JEAN-JACQUES BOURDIN Manuel VALLS est notre invité ce matin, bonjour. MANUEL VALLS Bonjour Jean-Jacques BOURDIN. JEAN-JACQUES BOURDIN Merci d'être avec nous. 14 régions au lieu de 22, c'est le projet du gouvernement, Manuel VALLS. Question directe pour commencer, est-ce que c'est une réforme figée ? MANUEL VALLS Non, elle va forcément évoluer. Enfin, à partir du moment où elle va être débattue au mois de juillet, d'abord au Sénat et ensuite à l'Assemblée nationale… JEAN-JACQUES BOURDIN D'abord au Sénat, ensuite à l'Assemblée nationale ? MANUEL VALLS C'est toujours au Sénat, la Constitution nous y oblige, puisqu'il s'agit de l'organisation de nos territoires, ça passe d'abord au Sénat, ensuite à l'Assemblée nationale, donc il va y avoir débat, et je suis attaché, comme le président de la République, au rôle du Parlement, donc il peut y avoir des évolutions. JEAN-JACQUES BOURDIN C'est-à-dire que les contours ne sont pas figés, de ces 14 régions ? MANUEL VALLS Nous verrons bien, mais il peut y avoir des évolutions. L'essentiel est de réduire le nombre de régions, en regroupant les régions existantes, pour rendre nos régions plus fortes, plus compétitivités, elles vont avoir beaucoup plus de compétences, notamment en matière d'économie et d'emploi… JEAN-JACQUES BOURDIN Je vais y venir. MANUEL VALLS Mais il faut des régions plus fortes pour rendre notre pays plus fort et plus compétitif, et puis, aussi, il faut des services publics plus efficaces, c'est ce que nos concitoyens, nos compatriotes, attendent. JEAN-JACQUES BOURDIN Alors ça gronde parfois, je pense évidemment à cette grande région Poitou-Charentes, Centre, Limousin, là ça gronde, j'ai entendu Dominique BUSSEREAU ce matin sur RMC, enfin je l'ai interviewé, ça gronde de tous les côtés sur cette grande région, elle va s'appeler comment d'ailleurs ? MANUEL VALLS On verra, parce qu'il y a effectivement la nomination, la dénomination des régions, les capitales, le débat s'ouvre. C'est difficile, Jean-Jacques BOURDIN, de réformer le pays. On parle de la réduction du nombre de régions depuis des années, il y a eu un travail qui avait été effectué par Edouard BALLADUR, Jean-Pierre RAFFARIN et Yves KRATTINGER, qui est un sénateur socialiste, avaient fait aussi des propositions dans le cadre du Sénat, mais ça ne se fait jamais. A partir du moment où courageusement on met sur la table c'est ce que le président de la République a fait ce matin dans toute la presse quotidienne régionale on met sur la table cette réforme, ça gronde, je me dis alors que ça va plutôt dans le bon sens, parce que… JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, ça gronde. MANUEL VALLS Il y a besoin de changer, de réformer, il était temps de le faire. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous écoutez donc ceux qui grondent, si j'ai bien compris, parfois, Manuel VALLS, dans la discussion. MANUEL VALLS Oui, mais en gardant toujours l'essentiel, c'est-à-dire… JEAN-JACQUES BOURDIN Par exemple les Pays-de-la-Loire, qui voulaient être rattachés à la Bretagne, et puis des départements de la région Poitou-Charentes qui voulaient être rattachés à l'Aquitaine, et puis Ségolène ROYAL qui elle était partagée, on ne savait plus trop ce qu'elle voulait, c'est compliqué tout ça, non ? MANUEL VALLS Raison de plus c'est compliqué raison de plus pour… JEAN-JACQUES BOURDIN Elle trouble le jeu, Ségolène, d'ailleurs, dans tout ça ? MANUEL VALLS Ce n'est pas le sujet. