'utilisation de combustibles fossiles et de réduire les émissions de CO2[131],[132].
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+ La conversion électrochimique à partir de sources d'électricité renouvelable est une piste qui fait l'objet de nombreux travaux de recherche depuis les années 2010[133],[134],[135].
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+ Un espoir, basé sur la photochimie, est de pouvoir n'utiliser que la lumière du soleil[136] et des catalyseurs non polluants, peu coûteux et abondants sur Terre[137]. Parmi les photocatalyseurs et les électrocatalyseurs moléculaires évoqués par la littérature scientifique des années 2010, seuls quelques uns sont stables et sélectifs pour la réduction du CO2 ; de plus ils produisent principalement du CO ou du HCOO, et les catalyseurs capables de générer des rendements même faibles à modérés en hydrocarbures fortement réduits restent rares[138],[139],[140],[141],[142],[143],[144],[145],[146],[147].
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+ Quatre chercheurs, dont deux français (Julien Bonin & Marc Robert) ont produit un catalyseur qui est un complexe de tétraphénylporphyrine de fer fonctionnalisée avec des groupes triméthylammonium, qu'ils présentent comme étant (au moment de la publication) l'électrocatalyseur moléculaire le plus efficace et le plus sélectif pour convertir le CO2 en CO[148],[130],[149] car pouvant catalyser la réduction de huit électrons du CO2 en méthane sous simple lumière, à température et pression ambiantes. Le catalyseur doit cependant être utilisé dans une solution d’acétonitrile contenant un photosensibilisateur et un donneur d’électrons sacrificiel, il fonctionne alors de manière stable durant quelques jours. Le CO2 est d’abord principalement transformé en CO par photoréduction et s’il y a deux réacteurs CO génère ensuite du méthane avec une sélectivité atteignant 82 % et avec un rendement quantique, c'est-à-dire une efficacité de la lumière, de 0,18 %). Les auteurs estiment que d'autres catalyseurs moléculaires pourraient s’en inspirer[150].
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+ Des systèmes de « co-catalyse » sont aussi envisagés[151], de catalyseurs moléculaires[152], ainsi que des systèmes à base de pérovskite[153], ou basés sur des complexes de métaux de transition[154].
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+ La discrimination sociale est un processus lié au fait d'opérer une distinction concernant une personne ou une catégorie sociale en créant des frontières dites « discriminantes », c'est-à-dire produisant un rejet visant à l'exclusion sociale sur des critères tels que l'origine sociale ou ethnique, la religion, le genre, le niveau de son intelligence, l'état de santé, etc.
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+ Le concept de discrimination sociale fait son apparition à la suite des luttes politiques pour l'égalité de droit entre les hommes qui aboutissent dans la plupart des pays occidentaux au début de la seconde moitié du XXe siècle à l'abolition progressive des différences légales de traitement (fin de la colonisation, de la ségrégation raciale aux États-Unis, etc.). Dans un contexte où la société évolue dans le sens d'une généralisation des mécanismes de concurrence, certains groupes sociaux ne bénéficient pas objectivement des mêmes chances que les autres, malgré l'égalité de droit dont ils jouissent en principe. C'est le cas des minorités visibles, des minorités culturelles, des femmes, des handicapés, des seniors, des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres, etc.
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+ Pour rétablir un équilibre des chances, ces États engagent des politiques de lutte contre les discriminations. Cette lutte emprunte plusieurs chemins. Du point de vue du droit, la discrimination ne consiste pas à léser un groupe, mais un individu. Cet individu est dit victime d'une discrimination lorsqu'il est, dans une situation identique, traité différemment des autres sans motif légitime : « Une distinction ou une différence de traitement n'est une discrimination que quand elle est illicite »[1]. Là où devrait prévaloir une égalité entre individus, l'un d'entre eux est traité de manière différente (et négative) sur la base d'un ou plusieurs critères illégitimes. La discrimination est donc une violation du principe d'égalité[2]. Il s'agit de protéger les individus en sanctionnant la discrimination. Il s'agit aussi de prévenir les discriminations par exemple en rendant anonymes les candidatures à des emplois. Ensuite, des politiques de rééquilibrage, appelées « discrimination positive », qui visent à rééquilibrer les chances entre les groupes. Enfin, de manière plus générale, il existe des mesures économiques, sociales et culturelles.
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+
7
+ Certaines discriminations collectives sont créées de toutes pièces par des groupes religieux ou ethniques qui les pratiquent et en tirent orgueil. Ainsi, les mutilations sexuelles discriminent les individus qui en sont victimes[3]. Ce sont des auto-discriminations choisies et revendiquées par ces groupes. Ces sociétés discriminent les individus du groupe qui s'y refusent et les communautés voisines qui ne les pratiquent pas[réf. nécessaire].
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+
9
+ Le mot discrimination vient du latin discriminis, qui signifie « séparation ». Le mot discrimination s'est imposé dans le langage courant (et dans celui des sciences sociales) avec un sens plus restreint. Au sens courant, la discrimination est le fait de traiter de manière inégale et défavorable un ou plusieurs individus. De manière plus précise, il s'agit de distinguer un groupe social des autres en fonction de caractères extrinsèques (fortune, éducation, lieu d'habitation, etc.) ou intrinsèques (sexe, origine ethnique, etc.) afin de pouvoir lui appliquer un traitement spécifique, en général négatif.
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+
11
+ Pour constituer une discrimination, le traitement réservé au groupe social discriminé doit être au minimum perçu comme non légal. Ainsi, l'Ancien Régime ne peut pas être conçu comme un régime discriminatoire, puisque le cloisonnement en ordres y est considéré comme naturel : c'est un régime inégalitaire. La discrimination suppose donc un écart entre une égalité formelle et une inégalité réelle. Elle ne se résume donc pas à la négation de l'égalité ou à l'absence de celle-ci. Discrimination et non-discrimination supposent que l'égalité soit préalablement constituée.
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+
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+ D'autre part, la discrimination suppose un traitement spécifique appliqué au groupe discriminé. Cela exclut a priori les théories, idéologies, et autres formes de pensée du champ de la discrimination. Ainsi, le racisme par exemple, bien que souvent à l'origine de discriminations fondées sur la race, ne constitue pas en lui-même une discrimination. Il faut qu'il se transcrive dans le fait, qu'il s'incarne dans un traitement, pour donner lieu à une discrimination. Par exemple, l'utilisation du critère de l'origine ethnique pour sélectionner des candidats à un concours constitue une discrimination, alors que le fait de prétendre, écrire, publier que les individus de telle origine ethnique doivent se voir refuser l'accès à une fonction n'en est pas une (c'est du racisme et cet exemple constitue en droit français un cas d'incitation à la discrimination ethnique mais cela ne montre pas que l'incitateur commet de discrimination, ni qu'il a les moyens d'en commettre).
14
+
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+ La discrimination au sens courant est un concept récent. C'est dans les années 1950 cependant que le mot prend son acception négative actuelle[4]. L'expression non-discrimination apparaît à la même époque[5]. C'est-à-dire peu de temps après la Déclaration universelle des droits de l'homme. Si l'égalité de droit n'est pas encore acquise dans les pays occidentaux, avec en particulier la ségrégation raciale aux États-Unis et l'inégalité dont sont victimes les populations des colonies ou anciennes colonies des pays européens (en particulier la France et l'Angleterre), le mouvement est en marche. Cela n'empêche évidemment pas les inégalités de fait de subsister.
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+ Un autre mouvement s'amorce à la même époque : la généralisation des mécanismes de concurrence, avec notamment la signature du GATT par vingt-trois pays en 1947. Du côté européen, le traité de Rome vise à établir la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux. Lorsque les sociétés occidentales se libéralisent, au cours des années 1960, les anciennes barrières sociales sont affaiblies.
18
+
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+ C'est la conjonction entre le développement de l'égalité de droit et celui du libéralisme économique et social qui amène la généralisation de la concurrence entre les individus. C'est dans le cadre de cette concurrence que certains groupes se trouvent désavantagés par rapport aux autres en raison de leur origine, sexe, religion, etc. : ils sont victimes de discrimination[6].
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+
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+ Le Code pénal, dans sa section « Des discriminations » du chapitre consacré aux « atteintes à la dignité de la personne », reconnaît et sanctionne plusieurs types de discriminations[7].
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+
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+ « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée. »
24
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+ La discrimination peut être directe ou indirecte. Dans le premier cas, la discrimination est patente : elle peut être constatée et dénoncée. Mais à la suite du développement de la lutte contre les discriminations, il existe un certain nombre de pratiques dissimulées. Ces pratiques visent à écarter des candidats de manière indirecte.
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+ La notion de discrimination indirecte[8] a été introduite à la suite des tentatives de rééquilibrage entre les différents groupes de population. La mesure de la représentation des différents groupes dans les différents secteurs d'activité (en particulier aux États-Unis) a permis de détecter des variations à la suite du développement de certaines pratiques apparemment irréprochables, mais qui en fait lésaient un groupe particulier. Le repérage de la discrimination directe relève d'une analyse juridique qui permet de déceler une différence de traitement opposée à l'égalité. Le repérage de la discrimination indirecte relève de l'analyse statistique : elle est repérée par les effets, non par les causes[9]. L'intention de l'auteur de la mesure (apparemment neutre) n'est pas prise en compte, seul compte le résultat.
28
+
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+ La notion de discrimination appréhendée du point de vue de l'individu ne semble ne s'appliquer qu'à des situations particulières. Mais elle s'étend à un groupe de manière immédiate. En effet, il est dit qu'un groupe est victime de discrimination lorsque le critère qui l'identifie (couleur de peau, religion, sexe, etc.) sert régulièrement de support à une discrimination individuelle. D'autre part, la discrimination peut être considérée comme légale, si la loi s'oppose à un principe d'égalité qui la dépasse. Elle vise alors directement les groupes en tant que tels, et non plus seulement les individus. Elle s'appuie sur des groupes constitués ou bien définit des groupes et précise les traitements à leur appliquer. Ainsi, certains groupes discriminés possèdent une longue histoire, une culture ou des valeurs communes (c'est le cas par exemple des groupes ethniques) alors que d'autres ne se perçoivent pas forcément comme tels (les personnes handicapées par exemple).
30
+
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+ Si l'on[Qui ?] s'en tient à la discrimination telle que définie par la loi, l'idée de discrimination légale n'a pas de sens. Pourtant, au sens général, la discrimination est une inégalité qui se manifeste sur fond d'une égalité supposée. Mais la norme qui fonde l'égalité en question peut ne pas être strictement juridique : elle trouve alors sa source ailleurs. Dans une source du droit supérieure, dans une conception considérée comme transcendante, comme celle portée par les Droits de l'homme ou une religion, ou bien simplement dans la perception de certains membres de la société. L'emploi du terme « discrimination » (ou plus précisément « discrimination légale ») pour qualifier ces situations où la loi s'oppose, par exemple, aux Droits de l'homme est répandu. Mais il faut noter que souvent, les phénomènes considérés datent d'avant les années 1950, et qu'ils n'ont pu être qualifiés (en France) de « discriminations » que de manière rétrospective (puisque le terme n'existait pas au sens dans lequel il est actuellement entendu).
32
+
33
+ Du point de vue du droit, le système d'Apartheid qui a existé en Afrique du Sud entre 1948 et 1991 constitue un système inégalitaire fondé sur la ségrégation raciale, mais légal. Du point de vue des Droits de l'homme, ce système peut être considéré comme discriminatoire. À l'égalité de droit entre tous les hommes, il a opposé une inégalité de fait (construite juridiquement).
34
+
35
+ Avant 1940, chaque État nation possède la liberté de définir sa politique d'immigration. Ainsi, les États-Unis établissent un système de quotas destiné à limiter l'accès des Noirs, des Juifs et des Asiatiques au territoire et à la nationalité américains[10]. À la chute du régime nazi, en 1945, la découverte des camps d'extermination et l'émergence des nations du tiers-monde modifient les consciences. Il devient illégitime d'exprimer une pensée raciste[11]. Le processus de disparition des préférences ethniques et raciales est progressif : il faut attendre 1965 aux États-Unis pour que les lois ségrégationnistes disparaissent ; 1973 en France pour que le critère de l'origine soit éliminé dans l'évaluation d'une procédure de naturalisation[11] ; 1991 pour l'Apartheid.
36
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37
+ En France, toute rupture légale dans l'égalité entre les hommes peut être qualifiée (à juste titre ou non) de discrimination[12].
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39
+ Une loi inégalitaire peut se trouver en conflit avec la loi constitutionnelle. Ce fut le cas dans l'affaire Rosa Parks. Cette Américaine avait refusé, en 1955, de céder sa place à un passager blanc dans un autobus. Selon la loi (inégalitaire) de l'Alabama, elle était en tort, mais cette loi fut déclarée inconstitutionnelle. Ainsi, les lois ségrégationnistes qui prévalaient à l'époque dans les autobus, étaient, au regard de la Constitution américaine, discriminatoires.
40
+
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+ En Europe, les cas où le droit communautaire s'oppose à une loi nationale sont du même ordre. En effet, le droit communautaire est au-dessus des lois nationales dans la hiérarchie des sources de droit. Il est donc possible de mettre en cause ces lois comme discriminatoires au regard de ce droit.
42
+
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+ Toutes les normes d'égalité ne bénéficient pas de la reconnaissance accordée aux Droits de l'homme ou de l'autorité d'une constitution. Dans la lutte politique et sociale, différents groupes cherchent à faire prévaloir leur norme d'égalité. Le concept de discrimination devient alors un outil dans ce but. Cependant, davantage qu'une lutte contre la discrimination, il s'agit alors d'une lutte pour l'égalité. Cette égalité obtenue, la discrimination risque de continuer à exister.
44
+
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+ Identifier une situation comme discrimination revient à la qualifier négativement, donc à concevoir qu'elle n'est pas légitime. Cette identification a donc pour corollaire la formation du projet de lutte contre les discriminations. Souvent, mais pas toujours, les discriminations légales s'inscrivent dans la mémoire collective et provoquent un sentiment de désaffiliation et de non-reconnaissance.
46
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47
+ L'expression « discrimination positive », à laquelle le Grand Dictionnaire terminologique québequois préfère les appellations « action positive » ou « dédiscrimination »[13]'[14] vise à corriger, réparer, inverser la discrimination, en agissant sur les groupes qui sont habituellement défavorisés. En effet, les politiques et le droit peinent à rétablir l'équilibre entre les groupes sociaux, car les groupes défavorisés ne bénéficient pas des mêmes armes (même capital culturel, connaissance des rouages de la société) que les autres. Ils sont donc objectivement désavantagés, quand bien même aucune discrimination ne serait à l'œuvre. Il ne suffit pas d'abolir une inégalité de droit (ségrégation, colonisation, statut des femmes) pour que dans les faits, l'égalité advienne.
48
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49
+ Le président américain Lyndon B. Johnson, dans un discours de 1965, résume la situation ainsi : « vous ne pouvez pas prendre une personne qui, pendant des années, a été clopinant dans les chaînes, pour le libérer, le mettre sur la ligne de départ d'une course et lui dire : "vous êtes libre d'entrer en compétition avec tous les autres", et ensuite penser avec raison que vous avez été totalement correct »[15].
50
+
51
+ L'action positive ou mobilisation positive est née aux États-Unis, sous le nom d'Affirmative action, avec un double but : compenser d'une part les inégalités structurelles socio-économiques léguées par le passé à des minorités ethniques (en particulier les Indiens et les Noirs) ; plus modestement, améliorer la représentativité des élites d'autre part. L'idée s'est exportée (Inde, Europe, Afrique du Sud, etc.) et diversifiée puisqu'elle ne se limite plus à des minorités ethniques mais à tous les groupes sociaux discriminés.
52
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53
+ Il s'agit d'opérer des modifications légales du champ de concurrence (postes réservés, quotas, filières distinctes) afin de favoriser les groupes défavorisés pour contrebalancer une situation de fait. Il ne s'agit plus d'assurer une égalité entre individus, mais entre groupes[16].
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+ Le droit français punit pénalement les discriminations. La lutte contre les discriminations y prend le plus souvent la forme du projet d'intégration[17]. La discrimination positive s'y développe depuis quelques années, parfois de manière spectaculaire comme avec la loi sur la parité en politique, mais l'idée s'est longtemps heurtée à celle de l'égalité républicaine.
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+ En France, l'employeur ne doit, à aucun moment, prendre des décisions fondées sur des critères de discrimination. La loi du 27 mai 2008 a transposé en droit français les définitions de quatre directives communautaires prohibant les discriminations dans l'entreprise[18].
58
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+ Les articles du code pénal ont été ajoutés ou modifiés par les lois no 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations[21], no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé[22] et no 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes[23].
60
+
61
+ Certains critères qui n'étaient pas prévus par la loi à l'origine[27],[28] (voir l'article Discrimination des porteurs du VIH) y ont été introduits par la suite (cf section précédente).
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+ Mais il existe encore certaines discriminations que la loi n'a pas formellement prévues, en voici une liste :
63
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64
+ Un exemple notable de discrimination linguistique s'est produit en 1948, quand Mohammad Ali Jinnah a déclaré l'ourdou comme langue nationale du Pakistan et a qualifié d'ennemis de l'État, ceux qui soutiennent l'utilisation du bengali, la langue la plus parlée du pays[33]. Le Mouvement de la langue bengali dans l'ancien Pakistan en a fait une campagne politique qui a joué un rôle clé dans la création du Bangladesh.
