PATRICK COHEN Un jeune militant de gauche battu à mort par des skinheads en plein Paris, qu'en dites-vous ce matin ? ALAIN VIDALIES J'en dis que quand un jeune de 18 ans est tué en plein Paris, assassiné, c'est toute la République qui est en deuil ce matin, et que c'est tous les démocrates qui doivent réagir. Ce n'est pas un accident, ce n'est pas un incident, c'est une situation qui doit mobiliser tout le monde. J'ai eu Manuel VALLS ce matin, bien sûr la police, la recherche, mais… PATRICK COHEN Et vous avez des éléments précis qui vous laissent penser qu'il s'agit bien d'un geste à caractère politique ? ALAIN VIDALIES Oui, oui. Aujourd'hui les éléments dont on dispose identifient, même si la police continue ses recherches, un groupe néonazi qui est très largement soupçonné d'être à l'origine, dans tous les cas ses membres, de cette agression qui fait penser à une autre époque. PATRICK COHEN C'est le groupe des jeunes nationalistes révolutionnaires, c'est celui-là ? ALAIN VIDALIES C'est le nom qui circule, bien entendu il ne s'agit pas de procéder par affirmation, mais Manuel VALLS m'a indiqué que très rapidement, et d'une façon très mobilisée la police est en train de travailler sur cette affaire. PATRICK COHEN Si les liens des agresseurs avec ce groupe sont avérés, cela pourrait conduire à des mesures de dissolution ? ALAIN VIDALIES Je crois que la question est légitime. Quand on est en dehors de la démocratie, et même, dans ce cas-là, en dehors de la République, il faut que… La République ne peut pas être faible, il faut aussi qu'elle se protège. PATRICK COHEN Est-ce que, à votre avis, ce qui s'est passé hier soir dit quelque chose du climat politique, d'une éventuelle radicalisation de certaines franges de l'ultra droite ? ALAIN VIDALIES Naturellement, chacun est conscient de cette situation. Il ne faut pas faire des raccourcis tant qu'on n'a pas de preuve, mais la question est légitime, et tout le monde, nous, d'autres, sont comptables de cette situation. Ce qui est posé comme question c'est la France, c'est le contrat républicain. PATRICK COHEN Autre chose, Alain VIDALIES. La transparence de la vie publique. Le président, le gouvernement, on s'en souvient, s'était fortement engagé sur ce sujet après le scandale CAHUZAC, or, le projet que vous défendez, est en train d'être vidé de sa substance par les parlementaires. Pas de publication des patrimoines, et finalement, pas de métier interdit aux députés et sénateurs. La promesse ne sera pas tenue ? ALAIN VIDALIES Alors d'abord une rectification, sur la deuxième partie, l'information est fausse, donc je ne comprends pas comment elle peut figurer dans une dépêche. PATRICK COHEN Laquelle ? ALAIN VIDALIES L'interdiction de métiers et la limitation des revenus, reste totalement d'actualité, ce qui s'est passé hier en commission et qui malheureusement a été mal compris, semble-t-il, c'est que la rédaction de l'amendement n'était pas satisfaisant. La procédure parlementaire c'est qu'à ce moment-là on ne le rejette pas, il n'a pas été rejeté, il a été retiré, pour nouvelle rédaction, et ces deux amendements seront à nouveau soumis à la commission des Lois, et dans tous les cas soumis à la séance publique à partir du 17. Donc, cette question sur les professions, et la question sur la limitation des revenus, reste totalement d'actualité et sera dans le projet… PATRICK COHEN Il y aura donc des métiers interdits aux parlementaires ? ALAIN VIDALIES Alors, c'est une question juridique, c'est pour ça que le texte a été remis à la rédaction. Vous ne pouvez pas stigmatiser tel ou tel métier, donc, ce que l'on veut faire – vous ne pouvez pas dire on ne peut pas être parlementaire et journaliste, le Conseil constitutionnel va dire pourquoi journaliste, pourquoi… PATRICK COHEN Ah bon ? Donc Jean-Marc AYRAULT s'est fourvoyé le 10 avril devant l'Assemblée nationale quand il avait dit « est-il acceptable qu'un parlementaire soit à la fois consultant et avocat d'affaires ? Eh bien je dis non, ce sera terminé. » ALAIN VIDALIES Il a raison, il a raison, simplement… PATRICK