de-francophones's picture
Upload 681 files
cec99f7 verified
Je vous remercie de votre invitation pour cette audition conjointe des deux commissions, qui fait suite au Conseil européen des 26 et 27 juin derniers. Le Conseil européen a d'abord été marqué par un moment de commémoration à Ypres, où le président du Conseil européen Herman Van Rompuy avait souhaité réunir pour un dîner à l'occasion du centenaire de la Première guerre mondiale les chefs d'État et de gouvernement. Cette réunion s'est tenue dans des conditions très émouvantes, à deux jours de l'anniversaire de l'attentat de Sarajevo. Ce Conseil a été également marqué par la rencontre le 27 juin à Bruxelles du président ukrainien Porochenko et par la signature de trois accords d'association, avec l'Ukraine, la Moldavie et la Géorgie. Il s'agissait d'un Conseil particulièrement important, au lendemain des élections européennes puisque les chefs d'État ou de gouvernement devaient désigner le candidat à la présidence de la Commission européenne et ont adopté un programme stratégique, c'est-à-dire une feuille de route, des priorités assignées à l'Union européenne pour les cinq prochaines années. Cette démarche était inédite, puisque jamais auparavant n'avait été adopté un programme stratégique avant l'investiture de la Commission européenne. Ce Conseil européen est assurément un succès. D'abord pour l'Europe, car le débat sur le futur président de la Commission européenne, même s'il a pris beaucoup de place dans la couverture médiatique de l'évènement et le temps de travail des chefs d'État et de gouvernement, n'a pas occulté l'enjeu essentiel que constituait la définition des priorités pour les cinq prochaines années. C'est ce qu'attendaient nos concitoyens. Même si nous avons connu certaines difficultés, puisqu'il n'existait pas au départ d'unanimité, le Royaume-Uni n'est pas parvenu à enrayer la dynamique de décision démocratique : il revenait bien à Jean-Claude Juncker, leader de la formation politique arrivé en tête, d'être désigné comme candidat au poste de président de la Commission européenne. Ce Conseil est aussi un succès pour la France car la contribution française, « l'Agenda pour la croissance et le changement », transmis à nos partenaires en amont du Conseil européen, les alliances qui ont été nouées, et les convergences de vues avec la présidence italienne du Conseil de l'Union européenne, ont permis que nos orientations et propositions soient très largement reprises dans le programme stratégique adopté. Je vais donc revenir, conformément à votre invitation, sur les cinq grandes priorités stratégiques. La première est évidemment le soutien à la croissance, à la compétitivité et à l'emploi. Nous avons obtenu que le programme mentionne les flexibilités offertes par le Pacte de stabilité et de croissance, pour tenir compte à la fois des réformes engagées dans chacun des États membres et surtout, de la reprise qui est là en Europe et ne doit en aucun cas être fragilisée. Le document insiste également sur la nécessité de faire face aux besoins d'investissements, à la fois publics et privés. Il met en avant le renforcement de l'attractivité de l'Union en tant que lieu de production industrielle avec une base industrielle forte. Ces formulations du Conseil européen serviront utilement de point d'appui aux propositions françaises contenues dans l'Agenda pour la croissance : l'amélioration du financement de l'économie réelle des entreprises et de l'investissement par la pleine mobilisation des instruments existants, comme le budget de l'Union européenne, les moyens et le nouveau capital de la Banque européenne d'investissement, les project bonds, qui doivent être développés pour financer de grands projets structurants. Le document indique également la nécessité de faire évoluer le cadre réglementaire et financier pour drainer de nouveaux investissements vers l'économie, pour mobiliser et orienter l'épargne privée, abondante en Europe (12 % contre 8 % aux États-Unis), vers les entreprises. Nous avons mis en discussion l'idée d'un plan d'épargne européen qui permettrait de financer les petites et moyennes entreprises et plus largement le tissu économique européen. Sur l'Union économique et monétaire, le texte souligne, comme