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, ce n'est pas le sujet. MANUEL VALLS Raison de plus pour être attaché à l'intérêt général, avoir de grandes régions efficaces. Alors permettez-moi de vous dire quand même quelque chose. JEAN-JACQUES BOURDIN Allez-y. MANUEL VALLS Cette réforme elle doit se faire en préservant l'intérêt général, avec des principes simples, je les ai rappelés, des régions plus fortes sur le plan économique avec des moyens supplémentaires, mais avec toujours une idée à laquelle nous sommes tous, je crois, profondément attaché, c'est l'unité du pays, c'est l'unité de la Nation, c'est la force de la République. Nous ne sommes pas en train de revenir aux provinces d'antan, du royaume, il s'agit de construire, dans le cadre unitaire de la République, ce n'est pas contradictoire avec la décentralisation, je le dis d'autant plus que c'est la gauche qui a essentiellement permis la décentralisation dans ce pays, mais il faut que cela se fasse en ayant toujours en tête l'unité, la cohésion, de la Nation, de la République, et le rôle de l'Etat. Et dans cette réforme, avec le ministre de l'Intérieur, Bernard CAZENEUVE, qui la portera, nous sommes aussi très attachés au rôle de l'Etat, dans chaque département, pour gagner en efficacité, en protection, parce que beaucoup de nos concitoyens, au cours de ces dernières années, nous ont demandé, dans les territoires urbains, périurbains, dans les territoires ruraux, davantage de présence des services publics de l'Etat et de protection. JEAN-JACQUES BOURDIN Alors, vote avant l'été, on est bien d'accord ? MANUEL VALLS Passage en Conseil des ministres de deux textes, celui qui reconfigure les régions… JEAN-JACQUES BOURDIN Quand, le 18 juin ? MANUEL VALLS Le 18 juin, et aussi le texte concernant les compétences des régions, la montée en puissance de l'intercommunalité et… JEAN-JACQUES BOURDIN Je vais en parler. MANUEL VALLS L'avenir des départements, vous allez, j'imagine, m'interroger là-dessus. JEAN-JACQUES BOURDIN Pourquoi pas un référendum ? 58 % des Français le demandent. Pourquoi pas ? MANUEL VALLS Parce que je pense que face à cette question d'intérêt général, on répondrait à une autre question. JEAN-JACQUES BOURDIN Laquelle ? MANUEL VALLS On répondrait à une question concernant le président de la République, parce que c'est lui qui poserait la question. JEAN-JACQUES BOURDIN C'est-à-dire que ce référendum se transformerait en « oui ou non François HOLLANDE ? » MANUEL VALLS Peut-être, mais surtout on verrait l'addition, à ce moment-là, vous venez d'en parler, de tous les contraires, et moi je compte là-dessus, sur le Parlement, sur ce rôle. JEAN-JACQUES BOURDIN Mais… MANUEL VALLS Je sais, Jean-Jacques BOURDIN, ce n'est pas facile à défendre, c'est tellement… JEAN-JACQUES BOURDIN Aucun pouvoir n'organise de référendum dans ce pays, pourquoi Manuel VALLS ? MANUEL VALLS Mais sur quelle base ? JEAN-JACQUES BOURDIN Pourquoi ? MANUEL VALLS Mais parce que sur ce sujet aussi compliqué vous auriez l'addition de tous les contraires. Et je pense, il faut le dire à nos compatriotes… JEAN-JACQUES BOURDIN Allez-y. MANUEL VALLS C'est au président de la République, au gouvernement, et au Parlement, et je l'espère de tout coeur, de faire valoir l'intérêt général, sinon vous aurez toutes les contradictions, tous les élus… Regardez l'opposition qui s'exprime aujourd'hui, elle-même a annoncé, par la voix de Jean-François COPE, la suppression des départements, d'autres, comme Jean-Pierre RAFFARIN, ont souhaité la diminution des régions, comment on va mener ce débat ? Donc il faut le mener de manière sereine, avec beaucoup de conviction, je n'en doute pas, mais de manière sereine en ayant en tête l'intérêt général du pays, ce débat au Parlement. JEAN-JACQUES BOURDIN Moins d'élus, est-ce qu'il y aura moins d'élus ? MANUEL VALLS Il y aura moins d'élus, il y aura moins de conseillers régionaux, qu'il n'y en a