COHEN Il a raison, mais vous ne pourrez pas le faire. ALAIN VIDALIES Parce que la rédaction sur la distinction entre avocat d'affaires et avocat de droit ordinaire, n'est pas juridiquement possible. Ce que les gens veulent c'est être sûrs que leurs parlementaires se consacrent à l'exercice de leur mandat, et nous voulons leur donner cette assurance. Et puis pourquoi les avocats d'affaires ? Il y a eu quelques expériences passées, qui ont montré combien cette situation était scandaleuse, et donc nous ne voulons pas que des gens, qui n'étaient pas… Qui n'exerçaient pas une profession avant, l'exercent en cours de mandat, et nous voulons que l'activité de consultant, c'est le bon mot que vous avez utilisé, ne puisse pas se faire. Pourquoi ? Parce qu'on veut éviter les conflits d'intérêts, c'est au cœur de la transparence. PATRICK COHEN Alors, comment allez-vous faire ? ALAIN VIDALIES Eh bien nous allons avoir un dispositif qui, probablement, interdira qu'il y ait des nouvelles activités qui soient engagées en cours de mandat, autrement dit celui qui n'était pas avocat avant, il ne pourra pas le devenir après. PATRICK COHEN Ça c'était le cas pour déjà un certain nombre de professions. ALAIN VIDALIES Et deuxièmement… Mais d'une manière générale, pour ne pas stigmatiser telle ou telle profession et deuxièmement, ce que souhaite le gouvernement, et j'espère que nous arriverons à convaincre le Parlement, nous souhaitons avoir une limitation des revenus, je pense que ça peut aussi freiner quelques ambitions d'avoir une limitation des revenus provenant… PATRICK COHEN C'est l'idée de René DOSIERE, qui avait déposé un amendement, qui a été retiré, mais qui sera donc rédigé sous une nouvelle version. ALAIN VIDALIES Tout à fait, et j'avais travaillé à cet amendement avec René DOSIERE, et nous allons redéposer des amendements re-rédigés. PATRICK COHEN C'est-à-dire pour qu'un parlementaire ne puisse pas gagner plus de la moitié de ses indemnités de parlementaire. J'ai bien résumé, j'ai bien compris ? ALAIN VIDALIES C'était l'objet de l'amendement d'origine, il sera peut-être modifié, mais il y aura une barrière en termes de revenus qu'un parlementaire pourrait tirer de la poursuite et non pas de l'exercice d'une nouvelle activité. PATRICK COHEN De la poursuite d'autres activités que celle de parlementaire et de ses activités d'élu. ALAIN VIDALIES Voilà. PATRICK COHEN Alors, la publication des patrimoines, expliquez-nous cette curieuse mesure. Les déclarations de patrimoine des quelque 6000 parlementaires et responsables d'exécutifs locaux ne seront pas publiables mais consultables, avec interdiction de les diffuser sous peine d'1 an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende. Le résultat, vous le connaissez Alain VIDALIES, c'est que ce sera diffusé quand même, mais de façon anonyme. ALAIN VIDALIES Ça ne sera pas diffusé de façon anonyme, en tous les cas on ne peut pas… PATRICK COHEN C'est le risque. ALAIN VIDALIES Oui, c'est le risque, mais on ne peut pas raisonner par rapport au non-respect de la loi demain. Si ça se produit on verra comment ça se passe. PATRICK COHEN On peut élaborer les lois en essayant de savoir si elles peuvent être respectées, si ça tient debout. ALAIN VIDALIES Vous savez, l'interdiction de publication des revenus, que vous pouvez aujourd'hui consulter, ça existe depuis 30 ans, il n'y a aucune transgression, il n'y a pratiquement pas d'affaires qui soient connues. Ce que je veux dire, c'est qu'on va donner aux citoyens français un droit d'alerte citoyenne sur le patrimoine de leurs élus. Cela n'existe dans aucun pays, et je suis très surpris de la présentation d'un texte qui serait banalisé. Il n'y a aucun autre au monde où ce droit va exister. Qu'est-ce qu'on veut faire. Les citoyens ils attendent quoi ? Ils veulent, un, être sûrs que ce que décident leurs élus ce soit au nom de l'intérêt général et non pas par des intérêts particuliers, c'est la déclaration sur les intérêts. Tous ces gens, les élus et les autres, devront faire une déclaration d'intérêts qui