nous le souhaitions, le besoin d'une coordination, d'une convergence et d'une solidarité accrues, ce qui fait écho à ce que nous avons proposé en termes de convergence sociale ou fiscale, avec un Eurogroupe industriel. Cela renvoie à cette idée d'un conseil de l'économie réelle qui soit dédié à une coordination non pas simplement budgétaire, mais des efforts économiques dans la zone euro. Pour clore ce chapitre économique, je rappelle que cette réunion du Conseil européen a également finalisé le Semestre européen pour 2014, en présence de Mario Draghi. Il était intéressant de noter que le président de la Banque centrale européenne (BCE) considérait lui aussi, dans le débat qui voyait s'affronter les partisans de la flexibilité et ceux de la rigueur, qu'il fallait tenir compte des situations dans la zone euro et des réformes déjà engagées pour ne pas entraver la reprise. La BCE a elle-même pris, au-delà de la baisse des taux d'intérêt, des mesures audacieuses. Les citoyens européens sont au cœur du second paquet de priorités mises en avant lors de ce Conseil européen. Nous nous mobilisons pour que l'initiative européenne pour la jeunesse, dotée de six milliards d'euros mobilisables en 2014 et 2015, et dont 600 millions d'euros ont été accordés à la France, puisse être prolongée. La France est le premier État à avoir obtenu de pouvoir engager les fonds qui la concernent. Il faut à présent mettre en oeuvre concrètement cette initiative dans toutes les régions où le chômage des jeunes est supérieur à 25 %. En parallèle, nous souhaitons promouvoir des mesures en faveur de la mobilité des apprentis et des jeunes en formation par alternance, en utilisant pleinement les crédits d'Erasmus + et en créant un véritable statut de l'apprenti européen. La troisième priorité porte sur l'énergie et le climat. Nous avons obtenu deux éléments absolument essentiels. Le Conseil européen a exprimé la volonté qu'une décision soit prise, au plus tard en octobre, sur le cadre énergie climat avec des objectifs de réduction d'émission des gaz à effet de serre et de promotion des énergies renouvelables. Le Conseil désire en effet que l'Union européenne adopte une position unie avant la grande conférence de l'ONU sur le climat, que la France accueillera à Paris en 2015. Le deuxième élément, c'est qu'il n'y ait pas d'opposition entre, d'une part, la sécurité énergétique, les investissements et la diversité des approvisionnements, et, d'autre part, la lutte contre le changement climatique, la promotion de l'efficacité énergétique et la montée en puissance des énergies renouvelables. Les priorités à cinq ans fixées par le Conseil européen répondent à nos attentes, en mentionnant l'objectif de « disposer d'une énergie financièrement abordable, sûre et verte ». Il faut construire l'Union énergétique, c'est-à-dire mettre en œuvre la solidarité européenne, construire les infrastructures européennes, bâtir une base industrielle en matière de politique énergétique tout en luttant contre le changement climatique. Il convient à partir de là de donner aux divers acteurs une visibilité à long terme pour que cette politique s'inscrive dans la durée. La quatrième priorité concerne l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Elle est à la fois liée à la protection des droits et libertés fondamentales au sein de l'Union, en particulier la liberté de circulation, mais aussi à la nécessité d'une protection des frontières extérieures communes, d'une politique des migrations qui soit plus efficace. Il faut montrer plus de solidarité avec les pays du sud de l'Europe, en particulier avec l'Italie qui fait face en Méditerranée à de très grandes difficultés et à de terribles drames humains. Le Conseil a réaffirmé clairement sa volonté de renforcer les outils existants mais aujourd'hui encore trop embryonnaires, comme Frontex. Ces outils doivent être en mesure à l'avenir de prendre le relai des opérations nationales du type Mare nostrum. Pour parvenir à une solution durable, il faudra intensifier la politique en direction des pays de provenance pour mettre une œuvre plus de stabilité, mais aussi par des accords de réadmission, de lutte contre le trafic de main d'œuvre et les filières clandestines en les aidant à renforcer leurs