65
+
66
+ De nombreuses offres d'emploi des institutions européennes demandaient (jusqu'à 2002 au moins) aux candidats d'avoir l'anglais comme langue maternelle (english mother tongue ou english native speaker), éliminant ainsi les candidats ayant l'anglais comme langue d'étude, même à un excellent niveau[34]. Ces faits sont en contradiction flagrante avec la déclaration universelle des droits de l'homme, qui précise : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation »[35]. Il en est de même pour de nombreuses organisations internationales.
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+ Les gens qui ont grandi en parlant une des langues principales multinationales ont des avantages significatifs par rapport à ceux qui ont été élevés dans une langue ethnique qui est seulement parlée dans (une petite partie) d'un pays, car ils ont directement accès à l'apprentissage, la culture et les idées de nombreuses pays du monde, depuis leur enfance[36]. Beaucoup des grandes langues du monde se sont répandues dans le monde entier parce qu'elles étaient soutenues par une supériorité militaire, politique et économique[36].
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ (Small Computer System Interface)
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+ (Enhanced Small Disk Interface)
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+
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+ (Integrated Drive Electronics)
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+
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+ (Enhanced Integrated Drive Electronics)
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+
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+ (Serial Advanced Technology Attachment)
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+
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+ modifier
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+
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+ Un disque dur (parfois abrégé DD ; en anglais, hard disk drive, HD[a] ou HDD[b]) est une mémoire de masse à disque tournant magnétique utilisée principalement dans les ordinateurs, mais également dans des baladeurs numériques, des caméscopes, des lecteurs/enregistreurs de DVD de salon, des consoles de jeux vidéo, etc.
14
+
15
+ Inventé en 1956, le disque dur a fait l'objet d'évolutions de capacité et de performances considérables, tout en voyant son coût diminuer, ce qui a contribué à la généralisation de son utilisation, particulièrement, dans l'informatique. Avec l'arrivée des SSD la part de marché des disques durs est en baisse.
16
+
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+ En 1956, le premier système de disque dur s'appelle l'IBM 350. Il est utilisé dans le RAMAC 305 (RAMAC pour « Random Access Method of Accounting and Control »)[1]. Il est dévoilé au public par IBM. La production commerciale commence en juin 1957 et, jusqu’en 1961, plus d’un millier d’unités sont vendues. Son prix est alors de 10 000 dollars par mégaoctet. Le RAMAC 305 était constitué de 50 disques de 24 pouces de diamètre, deux têtes de lecture/écriture qui pouvaient se déplacer d’un plateau à un autre en moins d’une seconde. La capacité totale était de cinq millions de caractères.
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+ Le RAMAC avait déjà un concurrent : le Univac File Computer, composé de 10 tambours magnétiques chacun d’une capacité de 180 000 caractères. Bien que ce dernier ait eu une vitesse supérieure, c’est le RAMAC, qui pouvait stocker trois fois plus d’informations, qui avait le rapport coût/performance le plus intéressant pour le plus grand nombre d’applications.
20
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+ En juin 1954, J. J. Hagopian, ingénieur IBM, a l'idée de faire « voler » les têtes de lecture/écriture au-dessus de la surface des plateaux, sur un coussin d’air. Il propose le design de la forme de ces têtes. En septembre 1954, il dessine l’équivalent des disques durs actuels : des plateaux superposés et un axe sur lequel sont fixées les têtes de lecture/écriture. Cela deviendra un produit commercial en 1961 sous la dénomination « IBM 1301 Disk Storage ».
22
+
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+ En 1962, IBM sort son périphérique de stockage à disque dur amovible modèle 1311, il faisait la taille d'une machine à laver et pouvait enregistrer jusqu'à deux millions de caractères sur une pile de disques. Les utilisateurs peuvent acheter des paquets de disques supplémentaires et les échanger au besoin, un peu comme des bobines de bande magnétique. Les modèles ultérieurs d'unité d'entraînement pour piles de disques amovibles, d'IBM et d'autres, sont devenus la norme dans la plupart des installations informatiques de l'époque. Ils ont atteint des capacités de 300 Mo dans le début des années 1980. Les unités de disques durs non amovibles ont été appelés lecteur-enregistreurs de disques durs « fixes ».
24
+
25
+ Fin 1969, trois ingénieurs réfléchissent à ce qui pourrait être pour eux le système disque idéal. Ils tombent d’accord sur un modèle composé de deux disques de 30 Mo chacun, l’un amovible, l’autre fixe. On le nomme « 30 - 30 », comme celui d'un modèle de carabine Winchester. Le nom est resté, et encore aujourd’hui un disque « Winchester »[2],[3] désigne un disque dur non amovible (soit quasiment tous les disques internes depuis les années 1990).
26
+
27
+ Dans les années 1970, HP sort ses premiers disques à têtes mobiles ; d'abord le HP-7900A, suivi des HP-7905[4], 7920 et 7925[5], tous ces disques possèdent des cartouches amovibles.
28
+
29
+ À la même époque il a existé des disques durs à têtes fixes : un certain nombre de têtes permettaient un accès piste-à-piste très rapide avec, certes, une capacité inférieure aux disques à têtes mobiles mais moins fragiles mécaniquement ; ils ont été utilisés pour les applications embarquées, notamment en sismique par réflexion.
30
+
31
+ À cette époque, le disque dur a remplacé efficacement les tambours et les bandes, reléguant peu à peu ces dernières à des applications d’archivage et de sauvegarde dans les années 1990.
32
+
33
+ Dans les années 1980, HP sort de nouveaux disques, plus performants, les HP-7933 et HP-7935 à pack[c] amovible[6].
34
+
35
+ À cette époque sont apparus des disques reliés directement sur les réseaux NAS et SAN, suivis par d'autres applications dans lesquelles le disque dur a trouvé son utilité : stockage d'information de caméscopes, de lecteurs/enregistreurs de DVD de salon, de consoles de jeux vidéo, etc.
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+
37
+ Au cours des années 1990, la taille des disques durs a pu être considérablement réduite grâce aux travaux d'Albert Fert et de Peter Grünberg sur la magnétorésistance géante[7],[8]. Leur prix va se démocratiser et tous les ordinateurs personnels seront équipés d'un disque dur, et non plus seulement de lecteurs de disquettes.
38
+
39
+ En 1998, année du centenaire de l’enregistrement magnétique (inventé par le Danois Valdemar Poulsen), IBM commercialise le premier disque dur de 25 gigaoctets (Deskstar 25 GP)[9], capacité présentée à l’époque par la presse comme disproportionnée par rapport aux besoins réels des particuliers. En effet : ils n'avaient pas encore accès en masse à Internet et au téléchargement, en particulier le téléchargement illégal.
40
+
41
+ Dans les années 2000, il se met à concurrencer ces dernières en raison de la baisse de son coût au gigaoctet et de sa plus grande commodité d’accès ; vers la fin de cette même décennie, il commence à être remplacé lui-même comme mémoire de masse, pour les petites capacités (4 à 32 Go), par des stockages à mémoire flash qui, bien que plus onéreux, n’imposent pas le délai de latence dû à la rotation des plateaux.
42
+
43
+ En 2011, le besoin du marché en disques durs était évalué à 700 millions d'unités par an[10].
44
+
45
+ Au quatrième trimestre de 2011, des inondations en Thaïlande provoquent une pénurie de disques durs, en rendant inopérantes plusieurs usines, ce qui provoque une augmentation importante des prix[11],[12]. Certains modèles ont vu leur prix doubler, voire tripler.
46
+
47
+ Entre 1980, date de sortie du ST-506 d'une capacité de 5 Mo, et 2008, la surface moyenne occupée par un bit d’information sur le disque s’est vue réduite d’un facteur de plus de 100 000 (5 Mo pour un plateau en 1980 et 500 Go en 2008, soit une densité 100 000 fois supérieure).
48
+
49
+ Dans le même temps, le prix du mégaoctet a été divisé par plus d'un million, sans tenir compte de l'inflation, car :
50
+
51
+ Les disques durs ayant les capacités les plus importantes sur le marché dépassent les 14 To (téraoctets) (2017) et 16 To en 2019. Le constructeur Western Digital a annoncé en septembre 2019 son prochain modèle de 20 To (téraoctets). La capacité des disques durs a augmenté beaucoup plus vite que leur rapidité, limitée par la mécanique[14]. Le temps d'accès en lecture est lié à la vitesse de rotation du disque et au temps de positionnement des têtes de lectures[14]. En revanche, le débit d'information ensuite est d'autant meilleur que la densité du disque et la vitesse de rotation sont élevées[14].
52
+
53
+ En 2,5 pouces (2,5") :
54
+
55
+ Dès 1956, dans un disque dur, on trouve des plateaux rigides en rotation. Chaque plateau est constitué d’un disque réalisé généralement en aluminium, qui a les avantages d’être léger, facilement usinable et paramagnétique. À partir de 1990, de nouvelles techniques utilisent le verre ou la céramique, qui permettent des états de surface encore plus lisses que ceux de l’aluminium. Les faces de ces plateaux sont recouvertes d’une couche magnétique, sur laquelle sont stockées les données. Ces données sont écrites en code binaire {0/1} sur le disque grâce à une tête de lecture/écriture, petite antenne très proche du matériau magnétique. Suivant le courant électrique qui la traverse, cette tête modifie le champ magnétique local pour écrire soit un 1, soit un 0, à la surface du disque. Pour lire, le même matériel est utilisé, mais dans l’autre sens : le mouvement du champ magnétique local engendre aux bornes de la tête un potentiel électrique qui dépend de la valeur précédemment écrite, on peut ainsi lire un 1 ou un 0.
56
+
57
+ Un disque dur typique contient un axe central autour duquel les plateaux tournent à une vitesse de rotation constante. Toutes les têtes de lecture/écriture sont reliées à une armature qui se déplace à la surface des plateaux, avec une ou deux têtes par plateau (une tête par face utilisée). L’armature déplace les têtes radialement à travers les plateaux pendant qu’ils tournent, permettant ainsi d’accéder à la totalité de leur surface.
58
+
59
+ Le disque peut-être positionné horizontalement ou verticalement selon le boîtier.
60
+
61
+ L’électronique associée contrôle le mouvement de l’armature ainsi que la rotation des plateaux, et réalise les lectures et les écritures suivant les requêtes reçues. Les firmwares des disques durs récents sont capables d’organiser les requêtes de manière à minimiser le temps d’accès aux données, et donc à maximiser les performances du disque.
62
+
63
+ Plateaux de disque dur endommagé.
64
+
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+ Structure d'un disque dur à plusieurs plateaux.
66
+
67
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
68
+
69
+ Les plateaux sont solidaires d’un axe sur roulements à billes ou à huile. Cet axe est maintenu en mouvement par un moteur électrique. La vitesse de rotation est actuellement (2013) comprise entre 3 600 et 15 000 tr/min (les valeurs typiques des vitesses vont de 3 600 à 10 000 tr/min voire 15 000 tr/min). La vitesse de rotation est maintenue constante sur tous les modèles, en dépit parfois de spécifications floues suggérant le contraire[pas clair]. En effet, suivant l’augmentation des préoccupations environnementales, les constructeurs ont produit des disques visant l’économie d’énergie, souvent dénommés « Green » ; ceux-ci sont annoncés comme ayant une vitesse de rotation variable (la vitesse de rotation n'est pas variable, mais l'électronique du disque arrête complètement la rotation quand le disque n'est pas utilisé pendant une longue période ; d'autres disques récents non dénommés « green » font de même avec, semble-t-il, un délai de mise en veille moins court)[réf. souhaitée], laissant donc supposer qu'au repos ils tourneraient plus lentement en réduisant leur consommation électrique, et augmenteraient cette vitesse en cas de sollicitations. Il a cependant été confirmé (notamment par des tests acoustiques) que cette information était erronée[27] : ces disques fonctionnent bien à vitesse constante, plus faible que la vitesse standard de 7 200 tr/min (soit 5 400 tr/min pour Western Digital et 5 900 tr/min pour Seagate).
70
+
71
+ Les disques sont composés d’un substrat, autrefois en aluminium (ou en zinc), de plus en plus souvent en verre, traité par diverses couches dont une ferromagnétique recouverte d’une couche de protection.
72
+
73
+ L’état de surface doit être le meilleur possible.
74
+
75
+ Note : contrairement aux CD/DVD, ce sont d’abord les pistes périphériques (c'est-à-dire les plus éloignées du centre du plateau) qui sont écrites en premier (et reconnues comme « début du disque »), car c’est à cet endroit que les performances sont maximales : en effet, la vitesse linéaire d'un point du disque est plus élevée à l'extérieur du disque (à vitesse de rotation constante) donc la tête de lecture/écriture couvre une plus longue série de données en un tour qu’au milieu du disque.
76
+
77
+ Le bras supportant les deux têtes de lecture/écriture. Les rayures visibles sur la surface du plateau indiquent que le disque dur a été victime d’un « atterrissage ».
78
+
79
+ Tête de disque dur de 1970.
80
+
81
+ Tête de disque dur de 2011.
82
+
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+ Extrémité du stylet.
84
+
85
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
86
+
87
+ Fixées au bout d’un bras, elles sont solidaires d’un second axe qui permet de les faire pivoter en arc de cercle sur la surface des plateaux. Toutes les têtes pivotent donc en même temps. Il y a une tête par surface. Leur géométrie leur permet de voler au-dessus de la surface du plateau sans le toucher : elles reposent sur un coussin d’air créé par la rotation des plateaux. En 1997, les têtes volaient à 25 nanomètres de la surface des plateaux ; en 2006, cette valeur est d’environ 10 nanomètres.
88
+
89
+ Le moteur qui les entraîne doit être capable de fournir des accélérations et décélérations très fortes. Un des algorithmes de contrôle des mouvements du bras porte-tête est d’accélérer au maximum puis de freiner au maximum pour que la tête se positionne sur le bon cylindre. Il faudra ensuite attendre un court instant pour que les vibrations engendrées par ce freinage s’estompent.
90
+
91
+ À l’arrêt, les têtes doivent être parquées, soit sur une zone spéciale (la plus proche du centre, il n’y a alors pas de données à cet endroit), soit en dehors des plateaux.
92
+
93
+ Si une ou plusieurs têtes entrent en contact avec la surface des plateaux, cela s’appelle un « atterrissage » et provoque le plus souvent la destruction des informations situées à cet endroit. Une imperfection sur la surface telle qu’une poussière aura le même effet. La mécanique des disques durs est donc assemblée en salle blanche et toutes les précautions (joints…) sont prises pour qu’aucune impureté ne puisse pénétrer à l’intérieur du boîtier (appelé « HDA » pour « Head Disk Assembly » en anglais).
94
+
95
+ Les techniques pour la conception des têtes sont (en 2006) :
96
+
97
+ Deux tètes.
98
+
99
+ Têtes et son câblage.
100
+
101
+ Têtes d'un disque dur
102
+
103
+ Têtes d'un disque dur
104
+
105
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
106
+
107
+ Elle est composée d’une partie dédiée à l’asservissement des moteurs et d’une autre à l’exploitation des informations électriques issues de l’interaction électromagnétique entre les têtes de lecture et les surfaces des plateaux. Une partie plus informatique va faire l’interface avec l’extérieur et la traduction de l’adresse absolue d’un bloc en coordonnées à 3 dimensions (tête, cylindre, bloc).
108
+
109
+ L’électronique permet également de corriger les erreurs logicielles (erreur d'écriture).
110
+
111
+ Un contrôleur de disque est l’ensemble électronique qui contrôle la mécanique d’un disque dur. Le rôle de cet ensemble est de piloter les moteurs de rotation, de positionner les têtes de lecture/enregistrement, et d’interpréter les signaux électriques reçus de ces têtes pour les convertir en données exploitables ou d’enregistrer des données à un emplacement particulier de la surface des disques composant le disque dur.
112
+
113
+ Sur les premiers disques durs, par exemple le ST-506, ces fonctions étaient réalisées par une carte électronique indépendante de l’ensemble mécanique. Le volumineux câblage d’interconnexion a rapidement favorisé la recherche d’une solution plus compacte : le contrôleur de disque se trouva alors accolé au disque, donnant naissance aux standards SCSI, IDE et maintenant SATA.
114
+
115
+ L’appellation « Contrôleur de disque » est souvent employée par approximation en remplacement de « Contrôleur ATA » ou « Contrôleur SCSI ». « Contrôleur de disque » est une appellation générique qui convient également à d'autres types de périphériques ou matériels de stockage : disque dur donc, mais aussi lecteur de CD, dérouleur de bande magnétique, scanner, etc.
116
+
117
+ Dans un ordinateur personnel, l'alimentation électrique d'un disque dur à interface IDE est reçue à travers un connecteur Molex. Certains disques durs à interface Serial ATA utilisaient dans un premier temps ce même connecteur Molex pour être compatible avec les alimentations existantes, mais ils ont progressivement tous migré vers une prise spécifique longue et plate (alimentation SATA).