aujourd'hui, puisque l'addition de plusieurs régions, trois ou deux, doit conduire, dans ces régions, à ce qu'il y ait moins de conseillers régionaux. JEAN-JACQUES BOURDIN Et dans les départements, 2020 c'est l'objectif, suppression enfin suppression, c'est encore un peu flou suppression des conseils généraux ou pas ? MANUEL VALLS Oui, c'est la perspective, c'est indiqué, mais là aussi, de toute façon, pour transférer des compétences… JEAN-JACQUES BOURDIN Vous allez transférer les compétences des départements à ces grandes régions. MANUEL VALLS Je pense à tout ce qui est développement économique, collèges, routes, aux régions ou à l'intercommunalité. Il faut de toute façon du temps, il faut au moins 3 ans, pour transférer des compétences, et aussi des agents. JEAN-JACQUES BOURDIN … Encore une administration mais plus de pouvoir quoi ? MANUEL VALLS Et aussi, et les agents aussi, puisqu'il y a 270.000 agents qui travaillent dans les conseils généraux, qui travaillent bien, sur des missions souvent de proximité, je pense à l'action sociale, au travail vers les personnes âgées, vers les handicapés, donc, ce travail-là il doit être fait. Il faut penser aussi aux territoires ruraux, la ruralité qui est une réalité, vous la connaissez bien, dans notre pays, donc il faut aussi regarder… JEAN-JACQUES BOURDIN Donc vous allez garder une administration. MANUEL VALLS Pendant 3 ans, et ensuite vous verrez. De toute façon, c'est déjà le cas, des départements qui vont se fondre… JEAN-JACQUES BOURDIN Mais l'administration servira à quoi, puisque vous transférez toutes les compétences à ces supers régions ? MANUEL VALLS Non, les conseils généraux vont garder pendant 3 ans un certain nombre de compétences, ce qu'on appelle le bloc social, et la cohésion territoriale, notamment dans les territoires ruraux. JEAN-JACQUES BOURDIN Les services de secours aussi, sapeurs-pompiers ? MANUEL VALLS Et les services de secours, vous avez raison de le rappeler, les SDIS, qui jouent un rôle très important, je n'oublie pas que j'ai été leur ministre, ministre de l'Intérieur. JEAN-JACQUES BOURDIN C'est pour ça que je vous pose la question. MANUEL VALLS Donc il faut 3 ans pour ce faire, il faut administrer ces compétences. JEAN-JACQUES BOURDIN Ils seront transférés aussi. MANUEL VALLS Non, à ce stade, ces compétences, bloc social et SDIS, vont rester au niveau du département. Vous aurez des départements, c'est déjà le cas, qui vont se fondre dans des métropoles, une grande partie du département du Rhône va se fondre très vite dans l'agglomération, dans la métropole de Lyon, ça peut être le cas aussi en Ile-de-France, dans d'autres régions, c'est un mouvement qui est enclenché. Le plus important dans cette histoire c'était d'enclencher le mouvement, que rien ne reste figé, comme nous le vivons depuis des années. Nous avons des territoires, une décentralisation que la gauche a voulue en 1982, que Jacques CHIRAC a accompagnée au début des années 2000 puisqu'il a intégré l'idée d'une France décentralisée dans la Constitution, mais nous voyons bien que ça manque de lisibilité, d'efficacité, de proximité, de démocratie. En renforçant les régions et en faisant remonter l'intercommunalité, je crois que dans les années qui viennent notre pays va gagner en efficacité et en clarté. JEAN-JACQUES BOURDIN Parlons d'efficacité, de clarté. L'affaire Mehdi NEMMOUCHE, les Allemands ont signalé son retour en Europe, aux Français, est-ce qu'il aurait pu être arrêté plus tôt, Manuel VALLS, franchement ? MANUEL VALLS Il s'agit de surveiller des centaines et des centaines d'individus, français ou européens, qui aujourd'hui combattent en Syrie. Nous avons dépassé, en France, le nombre