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JURITEXT000048465524
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.833, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300624
Cassation partielle
21-25833
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-09-09
Cour d'appel de Montpellier
Mme Champalaune
SCP Yves et Blaise Capron, Me Bardoul
ECLI:FR:CCASS:2023:C100624
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 624 F-B Pourvoi n° P 21-25.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 Mme [G] [Z], épouse [V], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 21-25.833 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 5], 2°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 3], 3°/ à Mme [H] [Z], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], 4°/ à Mme [B] [Z], épouse [P], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. MM. [Y] et [F] [Z], Mmes [H] et [B] [Z] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [V], de Me Bardoul, avocat de MM. [Y] et [F] [Z] et de Mmes [H] et [B] [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 septembre 2021), [S] [M], veuve [Z], est décédée le 25 février 2012, en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, [Y], [F], [H], [B] et [G] (Mme [V]). 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. MM. [Y] et [F] [Z] et Mmes [H] et [B] [Z] font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, alors « que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations ; qu'il s'en suit que lorsqu'une juridiction commet un notaire pour procéder aux opérations de partage, la juridiction est tenue de désigner également un juge pour surveiller ces opérations ; qu'en disant n'y avoir lieu à désigner un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés quand la juridiction commettait un notaire pour procéder à des opérations de partage et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés ce qui impliquait la décision d'un juge commis pour surveiller les opérations, la cour d'appel a violé l'article 1364 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1364, alinéa 1er, du code de procédure civile : 5. Aux termes de ce texte, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. 6. Pour rejeter la demande de commission d'un juge aux fins de surveiller les opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement déféré avait, par des dispositions non critiquées, ordonné l'ouverture de ces opérations, désigné un notaire pour y procéder et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés, et renvoyé les parties pour qu'il soit procédé aux comptes définitifs et au partage, retient que la commission d'un juge n'est pas nécessaire en l'absence d'opérations complexes de liquidation au sens de l'article 1364 du code de procédure civile. 7. En statuant ainsi, alors que la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile imposait la commission d'un juge pour les surveiller, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. La cassation du chef de dispositif disant n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [V] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à la commission d'un juge pour surveiller le déroulement des opérations de partage et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée. Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
SUCCESSION
Il résulte de l'article 1364, alinéa 1er, du code de procédure civile que lorsque la complexité des opérations justifie la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 de ce code, le tribunal doit également commettre un juge pour surveiller ces opérations
JURITEXT000048465575
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-23.405 21-23.465, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301156
Rejet
21-23405
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-09-17
Cour d'appel de Paris
Mme Martinel (président)
SCP Piwnica et Molinié, SCP Krivine et Viaud
ECLI:FR:CCASS:2023:C201156
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1156 F-B Pourvois n° Q 21-23.465 Z 21-23.405 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [S] [J], 2°/ Mme [K] [V], épouse [J], tous deux domiciliés [Adresse 3], ont formé les pourvois n° Q 21-23.465 et Z 21-23.405 contre un arrêt n° RG : 21/00235 rendu le 17 septembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 1), dans le litige les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2], dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leurs pourvois, un moyen unique de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société civile immobilière du [Adresse 2], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 21-23.465 et Z 21-23.405 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 septembre 2021), M. et Mme [J], représentés par M. [Z], avocat, ont relevé appel d'un jugement rendu le 5 juillet 2019 par un tribunal de grande instance dans une instance les opposant à la Société civile immobilière du [Adresse 2]. 3. Le 27 février 2020, M. et Mme [J] ont déféré à la cour d'appel l'ordonnance ayant constaté la caducité de la déclaration d'appel, rendue le 30 janvier 2020 par un conseiller de la mise en état. 4. La Société civile immobilière du [Adresse 2] a soulevé l'irrecevabilité de la requête en déféré, comme ayant été formée au-delà du délai prévu à l'article 916 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen des pourvois Enoncé du moyen 5. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur requête tendant à déférer à la cour d'appel l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, alors : « 1°/ qu'en application de l'article 916 du code de procédure, la requête en déféré doit être formée dans les quinze jours de la date de l'ordonnance du conseiller de la mise en état déférée à la cour d'appel ; que cette disposition poursuit un but légitime de célérité de traitement des incidents affectant l'instance d'appel, en vue du jugement de celui-ci dans un délai raisonnable ; que l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis ; que, toutefois, lorsque l'avocat de l'une des parties à l'instance a déclaré ne plus la représenter, l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà du délai de quinze jours constituerait une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge si ce délai courait du jour de l'ordonnance sans que la partie ait été informée de la date à laquelle elle serait rendue ; qu'il découle ainsi du droit d'accès au juge qu'à défaut pour la partie d'avoir été informée de cette date, le délai qui lui est ouvert pour déférer l'ordonnance ne peut courir que du jour où l'ordonnance est portée à sa connaissance par tout moyen permettant de s'assurer de la date à laquelle elle a reçu cette information ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 rendue par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Paris a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; qu'en jugeant pourtant que le délai de quinze jours imparti à M. et Mme [J] pour déférer cette ordonnance avait commencé à courir à compter de sa date, sans qu'il ressorte de la procédure que M. et Mme [J] avaient été informés de la date à laquelle l'ordonnance déférée serait rendue, la cour d'appel a violé l'article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 528 et 916 du code de procédure civile ; 2°/ que lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant ; qu'en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », sans tenir compte de la circonstance relevée par l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020, selon laquelle Me [Z] ne s'était pas contenté d'informer la juridiction, le 20 novembre 2019, qu'il n'était plus le mandataire de M. et Mme [J], mais avait, le 9 décembre suivant, répondu au greffe qui le sollicitait pour accomplir la signification de l'article 902 du code de procédure civile, qu'il ne pouvait pas mettre en oeuvre cette mesure, « ne représentant plus M. et Mme [J] », manifestant ainsi sa détermination à ne plus assurer la représentation de ces derniers, lesquels, à l'époque, n'avaient pas de nouveau représentant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 419 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en tout état de cause, même lorsqu'une disposition réglementaire ne méconnaît pas de manière générale et in abstracto la Convention européenne des droits de l'homme, il appartient au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, la mise en oeuvre de cette disposition ne porte pas aux droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi, auquel cas il lui appartient de neutraliser l'application de la disposition litigieuse dans le litige particulier ; que l'ordonnance de caducité du 30 janvier 2020 a constaté que « Me [Z] a[vait] déclaré à la Cour ne plus représenter M. et Mme [J] depuis le 20.11.19 ; [?] que le 09.12.19, il répond à la demande de signification 902 qui lui a été envoyée qu'il ne peut mettre en oeuvre ces nouvelles mesures, ne représentant plus M. et Mme [J] » ; que dès lors en énonçant que « M. [Z] s'éta[n]t constitué pour représenter les intérêts de M. et Mme [J] devant la cour, un simple message de sa part indiquant à la cour qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place », pour en déduire que le point de départ du délai de déféré restait le prononcé de l'ordonnance de caducité comme l'imposait l'article 916 du code de procédure civile, les juges du second degré ont porté une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, notamment au droit d'accès à un juge, au regard du but poursuivi par l'article 419 du même code, et ont donc violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». Réponse de la Cour 6. Selon l'article 419 du code de procédure civile, lorsque la représentation est obligatoire, l'avocat ne peut se décharger de son mandat de représentation que du jour où il est remplacé par un nouveau représentant constitué par la partie ou, à défaut, commis par le bâtonnier ou par le président de la chambre de discipline. 7. Il en découle que le message par lequel l'avocat informe la cour d'appel qu'il ne représente plus les appelants est dénué d'effet sur le mandat de représentation de l'avocat, lequel continue de représenter la partie jusqu'à la constitution d'un nouvel avocat. 8. Il en résulte qu'il n'incombe pas au greffe de procéder à la notification de l'ordonnance de caducité à la partie concernée lorsqu'il est informé par l'avocat de sa volonté de se décharger de son mandat. 9. Ces règles sont claires et dénuées d'ambiguïté pour un professionnel du droit. 10. Ayant constaté que les appelants étaient représentés par M. [Z], avocat et que le message de M. [Z] indiquant à la cour d'appel qu'il ne représentait plus M. et Mme [J] ne suffisait pas à mettre fin à son mandat de représentation, qui ne pouvait cesser que par la constitution d'un autre avocat en ses lieux et place, la cour d'appel en a exactement déduit, sans porter une atteinte disproportionnée au droit à un procès équitable, que le déféré, formé par M. et Mme [J] au-delà du délai de 15 jours prévu à l'article 916 du code de procédure civile, était irrecevable. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [J] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [J] et les condamne à payer à la Société civile immobilière du [Adresse 2] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
AVOCAT - Représentation des parties
JURITEXT000048465577
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-23.099, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301157
Cassation partielle
21-23099
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-22
Cour d'appel de Toulouse
Mme Martinel
Me Isabelle Galy, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C201157
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1157 F-B Pourvoi n° S 21-23.099 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 1°/ la société Carmin finance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ la société Glibro Investments Limited, dont le siège est [Adresse 3] (Irlande), ont formé le pourvoi n° S 21-23.099 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige les opposant à la société BJ Invest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de Me Isabelle Galy, avocat des sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société BJ Invest, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 22 juillet 2021), par déclaration du 16 janvier 2019, les sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited ont relevé appel d'un jugement dans une instance les opposant à la société BJ Invest. 2. Par ordonnance du 4 avril 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné une médiation expirant au 23 août 2019, prolongée jusqu'au 23 novembre 2019 par ordonnance du 13 août 2019. 3. Par une lettre du 25 novembre 2019, reçue au greffe le 28 novembre 2019, le médiateur a indiqué que les parties n'étaient pas parvenues à un accord et par ordonnance du 5 décembre 2019, le conseiller de la mise en état a constaté la fin de la mission du médiateur. 4. La société BJ Invest a soulevé devant le conseiller de la mise en état la caducité de la déclaration d'appel des sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited au motif que leurs conclusions n'avaient pas été déposées dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Carmin finance et la société Glibro Investments Limited font grief à l'arrêt de prononcer la caducité de la déclaration d'appel du 16 janvier 2019 à l'égard de la société Carmin finance, alors « que le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure, interrompu par la décision ordonnant une médiation jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur par application de l'article 910-2 du code de procédure civile, recommence à courir à compter de la décision du juge constatant la fin de la médiation ; que la date de fin de mission fixée par la décision ordonnant ou prolongeant cette mesure est celle à laquelle le médiateur est tenu d'informer le juge par écrit du résultat de sa mission par application de l'article 131-11 du code de procédure civile, et ne fait pas courir de nouveau de plein droit les délais impartis aux parties pour conclure ; qu'en retenant que le délai imparti aux appelantes pour conclure avait recommencé à courir à compter du 23 novembre 2019, date de fin de mission fixée par la décision de prolongation de médiation du 13 août 2019, et non à compter de l'ordonnance du 5 décembre 2019 constatant la fin de la médiation, la cour d'appel a violé les textes susvisés. » Réponse de la Cour Vu l'article 910-2 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 6. Selon ce texte, la décision d'ordonner une médiation interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code. L'interruption de ces délais produit ses effets jusqu'à l'expiration de la mission du médiateur. 7. Il en résulte que la date de la fin de mission du médiateur constitue le point de départ du délai pour conclure, à moins qu'une ordonnance d'un juge ne constate l'échec ou la fin de la médiation. 8. Pour déclarer caduque la déclaration d'appel du 16 janvier 2019 à l'encontre de la société Carmin finance, l'arrêt relève que l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui constatait l'échec de la médiation n'avait eu aucun effet sur la fin de la mission du conciliateur qu'elle n'avait fait que constater comme résultant de l'arrivée au terme de la mission prévu par l'ordonnance du 13 août 2019 ayant prolongé la mission du médiateur jusqu'au 23 novembre 2019. 9. L'arrêt en déduit que l'ordonnance du 13 août 2019, en ce qu'elle a fixé le terme de la mission au 23 novembre 2019, a mis fin à la mission du conciliateur à cette date et que la société Carmin finance n'avait pas conclu dans le délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile, qui courait à compter du 23 novembre 2019. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce, d'une part, qu'il confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a prononcé la caducité de la déclaration d'appel du 16 janvier 2019, mais uniquement à l'encontre de la société Carmin finance et a condamné cette seule société aux dépens de première instance et en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce, d'autre part, qu'il condamne la société Carmin finance à payer à la société BJ Invest la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamne la société Carmin finance aux dépens, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ; Condamne la société BJ Invest aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BJ Invest et la condamne à payer aux sociétés Carmin finance et Glibro Investments Limited la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CIVIL - Conclusions de l'appelant
La date de la fin de mission du médiateur constitue le point de départ du délai pour conclure, à moins qu'une ordonnance d'un juge ne constate l'échec ou la fin de la mission
JURITEXT000048465579
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-20.436, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301158
Rejet
21-20436
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-01
Cour d'appel de Versailles
Mme Martinel
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C201158
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1158 F-B Pourvoi n° X 21-20.436 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Babyliss, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-20.436 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Dyson, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Dyson Technology Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], (Royaume-Uni), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Babyliss, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Dyson et Dyson Technology Limited, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,1er juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-13.205), les sociétés Dyson Technology Limited et Dyson (les sociétés Dyson), se plaignant d'agissements constitutifs de concurrence déloyale et de dénigrement commis par la société Babyliss à l'occasion du lancement, en juillet 2017, d'un produit concurrent du sèche-cheveux qu'elles-mêmes avaient mis sur le marché français en 2016, ont saisi sur requête un président d'un tribunal de commerce aux fins de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses opérations d'investigation au siège de leur concurrente. 2. La requête ayant été accueillie et les opérations effectuées, la société Babyliss a demandé la rétractation de l'ordonnance et la restitution des pièces saisies. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Babyliss fait grief à l'arrêt de déclarer les sociétés Dyson recevables en leur demande tendant à la modification de l'ordonnance du 16 novembre 2017, alors « que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire ; que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, nonobstant le pouvoir du juge qui a ordonné une mesure d'instruction d'en restreindre ou d'en accroître l'étendue ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 149 du code de procédure civile, pour accueillir une prétention que les sociétés Dyson n'avaient pas présentée au juge de la requête, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 145, 496 et 497 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. 6. Il résulte de l'article 497 du code de procédure civile, que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des pouvoirs du juge qui l'a rendue et peut la rétracter ou la modifier. 7. Ayant retenu à bon droit que le juge de la rétractation pouvait modifier la mission telle qu'elle a été initialement définie, en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, puis relevé que la demande de modification de l'ordonnance entreprise était formée à titre subsidiaire en réponse à la demande de rétractation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune irrecevabilité ne pouvait être retenue sur le fondement des dispositions précitées. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Babyliss aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Babyliss et la condamne à payer aux sociétés Dyson Technology Limited et Dyson la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Rétractation
JURITEXT000048465581
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/55/JURITEXT000048465581.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-22.913, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301174
Cassation
21-22913
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-22
Cour d'appel de Metz
Mme Martinel
SCP Célice, Texidor, Périer, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
ECLI:FR:CCASS:2023:C201174
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1174 F-B Pourvoi n° Q 21-22.913 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 M. [C] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-22.913 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale - section 1), dans le litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Total Energies Petrochemicals France, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Vendryes, conseiller faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Metz, 22 juillet 2021), M. [O], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel d'un jugement rendu, le 19 août 2019, par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France. 2. Sur conclusions d'incident de cette dernière, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, par ordonnance du 19 janvier 2021 que l'appelant a déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [O] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de caducité prononcée le 19 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état, portant le n° 21/00018 et relative au dossier n° RG 19/02310, alors : « 1°/ que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans les conditions de forme prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que, pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a retenu que « M. [H] [Z], défenseur syndical, a déposé en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019 ses conclusions datées du 10 décembre 2019, ainsi que ses pièces, et ce, directement auprès de l'avocat de la SA Total Petrochemicals France » et qu'« il n'est pas davantage contesté que ces pièces et conclusions n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification à l'avocat de la SA Total Petrochemicals France, et ce avant la date du 19 décembre 2019 marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le défenseur syndical avait remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimé dans le délai de trois mois suivant régularisation de la déclaration d'appel, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, sans avoir préalablement annulé cet acte de notification dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure civile sur démonstration par l'intimée du grief que lui aurait causé l'irrégularité de forme affectant cette notification, la cour d'appel a violé les articles 114 et 930-3 du code de procédure civile ; 2°/ subsidiairement, que la caducité de la déclaration d'appel prononcée à raison de la notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans des conditions de forme autres que celles prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile a pour effet de priver le justiciable de son droit à ce que ses prétentions soient tranchées sur le fond et constitue une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations de fait que le défenseur syndical avait bien remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimée dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a adopté une position formaliste entravant le droit d'accès au juge du salarié, violant ainsi l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 930-3 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Recevabilité du moyen 4. La société Total Energies Petrochemicals France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est irrecevable comme nouveau. 5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit. 6. Le moyen est, dès lors, recevable. Bien-fondé du moyen Vu les articles 930-3, 114 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 7. Selon le premier de ces textes, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. 8. Selon le deuxième, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. 9. Il résulte du troisième, selon la Cour européenne des droits de l'homme, que le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998). 10. Pour prononcer la caducité de l'appel, après avoir rappelé les termes des articles 908, 911, alinéa 1er et 930-3 du code de procédure civile, l'arrêt énonce que l'article 667 du même code, relatif à la notification des actes en la forme ordinaire, ne s'applique pas en l'espèce, les échanges entre un avocat et un défenseur syndical étant réglementés par l'article 930-3 précité, que le défenseur syndical a déposé, en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019, ses conclusions et ses pièces directement auprès de l'avocat de l'intimée, et que celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification avant la date du 19 décembre 2019, marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile. 11. En statuant ainsi, alors que la remise des conclusions par l'appelant en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ; Condamne société Total Energies Petrochemicals France aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par société Total Energies Petrochemicals France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CIVIL - Conclusions de l'appelant
Selon l'article 930-3 du code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. L'article 114 prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Il en résulte que la remise des conclusions par l'appelant, en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue à l'article 930-3, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, ne saurait donner lieu à caducité de l'appel mais constitue une irrégularité de forme qui n' est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief
JURITEXT000048465583
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-21.872, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301180
Rejet
21-21872
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-06-24
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Martinel
SAS Buk Lament-Robillot, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix
ECLI:FR:CCASS:2023:C201180