sera publique. Deuxièmement, ils veulent savoir si le patrimoine de leur élu, il a évolué normalement, et qu'il n'y ait pas un doute sur le fait qu'il y aurait de la fraude ou des ressources suspectes. Eh bien, chacun pourra aller contrôler le patrimoine, voire prendre connaissance du patrimoine de son élu, de ses élus, dans son département, les parlementaires, mais aussi les exécutifs locaux, président de Conseil Général, Régional, etc., et si le citoyen se pose des questions, eh bien il pourra saisir directement la Haute autorité de la transparence. Et cette Autorité, qui jusqu'à présent était un peu administrative, disons-le, on lui donne des pouvoirs d'investigations. Il n'y a aucun pays au monde qui met en place, ou qui a mis en place, un système avec ce droit d'alerte citoyenne. PATRICK COHEN Ah mais non, dans d'autres pays comparables les citoyens ont directement accès au patrimoine de leurs parlementaires, en Angleterre, en Italie. ALAIN VIDALIES Oui, il y a deux pays, ça doit être beaucoup plus nuancé, il y a deux pays où il y a le maximum, c'est-à-dire la publication sans aucune limitation, c'est l'Italie, et la Lituanie. Je pense… PATRICK COHEN La Grande-Bretagne aussi, dans une certaine part, depuis le scandale des notes de frais. ALAIN VIDALIES C'est plus compliqué, c'est un système de contrôle, mais le droit d'alerte citoyenne, très honnêtement, il ne faut pas banaliser cette affaire. Alors, je conçois que dans les médias on se dise « mais nous on ne pourra pas le publier », il faut quand même voir une chose, il y a une différence entre les membres du gouvernement où on prend des décisions pour l'ensemble, on y est passé, mais quand certains, dans les parlementaires, on l'a vu, disent « mais attendez, il y a quand même des questions… », c'est plusieurs milliers de personnes dont on parle là, ils ont des enfants, ils ont de la famille, il y a un problème de protection de la vie privée, et la feuille de route du président, qui a été faite en deux fois, son annonce, plus la conférence de presse, c'était : publication du patrimoine et respect de la vie privée. Ce qui est important pour les citoyens c'est ce droit d'alerte citoyenne. PATRICK COHEN Je vois aussi, quand même, que Claude BARTOLONE a été très convaincant. ALAIN VIDALIES Pas du tout. PATRICK COHEN Le président de l'Assemblée. ALAIN VIDALIES Pas du tout, parce que, en réalité… PATRICK COHEN Qui était vent debout dès l'annonce des mesures dont on parle. ALAIN VIDALIES Non, mais aujourd'hui il est d'accord, puisqu'il a donné son accord à ce que j'avais proposé depuis une dizaine de jours, mais enfin, les citoyens aujourd'hui… moi je n'accepte pas qu'on ait une présentation en disant c'est un recul, vis-à-vis des citoyens, c'est notre proposition, et aujourd'hui leur dire qu'ils sauront aujourd'hui, avec ce droit d'alerte… prenez l'affaire CAHUZAC. La question est légitime, est-ce que notre dispositif aurait permis d'avancer plus rapidement ? Je réponds oui, parce que les citoyens du Lot-et-Garonne, et on a tous en tête l'idée de quelqu'un qui aurait pu le faire, auraient pu aller voir la déclaration, celui qui savait qu'il y avait peut-être un compte ailleurs aurait eu ce droit d'alerte citoyenne. PATRICK COHEN Oui, il n'aurait pas vu le compte caché sur la déclaration, mais c'est une autre question. ALAIN VIDALIES Mais justement. PATRICK COHEN Un autre recul quand même, pardon Alain VIDALIES, les indemnités que touche un ministre quand il quitte le gouvernement, ce sera toujours 6 mois, alors que vous vouliez que le délai soit réduit à 1 mois. ALAIN VIDALIES Il y a une vraie divergence entre le gouvernement, apparemment le Parlement veut faire le bonheur des ministres malgré eux. La position du gouvernement, du président de la République est claire, ça doit être limité à 1 mois, contre vents et marées, je redéposerai cet amendement pour demander à l'Assemblée nationale de limiter à 1 mois les indemnités après la fin du mandat de ministre. PATRICK COHEN Ce sera en séance publique à partir du 17 juin. ALAIN VIDALIES Du 17.