118
+
119
+ Chaque plateau (possédant le plus souvent deux surfaces utilisables) est composé de pistes concentriques séparées les unes des autres par une zone appelée « espace interpiste ». Les pistes situées à une même distance de l’axe de rotation forment un cylindre.
120
+
121
+ La piste est divisée en blocs (composés de secteurs) contenant les données.
122
+
123
+ En adressage CHS, il faut donc trois coordonnées pour accéder à un bloc (ou secteur) de disque :
124
+
125
+ Cette conversion est faite le plus souvent par le contrôleur du disque à partir d’une adresse absolue de bloc appelée LBA (un numéro compris entre 0 et le nombre total de blocs du disque diminué de 1).
126
+
127
+ Puisque les pistes sont circulaires (leur circonférence est fonction du rayon - c = 2×pi×r), les pistes extérieures ont une plus grande longueur que les pistes intérieures (leur circonférence est plus grande). Le fait que la vitesse de rotation des disques soit constante quelle que soit la piste lue/écrite par la tête est donc problématique. Sur les premiers disques durs (ST-506 par exemple) le nombre de secteurs par rotation était indépendant du numéro de piste (donc les informations étaient stockées avec une densité spatiale variable selon la piste). Depuis les années 1990 et la généralisation du zone bit recording (en), la densité d’enregistrement est devenue constante, avec une variation du nombre de secteurs selon la piste.
128
+
129
+ En adressage CHS, il faut donc trois coordonnées pour accéder à un bloc (ou secteur) de disque :
130
+
131
+ Cette conversion est faite le plus souvent par le contrôleur du disque à partir d’une adresse absolue de bloc appelée LBA (un numéro compris entre 0 et le nombre total de blocs du disque diminué de 1).
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+
133
+ Puisque les pistes sont circulaires (leur circonférence est fonction du rayon - c = 2×pi×r), les pistes extérieures ont une plus grande longueur que les pistes intérieures (leur circonférence est plus grande). Le fait que la vitesse de rotation des disques soit constante quelle que soit la piste lue/écrite par la tête est donc problématique. Sur les premiers disques durs (ST-506 par exemple) le nombre de secteurs par rotation était indépendant du numéro de piste (donc les informations étaient stockées avec une densité spatiale variable selon la piste). Depuis les années 1990 et la généralisation du zone bit recording (en), la densité d’enregistrement est devenue constante, avec une variation du nombre de secteurs selon la piste.
134
+
135
+ Sur les premiers disques, une surface était formatée en usine et contenait les informations permettant au système de se synchroniser (de savoir quelle était la position des têtes à tout moment). Cette surface était dénommée « servo ». Par la suite, ces zones de synchronisation ont été insérées entre les blocs de données, mais elles sont toujours formatées en usine (dans la norme SCSI il existe une commande FORMAT qui réenregistre intégralement toutes les informations de toutes les surfaces, elle n’est pas nécessairement mise en œuvre sur tous les disques). Typiquement donc, on trouvera sur chaque piste une succession de :
136
+
137
+ Les interfaces des disques durs sont les connecteurs et les câbles permettant l'acheminement des données. Elles ont largement évolué avec le temps dans un souci de compacité, d'ergonomie et d’augmentation des performances. Voici les 2 principales interfaces de nos jours :
138
+
139
+ Ainsi que les interfaces plus spécifiques ou anciennes :
140
+
141
+ Note : les interfaces M2 concernent exclusivement les SSD et pas les disques durs.
142
+
143
+ Les protocoles de communication avec un disque dur sont très dépendants de l'interface de connexion, il ne faut pas cependant les confondre :
144
+
145
+ L'USB et le Firewire/IEEE 1394 (ainsi que les connectiques réseau) ne sont pas des interfaces de disque dur : les disques durs externes amovibles USB ou Firewire sont équipés en interne d'un adaptateur d'interface USB/S-ATA ou Firewire/S-ATA. Ces disques existent en trois formats : 1,3, 1,8 et 2,5 pouces[29] mais on trouve aussi des boîtiers permettant de transformer des disques internes en disques externes, avec leur alimentation séparée et leur interface, généralement USB.
146
+
147
+ En plus de la compatibilité de la connectique, l'utilisation de disques de technologie récente peut nécessiter un boîtier adaptateur capable de supporter cette technologie nouvelle. Par ailleurs, certains disques durs externes ne peuvent être dissociés de leur adaptateur car ils forment un tout (circuit imprimé commun) ; dans ce cas, le disque dur ne peut pas être extrait pour être monté sur un ordinateur personnel.
148
+
149
+ En avril 2014, les capacités courantes sur le marché sont de 160, 250, 320, 500, 640, 750 Go, et de 1, 2, 3, 4, 5, 6 To. Des fonctionnalités telles que la sécurité biométrique ou des interfaces multiples sont disponibles sur les modèles les plus onéreux.
150
+
151
+ La capacité d’un disque dur peut être calculée ainsi : nombre de cylindres × nombre de têtes × nombre de secteurs par piste × nombre d’octets par secteur (généralement 512).
152
+
153
+ Cependant les nombres de cylindres, têtes et secteurs sont faux pour les disques utilisant le zone bit recording (enregistrement à densité constante), ou la translation d’adresses LBA. Sur les disques ATA de taille supérieure à 8 Go, les valeurs sont fixées à 255 têtes, 63 secteurs et un nombre de cylindres dépendant de la capacité réelle du disque afin de maintenir la compatibilité avec les systèmes d’exploitation plus anciens.
154
+
155
+ Par exemple avec un disque dur S-ATA Hitachi de fin 2005 : 63 secteurs × 255 têtes × 10 011 cylindres × 512 octets/secteur = 82 343 278 080 octets soit 76,688 Gio (ou 82,343 Go).
156
+
157
+ La FAT12, lancée avec la première version de PC-DOS, conçue pour les disquettes, ne permettait d'adresser que 4 096 clusters, dont la taille pouvait être au maximum de 4 096 octets sous PC-DOS 2. Il s'ensuivait une limite de fait à 16 Mio[30] par partition sous PC-DOS 2.
158
+
159
+ Lancée avec MS-DOS 3.0, la FAT16 autorisa l'adressage de 16 384 clusters de 2 048 octets, soit 32 Mio par partition, avec quatre partitions maximum pour MS-DOS 3.0.
160
+
161
+ Avec le DOS 4, le nombre de clusters put monter à 65 526, permettant des partitions de 128 Mio[31] mais la taille des clusters ne pouvait toujours pas dépasser 2 048 octets.
162
+
163
+ MS-DOS 5 et 6 permirent l'usage de clusters plus grands, autorisant la gestion de partitions de 2 Gio avec des clusters de 32 Kio, mais ne géraient pas les disques de capacité de plus de 7,88 Gio car ils employaient l'interface INT-13 CHS (AH=02h et AH=03h[32]) du BIOS.
164
+
165
+ MS-DOS 7.0 supprima la limite à 7,88 Gio par l'usage de la nouvelle interface INT-13 LBA (Enhanced Disk Drive Specification)[30], mais conservait la limitation à 2 Gio par partition, inhérente à FAT16 avec des clusters de 32 Kio.
166
+
167
+ MS-DOS 7.1, distribué avec Windows 95 OSR/2 et Windows 98, supportait FAT32, ramenant la limite théorique à 2 Tio pour MS-DOS 7.1. Mais sur disque ATA, le pilote 32 bits de Windows 9x ne permettait que l'usage de LBA-28, et pas de LBA-48, ramenant la limite pratique à la gestion de disques de 128 Gio[33].
168
+
169
+ Les BIOS avaient eux-mêmes leurs limites d'adressage, et des limites propres aux BIOS apparurent pour les tailles de 504 Mio, 1,97 Gio[34], 3,94 Gio[35], 7,38 Gio[36], 7,88 Gio[37].
170
+
171
+ Cette dernière limite à 7,88 Gio ne put être dépassée qu'en étendant l'interface BIOS INT-13 par la BIOS Enhanced Disk Drive Specification[38],[39].
172
+
173
+ Les outils 16 bits de Microsoft ont eu leurs propres limites pour des tailles de 32 Gio[40] et 64[41].
174
+
175
+ Avec les noyaux n'utilisant que l'adressage CHS sur les disques IDE, la capacité était limitée à 8 Gio[42].
176
+
177
+ Les noyaux contemporains utilisant nativement l'adressage LBA 48 bits, la limite de capacité est désormais de 128 Pio.
178
+
179
+ En 2010, l'adressage ATA est limité à 128 Pio par l'usage de la norme LBA-48.
180
+
181
+ La compression de disque est une technique qui augmente la quantité d'informations pouvant être stockées sur un disque dur.
182
+
183
+ Les utilitaires de compression de disque étaient populaires au début des années 1990, lorsque les disques durs des micro-ordinateurs étaient encore relativement petits (20 à 80 mégaoctets) et assez coûteux (environ 10 [US$ par mégaoctet). Les utilitaires de compression de disque permettaient alors d'augmenter pour un faible coût la capacité d'un disque dur, coût qui compensait alors largement la différence avec un disque de plus grande capacité.
184
+
185
+ Un bon utilitaire de compression de disque pouvait, en moyenne, doubler l'espace disponible pour une perte de vitesse négligeable[réf. nécessaire].
186
+
187
+ La compression de disque est tombée en désuétude à partir du milieu des années 1990[réf. nécessaire], lorsque les progrès de la technologie et de fabrication des disques durs ont entraîné une augmentation des capacités, une baisse des prix, et que les systèmes d'exploitation majeurs de l'époque[43] ont intégré en standard cette fonctionnalité. Néanmoins cela continue à être utilisé sur certains disques durs externes et même SSD.
188
+
189
+ Le temps d’accès et le débit d’un disque dur permettent d’en mesurer les performances. Les facteurs principaux à prendre en compte sont :
190
+
191
+ Pour estimer le temps de transfert total, on additionne les trois temps précédents.
192
+
193
+ On peut par exemple rajouter le temps de réponse du contrôleur. Il faut souvent faire attention aux spécifications des constructeurs, ceux-ci auront tendance à communiquer les valeurs de pointe au lieu des valeurs soutenues (par exemple pour les débits).
194
+
195
+ L’ajout de mémoire vive sur le contrôleur du disque permet d’augmenter les performances. Cette mémoire sera remplie par les blocs qui suivent le bloc demandé, en espérant que l’accès aux données sera séquentiel. En écriture, le disque peut informer l’hôte qui a initié le transfert que celui-ci est terminé alors que les données ne sont pas encore écrites sur le média lui-même. Comme tout système de cache, cela pose un problème de cohérence des données.
196
+
197
+ L'évolution rapide des systèmes conduisant à remplacer périodiquement les matériels, de nombreux disques durs recyclés contiennent des informations qui peuvent être confidentielles (comptes bancaires, informations personnelles…). Des guides concernant l'effacement des supports magnétiques sont disponibles[44].
198
+
199
+ Le contenu des disques durs est de plus en plus souvent chiffré pour obtenir de meilleures conditions de sécurité[45]. Le chiffrement peut être logiciel (géré par le système d'exploitation) ou géré par une puce intégrée au disque dur.
200
+
201
+ Au milieu du disque.
202
+
203
+ Sur le bord du disque.
204
+
205
+ Sur les premières pistes.
206
+
207
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
208
+
209
+ Les anciens disques durs utilisant l’interface Modified Frequency Modulation (en), par exemple le Maxtor XT-2190, disposaient d’une étiquette permettant de répertorier les secteurs défectueux. Lors du formatage et donc, en vue d’une préparation à l’utilisation, il était nécessaire de saisir manuellement cette liste de secteurs défectueux afin que le système d’exploitation n’y accède pas. Cette liste n’était pas forcément vierge au moment de l’achat.
210
+
211
+ Avec le temps, les contrôleurs électroniques des disques durs ont pris en charge matériellement les secteurs défectueux. Une zone du disque dur est réservée à la ré-allocation des secteurs défectueux. Les performances s’en trouvent réduites, mais le nombre de secteurs étant faible, l'effet est négligeable pour l'utilisateur.
212
+
213
+ L’usure de la couche magnétique, importante sur les premiers disques durs mais de plus en plus réduite, peut causer la perte de secteurs de données.
214
+
215
+ Le contrôleur électronique embarqué du disque dur gère la récupération des secteurs défectueux de façon transparente pour l’utilisateur, mais l’informe de son état avec le SMART (Self-Monitoring, Analysis and Reporting Technology). Dans la grande majorité des cas, le contrôleur ne tente pas une récupération des nouveaux secteurs défectueux, mais les marque simplement comme inutilisables. Ils seront réalloués au prochain formatage bas-niveau à des secteurs de remplacement parfaitement lisibles. Cependant, suivant le contrôleur et l’algorithme utilisé, la réallocation peut avoir lieu pendant le fonctionnement.
216
+
217
+ Les secteurs défectueux représentent une pierre d'achoppement des sauvegardes matérielles de disques durs en mode miroir (que ce soit au moyen de doubles docks possédant un dispositif de copie matérielle hors connexion ou d'une commande comme dd en Linux), car ces secteurs peuvent exister sur un disque et non sur l'autre, ou encore être à des endroits différents sur chaque disque, rendant dès lors la copie matérielle imparfaite.
218
+
219
+ Les dimensions des disques durs sont normalisées :
220
+
221
+ De plus petits disques existent mais entrent dans la catégorie des microdrives, avec une taille de 1 pouce (2,54 cm).
222
+
223
+ Les formats normalisés précédents sont définis d’après la taille des plateaux. Il existe aussi une normalisation de la taille des boîtiers pour permettre aux disques durs de tous les manufacturiers de s’insérer dans tous les ordinateurs.
224
+
225
+ Le disque Microdrive est créé en 1998 par IBM[46]. Microdrive est une marque déposée pour un disque dur de très petite taille développé puis commercialisé à partir de 1999 pour répondre aux besoins des baladeurs numériques et surtout de la photographie numérique.
226
+
227
+ Le Microdrive emprunte les dimensions et la connectique d'une carte mémoire CompactFlash (CF type 2) et est utilisé de la même manière. Sa capacité varie de 170 Mo à 8 Go. Ce disque avait, à l'époque, une capacité supérieure aux cartes mémoires, mais était plus cher (mécanique de précision avec systèmes antichocs), plus fragile et consommait davantage d’électricité à cause de son micromoteur. Il était principalement utilisé dans les appareils photos professionnels et dans certains lecteurs MP3 en raison de sa capacité importante. Depuis environ 2007, ce type de disque dur est en concurrence frontale avec les cartes de mémoire flash, qui sont moins sensibles aux chocs, car faites d’électronique pure et dont le prix diminue sans cesse.
228
+
229
+ Un disque virtuel est un logiciel qui permet d’émuler un disque à partir d’un espace alloué en mémoire centrale. Sa création est faite par le pilote de disque virtuel, sa destruction est faite par la réinitialisation ou l'extinction de l'ordinateur (plus rarement par le pilote), les accès se font par des appels systèmes identiques à ceux pour les disques réels (le noyau doit contenir les pilotes adéquats). Les temps d’accès sont extrêmement rapides, en revanche, par nature, la capacité d'un disque virtuel ne peut excéder la taille de la mémoire centrale.
230
+
231
+ Les données étant perdues si la mémoire n’est plus alimentée électriquement, on écrit en général sur un disque virtuel des fichiers pour lecture seule, copies de fichiers sur disque, ou des fichiers intermédiaires dont la perte importe peu, par exemple :
232
+
233
+ Historiquement, le premier disque dur amovible à large diffusion commerciale était un boîtier rackable contenant un disque dur et doté d'une interface IDE ; avec ce type de technologie, aucun branchement à chaud n'était possible. Les disques externes raccordables à chaud commercialisés par la suite sont principalement dotés d'un port FireWire, eSata ou USB.
234
+
235
+ Les disques durs externes raccordés via un port USB sont de plus en plus abordables, et possèdent par exemple des capacités de 500 Go, 1 ou 2 To, pour un usage typique de sauvegarde de données volumineuses (photos, musique, vidéo). L'interface est de type USB 2.0 ou USB 3.0, et elle sert aussi à l'alimentation électrique. Ils sont parfois dotés de deux prises USB, la deuxième permettant une meilleure alimentation en énergie, un port étant limité à 500 mA ; l'utilisation de deux ports permet d'atteindre 1 000 mA[47].
236
+
237
+ Disque externe Toshiba de capacité 1 To.
238
+
239
+ Disque Wi-Fi EMTEC de 500 Go, avec port Ethernet.
240
+
241
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
242
+
243
+ Un SSD (pour solid-state drive) peut avoir extérieurement l’apparence d’un disque dur classique, y compris l’interface, ou avoir un format plus réduit (mSATA, mSATA half-size, autrement dit demi-format) mais est dans tous les cas constitué de plusieurs puces de mémoire flash et ne contient aucun élément mécanique.
244
+
245
+ Par rapport à un disque dur, les temps d’accès sont très rapides pour une consommation généralement inférieure[48], mais lors de leur lancement, leur capacité était encore limitée à 512 Mo et leur prix très élevé.