de 800 Français, ou citoyens résidant en France, qui sont concernés par la Syrie, soit parce qu'ils y combattent, soit parce qu'ils y sont morts, une trentaine, soit parce qu'ils en sont revenus, soit parce qu'ils veulent y aller. Nous n'avons jamais été confrontés à un tel défi. Quand j'étais ministre de l'Intérieur, j'avais déjà eu l'occasion de le dire, ici même, c'est sans doute la menace la plus importante. Quand j'avais présenté la loi antiterroriste, à la fin de l'année 2012, qui avait été votée par une très large majorité au Sénat comme à l'Assemblée, j'avais parlé d'ennemis intérieur, j'avais indiqué que nous faisions face à plusieurs dizaines de MERAH potentiels, donc c'est difficile. JEAN-JACQUES BOURDIN C'était en 2013. MANUEL VALLS Depuis plusieurs mois nous avons, Bernard CAZENEUVE l'a rappelé, arrêtés des individus, démantelés des cellules, celle qui avait frappé à Sarcelles en septembre 2012, mais qui avait plusieurs individus encore présents, il y a eu des menaces sur la France, un groupe qui, dans le Sud-est, menaçait de commettre un attentat, a été arrêté. C'est difficile, ça veut dire qu'il faut suivre à la trace… JEAN-JACQUES BOURDIN C'est-à-dire qu'il y a des MERAH autour de nous encore, en France, potentiels ? MANUEL VALLS Mais bien entendu. Vous avez cet individu qui a frappé en Belgique. JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que vous allez modifier la loi ? Il paraît que vous allez modifier la loi ; c'est vrai ? MANUEL VALLS Oui, à la fin du mois de juin ou au début du mois de juillet. Bernard CAZENEUVE l'a annoncé. JEAN-JACQUES BOURDIN Qu'est-ce que vous allez faire ? MANUEL VALLS On va renforcer tous les moyens à la fois de prévention, suivi des familles et puis il faut des modifications législatives pour permettre aux juges antiterroristes de gagner en efficacité. Ça avait déjà été le cas en 2012 à travers la loi antiterroriste puisque maintenant, on peut poursuivre un Français ou un citoyen français qui, sans avoir commis un attentat sur notre sol, est engagé dans des organisations terroristes. JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce qu'on peut le déchoir de la nationalité ? MANUEL VALLS Oui, bien sûr. C'est déjà possible. JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que NEMMOUCHE devrait être déchu de sa nationalité ? MANUEL VALLS Nous verrons bien. Nous sommes dans une enquête, nous sommes dans un Etat de droits. JEAN-JACQUES BOURDIN Il est binational ou pas ? Il a la double nationalité ? MANUEL VALLS Je ne sais pas mais dans notre loi fondamentale, nous pouvons déchoir déjà de la nationalité ceux qui s'attaquent aux intérêts fondamentaux de notre pays. JEAN-JACQUES BOURDIN Si NEMMOUCHE est coupable, doit-il être déchu de sa nationalité ? MANUEL VALLS Attendons, attendons. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais je pose quand même la question parce qu'elle est posée. MANUEL VALLS C'est des choses qui peuvent se faire. Je crois qu'il n'y a pas de tabou, mais honnêtement, ce n'est pas ça qui règle le problème de fond. Le problème de fond, c'est qu'aujourd'hui vous avez des centaines d'individus, souvent jeunes, avec le même parcours - parcours de délinquant, radicalisation en prison ou sur Internet qui se rendent en Syrie parfois très jeunes, qui rencontrent des groupes, qui combattent dans des groupes, dans l'horreur car ce qui se passe en Syrie c'est l'horreur, et qui reviennent pour commettre des attentats sur leur propre sol ou en Europe comme ç'a été le cas en Belgique, animés par l'antisémitisme, la haine de nos valeurs. JEAN-JACQUES BOURDIN Il y a une montée de l'antisémitisme selon vous ? MANUEL VALLS J'ai déjà eu l'occasion