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1180 FS-B Pourvoi n° G 21-21.872 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-21.872 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [F] [U], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à M. [Y] [D], domicilié [Adresse 3], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Latreille, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U] et M. [D], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Latreille, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, M. Cardini, Mmes Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 juin 2021) et les productions, Mme [U] et M. [D] ont, le 1er avril 2008, acquis un bien immobilier financé par un prêt contracté auprès de la Société générale (la banque) et garanti par le cautionnement de la société Crédit logement (le Crédit logement). 2. Suivant quittance subrogative du 8 octobre 2015, le Crédit logement a versé à la banque une certaine somme au titre de plusieurs échéances demeurées impayées. 3. Par acte du 21 janvier 2016, le Crédit logement a assigné Mme [U] et M. [D] en remboursement de la somme versée au prêteur en sa qualité de caution. 4. Il a relevé appel du jugement du 3 juillet 2017, qui l'a débouté de sa demande sur le fondement de l'article 2308 du code civil. 5. Par ordonnance du 2 juillet 2020, un conseiller de la mise en état, saisi par les intimés, a relevé que la dernière diligence accomplie était constituée par leurs conclusions du 6 décembre 2017 et a constaté la péremption de l'instance. 6. Le Crédit logement a déféré cette ordonnance à la cour d'appel. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 7. Le Crédit logement fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance et de constater que le jugement du 3 juillet 2017 du tribunal de grande instance de Marseille avait force de chose jugée, alors « que toute diligence réalisée par une partie manifestant sa volonté de poursuivre l'instance jusqu'à son terme interrompt le délai de la péremption ; qu'il en va ainsi du renouvellement d'une hypothèque judiciaire prise pour garantir la condamnation à intervenir dans l'instance qui encourt la péremption ; qu'en affirmant que l'hypothèque judiciaire prise par la caution solvens qui exerçait son recours contre les débiteurs principaux n'était pas de nature à interrompre l'instance, cependant qu'une telle diligence tendait à garantir la condamnation à intervenir au profit de la caution solvens et manifestait donc la volonté de celle-ci de poursuivre l'instance jusqu'à son terme, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 386 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 8. Selon l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans. 9. Au sens de ce texte, la diligence interruptive s'entend de celle effectuée dans l'instance concernée par l'incident de péremption. 10. C'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel, ayant retenu que les diligences devaient être menées dans l'instance susceptible d'être déclarée périmée, en a déduit que le renouvellement de l'hypothèque provisoire, prise par le Crédit logement, n'avait pas interrompu la péremption dans l'instance en remboursement engagée par la caution. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 12. Le Crédit logement fait le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; que dans l'appréciation d'un tel lien de dépendance, le juge doit prendre en considération toutes les influences et interactions mutuelles susceptibles d'exister entre les objets respectifs des deux procès en concours ; qu'il suit de là que le juge commet une erreur de droit s'il se fonde, pour apprécier le lien de dépendance, non pas sur les objets respectifs des deux procès en concours, mais sur l'issue donnée en première instance à l'un d'eux par une décision juridictionnelle non irrévocable ; qu'en se déterminant, pour exclure tout lien de dépendance entre l'instance en nullité de la vente et l'instance en recours de la caution solvens contre les débiteurs principaux, en considération, non pas de l'objet des deux procès, mais de l'issue donnée, en première instance et par une décision non irrévocable, à l'un d'eux, en l'occurrence le litige opposant la caution solvens aux débiteurs principaux, la cour d'appel, qui a statué par un motif erroné en droit, a violé l'article 386 du code de procédure civile ; 2°/ Qu'en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompent la péremption de l'autre instance ; qu'en l'état d'un acquéreur de bien immobilier financé par un emprunt bancaire et demandant en justice l'annulation de la vente pour dol, la nullité de la vente que peut prononcer le juge et la nullité consécutive de l'emprunt bancaire laissent subsister, à la charge de l'acquéreur emprunteur, l'obligation de restituer à la banque prêteuse les fonds prêtés ; que dans un tel contexte, lorsqu'une caution des obligations de l'emprunteur envers la banque a réglé à celle-ci le principal et les accessoires et exerce contre l'emprunteur, débiteur principal, un recours en remboursement, la caution est titulaire d'une créance de remboursement envers le débiteur principal, même si l'emprunt vient à être annulé, la créance de remboursement n'existant en ce cas qu'à concurrence de la dette de restitution des fonds prêtés ; qu'il suit de là l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire entre l'instance en annulation de la vente et de l'emprunt, introduite par l'acquéreur emprunteur, et l'instance, introduite par la caution solvens, en remboursement des sommes versées au prêteur, l'issue de l'instance en annulation déterminant le quantum de la somme incombant à l'emprunteur dans ses rapports envers la banque – principal et accessoires ou principal uniquement – et déterminant aussi, par voie de conséquence, l'étendue du recours de la caution solvens ; qu'en retenant au contraire – pour exclure l'existence d'un lien de dépendance directe et nécessaire et, partant, refuser de constater que la péremption de l'instance en recours de la caution solvens avait été interrompue – que la première de ces actions n'était pas de nature à déterminer l'issue de la seconde, par la considération que l'existence de moyens dont auraient disposé les débiteurs principaux pour faire déclarer éteinte leur dette envers la banque prêteuse privait la caution solvens de tout droit à recours, considération inexacte en droit puisque la caution pouvait tout au plus perdre son recours à concurrence des accessoires de la dette garantie, la cour d'appel a violé l'article 386 du code de procédure civile, ensemble l'article 2308, alinéa 2, du code civil.» Réponse de la Cour 13. Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile que, si, en principe, l'interruption de la péremption ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement en cas de lien de dépendance directe et nécessaire entre deux instances, les diligences accomplies par une partie dans une instance interrompant la péremption de l'autre instance. 14. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé, par motifs propres et adoptés, qu'il n'y avait pas de lien de dépendance direct et nécessaire entre l'instance tendant à la nullité de la vente par les acquéreurs et celle engagée par la caution. 15. Elle en a exactement déduit que les conclusions de Mme [U] et M. [D] des 11 mai 2018 et 27 septembre 2019 n'avaient pas eu d'effet interruptif du délai de péremption de la présente instance. 16. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Crédit logement aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit logement et la condamne à payer à Mme [U] et M. [D] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROCEDURE CIVILE - Instance - Péremption
Pour être interruptive de la péremption d'instance, une diligence doit être effectuée dans l'instance concernée par l'acte de péremption. N'est, dès lors, pas interruptive de la péremption de l'instance en remboursement, engagée par la caution, le renouvellement d'une hypothèque provisoire effectuée par cette dernière
JURITEXT000048465585
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-12.922, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301181
Rejet
21-12922
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-01-04
Tribunal de proximité de Lens
Mme Martinel
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Lyon-Caen et Thiriez
ECLI:FR:CCASS:2023:C201181
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1181 FS-B Pourvoi n° E 21-12.922 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société [4], société anonyme, dont le siège est [Adresse 5], agissant en qualité de cédant chargé du recouvrement des créances conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et mandaté par le [3], représenté par la société de gestion [2], a formé le pourvoi n° E 21-12.922 contre le jugement rendu le 4 janvier 2021 par le président du tribunal de proximité de Lens, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [X] [Z], 2°/ à Mme [T] [V], épouse [Z], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société [4], agissant en qualité de cédant chargé du recouvrement des créances conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier et mandaté par le [3], représenté par la société de gestion [2], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [Z], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Béthune, 4 janvier 2021), rendu en dernier ressort, M. et Mme [Z], dont la demande tendant au traitement de leur situation financière avait été déclarée recevable, ont formé une contestation à la suite de la notification de l'état du passif dressé par la commission de surendettement, laquelle a saisi un juge à fin de vérification de la validité du titre de créance et du montant des sommes réclamées par la société [4], désormais dénommée [4] (la société), et aux droits de laquelle se trouve le [3] (le [3]), la société agissant dans la procédure en sa qualité de cédant chargé du recouvrement et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2]. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 3. La société fait grief au jugement de déclarer M. et Mme [Z] recevables en leur contestation aux fins de vérification de la créance du [3], de juger que la créance du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors : « 1°/ que la demande de l'emprunteur visant à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêt consenti par un établissement bancaire est soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de la consommation ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations du juge que M. et Mme [Z] étaient demandeurs à l'instance à laquelle la société [4] avait été attraite en qualité de défendeur (jugement, p. 2), et qu'ils avaient formé une demande en déchéance du droit aux intérêts qui devait être déclarée recevable (jugement, p. 5, § 9) ; qu'en retenant néanmoins que M. et Mme [Z], en sollicitant la déchéance du droit aux intérêts, n'avaient fait que soulever un moyen de défense non soumis à la prescription, le juge de proximité n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 110-4 du code de commerce ; 2°/ que, subsidiairement, dès lors que l'emprunteur qui soulève en défense la déchéance du droit aux intérêts sollicite la restitution de ces intérêts, il forme une demande reconventionnelle soumise à prescription ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] sollicitaient, à la suite de la déchéance du droit aux intérêts, que le montant de ces intérêts soit déduit du capital restant dû ; qu'en décidant néanmoins que ceux-ci ne soulevaient qu'une défense au fond non soumise à prescription, le juge de proximité a violé les articles 64 et 71 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 723-3 du code de la consommation, le débiteur peut contester l'état du passif dressé par la commission et demander à celle-ci de saisir le juge des contentieux de la protection, aux fins de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées. 5. Selon l'article R. 723-7 du même code, la vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires. Les créances, dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue, sont écartées de la procédure. 6. Aux termes de l'article 71 du code de procédure civile, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire. 7. Il résulte de la combinaison de ces textes que constitue une défense au fond, le moyen opposé à l'occasion de la procédure de vérification des créances et tiré de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut tendre qu'à ce que la créance soit écartée, en tout ou partie, pour la poursuite de la procédure, sans que le débiteur ne puisse prétendre à la restitution d'un éventuel trop-perçu. 8. Ayant retenu que toute cause de déchéance n'a pas à être soulevée, à peine d'irrecevabilité, dans le délai de prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, un moyen de défense au fond pouvant être opposé en tout état de cause sans être soumis à la prescription, le juge en a déduit, à bon droit, que le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts était recevable. 9. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. La société fait grief au jugement de juger que la créance n° 10206742503 du [3] est soldée pour les besoins de la procédure de surendettement de M. et Mme [Z] et de rappeler que cette créance ne pourra faire l'objet de poursuites, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens respectifs des parties ; qu'en l'espèce, M. et Mme [Z] demandaient uniquement à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts, que le montant des intérêts trop perçus soit déduit du montant restant dû, et que le trop-perçu de prime d'assurance soit lui-même réaffecté au remboursement du capital ; qu'en jugeant que l'intégralité de la créance litigieuse était « soldée » pour les besoins de la procédure de surendettement, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 2°/ que les juges sont tenus d'assortir leur décision de motifs propres à la justifier ; qu'en se bornant à retenir en l'espèce, s'agissant du montant de la créance, qu'il convenait de constater, au vu de l'historique de compte produit aux débats, que la créance du Fonds commun de titrisation était soldée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation que le juge, saisi d'une demande de vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et du montant des sommes réclamées, est tenu de fixer le montant de la créance pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. 12. C'est sans violer les articles 4 et 5 du code de procédure civile que le juge, après avoir retenu que la déchéance du droit aux intérêts était encourue, en a déduit, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits, par une décision motivée, que la créance était soldée. 13. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société [4], en sa qualité de cédant chargé du recouvrement, conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2], aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [4], en sa qualité de cédant chargé du recouvrement, conformément à l'article L. 214-172 du code monétaire et financier, et mandatée par le [3], représenté par la société de gestion [2], et la condamne à payer à M. et Mme [Z] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement
Il résulte de la combinaison des articles l'article L. 723-3 et R. 723-7 du code de la consommation et 71 du code de procédure civile, que constitue une défense au fond, le moyen opposé à l'occasion de la procédure de vérification des créances et tiré de la déchéance du droit aux intérêts, qui ne peut tendre qu'à ce que la créance soit écartée, en tout ou partie, pour la poursuite de la procédure, sans que le débiteur ne puisse prétendre à la restitution d'un éventuel trop-perçu
JURITEXT000048465587
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 23-15.106, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301296
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
23-15106
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2023-03-24
Cour d'appel de Paris
Mme Martinel (président)
SCP Lesourd, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201296
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION LM ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 NON-LIEU À RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1296 FS-B Pourvoi n° V 23-15.106 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 25 août 2023, la société [3] ([3]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-15.106 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, recouvrement C3S, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociales des travailleurs indépendants. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. À la suite d'un contrôle de l'assiette déclarée au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour l'année 2015, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 20 juin 2016 comportant un redressement de cette contribution, suivie d'une mise en demeure du 6 mars 2017. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris, la société a, par mémoire distinct et motivé, reçu au greffe de la Cour de cassation le 25 août 2023, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er, du code de sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en tant qu'ils conduisent, en cas de subrogation entre un commerçant et un opérateur de détaxe dans le cadre d'une vente opérée au bénéfice d'un client qui peut se prévaloir d'une exonération de TVA, à ce que la contribution sociale de solidarité des sociétés soit exigée à raison des sommes qui sont encaissées par le commerçant auprès du client final et qui, de ce fait, ne confèrent à l'opérateur de détaxe aucune capacité contributive ? ; 2°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er du code de sécurité sociale, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en ce qu'ils établissent une différence de traitement entre les opérateurs de détaxe dans l'établissement de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, selon que l'opérateur exerce son activité par le biais d'un contrat de facturation ou d'un contrat de subrogation ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 4. Les dispositions contestées, la première dans sa rédaction, en vigueur du 25 décembre 2014 au 1er janvier 2016, issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 et la seconde dans sa rédaction, en vigueur du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2018, issue de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014, sont applicables au litige, qui concerne un redressement au titre de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, notifié par une URSSAF à la société, calculée sur le chiffre d'affaires issu de la totalité des ventes ayant fait l'objet d'une opération de détaxe par l'intermédiaire de celle-ci. 5. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, a déclaré conforme à la Constitution l'article 12 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, modifiant notamment les dispositions contestées, il résulte de la liste figurant sur le site du Conseil constitutionnel, que celles-ci n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles. 7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux au regard des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 8. En effet, en premier lieu, le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 9. Les dispositions critiquées faisant obligation aux sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, il ne saurait être sérieusement soutenu que la différence d'assiette de la contribution résultant, entre deux catégories d'opérateurs spécialisés dans la gestion des opérations de détaxe, des conditions contractuelles distinctes dans lesquelles ces derniers exercent leurs activités dans le cadre d'un contrat de subrogation de l'opérateur au commerçant dans un cas ou d'un contrat de facturation dans l'autre cas, porte atteinte au principe d'égalité devant la loi énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 10. En second lieu, l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. 11. Les dispositions contestées assujettissent à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés les opérateurs de détaxe qui, lorsqu'ils recourent à un contrat de subrogation, se voient céder la marchandise qu'ils revendent immédiatement au client bénéficiaire de la détaxe et ont seuls la qualité de vendeurs exportateurs. La circonstance qu'ils ne deviennent qu'un instant propriétaire des marchandises à la place du commerçant relève de la forme contractuelle librement choisie pour régler leurs relations. 12. Dès lors, les opérateurs de détaxe réalisant en leur nom des ventes à l'exportation, dont le prix intègre leur chiffre d'affaires, par subrogation aux commerçants qui leur ont cédé la marchandise, il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions contestées portent atteinte aux exigences du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE - Cotisations
JURITEXT000048465589
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 23-15.729, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301297
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
23-15729
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2023-03-09
Cour d'appel de Bordeaux
Mme Martinel (président)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Krivine et Viaud
ECLI:FR:CCASS:2023:C201297
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION LM ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 NON-LIEU À RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1297 FS-B Pourvoi n° X 23-15.729 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 12 septembre 2023, la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° X 23-15.729 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. À la suite de l'établissement à son encontre d'un procès-verbal pour travail illégal par emploi de salarié en situation irrégulière, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) un redressement relatif à l'annulation des réductions et exonérations de cotisations dont elle a bénéficié de janvier 2014 à juillet 2018. 2. La société a formé opposition à l'encontre de la contrainte qui lui a été décernée le 4 avril 2019 pour le recouvrement de ces sommes devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux, la société a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, reçues et enregistrées au greffe de la Cour de cassation le 12 septembre 2023, ainsi rédigées : « 1°/ L'article 24, IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de non-rétroactivité de la loi répressive d'incrimination plus sévère, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? » « 2°/ L'article 24 IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de la garantie des droits, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? » « 3°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » « 4°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire aux articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et au droit de propriété, en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » « 5°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la garantie des droits en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 4. En premier lieu, les dispositions contestées par les troisième, quatrième et cinquième questions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2018-776 DC du 21 décembre 2018 rendue par le Conseil constitutionnel. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est intervenu qui, affectant la portée de cette disposition, en justifierait le réexamen. 5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. 6. En second lieu, les dispositions contestées par les première et deuxième questions sont applicables au litige, qui concerne la suppression du bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur, en cas de constat d'une infraction mentionnée à l'article L. 8211-1, 4°, du code du travail. 7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 8. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles. 9. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux. 10. En effet, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos des sanctions prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qu'elles sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après la date d'entrée en vigueur du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de cette loi (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.185, publié ; 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-14.403, publié). 11. Dès lors, il convient de considérer que les dispositions l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, doivent s'entendre en ce sens que les sanctions qu'elles prévoient sont applicables lorsqu'a été constatée l'une des infractions mentionnées aux 2° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, commise postérieurement au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 décembre 2016. 12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048465590
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.490, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300753
Rejet
22-20490
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-28
Cour d'appel de Chambéry
Mme Teiller
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C300753
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 753 FS-B Pourvoi n° B 22-20.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à Chambéry. 2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). 3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005. 4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente. 5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA. 6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents. 7. Par acte du 29 janvier 2019, la société Axa a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes. 8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. La MAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action qu'elle a engagée le 8 février 2021, en sa qualité d'assureur tant de M. [P] que de la société [P] contre les sociétés Artelia et MMA et de dire éteinte cette action, alors : « 1°/ que lorsque l'assureur d'un constructeur assigne l'assureur d'un autre constructeur en paiement de sommes qu'il a payées au titre de la responsabilité de son assuré, le délai de prescription du recours de l'assureur ainsi assigné contre d'autres constructeurs et/ou leurs assureurs commence à courir à compte de cette assignation ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de la MAF qui avait sollicité, par assignation du 8 février 2021, la garantie de la société Artelia et de son assureur pour les sommes réclamées par la société Axa France IARD dans une assignation du 29 janvier 2019 au titre de ce qu'elle avait payé en qualité d'assureur de la commune de [Localité 7], la cour a retenu que le délai de prescription de cette action avait commencé à courir le 15 avril 2005, date à laquelle lui avaient été rendues communes les opérations d'expertises, et qu'il s'était achevé le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2°/ que le délai de prescription de l'action d'un constructeur et/ou de son assureur tendant à obtenir la garantie d'un autre constructeur et/ ou de son assureur commence à courir à la date à laquelle le demandeur en garantie a fait l'objet d'une action en paiement ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action de la MAF devait être fixé à la date de l'ordonnance lui ayant rendu communes les opérations d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 2224 du code civil ; 3°/ que le point de départ d'une prescription qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne peut être déterminé au regard de dispositions de l'article 2224 du code civil : qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'ordonnance du 15 avril 2005 ayant étendu l'expertise à la MAF marquait la date à laquelle elle avait eu connaissance des faits permettant d'exercer son action récursoire et que la prescription était acquise le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2224 du code civil ; 4°/ que des conclusions constituent une demande en justice qui interrompent le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, date à laquelle un nouveau délai commence à courir, l'interruption étant non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que l'acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ayant donné lieu à l'extinction de l'instance suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2018 emportait désistement par la MAF de son appel en garantie formé en qualité d'assureur de la société [P] Architectes, de sorte qu'était non avenu l'effet interruptif des conclusions sollicitant la garantie de la société Artelia et de son assureur prises les 2 et 5 juillet 2012, soit avant le terme du délai de prescription qu'elle a fixé au 18 juin 2013, et que l'appel en garantie exercé par la MAF le 8 février 2021 était prescrit ; que pourtant, la seule acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ne pouvait emporter désistement de l'appel en garantie formé contre la société Artelia et son assureur, d'autant qu'il résultait des conclusions par lesquelles elle avait accepté ce désistement qu'elle demandait au juge de la mise en état de dire que la procédure se poursuivrait entre elle, la société [P] Architectes, la société Artelia et son assureur, si bien qu'un nouveau délai de 5 ans pour former un recours en garantie avait commencé à courir à compter de l'ordonnance du 29 octobre 2018 et que l'action ainsi exercée le 8 février 2021 n'était pas prescrite ; qu'en déclarant néanmoins cette action prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2242 et 2243 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié au Bulletin). 11. La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié au Bulletin). 12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime. 13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite. 14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