246
+
247
+ Depuis 2008, on voit la commercialisation d'ordinateurs portables (généralement des ultraportables) équipés de SSD à la place du disque dur, par la plupart des grands constructeurs (Apple, Acer, Asus, Sony, Dell, Fujitsu, Toshiba, etc.). Ces modèles peuvent être utilisés par exemple dans un autobus, ce qui serait déconseillé pour un modèle à disque dur physique, la tête de lecture risquant alors d'entrer en contact avec le disque et d'endommager l'un et l'autre.
248
+
249
+ Comme toute nouvelle technologie, les caractéristiques évoluent très rapidement :
250
+
251
+ À mi-chemin entre le disque dur et le SSD, les disques durs hybrides (SSHD) sont des disques magnétiques classiques accompagnés d’un petit module de mémoire flash (8 à 64 Go selon le fabricant[49]) et d'une mémoire cache (8 à 64 Mo selon le fabricant[49]).
252
+
253
+ Développé en priorité pour les ordinateurs portables, l’avantage de ces disques réside dans le fait de réduire la consommation d’énergie, d’augmenter la vitesse de démarrage et d’augmenter, enfin, la durée de vie du disque dur.
254
+
255
+ Lorsqu’un ordinateur portable équipé d’un disque hybride a besoin de stocker des données, il les range temporairement dans la mémoire flash, ce qui évite aux pièces mécaniques de se mettre en route.
256
+
257
+ L’utilisation de la mémoire flash devrait permettre d’améliorer de 20 % les chargements et le temps de démarrage des PC. Les PC portables devraient quant à eux profiter d’une augmentation d’autonomie de 5 à 15 %, ce qui pourrait se traduire par un gain de 30 minutes sur les dernières générations de PC portables[réf. souhaitée].
258
+
259
+ Le nombre de fabricants de disques durs est assez limité de nos jours, en raison de divers rachats ou fusions d’entreprises, voire l’abandon par certaines entreprises de cette activité.
260
+
261
+ Les fabricants mondiaux restants sont :
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+ Les fabricants historiques sont :
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ En géométrie, la longueur est la mesure d'une courbe dans un espace sur lequel est définie une notion de distance. La longueur est une mesure linéaire sur une seule dimension, par opposition à la surface qui est une mesure sur deux dimensions, et au volume dont la mesure porte sur trois dimensions. La longueur d'une courbe ne doit pas être confondue avec la distance entre deux points, laquelle est généralement plus petite que la longueur d'une courbe les reliant, la distance la plus courte étant celle mesurée suivant une ligne droite.
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+
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+ La longueur est une grandeur physique et une dimension spatiale. C'est une unité fondamentale dans pratiquement tout système d'unités. C'est notamment la dimension fondamentale unique du système d'unités géométriques, qui présente la singularité de ne pas avoir d'autre unité fondamentale.
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+ Le symbole de la longueur est « L » (lettre « L » majuscule). Notons qu'à la différence, le symbole de la largeur est « l » (lettre « l » minuscule).
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+ La mesure des longueurs remonte probablement aux premiers temps du Néolithique et de la sédentarisation associée : si une civilisation de chasseurs-cueilleurs peut se contenter d'estimer ses trajets en journée de marche (donc, par une unité de temps), la mesure de longueur devient nécessaire dès qu'il s'agit d'estimer géométriquement des droits sur des champs, ou de discuter le prix de vente d'une étoffe[1].
10
+
11
+ Les premières mesures de longueur dont on trouve des traces historiques sont liées à l'homme, « mesure de toute chose »[2] : la coudée pour des mesures de longueur (notamment des étoffes), la perche de dix pieds pour les mesures d'arpentage, le millier de double pas (mille romain) pour les mesures de distance[1]. Ces unités de base varient évidemment d'une personne à l'autre, ou d'une population à l'autre, et étaient éminemment variables dans le temps et dans l'espace, quoique représentant en gros les mêmes quantités : le double pas d'un individu étant à peu près la valeur de sa taille, le mille romain de 1 479 m suppose que le soldat romain mesure à peine 1,50 m...
12
+
13
+ Par ailleurs, ces unités de base pouvaient admettre des multiples ou sous-multiples suivant des valeurs plus ou moins conventionnelles : un pouce est le douzième d'un pied et est le quart d'un palme de main, etc.
14
+
15
+ La notion fondamentale est celle de distance entre deux points, qui peut être mesurée directement par une règle ou une chaîne d'arpenteur. L'étape suivante dans l'abstraction consiste à estimer la longueur d'une ligne courbe, ce qui se fait en imposant à une corde flexible mais inextensible les tours et détours de cette courbe, puis en mesurant la longueur de cette corde une fois tendue en un segment droit : c'est ainsi que l'on mesure un tour de tête.
16
+
17
+ Pour l'arpenteur géomètre, la longueur d'un chemin prend la forme d'une somme de longueurs élémentaires, chaque tronçon de chemin étant suffisamment peu courbe pour pouvoir être assimilé à un petit segment de droite. Si la courbure du chemin devient trop importante, il suffit de prendre des segments plus petits pour retrouver une approximation satisfaisante.
18
+
19
+ C'est cette pratique qui est à la base de la rectification des courbes théoriques (cercles, ellipses, etc.), visant non plus à mesurer mais cette fois à calculer la longueur d'un arc, d'une courbe dite en conséquence courbe rectifiable, sous forme d'une limite de la somme d'une infinité de segments infiniment petits. Dès l'époque d'Archimède, les grecs savent calculer avec une bonne approximation le périmètre d'un cercle, par la méthode des polygones inscrits ou exinscrits. Le développement de la géométrie analytique a permis d'étendre cette approche à des courbes de plus en plus complexes.
20
+
21
+ En géométrie et physique classique, la notion de longueur est comprise comme quelque chose d'intrinsèque à l'espace, et indépendant de l'observateur. Même si les géométries non euclidiennes étaient connues depuis le début du xixe siècle, personne n'était allé s'imaginer que l'espace physique pouvait être autre chose que l'espace euclidien avant la fin du xixe siècle.
22
+
23
+ C'est avec la relativité restreinte que la physique découvrit que la mesure d'une distance entre deux points ou de la longueur d'un objet dépendait en réalité de l'observateur, et n'était donc pas une mesure intrinsèque. Cependant, même en relativité générale, on considère que l'espace entourant un observateur lui apparaît comme localement euclidien. Mais même ce cadre familier est remis en cause par la mécanique quantique, où l'on voit que pour des distances de l'ordre de la longueur de Planck, la mesure d'une distance cesse d'avoir un sens physique, et les dimensions de temps et d'espace ne peuvent même plus être facilement distinguées dans ce qui apparaît alors comme une espèce de mousse quantique indifférenciée.
24
+
25
+ Par abus de langage, on qualifie également de « longueur » la grandeur physique qui traduit d'une manière générale l'extension spatiale de quelque chose, la grandeur suivant une dimension d'espace. L'extension spatiale peut cependant recouvrir des cas assez différents, qui ne sont pas tous désignés par le terme de « longueur » :
26
+
27
+ Sur ces deux derniers points, la dérivée par rapport au temps sera qualifiée de vitesse. Sur les deux premiers, on parlera plutôt de croissance.
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+
29
+ Le terme de « longueur » est plutôt réservé à la mesure géométrique d'un objet, d'une distance ou d'un chemin. Une telle longueur est alors un scalaire extensif (la longueur hors tout d'un train est la somme des longueurs de ses composants). Par définition, une longueur est une grandeur additive : la longueur d'un chemin est la somme des longueurs de ses parties. C'est de plus une grandeur toujours positive.
30
+
31
+ Un « déplacement » est en revanche une grandeur vectorielle (caractérisée par une direction et une norme) et intensive (elle est définie en chaque point, et ne peut pas être additionnée d'un point sur l'autre).
32
+
33
+ Le long d'une courbe, le déplacement élémentaire
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+
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+
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+
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+
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+ d
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+
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+
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+
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+
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+
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+
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+ {\displaystyle \scriptstyle {\overrightarrow {\mathrm {d} \ell }}}
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+
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+ est une grandeur intensive dont l'intégrale sur l'ensemble du segment peut conduire :
55
+
56
+ Dans les deux cas, l'intégrale est donc une grandeur extensive (scalaire ou vectorielle). Mais il est clair que par exemple, sur une courbe fermée, la « longueur » peut mesurer le périmètre d'un corps, alors même que le « déplacement » sera nécessairement nul entre le point de départ et le point d'arrivée.
57
+
58
+ En géométrie analytique, certaines courbes peuvent être définie par une équation. On peut alors calculer la longueur d'un arc par le calcul d'une intégrale.
59
+
60
+ La longueur est la mesure physique d'une distance. Dans le cas général, la longueur d'une trajectoire entre un point O et un point T est l'intégrale curviligne du vecteur déplacement élémentaire d'un point cheminant le long de cette trajectoire entre les deux points. Si le point P a pour coordonnées
61
+
62
+
63
+
64
+
65
+
66
+ [
67
+
68
+ x
69
+ (
70
+ τ
71
+ )
72
+ ,
73
+ y
74
+ (
75
+ τ
76
+ )
77
+ ,
78
+ z
79
+ (
80
+ τ
81
+ )
82
+
83
+ ]
84
+
85
+
86
+
87
+
88
+ {\displaystyle \scriptstyle \left[x(\tau ),y(\tau ),z(\tau )\right]}
89
+
90
+ dans un repère orthonormé, la longueur de sa trajectoire sera :
91
+
92
+ Il est possible de reparamétrer la courbe parcourue par le point P en fonction de la longueur
93
+
94
+
95
+
96
+
97
+
98
+
99
+ {\displaystyle \ell }
100
+
101
+ parcourue :
102
+
103
+ Avec ce paramétrage, la dérivée partielle de la position du point par rapport à son abscisse curviligne est un vecteur normé, tangent à la courbe, et la longueur de la trajectoire est directement donnée par l'intégrale curviligne :
104
+
105
+ L'unité internationale pour la mesure de la longueur est le mètre (en abrégé : m). Dans le Système international d'unités, on peut aussi l'exprimer :
106
+
107
+ Il existe des unités de longueur en dehors du Système international, en particulier le pouce, le pied et le mille.
108
+
109
+ En géométrie, on cherche fréquemment à calculer la longueur de courbes. Cela permet par exemple de déterminer les dimensions d'un objet à partir du plan, pour permettre sa construction. Par exemple, pour construire un réservoir cylindrique, il faut connaître la longueur de tôle que l'on va rouler pour former la virole (le corps central).
110
+
111
+ La longueur d’un objet est la distance entre ses deux extrémités les plus éloignées. Lorsque l’objet est filiforme ou en forme de lacet, sa longueur est celle de l’objet complètement développé.
112
+
113
+ La longueur d'un objet est perpendiculaire à sa largeur. Pour mémoire, le symbole de la largeur est « l » (lettre « l » minuscule) ; mais cette notion n'a pas de réalité mathématique distincte.
114
+
115
+ La longueur d'un objet permet d’apprécier sa taille. La longueur est une dimension spatiale, qui peut être mesurée à l'aide d'unités, telles que celles identifiées par le Système international d'unités : le mètre et ses multiples ou sous-multiples.
116
+
117
+ La longueur d’un objet physique n’est pas une propriété intrinsèque ; celle-ci peut dépendre de la température, de la pression, de la vitesse, etc.
118
+
119
+ Mesurons une page de papier avec une règle formée de 3 décimètres gradués en millimètres (mm) ; la page a pour largeur 21 centimètres et pour longueur 29,7 centimètres.
120
+
121
+ On note en résumé : largeur = 21 cm = 21 × 1 cm = 21 × 0,01 × 1 m = 0,21 m et longueur = 29,7 cm = 29,7 × 1 cm = 29,7 × 0,01 × 1 m = 0,297 m.
122
+
123
+ Il est impossible de mesurer l'épaisseur de la feuille avec la même règle. Par contre, on peut mesurer l'épaisseur d'une pile de 500 feuilles (une rame) et constater que 500 × l'épaisseur = 5 cm. On peut en déduire que l'épaisseur d'une feuille est un dixième de millimètre.
124
+
125
+ Pour les petites longueur — entre 1 dm et 1 µm —, on utilise des instruments tels que le pied à coulisse ou le micromètre « Palmer ».
126
+
127
+ En deçà du micromètre — nanomètre (nm), picomètre (pm), femtomètre (fm) —, on ne peut plus utiliser la vue pour mesurer un objet (problème de diffraction, la longueur d'onde de la lumière visible étant de l'ordre de 500 nm). Il faut alors utiliser d'autres rayonnements, comme un faisceau d'électrons.
128
+
129
+ On parle plutôt de « distance » entre deux points, pour désigner la mesure de la longueur du segment de droite séparant ces deux points.
130
+
131
+ La « distance » entre deux points pas trop proches ni trop éloignés — entre 1 mm et quelques m — se mesure avec une règle droite (une toise) qui peut être graduée. Pour mesurer un objet, on fait correspondre les deux extrémités de l'objet avec des points de la règle. Bien sûr il faut que l'objet et la règle soient rigides, indéformables. On peut également utiliser une corde ou un ruban gradué (mètre ruban), ce qui permet d'avoir un instrument facile à ranger et à transporter ; il faut alors s'assurer que le ruban est bien tendu pour la mesure, et son élasticité ne doit pas être trop importante.
132
+
133
+ Pour les grandes distances — entre 1 m et quelques km —, on utilise des phénomènes optiques, comme la différence de parallaxe ou bien l'échelle créée par l'éloignement pour un télémètre stadimétrique, ou bien encore la trigonométrie, avec la technique de triangulation. On utilise également des phénomènes ondulatoires, typiquement la durée d'aller-retour d'une onde : onde sonore pour un sonar, onde lumineuse pour un télémètre laser, onde radio pour un radar. En sismologie, on utilise la différence de vitesse de propagation des onde P et S pour déterminer la distance de l'hypocentre d'un séisme.
134
+
135
+ La mesure des distances en astronomie se fait par la mesure du temps que met la lumière ou plus généralement les ondes électromagnétiques pour parcourir la ligne droite qui sépare deux objets, ou bien le phénomène du décalage vers le rouge. On utilise des unités telles que :
136
+
137
+ La longueur peut dans certaines situations, représenter une durée, comme dans la longueur des jours, ou dans l’expression « à longueur de journée » qui signifie pendant toute la journée ou encore dans « traîner en longueur » qui veut dire durer trop longtemps.
138
+
139
+ En informatique, la longueur d’un mot écrit dans un alphabet quelconque correspond au nombre de lettres qui composent le mot. De même, la longueur d’une chaîne de caractères correspond au nombre de caractères qui constituent la chaîne.
140
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Linux est, au sens restreint, le noyau de système d'exploitation Linux, et au sens large, tout système d'exploitation fondé sur le noyau Linux. Cet article couvre le sens large.
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5
+ À l'origine, le noyau Linux a été développé pour les ordinateurs personnels compatibles PC, et devait être accompagné des logiciels GNU pour constituer un système d'exploitation. Des partisans du projet GNU promeuvent depuis le nom combiné GNU/Linux. Depuis les années 2000, le noyau Linux est utilisé sur du matériel informatique allant des téléphones portables aux super-ordinateurs, et n'est pas toujours accompagné de logiciels GNU. C'est notamment le cas d'Android, qui équipe plus de 80 % des smartphones.
6
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7
+ Le noyau Linux a été créé en 1991 par Linus Torvalds. C'est un logiciel libre. Les distributions Linux ont été, et restent, un important vecteur de popularisation du mouvement open source.
8
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9
+ Le terme GNU/Linux a été initié par le projet Debian créé par Ian Murdock et est défendu notamment par Richard Stallman, fondateur du projet GNU. Selon ses défenseurs, il est nécessaire pour créditer à la fois les développeurs de GNU et de Linux, afin d'éviter la confusion avec d'autres systèmes comme Android fondés sur Linux mais pas sur GNU.
10
+
11
+ L'usage du seul nom Linux, le plus répandu parmi le grand public, est défendu notamment par Linus Torvalds, créateur du noyau Linux. Le principal argument des promoteurs de cette appellation est l'argument de simplicité : « Linux » est plus court à écrire et prononcer que « GNU/Linux ».
12
+
13
+ Le 27 septembre 1983, Richard Stallman annonce sur Usenet son projet de développer un système d'exploitation compatible UNIX appelé GNU[2], en invitant la communauté hacker à le rejoindre et participer à son développement.
14
+
15
+ Dès 1985, certaines pièces maîtresses sont déjà opérationnelles : le compilateur GCC finalisé dès juin 1984[3], une version emacs compatible UNIX, etc. Au début des années 1990, le projet GNU possède ou a accès à une version utilisable de tous les éléments nécessaires à la construction d’un système d’exploitation à l’exception du plus central : le noyau.
16
+
17
+ Le projet GNU initie alors en 1990 le projet de production d'un noyau nommé Hurd. Cependant, Hurd ne dépassera jamais réellement le stade de curiosité de laboratoire de recherche, et en 1991, GNU n'est toujours pas complètement opérationnel à cause de ce manque.
18
+
19
+ En 1991, l’étudiant finlandais Linus Torvalds, indisposé par la faible disponibilité du serveur informatique UNIX de l’université d'Helsinki, entreprend le développement d’un noyau de système d'exploitation, qui prendra le nom de « noyau Linux ».