capacités en matière de migration et de gestion des frontières. La politique d'asile doit être mieux coordonnée pour protéger le droit d'asile, mais également garantir une meilleure effectivité dans la reconnaissance réciproque des décisions des États membres. Il y a, à cet égard, une référence dans le programme stratégique qui constitue une avancée notable, sur un sujet qui a, trop longtemps, été tabou. En parallèle, il faut aménager, dans la concertation avec les pays tiers, des voies de migration Dans ce cadre, et même si cela n'est pas nécessairement lié au thème de l'immigration, il existe un chapitre très important qui porte sur la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Nous devrons ainsi aboutir rapidement sur les données des passagers aériens (accord PNR) afin d'identifier les voyageurs dangereux et leurs déplacements. La cinquième priorité est relative à la politique de voisinage, les relations avec les grands partenaires stratégiques, et la Politique européenne de sécurité et de défense commune. Le texte issu du Conseil européen est fidèle à nos priorités, s'agissant notamment de la Politique de sécurité et de défense commune, dans un objectif d'autonomie stratégique d'Europe de la défense, par le renforcement des capacités militaires européennes et de la base industrielle et technologique. Évidemment, dans le cadre de la discussion de la politique de sécurité et de défense, une partie des débats du Conseil européen a été consacrée à la situation en Ukraine, sur laquelle vous m'avez interrogé. Tout d'abord, avant même que le président ukrainien Porochenko ne vienne devant le Conseil européen, une rencontre a été organisée entre le président de la République François Hollande, la chancelière Angela Merkel et le président Petro Porochenko sur la situation à la fin de la semaine dernière. À l'issue de cette réunion, il a été convenu que le président Porochenko accepte de proroger le cessez-le-feu jusqu'au 30 juin au soir. Le Conseil européen a demandé que ce délai soit utilisé dans un dialogue avec la Russie pour la mise en place d'un mécanisme de surveillance aux frontières, la récupération des postes de contrôle tombés aux mains des séparatistes et pour s'assurer de la libération d'un certain nombre d'otages, y compris les observateurs de l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe. Il s'agissait également de reprendre la discussion sur le plan de paix du président Porochenko, qui avait été accepté par le président Poutine, et pour engager un certain nombre de discussions internes à l'Ukraine visant à avancer sur la réforme institutionnelle ou la prise en compte de toutes les composantes de la société ukrainienne, y compris des minorités russophones. Le président français, la chancelière allemande et les présidents russe et ukrainien avaient convenu de reprendre contact avant l'expiration de ce délai, et l'ont fait dans les soirées de dimanche et lundi. Ils ont constaté une évolution positive, même si la situation dans l'Est reste très tendue. L'intervention prévue par la délégation de l'Assemblée nationale sera utile pour apporter un témoignage mais aussi pour inciter l'ensemble des acteurs à une désescalade et à la recherche d'une solution politique. Malheureusement, le président ukrainien a considéré lundi soir que les avancées n'étaient pas suffisantes et a décidé de suspendre le cessez-le-feu. Les quatre ministres des affaires étrangères français, allemand, ukrainien et russe se rencontraient ce jour à Berlin pour remettre le train sur les rails de la diplomatie. Ils se réunissent pour la recherche d'une solution d'apaisement, afin de sortir de cette crise extrêmement grave qui continue de faire des victimes compte tenu des activités d'un certain nombre de groupes séparatistes très violents et de la suspension du cessez-le-feu lundi dans la soirée. Le travail sur place de la délégation de l'Assemblée nationale offrira donc une contribution très utile, et les informations sur la rencontre à Berlin des ministres des affaires étrangères vous seront transmises en fin de journée. Le Conseil européen, après ses décisions sur les priorités des cinq prochaines années et le choix de nominer Jean-Claude Junker, a convenu de se revoir conformément aux