ARCHITECTE ENTREPRENEUR
Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime
JURITEXT000048465592
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-21.463, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300754
Rejet
22-21463
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-29
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SCP Spinosi, SARL Delvolvé et Trichet
ECLI:FR:CCASS:2023:C300754
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 754 FS-B Pourvoi n° J 22-21.463 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Uni-Marbres, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.463 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Boistech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Uni-Marbres, de la SCP Spinosi, avocat de la société Boistech, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022) et les productions, le 27 mars 2017, la société Boistech, qui avait été chargée de travaux de construction, a sous-traité à la société Uni-Marbres des travaux de fourniture et pose de marbre. 2. La société Boistech n'a pas fourni de caution à la société Uni-Marbres lors de la conclusion du contrat de sous-traitance. 3. Se plaignant du non paiement de surcoûts et travaux supplémentaires, la société Uni-Marbres a assigné la société Boistech en nullité du contrat de sous-traitance et indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Uni-Marbres fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de sous-traitance est valide et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que le sous-traité est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission avant de contester la validité du sous-traité ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui a expressément constaté qu'aucune garantie de paiement des sommes dues à la société Uni-Marbres, sous-traitant, n'avait été donnée par caution, délégation de paiement ou tout autre moyen par la société Boistech, aurait dû en déduire qu'il y avait lieu de déclarer nul le contrat de sous-traitance ; qu'en le déclarant néanmoins valide, elle n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 5. La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1er, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. 6. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant. 7. Ayant retenu que la société Uni-Marbres avait exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l'absence de délivrance de la caution, elle en a exactement déduit que le sous-traitant avait confirmé le contrat et ne pouvait dès lors plus se prévaloir de sa nullité. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Uni-Marbres aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Uni-Marbres et la condamne à payer à la société Boistech la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre
COMITE D'ENTREPRISE
La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1er, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant
JURITEXT000048465595
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.866, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300757
Rejet
22-20866
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-30
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:C300757
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 757 FS-B Pourvoi n° K 22-20.866 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La Ville de [Localité 7], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 6], a formé le pourvoi n° K 22-20.866 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [U] [P], épouse [M], 2°/ à M. [N] [M], tous deux domiciliés [Adresse 2], 3°/ à Mme [S] [M], épouse [W], domiciliée [Adresse 5], 4°/ à M. [Y] [M], domicilié [Adresse 3], tous quatre pris en leur qualité d'héritiers d'[Z] [M], 5°/ à Mme [X] [B], domiciliée [Adresse 3], 6°/ à M. [I] [K], domicilié [Adresse 1], 7°/ à M. [I] [R], domicilié [Adresse 4], 8°/ à M. [E] [L], domicilié [Adresse 3], 9°/ au commissaire du gouvernement, représenté par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et du département de [Localité 7], domicilié [Adresse 8], défendeurs à la cassation. Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la Ville de [Localité 7], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mmes [U] et [S] [M] et MM. [N] et [Y] [M], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen et Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2022), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 4 mars 2021, pourvois n° 19-25.147 et 19-24.099), le 12 septembre 1990, la Ville de [Localité 7] a acquis, par voie de préemption, deux terrains sur lesquels [Z] [M] et Mme [U] [M] étaient titulaires du droit au bail et sur lesquels avaient été édifiés des bâtiments. 2. Désirant réaliser une opération d'aménagement nécessitant l'évacuation définitive des locaux, la Ville de [Localité 7] a, faute d'accord avec [Z] [M] et Mme [U] [M], demandé au juge de l'expropriation de fixer l'indemnité d'éviction leur revenant. 3. [Z] [M] et Mme [U] [M] ont interjeté appel de la décision du juge de l'expropriation et, après le décès d'[Z] [M], ses ayants cause (les consorts [M]) sont intervenus volontairement à l'instance. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La Ville de [Localité 7] fait grief à l'arrêt de fixer l'indemnité d'éviction due aux consorts [M] à une certaine somme, alors : « 1°/ que, premièrement, la préemption ne portant pas atteinte aux droits réels et personnels grevant le bien, lorsque le bailleur ayant acquis un terrain loué par préemption met fin au bail, à l'effet de réaliser des aménagements sur le terrain, la clause de nivellement prévoyant que les constructions édifiées par le preneur vont être détruites ou reviennent au bailleur en fin de bail trouve à s'appliquer ; que dès lors, l'indemnité d'éviction ne peut couvrir le préjudice résultant de la perte de la propriété de l'immeuble ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil ; 2°/ que, deuxièmement, les preneurs évincés à la suite d'une préemption bénéficient d'une indemnité réparant l'intégralité de leur préjudice direct, matériel et certain ; qu'au cas d'espèce, les premiers juges ont alloué aux consorts [M] une somme de 606 105 euros au titre de l'indemnité principale, en prenant en compte la perte d'un droit temporaire de propriété sur l'immeuble, à l'exclusion du terrain ; que les juges d'appel ne pouvaient allouer aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros retenue par les premiers juges, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, sans procéder à une double indemnisation ; que dès lors, l'arrêt doit être censuré pour violation des articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; 3°/ que, troisièmement, et en tout cas, en allouant aux consorts [M], en sus de la somme de 606 105 euros, une indemnité d'un montant de 435 000 euros correspondant à la valeur de l'immeuble, minorée de la valeur du terrain, réparant dès lors le préjudice né de la perte d'une propriété définitive, quand il résultait de leurs constatations que le droit des consorts [M] sur l'immeuble était temporaire, eu égard à la clause de nivellement, les juges du fond ont violé les articles L. 213-10 et L. 314-2 du code de l'urbanisme, ensemble l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et l'article 1103 du code civil. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 213-10, alinéas 1 et 2, du code de l'urbanisme, nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, les preneurs de biens ruraux, les locataires ou occupants de bonne foi de locaux à usage d'habitation ainsi que les locataires de locaux à usage commercial, industriel ou artisanal situés dans un bien acquis par la voie de la préemption ou en application des articles L. 211-5 ou L. 212-3 ne peuvent s'opposer à l'exécution des travaux de restauration ou de transformation intérieure ni à la démolition de ces locaux. Si l'exécution des travaux l'exige, ils sont tenus d'évacuer tout ou partie de ces locaux ; le nouveau propriétaire du bien est alors tenu aux obligations prévues aux articles L. 314-1 et suivants. 6. L'article L. 314-1 du même code dispose que la personne publique qui a pris l'initiative de la réalisation de l'une des opérations d'aménagement définies dans le premier livre de ce code ou qui bénéficie d'une expropriation est tenue, envers les occupants des immeubles intéressés, aux obligations prévues ci-après. Les occupants, au sens du présent chapitre, comprennent les occupants au sens de l'article L. 521-1 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les preneurs de baux professionnels, commerciaux et ruraux. 7. Selon l'article L. 314-2 du même code, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 8. L'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique énonce que les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation. 9. Le preneur reste propriétaire, pendant la durée de la location, des constructions qu'il a régulièrement édifiées sur le terrain loué ; dès lors, la résiliation anticipée du bail du fait de l'expropriation ne le prive pas de son droit à indemnité pour ces constructions (3e Civ., 5 janvier 2012, n° 10-26.965, Bull. 2012, III, n° 3). 10. Il en résulte que le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions. 11. La cour d'appel a relevé que les clauses des contrats de location consentis à [Z] [M] et Mme [U] [M], applicables à la fin du bail, n'avaient pas vocation à recevoir application, puisque l'éviction anticipée du locataire avait pour cause la démolition des constructions après une décision de préemption à une date à laquelle les locataires étaient propriétaires de ces constructions. 12. Elle en a exactement déduit que les consorts [M] étaient fondés à solliciter une indemnisation comprenant, outre la valeur du droit au bail, celle des constructions édifiées sur le bien préempté. 13. Le moyen n'est donc pas fondé. Sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 14. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction leur revenant, alors « que dans leurs conclusions d'appel, les consorts [M] avaient soutenu qu'en application de l'article 555 du code civil, fixant l'indemnisation de l'auteur de constructions érigées sur le terrain d'autrui, la Ville de [Localité 7] disposait d'une option consistant à leur verser, pour la perte des constructions, soit une indemnité équivalente à la plus-value apportée par les constructions, représentant, selon le rapport d'expertise amiable de M. [J] qu'ils avaient produit, une somme de 800 000 euros à la date du 22 septembre 2016, soit une indemnité sur la base du coût en matériaux et main d'oeuvre des constructions, représentant, selon le même rapport d'expertise amiable, la somme de 980 640 euros, et que faute d'avoir procédé au choix qui s'offrait à elle légalement, la Ville de [Localité 7] devait être condamnée à payer aux consorts [M] ladite somme de 980 640 euros au titre de l'indemnisation des constructions leur appartenant ; qu'en omettant de répondre à ce moyen des exposants pris de l'application des dispositions de l'article 555 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 15. Selon l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme, si les travaux nécessitent l'éviction définitive des occupants, ceux-ci bénéficient des dispositions applicables en matière d'expropriation. 16. En application de l'article L. 321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge de l'expropriation choisit souverainement la méthode d'évaluation de l'indemnité de dépossession de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 555 du code civil pour fixer le montant de l'indemnité due au preneur évincé au titre de la perte des constructions. 17. Dès lors, la cour d'appel n'avait pas à répondre au moyen inopérant des consorts [M] invoquant l'application de l'article 555 du code civil, pour la prise en compte, dans l'indemnité leur étant due au titre de la perte des constructions par eux édifiées, du coût des matériaux et de la main d'oeuvre, à défaut d'option par la Ville de [Localité 7] entre les méthodes d'évaluation définies par ce texte. 18. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la Ville de [Localité 7] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Ville de [Localité 7] et la condamne à payer à MM. [N] et [Y] [M] et Mmes [U] et [S] [M] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE
Le preneur, qui bénéficie des règles applicables en matière d'expropriation, a droit à l'indemnisation des constructions édifiées par lui sur le bien, même en présence d'une clause de nivellement applicable en fin de bail, dès lors qu'à la date de l'éviction anticipée définitive du preneur en raison de travaux d'aménagement faisant suite à une préemption mettant fin prématurément au bail, celui-ci était propriétaire de ces constructions
JURITEXT000048465599
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-17.027, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300758
Rejet
22-17027
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-03-08
Cour d'appel de Rennes
Mme Teiller (président)
SARL Corlay
ECLI:FR:CCASS:2023:C300758
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 758 FS-B Pourvoi n° N 22-17.027 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Alf productions, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 22-17.027 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2022 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société Spie Batignolles Grand Ouest, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Alf productions, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 mars 2022), la société Chartres développements immobiliers, agissant comme maître de l'ouvrage, a confié à la société Spie Batignolles Grand Ouest (la société Spie Batignolles) des travaux de construction. 2. La société Spie Batignolles a sous-traité une partie de son marché à la société Atelier métallerie du golfe (la société AMG), qui a elle-même sous-traité la fourniture de menuiseries à la société Alf productions (la société Alf). 3. La société AMG, sous-traitante de premier rang, a délégué la société Spie Batignolles, entreprise principale, dans le paiement de la société Alf, sous-traitante de second rang. 4. Après la mise en liquidation judiciaire de la société AMG, la société Alf a mis en demeure la société Spie Batignolles de lui payer le solde de sa créance puis l'a assignée en paiement. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 6. La société Alf fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées contre la société Spie Batignolles et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel, alors : « 2°/ que le délégué ne peut opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre le délégant et le délégataire ; qu'en l'espèce dès lors que l'acte de délégation de paiement pour la commande n° 0116 03320 stipulant un ordre irrévocable donné par la société AMG (entrepreneur délégant) à la société Spie Batignolles Grand Ouest (maître d'ouvrage, débiteur délégué) de payer la société Alf productions (fournisseur sous-traitant, délégataire), la société Spie Batignolles Grand Ouest (délégué) ne pouvait opposer à la société Alf productions (délégataire), aucune exception tirée de ses rapports avec la société AMG (entrepreneur délégant) ; qu'elle ne pouvait donc faire valoir que son obligation ne naissait qu'après acceptation de la facture par AMG ; qu'en statuant en sens contraire au motif que « Les factures dont le paiement est demandé par la société Alf n'ont pas (été) acceptées par la société AMG, en contradiction avec les dispositions de l'article 5 (sic en réalité article 4) de la délégation de paiement, qui prévoyait que le "maître de l'ouvrage" s'engageait à payer le fournisseur suivant "factures acceptées par l'entrepreneur". Le paiement en a été demandé directement par la société Alf à la société Spie Batignolles après le placement en liquidation judiciaire de la société AMG (?) Elle (la délégation de créances) ne peut dès lors être considérée comme une preuve de l'engagement de la société Spie Batignolles Grand Ouest de payer à la société Alf des factures de menuiseries lui ayant été adressées directement par cette dernière. », la cour d'appel a violé ensemble les articles 14 de la loi du 31 décembre 1975, 1134 et 1275 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais respectivement articles 1103 et 1336 du code civil ; 3°/ que le maître d'ouvrage est celui envers lequel l'entrepreneur s'engage à fournir un ouvrage dans le cadre d'un contrat d'entreprise ; que la société Spie Batignolles Grand Ouest qui avait entendu, par un courrier du 10 janvier 2017, formuler des réserves sur les menuiseries livrées par la société Alf productions, conformément à la commande n° 0116 02320, visée à la délégation de paiement, et pour laquelle la société Spie Batignolles Grand Ouest s'était engagée irrévocablement en qualité de maître d'ouvrage à payer directement le fournisseur, avait la qualité de maître d'ouvrage à l'opération de construction exécutée à son profit ; qu'en statuant en sens contraire en disant que la délégation de créances « vise l'article 14 de la loi de 1975, alors que la société Spie Batignolles n'est pas maître de l'ouvrage, - elle présente la société Spie Batignolles comme maître de l'ouvrage, ce qu'elle n'est pas (?) », la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, désormais article 1103 du code civil, ensemble l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975. » Réponse de la Cour 7. Pour l'application des dispositions de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le maître de l'ouvrage est celui qui conclut le contrat d'entreprise ou le marché public avec l'entrepreneur principal, y compris à l'égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang. 8. Dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi précitée, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. 9. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. 10. La cour d'appel ayant relevé que le maître de l'ouvrage de l'opération de construction était la société Chartres développements immobiliers, qui avait confié l'exécution des travaux à la société Spie Batignolles, elle en a exactement déduit que celle-ci n'avait pas la qualité de maître de l'ouvrage, peu important la dénomination retenue dans l'acte de délégation. 11. Les dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 n'étant pas applicables à la délégation litigieuse, elle a recherché si les conditions prévues par cette convention pour le paiement du délégataire étaient réunies et c'est par une interprétation souveraine de ses stipulations ambiguës que la cour d'appel a retenu que le délégué ne s'était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire. 12. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Alf productions aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Alf productions ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT D'ENTREPRISE
La convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l'ouvrage, comme le prescrit l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, mais l'entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte. La délégation de l'entreprise principale au paiement du sous-traitant est soumise aux seules dispositions supplétives de l'article 1275 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et désormais à celles de l'article 1338 de ce code, de sorte que les parties peuvent déroger à l'interdiction faite au délégué d'opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire
JURITEXT000048389614
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 novembre 2023, 21-18.318, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
42300705
Cassation partielle partiellement sans renvoi
21-18318
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-04-22
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Ohl et Vexliard
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00705
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Cassation partielle partiellement sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 705 FS-B Pourvoi n° V 21-18.318 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Prologue, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 21-18.318 contre l'arrêt rendu le 22 avril 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l'opposant : 1°/ au président de l'Autorité des marchés financiers, domicilié Autorité des marchés financiers, [Adresse 2], 2°/ à la société Le Quotidien de [Localité 4] éditions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], 3°/ à M. [G] [L], domicilié [Adresse 3], 4°/ à l'Autorité des marchés financiers, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Prologue, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat du président de l'Autorité des marchés financiers et de l'Autorité des marchés financiers, et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mme Fèvre, MM. Alt, Calloch, Mme Sabotier, conseillers, M. Blanc, Mmes Vigneras, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, Mme Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Désistement partiel 1. Il est donné acte à la société Prologue du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [L] et la société Le Quotidien de [Localité 4]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 avril 2021), par un communiqué du 2 octobre 2014, la société Prologue, dont les titres sont admis aux négociations sur le marché réglementé Euronext [Localité 4], a annoncé qu'elle étudiait un projet d'offre publique d'échange (OPE) portant sur les actions de la société O2i, admises aux négociations sur le système multilatéral de négociation Alternext [Localité 4], devenu Euronext Growth, sur la base d'une parité de trois actions Prologue pour deux actions O2i. 3. Le 9 décembre 2014, la société Prologue a déposé auprès de l'Autorité des marchés financiers (AMF) un projet d'OPE visant la totalité des actions, des obligations convertibles en actions et des bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i. Le 2 avril 2015, l'AMF a publié une décision de non-conformité de ce projet, fondée notamment sur le fait que l'expert indépendant désigné avait conclu que les conditions financières de ce projet, en particulier la parité d'échange proposée, n'étaient pas équitables pour les porteurs de titres O2i. Le même jour, la société Prologue a publié un communiqué de presse dans lequel elle annonçait avoir pris connaissance de cette décision et avoir décidé de former un recours contre celle-ci, et rappelait « à tous les autres actionnaires et porteurs d'obligations convertibles en actions O2i qu'ils [avaie]nt la possibilité de signer avec elle des traités individuels d'apport en nature, et ce, conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 4. Le 10 avril 2015, la société Prologue a publié sur son site internet un encart rappelant la possibilité pour les actionnaires de la société O2i « d'apporter leurs titres O2i à Prologue et de se voir attribuer des actions Prologue nouvelles à raison de 3 actions Prologue pour 2 titres O2i » et précisant « à toutes fins utiles que Prologue se réserv[ait] la faculté, le cas échéant, de ne pas donner suite à ces sollicitations, notamment si les participations dont l'apport lui [était] proposé [étaient] de petite taille ». Entre le 8 avril et le 25 septembre 2015, la société Prologue a signé dix-huit traités d'apport correspondant au total à environ 3,5 millions de titres O2i. Au 25 septembre 2015, la société Prologue a déclaré détenir 45,95 % du capital social de la société O2i. 5. Le 18 septembre 2018, le collège de l'AMF a notifié trois griefs à la société Prologue, lui reprochant : - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-13, 231-21, 231-23 et 231-32 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux règles de fonctionnement des offres publiques en mettant en oeuvre une offre publique dans des conditions de transaction identiques à celles contenues dans le projet d'offre soumis au visa de l'AMF, alors que l'offre ne pouvait être ouverte à défaut d'avoir obtenu une déclaration de conformité (premier grief) ; - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 433-1 du code monétaire et financier et 231-3 du règlement général de l'AMF, porté atteinte aux principes généraux des offres publiques d'acquisition en sollicitant publiquement, à compter du 2 avril 2015, les actionnaires de la société O2i afin de réaliser une offre dans des conditions de transaction pour lesquelles l'AMF avait, le même jour, rendu une décision de non-conformité et en ne prévoyant pas de limite de temps à cette offre qui a proposé au public un prix fixe liant les cours des actions Prologue et O2i sur une période d'environ six mois, s'étant ainsi sciemment affranchie du cadre réglementaire destiné à garantir les principes d'intégrité du marché et de loyauté des transactions, ainsi qu'en proposant publiquement, à compter du 10 avril 2015, des conditions d'offre permettant de faire une discrimination entre les actionnaires de la société O2i, portant ainsi atteinte au principe d'égalité de traitement entre ces actionnaires (deuxième grief) ; - d'avoir, en méconnaissance des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF, procédé à l'admission sur Euronext de ses titres, sans avoir préalablement établi un projet de prospectus et l'avoir soumis au visa de l'AMF au plus tard le 25 septembre 2015 (troisième grief). 6. Par une décision n° 20 du 31 décembre 2019, la commission des sanctions de l'AMF (la commission des sanctions) a considéré que les deux premiers griefs n'étaient pas établis et a prononcé, au titre du troisième, une sanction pécuniaire de 150 000 euros à l'encontre de la société Prologue. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. La société Prologue fait grief à l'arrêt de réformer la décision de la commission des sanctions n° 20 du 31 décembre 2019 en ce qu'elle a dit que les griefs formulés à son encontre relatifs à l'atteinte portée aux règles de fonctionnement des offres publiques et aux principes généraux des offres publiques d'acquisition n'étaient pas caractérisés et lui a infligé une sanction de 150 000 euros et, statuant à nouveau sur ces points, de dire établis ces deux griefs à son encontre et de prononcer une sanction pécuniaire de 750 000 euros, alors : « 1°/ qu'en dehors de l'hypothèse d'une offre publique obligatoire, la proposition, non irrévocable, faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur l'échange de leurs titres n'est pas soumise à la réglementation relative aux offres publiques, quand bien même elle serait présentée publiquement et comme une alternative à un projet d'offre publique déposé auprès de l'AMF et déclaré non conforme par cette dernière ; que la cour d'appel a constaté que le dépôt d'une offre publique par la société Prologue n'était pas obligatoire ; qu'en jugeant toutefois que la proposition faite aux actionnaires de la société O2i, par le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015, de signer des traités individuels d'apport en nature devait être soumise au régime des offres publiques, parce qu'elle revêtait un caractère public, répondait à la même finalité et reposait sur la même parité d'échange que l'offre publique d'échange déposée le 9 décembre 2014, déclarée non conforme par l'AMF, la cour d'appel a violé les articles L. 433-1 et L. 433-3 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 2°/ que l'offre publique d'échange, soumise à la réglementation boursière, est une procédure spécifique, dont la mise en oeuvre est subordonnée à l'autorisation préalable de l'AMF, dans le cadre de laquelle une personne s'engage publiquement, de manière irrévocable et pour une certaine durée, à échanger les titres des actionnaires d'une société cotée contre d'autres titres cotés, selon certaines modalités déterminées ; que la commission des sanctions avait ainsi jugé que les circonstances que, à la différence du projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la proposition présentée dans le communiqué de la société Prologue du 2 avril 2015 portait sur la conclusion de traités individuels librement négociés entre les parties signataires, et non sur un échange devant être réalisé de manière automatique par centralisation des ordres, et ne présentait pas un caractère irrévocable, la société Prologue s'étant au contraire expressément réservé la possibilité de ne pas donner suite à des sollicitations, excluaient que cette proposition constitue une offre publique ; qu'en retenant, au contraire, que "la circonstance que certaines modalités de mise en oeuvre de l'échange de titres litigieux ne respectent pas les contraintes auxquels était soumis le projet de note d'information relative au projet d'OPE soumis à l'AMF" ne pouvait suffire à "le faire échapper à une réglementation relevant d'un ordre public économique de direction" et que les motifs retenus par la commission des sanctions étaient donc inopérants, la cour d'appel, qui a à tort déduit l'applicabilité de la réglementation de sa prétendue méconnaissance, a violé l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et les articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 3°/ que la proposition faite aux actionnaires d'une société cotée de conclure des transactions de gré à gré portant sur leurs titres ne peut être considérée comme visant à contourner la réglementation sur les offres publiques lorsqu'elle a été conçue et présentée, dès l'origine, comme une alternative au dépôt d'une offre publique volontaire ; que pour démontrer que la proposition figurant dans son communiqué du 2 avril 2015 avait toujours été conçue et présentée comme une alternative au projet d'offre publique d'échange déposé le 9 décembre 2014, la société Prologue s'appuyait non seulement sur le projet de note d'information relative à cette offre publique, mais également sur d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés en amont, parmi lesquels l'ordre du jour de son assemblée générale extraordinaire, publié au BALO le 12 décembre 2014, qui évoquait une potentielle augmentation de capital résultant d'un échange des titres O2i contre des actions de la société Prologue "dans le cadre d'apports en nature à la société et/ou d'une offre publique d'échange initiée par la société", le plafond de l'augmentation de capital envisagée dans l'un et l'autre cas étant identique, et un communiqué de presse du 30 mars 2015, qui annonçait l'approbation par les actionnaires de la société Prologue d'un projet de rapprochement avec la société O2i "dans le cadre d'une offre publique d'échange (OPE) ou bien par voie d'apports en nature résultant de la signature de traités individuels" ; que c'est notamment en se fondant sur ces éléments que la commission des sanctions de l'AMF avait jugé que le communiqué du 2 avril 2015 "manifestait la poursuite de la possibilité de conclure des traités d'apport de gré à gré, (...) annoncée publiquement dès l'origine" ; que pour décider, au contraire, que le communiqué du 2 avril 2015 "ne constituait pas un rappel de modalités préexistantes", la cour d'appel s'est bornée à retenir que le projet de note d'information relative à l'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré à gré" ; qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si l'existence d'une modalité de rapprochement alternative par le biais de transactions de gré à gré ne ressortait pas d'autres documents et communiqués de presse qui avaient été publiés avant la décision de non-conformité de l'AMF, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier et des articles 231-1 et suivants du règlement général de l'AMF ; 4°/ que le projet de note d'information relative à l'offre publique d'échange, produit devant la cour d'appel, rappelait que deux actionnaires de la société O2i avaient conclu le 8 décembre 2014 des traités individuels avec la société Prologue en vue de lui apporter en nature l'intégralité des actions O2i qu'ils détenaient, puis indiquait que la société Prologue envisageait de "proposer la réalisation de tels Apports en Nature à l'ensemble des actionnaires d'O2i ayant conclu des Traités d'Apport et qui souhaiteraient lui transférer la propriété de leurs actions O2i, indépendamment de la question de savoir si le seuil de caducité visé à l'article 231-9 du règlement général de l'AMF serait atteint ou pas" ; qu'il était précisé que le terme conventionnellement défini d' "Apports en Nature" (initiales en majuscules), regroupait les apports consentis dans le cadre des traités du 8 décembre 2014, ainsi que "tout autre apport en nature résultant de la signature d'un Traité d'Apport par des actionnaires d'O2i" ; qu'il résultait donc des termes clairs et précis de ce projet de note d'information que la société Prologue y envisageait la conclusion de traités individuels avec l'ensemble des actionnaires de la société O2i, et non uniquement avec les deux personnes qui avaient déjà signé leurs contrats ; qu'en retenant, au contraire, qu'il se déduisait du projet de note d'information, dont le rapport du rapporteur avait rappelé les principaux termes de manière simplifiée, que le projet d'offre publique "n'avait nullement envisagé la possibilité de généraliser l'acquisition des autres titres O2i, indépendamment du projet d'OPE ou des engagements d'ores et déjà conclus, par le biais d'autres traités d'apport de gré à gré", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce projet de note d'information et ainsi violé l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. » Réponse de la Cour 9. En premier lieu, aux termes de l'article 2, § 1, sous a), de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, aux fins de cette directive, on entend par « offre publique d'acquisition » ou « offre » : « une offre publique (à l'exclusion d'une offre faite par la société visée elle-même) faite aux détenteurs des titres d'une société pour acquérir tout ou partie desdits titres, que l'offre soit obligatoire ou volontaire, à condition qu'elle suive ou ait pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée selon le droit national ». 10. Aux termes de l'article L. 433-1, I, du code monétaire et financier, issu de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 ayant transposé la directive susvisée, « [a]fin d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés, le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les règles relatives aux offres publiques portant sur des instruments financiers émis par une société dont le siège social est établi en France et qui sont admis aux négociations sur un marché réglementé français. » 11. Selon l'article 231-1, 1, du règlement général de l'AMF, le titre III du livre II de ce règlement, consacré aux offres publiques d'acquisition, s'applique notamment à toute offre faite publiquement aux détenteurs d'instruments financiers négociés sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne, y compris la France, pour laquelle l'AMF est l'autorité compétente dans le cas prévu au I de l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, par une personne agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, en vue d'acquérir tout ou partie de ces instruments financiers. 12. En second lieu, les dispositions du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, qui ont pour objectif, ainsi que l'énonce l'article L. 433-1 du code monétaire et financier, d'assurer l'égalité des actionnaires et la transparence des marchés financiers et poursuivent, dès lors, une finalité d'intérêt général, relèvent de l'ordre public économique de direction. 13. Il résulte des points 9 à 12 qu'à l'exclusion de celle faite par la société visée, toute offre faite volontairement et publiquement aux détenteurs d'instruments financiers par une personne, agissant seule ou de concert au sens des articles L. 233-10 ou L. 233-10-1 du code de commerce, pour acquérir tout ou partie de ces instruments financiers, constitue, dès lors qu'elle suit ou a pour objectif l'acquisition du contrôle de la société visée, une offre publique volontaire soumise aux dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques. 14. L'arrêt relève qu'après que l'AMF a publié sa décision de non-conformité de l'OPE déposée auprès de celle-ci le 9 décembre 2014 par la société Prologue pour acquérir la totalité des actions, obligations convertibles et bons de souscription et/ou d'acquisition d'actions remboursables de la société O2i, la société Prologue a publié le 2 avril 2015 un communiqué invitant les actionnaires et porteurs d'obligations convertibles de la société O2i qui ne lui avaient pas encore apporté leurs titres, à signer des traités individuels d'apport en nature « conformément aux intentions affichées depuis le mois de novembre 2014 ». 15. De ces constatations, dont il résulte que l'offre de la société Prologue émise publiquement le 2 avril 2015 et qui, visant à obtenir la totalité des instruments financiers de la société O2i ou, du moins, la majorité d'entre eux, avait nécessairement pour objet d'acquérir le contrôle de cette dernière, constituait une OPE volontaire qui, partant, relevait des dispositions d'ordre public du règlement général de l'AMF relatives aux offres publiques, la cour d'appel a exactement déduit que la société Prologue s'était affranchie des règles auxquelles cette OPE volontaire était soumise. 16. Le moyen, inopérant en ses troisième et quatrième branches en ce qu'elles critiquent des motifs surabondants de l'arrêt, n'est donc pas fondé pour le surplus. Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche Enoncé du moyen 17. La société Prologue fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son recours incident formé contre la décision de la commission des sanctions de l'AMF n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, alors « que la circonstance que la personne sanctionnée ait disposé de quelques jours, après la notification du recours principal du président de l'AMF, pour déposer elle-même un recours principal contre la décision de la commission des sanctions ne saurait suffire à écarter l'atteinte au principe de l'égalité des armes résultant de ce que, à la différence du président de l'AMF, elle est privée de la possibilité de former un recours incident dans un délai de deux mois à compter de la notification du recours principal ; qu'en se fondant pourtant sur le fait que la société Prologue avait "accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que son propre délai expirait le lundi 9 mars 2020", et qu'il n'existait donc pas d'obstacle à ce qu'elle dépose une déclaration de recours dans les délais impartis pour écarter une atteinte au principe de l'égalité des armes, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 18. Le principe de l'égalité des armes, tel qu'il résulte de l'exigence d'un procès équitable, au sens de ce texte, requiert que chaque partie se voie offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (CEDH, arrêt du 24 février 1997, De Haes et Gijsels c. Belgique, n° 19983/92, § 53) et il doit en être ainsi, spécialement, du droit à l'exercice des voies de recours. En matière pénale, les exigences du procès équitable sont plus strictes qu'en matière civile (CEDH, arrêt du 3 octobre 2006, Ben Naceur c. France, n° 63879/00, § 34 ; CEDH, arrêt du 27 octobre 1993, Dombo Beheer B.V. c. Pays-Bas, n° 14448/88, § 32). 19. Les condamnations prononcées par la commission des sanctions de l'AMF relèvent de la matière pénale au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 20. Les dispositions de l'article L. 621-30 du code monétaire et financier prévoient la possibilité pour les personnes sanctionnées et le président de l'AMF d'exercer un recours contre les décisions de la commission des sanctions. Si elles ouvrent également au président de l'AMF la possibilité d'exercer un recours incident en cas de recours exercé par la personne sanctionnée, elles ne prévoient pas que celle-ci puisse, dans l'hypothèse d'un recours du président de l'AMF, former un recours incident. Or, le recours tant principal qu'incident du président de l'AMF peut, à la différence de celui de la personne sanctionnée, conduire à une aggravation de la sanction prononcée par la commission des sanctions. Il s'ensuit que lorsque le président de l'AMF exerce son recours peu de temps avant l'expiration du délai de deux mois à compter de la notification de la décision de la commission des sanctions, prévu à l'article R. 621-44 du code monétaire et financier, la personne sanctionnée peut ne plus être en mesure d'en tirer les conséquences quant à l'opportunité de son propre recours principal, en particulier dans l'hypothèse où la décision de la commission des sanctions n'a retenu qu'une partie des griefs notifiés et que le recours du président de l'AMF ne concerne que les griefs qui n'ont pas fait l'objet d'une sanction. 21. La faculté, pour la personne sanctionnée, de présenter, en cas de recours principal du président de l'AMF, des demandes reconventionnelles devant la cour d'appel de [Localité 4], qui dépend des demandes formées par ce dernier dès lors qu'en application de l'article 70 du code de procédure civile les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, ne peut, dans ces conditions, à elle seule, suffire à garantir le caractère juste et équitable de la procédure ainsi que l'équilibre des droits des parties. 22. Il résulte des points 18 à 21 que, lorsque le recours principal du président de l'AMF se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. 23. Pour déclarer irrecevable le recours formé le 13 mars 2020 et présenté comme incident par la société Prologue, l'arrêt retient que celle-ci a accusé réception de la notification du recours du président de l'AMF le jeudi 5 mars 2020, alors que le délai dont elle-même disposait encore expirait le lundi 9 mars 2020 et que le recours principal exercé par le président de l'AMF le 3 mars 2020 « portant sur les seules dispositions relatives aux griefs non retenus par la commission des sanctions et leur sanction » ne faisait donc pas, concrètement, obstacle au dépôt d'une déclaration de recours de la société Prologue dans les délais qui lui étaient impartis pour contester le bien-fondé des griefs retenus contre elle par la commission des sanctions. 24. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'obligation de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours principal afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas la société Prologue dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Portée et conséquences de la cassation 25. En premier lieu, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt qui déclarent irrecevable le recours présenté comme incident par la société Prologue et formé contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, entraîne la cassation du chef de dispositif qui prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire. 26. En second lieu, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 27. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond sur la recevabilité du recours formé le 13 mars 2020 par la société Prologue. 28. D'une part, le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, dont la société Prologue disposait à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF pour former son propre recours principal et pouvoir contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, privait cette société d'une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions ne la plaçant pas dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF. 29. D'autre part, le recours de la société Prologue formé le 13 mars 2020, soit huit jours seulement après que lui a été notifié le recours principal du président de l'AMF, est intervenu dans un délai raisonnable à compter de cette notification. 30. Il en résulte que ce recours est recevable. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le recours formé par la société Prologue contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée, prononce une sanction pécuniaire de 750 000 euros à l'encontre de la société Prologue, et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi du chef de la recevabilité du recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 ; Déclare recevable le recours formé par la société Prologue le 13 mars 2020 contre la décision de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers n° 20 du 31 décembre 2019, ayant pour objet son annulation concernant le grief tiré de la violation des dispositions des articles L. 412-1 du code monétaire et financier et 212-1 et 212-2 du règlement général de l'AMF et la sanction de 150 000 euros qui lui a été infligée ; Remet, sur la sanction pécuniaire de 750 000 euros prononcée à l'encontre de la société Prologue, sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne l'Autorité des marchés financiers aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Procès équitable - Violation - Cas - Décision de la commission des sanctions de l'AMF - Recours principal formé par une personne sanctionnée
BOURSE - Autorité des marchés financiers (AMF) - Voies de recours - Décision - Décision de la commission des sanctions - Recours principal de la personne sanctionnée - Délai - Principe de l'égalité des armes - Net désavantage
Lorsque le recours principal du président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) se borne à contester la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a écarté certains griefs, la personne sanctionnée doit, afin que soit garanti le principe de l'égalité des armes résultant de l'exigence d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pouvoir encore disposer, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, d'un délai raisonnable lui permettant d'exercer de manière concrète et efficiente son propre recours principal par lequel elle conteste la décision de la commission des sanctions en tant qu'elle a retenu des griefs à son encontre. Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui déclare irrecevable le recours principal formée par une personne sanctionnée sans rechercher si l'obligation, pour elle, de former, dans le délai de quatre jours, comprenant un samedi et un dimanche, à compter de la notification du recours principal du président de l'AMF, son propre recours afin de contester le bien-fondé du grief retenu à son encontre par la commission des sanctions, ne plaçait pas cette personne dans une situation de net désavantage par rapport au président de l'AMF et si, par conséquent, le délai pour introduire ce recours ne devait pas être prolongé pour garantir le principe de l'égalité des armes
JURITEXT000048430203
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-12.858, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
42300729
Rejet
22-12858
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-03-23
Cour d'appel de Bordeaux
M. Vigneau
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Gury et Maitre, SARL Le Prado - Gilbert
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00729
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 729 FS-B Pourvoi n° F 22-12.858 Aide juridictionnelle totale en défense au profit de l'association Rhône-Alpes pierres naturelles. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 13 octobre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 L'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (AFIGIA), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-12.858 contre l'arrêt rendu le 23 mars 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (Rhônapi), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (AFIGIA), de la SCP Gury et Maitre, avocat de l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (Rhônapi), de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), et l'avis de M. Douvreleur, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, M. Douvreleur, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 23 mars 2021), l'association Rhône-Alpes pierres naturelles (l'association Rhônapi) a déposé la demande d'homologation de l'indication géographique « Pierres marbrières de Rhône-Alpes » n° 19-001 visant à protéger des calcaires formés à l'ère jurassique et à l'ère crétacé inférieur, extraits dans les carrières situées dans une aire géographique définie. 2. Par décision du 18 novembre 2019, le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) a homologué le cahier des charges de l'indication géographique et reconnu l'association Rhônapi comme organisme de défense et de gestion du produit bénéficiant de cette indication géographique. 3. L'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales (l'AFIGIA) a formé un recours contre cette décision. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. L'AFIGIA fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique ; qu'une telle indication doit correspondre à la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé "servant à désigner" le produit en cause et doit donc être nécessairement constituée d'une dénomination servant déjà à désigner, dans le commerce ou le langage commun, le produit au moment de la décision d'homologation, c'est-à-dire d'une dénomination préexistante ; qu'en écartant le moyen de l'AFIGIA tiré de ce que la dénomination choisie pour l'indication géographique en cause, à savoir "Pierres Marbrières de Rhône-Alpes" ne correspondait pas un dénomination préexistante, au motif que le code de la propriété intellectuelle n'imposerait pas de condition d'usage préexistant de la dénomination de l'indication géographique elle-même, la cour d'appel a violé l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle. » Réponse de la Cour 5. Aux termes de l'article L. 721-2 du code de la propriété intellectuelle, constitue une indication géographique la dénomination d'une zone géographique ou d'un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu'agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d'autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. 6. Selon l'article L. 721-7, 4°, du même code, le cahier des charges d'une indication géographique précise la qualité, la réputation, le savoir-faire traditionnel ou les autres caractéristiques que possède le produit concerné et qui peuvent être attribués essentiellement à cette zone géographique ou à ce lieu déterminé, ainsi que les éléments établissant le lien entre le produit et la zone géographique ou le lieu déterminé associé. 7. Il résulte de ces textes que les produits industriels et artisanaux peuvent bénéficier d'une protection de l'indication géographique de la zone dont ils sont originaires, à la seule condition qu'ils présentent au moins une caractéristique qui peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. Il s'en déduit que, dès lors qu'une caractéristique est démontrée, le produit peut bénéficier de cette protection, sans qu'il soit nécessaire que soit établie la préexistence d'une appellation spécifique de ce produit. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Française des indications géographiques industrielles et artisanales à payer au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle la somme de 3 000 euros et rejette le surplus des demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
PROPRIETE INDUSTRIELLE - Indications géographiques - Protection - Conditions - Savoir-faire traditionnel et réputation attribués essentiellement à une zone géographique - Préexistence d'une appellation spécifique de ce produit - Nécessité (non)
Il résulte des articles L. 721-2 et L. 721-7, 4°, du code de la propriété intellectuelle que les produits industriels et artisanaux peuvent bénéficier d'une protection de l'indication géographique de la zone dont ils sont originaires, à la seule condition qu'ils présentent au moins une caractéristique qui peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique, ce dont il se déduit que, dès lors qu'une caractéristique est démontrée, le produit peut bénéficier de cette protection, sans qu'il soit nécessaire que soit établie la préexistence d'une appellation spécifique de ce produit
JURITEXT000048430208
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-19.952, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
42300730
Rejet
22-19952
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-06-10
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00730
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 730 FS-B Pourvoi n° S 22-19.952 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société Le moins cher en formation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° S 22-19.952 contre l'arrêt rendu le 10 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant à l'association [3] ([3]), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Le moins cher en formation, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'association [3] ([3]), et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, Schmidt, Sabotier, conseillers, M. Le Masne de Chermont, Mmes Vigneras, Coricon, conseillers référendaires, Mme Texier, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 juin 2022), la société Le moins cher en formation (la société LMCEF), soutenant que l'association [3] (l'[3]) ne disposait pas de l'agrément nécessaire à son activité professionnelle pour la période du 10 août au 8 décembre 2016, l'a assignée, sur le fondement de la concurrence déloyale, en réparation de son préjudice. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche 2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La société LMCEF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à la condamnation de l'[3], alors « que faute de figurer dans la liste prévue par l'article D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, la demande de renouvellement de l'agrément prévu par l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique n'est pas au nombre des décisions pour lesquelles le silence de l'administration vaut acceptation ; qu'en retenant, pour écarter tout acte de concurrence déloyale de l'association [3] entre le 10 août 2016 et le 8 décembre suivant, que cette dernière pouvait se prévaloir, à compter du 30 août 2016, d'une décision implicite d'acceptation en raison du silence gardé par l'autorité compétente sur sa demande de renouvellement de son agrément et que la société LMCEF "n'invoqua[it] pas utilement le fait que l'article D. 231-2 ne vise que les décisions d'agrément et non-renouvellement des organismes de formation des débitants de boissons", cependant que la demande de renouvellement formée par l'association [3] ne pouvait faire l'objet d'aucune décision implicite d'acceptation, la cour d'appel a violé les articles L. 231-1 et D. 231-2 du code des relations entre le public et l'administration, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. 5. Aux termes de l'article D. 231-2 du même code, la liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise. 6. Cette liste, de nature réglementaire, n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. 7. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation. 8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Le moins cher en formation aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Le moins cher en formation et la condamne à payer à l'association [3] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
LOIS ET REGLEMENTS - Acte administratif - Principe selon lequel le silence vaut administration - Liste des procédures publiée sur le site internet relevant du premier ministre - Portée
CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Violation de dispositions légales - Renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique - Principe selon lequel le silence vaut acceptation
Il résulte de l'article L. 231-1 du code des relations entre le public et l'administration, que, sauf exception expressément prévue par un texte, le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre, tel que prévu par l'article D. 231-2 du même code. Cette liste est de nature réglementaire, et n'est donnée, au regard de la généralité du principe énoncé par l'article L. 231-1 du code précité, qu'à titre indicatif. Il s'en déduit que la circonstance que la demande de renouvellement de l'agrément prévu à l'article L. 3332-1-1 du code de la santé publique ne figure pas sur cette liste ne suffit pas à écarter le principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation
JURITEXT000048430218
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 novembre 2023, 22-10.818, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
42300731
Rejet
22-10818
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-11-25
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Duhamel
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00731
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SH COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 731 F-B Pourvoi n° P 22-10.818 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ La société Demax, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], 2°/ la société [K] [I] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de M. [K] [I] agissant en qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Demax, 3°/ la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [W] [C], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, ont formé le pourvoi n° P 22-10.818 contre l'arrêt rendu le 25 novembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige les opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Demax et des sociétés [K] [I] et associés, ès qualités, et BTSG², ès qualités, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de Mme Texier, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Poillot-Peruzzetto, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mme Texier, et Mme Labat, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et à la société BTSG², prise en la personne de M. [C], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, de leurs reprises d'instance successives. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 novembre 2021) et les productions, le 16 novembre 2013, la société Demax, qui exploite un centre de traitement de véhicules hors d'usage, a conclu avec la société Allianz IARD (la société Allianz) un contrat de récupération des véhicules hors d'usage. 3. Le 18 novembre 2016, la société Allianz a résilié le contrat pour manquement de la société Demax à ses obligations contractuelles et légales puis l'a assignée en paiement de diverses sommes et en restitution de véhicules. 4. Soutenant que la rupture était abusive et que le contrat comportait un déséquilibre significatif à son détriment, la société Demax a reconventionnellement demandé à la cour d'appel de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales et de surseoir à statuer dans l'attente de cet avis et, à défaut, d'indemniser les préjudices qu'elle a subis. 5. Par un jugement du 29 janvier 2019, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Demax, M. [I] et la société BTSG² étant désignés respectivement administrateur et mandataire judiciaires. 6. Par un jugement du 25 janvier 2022, la résolution du plan de sauvegarde de la société Demax a été prononcée et celle-ci a été mise en redressement judiciaire, puis, par un jugement du 31 janvier 2023, en liquidation judiciaire, la société BTSG², prise en la personne de M. [C], étant désignée liquidateur judiciaire. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur demande de sursis à statuer dans l'attente de l'avis de la commission d'examen des pratiques commerciales, alors : « 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions et moyens invoqués par les parties, tels qu'ils figurent dans leurs dernières conclusions ; qu'en l'espèce, les exposants demandaient à la cour d'appel de "saisir la Commission d'examen des pratiques commerciales pour avis sur les pratiques commerciales entre la Compagnie ALLIANZ et la SARL Demax et l'existence d'un déséquilibre significatif susceptible d'engager la responsabilité du cocontractant ainsi qu'invoqué par la SARL Demax aux termes de son courrier à la CEPC et des présentes conclusions", et "en conséquence, surseoir à statuer dans l'attente de l'avis de la Commission d'examen des pratiques commerciales" ; que la cour d'appel a énoncé, sur la demande de sursis à statuer que la demande de sursis à statuer constituait une exception de procédure, et que la société Demax n'ayant pas soulevé cette exception avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, celle-ci était irrecevable en application des dispositions des articles 73 et 74 du code de procédure civile ; qu'en statuant de la sorte, quand les exposants ne demandaient pas à la cour d'appel de surseoir à statuer, mais de saisir elle-même la Commission d'examen des pratiques commerciales, ainsi que le lui permettait l'article L. 440-1 du code de commerce, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ; 2°/ que la Commission d'examen des pratiques commerciales peut être saisie pour avis par la juridiction sur des pratiques restrictives de concurrence ou d'autres pratiques prohibées, relevées dans une affaire dont elle est saisie ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si en l'état des contestations émises par la société Demax sur la licéité de certaines pratiques de la société Allianz IARD, il ne convenait pas de saisir pour avis la Commission d'examen des pratiques commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce. » Réponse de la Cour 9. Il résulte de l'article L. 440-1, IV, du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond. 10. En rejetant la demande de la société Demax d'indemnisation pour rupture abusive, l'arrêt a implicitement mais nécessairement rejeté la demande de saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales. 11. Par conséquent, les sociétés Demax et BTSG², ès qualités, sont sans intérêt à critiquer l'arrêt qui n'a pas sursis à statuer, une telle mesure étant sans objet dès lors que la commission d'examen des pratiques commerciales n'avait pas été saisie. 12. Irrecevable en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli dans sa seconde. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 13. La société Demax et la société BTSG², ès qualités, font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Demax à restituer à la société Allianz l'intégralité des véhicules sous astreinte, à l'exception des véhicules [Immatriculation 6], [Immatriculation 5], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 4] déjà repris par la société Allianz IARD, et en ce qu'il a rejeté les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, et après avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Demax au paiement de diverses sommes, de fixer la créance de la société Allianz au passif de la procédure collective de la société Demax à la somme de 47 216,76 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2017, d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 20 janvier 2018, de dire que le cours des intérêts est arrêté au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde du 29 janvier 2019, de rejeter les autres demandes reconventionnelles de la société Demax, de la société BTSG², en qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de la société Demax, et de la société [K] [I] et associés, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Demax, alors « qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'article 3.1.1.1. du contrat conclu le 16 mai 2013 entre la société Demax et la société Allianz IARD stipulait que certains véhicules "dont la valeur de remplacement à dire d'expert (VRADE) est inférieure à 25 000 euros, et à 5 000 euros pour ceux qui sont techniquement non réparables, sont systématiquement cédés au récupérateur selon les conditions tarifaires fixées au contrat", l'article 3.1.1.2 disposant que "les véhicules sinistrés entrant dans le champ d'application du contrat tel que défini à l'article 3.1.1, mais qui ne font pas partie de l'une des sept catégories définies à l'article 3.1.1.1, seront vendus selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur" ; qu'en retenant, pour dire que cette seconde clause n'était pas potestative, que le "processus" de cession qui y était mentionné "explicit[ait] la mention relative à l'appel d'offres" et que les conditions tarifaires dépendant de l'état de la valeur des véhicules, quand la détermination des modalités et des conditions de l'appel d'offres en vue de la cession des véhicules visés à cet article dépendait du seul bon vouloir de la société Allianz IARD, de sorte que cette clause était purement potestative, la cour d'appel a violé les articles 1170 et 1174, devenu 1304-2, du code civil. » Réponse de la Cour 14. Après avoir relevé que le contrat prévoyait que certains véhicules étaient systématiquement cédés au récupérateur, selon les conditions tarifaires fixées au contrat, et que d'autres feraient l'objet d'un appel d'offre auquel le récupérateur pourrait participer, « selon un processus communiqué ultérieurement au récupérateur », l'arrêt retient que le terme « processus », employé à l'article 3.1.1.2, explicite la mention relative à l'appel d'offre, et ajoute que les conditions tarifaires dépendent de l'état et de la valeur des véhicules. 15. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la clause relative à cette seconde catégorie de véhicules n'était pas potestative. 16. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Demax, M. [I], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Demax, et la société BTSG², en qualité de liquidateur judiciaire de la société Demax, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Commission d'examen des pratiques commerciales - Saisine - Appréciation discrétionnaire des juges du fond
POUVOIRS DES JUGES - Pouvoir discrétionnaire - Cas - Saisine de la commission d'examen des pratiques commerciales
Il résulte de l'article L.440-1, IV, du code de commerce que la faculté de saisir la commission d'examen des pratiques commerciales est laissée à l'appréciation discrétionnaire des juges du fond
JURITEXT000048465526
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-16.514, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300747
Rejet
22-16514
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-03-07
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau (président)
SARL Ortscheidt, SCP Duhamel
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00747
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 747 F-B Pourvoi n° E 22-16.514 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société D-Vine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée 10-Vins, a formé le pourvoi n° E 22-16.514 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Valexcel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, de la SCP Duhamel, avocat de la société Valexcel, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2022), la société 10-Vins, devenue D-Vine (la société D-Vine), a confié à la société Valexcel la recherche d'investisseurs. 2. La société D-Vine ayant mis fin au contrat de façon anticipée, la société Valexcel l'a assignée en paiement de commissions et en réparation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, les deuxième, troisième et quatrième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 4. La société D-Vine fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que le jugement soit infirmé en ce qu'il a jugé fautive la rupture du contrat initiée par courrier du 27 avril 2018, de rejeter ses demandes de résolution judiciaire du contrat aux torts de la société Valexcel et de réduction du prix du contrat et d'indemnisation, alors « qu'en matière de résiliation et de résolution judiciaire d'un contrat, c'est au débiteur qu'il revient de rapporter la preuve qu'il a rempli ses obligations ; qu'en considérant par motifs propres et adoptés, pour dire fautive la rupture du contrat et débouter la société D-Vine de sa demande de résolution judiciaire, qu'elle n'a étayé aucune de ses critiques et que s'agissant d'obligations de moyens, il lui appartenait de rapporter la preuve d'une faute de la société Valexcel, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur la société D-Vine la charge de la preuve de l'existence d'une faute contractuelle, quand il revenait à la société Valexcel d'établir qu'elle avait exécuté ses obligations, a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 5. La gravité du comportement d'une partie à un contrat non soumis aux dispositions issues de l'ordonnance du 10 février 2016 peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En cas de contestation, c'est à la partie qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d'un tel comportement. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 7. La société D-Vine fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes relatives à la rupture du contrat emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes de réduction de prix du contrat et d'indemnisation. » Réponse de la Cour 8. Le moyen étant rejeté, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048465601
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 21-24.839, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300735
Cassation partielle sans renvoi
21-24839
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-09-07
Cour d'appel de Dijon
M. Vigneau
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00735
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° G 21-24.839 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société MJ & associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], en la personne de Mme [J] [K], agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, a formé le pourvoi n° G 21-24.839 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à l'UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 12], dont le siège est [Adresse 9], prise en qualité de contrôleur à la procédure collective de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, 2°/ à la société Nimbus Investments LXII BV, société de droit néerlandais, 3°/ à la société Heel Veel Chocolade BV, société de droit néerlandais, ayant toutes deux leur siège [Adresse 13] (Pays-Bas), 4°/ à la société VH Holding Cooperatief UA, société de droit néerlandais, dont le siège est [Adresse 14] (Pays-Bas), 5°/ à la société CEBFC LT, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], 6°/ à la société CDB CLUJ, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11], 7°/ à la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 15] (Allemagne), 8°/ à la direction régionale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 1], 9°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Bourgogne, dont le siège est [Adresse 10], 10°/ à M. [H] [T], domicilié [Adresse 4], 11°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 7], 12°/ à la société Rubis capital Bourgogne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], 13°/ à la société ACLG capital et conseil stratégique, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], 14°/ à M. [U] [M], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de conciliateur de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de la société MJ & associés, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Bourgogne et de la direction générale des finances publiques, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat des sociétés CEBFC LT et CDB CLUJ, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mme Vallansan, M. Riffaud, Mmes Boisselet, Guillou, M. Bedouet, Mmes Schmidt, Sabotier, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Le Masne de Chermont, Mme Vigneras, M. Boutié, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Guinamant, avocat général référendaire, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 septembre 2021), le 24 octobre 2014, la société Chocolaterie de Bourgogne (la société CDB) a été mise en redressement judiciaire. Le 13 février 2015, le plan de cession totale de l'entreprise a été arrêté au profit de la société CB Chocolaterie de Bourgogne (la société CB CDB), prévoyant l'inaliénabilité du fonds de commerce cédé pendant cinq ans. 2. Le 17 mars 2017, la société CB CDB a obtenu l'ouverture d'une procédure de conciliation. Par un jugement du 21 juin 2017, le tribunal, saisi par une requête de la société CB CDB, a autorisé la levée de l'inaliénabilité des lignes de production cédées et les transferts sous fiducie-sûreté, avec mise à disposition gratuite, de cinq lignes de production et la vente d'une sixième ligne à une société allemande. Un accord de conciliation a été conclu et homologué par un jugement du 23 juin 2017 prévoyant un échelonnement du remboursement des créances publiques sociales et fiscales sur plusieurs années, garanti par la cession en fiducie-sûreté, par la société CB CDB, de trois lignes de production laissées à sa disposition, et la souscription d'un emprunt obligataire auprès du groupe Caisse d'épargne et de la société CDB CLUJ, garanti par la cession en fiducie-sûreté des deux autres lignes de production laissées à sa disposition. 3. Le 31 octobre 2017, la société CB CDB a été mise en redressement judiciaire, la société Abitbol Rousselet étant désignée administrateur judiciaire et la société [J] [K] mandataire judiciaire. Le 5 février 2018, un plan de cession a été arrêté. 4. Soutenant que le jugement du 21 juin 2017 avait été obtenu par la société CB CDB en violation des limites du pouvoir juridictionnel du tribunal et également au préjudice et en fraude des droits des créanciers, la société [J] [K], en ses qualités de liquidateur de la société CDB et de la société CB CDB, a formé des tierces oppositions-nullité à ce jugement. Par un jugement du 16 mai 2019, ces recours ont été déclarés irrecevables. La société MJ & associés, ès qualités, succédant à la société [J] [K], ès qualités, a formé des appels-réformation puis des appels-nullité du jugement. Par une ordonnance du 20 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré les appels irrecevables. Son ordonnance a été déférée à la cour d'appel. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Les liquidateurs font grief à l'arrêt de rejeter le déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de confirmer cette ordonnance en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité, alors « que seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel ; qu'il en résulte que le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge ; qu'en affirmant que le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la recevabilité de l'appel-nullité formé par le liquidateur ès qualités à l'encontre du jugement du 16 mai 2019 quand la recevabilité de ce recours était subordonnée à la constatation d'un excès de pouvoir qui, s'il était retenu, allait remettre en cause le jugement attaqué, de sorte qu'une telle appréciation relevait de la compétence exclusive de la cour d'appel, la cour d'appel statuant sur déféré a violé les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ensemble les principes régissant l'excès de pouvoir. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 311-1, L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'organisation judiciaire et les articles 542 et 914 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, et les principes régissant l'excès de pouvoir : 6. Le premier de ces textes donne compétence à la cour d'appel, sous réserve des compétences attribuées à d'autres juridictions, pour connaître des décisions judiciaires, civiles et pénales, rendues en premier ressort et précise qu'elle statue souverainement sur le fond des affaires. Selon le deuxième et le troisième de ces textes, la cour d'appel statue en formation collégiale, sa formation de jugement se composant d'un président et de plusieurs conseillers. Selon le quatrième texte, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. Enfin, selon le cinquième, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel. 7. La Cour de cassation a jugé qu'aux termes de l'article 911 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 13 juillet 1984, le conseiller de la mise en état est compétent pour déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel, et que, dès lors que ce texte ne distingue pas selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement, le conseiller de la mise en état est compétent pour apprécier la recevabilité de l'appel-nullité (Com., 14 mai 2008, pourvoi n° 07-11.036, Bull. 2008, IV, n° 99). 8. L'article 914 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, ne comporte pas davantage de distinction selon que la voie de recours intentée tend à la réformation, à l'annulation ou à la nullité du jugement. 9. Cependant, il convient de ne pas méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi, aux articles susvisés du code de l'organisation judiciaire, donnant à la seule cour d'appel, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, le pouvoir d'infirmer ou d'annuler la décision frappée d'appel, revêtue, dès son prononcé, de l'autorité de la chose jugée. 10. La Cour de cassation, saisie d'une demande d'avis sur les conséquences des modifications des pouvoirs du conseiller de la mise en état introduites par le décret du 11 décembre 2019, et notamment le nouvel article 907 du code de procédure civile déterminant les pouvoirs de ce conseiller par renvoi à ceux du juge de la mise en état, a émis l'avis que le conseiller de la mise en état ne pouvait connaître ni des fins de non-recevoir qui avaient été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui avait été jugé au fond par le premier juge (Avis de la Cour de cassation, 3 juin 2021, n° 21-70.006). 11. Ces considérations conduisent la Cour de cassation à juger désormais que le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. 12. L'arrêt, statuant sur déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, confirme l'ordonnance de ce magistrat ayant déclaré irrecevables les appels-nullité formés par le liquidateur des sociétés CDB et CB CDB qui invoquait un excès de pouvoir. 13. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes et principes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 14. Tel que suggéré par la société MJ & associés, ès qualités, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le déféré de la société MJ & associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, et confirme l'ordonnance du magistrat de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle a déclaré irrecevables les appels-nullité formés par cette société, l'arrêt rendu le 7 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Annule l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 20 octobre 2020 en ce qu'elle déclare irrecevables les appels-nullité formés par la société MJ & associés, en ses qualités de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne ; Dit que l'examen de la recevabilité des appels-nullité relève de la cour d'appel de Dijon ; Condamne la direction générale des finances publiques, l'URSSAF de Bourgogne, la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel statuant sur déféré ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Nimbus Investments LXII BV, la société Heel Veel Chocolade BV, la société VH Holding Cooperatief UA, la société Schokinag Verwaftungs Gmbh, la société CEBFC LT et la société CDB CLUJ à payer à la société MJ & associés, en sa qualité de liquidateur de la société Chocolaterie de Bourgogne et de la société CB Chocolaterie de Bourgogne, la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
Le conseiller de la mise en état, ou la cour d'appel statuant sur déféré de son ordonnance, ne peut connaître de la recevabilité d'un appel-nullité, invoquant un excès de pouvoir commis par le premier juge, dès lors que si l'appel était déclaré recevable, cela aurait pour conséquence de remettre en cause la décision frappée d'appel. Commet un excès de pouvoir la cour d'appel, statuant sur déféré, qui confirme une ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevables des appels-nullité
JURITEXT000048465603
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-18.766, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300736
Cassation
22-18766
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-05-11
Cour d'appel de Colmar
M. Vigneau (président)
SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00736
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 736 F-B Pourvoi n° C 22-18.766 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, société coopérative de banque, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° C 22-18.766 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2022 par la cour d'appel de Colmar (première chambre civile, section A), dans le litige l'opposant à M. [P] [N], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [N], et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 11 mai 2022), le 4 juillet 2018, la société LVMT a été mise en redressement judiciaire. Le 18 novembre suivant, la société Banque populaire Alsace Lorraine Champagne (la banque), qui avait consenti à la société LVMT l'ouverture d'un compte courant professionnel, a assigné M. [N], qui, en 2014, s'était porté caution des engagements de la société LVMT dont il était le gérant. Un plan de redressement a été arrêté le 3 juillet 2019. 2. Après vaine mise en demeure de M. [N], la banque l'a assigné en paiement au titre de son engagement de caution. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. La banque fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors « que l'action dirigée contre une caution personne physique et suspendue par l'effet du jugement d'ouverture du redressement judiciaire du débiteur principal peut être reprise, sans nouvelle assignation, après le jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire ; que dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ; qu'en considérant que la demande de l'exposante, introduite le 18 novembre 2018, aurait été irrecevable, après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la société LVMT avait été placée en redressement judiciaire le 4 juillet 2018 et que par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal de grande instance de Mulhouse avait arrêté le plan d'apurement du passif de la société LVMT, de sorte que l'action de l'exposante, suspendue en raison de l'ouverture du redressement judiciaire, pouvait être reprise après le jugement arrêtant le plan, et que la situation était régularisée au jour où elle statuait, la cour d'appel a violé les articles L. 622-28 du code de commerce et 126 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 622-28, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 du même code, et l'article 126 du code de procédure civile : 4. Selon les deux premiers de ces textes, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle. 5. La fin de non-recevoir édictée par ces textes, dont la caution peut se prévaloir, peut, en application du dernier de ces textes, être régularisée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. 6. Pour déclarer irrecevable la demande de la banque, l'arrêt relève que l'acte introductif d'instance a été enregistré au greffe pendant la période d'observation et que l'autorisation, qui avait été accordée à la banque par le juge de l'exécution d'inscrire une sûreté réelle sur les biens immobiliers de la caution, n'avait pas été suivie des diligences nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire dans le mois suivant cette autorisation. Il en déduit qu'aucune régularisation de la fin de non-recevoir n'est intervenue. 7. En statuant ainsi, tout en constatant que, si l'action en paiement contre la caution avait été engagée pendant la période d'observation du redressement judiciaire du débiteur principal, le tribunal ne s'était prononcé sur cette demande qu'après l'adoption du plan de redressement, de sorte que la cause de la fin de non-recevoir avait disparu, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz. Condamne M. [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
Si, selon l'article L. 622-28, alinéa 2, du code de commerce, rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L. 631-14, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle, il résulte de l'article 126 du code de procédure civile que la fin de non-recevoir édictée par ces textes, dont la caution peut se prévaloir, peut être régularisée si le tribunal ne se prononce sur la demande formée contre la caution qu'après l'adoption du plan