20
+
21
+ Le 25 août 1991, il annonce sur le forum Usenet news:comp.os.minix le développement du noyau Linux[4].
22
+
23
+ Linus Torvalds choisit rapidement de publier son noyau sous licence GNU GPL. Cette décision rend compatibles juridiquement les systèmes GNU et Linux. Dès lors, pour combler le vide causé par le développement inachevé de Hurd, GNU et le noyau Linux sont associés pour former un nouveau système d'exploitation (parfois considéré comme variante de GNU) : GNU/Linux ou Linux.
24
+
25
+ À l'origine, l'installation d'un système opérationnel GNU/Linux nécessitait des connaissances solides en informatique et obligeait à trouver et installer les logiciels un à un.
26
+
27
+ Rapidement, des ensembles de logiciels formant un système complet prêt à l'usage ont été disponibles : ce sont les premières distributions GNU/Linux. On peut citer par ordre chronologique[5] :
28
+
29
+ Dans la prise en compte progressive de l’intérêt commercial de GNU/Linux, on peut citer quelques manifestations :
30
+
31
+ C’est dans le monde des serveurs informatiques que GNU/Linux a eu le plus d’impact, notamment avec le très populaire LAMP. Sur les serveurs, GNU/Linux a souvent été utilisé pour remplacer d’autres systèmes de type Unix ou éviter l'achat de licences Windows NT et se retrouve être un des acteurs majeurs. Dès 2003, Microsoft semble faire appel lui-même en partie à GNU/Linux[8].
32
+
33
+ Dans son ouvrage intitulé The Daemon, the Gnu, and the Penguin, Peter Salus explique que ce système est né de la rencontre du mode opératoire « hacker » avec les principes du mouvement du logiciel libre, les philosophies hacker et du logiciel libre y sont décrites comme deux facettes du même objet.
34
+
35
+ La différence essentielle des distributions GNU/Linux certifiées par la Free software foundation par rapport à d’autres systèmes d’exploitation concurrents — comme Mac OS, Microsoft Windows et Solaris — est d’être des systèmes d’exploitation libres, apportant quatre libertés aux utilisateurs, définies par la licence Licence publique générale GNU (GPL), les rendant indépendants de tout éditeur et encourageant l’entraide et le partage.
36
+
37
+ Un logiciel libre n’est pas nécessairement gratuit, et inversement un logiciel gratuit n’est pas forcément libre[9]. Ce ne sont pas non plus des logiciels libres de droits : c’est en vertu de leurs droits d’auteurs que les contributeurs d’un logiciel libre accordent les quatre libertés, qui sont d’« utiliser le logiciel sans restriction », d’« étudier le logiciel », de le « modifier pour l’adapter à ses besoins » et de le « redistribuer sous certaines conditions précises », leur non-respect pouvant conduire à des condamnations[10].
38
+
39
+ Certaines licences sont fondées sur le principe du copyleft, c’est-à-dire sur le principe de réciprocité : une œuvre dérivée d’un logiciel sous copyleft doit à son tour être libre. C’est le cas de la licence libre la plus utilisée, notamment par le noyau Linux lui-même à l’exception de certains micro-blobs propriétaires : la licence GNU GPL écrite par Richard Stallman.
40
+
41
+ L’ouverture du code source, l’un des quatre critères correspondant à la notion de logiciel libre, a des avantages théorisés entre autres par Eric Raymond, comme la correction rapide des bogues, et notamment la correction des failles de sécurité. C’est le refus du principe de sécurité par l’obscurité.
42
+
43
+ Linux n’aurait pu se développer sans la présence de protocoles standardisés utilisés sur Internet. Un bon nombre de logiciels libres sont d’ailleurs des implémentations de référence, comme Apache.
44
+
45
+ Les partisans des logiciels libres sont donc des partisans constants de l’interopérabilité. Ils mettent en avant les formats ouverts, des formats de données dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en œuvre, afin de ne pas dépendre d’un seul logiciel.
46
+
47
+ Citons dans cette optique Mozilla Firefox, qui tente de respecter scrupuleusement les recommandations émises par le World Wide Web Consortium, Jabber, qui a donné naissance au standard XMPP reconnu par l’Internet Engineering Task Force dans le domaine de la messagerie instantanée ou encore les suites LibreOffice et Calligra, qui ont lancé le standard OpenDocument dans le domaine de la bureautique.
48
+
49
+ Dans d’autres domaines, il n’existe pas d’organisme ou d’accord de standardisation reconnus. Le marché est alors morcelé entre divers vendeurs qui ont chacun leur technologie ou sous la domination d’un acteur économique prédominant qui ferme ses formats ou protocoles.
50
+
51
+ Le premier cas de figure prévaut dans la guerre des messageries instantanées et est en partie résolu par des logiciels multiprotocoles comme Pidgin ou Kopete. Les formats des suites Microsoft Office successives et le protocole Server Message Block qui permet de partager des fichiers et des imprimantes entre différents ordinateurs d’un réseau Microsoft Windows tombent dans la deuxième catégorie (ceci n'est plus vrai depuis que la suite Office utilise des fichiers XML). Ces formats et protocoles ne sont souvent pas ou mal documentés. L’interopérabilité passe alors nécessairement par la rétro-ingénierie.
52
+
53
+ Cela peut nécessiter un travail important, travail par ailleurs illégal aux États-Unis mais légal en Europe (tant qu’on reste dans le cadre de l’interopérabilité) ; aujourd’hui, OpenOffice.org (Libre Office depuis Septembre 2010) permet de lire la très grande majorité des fichiers aux différents formats DOC, et le logiciel Samba permet d'utiliser les partages réseaux Windows du protocole SMB.
54
+
55
+ Plus problématique du point de vue des logiciels libres sont les formats et protocoles nécessaires à l’interopérabilité, mais verrouillés techniquement ou légalement : gestion des droits numériques, brevets logiciels, Directive EUCD, Digital Millennium Copyright Act, etc.
56
+
57
+ Sur le site Debian, il est expliqué que « les normes de POSIX ne sont pas gratuites et la certification POSIX.1 (et FIPS 151-2) est très chère »[11].
58
+
59
+ De nombreuses associations, connues sous le nom de Groupe d'utilisateurs Linux (Linux Users Group en anglais), cherchent à promouvoir GNU/Linux et, par extension, les logiciels libres, par le biais de rencontres où des démonstrations de GNU/Linux sont faites, des formations, et pour ceux qui le souhaitent des installations sur leur ordinateur.
60
+
61
+ De nombreuses communautés existent sur Internet afin d’aider les débutants comme les professionnels. Citons le site Léa-Linux, le site d’informations collaboratif Linuxfr.org, qui aide les utilisateurs dans leur apprentissage des bases de GNU/Linux grâce à un réseau IRC très actif, ou encore le site Le Journal du Hacker[12]. Et les projets Proselux[13], Groupe de parrains Linux[14] ou encore Parrain-Linux[15] permettent aux « linuxiens » de se rencontrer pour s’entraider. De même, il existe de nombreux sites regroupant des tutoriels ainsi que des howto.
62
+
63
+ Les logiciels libres sont développés de manière collaborative, souvent indépendamment les uns des autres, et peuvent être librement redistribués. Il s’ensuit une particularité du monde GNU/Linux : la séparation fréquente entre ceux qui développent les logiciels et ceux qui les distribuent.
64
+
65
+ On appelle distribution GNU/Linux (ou distribution Linux) une solution prête à être installée par l’utilisateur final comprenant le système d’exploitation GNU, le noyau Linux, des programmes d’installation et d’administration de l’ordinateur, un mécanisme facilitant l’installation et la mise à jour des logiciels comme RPM ou APT ainsi qu’une sélection de logiciels produits par d’autres développeurs.
66
+
67
+ Une distribution peut par exemple choisir de se spécialiser sur l'environnement de bureau GNOME ou KDE. Elle est également responsable de la configuration par défaut du système (graphisme, simplicité…), du suivi de sécurité (installations de mise à jour) et plus généralement de l’intégration de l’ensemble.
68
+
69
+ La diversité des distributions permet de répondre à des besoins divers, qu’elles soient à but commercial ou non ; orientée serveur, bureautique ou embarqué ; orientée grand public ou public averti ; généraliste ou spécialisée pour un usage spécifique (pare-feu, routeur réseau, grappe de calcul, etc.) ; certifiées sur un matériel donné ; ou tout simplement entièrement libres, c’est-à-dire dépourvues de tout code propriétaire.
70
+
71
+ La plupart des distributions sont dérivées d'une autre distribution. Ainsi, comme illustré dans la ligne temporelle des distributions GNU/Linux, trois distributions sont à l'origine de la plupart des autres :
72
+
73
+ De nombreuses autres distributions plus ou moins spécialisées existent, étant pour la plupart dérivées des projets précités. Par exemple voici quelques distributions spécialisées « environnement de bureau » : Ubuntu, éditée par Canonical Ltd. qui est dérivée de Debian ; MEPIS, également fondée sur Debian ; Zenwalk, dérivée de Slackware ; OpenMandriva Lx et Mageia éditées par des associations à but non lucratif, dérivées de feu Mandriva Linux elle-même dérivée de Red Hat. Il existe également pour beaucoup de distributions des éditions dites Live CD, l’une des plus célèbres est Knoppix[16], elles offrent la possibilité de démarrer un système d’exploitation GNU/Linux complet et d’accéder à de nombreux logiciels à partir du support (CD, DVD ou clé USB) sans installation préalable sur le disque dur, et sans altérer son contenu. Cette souplesse d’utilisation les rend très populaires pour les démonstrations d’utilisation de GNU/Linux, et sont même utilisées comme outils de maintenance système. Parmi les distributions GNU/Linux entièrement libres recommandées par la Free Software Foundation, on peut citer Trisquel et gNewSense.
74
+
75
+ Enfin, Linux From Scratch est un livre qui, à partir du code source des logiciels, propose au lecteur de construire sa propre distribution GNU/Linux.
76
+
77
+ En reprenant les distributions parentes de nombreuses autres distributions dans l'illustration des lignes temporelles :
78
+
79
+ Avril 2020
80
+
81
+ Juin 2020
82
+
83
+ Un des enjeux qui se posent pour les distributions GNU/Linux est de nouer des partenariats avec des fabricants d’ordinateurs afin qu’il devienne plus facile de trouver un ordinateur vendu avec un système fondé sur GNU/Linux pré-installé. Car même si certaines distributions affirment avoir rendu l’installation d’un système fondé sur GNU/Linux aussi simple que celle des systèmes d’exploitation concurrents, le simple fait d’avoir à être au courant que d’autres systèmes existent, d’être prêt à accepter des changements dans ses habitudes et d’avoir à installer soi-même le système constitue un désavantage indéniable par rapport à la situation privilégiée dont jouissent les distributeurs de Microsoft Windows et de Mac OS X. Le système de Microsoft est en effet omniprésent et Apple est en même temps le fabricant des Macintosh.
84
+
85
+ À défaut, les utilisateurs de GNU/Linux peuvent réclamer le remboursement de la part correspondante au prix du système d’exploitation et des logiciels qu’ils n’ont pas l’intention d’utiliser, lors de l’achat d’un ordinateur neuf, comme la loi de certains pays le permet[32]. Si la société Apple s’est montrée plusieurs fois coopérative face à de telles demandes, le remboursement de Microsoft Windows est en général long et difficile bien qu’actuellement une série de décisions de justice ait permis à certains consommateurs de se faire rembourser par les fabricants. Devant la difficulté d’obtenir ce remboursement fondé sur le CLUF, dès 1998, les associations Linuxfrench et AFUL ainsi que Roberto Di Cosmo ont lancé en réaction une action pour la détaxe Windows[33].
86
+
87
+ Cette situation existe en Europe et en Amérique du Nord, mais pas dans certains pays d’Amérique du Sud, où les distributions GNU/Linux ont plus de part de marché que Windows[34].
88
+
89
+ Cette situation de quasi-monopole explique en partie la faible diffusion en Europe et en Amérique du Nord de GNU/Linux chez les particuliers.
90
+ Un autre frein à l’adoption de GNU/Linux est l’incompatibilité avec les programmes binaires Windows (le développement de Wine permet de remédier partiellement à cette incompatibilité). La faible ressemblance entre GNU/Linux et Windows rend de plus nécessaire une certaine adaptation.
91
+ Les distributions Ubuntu (2004) et MandrakeLinux (1998) devenue Mandriva Linux sont parmi les premières à s'être orientées vers une utilisation bureautique destinée au grand public[35],[36].
92
+
93
+ Depuis juillet 2009, Microsoft contribue au noyau Linux. En effet, Microsoft a publié plusieurs pilotes pour Linux, sous licence GPLv2, destinés à améliorer le support de son système de virtualisation propriétaire Hyper-V[37],[38].
94
+
95
+ Le concept de part de marché est un peu particulier dans le cas du noyau Linux. En effet comme les systèmes d'exploitation qui l'utilisent sont rarement « vendus », la mesure financière n'a aucun sens.
96
+
97
+ Seul le nombre de machines l'utilisant régulièrement peut être compté. Si cela est aisé pour les superordinateurs (peu nombreux), cela devient plus difficile pour les postes clients (statistiques fondées sur le user-agent HTTP), et encore plus incertain pour les systèmes embarqués, à l'exception des baladeurs, téléphones, et tablettes numériques.
98
+
99
+ Le noyau Linux équipe la plupart des systèmes embarqués, civils ou militaires (box, robots, aérospatial, drones…).
100
+
101
+ Android/Linux a réalisé une croissance très élevée de 72 % dans les téléphones portables en 2010[39].
102
+
103
+ Les Linux y sont très largement majoritaires[40].
104
+
105
+ En 2010, GNU/Linux totalise 16,8 % des parts de marché pour les serveurs, toute utilisation confondue[45], selon une étude de l'International Data Corporation (IDC), en s'appuyant sur les revenus générés.
106
+
107
+ Les systèmes d'exploitation de type Unix (donc en comptant aussi les * BSD) sont largement majoritaires, à 63,7 % le 27 avril 2012[46] :
108
+
109
+ En effet, les serveurs de type UNIX (et en l’occurrence, GNU/Linux) sont très facilement sécurisables, et gratuits en ce qui concerne les libres, comme GNU/Linux. Cependant, s'agissant de part de marché, il est difficile de comptabiliser l'utilisation d'un logiciel gratuit.
110
+
111
+ En mai 2014, une étude de XiTi réalisée régulièrement sur les systèmes utilisés par les visiteurs de 17 000 sites web professionnels européens donne 91,9 % de part de marché à Windows (39,2 % à Windows XP, 21,0 % à Windows Vista, 18,3 % à Windows 7, 16,3 % à Windows 8 et 4,2 % à Windows 10), 5,3 % à Mac OS X et 0,9 % à GNU/Linux.
112
+
113
+ Statistiques publiées par le site StatCounter et netmarketshare sur la part de GNU/Linux dans le monde :
114
+
115
+ La vente liée au grand public de nombreux ordinateurs pré-installés avec Windows explique en partie la faible part de marché de GNU/Linux sur les postes clients bien que celle-ci tende à augmenter.
116
+
117
+ De par la filiation avec UNIX, la ligne de commande (ou shell Unix) est toujours disponible dans GNU/Linux, quelle que soit la distribution.
118
+
119
+ Elle est restée longtemps incontournable, mais ce n’est plus vrai avec les distributions récentes et simples d'utilisation destinées à l’usage personnel, telles que Ubuntu ou Kubuntu. Néanmoins, les aides en ligne mentionnent souvent la marche à suivre en ligne de commande, même lorsqu’une configuration graphique est possible : cette méthode est plus universelle dans le monde GNU/Linux, et souvent plus facile à expliquer pour la personne qui aide, et son interlocuteur n’a qu’à copier-coller l’indication.
120
+
121
+ Une interface graphique bien conçue permet de nos jours d’accomplir la grande majorité des tâches bien plus agréablement, mais ce n’est pas toujours le cas, particulièrement lorsque la tâche a un aspect répétitif ou non prévu. La ligne de commande, qui tire sa puissance de sa possibilité de combiner à l’infini des sous-tâches automatiques, et qui permet presque naturellement d’automatiser la tâche ainsi accomplie, peut alors se révéler plus efficace que l’interface graphique. Scientifiques, ingénieurs et développeurs comptent parmi ses plus fréquents utilisateurs.
122
+
123
+ Interface graphique et ligne de commande peuvent aussi se compléter l’une et l’autre : KDE et GNOME sont livrés avec un terminal pour piloter, et donc, automatiser toutes les applications graphiques depuis la ligne de commande.
124
+
125
+ Apple, très réputé pour ses interfaces graphiques — MacOS étant le premier système commercialisé avec la gestion des fenêtres et de la souris — a également intégré un terminal en ligne de commandes compatible UNIX sur Mac OS X.
126
+
127
+ Certaines distributions, notamment celles spécialisées dans les serveurs ou certaines tâches d’administration, utilisent uniquement la ligne de commande, en particulier pour sa faible consommation de ressources, due à l’absence d’interface graphique, mais surtout pour sa puissance d’action, liée à l’interopérabilité des commandes et la possibilité de générer des scripts.