dispositions du Traité après l'investiture du président de la Commission. Il sera alors discuté de la nomination aux autres postes de la Commission européenne, tels que celui de Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, qui est également premier vice-président de la Commission européenne. Cette nomination ne peut être évoquée avec le président de la Commission européenne qu'une fois celui-ci investi par le Parlement européen. Il faudra également prendre une décision au sein du Conseil européen quant à la succession de M. Van Rompuy au poste de président du Conseil européen. L'objectif est d'aboutir à un consensus sur la répartition des responsabilités, qui permettra à partir du 16 juillet à ce que l'ensemble du dispositif de gouvernance de l'Union européenne puisse être opérationnel. Je voudrais simplement préciser à Elisabeth Guigou que même si certaines formulations du Conseil, qui doivent tenir compte de la nécessité d'un certain consensus, apparaissent comme insuffisamment explicites, les priorités françaises ont très largement été prises en compte. Nous pourrons désormais travailler à la mise en oeuvre des propositions françaises contenues dans l'Agenda. Concernant les questions plus précises sur la finalisation de l'Union bancaire et l'accord intergouvernemental sur le Fonds de résolution, la Commission doit remettre ses propositions au mois de septembre afin que soit déterminée la contribution de chacun des établissements financiers de l'Union européenne à ce fonds de résolution, préalable indispensable à sa mise en oeuvre. Concernant la question de la présidente Danielle Auroi sur la procédure future mentionnée dans les conclusions pour le choix du président de la Commission européenne, il s'agit là d'une formule destinée à faire cas d'une préoccupation britannique. Mais le président de la République a insisté pour qu'il soit également fait mention du respect des traités, afin de prévenir tout retour en arrière, et la procédure suivie cette année va sans nul doute créer un précédent démocratique pour toute future nomination de président de la Commission européenne. (Interventions des parlementaires) Sur l'attitude du Royaume-Uni et l'entêtement du Premier ministre britannique, plusieurs éléments peuvent l'expliquer. Premièrement, la situation politique intérieure du pays et les pressions provenant de la formation politique du Premier ministre. Deuxièmement, le fait qu'il a annoncé très tôt qu'il tiendrait s'il était réélu en 2015, un référendum sur la relation entre le Royaume-Uni et l'UE. Troisièmement, la pression exercée par le parti politique UKIP qui a réalisé un excellent score aux élections européennes. Enfin, le fait que le Premier Ministre, et d'autres encore, ont sous-estimé la dynamique qu'allait créer la désignation de chefs de file par les partis politiques européens. Au sein de ces partis, certains ont même pensé que cette désignation ne provoquerait pas un effet d'entraînement aussi puissant et qu'il serait possible de choisir une autre personnalité. Le Premier ministre britannique a peut-être pensé qu'il ne courrait pas de risque majeur à s'opposer publiquement à la désignation de Jean-Claude Juncker. Néanmoins, la réalité des élections, la dynamique de présentation des candidatures et les débats publics qui ont eu lieu entre les candidats ont créé un fait politique. C'est un progrès démocratique car le citoyen a eu l'occasion de peser sur le choix du futur président de la Commission européenne, même si par la suite celui-ci n'est en réalité investi que par un consentement plus large car aucune des familles politiques européennes à l'issue de ce scrutin ne dispose à elle seule d'une majorité absolue. Aussi, au-delà du choix du candidat, il est nécessaire d'avoir un débat sur les orientations et les priorités stratégiques de cette Commission pour les cinq prochaines années. L'Union européenne doit être au service de 28 États membres, ce qui implique la prise en compte des différentes sensibilités, opinions et attentes exprimées par les citoyens. Bien que j'appartienne à une famille politique européenne qui soutenait un autre candidat, en l'occurrence Martin Schulz, je me réjouis que le résultat soit respecté. Il était nécessaire qu'un débat ait lieu, après