JURITEXT000048465605
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-18.795, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300737
Cassation partielle
22-18795
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-04-12
Cour d'appel de Grenoble
M. Vigneau
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Bouzidi et Bouhanna
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00737
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. VIGNEAU, président Arrêt n° 737 F-B Pourvoi n° J 22-18.795 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [H] [U], domicilié [Adresse 5], agissant en qualité de liquidateur de Mme [B] [I], a formé le pourvoi n° J 22-18.795 contre l'arrêt rendu le 12 avril 2022 par la cour d'appel de Grenoble (chambre des affaires familiales), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [B] [I], domiciliée [Adresse 3], 2°/ à M. [D] [L], domicilié [Adresse 1], 3°/ à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [U], ès qualités, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 avril 2022) et les productions, le 3 février 2016, à la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes (la banque), qui avait obtenu la condamnation de Mme [I] à lui payer le solde de deux prêts immobiliers consentis le 13 juillet 2010, un tribunal a ordonné la licitation-partage d'un immeuble dont elle détenait 99% de l'indivision sur le fondement de l'article 815-17 du code civil et a ordonné une mesure d'expertise pour évaluer la valeur de l'immeuble. 2. Les 2 mai et 25 juillet 2016, Mme [I], qui exploitait un fonds de commerce, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. [U] étant désigné mandataire judiciaire puis liquidateur. 3. Après dépôt du rapport d'expertise, le liquidateur s'est associé à la demande de reprise de l'instance en licitation-partage et a demandé l'attribution du prix d'adjudication à concurrence de 99%. 4. La banque s'est opposée à la demande en soutenant que l'immeuble constituant la résidence principale de Mme [I], il était insaisissable par l'application de l'article L. 526-1 du code de commerce. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. Le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer insaisissable le bien indivis et de rejeter sa demande d'attribution à hauteur de 99% du prix d'adjudication, alors « que, par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne ; qu'il incombe à qui se prévaut de cette insaisissabilité de démontrer que les conditions en sont remplies et, spécialement, que le bien en cause constituait réellement la résidence principale du débiteur ; que la cour d'appel a retenu que le [Adresse 4] constituait la résidence principale de Mme [I] au motif que le liquidateur ne démontrait pas que le [Adresse 6] constituât la résidence principale de la débitrice ; qu'en faisant ainsi peser la charge de la preuve, permettant de déterminer la résidence principale de Mme [I], sur le liquidateur, partie se prévalant du principe de l'unité du patrimoine du débiteur, droit de gage général des créanciers, et non pas sur la banque, partie se prévalant de l'exception à ce principe, tenant à l'insaisissabilité de la résidence principale du débiteur par ses créanciers au titre de dettes professionnelles, la cour d'appel a violé l'article 1315 ancien du Code civil, devenu l'article 1353 nouveau de ce Code. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 526-1 du code de commerce, et 1315, devenu 1353, du code civil : 6. Il résulte de la combinaison de ces textes que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci doit rapporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers. 7. Pour rejeter la demande du liquidateur d'attribution du prix, l'arrêt, après avoir énoncé que le liquidateur avait intérêt à démontrer que le bien immobilier, appartenant à la débitrice, est saisissable, de façon à pouvoir l'appréhender au profit de la communauté des créanciers de la débitrice et non pas seulement de la banque, retient que les éléments apportés par le liquidateur ne suffisent pas à apporter cette preuve. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de M. [U], en qualité de liquidateur de Mme [I], dit qu'il a intérêt à agir et déclare son appel recevable, l'arrêt rendu le 12 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon. Condamne la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Sud Rhône Alpes et la condamne à payer à M. [U], en qualité de liquidateur de Mme [I], la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
Il résulte de la combinaison des articles L. 526-1 du code de commerce et 1315, devenu 1353 du code civil, que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci doit rapporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers
JURITEXT000048465607
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-16.362, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300738
Rejet
22-16362
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-03-24
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SAS Hannotin Avocats, SCP Boutet et Hourdeaux
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00738
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 738 F-B Pourvoi n° Q 22-16.362 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ La société Finiva LLC, société de droit américain, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 3] (États-Unis), 2°/ la société Nantaise des eaux Holding, société à responsabilité limitée, dont le siège est[Adresse 7]p, [Localité 18], 3°/ la société Financière Amenon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 16], 4°/ M. [U] [X], domicilié [Adresse 10], [Localité 1] (États-Unis), 5°/ M. [Y] [H], domicilié [Adresse 17], [Localité 6], 6°/ M. [P] [B], domicilié [Adresse 11], [Localité 15], 7°/ Mme [R] [C], domiciliée [Adresse 7], [Localité 18], ont formé le pourvoi n° Q 22-16.362 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 2), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Fort royal, société par actions simplifiée, dont le siège est[Adresse 4]l, [Localité 8], 2°/ à la société Thévenot Partners, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 14], en la personne de Mme [W] [A], prise en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la société Fort royal, 3°/ à M. [M] [G], domicilié[Adresse 12]l, [Localité 13], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Fort royal, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat des sociétés Finiva LLC, Nantaise des eaux Holding, Financière Amenon, de MM. [X], [H], [B] et de Mme [C], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Fort royal et de la société Thévenot Partners, ès qualités, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2022), rendu en référé, et les productions, le capital de la société Fort royal, dirigée par la société Fort royal Holding, elle-même dirigée par M. [E], est divisé en 30 607 actions détenues par plus de 60 actionnaires, les deux principaux étant la société Fort royal Holding, qui détient 8 488 actions, et la société Finiva LLC, présidée par M. [X], qui détient 7 639 actions. 2. Le 15 janvier 2019, la société Fort royal a été mise en redressement judiciaire, la société Thévenot Partners étant désignée administrateur. 3. Par un jugement du 5 mai 2020, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société Fort royal, mis fin à la mission de l'administrateur et désigné la société Thévenot Partners commissaire à l'exécution du plan. 4. Une assemblée générale des actionnaires de la société du 29 décembre 2020 a rejeté les résolutions visant à mettre en oeuvre des mesures de restructuration financière consistant en une réduction du capital social à zéro, et une augmentation de ce capital, avec suppression du droit préférentiel de souscription, par l'émission de 100 000 actions ordinaires, au profit de la société Roi soleil Holding. 5. La société Fort royal a assigné devant le président du tribunal, statuant en référé, la société Finiva LLC, M. [X], M. [H], M. [Z], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux Holding, la société Financière Amenon, tous actionnaires opposants, et la société Thévenot Partners, ès qualités, aux fins de voir notamment juger que l'opposition de ces actionnaires aux résolutions visant à la bonne exécution du plan de redressement adopté par le jugement définitif du 5 mai 2020 constituait un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser et exposait la société Fort royal à un dommage imminent, et voir désigner un mandataire ad hoc chargé de voter aux lieu et place des actionnaires minoritaires, dans le sens que commande l'intérêt social lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. La société Finiva LLC, M. [X], M. [H], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux Holding, et la société Financière Amenon font grief à l'arrêt de recevoir aux débats la pièce n° 22 de la société Fort royal à titre d'attestation de la société Thévenot Partners sur le sens de sa note d'actualisation du 24 février 2020 au plan de redressement de la société Fort royal, alors « que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense ; que l'exigence de loyauté procédurale interdit à une partie de contourner l'irrecevabilité de conclusions déposées tardivement par une autre partie avec laquelle elle présente un intérêt commun, en produisant à titre de pièce lesdites conclusions, aux fins d'emporter la conviction du juge sur le bien fondé de ses propres prétentions ; qu'en énonçant que si l'irrecevabilité prononcée des conclusions de la société Thévenot partners a pour effet de rendre irrecevables les prétentions que cette partie intimée forme devant la cour, les informations contenues dans ces conclusions peuvent être versées aux débats à titre de simple attestation par l'appelante, la cour d'appel a violé les articles 15 et 135 du code de procédure civile, ensemble le principe selon lequel le juge est tenu de respecter et de faire respecter la loyauté des débats. » Réponse de la Cour 7. Après avoir relevé que les conclusions de la société Thévenot Partners, ès qualités, avaient été déclarées irrecevables pour tardiveté, l'arrêt retient exactement que les informations contenues dans ces conclusions pouvaient être versées aux débats par la société Fort royal, sans mauvaise foi ni déloyauté de sa part, en vertu du principe du droit à la preuve et aux fins de permettre à la cour d'appel d'apprécier le sens d'une note d'actualisation de l'administrateur sur le plan de redressement de la société Fort royal qui avait fait l'objet d'une interprétation par le tribunal qui était contestée par cette société. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 9. La société Finiva LLC, M. [X], M. [H], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux Holding, et la société Financière Amenon font grief à l'arrêt de désigner M. [G], en qualité de mandataire ad hoc, avec pour mission, pour une durée maximum de quatre mois de participer à l'assemblée générale extraordinaire de la société Fort royal qui sera convoquée avec notamment pour ordre du jour la réduction de capital de 979 424 euros motivée par des pertes, par voie d'annulation de l'ensemble des actions composant le capital social de la société, sous la condition suspensive de l'adoption d'une augmentation de capital en numéraire, l'augmentation du capital social, par l'émission de 100 000 actions ordinaires, au prix d'un euro chacune, avec suppression du droit préférentiel de souscription des associés au profit d'une personne dénommée, à savoir la société Roi soleil holding, la suppression du droit préférentiel de souscription aux 100 000 actions ordinaires nouvelles au profit d'une personne dénommée, la constatation de l'augmentation de capital, la modification des statuts et de représenter lors de cette assemblée générale M. [X], M. [H], M. [Z], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux holding, la société Financière Amenon et la société Finiva LLC, associés opposants, et voter en leur lieu et place, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article L. 631-9-1 du code de commerce, si les capitaux propres n'ont pas été reconstitués dans les conditions prévues par l'article L. 626-3, l'administrateur a qualité pour demander la désignation d'un mandataire en justice chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter la reconstitution du capital, à concurrence du montant proposé par l'administrateur, à la place du ou des associés ou actionnaires opposants lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan ; qu'il s'évince d'une telle disposition que lorsque l'adoption du plan de redressement suppose une modification du capital, l'administrateur peut seulement demander la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer l'assemblée compétente pour voter la reconstitution du capital, à l'exclusion de toute opération d'accordéon ; qu'en considérant qu'il était possible d'obtenir en référé la désignation d'un mandataire aux fins de convoquer l'assemblée générale des actionnaires appelée à décider de la réduction et de l'augmentation du capital en faveur de la société Roi soleil holding, la cour d'appel a violé l'article L. 631-9-1 du code de commerce ; 2°/ qu'aux termes de l'article L. 631-9-1 du code de commerce, si les capitaux propres n'ont pas été reconstitués dans les conditions prévues par l'article L. 626-3, l'administrateur a qualité pour demander la désignation d'un mandataire en justice chargé de convoquer l'assemblée compétente et de voter la reconstitution du capital, à concurrence du montant proposé par l'administrateur, à la place du ou des associés ou actionnaires opposants lorsque le projet de plan prévoit une modification du capital en faveur d'une ou plusieurs personnes qui s'engagent à exécuter le plan ; qu'il s'évince d'une telle disposition que lorsque l'adoption du plan de redressement suppose une modification du capital, l'administrateur peut seulement demander la désignation d'un mandataire ad hoc chargé de convoquer l'assemblée compétente pour voter la reconstitution du capital, à l'exclusion de toute opération d'accordéon ; qu'en énonçant que "selon le plan de redressement, les mesures de restructuration qui ont été soumises au vote de l'assemblée générale des actionnaires s'inscrivent bien dans le cadre d'une reconstitution des capitaux propres, ces mesures ayant pour objet de réaliser cette reconstitution, et que conformément au texte susvisé, l'assemblée générale des actionnaires a été appelée à décider de la réduction et de l'augmentation du capital en faveur de la société Roi soleil holding", lorsqu'il était constant que la réduction du capital à zéro et l'augmentation de capital à hauteur de 100 000 euros ne permettait pas la reconstitution des capitaux propres de la société, compte tenu de ce que les capitaux propres avaient une valeur négative de 7 686 830 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 631-9-1 du code de commerce ; 3°/ qu'avant toute restructuration du capital décidée par l'assemblée générale, si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer ces capitaux à concurrence du montant proposé par l'administrateur et qui ne peut être inférieur à la moitié du capital social ; qu'en énonçant que "selon le plan de redressement, les mesures de restructuration qui ont été soumises au vote de l'assemblée générale des actionnaires s'inscrivent bien dans le cadre d'une reconstitution des capitaux propres, ces mesures ayant pour objet de réaliser cette reconstitution, et que conformément au texte susvisé, l'assemblée générale des actionnaires a été appelée à décider de la réduction et de l'augmentation du capital en faveur de la société Roi soleil holding", lorsqu'était requise, avant toute opération d'accordéon, que l'assemblée générale soit préalablement consultée sur la reconstitution des capitaux propres à concurrence du montant proposé par l'administration et qui ne peut être inférieur à la moitié du capital social, la cour d'appel a violé les articles L. 626-3 alinéa 2 du code de commerce et L. 631-9 du code de commerce ; 4°/ qu'avant toute restructuration du capital décidée par l'assemblée générale, si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social, l'assemblée est d'abord appelée à reconstituer ces capitaux à concurrence du montant proposé par l'administrateur et qui ne peut être inférieur à la moitié du capital social ; qu'en énonçant que "selon le plan de redressement, les mesures de restructuration qui ont été soumises au vote de l'assemblée générale des actionnaires s'inscrivent bien dans le cadre d'une reconstitution des capitaux propres, ces mesures ayant pour objet de réaliser cette reconstitution, et que conformément au texte susvisé, l'assemblée générale des actionnaires a été appelée à décider de la réduction et de l'augmentation du capital en faveur de la société Roi soleil holding", lorsqu'il était constant que la réduction du capital à zéro et l'augmentation de capital à hauteur de 100 000 euros ne permettait pas une reconstitution des capitaux propres à hauteur de la moitié du capital social, compte tenu de ce que les capitaux propres avaient une valeur négative de 7 686 830 euros, la cour d'appel a violé les articles L. 626-3 alinéa 2 du code de commerce et L. 631-9 du code de commerce ; 5°/ que les assemblées générales des titulaires de valeurs mobilières donnant accès à terme au capital sont appelées à autoriser toutes modifications au contrat d'émission et à statuer sur toute décision touchant aux conditions de souscription ou d'attribution de titres de capital déterminées au moment de l'émission ; que l'opération de réduction du capital à zéro et l'annulation consécutive des obligations convertibles en actions touchant aux conditions d'attribution de titres de capital déterminées au moment de l'émission, l'assemblée générale des obligataires aurait dû autoriser préalablement cette opération ; qu'en énonçant que les porteurs d'obligations convertibles en actions devaient seulement être consultés sur l'opération d'accordéon, la cour d'appel a violé les articles L. 228-103 et L. 626-3 du code de commerce ; 6°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'au cas présent, le contrat d'émission du 20 novembre 2015 prévoit en son article 2 de l'annexe 3, que la réduction du capital de la société était "soumise à l'accord préalable de la masse des titulaires d'obligations convertibles" ; qu'en énonçant que l'opération d'accordéon, qui implique une réduction de capital, pouvait être réalisée sans l'accord préalable de la masse des obligations convertibles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ; 7°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour établir l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent tirée du refus des actionnaires minoritaires de voter en faveur de l'opération d'accordéon, qu'il ne saurait être tiré de ce que cette opération n'est pas expressément reprise dans le dispositif du jugement du 5 mai 2020 ayant arrêté le plan de redressement pour en nier l'autorité de chose jugée de ce chef, la cour d'appel a violé les articles 480 et 873 du code de procédure civile ; 8°/ que seules les dispositions du plan arrêtées dans le dispositif du jugement sont opposables à tous ; qu'en estimant, pour établir l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent tirée du refus des actionnaires minoritaires de voter en faveur de l'opération d'accordéon, qu'il ne saurait être tiré de ce que la restructuration financière n'est pas expressément reprise dans le dispositif du jugement du 5 mai 2020 et qu'elle n'y serait pas incluse, aux motifs que selon l'article L. 621-65 du code de commerce, le jugement qui arrête le plan en rend les dispositions opposables à tous, si bien qu'arrêtées par le jugement du 5 mai 2020 dont le dispositif a autorité de chose jugée (autorité non discutée par les intimés), les mesures de restructuration du capital, en ce qu'elles sont incluses dans le redressement tel qu'arrêté par le tribunal de commerce, sont opposables à tous et notamment aux actionnaires qui les contestent, la cour d'appel a violé les articles L. 626-11 et L. 631-19 du code de commerce, ensemble les articles 480 et 873 du code de procédure civile ; 9°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour écarter l'existence d'une fraude attachée à la suppression du droit préférentiel de souscription, que la légalité des mesures de redressement telles qu'adoptées par le tribunal de commerce (qui les a jugées légales) serait à apprécier dans le cadre d'un recours formé contre le jugement du tribunal de commerce, recours qui manifestement n'a pas été exercé en l'espèce, les intimés ne discutant pas eux-mêmes le caractère définitif du jugement du 5 mai 2020, lorsque l'opération d'accordéon ne figurait pas dans le dispositif de la décision de sorte que le tribunal n'avait pas définitivement statué sur cette restructuration du capital, la cour d'appel a violé les articles 480 et 873 du code de procédure civile ; 10°/ que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif ; qu'en énonçant, pour établir l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent tirée du refus des actionnaires minoritaires de voter en faveur de l'opération d'accordéon, qu'un tel refus était abusif, en ce qu'il fait obstacle à la mise en oeuvre de mesures de restructuration qui ont été considérées, par jugement définitif du tribunal de commerce, comme étant indispensables au redressement de la société Fort royal et par suite à sa survie, exposant ainsi la société à un risque de liquidation judiciaire contraire à l'intérêt social, lorsque l'opération d'accordéon ne figurait pas dans le dispositif de la décision de sorte que le tribunal n'avait pas définitivement statué sur cette restructuration du capital, la cour d'appel a violé les articles 480 et 873 du code de procédure civile ; 11°/ que les exposants faisaient valoir que la suppression du droit préférentiel de souscription au profit de la société Roi Soleil Holding en lieu et place de la société Fort royal Holding, avait pour seul but de contourner l'interdiction de vote prévue par l'article L. 225-138 alinéa 1er du code de commerce ; qu'en effet, il était soutenu que la société Roi Soleil Holding, structure ad hoc contrôlée par M. [E], n'avait été créée par ce dernier que pour permettre à la société Fort royal Holding, qu'il contrôlait également, de prendre part au vote ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui conditionnait la légalité même des mesures qu'elle ordonnait, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 12°/ que l'abus de minorité, qui seul permet au juge de désigner un mandataire aux fins de représenter les associés minoritaires défaillants à une nouvelle assemblée et de voter en leur nom dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime des minoritaires, suppose à la fois une attitude contraire à l'intérêt social, en ce qu'il interdit la réalisation d'une opération essentielle pour la société, et dans l'unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l'ensemble des autres associés ; qu'en énonçant, pour établir l'existence d'un abus de minorité, que l'opération "est fondée sur l'intérêt social en ce qu'elle tend à permettre à la société de retrouver de nouveaux investisseurs qui adhèrent à la poursuite de son activité, alors que son actionnariat actuel est divisé et que les actionnaires qui la financent sont opposés à la poursuite de son activité", sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée si les modalités concrètes de l'opération d'accordéon sur lesquelles les associés avaient été consultés étaient réellement conformes à l'intérêt social, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil, ensemble l'article 873 du code de procédure civile ; 13°/ que les exposants faisaient valoir que "n'est pas constitutif d'un abus de minorité le fait de refuser de voter une augmentation de capital dès lors que l'associé n'a pas eu à sa disposition les documents lui permettant d'émettre un vote éclairé permettant un débat nécessaire sur la confrontation entre l'intérêt social et les mesures opposées aux minoritaires" et qu'"en l'espèce, seules les informations financières concernant l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2019 ont été communiquées, à l'exclusion de toute information financière pour l'année 2020 (ni pour la société Fort royal, ni pour sa filiale JRS)" et encore qu'"il n'a pas été non plus communiqué aux minoritaires le Projet de plan de redressement présenté par la société Fort royal, le bilan économique et social comportant un projet de plan de redressement de l'administrateur judiciaire, ni même le jugement en date du 5 mai 2020 arrêtant le plan de redressement. Aucune information n'a été non plus communiquée concernant le mode de libération de la souscription projetée : soit au moyen de versement en espèce, soit par compensation avec des créances liquides et exigibles ; qu'en considérant que les minoritaires avaient commis un abus de minorité sans analyser ce moyen tiré du défaut d'information leur permettant d'émettre un vote éclairé, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 14°/ que le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer ; qu'en se bornant à considérer qu'il existait un risque de liquidation judiciaire de la société Fort royal si les mesures de restructuration du capital n'étaient pas mises en oeuvre, sans établir que la liquidation judiciaire se produirait sûrement si l'opération d'accordéon n'était pas votée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 10. En premier lieu, l'arrêt relève que le plan de redressement a été adopté le 5 mai 2020, avant la tenue de l'assemblée générale appelée à autoriser les mesures de restructuration financières litigieuses qui a eu lieu le 29 décembre suivant, et que le juge des référés a été saisi par la société Fort royal sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile. Il s'en évince que la demande n'était pas présentée par l'administrateur de manière à rendre possible l'adoption du plan de redressement et que les dispositions des articles L. 626-3 et L. 631-9-1 du code de commerce n'étaient pas applicables au litige. 11. Les première, deuxième, troisième et quatrième branches sont donc inopérantes. 12. En deuxième lieu, l'arrêt, qui n'a pas dénaturé le contrat d'émission, énonce à bon droit qu'il résulte de l'article L. 228-103 du code de commerce que si les porteurs d'obligations convertibles doivent autoriser les modifications du contrat d'émission des obligations, les décisions touchant aux conditions de souscription ou d'attribution des titres de capital déterminées au moment de l'émission ne sont soumises qu'à leur consultation. 13. Les cinquième et sixième branches ne sont donc pas fondées. 14. En dernier lieu, l'arrêt relève que si la restructuration financière n'est pas expressément reprise dans le dispositif du jugement ayant arrêté le plan, le jugement fait expressément état de la restructuration du capital telle que proposée dans le projet de plan, dont il reprend les modalités. Il retient que le refus des actionnaires minoritaires de voter en faveur des mesures de restructuration s'inscrit dans la poursuite du conflit qui oppose M. [E] à M. [X] sur la gestion et l'avenir de la société Fort royal depuis le mois de mai 2018, M. [X] ayant soutenu, en opposition au plan de redressement proposé par M. [E], une offre concurrente de cession des actifs non retenue, et que les actionnaires opposants n'ont présenté aucun plan de redressement alternatif à celui adopté par le tribunal. Il en déduit que leur opposition tend, dans leur intérêt exclusif, à une récupération de leurs actifs, et non au redressement de la société. L'arrêt en déduit que, dans ces circonstances, l'usage que les actionnaires minoritaires ont fait de leur droit de vote apparaît abusif en ce qu'il fait obstacle à la mise en oeuvre de mesures de restructuration financières jugées indispensables au redressement de la société Fort royal et par suite à sa survie, en exposant la société à un risque de liquidation judiciaire contraire à l'intérêt social. 15. De ces seules constatations et appréciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les septième, huitième, neuvième et dixième branches, la cour d'appel a exactement déduit que se trouvait caractérisée l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent. 16. Le moyen, pour partie inopérant, n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société Finiva LLC, M. [X], M. [H], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux Holding et la société Financière Amenon aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société Finiva LLC, M. [X], M. [H], M. [B], Mme [C], la société Nantaise des eaux Holding, et la société Financière Amenon et les condamne in solidum à payer à la société Fort royal et à la société Thévenot Partners, en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Fort royal, la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