de le dire. Oui, il y a une montée de l'antisémitisme, une montée du racisme, du rejet de l'autre. Il y a de la violence dans nos sociétés et nos sociétés démocratiques, au nom des valeurs qui ne sont pas que des valeurs occidentales, qui sont des valeurs universelles. Qui sont les premières victimes du terrorisme dans le monde ? Ce sont les musulmans eux-mêmes en Irak, en Syrie. Il faut donc se défendre et avoir plus de moyens. Croyez-moi, la détermination du gouvernement… JEAN-JACQUES BOURDIN Est-ce que vous regrettez que les musulmans français ne s'expriment pas plus fort ? MANUEL VALLS Ils s'expriment JEAN-JACQUES BOURDIN Pas plus fort ? MANUEL VALLS Encore plus fort, mais il faut les autorités musulmanes, les intellectuels et je le leur demande, parce que nos concitoyens musulmans qui pratiquent leur religion et bientôt nous connaîtrons la période du ramadan - tranquillement, sereinement, qui sont attachés à nos valeurs, ne peuvent pas être confondus avec ces individus, ces terroristes, ces meurtriers qui dévoient l'islam. JEAN-JACQUES BOURDIN Qu'ils le disent, non ? MANUEL VALLS Que tout le monde le dise avec force et évitons les uns et les autres de faire des amalgames. JEAN-JACQUES BOURDIN Réforme pénale, début de l'examen du projet de loi aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Pour combattre la récidive, la principale mesure c'est cette nouvelle peine c'est une peine de probation. Elle s'ajoute aux autres peines possibles jugée plus efficace que la prison. Certains députés socialistes et Christiane TAUBIRA estiment que cette peine devrait être applicable aux condamnés à dix ans de prison, jusqu'à dix ans de prison. Vous, vous arrêtez à cinq ans, pas plus. MANUEL VALLS Cinq ans, c'est l'arbitrage qui avait été rendu. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous maintenez cet arbitrage ? MANUEL VALLS Bien évidemment. Ça n'est pas la seule mesure. Aujourd'hui, nous n'avons jamais eu autant de monde dans nos prisons et nous devons lutter contre ce phénomène qui ébranle les fondements de la République, qui touche profondément nos concitoyens qui ne peuvent pas le comprendre, qui est la récidive. Or, toutes les lois qui ont été votées sur ce sujet-là n'ont pas fonctionné. Plutôt que s'écharper, plutôt que d'avoir à l'Assemblée nationale un combat stérile entre la droite et la gauche, entre les soi-disant sécuritaires et les soi-disant laxistes, travaillons pour que la justice soit la plus efficace possible avec des moyens supplémentaires. Nous construirons par ailleurs ces mille cinq cents places de prison supplémentaires et il faut donner les moyens aux agents de probation, à ceux qui doivent suivre chaque délinquant pour préparer la sortie de prison. JEAN-JACQUES BOURDIN Parce qu'ils disent déjà qu'ils n'ont pas les moyens. MANUEL VALLS Mais nous avons prévu et nous avons préservé les postes au ministère de la Justice comme à l'Intérieur pour la police et la gendarmerie pour travailler plus efficacement sur le parcours de ces individus. Il ne s'agit pas de ceux qui ont été condamnés au pénal, je veux le rappeler. Il s'agit d'un certain nombre de peines pour gagner en efficacité. Moins de cinq ans, c'est un des éléments de l'équilibre du texte. JEAN-JACQUES BOURDIN Moins de cinq ans parce que Christiane TAUBIRA était sur dix ans, elle, vous le savez. C'est le président de la République qui l'a rappelée à l'ordre. MANUEL VALLS Il y a un arbitrage qui a été rendu au mois d'août dernier et je tiens à ce qu'on respecte cet arbitrage. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous dites à votre garde des Sceaux : « On respecte cet arbitrage ». MANUEL VALLS Mais elle le sait et elle le portera. Je n'en doute pas un seul instant. Moi, j'appelle sur ce type de débat là aussi à la sérénité. Qu'est-ce qui ne marche pas dans notre pays, et je pense à vos auditeurs, à ceux qui nous regardent maintenant ? C'est que ça ne fonctionne pas. Nous venons de parler de la radicalisation en prison. Aujourd'hui la prison elle-même ne permet pas toujours le bon accomplissement de la peine et ne prépare pas la sortie. Il faut donc gagner en efficacité et moi, je suis sûr qu'à droite comme à gauche il y a des hommes et des femmes qui sont prêts à faire un bout de chemin ensemble pour traiter ces questions au fond, et pas pour provoquer des débats qui ne servent à rien. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes populaire encore. Je dis « encore ». MANUEL VALLS Vous avez raison de dire « encore ». JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, je dis « encore ». MANUEL VALLS Bien sûr. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous êtes populaire encore et certains disent déjà : « Ça fait deux mois qu'il est Premier ministre et il n'y a rien de nouveau ». Rien de nouveau avec Manuel VALLS, rien n'a changé avec Manuel VALLS. MANUEL VALLS Depuis que j'ai été nommé par le président de la République après les élections municipales pour incarner la deuxième phase de son quinquennat, et après avoir reçu la confiance de l'Assemblée, nous avons engagé le Plan de solidarité pour renforcer nos entreprises. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais c'était déjà engagé avant vous. MANUEL VALLS Oui, mais là il entre concrètement dans les faits. Nous allons présenter en conseil des ministres la semaine prochaine et voter à l'Assemblée nationale et au Sénat dans les prochaines semaines les textes financiers et sociaux qui permettent la mise en œuvre de ce plan pour soutenir la compétitivité de nos entreprises, baisser le coût du travail, créer de l'emploi tout en protégeant les plus modestes et les plus faibles de notre société. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui. Où allez-vous trouver les quatre milliards supplémentaires que vous cherchez ? MANUEL VALLS Par des économies. C'est ce que Michel SAPIN va présenter. JEAN-JACQUES BOURDIN Mais où ? Des économies où ? MANUEL VALLS Dans tous les budgets. Ce travail a déjà été fait et il va être présenté. JEAN-JACQUES BOURDIN Précisément, quels sont les budgets qui sont préservés ? MANUEL VALLS Vous les connaissez, j'ai déjà eu l'occasion de le dire : l'éducation nationale pour ce qui concerne les postes crées ; la police et la justice, je viens de vous le dire, puisque nous continuons de créer des postes supplémentaires de policiers, de gendarmes mais aussi pour accompagner la réforme de la loi pénale. Voilà les ministères qui sont préservés. JEAN-JACQUES BOURDIN C'est tout ? La Défense aussi, non ? MANUEL VALLS Et la Défense, j'ai déjà eu l'occasion de le rappeler et le président de la République surtout l'a rappelé. JEAN-JACQUES BOURDIN D'autres ce sont les autres ministères qui vont payer ? MANUEL VALLS Non seulement l'Etat doit faire des économies mais pour gagner encore une fois en efficacité… JEAN-JACQUES BOURDIN Je ne sais pas, l'agriculture, je ne sais pas moi. MANUEL VALLS Mais j'ai déjà eu l'occasion de le dire. Les dix-huit milliards sur les trois ans qui viennent pour ce qui concerne l'Etat. JEAN-JACQUES BOURDIN Le logement. MANUEL VALLS Oui, bien sûr. JEAN-JACQUES BOURDIN Le logement contribuera aussi à cet effort. MANUEL VALLS Onze milliards pour les collectivités territoriales et c'est vrai aussi pour l'Assurance-maladie et la Santé. J'ai déjà eu l'occasion d'annoncer un certain nombre de mesures. Là aussi il faut dire la