les résultats des élections et avant la désignation du futur président de la Commission, et qu'il porte sur la façon dont l'Europe va répondre aux attentes des citoyens et à l'impératif de sortie de la crise. Les citoyens n'ont pas forcément perçu que lors des débats au Conseil, il a surtout été question de cette feuille de route. Le débat a même précédé la désignation de M. Jean-Claude Juncker. Le mardi précédent le Conseil européen, un conseil « affaires générales » a entièrement porté sur le projet de programme stratégique préparé par le président du Conseil, Herman Von Rompuy. De nouvelles priorités ont été définies dans la feuille de route, en matière de croissance, d'emploi, et en particulier l'emploi des jeunes, d'adoption de nouveaux instruments de financement de l'économie, et de renforcement de nos capacités d'investissement dans les domaines de l'énergie, du transport, de la recherche, de la formation et du numérique. Les conclusions du Conseil rappellent la nécessaire articulation du respect de la position du Royaume-Uni et le fait que le Royaume-Uni doit malgré tout respecter la volonté et les perspectives européennes. Ce pays n'est pas dans la zone euro et n'a pas l'intention d'y prendre part. Il n'est pas non plus dans l'espace Schengen et n'a pas la volonté de le rejoindre. Le Royaume-Uni a demandé à ce que ses aspirations soient prises en compte dans les conclusions du Conseil. Le paragraphe 27 des conclusions du Conseil réaffirme la notion d'une « Union sans cesse plus étroite », que le Royaume-Uni souhaitait retirer des traités, mais précise que cette notion « permet aux différents pays d'emprunter différentes voies d'intégration, en laissant aller de l'avant ceux qui souhaitent approfondir l'intégration, tout en respectant la volonté de ceux qui ne souhaitent pas poursuivre l'approfondissement ». Un point d'équilibre a donc été trouvé sur cette question. Le Royaume-Uni est un partenaire important de la France, dans beaucoup de domaines. Ces deux pays sont membres permanents du Conseil de sécurité. Le Royaume-Uni s'est trouvé aux côtés de la France lorsqu'elle est intervenue en Libye, et la soutient au Mali et en République Centrafricaine. De plus, les deux pays entretiennent une bonne coopération dans le domaine de l'énergie. Enfin, il est de l'intérêt du Royaume-Uni et du nôtre que la croissance reparte en Europe et dans la zone euro. Néanmoins, le Royaume-Uni ne doit pas entraver l'approfondissement de la zone euro. Concernant l'évolution de la situation interne au Royaume-Uni, le référendum annoncé est toujours prévu pour la fin de l'année 2017, c'est-à-dire après les élections générales. Aussi, on ne peut préjuger aujourd'hui du résultat, ni des conséquences de ce référendum et des liens entre l'UE et le Royaume-Uni. La phrase que j'ai citée au sujet d'une « Union sans cesse plus étroite », laisse entendre que le Royaume-Uni se projette encore comme membre de l'Union européenne dans les prochaines années, ce qui est rassurant. À propos de la composition de la Commission, il convient qu'elle reflète les grandes priorités de l'Union. Elle pourrait s'organiser autour des vice-présidences afin d'en simplifier le fonctionnement, éviter le cloisonnement en 28 portefeuilles des politiques de l'Union, et renforcer la collégialité. Cela n'a pas été mis à l'ordre du jour des réunions du Conseil, mais certains pays ont déjà manifesté des inquiétudes car ils redoutent que seuls les grands pays en bénéficient. Pourtant, les exemples de Jean-Claude Juncker et d'Herman Van Rompuy montrent que l'accès à des postes de haute responsabilité n'est pas réservé aux ressortissants des grands pays. Le futur président de la Commission devra veiller à mettre en oeuvre des « pôles » qui permettront de regrouper des priorités par exemple dans le domaine de la politique économique ou de la politique extérieure de l'Union. L'élargissement et le commerce extérieur pourraient donner lieu à un travail commun entre les commissaires concernés. Le président François Hollande a souligné que la France voulait jouer un rôle majeur via son commissaire et souhaite qu'il soit vice-président dans un domaine prioritaire comme l'économie. Cette discussion reprendra après l'investiture du président de