1°/ Les informations contenues dans les conclusions, devant une cour d'appel, d'un administrateur judiciaire, déclarées irrecevables pour tardiveté, peuvent être versées aux débats par le débiteur, sans mauvaise foi ni déloyauté de sa part, en vertu du principe du droit à la preuve et aux fins de permettre à la cour d'appel d'apprécier le sens d'une note d'actualisation de l'administrateur sur le plan de redressement dont le débiteur conteste l'interprétation qu'en a faite le tribunal. 2°/ Une cour d'appel énonce à bon droit qu'il résulte de l'article L. 228-103 du code de commerce que si les porteurs d'obligations convertibles doivent autoriser les modifications du contrat d'émission des obligations, les décisions touchant aux conditions de souscription ou d'attribution des titres de capital déterminées au moment de l'émission ne sont soumises qu'à leur consultation
JURITEXT000048465609
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.894, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300740
Rejet
22-17894
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-04-21
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau (président)
Me Descorps-Declère, SCP Jean-Philippe Caston, SARL Le Prado - Gilbert
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00740
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 740 F-B Pourvoi n° E 22-17.894 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société JASSP, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-17.894 contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société JASSP, 2°/ à la société Bpifrance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de la société JASSP, de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la société Bpifrance, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Philippe Angel, Denis Hazane, Sylvie Duval, ès qualités, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 avril 2022), le 7 octobre 2019, à la suite d'une assignation de la société Bpifrance, la société JASSP a été mise en redressement judiciaire, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée mandataire judiciaire. 2. Le 5 juillet 2021, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société JASSP d'une durée de 6 ans, la société Philippe Angel-Denis Hazane étant désignée commissaire à l'exécution du plan. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société JASSP fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement et de rejeter sa demande de clôture du redressement judiciaire, alors : « 1°/ que s'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci ; que pour effectuer cette appréciation, seules les créances exigibles doivent être prises en considération ; qu'en incluant au passif exigible l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2 300 euros", pour évaluer ledit passif à la somme de 119 104,03 €, et considérer que la somme de 117 104,03 € séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire serait inférieure au passif exigible, la cour d'appel a violé l'article L. 631-16 du code de commerce ; 2°/ qu'à l'exception des rémunérations prévues aux articles R. 663-4 et R. 663-18 à R. 663-20 du code de commerce et des provisions et acomptes autorisés, les rémunérations dues au mandataire ne sont perçues qu'après avoir été arrêtées ; qu'en incluant la simple estimation de l'honoraire proportionnel de répartition dans le passif exigible, la cour d'appel a violé l'article R. 663-34 du code de commerce ; 3°/ qu'en jugeant que l'honoraire proportionnel de répartition du mandataire "estimé entre 300 et 2300 euros", ajouté au passif déclaré de 116 804,03 €, devrait conduire à évaluer le passif à la somme de 119 104,03 €, tout en admettant que ledit honoraire pourrait n'être que de 300 €, ce qui conduirait alors à un passif total de 117 104,03 € égal à la somme de 117 104,03 € séquestrée sur le compte du mandataire judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 4°/ que la société JASSP exposait qu'au titre de ses actifs, devait être comprise la condamnation de la société ONEPOINT, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 2 février 2022 produit aux débats et assorti de l'exécution provisoire, à lui payer la somme de 109 632 €, majorée des intérêts de retard au taux fixé par l'article L. 441-6 du code de commerce, outre la capitalisation des intérêts ; qu'en jugeant sans autre explication que "la condamnation de la société One Point par jugement du 23 février 2022 à verser à la société JASSP la somme de 109 632 euros ne saurait constituer un actif disponible", la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article L. 631-16 du code de commerce, le juge peut mettre fin à la période d'observation s'il apparaît que le débiteur dispose des sommes suffisantes, non seulement pour désintéresser les créanciers, mais aussi pour acquitter les frais et dettes afférents à la procédure collective. 5. Sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles L. 631-16, R. 663-34 du code de commerce et 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'exercice par la cour d'appel du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 précité de ne pas faire usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire. 6. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société JASSP aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
La mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 631-16 de commerce relève du pouvoir souverain des juges du fond
JURITEXT000048465611
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/46/56/JURITEXT000048465611.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.843, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300741
Rejet
22-17843
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-05-12
Cour d'appel de Rouen
M. Vigneau
SCP Foussard et Froger, SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00741
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. CC COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 741 F-B Pourvoi n° Z 22-17.843 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Générale de manutention portuaire (GMP), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-17.843 contre l'arrêt rendu le 12 mai 2022 par la cour d'appel de Rouen (chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Générale de manutention portuaire (GMP), de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société CMA CGM, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Schmidt, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 12 mai 2022), le 15 novembre 2017, la société CMA CGM a confié à la société Générale de manutention portuaire (la société GMP) le chargement à bord du navire APL Merlion d'un conteneur dans lequel des produits chimiques liquides avaient été empotés au moyen d'une citerne en plastique (dite « flexitank »). 2. Au cours des opérations de manutention, le conteneur a heurté la glissière du navire et son plancher a été percé, ce qui a provoqué la fuite du produit qui s'est répandu à bord du navire et sur le quai. 3. Après avoir indemnisé le propriétaire de la marchandise dans la limite de 48 532 euros, la société CMA CGM a assigné la société GMP en remboursement de cette somme et en paiement de divers frais de nettoyage du navire, de nettoyage, réparation, stationnement et surestaries du conteneur. La société GMP a présenté une demande reconventionnelle en paiement de frais qu'elle a exposés à la suite de l'accident, par compensation avec la créance de la société CMA CGM. Examen des moyens Sur le moyen unique du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. La société GMP fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande reconventionnelle, alors : « 1°/ que lorsque des dommages causés aux marchandises et des dommages consécutifs sont imputables à l'entrepreneur de manutention, sa responsabilité ne peut en aucun cas dépasser le montant fixé par l'article L. 5422-13 du code des transports ; qu'ainsi, le total des sommes exposées par l'entrepreneur de manutention au titre des dommages, d'une part, et des sommes qui peuvent lui être réclamées par le transporteur, d'autre part, ne peut excéder ce montant ; qu'au cas d'espèce, les juges du fond ont constaté que la limitation de responsabilité était de 48 532 euros et qu'une somme de 10 743 euros a été exposée par la société GMP pour remettre en état les lieux et les installations, à la suite du dommage causé aux marchandises ; qu'en rejetant la demande de la société GMP visant à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 37 789 euros, les juges du fond qui ont fait peser sur la société GMP une responsabilité d'un montant supérieur à la limitation légale ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 2°/ qu'à tout le moins, en s'abstenant de rechercher si la circonstance que les dépenses engagées par la société GMP étaient consécutives au dommage et entraient dès lors dans le champ de la limitation de responsabilité n'imposait pas qu'elles viennent en déduction de la somme de 48 532 euros réclamée par le transporteur, afin que la somme totale mise à la charge de la société GMP n'excède pas le montant de 48 532 euros, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 3°/ qu'en se fondant, pour écarter la demande de la société GMP sur les motifs impropres que la société GMP ne justifie pas que la société CMA CGM lui ait intimé l'ordre d'exposer des frais en son nom et pour son compte, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924 ; 4°/ que, et en tout cas, en se fondant sur les motifs impropres que les dépenses ont été rendues nécessaires par la faute de la société GMP, les juges du fond ont violé les articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4 de la convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement, signée à Bruxelles le 25 août 1924. » Réponse de la Cour 5. La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers. 6. La cour d'appel, devant laquelle la société GMP avait indiqué avoir exposé des dépenses de pompage, stockage et nettoyage des outillages et installations portuaires, a relevé que ces dépenses n'avaient pas été engagées sur ordre de la société CMA CGM et qu'elles avaient été rendues nécessaires pour remettre en état les lieux et les installations dégradées par son fait. 7. De ces appréciations souveraines, faisant ressortir que les dépenses litigieuses avaient été exposées par le manutentionnaire pour limiter et réparer le dommage qu'il avait causé aux installations portuaires et non au transporteur, la cour d'appel a exactement déduit que la société GMP ne justifiait d'aucune créance à l'égard de la société CMA CGM pouvant être compensée avec la créance de cette dernière. 8. Le moyen, reposant pour partie sur un postulat erroné, n'est pas fondé pour le surplus. Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et cinquième branches, du pourvoi incident 9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, du pourvoi incident Enoncé du moyen 10. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation à paiement de la société GMP à la somme de 48 532 euros, alors : « 1°/ que le conteneur constitue une marchandise, de sorte qu'il doit être tenu compte, pour calculer le plafond légal de responsabilité contractuelle du manutentionnaire portuaire, du poids du conteneur qui lui a été confié ; qu'en écartant la demande d'indemnisation de la société CMA CGM au titre des frais de réparation, de nettoyage, des frais de stationnement et de surestaries du conteneur au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979 ; 4°/ que l'action engagée par le transporteur maritime à l'encontre du manutentionnaire en réparation des dommages causés au navire au cours du déchargement est étrangère au contrat de manutention des marchandises et relève de la responsabilité délictuelle du manutentionnaire, de sorte qu'elle n'est pas soumise au plafond de responsabilité visé à l'article L. 5542-23 du code des transports ; qu'en déboutant la société CMA CGM de sa demande d'indemnisation au titre des frais de nettoyage du navire au motif inopérant que "la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'appliquant aux dommages causés à la marchandise et à ceux consécutifs ou annexes supportés par le transporteur, la société CMA CGM ne peut faire supporter à la société GMP les préjudices allégués par elle qui sont consécutifs ou annexes à son préjudice principal constitué par la perte de la marchandise", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 5422-23 du code des transports, ensemble l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée par le protocole du 21 décembre 1979. » Réponse de la Cour 11. Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée. 12. Après avoir énoncé à bon droit que la limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique, non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, l'arrêt retient exactement que les frais de nettoyage du navire, et ceux de réparation, nettoyage, stationnement et surestaries du conteneur, constituaient un dommage consécutif et annexe aux dommages aux marchandises soumis au plafond légal d'indemnisation, de sorte que la créance de la société CMA CGM sur la société GMP se limitait à la somme de 48 532 euros. 13. Le moyen n'est pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
TRANSPORTS
Il résulte des articles L. 5422-13 et L. 5422-23 du code des transports que la responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les limites de la responsabilité du transporteur pour les pertes et dommages subis par les marchandises, telles que fixées à l'article 4, § 5, de la Convention internationale de Bruxelles pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924, modifiée. La limitation de responsabilité de l'entreprise de manutention portuaire s'applique ainsi non seulement aux dommages causés à la marchandise, mais aussi à ceux consécutifs ou annexes à ce préjudice principal, imputables à l'entrepreneur de manutention, tels que des frais de nettoyage du navire, de réparation du conteneur et de "surestaries". La limitation de responsabilité du manutentionnaire prévue à l'article L. 5422-23 du code des transports ne s'applique qu'à l'égard du transporteur et ne peut donc porter que sur les dommages subis par ce dernier. Le manutentionnaire n'est pas fondé à en réclamer le bénéfice pour des frais destinés à limiter ou réparer son propre préjudice ou celui qu'il a causé à des tiers
JURITEXT000048465614
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-17.798, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300743
Cassation partielle sans renvoi
22-17798
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-04-14
Cour d'appel de Lyon
M. Vigneau
SCP Duhamel
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00743
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. VIGNEAU, président Arrêt n° 743 F-B Pourvoi n° A 22-17.798 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Artis construction, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° A 22-17.798 contre l'arrêt rendu le 14 avril 2022 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige l'opposant : 1°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, cour d'appel de Lyon, [Adresse 1], 2°/ à la société BCM, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société Artis construction, 3°/ à la société Jérôme Allais, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire de la société Artis construction, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SCP Duhamel, avocat de la société Artis construction, les observations du procureur général près la cour d'appel de Lyon, et l'avis de Mme Henry, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 avril 2022), le 28 septembre 2021, la société Artis construction a déclaré son état de cessation des paiements et demandé sa mise en redressement judiciaire. A cette occasion, elle a déclaré qu'elle avait bénéficié, le 22 décembre 2020, d'une procédure de mandat ad hoc. 2. Par un jugement du 18 octobre 2021, le tribunal, avant de statuer sur l'ouverture de la procédure collective, a, à la demande du ministère public, ordonné la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc et renvoyé l'examen de l'affaire à une date ultérieure. 3. La société Artis construction a interjeté appel-nullité de ce jugement. 4. Par un jugement du 2 novembre 2021, la société Artis construction a été mise en redressement judiciaire, la société BCM étant désignée en qualité d'administrateur et la société Jérôme Allais, en celle de mandataire judiciaire. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La société Artis construction fait grief à l'arrêt de déclarer son appel-nullité irrecevable et de confirmer le jugement, alors « que toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité ; que le tribunal de commerce ne peut lever cette confidentialité en ordonnant la communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc tant qu'une procédure collective n'a pas été ouverte à l'égard du débiteur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le tribunal de commerce de Lyon, par jugement avant-dire droit du 18 octobre 2021, avait ordonné à la société Artis construction de communiquer les pièces et actes relatifs au mandat ad hoc dont elle bénéficiait, tandis qu'aucune procédure collective n'avait été ouverte à son égard ; que la société Artis construction a fait valoir que le tribunal avait ainsi commis un excès de pouvoir, de sorte que le jugement avant-dire droit du 18 octobre 2021 devait être annulé ; qu'en jugeant toutefois que la levée de la confidentialité d'un mandat ad hoc pouvait intervenir avant l'audience prononçant l'ouverture d'une procédure collective, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, violant ainsi les articles L. 611-15 et L. 621-1 alinéas 5 et 6 du code de commerce. » Réponse de la Cour 6. Il résulte des articles L. 621-1, alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du code de commerce, que le tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du même code. 7. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 8. La société Artis construction fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cour d'appel ne peut, après avoir déclaré l'appel irrecevable, confirmer le jugement déféré ; qu'ainsi, en confirmant le jugement du 18 octobre 2021 après avoir pourtant déclaré irrecevable l'appel-nullité de la société Artis construction, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir, violant ainsi l'article 562 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 562 du code de procédure civile : 9. Il résulte de ce texte qu'une cour d'appel qui décide que l'appel dont elle est saisie est irrecevable excède ses pouvoirs en confirmant le jugement qui a fait l'objet de cet appel. 10. Après avoir déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par la société Artis construction, l'arrêt confirme le jugement. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 18 octobre 2021, l'arrêt rendu le 14 avril 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; DIT n'y avoir lieu à renvoi. Condamne la société Artis construction aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, dit n'y avoir lieu à statuer ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005)
En application des articles L. 621-1 alinéas 5 et 6, et L. 631-7 du code de commerce, un tribunal, saisi d'une demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard d'un débiteur qui bénéficie ou a bénéficié d'un mandat ad hoc ou d'une procédure de conciliation dans les dix-huit mois qui précèdent, peut, d'office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation, nonobstant les dispositions de l'article L. 611-15 du même code
JURITEXT000048465616
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-14.253, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300745
Cassation
22-14253
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-02-01
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau (président)
SARL Le Prado - Gilbert, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00745
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation M. VIGNEAU, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° X 22-14.253 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Le Piano barge, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° X 22-14.253 contre l'arrêt rendu le 1er février 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la société Tokio Marine Kiln Syndicate 510, dont le siège est [Adresse 4] (Belgique), syndicat des Lloyds de [Localité 6], représentée par la société Kiln Europe SA, société de droit belge, disposant d'une représentation pour ses opérations en France par son mandataire général la société Lloyds Insurance Company, société anonyme d'un Etat membre de la CE ou partie à l'accord sur l'espace économique européen, pris en son établissement en France, [Adresse 5], venant aux droits des Souscripteurs du Lloyd's de [Localité 6] par suite d'une procédure de transfert dite Part VII transfer autorisée par la High Court of Justice de Londres suivant ordonnance en date du 25 novembre 2020, prise en la personne de son mandataire général pour les opérations en France, M. [I] [K], 3°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 4°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, ayant toutes deux leur siège [Adresse 1], 5°/ à la société Axa XL Insurance Company (UK) Limited, dont le siège est [Adresse 3] (Royaume-Uni), anciennement dénommée Catlin Insurance Company (UK) Limited, 6°/ à la société Italiana Assicurazioni e Riassicurazioni PA - SIAT, société de droit italien, dont le siège est [Adresse 9] (Italie), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Le Piano barge, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Generali IARD, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er février 2022), le 3 septembre 2010, la société Le Piano barge, exploitant une péniche restaurant à [Localité 8], a souscrit un contrat d'assurances maritimes corps, risques divers et responsabilité civile du navire auprès des sociétés d'assurances Generali IARD, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Catlin Insurance Company Limited, Tokio Marine Kiln Syndicate 510 syndicat des Lloyds de [Localité 6] et Italiana Assicurazioni E Riassicurazioni PA – SIAT (les assureurs). Par un avenant du 3 septembre 2011, la police a été étendue à la couverture des opérations nécessaires à la transformation et l'aménagement du bateau pour l'année 2011, laquelle a été renouvelée par tacite reconduction le 3 septembre 2012. 2. Le 25 octobre 2012, au cours des travaux de rénovation du bateau, un salarié de la société Sofradi, intervenant sur le chantier de rénovation, a été accidenté. 3. Le 7 janvier 2016, celle-ci a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Le Piano barge, qui a assigné en garantie les assureurs. 4. Les assureurs ayant opposé à la société Le Piano barge la prescription biennale de l'article L. 172-31 du code des assurances, celle-ci a soutenu que, n'ayant pas souscrit une police d'assurance maritime, son action était soumise aux règles de prescriptions de l'article L. 114-1 du même code et que, le contrat ne contenant aucune stipulation relative à la suspension ou d'interruption de la prescription, cette prescription abrégée lui était inopposable. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen 5. La société Le Piano barge fait grief à l'arrêt de dire que la prescription biennale est opposable à l'assuré et de dire en conséquence que son action est prescrite, alors « qu'aux termes de l'article L. 171-1, 1°, du code des assurances, est un contrat d'assurance maritime celui qui a pour objet de garantie les risques maritimes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans répondre aux conclusions d'appel de la société Le Piano barge ayant fait valoir que la police litigieuse n'avait pas pour objet la garantie de "risques maritimes", au sens de l'article L. 171-1, 1°, du code des assurances qui définit le contrat d'assurance maritime, en ce que "les travaux réalisés dans un chantier ne correspondent ni à l'exécution d'une expédition maritime, ni à l'exécution d'un contrat de transport de marchandise par voie maritime, opérations qui relèvent, pour leurs parts, des "risques maritimes" pour lesquels un régime d'assurance spécifique est prévue", ce dont il résultait que, la police souscrite n'étant pas une assurance maritime régie par le titre septième du code des assurances, était applicable l'article R. 112-1 du même code dont la police relevait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 171-1, 1° du code des assurances et R. 112-1 du même code : 6. Il résulte des dispositions d'ordre public du second de ces textes, selon lequel les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code. 7. Il est fait exception à cette règle lorsqu'il est établi que la police d'assurance a pour objet de garantir l'un des risques énumérés au premier de ces textes, dont les risques maritimes, lesquels relèvent des règles énoncées au titre VII du code précité. 8. Constitue un risque maritime, tout risque qui peut se produire au cours de la navigation maritime quelqu'en soit la cause. 9. Pour écarter l'application de l'article R. 112-1 du code des assurances au sinistre survenu au cours des opérations de rénovation du bateau, après avoir relevé que la société Le Piano barge avait souscrit le 3 septembre 2010 une police d'assurance maritime corps de navire ainsi qu'un avenant stipulant l'extension de la garantie aux risques construction de navire à compter du mois de décembre 2011 et qu'à compter de cette date, la couverture avait été étendue aux conditions de la police d'assurances maritime sur corps de navire en construction (imprimée du 20 décembre 1990 modifié le 1er janvier 2002), l'arrêt retient qu'il est établi que la commune intention des parties était de souscrire une police d'assurance maritime et en matière maritime dont les actions se prescrivent par deux ans. 10. En se déterminant ainsi, sans caractériser, comme il lui incombait, les circonstances permettant de qualifier de risques maritimes, exclus de l'application des dispositions d'ordre public de l'article R. 112-1 du code des assurances, les opérations couvertes par l'avenant au contrat d'assurances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée. Condamne les compagnies d'assurances Generali IARD, MMA IARD, MMA IARD assurances mutuelles, Axa XL Insurance Company (UK) Limited, anciennement dénommée Catlin Insurance Company (UK) Limited, Tokio Marine Kiln Syndicate 510 syndicat des Lloyds de [Localité 6] et Italiana Assicurazioni E Riassicurazioni PA – SIAT aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Le Piano barge la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
TRANSPORTS
Il résulte des dispositions d'ordre public de l'article R. 112-1 du code des assurances que les polices d'assurance relevant des branches 1 à 17 de l'article R. 321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code. Il est fait exception à cette règle lorsqu'il est établi que la police d'assurance a pour objet de garantir l'un des risques énumérés au premier de ces textes, dont les risques maritimes, lesquels relèvent des règles énoncées au titre VII du code précité. Constitue un risque maritime tout risque qui peut se produire au cours de la navigation maritime, quelle qu'en soit la cause
JURITEXT000048210978
