Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, Mesdames et Messieurs, Chers Collègues et Amis, Le Ministre, Laurent Fabius, avait prévu d'ouvrir notre colloque. Il en avait pris l'initiative, en mars dernier, à l'issue d'une rencontre avec Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l'Association française des victimes du terrorisme. L'actualité syrienne l'a contraint malheureusement d'annuler sa participation. Il m'a chargé de vous dire combien il aurait aimé être parmi vous aujourd'hui. Vous allez débattre, dans le cadre de deux tables-rondes, d'un sujet d'actualité majeur, qui est à la fois global, par son impact sur nos sociétés, mais aussi individuel, puisqu'il cible et vise en priorité des victimes civiles innocentes. La France, avec ses partenaires européens, mais au fond avec toutes les nations qui partagent nos valeurs, notre attachement au principe de tolérance, à la démocratie, au respect des droits de l'Homme, est aujourd'hui aux avant-postes dans le combat contre le terrorisme. C'est particulièrement vrai avec l'Espagne, pays avec lequel la France entretient des relations de coopération étroites ; et son ministre des affaires étrangères, M. Garcia Margallo, aura l'occasion de s'exprimer devant vous sur ce sujet. Mais avant tout, permettez-moi d'abord de saluer celles et ceux qui en ont été les victimes, dans leur chair, de manière certaine dans leur cœur, et qui nous font aujourd'hui le très grand honneur d'être avec nous, pour témoigner, pour nous faire partager leur vision, pour nous parler de la vie après le terrorisme, de leurs espoirs, de leurs rêves également, mais aussi et surtout, de leur combat au quotidien. Je souhaite rendre hommage bien sûr, à travers vous, Monsieur Denoix de Saint-Marc, à toutes les familles des 170 victimes de l'attentat du DC10 du 19 septembre 1989. Mais aussi à celles des victimes de l'assassinat de trois de nos compatriotes froidement abattus le 26 février 2007 à Médine en Arabie Saoudite, sous les yeux de leurs enfants et de leurs conjoints, et dont certains sont parmi nous. Je tiens également à remercier la présence de Madame Vannier, qui a perdu sa fille, Cécile, âgée de 17 ans, au Caire le 22 février 2009 dans un attentat à la bombe. Je n'oublie pas non plus, également présents parmi nous, les membres des familles endeuillées par l'attentat de Marrakech du 28 avril 2011 qui a coûté la vie à huit de nos compatriotes. Permettez-moi d'adresser également un message de solidarité et de soutien, au nom du gouvernement français et de toute la nation, à Thierry Dol, Marc Ferret, Daniel Larribe et Pierre Legrand, tous les quatre enlevés le 16 septembre 2011 à Arlit, au nord du Niger. Leurs familles sont parmi nous, et nous mesurons au terme de ces trois longues années de détention ce que doit être leur impatience et leur souffrance. Nos pensées vont aussi aux autres otages français toujours détenus dans le monde, Serge Lazarevic, Francis Collomp, Gilberto Rodriguez, et plus récemment, Didier François et Édouard Elias, ainsi qu'à leurs familles et à leurs proches. Le terrorisme, nous le voyons, avant d'être des chiffres, tragiques, 10.000 morts, 20.000 blessés, pour la seule année 2012, ce sont d'abord et avant tout des hommes, des femmes, des enfants, des visages. Françoise Rudetzki, qui en a été victime dans sa chair et dont la vie a basculé le 23 décembre 1983, nous dira son combat au cours des trente dernières années à la tête de SOS attentats, première association de défense des victimes du terrorisme. L'objet de mon propos liminaire n'est pas de dresser un état des lieux de la menace terroriste. Ce sera l'objet de votre première table-ronde. Je souhaiterai simplement en quelques mots resituer le contexte de l'action de la France qui vise à la fois à prévenir ces actes, mais aussi à aider les victimes. Phénomène contenu jusqu'au début des années 80, les actes de terrorisme ont pris une nouvelle ampleur au cours des trente dernières années. Des seuils ont ainsi été franchis : celui de la centaine de victimes pour la première fois en 1983, à Beyrouth contre les forces militaires américaines et françaises (299 morts au total) ; le seuil du millier a été dépassé le 11 septembre 2011 avec l'attaque d'Al-Qaïda à New York (près de 3.000 morts). Le terrorisme s'est également « mondialisé » : depuis la fin des années 90, outre la vingtaine de pays concernés, avec en moyenne trois ou quatre attentats majeurs par an, les réseaux terroristes recherchent contacts et soutiens dans les zones les plus instables comme au cœur des capitales. Au cours des dernières années, le terrorisme a cherché à se doter de moyens stables, à augmenter son empreinte sur des sphères d'activité de plus en plus diversifiées (du narcotrafic à l'enlèvement), à contrôler des régions entières, au détriment de la souveraineté des États. L'Afghanistan, hier, le Nord Mali tout récemment ; et dans les deux cas cela a conduit la communauté internationale à intervenir pour tenter d'y mettre un terme. Nous le savons de longue date, l'expérience aidant, la