la Commission le 15 juillet prochain à Strasbourg lors du Conseil européen du 16 juillet à Bruxelles. L'Italie et la France ont exprimé une vision tout à fait concordante à propos de la stratégie de relance européenne et de la question de la flexibilité. Aucune différence n'a été perceptible à ce sujet entre la position du président du Conseil des ministres italien et celle du président français. La rencontre des sociaux-démocrates à l'Élysée, réalisée sous l'égide de François Hollande, a permis de consolider une telle convergence, ainsi que l'entrevue de ce dernier avec Matteo Renzi lors d'une réunion précédent le Conseil européen, où les deux hommes ont défendu une approche commune. Tout en respectant le Pacte de stabilité et de croissance, cette approche consistait à tenir compte des réformes engagées et actuellement appliquées en France et en Italie. Ces réformes portent sur l'économie, la compétitivité, le coût du travail, les dépenses publiques et l'organisation territoriale. L'Italie et la France ont conscience qu'elles sont nécessaires au renforcement de la capacité de croissance et d'emploi des deux pays. Il est impératif de tenir compte des effets de ces réformes et des bénéfices qu'elles peuvent apporter à moyen et à long terme, et de veiller à ce que la reprise ne soit pas étouffée car elle est encore fragile. Il existe encore un risque de déflation qui a poussé la BCE à prendre des mesures très audacieuses, consistant à faire baisser les taux d'intérêt et à contribuer au financement de l'économie réelle. Cette interprétation est conforme aux traités qui prévoient cette flexibilité. Il convient d'utiliser toutes les flexibilités dont nous disposons, et de tenir compte à la fois des réformes engagées et du cycle économique dans lequel nous nous trouvons à savoir un début de reprise qui doit absolument être consolidée. Aussi, il faut éviter de tomber dans une lecture trop rigide, voire absurde du Pacte de stabilité et de croissance car cela empêcherait les États de mener à bien des réformes structurelles. Aucune demande en faveur d'un report de calendrier concernant le retour à l'équilibre budgétaire n'a été formulée de la part de la France ou d'un autre État membre de l'UE, ni aucune demande qui remettrait en cause le respect des règles communautaires de déficit et d'endettement. Néanmoins, certains participants aux débats ont rappelé l'exemple significatif des réformes Schröder qui ont été engagées il y a une dizaine d'années en Allemagne. On constate aujourd'hui qu'elles ont contribué à revitaliser la compétitivité de l'économie et de l'industrie allemande. Or, ces réformes n'ont pas été soumises à des pratiques politiques de restriction budgétaire immédiate. La perspective communautaire est donc celle de poursuivre le désendettement mais en utilisant les flexibilités du Pacte. En ce qui concerne l'espace Schengen, les conclusions du Conseil soulignent la nécessité d'en réformer la gouvernance mais sans en remettre en cause les acquis essentiels, tels que la liberté de circulation mais également la coopération policière et le contrôle aux frontières extérieures communes. Il ne faut pas revenir en arrière mais au contraire, aller de l'avant. Des idées nouvelles sont en train d'émerger, telles que la mise en place de gardes- frontières européens. Cette demande a été formulée par l'Italie qui ne peut à elle seule gérer en Méditerranée l'afflux de migrants via son opération Mare nostrum. Au sujet des recommandations adressées aux États membres, le Conseil les a approuvées de façon générale. Celles qui concernent la France valide la stratégie, le plan triennal et le programme national de réformes du pays. Elles ne remettent pas en cause les choix fait par la France comme cela avait parfois été le cas par le passé, entre autres en ce qui concernait la réforme des retraites. Les recommandations telles qu'elles ont été communiquées par la Commission européenne, ne posent donc pas de problème particulier à la France. La volonté communautaire est de desserrer les carcans et de créer les conditions nécessaires à une meilleure coordination des politiques économique et de soutien à l'investissement afin de relancer la croissance en Europe. Hier, un rapprochement entre Nexter et KMW