128
+
129
+ Les distributions simples d'utilisation destinées au grand public telles qu'Ubuntu et ses dérivées utilisant les paquets deb, Mageia utilisant les paquets rpm, etc. bénéficient de nombreux programmes gratuits, libres, ergonomiques et en mode graphique. Ils permettent d'effectuer la grande majorité des tâches effectuées au quotidien : bureautique, visualisation de photos, traitement d'images, lecture de musiques, visualisation et édition de vidéos, navigateurs Web, messagerie et voix sur IP (skype, XMPP, etc.). Certains programmes permettent également un usage professionnel : programmation, comptabilité, dessin 3D, CAO, FTP, etc.
130
+
131
+ De nombreux programmes peuvent s'utiliser depuis un terminal seul. On peut citer les éditeurs Vim, Emacs et sed, ou les gestionnaires de paquets apt et rpm. Certains de ces programmes peuvent aussi s’utiliser par l’intermédiaire d’une interface graphique.
132
+
133
+ De multiples raisons expliquent la foule de programmes fonctionnant en mode console :
134
+
135
+ L’utilisation de ces programmes peut s’avérer difficile pour une personne n’étant pas habituée à travailler en mode texte. Ils sont cependant très prisés par les administrateurs et développeurs expérimentés, et deviennent incontournables lors de hautes exigences dans ces domaines.
136
+
137
+ L’emploi du terme générique GNU/Linux est trompeur s’agissant de l’utilisation d’un ordinateur personnel. En effet, il existe plusieurs interfaces (ou gestionnaire de fenêtres) aux caractéristiques différentes, comme KDE, GNOME ou Xfce.
138
+
139
+ Cependant, comme toutes ces interfaces sont fondées sur X Window, leurs applications peuvent cohabiter et elles offrent des points communs dont l’affichage de fenêtres à distance (y compris via des protocoles compressés et chiffrés comme ssh et nox) et le copier-coller simplifié : un texte sélectionné par la souris est automatiquement copié, un clic milieu (ou un clic molette, ou sur les deux boutons en même temps) suffit alors pour coller le texte à l’endroit désiré. Il n’y a donc jamais besoin du clavier pour effectuer un copier-coller sous X.
140
+
141
+ Traditionnellement, l’interface d’un système d’exploitation fondé sur le noyau Linux était une interface sobre voire spartiate, centrée autour d’un gestionnaire de fenêtres (il en existe beaucoup, comme Window Maker ou IceWM) et d’une suite assez hétéroclite d’applications.
142
+
143
+ L’inconvénient de ce système traditionnel est le temps nécessaire à personnaliser un tel environnement, et surtout la non standardisation des applications ainsi utilisées. Les applications que l’on peut voir sur la copie d’écran de droite (XMMS, RealPlayer, Mozilla Firefox, xterm, Gaim, Konqueror) suivent chacune leurs propres conventions : aspect, comportements, raccourcis clavier différents ; les copier-coller et glisser-déposer sont disparates…
144
+
145
+ Si individuellement des applications comme Vim ou Emacs peuvent effectivement avoir des aspects brillants, l’ensemble disparate de toutes ces applications en fait un système difficile à appréhender pour des utilisateurs débutants. Le temps consacré à apprendre une application et les réflexes ainsi acquis ne peuvent être appliqués aux autres applications, un avantage qu’apporte la standardisation de comportement des interfaces comme l’avait montré le Macintosh, avec par exemple le raccourci clavier utilisé pour quitter une application : Ctrl + Q ou Ctrl + X - Ctrl + C ou Ctrl + C ou juste q ou Esc ou encore :qa!, bye, quit ou exit, etc.
146
+
147
+ L'utilisation de ce type d'environnement peut paraître déroutante aux utilisateurs habitués à d'autres solutions (telles KDE ou Gnome). Il présente en revanche l'avantage de la simplicité et de la souplesse de configuration et de personnalisation en fonction des besoins de chacun.
148
+
149
+ L’état des lieux du précédent chapitre est décrit dans un manifeste[60] datant de 1996 ayant poussé Matthias Ettrich à fonder en réaction le projet KDE, puis Miguel de Icaza à fonder le projet GNOME l’année suivante, qui s’inspirent de Mac OS et de Windows sur le plan de l’ergonomie logicielle et de la standardisation des comportements.
150
+
151
+ Ces deux projets sont devenus les fédérateurs de GNU/Linux sur le poste de travail.
152
+
153
+ Chacun offre en effet :
154
+
155
+ Ces deux environnements de bureau ont atteint récemment une maturité certaine, citons l’année 2003 pour KDE[65], un peu plus tard pour GNOME. Très actifs, ces deux projets ont néanmoins l’intention de s’améliorer nettement pour leurs prochaines versions majeures ; les efforts dans ce sens sont concentrés au sein des projets Appeal pour KDE, et ToPaZ[66] pour GNOME.
156
+
157
+ Techniquement, ils reposent tous deux sur de nombreuses technologies communes, au premier rang desquelles le système de fenêtrage X11. Pour éviter de dupliquer certains efforts, une zone informelle de collaboration entre ces projets du nom de Freedesktop.org a été mise en place.
158
+
159
+ C’est dans l’approche de l’ergonomie (celle-ci étant relative au type d’utilisateur) et dans la conception du rôle d’un environnement de bureau qu’ils diffèrent : l’environnement KDE pousse loin la volonté d’intégration entre les applications, possède de très nombreuses fonctionnalités avancées et joue la carte de la configuration tout en veillant à avoir des bons choix par défaut ; GNOME se veut plus épuré et se consacre sur les tâches essentielles (reprenant la philosophie making things just work). Chacun plaît, par conséquent, à un public différent.
160
+
161
+ On peut noter également la montée en puissance[réf. souhaitée]d’un troisième environnement de bureau appelé Xfce, qui vise à fournir un environnement complet fondé sur GTK+ comme GNOME, tout en restant plus léger que ce dernier ou KDE.
162
+
163
+ La communauté du logiciel libre a produit un grand nombre de logiciels utilisables dans de nombreux domaines. Voici des exemples de logiciels donnés à titre indicatif :
164
+
165
+ La plupart des distributions GNU/Linux proposent un programme (comme Synaptic) permettant de naviguer dans une liste de logiciels testés et préconfigurés spécialement pour une distribution. Ces programmes sont alors téléchargés et installés en quelques clics, avec un système de signature électronique permettant de vérifier l'authenticité et l'intégrité des logiciels proposés. Ces programmes sont ensuite mis à jour automatiquement.
166
+
167
+ Certains logiciels propriétaires importants ont également une version GNU/Linux. C’est le cas de Opera, Adobe Flash Player, Adobe Acrobat Reader, NeroLinux ou Skype par exemple.
168
+
169
+ La notion de portabilité désigne la capacité d’un programme à être utilisé sous différents systèmes d’exploitation ou architectures.
170
+
171
+ Enfin, il est possible d’utiliser des logiciels faits pour Microsoft Windows sur un poste GNU/Linux grâce à une implémentation de l’API Windows sous GNU/Linux comme Wine. Des offres commerciales fondées sur Wine comme CrossOver permettent d’utiliser presque sans problèmes des logiciels tels Microsoft Office et Photoshop issus du monde Windows.
172
+
173
+ Il existe de nombreux[67] jeux disponibles sous GNU/Linux, gratuits ou payants, libres ou propriétaires. L’offre comporte aussi bien des petits jeux de bureautique (cartes, démineur, échecs, golf) que des jeux commerciaux récents (Enemy Territory: Quake Wars).
174
+
175
+ Certains jeux sont conçus pour tourner nativement sous GNU/Linux (Quake III Arena ou 0 A.D. par exemple), et d’autres peuvent être lancés à l’aide de programmes implémentant l’API Windows sous GNU/Linux. Il en existe plusieurs implémentations, dont certaines spécialement pour les jeux, permettant ainsi de faire fonctionner de nombreux jeux conçus pour Windows, dans des environnements comme Cedega et Wine (par exemple World of Warcraft) mais les grands éditeurs de jeux vidéo ne distribuent aucun de leurs jeux vidéo en version 100 % compatible et supportant GNU/Linux. Le dernier recours des joueurs utilisant GNU/Linux consiste tout simplement à utiliser parallèlement Windows sur le même ordinateur grâce au multiboot ou à la virtualisation.
176
+
177
+ Le fabricant de cartes graphiques ATI a pendant un temps développé ses propres pilotes pour GNU/Linux. À la suite de son rachat par AMD, ATI a ouvert les spécifications de ses cartes début 2008 afin que les développeurs de Mesa 3D puissent mieux intégrer la gestion de ses cartes.
178
+
179
+ En 2013, la plate-forme Steam de Valve est déclinée sur GNU/Linux, celle-ci permet à la ludothèque de s'étoffer de nombreux titres parmi lesquels Team Fortress 2, Half-Life, etc. soit l'ensemble de la bibliothèque Valve, de même Amnesia: The Dark Descent ou bien FTL: Faster Than Light[68]. En parallèle, Gabe Newell annonce la Steam Machine, une console de salon qui sera proposée de base avec SteamOS, un système d'exploitation fondé sur la distribution GNU/Linux Debian[69].
180
+
181
+ Les logiciels qui utilisent une bibliothèque libre peuvent fonctionner sur GNU/Linux et sur toutes les plates-formes où la bibliothèque est implantée. Ces bibliothèques peuvent ajouter une surcouche graphique sur des applications textuelles déjà existantes comme c’est le cas de Vim, mais elles servent surtout à développer des logiciels accessibles aux novices et disposant des fonctionnalités autorisées par les interfaces graphiques, comme le glisser-déposer, les manipulations à la souris, etc.
182
+
183
+ D’autres applications comme Blender ou Google Earth sont un cas à part car ils utilisent la bibliothèque OpenGL destinée à la base à l’implémentation ainsi qu’à la gestion de programmes utilisant la 3D comme la 2D.
184
+
185
+ Plusieurs logiciels d’émulation existent permettant de simuler le fonctionnement de systèmes d’exploitation concurrents ou des environnements de jeu.
186
+
187
+ Les programmes Steem et ARAnyM émulent une bonne partie des applications écrites pour les machines Atari, notamment les Atari ST et Atari TT. UAE (Unix Amiga Emulator) permet d’émuler le Commodore Amiga, Basilik les anciens Mac 68000 d’Apple. Tous ces émulateurs émulent les microprocesseurs de la famille 68000 de Motorola qui équipaient ces ordinateurs, ainsi que les coprocesseurs spécialisés de l’Amiga.
188
+
189
+ MESS (souvent associé a MAME) permet d’émuler de la même façon un grand nombre d’ordinateurs personnels 8 bits. Il existe également des émulateurs spécialisés pour chacun de ces ordinateurs : Euphoric pour les Oric, FMSX pour les MSX, mais aussi des émulateurs de ZX Spectrum, Commodore 64, etc.
190
+
191
+ Des applications développées pour Windows peuvent tourner sur un système GNU/Linux via l'application Wine (ou ses dérivés commerciaux CrossOver et Cedega) qui réimplémente[70] le fonctionnement des principales API de Microsoft Windows. Le microprocesseur n’est pas émulé, seules les fonctions des APS sont remappées à la volée sur les API utilisées nativement dans GNU/Linux. Par exemple : DirectX utilise OpenGL, la gestion de l’impression est relayée à CUPS ou LPR, des périphériques USB à libusb (en), les tablettes graphiques à XInput, etc. Cela permet dans de nombreux cas des performances proches de l’exécution native, tout en évitant les problèmes de certains pilotes de périphériques inhérents à Windows. Dans certains cas spécifiques, les performances de certaines applications peuvent se trouver dégradées. De nombreux utilitaires, applications de tous domaines et jeux s’exécutent parfaitement, mais pas tous. Le site de Wine référence les applications fonctionnant et celles posant problème.
192
+
193
+ En outre, GNU/Linux ouvre également la possibilité d’obtenir une parfaite séparation entre plusieurs environnements virtuels tournant sur un seul ordinateur physique, en prenant en compte les modules de virtualisation présents dans les processeurs récents comme AMD-V sur AMD et Intel-VT (ou IVT) sur Intel. Ces environnements de virtualisation permettent d’exécuter des environnements différents ou plusieurs environnements similaires sur une même machine, tout en assurant une certaine sécurité dans la séparation des accès. Ce système est utilisé depuis longtemps par les mainframes d’IBM. IBM a d’ailleurs porté GNU/Linux sur celles-ci afin de permettre à ses clients de continuer à les utiliser avec un système plus moderne.
194
+
195
+ KVM est, depuis la version 2.6.20 du noyau Linux, le système de virtualisation par hyperviseur officiel de ce dernier. Couplé aux outils de QEMU, il permet de créer des ordinateurs virtuels tournant directement sur un noyau Linux non modifié et est capable d’accueillir un grand nombre de systèmes d’exploitation tels que Windows, Solaris, BSD, etc. KVM est au cœur de la stratégie de virtualisation de Red Hat.
196
+
197
+ Grâce à son ouverture, le noyau Linux permet aussi, moyennant des modifications plus ou moins importantes, l’utilisation d’autres produits de virtualisation tels que :
198
+
199
+ Les distributions grand public prennent en charge la grande majorité du matériel intégré aux ordinateurs personnels et des accessoires destinés aux particuliers (disques dur, webcams, souris, imprimantes, vidéoprojecteurs, lecteurs DVD, cartes graphiques et audios, bluetooth, etc.).
200
+
201
+ La prise en charge de l’équipement matériel est l’une des critiques principales faites à GNU/Linux. En effet, certains équipements spéciaux ne sont pas pris en charge directement par GNU/Linux et il n'existe pas toujours de pilote développé par le constructeur et compatible avec GNU/Linux. Certains fabricants fournissent systématiquement des pilotes pour Microsoft Windows et Mac OS X, alors que pour GNU/Linux, c'est souvent la communauté qui les développe elle-même par rétro-ingénierie. Parfois, la communauté préfère développer des pilotes libres stables bien que des pilotes propriétaires développés par les constructeurs existent (c’est le cas pour les cartes graphiques ATI ou Nvidia). Dans cette optique, les pilotes nécessaires pour faire fonctionner pleinement un ordinateur sont intégrés à la plupart des distributions GNU/Linux.
202
+
203
+ Certains périphériques risquent de ne pas avoir de pilotes disponibles. Cependant, les utilisateurs de Windows ou Mac OS sont parfois également confrontés à des problèmes de pilotes lorsqu’ils installent une nouvelle version de leur système et l’absence de code source empêche une recompilation des pilotes propriétaires. Enfin, il arrive qu’il n’y ait des pilotes que pour GNU/Linux, et pas pour Windows ou Mac (supercalculateurs, serveurs Internet haut de gamme, consoles de jeu PlayStation, anciens périphériques dont le support a été arrêté par les constructeurs, etc.). Le matériel ancien peut être généralement recyclé sous GNU/Linux, car la pérennité des pilotes libres est également l’un des points forts de GNU/Linux.
204
+
205
+ La première raison de cette situation est le faible impact de GNU/Linux chez les particuliers, ce qui n’incite pas les fabricants à investir dans le développement de pilotes pour cet environnement. La seconde raison est le refus de certaines distributions (Fedora ou Debian[réf. nécessaire][71], par exemple) d’embarquer des pilotes sous licences propriétaires, même quand ceux-ci existent, ce qui oblige l’utilisateur à les trouver et à les installer manuellement. Enfin, l’absence d’une API fixe dans le noyau Linux oblige les fabricants à délivrer des binaires des pilotes adaptés à chaque version du noyau[réf. nécessaire].
206
+
207
+ Les utilisateurs qui travaillent sur plusieurs plates-formes et qui ont besoin de ces pilotes peuvent trouver des versions développées par de tierces parties, mais de tels pilotes ne supportent généralement qu’un ensemble rudimentaire de fonctions, et n’apparaissent qu’après la sortie du matériel, avec un certain temps de latence. Il existe cependant des mécanismes pour faire fonctionner certains pilotes développés pour d’autres systèmes d’exploitation (comme NdisWrapper).
208
+
209
+ Les webcams sont, par exemple, particulièrement concernées par cette absence de pilotes, mais le protocole USB video device class ou UVC permet de répondre à ce problème avec de nombreuses webcams supportant ce protocole[72].
210
+
211
+ Avec la démocratisation de GNU/Linux, certains grands constructeurs font des efforts pour développer ou fournir les informations nécessaires au développement de pilotes libres pour GNU/Linux, comme Creative Labs pour ses webcams ou cartes sons, Intel (processeurs, chipsets 3D, cartes réseau, etc.). Mais de nombreux autres composants nécessitent de vérifier la disponibilité de pilotes avant l’achat, s’ils sont destinés à une utilisation sous GNU/Linux. D'autre part, des assembleurs, tels que Dell[73], Asus — poussé par Intel et son projet Moblin[74] — Lineo (en) ou Everex, vendent des ordinateurs avec GNU/Linux préinstallé.
212
+
213
+ Linux permet une stricte séparation des privilèges. Une des conséquences est que, sauf faille de sécurité permettant une élévation des privilèges[75], un ver ou un virus informatique ne peut accéder qu’à une partie des ressources et fonctionnalités d’un système Linux, mais ni aux données importantes du système, ni aux données d’éventuels autres utilisateurs[76].