réponse ne peut être que globale, collective, car seule la coopération entre nations peut endiguer un phénomène largement transnational. Il nous faut également nous attaquer aux racines du mal : car à l'origine de l'engagement fanatique, il y a souvent le terreau de la pauvreté, le désespoir, l'ignorance. Parallèlement, la responsabilité de l'État est d'aider les victimes. Face aux souffrances des victimes et de leurs proches, la France a adopté un train de mesures nécessaires à leur soutien. Que ce soit dans les domaines judiciaire, médical, social ou psychologique, l'État français maintient un lien de solidarité en adoptant des mesures appropriées. Le fonds de garantie des victimes du terrorisme, qui permet leur indemnisation, en est sans doute la meilleure illustration. Tous les services de l'État sont mobilisés au profit des victimes, au premier rang desquels les ministères de la justice, de l'intérieur et des affaires étrangères. S'agissant des prises d'otages, qualifiés en droit français d'enlèvement et de séquestration et qui constituent à ce titre des actes de terrorisme, le Quai d'Orsay, à travers son Centre de crise, joue un rôle tout particulier, puisqu'il est l'interface entre les familles des victimes et l'État. Mais cette assistance de l'État, ne doit pas faire oublier l'essentiel : le rôle majeur joué par les victimes du terrorisme dans la sensibilisation des opinions sur les ravages du terrorisme, sur la menace qu'il représente pour la cohésion de nos sociétés. Nous souhaitons également que la parole publique leur soit donnée. Leur discours représente, sans l'ombre d'un doute, le meilleur rempart contre la radicalisation des personnes les plus vulnérables. Tous nos partenaires européens, au premier rang desquels nos collègues espagnols, s'accordent sur l'efficacité de cette méthode. Les potentiels terroristes doivent réaliser que les victimes de leurs actes pourraient être leurs parents, leurs frères, leurs sœurs ou leurs enfants. Cette approche nécessite l'aide et le soutien des associations de victimes. Elles sont au cœur de notre action car elles sont également au plus près des besoins des victimes. Je souhaite rendre un vibrant hommage au travail extraordinaire accompli par vos associations, qu'il s'agisse de la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (FENVAC), qui depuis 2011 accueille et accompagne également les victimes du terrorisme, mais aussi bien sûr l'Association française des victimes du terrorisme (AFVT). Ce partage d'expérience a pris aujourd'hui une nouvelle dimension avec le congrès international des victimes du terrorisme dont une session s'est déroulée à Paris en septembre 2011. L'Europe porte également le message des victimes dans toutes les instances, enceintes et organisations internationales. Nous soutenons à ce titre tous les travaux fondés sur cette approche aux Nations unies, dans le cadre de la stratégie mondiale antiterroriste, mais aussi dans le Forum global contre le terrorisme dont la réunion ministérielle à New York, le 27 septembre prochain, doit adopter les guides de bonnes pratiques sur ce sujet. Bien que des divergences puissent parfois persister sur la qualification de telle ou telle organisation de « terroriste », un consensus large existe sur les victimes. L'Europe porte enfin aide et assistance aux autres États afin qu'à leur tour ils développent les mécanismes et les mesures nécessaires au soutien des victimes. Au cours de ces échanges entre les institutions européennes et des États particulièrement affectés par le terrorisme, le rôle des victimes est au cœur de nos préoccupations. Il devient également urgent de contrer la propagande des organisations terroristes dans les médias comme sur les réseaux sociaux en montrant les conséquences de leurs actes. Avant de vous céder la parole et d'ouvrir notre colloque, je voudrais vous assurer de la disponibilité des autorités françaises à examiner avec la plus grande bienveillance les idées ou les propositions qui pourraient nous être faites au bénéfice des victimes du terrorisme : - Pour améliorer la reconnaissance liée à la singularité du préjudice subi par les victimes et à leur statut, car, au fond, à travers elles, c'est bien l'ensemble de la société qui est touchée ; - Pour donner une plus grande visibilité aux victimes du terrorisme, notamment lorsqu'elles sont civiles, peut-être par le recours à des actes symboliques, valant reconnaissance par l'État, en s'inspirant de ce que font nos plus proches partenaires ; - Pour simplifier et améliorer les procédures d'indemnisation des victimes. Il me reste à renouveler nos remerciements à l'ensemble des participants, au Centre d'analyse, de prévision et de stratégie, ainsi qu'au CDC, dont les directeurs animeront les deux table-rondes, à l'AFVT bien sûr, à l'origine de cette initiative, mais aussi à la Fondation Miguel Angel Blanco, à l'Association italiennes des victimes du terrorisme, et enfin à la Commission européenne. Je vous remercie de votre aimable attention et je vous souhaite de fructueux travaux.