a été rendu public et doit donner naissance à un groupe dont l'État français sera actionnaire à hauteur de 50 %, de même que le partenaire allemand, et qui représentera un fournisseur considérable dans son domaine. Ceci constitue une avancée majeure pour les industries de défense et illustre un des éléments que j'ai précédemment évoqués à propos du contenu des conclusions du Conseil sur la PSDC. Une politique de défense européenne ne pourra être bâtie que si l'Europe dispose d'une industrie capable de fournir les États membres en matériel, afin que ceux-ci ne soient pas dépendants d'autres fournisseurs, en particulier américains. Vous avez posé des questions sur le Pacte de stabilité et de croissance et a notamment exprimé un certain scepticisme. Il me semble que l'UE dispose à la fois de la volonté, comme elle l'a démontré, et de la capacité, comme cela a par ailleurs été confirmé à travers le vote qui est intervenu hier dans votre Assemblée. Nous voulons servir l'intérêt européen, c'est-à-dire à la fois faire en sorte que des réformes structurelles soient menées dans chaque pays et s'assurer en même temps que la croissance reparte en zone euro. L'Union n'a que trop souffert de ce qui s'est passé dans des pays comme l'Espagne et le Portugal qui ont entrepris des réformes très strictes. Cependant, malgré ces réformes et la baisse des dépenses publiques, ces pays, parce qu'ils étaient soumis à un cadre beaucoup trop restrictif, notamment aux règles de la Troïka, ne sont pas parvenus à enrayer la poursuite de leur endettement et leur croissance n'est pas repartie. Aujourd'hui, la croissance repart, mais timidement. Aussi faut-il l'encourager. Nous n'essayons pas d'échapper à nos obligations mais nous manifestons la volonté de voir l'Europe repartir du bon pied. Il faut stopper la progression du chômage. Il a atteint 40 % en Espagne. Il a ravagé des générations de jeunes. La meilleure réponse à apporter à l'actuelle défiance qui a par ailleurs été exprimée par une forte abstention et un vote eurosceptique à l'occasion des élections européennes, est de faire repartir la croissance. En ce qui concerne les négociations avec les États-Unis, une session va se tenir le 14 juillet prochain, et nous en rendrons compte. Il est nécessaire de faire respecter un principe de réciprocité dans les négociations. Il a été demandé que la notion de transparence apparaisse dans les conclusions du Conseil. Ces négociations peuvent être bénéfiques pour plusieurs secteurs de l'économie française. Il n'y a pas de raison d'avoir peur d'y associer l'ensemble des parties prenantes, c'est-à-dire les acteurs économiques, la société civile, les syndicats, les parlements nationaux et le Parlement européen. Il faut poursuivre ces négociations en défendant nos lignes rouges : nos normes sanitaires, notamment en matière agricole, nos normes sociales, l'exception culturelle française, et notre capacité à réguler notre propre marché. Si cet accord de commerce transatlantique permet d'ouvrir le marché américain à nos exportations, notamment les marchés publics, d'exporter plus de produits agricoles, de protéger les indications géographiques et de créer des normes industrielles plus favorables, alors nous y sommes favorables. En revanche, s'il s'agit d'un accord créant des déséquilibres, nous ne l'accepterons pas. Il existe parfois des sanctions et des décisions qui semblent disproportionnées entre partenaires. Or, si l'on est partenaire, l'on se doit de prendre en compte les effets de ses décisions sur les entreprises de l'autre partie. Il est vrai qu'il existe un accord technique au Parlement européen mais je m'en réjouis car au-delà de la dimension technique, il y a eu une attitude responsable de la part des grandes formations politiques européennes face à des formations eurosceptiques voire extrémistes qui, en tournant le dos lors de l'écoute de l'hymne européen, ont exprimé leur mépris pour les valeurs communes de l'UE. Cet accord n'empêchera pas pour autant les débats politiques d'avoir lieu entre les différentes formations du Parlement européen mais il va permettre à ce dernier d'aider l'Union à aller de l'avant. De même, le Conseil a pris ses responsabilités en adoptant une feuille de route déterminant ses priorités.