214
+
215
+ Dans le domaine des serveurs, le degré de sécurité dépend, par comparaison, avant tout du degré d’expérience qu’a l’administrateur systèmes. Là, Linux marque des points grâce à sa liberté d’utilisation, qui permet sans risque et sans surcoût de tester abondamment divers scénarios sur d’autres ordinateurs, et d’y acquérir ainsi une expérience utile.
216
+
217
+ Il existe une série de distributions spécifiquement axées sur la sécurité, et des initiatives telles que SELinux de la National Security Agency. Mais il existe également une série de distributions axée sur l’anti-sécurité, comme Damn Vulnerable Linux, BackTrack ou plus récemment Kali Linux pour sensibiliser les experts aux problématiques de sécurité sur ce système d’exploitation.
218
+
219
+ Linux supporte une grande variété de plates-formes matérielles, ainsi que de solutions logicielles. Une faille de sécurité touchant le plus populaire client de messagerie ne touchera qu’une fraction des utilisateurs de logiciels libres ; en revanche, une faille touchant Outlook Express pouvait toucher d’un coup une proportion énorme des utilisateurs de Windows. Cette thèse est développée dans un rapport écrit par des sommités du domaine comme Bruce Schneier pour le compte de la CIA et reprise par la société Gartner dans un document[77]. Ce rapport énonce que puisque la plupart des ordinateurs tournent sous un système d'exploitation de Microsoft, la plupart des ordinateurs du monde sont vulnérables aux mêmes virus et aux mêmes vers au même moment. Il propose pour éviter cela d’éviter la monoculture logicielle dans le domaine des systèmes d’exploitation.
220
+
221
+ Enfin, le fait que Linux et nombre de logiciels tournant sous Linux soient des logiciels libres permet que son code source soit étudié d’un œil critique par quiconque désirant le faire, que ce soit pour effectuer des adaptations, dans un cadre éducatif, pour répondre aux intérêts privés d’une entreprise ou une institution ou par simple intérêt personnel (pour en rechercher les vulnérabilités par exemple, la plupart du temps dévoilée et corrigée extrêmement vite). En relation avec cela, on entend souvent l’argument que les failles de sécurité sont corrigées plus rapidement, affirmation approuvée et réfutée par diverses études, en fonction généralement de leur source de financement. Enfin, la liberté des logiciels rend inutile le recours au piratage des logiciels, aux cracks ou autres sites de warez très populaires parmi les adeptes des autres systèmes d’exploitation, et qui constituent un vecteur d’infection des ordinateurs.
222
+
223
+ Reste que Linux n’est pas totalement insensible aux problèmes de sécurité, comme l’a montré le ver Slapper en septembre 2002, premier du genre à toucher un nombre notable d’ordinateurs sous Linux, avant tout des serveurs web tournant sous Apache (six mille à l’apogée du ver[78]). La faille Shellshock sur l’interpréteur de commande Bash, par défaut sur de nombreuses distributions Linux est une autre faille (touchant au passage Mac OS) qui vient d'être découverte. Elle était déjà ancienne : elle daterait d'une vingtaine d'années. Elle n'aurait pas été découverte antérieurement.
224
+
225
+ De plus, Linux reste un système d’exploitation vulnérable[79][source insuffisante], ainsi, près de quatre mille neuf cents vulnérabilités ont été recensées entre 2003 et 2008, celles-ci sont réparties sur les différentes distributions disponibles. Celles-ci ont été, pour la plupart, corrigées assez rapidement.
226
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227
+ En revanche, le nombre de failles découvertes durant une période précise n’est pas une mesure fiable pour déterminer la sécurité d’un système d’exploitation, il faut déterminer :
228
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229
+ Cependant, un article publié notamment sur Génération NT le 26 juin 2013 indiquait qu'Android concentrait 92 % de toutes les menaces dues aux malwares sur mobiles contredisant dans la pratique l'optimisme qui a longtemps prévalu dans la communauté des Linuxiens[réf. nécessaire][81],[82]. Cette appréciation est modérée par le fait que Linux n'étant que le cœur d'Android, rien ne garantit la sécurité des applications Android d'origines diverses.
230
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231
+ La gestion des droits numériques (Digital Rights Management - DRM en anglais - les DRM sont très souvent appelés « Gestion des restrictions numérique », de l'anglais Digital Restrictions Management par la Free Software Foundation et les activistes du logiciel libre[83]) concerne le domaine du multimédia, et notamment la musique et les vidéos qui peuvent être achetées sur Internet. Certaines œuvres sont protégées par des verrous numériques, visant à contrôler l’utilisation de l’œuvre, par exemple en limitant le nombre d’écoutes ou de copies possibles. Ces DRM nécessitent l’emploi d’une technologie particulière, qui est la propriété exclusive du fabricant et vendeur desdits DRM, ce qui explique que la lecture d’une œuvre protégée se trouve liée à l’utilisation d’un programme spécifique. Les deux plus grands fabricants de systèmes de gestion des droits numériques, Microsoft et Apple, conditionnent l’usage des œuvres protégées par leurs systèmes à l’utilisation respective du lecteur Windows Media, et de iTunes. Ces sociétés vendant leur propre système d’exploitation, elles ne souhaitent pas proposer de version de leurs programmes pour GNU/Linux. Ainsi, il n’est souvent pas possible pour les utilisateurs de GNU/Linux d’acheter en ligne de la musique sur un site de téléchargement payant, ou d’écouter de la musique déjà achetée et téléchargée.
232
+
233
+ Il existe aussi des DRM sur les CD audio, mais ceux-ci sont beaucoup moins standardisés et moins courants. La plupart sont conçus pour fonctionner avec les systèmes d’exploitation de Microsoft et sont donc susceptibles d’être inopérants pour un utilisateur de GNU/Linux.
234
+
235
+ Il ne s’agit pas de limitations techniques, puisque des systèmes de gestion libres existent[84]. Voir aussi Linus Torvalds, selon lequel GNU/Linux et la gestion des droits ne sont pas incompatibles[85].
236
+
237
+ En raison de la relation de GNU/Linux avec Unix, GNU/Linux s’est très rapidement imposé sur le marché des serveurs informatiques. Un point crucial a été la possibilité d’utiliser un système d’exploitation de type Unix sur du matériel compatible PC, beaucoup moins cher que les solutions à base d’Unix propriétaire et de matériel spécifique. De nombreux logiciels serveurs très demandés et très utilisés (serveur HTTP, base de données, groupware, serveur de messagerie électronique, etc.) étant disponibles gratuitement, en général sans aucune limitation, et fiables, la part de marché de GNU/Linux dans ce domaine a en conséquence crû rapidement.
238
+
239
+ GNU/Linux ayant une réputation de stabilité et d’efficacité dans la maintenance[réf. souhaitée], il remplit les exigences posées à tout système d’exploitation pour serveurs. De plus, la modularité d’un système fondé sur le noyau Linux permet l’exploitation de serveurs destinés à une tâche particulière. Le portage du noyau Linux sur de nombreux composants matériels fait que GNU/Linux est aujourd’hui utilisable sur toutes les architectures utilisées dans ce domaine. Le matériel utilisable est en conséquence considérable. Les derniers IBM eServer p5 et IBM eServer i5 sont par exemple supportés par IBM avec un système d’exploitation GNU/Linux et permettent d’y exécuter plusieurs systèmes GNU/Linux en parallèle.
240
+
241
+ Les serveurs GNU/Linux sont exploités dans à peu près tous les domaines. Un des exemples les plus connus est résumé par l’acronyme LAMP, où GNU/Linux propulse un serveur web Apache associé à la base de données MySQL et au langage de programmation PHP (alternativement : Perl ou Python). GNU/Linux est également souvent utilisé comme serveur de fichiers, le plus souvent dans les réseaux Windows grâce au serveur Samba, moins souvent sous NFS ou AppleShare.
242
+
243
+ Linux, qui jouit d’une bonne réputation en matière de sécurité et de performance (passage à l’échelle) est très utilisé dans le domaine des réseaux informatiques, par exemple comme passerelle, comme routeur, proxy ou comme pare-feu.
244
+
245
+ L'aspect libre du code source, et la possibilité qui en découle d’adapter le système à une tâche précise, a permis à GNU/Linux de faire son entrée dans les centres de calculs. Sur ce marché des ordinateurs centraux, gros ordinateurs très fiables optimisés pour le traitement massif de données, omniprésents dans les banques, les sociétés d’assurances et les grandes entreprises, GNU/Linux fait de plus en plus concurrence aux systèmes UNIX propriétaires qui étaient autrefois la norme.
246
+
247
+ GNU/Linux a été très tôt utilisé dans le domaine des grappes de serveurs (en anglais : clusters), par exemple par le moteur de recherche Google à la fin des années 1990[86]. Dans cette configuration, associée à la notion de grille informatique, de simples ordinateurs tournant sous une distribution spécialisée de GNU/Linux travaillent indépendamment au sein d’un grand réseau d’ordinateurs.
248
+
249
+ Les superordinateurs sont conçus pour atteindre les plus hautes performances possibles avec les technologies connues, en particulier en termes de vitesse de calcul. En novembre 2006, selon TOP500, GNU/Linux fait tourner 74 % des cinq cents plus puissants ordinateurs du monde[87] (contre 20 % pour UNIX) dont les plus puissants, les deux serveurs Blue Gene d’IBM (40 960 et 131 072 processeurs). En novembre 2007, dans ce même TOP500, plus de 85 % des superordinateurs utilisent GNU/Linux, contre 6 % pour UNIX et 1,20 % pour Windows. En novembre 2008, 87,8 % des superordinateurs tournent sous GNU/Linux contre 4,60 % sous UNIX. En novembre 2009, 446 superordinateurs (89,20 %) utilisent GNU/Linux et 5 seulement sont sous Windows (1 %)[88]. En novembre 2017, 100 % des TOP500[44] utilisent GNU/Linux pour système d'exploitation.
250
+
251
+ Le Titan, fabriqué par Cray Inc., est le plus puissant supercalculateur à ce jour (novembre 2012) ; il fonctionne avec une version de GNU/Linux appelée Cray Linux Environment[89]. Le Roadrunner d’IBM, qui fut le premier à avoir officiellement dépassé la puissance symbolique de 1 pétaFLOPS, fonctionne sous la distribution Linux Fedora[90].
252
+
253
+ Linux se trouve aussi au cœur de nombreux appareils informatiques ou électroniques grand public, et parfois sans que l’usager le sache. Il s’agit notamment d’équipement réseau et de petits appareils numériques destinés à la consommation de masse, équipés en général d’un processeur spécialisé économe en énergie et d’une mémoire flash.
254
+
255
+ Le succès de Linux dans ce domaine tient, ici comme ailleurs, à ce que les fabricants apprécient de pouvoir d’une part adapter le logiciel à leurs besoins (consommation, interface, fonctions annexes, etc.) et d’autre part de bénéficier de l’expérience et du travail d’une communauté active. Linux est aussi apprécié dans ce domaine pour sa fiabilité, sa résistance aux attaques des pirates informatiques sur les réseaux et bien sûr sa gratuité. En embarqué, Linux est fréquemment utilisé avec les outils uClibc et BusyBox qui ont été développés pour le matériel particulièrement limité en capacité mémoire.
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257
+ Des forums de coopération spécialisés aident les fabricants de ces produits en mettant à disposition instructions, programmes et exemples de codes, et en s’efforçant de standardiser les interfaces de programmations de Linux dans l’embarqué. L’OSDL a lancé le 17 octobre 2005 la Mobile Linux Initiative pour accélérer la progression de Linux dans ce domaine.
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Œuvres principales
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+ Dante Alighieri (Durante degli Alighieri dit « Dante ») est un poète, écrivain, penseur et homme politique florentin né entre la mi-mai et la mi-juin 1265 à Florence et mort le 14 septembre 1321 à Ravenne.
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+ « Père de la langue italienne »[1],[2], il est, avec Pétrarque et Boccace, l'une des « trois couronnes » qui imposèrent le toscan comme langue littéraire.
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+ Poète majeur (« Il sommo poeta » ou simplement « Il poeta ») du Moyen Âge, il est l'auteur de la Divine Comédie, souvent considérée comme la plus grande œuvre écrite dans cet idiome et l'un des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale.
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+ À l'origine, « Alighieri » s'écrivait « Allighieri », avec deux « L ». Le second « L » a été omis sans doute par aisance typographique. L'ancienne orthographe est cependant utilisée sur le piédestal de la statue du portique du piazzale des Offices, à Florence. De même, la Divina Commedia d'Ugo Foscolo, éditée par la Torino Tipografia Economisa en 1852, est attribuée à « Dante Allighieri ».
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+
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+ Durante (syncopé en « Dante ») degli Alighieri naît entre la mi-mai et la mi-juin 1265[3],[4] dans la famille florentine des Alighieri (dont le nom, dans sa forme originale, est Alaghieri), favorable à la faction des guelfes (favorables au pape) et qui aurait joué un rôle important dans la vie de la cité. Son père, Alighiero di Bellincione, était un guelfe blanc, mais il ne souffrit pas de la vengeance des gibelins, favorables à l'empereur, après leur victoire à la bataille de Montaperti, et ce salut donna un certain prestige à la famille.
14
+
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+ La mère de Dante, Bella degli Abati, (Bella est un diminutif de Gabriella, mais signifie aussi « belle physiquement »), mourut en 1278, alors que Dante avait treize ans (le père mourut quatre ans plus tard, en 1282). Alighiero emménagea peu de temps après avec une nouvelle compagne, Lapa di Chiarissimo Cialuffi, et eut avec elle deux enfants, le demi-frère de Dante, Francesco, et sa demi-sœur, Tana (Gaetana).
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+
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+ Quand Dante eut 12 ans, en 1277, son mariage fut négocié avec Gemma, fille de Messer Manetto Donati, qu'il épousa ensuite[5].
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+
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+ L'éducation de Dante est peu connue ; on présume qu'il étudie à domicile. Il séjourne sans doute quelque temps à Bologne et reçoit à Florence les enseignements des écoles franciscaines de Santa Croce et de Rémi de Florence et des écoles dominicaines de Santa Maria Novella et de Brunetto Latini. Il rencontre des poètes et noue une solide amitié avec Guido Cavalcanti. Il est quasi certain qu'il étudie la poésie toscane, au moment où l'école poétique sicilienne, un groupe culturel originaire de Sicile, a commencé à être connue en Toscane. Ses centres d'intérêt le portent à découvrir les ménestrels, les poètes provençaux et la culture latine. Évidente est sa dévotion pour Virgile « Tu se' lo mio maestro e 'l mio autore; tu se' solo colui da cu' io tolsi lo bello stilo che m'ha fatto onore. », écrit-il dans la Divine Comédie[6].
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+
21
+ Au cours du Moyen Âge les régions d'Italie unifiées sous l'Empire romain se séparent progressivement, laissant une douzaine de petits États, de sorte que la Sicile est aussi éloignée (culturellement et politiquement) de la Toscane que celle-ci l'est de la Provence : les régions ne partagent ni la même langue, ni la même culture et les communications sont difficiles.
22
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23
+ Dante a de nombreux enfants avec Gemma, il est probable que seuls Jacopo, Pietro et Antonia aient été ses enfants légitimes. Antonia entre dans les ordres sous le nom de sœur Béatrice. Un autre homme, Giovanni, se réclame de sa filiation et l'accompagne lors de son exil, mais aucune preuve n'existe que ses prétentions soient justifiées.
24
+
25
+ C'est en 1274 que Dante aurait rencontré pour la première fois Béatrice. De son vrai nom Beatrice (dite « Bice ») di Folco Portinari, elle épouse un certain Simon de Bardi et meurt en 1290. On sait peu de chose d'un amour dont l'histoire est sublimée dans Vita nuova, (composé entre 1292 et 1294) dans laquelle il décrit sa première rencontre avec Béatrice, âgée seulement de neuf ans, puis la deuxième, advenue neuf années plus tard (il expliquera plus tard le sens symbolique du neuf, chiffre de Béatrice)[7]. Dans la Vita Nuova, Dante décrit sa passion et son désespoir à la mort de Béatrice. Il raconte la crise profonde qui s'ensuit, son errance et son aventure avec une « noble dame » (sans doute une allégorie pour désigner la philosophie), et enfin son repentir. Bien que Vita Nuova soit probablement inspirée par la vie personnelle de Dante, de nombreux critiques mettent en doute l'existence réelle de Béatrice, préférant voir en elle une figure allégorique (certains considèrent encore aujourd'hui que dans la Divine Comédie, Virgile représente la raison naturelle, et Béatrice la théologie).