vérité aux Français. Quel est le projet du président de la République que je porte au nom du gouvernement ? C'est de renforcer le pays, c'est de le préparer à l'avenir. C'est le sens de la réforme territoriale ; c'est le sens du soutien aux entreprises et notamment aux PME, aux PMI, aux commerçants, aux artisans. C'est le sens d'une réforme nécessaire de la formation et de la priorité à l'apprentissage. Nous devons préparer le pays à l'avenir sinon nous allons décrocher par rapport à d'autres pays, par rapport à de grandes nations qui aujourd'hui ont la croissance. JEAN-JACQUES BOURDIN Donc vous maintenez la politique quelles que soient les remarques de Bruxelles, quelles que soient les remarques de certains députés de votre majorité. Vous maintenez le même cap. MANUEL VALLS Je maintiens le même cap parce qu'il est bon pour la France. Ça ne veut pas dire que n'écoute pas, que nous n'écoutons pas les Français d'abord. JEAN-JACQUES BOURDIN Parce que ça va gronder à l'Assemblée dans quelques jours. MANUEL VALLS Mais c'est normal que nous écoutions aussi le Parlement. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous avez vu ce que veulent certains députés socialistes. Je ne vais pas entrer dans le détail. MANUEL VALLS Moi je sais que ce que veut une grande majorité de députés socialistes. Ils veulent réussir, ils veulent que la France soit plus performante. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous aurez une majorité ? MANUEL VALLS Il ne peut pas en être autrement. Il y aura une majorité, j'en suis convaincu, mais il y aura du dialogue. La Vème République à laquelle je suis attachée n'est pas incompatible avec le rôle du Parlement. Dans les réformes que nous avons faites qui vont compter pour les années qui viennent, il n'y a pas seulement celles concernant les territoires mais il y a aussi le non-cumul des mandats qui donne, au fond, plus de pouvoirs, un rôle plus important aux députés et aux sénateurs qui le prennent, qui dialoguent mais avec l'esprit de responsabilité qui doit nous animer. Dans la situation difficile que traverse notre pays, le gouvernement comme la majorité, et je l'espère aussi l'opposition, doit faire preuve de responsabilité. JEAN-JACQUES BOURDIN J'ai remarqué une petite phrase de François HOLLANDE : « Si les députés continuent, ils ne devront pas s'étonner que leur mandat soit raccourci ». Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a aussi une menace de dissolution ? Est-ce qu'il n'y aura pas de dissolution avant la fin du quinquennat, Manuel VALLS ? MANUEL VALLS Non. Si la majorité est cohérente, soutient le gouvernement dans le dialogue… JEAN-JACQUES BOURDIN Si la majorité est cohérente. MANUEL VALLS Mais c'est la condition. Je vous lis pratiquement la constitution. Moi, je n'ai aucune raison de douter. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous dites à la majorité : « Si vous êtes cohérents, pas de dissolution. Si vous ne l'êtes pas… ». Vous brandissez la menace de la dissolution ou pas ? MANUEL VALLS Non. Ce n'est pas une question de menace, c'est une question de responsabilité. JEAN-JACQUES BOURDIN Non, mais c'est une responsabilité ou pas ? MANUEL VALLS Mais on ne va pas rajouter du désordre à la situation que nous connaissons ! Il n'y a aucune raison de mettre en doute l'engagement de la majorité. JEAN-JACQUES BOURDIN Oui, mais cette phrase m'a surpris. Pas vous ? MANUEL VALLS Je ne connais pas cette phrase et en tout état de cause, il y a cette cohérence, cette nécessité de réussir. JEAN-JACQUES BOURDIN François HOLLANDE ne pense pas à une possible dissolution ? MANUEL VALLS Mais François HOLLANDE a été élu par les Français en 2012. Grâce à cette