26
+
27
+ Un rêve fait par Dante, et qui accompagne le premier poème inséré dans le livre, nous éclaire : Dante voit apparaître le dieu Amour dans une nuée de feu, portant Béatrice nue dans un drap couleur de sang. Amour tient dans sa main le cœur enflammé de Dante et le donne à manger à Béatrice, puis s'élève vers le ciel avec elle. Ce rêve montre la richesse et la puissance évocatrice du poète dans la Vita Nuova, œuvre difficile à interpréter : la tradition mystique (la nuée de feu par exemple) croise la tradition courtoise (l'histoire du cœur mangé), les appels aux « Fidèles d'Amour » et les rassemblements de dames invitent à des lectures ésotériques, tandis que les visions et les rêves énigmatiques placent l'œuvre dans une dimension à la fois eschatologique (la mort de Béatrice comme horizon) et mystérieuse. En effet, si Béatrice a été souvent comparée à une sainte (par référence à l'hagiographie franciscaine notamment)[8], et si une des meilleures façons de s'approcher de cette figure de femme souveraine est d'étudier les analogies marquées avec le Christ, la Vita Nuova, bien au-delà de la simple description des vertus ou la narration des miracles qui ponctuent la vie des saintes, semble envelopper les mystères de Béatrice. La dimension rituelle présente surtout dans la première partie du livre prend ici certainement tout son sens. Il est difficile de savoir si Dante envisageait véritablement un culte de Béatrice qui orienterait ainsi toute son œuvre, mais il est certain que sa conception de la cité est tributaire de la vie et de la mort de Béatrice : en effet, après la mort de la gentilissima (la très noble, la très courtoise), Florence est veuve et Béatrice devient un nom commun (« Florence a perdu sa Béatrice », écrit le poète).
28
+
29
+ La Vita Nuova, qui se distingue déjà du courant stilnoviste, se compose d'une trentaine de poèmes, des sonnets pour la plupart, qui brûlent d'une ardeur amoureuse et mystique à la fois[8]. Quarante-deux chapitres en prose commentent les vers au fur et à mesure. Dante achève son œuvre par une annonce introduite après le dernier sonnet comme une vision paradisiaque. Il écrira quelque chose que jamais personne n'a écrit pour chanter la gloire de l'être-aimé. Peut-être pensait-il déjà à la Divine Comédie.
30
+
31
+ Dante joue un rôle très actif dans la vie politique de Florence. Dans les troubles qui agitent alors la péninsule italienne, Dante est un guelfe ardent : il se signale dans plusieurs expéditions contre les gibelins d'Arezzo, de Bologne et de Pise, et contribue beaucoup par sa valeur à la victoire de Campaldino (1289), remportée sur ceux d'Arezzo, ainsi qu'à la prise du château de Caprona, enlevé aux Pisans (1290).
32
+
33
+ Il remplit avec succès un grand nombre de missions politiques et est nommé prieur de Florence au titre du bimestre courant du 15 juin au 14 août 1300, c'est-à-dire qu'il devient un des magistrats suprêmes de l'exécutif. Mais les guelfes, qui dominent à Florence, se sont divisés en deux factions : les Noirs, favorables à la politique papale de Boniface VIII, et les Blancs, partisans d'une plus grande autonomie de la ville. En 1300, le pape Boniface VIII revendique le vicariat impérial sur les communes toscanes. À partir de ce moment-là, Dante s'engage de plus en plus fermement du côté des guelfes blancs, c'est-à-dire contre la politique d'ingérence du pape. En octobre 1301, membre du Conseil des cents, il se rend à Rome pour tenter une ultime démarche de conciliation. Pendant ce temps, Charles de Valois, représentant du pape, se rend à Florence et s'empare de la ville avec l'aide des guelfes noirs triomphants. Les procès commencent. Dante apprend sur le chemin du retour qu'il est condamné pour concussion, gains illicites et insoumission au pape et à Charles de Valois. Il refuse de se présenter en accusé[9].
34
+ Un deuxième procès, instruit le 10 mars 1302 par le podestat Cante de' Gabrielli da Gubbio, le condamne au bûcher. Tous ses biens sont confisqués, il est exilé avec d'autres guelfes blancs et ne reviendra jamais à Florence. Le décret de bannissement de Dante de la ville de Florence ne sera d’ailleurs révoqué qu’en 2008[10].
35
+
36
+ Dans les premiers temps de l'exil, Dante songe à assiéger la ville, aux côtés d'autres exilés guelfes blancs ou gibelins. Mais il y renonce bientôt et se met à errer de ville en ville, luttant contre la misère, cherchant protection auprès des cours de l'Italie du nord : Forlì, Vérone, Sienne, Mulazzo ou encore Arezzo. En juillet 1306, il se trouve à Padoue et en octobre de la même année à Sarzana pour la signature du traité de Paix de Castelnuovo (it). Il vient passer quelque temps à Paris, où il fréquente l'université[réf. nécessaire] et s'arrête finalement à Ravenne chez le podestat Guido Novello da Polenta. Il y meurt de la malaria dans la nuit du 13 au 14 septembre 1321, après avoir fait de vains efforts pour rentrer dans sa patrie.
37
+ Son tombeau, qui date de 1780, commandé par le cardinal légat Luigi Valenti Gonzaga, se trouve à Ravenne, via Dante Alighieri en bordure du couvent franciscain, au centre historique de la ville. Encore aujourd'hui, les Florentins voudraient bien récupérer son corps pour le placer dans un sarcophage prévu dans son cénotaphe qu'on peut voir, élevé par Luigi de Cambray Digny avec les statues de Stefano Ricci, dans la nef de la basilique Santa Croce de Florence, mais Ravenne refuse toujours de restituer à cette ville les restes d'un personnage qu'elle a banni.
38
+
39
+ Les années de l'exil sont pour Dante une période d'intense activité intellectuelle. En 1303, il se penche sur la question de la langue vulgaire et il en fait l'objet d'un traité en latin : De vulgari eloquentia. Le thème central de l'œuvre est l'éloquence de la langue vulgaire[11] : il tente de trouver un vulgaire illustre, digne d'assumer les caractères de langue littéraire. Ce traité assume une grande importance comme traité de stylistique et de métrique. Selon le projet originel, ce traité aurait dû être divisé en 4 livres, mais le travail de Dante s'achève au chapitre XIV du livre II. Le premier livre est consacré à l'origine des langues, puis à l'analyse des différents dialectes italiens. Dante arrive à la conclusion qu'aucune langue vulgaire n'est supérieure à une autre et donc susceptible de s'imposer. Il met donc son espoir dans la constitution d'une langue vulgaire unitaire qui pourrait être répandue dans toute la péninsule italienne. Dans le deuxième livre, Dante montre qu'une langue vulgaire mais soignée peut être utilisée pour les plus nobles sujets, et peut même s'appliquer au style tragique. Dante définit comme vulgaire la langue que l'enfant apprend de sa nourrice, pendant que la grammaire (c'est-à-dire le latin) est une langue immuable et artificielle. Pour cela, la langue vulgaire doit être considérée comme la plus noble.
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+ Il apparaît qu'en 1305 Dante cesse la rédaction du De vulgari eloquentia sans l'avoir achevé, puisqu'il n'a écrit que deux livres sur les quatre initialement prévus. Il semble qu'il mette alors en pratique ses idées puisqu'il se lance dans la rédaction d'une œuvre monumentale en toscan : le Convivio. Il y aborde les sujets habituellement traités en latin tels que : les hiérarchies angéliques, l'éloge de la philosophie et de la science comme voie de l'épanouissement de l'homme, l'exaltation de la noblesse comme valeur intellectuelle et morale conquise par l'individu. Il semble que Dante se donne pour mission d'ouvrir les portes de la culture et de la science antique et contemporaine au plus grand nombre. Cela dit, certains passages du Convivio visent à défendre l'auteur des accusations portées contre lui. Il dit son amertume d'avoir été rejeté par Florence, sa ville natale qui l'a élevé en son sein. Le Convivio devait initialement comporter quinze traités, mais seuls les quatre premiers seront achevés[12].
42
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43
+ Dante revient au latin pour exprimer ses opinions politiques dans son traité De Monarchia[13], rédigé entre 1313 et 1318. C'est peut-être le décès d'Henri VII en 1313 qui lui donnera l'idée de ce nouveau traité. En effet, avec la mort du monarque disparaissent tous les espoirs de Dante de voir un jour l'autorité impériale restaurée sur la péninsule, au détriment de celle du pape. Dans le premier livre du traité, Dante fait l'éloge de la monarchie universelle comme système politique idéal pour garantir la justice et la paix et, par conséquent, le bonheur des hommes. Le deuxième livre vise à montrer que c'est le peuple romain qui doit posséder l'autorité suprême, car il est héritier de l'Empire romain selon le droit, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu, et non seulement selon la force. Enfin le troisième et dernier livre traite des rapports entre l'empereur et le pape, tous les deux tirent leur autorité de Dieu, mais chacun doit l'exercer dans son propre champ de souveraineté : le domaine spirituel pour le pape et le domaine temporel pour l'empereur. Le traité est jugé dangereux pour la lecture des fidèles, à cause de ses adeptes. Il n'est pas jugé hérétique et sortira de l'Index en 1881. Il y a été mis en 1559.
44
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45
+ Dante est également l'auteur probable de Quaestio de aqua et terra, un court traité portant sur les positions respectives des sphères de l'eau et de la terre, qui vise à prouver que l'eau n'est nulle part plus haute que les terres émergées.
46
+
47
+ En dehors des traités, il nous est parvenu de lui deux églogues en latin construites à la manière de Virgile, dont il est, depuis sa jeunesse, un fervent admirateur. Ces textes sont des réponses adressées à Giovanni del Virgilio, qui enseigne alors la rhétorique à l'université de Bologne et qui reproche à Dante d'avoir écrit la Divine Comédie en toscan plutôt qu'en latin.
48
+
49
+ Le recueil des Rimes qui réunit 54 pièces est un véritable lieu d'expérimentation poétique. Bien que le rassemblement et l'organisation de ces textes soit postérieur à Dante, il est probable qu'il soit l'auteur de la majeure partie des poésies. Parmi ces expérimentations, on peut retenir rime petrose qui regroupe deux chansons qui font le portrait d'une femme au cœur de pierre et qui ne sont pas sans rappeler la poésie des troubadours provençaux.
50
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51
+ Dante commence la rédaction de la Divine Comédie dès 1306 et la poursuit vraisemblablement jusqu'à sa mort. L'œuvre initiale porte simplement le nom de « Comedia », mais par la suite les principaux commentateurs (en particulier Boccace) et les éditions modernes du texte lui ont adjoint le qualificatif de « divina ». L'œuvre raconte le voyage imaginaire du narrateur qui se retrouve brusquement plongé dans une forêt sombre. Là, il rencontre Virgile qui l'invite à pénétrer dans le monde de l'au-delà. Dante le suit et c'est par la visite de l'enfer que commence son périple, suit le purgatoire et enfin le paradis[14]. Il faut à Dante toute la semaine sainte de l'année 1300 pour effectuer la totalité de ce voyage. Guidé par Virgile, il descend d'abord à travers les neuf cercles de l'enfer, gravit ensuite les sept gradins de la montagne du purgatoire jusqu'au paradis terrestre et enfin s'élève dans les neuf sphères concentriques du paradis. Virgile lui sert de guide jusqu'à la porte du paradis, mais il ne peut aller plus loin car étant né avant la venue du Christ, il n'a pas pu bénéficier du sacrifice du messie. C'est donc Beatrice Portinari, sa muse, qui prend le relais et qui va guider Dante dans l'Empyrée. Elle lui ouvre la porte du salut, puis saint Bernard conduit le narrateur dans la Rose céleste jusqu'à la vision suprême.
52
+
53
+ Le récit, rédigé à la première personne, est un véritable voyage initiatique[15]. Au cours de son périple, Dante va rencontrer une centaine de personnalités, depuis les grandes figures mythiques de l'Antiquité comme les philosophes, jusqu'aux personnalités locales contemporaines de Dante. Cette œuvre monumentale offre ainsi de nombreuses lectures différentes ; elle est à la fois le récit du parcours personnel de Dante, un manuel théologique chrétien de description de l'au-delà, un roman à valeur éthique et morale ou encore une réflexion sur la recherche du salut éternel. Une partie du génie de Dante réside en ce savant mélange de lieux imaginaires et d'expériences concrètes. Bien que l'action se situe dans un univers « métaphysique », Dante décrit les lieux avec réalisme et force détails en les peuplant de nombreuses figures célèbres ou anonymes.
54
+
55
+ Le premier auteur français à mentionner Dante est Philippe de Mézières, dans son œuvre allégorique le Songe du vieil pèlerin, rédigée en 1389. Voir dans le livre I, au chapitre 39[16].
56
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57
+ L'étude des écrits de Dante se nomme la Dantologie.
58
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59
+ Dante a inspiré de nombreux écrivains, notamment Honoré de Balzac, qui lui rend hommage et qui cite son œuvre dans La Comédie humaine dont le titre est une référence à la Divine Comédie. Il le cite aussi dans de nombreux romans : « Cette Béatrix déjà devenue dans sa pensée ce qu'était Béatrix pour Dante, une éternelle statue de marbre aux mains de laquelle il suspendrait ses fleurs et ses couronnes[17] » ou encore : « Le visage glacé de madame d'Aiglemont était une de ces poésies terribles, une de ces faces répandues par milliers dans la Divine Comédie de Dante Alighieri[18]. »
60
+
61
+ En 2010, Marc-Édouard Nabe publie son roman L'Homme qui arrêta d'écrire, transposition intégrale et particulièrement fidèle de la Divine Comédie dans le Paris des années 2000[19]. Le roman arrive en finale pour le prix Renaudot [20].
62
+
63
+ Le pape Benoît XV lui consacre sa onzième encyclique, In Praeclara Summorum, publiée le 30 avril 1921 à l'occasion du sixième centenaire de sa mort.
64
+
65
+ Dans Chants d'utopie, premier cycle de Brice Bonfanti, le chant V du livre 1 prend pour figure Dante Alighieri sous le titre : Mon enfant à nous tous[21]. L'enfant en question semble bien être la Divina Commedia elle-même. La figure de Dante reparaît dans les Chants XXII et XXIII des Chants d'utopie, deuxième cycle[22].
66
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67
+ Outre le tombeau qui contient ses ossements à Ravenne, plusieurs monuments lui rendent hommage dans le monde :
68
+
69
+ Tombeau de Dante, Ravenne.
70
+
71
+ Statue de Dante (1865), Enrico Pazzi, Piazza Santa Croce, Florence.
72
+
73
+ Cénotaphe, basilique Santa Croce de Florence.
74
+
75
+ Statue de Dante, Jean-Paul Aubé, square Michel-Foucault, Paris.
76
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77
+ Monument à Dante, Montréal.
78
+
79
+ Copie du buste de Dante, Québec.
80
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81
+ Monument à Dante, New York.
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83
+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
84
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85
+ Le plus ancien portrait de Dante (c. 1366), attribué à Jacopo di Cione, palais de l'Art des Juges et Notaires, Florence.
86
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87
+ Portrait de Dante (1450), Andrea del Castagno, galerie des Offices, Florence.
88
+
89
+ Portrait de Dante (1465), Domenico di Michelino, cathédrale Santa Maria del Fiore, Florence.
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+
91
+ Portrait de Dante (1495), Sandro Botticelli.
92
+
93
+ La Barque de Dante ou Dante et Virgile aux enfers (1822), Eugène Delacroix, Musée du Louvre, Paris.
94
+
95
+ Gouache de Gustave Doré (1861) "l'enfer de Dante/la divine comédie"
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+ Cliquez sur une vignette pour l’agrandir.
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+ Outre les adaptations au cinéma de son œuvre littéraire (notamment la Divine Comédie), l'écrivain est représenté dans différents films :
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+ Par ailleurs son livre a inspiré de nombreux films :
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+ .
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+ C'est le portrait de Dante par Raphaël qui a été retenu (après un vote populaire) pour figurer sur la face nationale italienne de la pièce de deux euros.
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+ Sur les autres projets Wikimedia :
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+ Dans la tradition interprétative de la mythologie grecque, les divinités olympiennes sont les divinités principales du culte. Elle tiennent leur nom du mont Olympe, sur lequel elles sont censées résider, encore que deux d'entre elles, Poséidon et Hadès ont leurs demeures à l'opposé.
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+ Comme dans de nombreuses autres cultures polythéistes, la religion grecque connaît l’existence de panthéons, soit des ensembles de divinités ayant chacune ses caractéristiques propres. En Grèce, le panthéon le plus connu est celui de l'Olympe. Si le nombre de ses divinités est fixé à douze, la liste en est mouvante et il n'existe en la matière aucune orthodoxie. Seules les religions monothéistes construisent au cours de leur histoire une orthodoxie.
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+ La liste traditionnelle comprend :
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7
+ Mais il arrive aussi qu'Arès et Dionysos soient remplacés par Hadès et Hestia[4]. De même, certains textes font d'Héraclès et Dionysos des Olympiens. La tradition n'explique jamais quels dieux sortent de la liste quand d'autres y entrent.
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+ En gras, les douze (en fait quatorze) divinités olympiennes. En italique, les mortels.
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+ Cette généalogie est cependant très variable selon les auteurs, les traditions et les époques : Homère fait par exemple de Zeus le père de presque tous les autres dieux (et notamment d'Aphrodite, qui est plus souvent considérée comme sa sœur). Des dieux tels qu'Arès et Aphrodite sont absents de certaines listes. Il faut bien se garder de prêter à la religion grecque une quelconque orthodoxie.