élection, une majorité a été élue par les Français pour mettre en œuvre une politique. Cette politique, il faut la corriger, l'adapter, l'approfondir. Il faut aller vite ! Le pays a besoin de réformes à condition qu'on explique aux Français quel est le sens de cette réforme. Le sens de cette réforme, c'est de redresser le pays ; c'est de rendre plus efficace notre économie et plus compétitives nos entreprises. Et c'est surtout évidemment l'emploi, l'emploi, l'emploi, parce que notre pays s'est habitué depuis des années à un tel niveau de chômage de masse qu'il en crève. Il faut sortir de cette situation. JEAN-JACQUES BOURDIN Pour l'instant, vous ne sortez rien du tout. MANUEL VALLS Je sais que c'est difficile, mais en même temps nous avons des atouts, des entreprises, des PME, des PMI, des Français. JEAN-JACQUES BOURDIN Aucun retournement ! Je n'ai pas vu le moindre retournement pour l'instant. MANUEL VALLS Mais moi, je suis convaincu que la politique que nous sommes en train de mettre en œuvre donnera des résultats mais il faut du temps, il faut des efforts collectifs et partagés et il faut expliquer aux Français où nous allons. Il faut accepter les réformes. Regardez, on parle de la réforme des territoires que chacun demande et c'est déjà la levée de boucliers. Donc il faut poursuivre ce travail. JEAN-JACQUES BOURDIN Manuel VALLS, deux choses. Politique. Vous dites, François HOLLANDE est élu effectivement depuis 2012, s'il y avait une élection présidentielle, il serait à 3 % et vous à 26. Evidemment… MANUEL VALLS Et alors ? JEAN-JACQUES BOURDIN Eh bien je ne sais pas, et alors, ça vous fait plaisir ça ? Ça vous fait plaisir ou pas ? Sincèrement, est-ce que ça vous fait plaisir ? MANUEL VALLS Non, mais moi je suis fatigué… JEAN-JACQUES BOURDIN De quoi, dites-moi. MANUEL VALLS Un peu écoeuré, des critiques, des petits mots, des petites phrases, à l'égard du président de la République. Il est le chef de l'Etat, il est le président de la République, il prend des décisions courageuses quand il s'agit d'engager nos forces au Mali, en Centrafrique, il prend des positions courageuses, sur la Syrie ou sur l'Ukraine, il veut une réorientation de l'Europe, il prend des décisions essentielles pour notre pays… JEAN-JACQUES BOURDIN Lorsqu'on pose la question, peut-il tenir 3 ans, ça vous insupporte ? MANUEL VALLS Pacte de responsabilité et de solidarité, réforme des territoires, et il y a cette mise en cause permanente du chef de l'Etat. Va-t-il rester ? Va-t-il pouvoir gouverner ? JEAN-JACQUES BOURDIN Va-t-il tenir 3 ans ? MANUEL VALLS Mais évidemment qu'il va tenir, évidemment qu'il va tenir ce quinquennat, et moi, à ses côtés, comme le gouvernement, je suis là non seulement pour faire réussir la France, mais pour permettre la réussite de ce quinquennat. Et vous croyez que je vais perdre mon temps à commenter des sondages et à être dans une soi-disant rivalité avec le président de la République ? Non. Il m'a nommé, ma relation avec lui c'est la confiance et c'est la loyauté, il n'y a pas d'autre chemin. Je ne vais pas rajouter, moi, du désordre, là aussi, au désordre et aux difficultés que nous pouvons connaître. JEAN-JACQUES BOURDIN J'ai une dernière question, une pétition a été lancée concernant SNOWDEN, est-ce que la France va accorder l'asile politique à Edward SNOWDEN, comme réfugié politique ? MANUEL VALLS Ce n'est pas d'actualité, je ne vois pas pourquoi nous le ferions. JEAN-JACQUES BOURDIN Vous n'y est pas favorable ? MANUEL VALLS Je n'y suis pas favorable, mais si la question se pose, elle sera bien sûr examinée. JEAN-JACQUES BOURDIN Merci Manuel VALLS d'être venu nous voir ce matin. MANUEL VALLS Merci Jean-Jacques BOURDIN. |