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 10 octobre 2023, 23-83.511, Publié au bulletin
2023-10-10 00:00:00
Cour de cassation
C2301274
Cassation
23-83511
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-06-01
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry
M. Bonnal
SCP Melka-Prigent-Drusch
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01274
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Y 23-83.511 F-B N° 01274 MAS2 10 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 10 OCTOBRE 2023 M. [Z] [K] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 1er juin 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'agressions sexuelles en récidive, consultation habituelle d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition l'image ou la représentation pornographique d'un mineur et exercice d'activité professionnelle ou sociale malgré interdiction judiciaire, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 17 août 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [Z] [K], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 31 mai 2022, M. [Z] [K] a été mis en examen de certains des chefs susvisés et placé en détention provisoire, avant d'être supplétivement mis en examen des autres chefs au cours de l'information. 3. L'avis de fin d'information a été délivré le 17 mars 2023. 4. Le 14 avril suivant, M. [K] a déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête en nullité formée le 14 avril 2023, alors : « 1°/ que sont recevables à présenter une requête en nullité sur le fondement du troisième alinéa de l'article 173 du code de procédure pénale les parties qui, dans un délai de quinze jours à compter soit de chaque interrogatoire ou audition réalisé au cours de l'information, soit de l'envoi de l'avis de fin d'information, ont faire connaître au juge d'instruction, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81, qu'elles souhaitaient exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale ; que pour déclarer la requête en nullité de M. [K] irrecevable, la chambre de l'instruction a retenu que ce dernier n'avait pas fait connaître son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale après son interrogatoire du 6 janvier 2023 ni dans les 15 jours suivant l'avis de fin d'information notifié le 17 mars 2023 ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si cette déclaration d'intention n'avait pas été valablement effectuée dans les 15 jours de l'interrogatoire de première comparution de M. [K], en date du 31 mai 2022, ce qui rendait sa requête en nullité recevable, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 175 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 ; 2°/ que si une partie a demandé d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties ; que la chambre de l'instruction a constaté qu'après que l'avis de fin d'information ait été notifié aux parties le 17 mars 2023, « le 20 mars 2023, Maître Berruex avocate de [X] [I] faisait connaître son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale » (arrêt attaqué, p. 6 avant-dernier §) ; qu'en déclarant pourtant la requête en nullité de M. [K] irrecevable, motif pris que ce dernier n'aurait pas fait connaître dans les délais son intention d'exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé les articles 175 et D. 40-1-1 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 175, III, et D. 40-1-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte du premier de ces textes que les parties qui souhaitent exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de cet article doivent, dans les quinze jours à compter de chaque interrogatoire ou audition ou de l'envoi de l'avis de fin d'information, faire connaître leur intention en ce sens au juge d'instruction, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81 dudit code. 7. Il résulte du second que, si une partie à la procédure a demandé à exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties. 8. Pour déclarer irrecevable la requête en nullité du demandeur, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci a été interrogé par le juge d'instruction le 6 janvier 2023, que son conseil n'a pas fait connaître son intention d'exercer un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 et qu'il n'a pas non plus fait connaître ses intentions dans les quinze jours de l'avis de fin d'information notifié le 17 mars 2023. 9. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 10. En effet, d'une part, les juges ont omis de prendre en compte la déclaration d'intention que M. [K] avait régulièrement effectuée auprès du greffe, par l'intermédiaire de son avocat, le 10 juin 2022, dans les quinze jours de son interrogatoire de première comparution qui avait eu lieu le 31 mai 2022, cette déclaration mentionnant qu'il souhaitait notamment exercer son droit de présenter une requête en nullité. 11. D'autre part et en tout état de cause, du fait de la déclaration d'intention d'exercer les droits prévus aux IV et VI de l'article 175 du code de procédure pénale régulièrement effectuée le 20 mars 2023 par l'une des parties civiles dans les quinze jours de l'envoi de l'avis de fin d'information réalisé le 17 mars précédent, M. [K] ne pouvait se voir opposer un quelconque défaut de déclaration d'intention, la déclaration d'une partie à cette fin ayant pour effet de supprimer cette exigence préalable pour toutes les autres parties. 12. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry, en date du 1er juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION
Il résulte de l'article 175, III, du code de procédure pénale que les parties qui souhaitent exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de cet article doivent, dans un délai de quinze jours à compter de chaque interrogatoire ou de l'envoi de l'avis de fin d'information, faire connaître leur intention en ce sens, selon les modalités prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article 81 dudit code. Il résulte encore de l'article D. 40-1-1 du même code que, si une partie à la procédure a demandé à exercer l'un ou plusieurs des droits prévus aux IV et VI de l'article 175 précité, les dispositions concernées des IV et VI de cet article sont applicables à l'ensemble des parties. Dès lors, encourt la censure l'arrêt qui, pour déclarer, après l'envoi de l'avis de fin d'information, la personne mise en examen irrecevable en sa requête en nullité à défaut de déclaration d'intention, d'une part, omet de prendre en compte la déclaration d'intention d'exercer les droits prévus aux IV et VI de l'article 175 régulièrement effectuée par cette personne dans les quinze jours de son interrogatoire de première comparution, d'autre part, ne tient pas compte de la déclaration d'intention régulièrement effectuée par une autre partie
JURITEXT000048465495
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 14 novembre 2023, 23-85.051, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
C2301465
Cassation
23-85051
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-06-29
Cour d'appel de Nimes
M. Bonnal (président)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01465
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° X 23-85.051 F-B N° 01465 MAS2 14 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [E] [Y] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 29 juin 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui du chef de vols aggravés, a rejeté sa demande de mise en liberté. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [E] [Y], et les conclusions de M. Lagauche, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, M. Samuel, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le tribunal correctionnel, après avoir déclaré M. [E] [Y] coupable du chef susvisé, l'a condamné à six ans d'emprisonnement et a décerné à son encontre un mandat d'arrêt, mis à exécution le 9 novembre 2022. 3. M. [Y] et le ministère public ont relevé appel de cette décision. 4. Le 16 mars 2023, M. [Y] a formé une demande de mise en liberté. Examen des moyens Sur le premier moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de mise en liberté de M. [Y], alors « que la chambre des appels correctionnels juge à l'audience sur le rapport oral d'un conseiller, l'énoncé de ce rapport constituant une formalité substantielle dont l'accomplissement s'impose et doit être expressément constaté ; que ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience portent mention de ce que l'affaire a été jugée sur le rapport oral de la conseillère ; que la cour a violé les articles 199, 216 et 513 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 513 du code de procédure pénale : 7. Selon ce texte, l'appel est jugé sur le rapport oral d'un conseiller. 8. Cette formalité substantielle, nécessaire à l'information de la juridiction saisie et des parties, doit être accomplie, à peine de nullité, avant tout débat. 9. Ces dispositions sont applicables lorsque la cour d'appel est saisie d'une demande de mise en liberté en application de l'article 148-1, alinéa 2, du même code. 10. Ni l'arrêt attaqué ni les notes d'audience visées par le greffier, faisant mention d'un simple exposé de la demande, ne permettent à la Cour de cassation de s'assurer qu'un rapport oral, ayant permis de faire connaître aux juges d'appel et aux parties les éléments de la cause, a été effectué à l'audience par un conseiller. 11. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 29 juin 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048465499
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 22-87.336, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301261
Cassation sans renvoi
22-87336
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-11-18
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes
M. Bonnal
SARL Cabinet Rousseau et Tapie
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01261
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-87.336 FS-B N° 01261 MAS2 21 NOVEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 Mme [H] [J], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 18 novembre 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 4 janvier 2022, pourvoi n° 21-81.626), dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs de harcèlement moral et mise en danger de la vie d'autrui, a prononcé sur la demande d'annulation de pièces de la procédure formée par le juge d'instruction et a constaté l'extinction de l'action publique. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [H] [J], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, MM. Maziau, Seys, Dary, Mmes Thomas, Chaline-Bellamy, M. Hill, conseillers de la chambre, Mme Merloz, conseiller référendaire, M. Croizier, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le [Date décès 1] 2013, [W] [Y], major, s'est donné la mort avec son arme de service dans la brigade de gendarmerie de [Localité 2], dans le ressort du tribunal de grande instance du Mans. Une enquête préliminaire a été ouverte. Le 27 janvier 2014, le procureur de la République du Mans a classé l'affaire sans suite. 3. Le 30 janvier 2014, Mme [H] [J], compagne de [W] [Y], et M. [U] [Y], frère de ce dernier, ont déposé plainte auprès du procureur de la République des chefs de harcèlement moral au sein de la brigade de gendarmerie précitée et mise en danger de la vie d'autrui. 4. Le 5 février 2014, le procureur de la République du Mans a ouvert une information des chefs rappelés ci-dessus, et plusieurs actes d'enquête ont été accomplis sur commission rogatoire. 5. Par ordonnance de soit-communiqué du 29 février 2016, le juge d'instruction du Mans a sollicité les réquisitions du procureur de la République aux fins d'avis sur la compétence de la juridiction militaire de Rennes. 6. Le 1er mars 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance du Mans a requis en ce sens et, par ordonnance du 4 avril 2016, le juge d'instruction dudit tribunal s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance à compétence militaire de Rennes. 7. Le 25 avril 2016, le procureur de la République près cette juridiction a renvoyé la procédure au procureur de la République du Mans au motif que la juridiction de droit commun était compétente pour connaître des faits commis par les militaires de la gendarmerie dans leurs missions de police judiciaire ou de police administrative, en application de l'article 697-1, alinéa 3, du code de procédure pénale. 8. Le 9 mai 2016, le juge d'instruction a indiqué au procureur de la République du Mans que les agissements dénoncés pour lesquels au moins un militaire de la gendarmerie était mis en cause, s'ils étaient établis, ne relevaient ni de la police judiciaire ni de la police administrative mais des fonctions de commandement d'une unité de gendarmerie et qu'ainsi l'ordonnance d'incompétence du 4 avril 2016 était maintenue. Le juge d'instruction a ajouté qu'en cas de conflit de compétence, il était possible de recourir à la procédure de l'article 659 du code de procédure pénale. 9. Le 14 décembre 2016, le procureur de la République du Mans a écrit à nouveau au procureur de la République de Rennes pour lui demander de bien vouloir se saisir. 10. Le 14 mars 2017, ce dernier a retenu sa compétence et classé le dossier sans suite pour absence d'infraction. 11. Par courrier du 10 décembre 2018, la partie civile a informé le président du tribunal de grande instance de Rennes de l'absence de demande d'avis au ministère de la défense et de l'absence dudit avis au dossier de la procédure, et a exposé qu'il convenait en conséquence de désigner un juge d'instruction, pour permettre à celui-ci de saisir la chambre de l'instruction, aux fins de voir constater la nullité du réquisitoire introductif. 12. Un juge d'instruction a été désigné le 30 avril 2019, qui, après avoir obtenu les réquisitions du ministère public, a saisi le 18 juillet 2019 la chambre de l'instruction pour faire constater la nullité du réquisitoire introductif et des actes subséquents. Examen des moyens Sur le second moyen 13. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 14. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a retenu que l'article 698-1 du code de procédure pénale est conforme aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, a prononcé la nullité des actes d'information cotés D 405 à D 1336, a dit que ces actes annulés seront retirés du dossier d'information et classés au greffe de la cour et qu'il sera interdit d'y puiser aucun renseignement contre les parties aux débats, et a constaté la prescription de l'action publique, alors : « 2°/ que la sanction de nullité du réquisitoire introductif et de tous actes subséquents effectués par le juge d'instruction pour défaut de recueil par le ministère public de l'avis du ministre de la défense ou de l'autorité habilitée par lui, dès lors qu'elle entraîne la prescription de l'action publique pour les délits visés par la plainte de la partie civile, est disproportionnée au but poursuivi par l'article 698-1 du code de procédure pénale ; qu'en retenant néanmoins que la nullité prévue par le texte n'est pas manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi de mieux prendre en compte les spécificités et contraintes propres aux métiers des armes, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que les atteintes aux droits de l'homme doivent être proportionnées au but légitime poursuivi ; qu'en retenant que la nullité prévue par l'article 698-1 du code de procédure pénale n'est pas « manifestement » disproportionnée à l'objectif poursuivi de mieux prendre en compte les spécificités et contraintes propres aux métiers des armes, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme : 15. Il résulte de ce texte que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial qui décidera, notamment, des contestations sur ses droits en matière civile, ce qui inclut le droit de saisir un tribunal en cette matière. 16. La Cour européenne des droits de l'homme juge que ce droit n'est pas absolu et se prête à des limitations ; que, néanmoins, les limitations ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, de telles limitations ne se concilient avec l'article précité que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. 17. Elle juge également que, lorsque l'ordre juridique interne offre un recours au justiciable visant la protection d'un droit de caractère civil, comme la possibilité de se constituer partie civile dans le cadre d'une procédure pénale, ainsi que le permet l'article 698-2 du code de procédure pénale, l'État a l'obligation de veiller à ce que celui-ci jouisse des garanties fondamentales de l'article 6 précité, et ce, même lorsqu'il serait ou aurait été loisible à celui-ci, à la lumière des règles internes, d'introduire une action différente (CEDH, arrêt du 1er mars 2011, Lacerda Gouveia et autres c. Portugal, n° 11868/07, § 73). 18. En l'espèce, pour dire que l'article 698-1 du code de procédure pénale est conforme aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, prononcer la nullité des actes cotés D 405 à D 1336 et constater la prescription de l'action publique, l'arrêt attaqué énonce que la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire et la formalité de l'avis préalable prévu à l'article 698-1 précité sont justifiées par la spécificité des métiers des armes et par la nécessité de prévenir une déstabilisation de l'armée par l'enclenchement abusif de l'action publique par la partie civile. 19. Les juges précisent que l'objet de l'article 698-1 susmentionné est de renseigner l'autorité de poursuite sur les circonstances particulières de l'affaire, le contexte opérationnel et la personnalité des militaires susceptibles d'être mis en cause. 20. Ils ajoutent que l'exigence d'une demande d'avis, lequel ne lie pas le ministère public, qui peut d'ailleurs passer outre s'il n'est pas donné au-delà d'un mois, ou en cas de crime ou délit flagrant, n'est donc pas de nature à entraver le cours de la justice. 21. Ils soulignent que cet avis est édicté dans l'intérêt de toutes les parties, y compris de la partie civile, dès lors qu'il est susceptible de donner des éléments permettant d'apprécier l'éventuelle faute, voire le lien de causalité entre la faute et le préjudice allégué. 22. Ils énoncent que la nullité prévue par le texte n'est pas manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi par cet avis essentiel pour la prise en compte des spécificités et contraintes propres au métier des armes. 23. Ils en déduisent que l'article 698-1 du code de procédure pénale ne méconnaît pas les principes découlant de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. 24. Ils ajoutent que n'est pas non plus méconnu l'article 13 de la Convention dès lors que, d'une part, si la partie civile ne peut user de la voie de la citation directe, cette limitation n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi de la limitation des poursuites pénales abusives, d'autre part, si les conditions sont réunies, la personne qui se dit victime voit son accès au juge garanti devant la juridiction civile. 25. En prononçant ainsi, si la chambre de l'instruction a exactement conclu que l'article 698-1 du code de procédure pénale était applicable à la procédure, s'agissant de faits susceptibles d'avoir été commis par des militaires de la gendarmerie dans l'exercice du service, mais qui ne participent pas de leurs fonctions relatives à la police judiciaire ou à la police administrative, et qu'en conséquence le procureur de la République aurait dû saisir pour avis le ministre de la défense avant tout acte de poursuite, elle a néanmoins méconnu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et le droit à un procès équitable, pour les motifs qui suivent. 26. L'article 698-1 du code de procédure pénale, en ce qu'il subordonne, à peine de nullité, et hors les exceptions qu'il énumère, la mise en mouvement de l'action publique à la saisine préalable pour avis par le procureur de la République du ministre de la défense, constitue pour la partie civile une restriction de son droit à l'accès au juge garanti par l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. 27. La demande d'avis préalable à toute poursuite poursuit le but légitime de bonne administration de la justice en ce qu'elle vise à garantir que puissent, le cas échéant, être portées à la connaissance de l'institution judiciaire les spécificités du contexte militaire des faits à l'origine de la poursuite ou des informations particulières relatives à l'auteur présumé eu égard à son état militaire. La sanction de la nullité, destinée à assurer l'effectivité de cette obligation, est elle-même conforme au but légitime de la prééminence du droit, les poursuites pouvant être reprises, en cas d'annulation de la procédure, après régularisation, par le ministère public, de la demande d'avis initialement omise. 28. Il appartient dès lors à la Cour de cassation de vérifier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la restriction critiquée est proportionnée au but légitime poursuivi. 29. Dans le cas d'espèce, et ainsi que le soutenait la demanderesse dans son mémoire devant la chambre de l'instruction, l'absence de tout acte d'information valable, pendant plus de trois ans, faute de demande d'avis au ministre de la défense, a conduit à la prescription de l'action publique, de sorte que son droit d'accès à un tribunal est atteint dans sa substance même. 30. Cette atteinte est imputable à la carence des autorités de poursuite qui ont omis de saisir le ministre de la défense dès le stade du réquisitoire introductif, alors qu'il résultait clairement de la plainte qu'étaient dénoncés des faits de harcèlement moral et mise en danger d'autrui dans le cadre du commandement d'une brigade de gendarmerie, et qui ont laissé se poursuivre cette information judiciaire, durant plus de trois ans, sans régularisation de la demande d'avis initialement omise, ni la partie civile ni même le juge d'instruction ne pouvant pallier cette carence. 31. Enfin, l'action dont serait titulaire la demanderesse devant la juridiction compétente pour connaître de la réparation de son préjudice ne saurait être regardée comme de nature à ouvrir un droit concret et effectif d'accès au juge, dès lors que l'engagement d'une telle procédure impliquerait la nécessité de rassembler à nouveau des éléments de preuve, démarche dont la demanderesse aurait la charge et qui pourrait être compromise du fait de l'écoulement du temps. 32. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, le prononcé de la nullité, en raison même de sa tardiveté, à une date à laquelle l'action publique était déjà prescrite, apparaît disproportionné au but légitime poursuivi par l'article 698-1 du code de procédure pénale. 33. La cassation est dès lors encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs. Portée et conséquences de la cassation 34. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 35. Le prononcé de la nullité des pièces cotées D 405 à D 1336 du fait de l'absence au dossier de l'avis du ministre de la défense étant, au regard des éléments de l'espèce, disproportionné, il y a lieu de l'écarter. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 18 novembre 2022 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT n'y avoir lieu à annulation du fait de l'absence au dossier de l'avis du ministre chargé de la défense des pièces cotées D 405 à D 1336 ; CONSTATE qu'en conséquence, l'action publique n'est pas prescrite de ce fait ; ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction du tribunal judiciaire de Rennes pour la poursuite de l'information ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
JUSTICE MILITAIRE
JURITEXT000048465501
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-81.591, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301360
Rejet
23-81591
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-02
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal (président)
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01360
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.591 F-B N° 01360 ODVS 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 2 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violences aggravées et tentative de meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 15 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Y] [J], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 14 janvier 2022, M. [Y] [J] a été mis en examen du chef de tentative de meurtre. 3. Le 13 juillet suivant, il a formé une requête en annulation de pièces portant notamment sur des opérations d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1]. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen relatif à l'exploitation des caméras de vidéo-protection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] et a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure, alors : « 1°/ d'une part résulte de l'article 60-1 du Code de procédure pénale, auquel les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure ne dérogent pas, que les enquêteurs agissant dans le cadre d'une procédure pénale, pour la poursuite d'infractions autres que celles « aux règles de la circulation » ou « relatives à l'abandon d'ordures, de déchets, de matériaux ou d'autres objets », ne peuvent se faire communiquer les images captées par les caméras de vidéoprotection du PVPP que sur réquisition adressée par le Procureur de la République, un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle d'un officier, un agent de police judiciaire ; qu'en jugeant régulière l'exploitation des caméras de vidéoprotection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] tout en constatant « que de telles réquisitions ne figurent pas au dossier », motif pris de ce que les agents ayant procédé à l'exploitation et à la conservation des images de la vidéoprotection étaient bien habilités à cette fin, quand cette habilitation n'excluait pas la nécessité de réquisitions émanant d'autorités limitativement énumérées, la Chambre de l'instruction a violé les articles 60-1 du Code de procédure pénale, 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; 2°/ d'autre part et en tout état de cause que seuls les enquêteurs dument habilités et individuellement désignés à cet effet peuvent accéder aux images issues des caméras de vidéoprotection du PVPP ; qu'en affirmant, pour écarter toute nullité des actes d'exploitation des images effectués par des policiers non habilités, que ces actes « ne sont que des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant désormais régulièrement en procédure, sans qu'il n'y ait plus besoin de faire usage de réquisitions. Ces actes sont ainsi parfaitement valides », quand le seul versement régulier d'images à la procédure ne permet pas, ensuite, leur exploitation par n'importe quel agent, la Chambre de l'instruction a violé les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure, 7, 8 et 9 de l'arrêté 2019-00079 du 24 janvier 2019 autorisant l'installation du système de vidéoprotection de la préfecture de police (PVPP), 591 et 593 du Code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la nullité des procès-verbaux d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1], l'arrêt attaqué relève que, d'une part, ne figure au dossier aucune réquisition, prévue à l'article 60-1 du code de procédure pénale pour l'enquête de flagrance, aux fins d'exploitation desdits enregistrements mais que le code de la sécurité intérieure édicte, en la matière, des règles particulières prévoyant l'habilitation d'agents à cette fin, d'autre part, les agents ayant procédé à cette exploitation étaient bien habilités. 7. Les juges ajoutent qu'il en va de même pour les officiers de police judiciaire ayant agi sur commission rogatoire. 8. Ils énoncent, également, que les actes visés aux cotes D 107 et D 160, qui ne mentionnent pas l'habilitation des officiers de police judiciaire y ayant procédé, sont des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant régulièrement en procédure, ne nécessitant pas de réquisitions. 9. Enfin, ils précisent que le code de la sécurité intérieure ne prévoit pas le contrôle d'un officier de police judiciaire lorsque l'acte est accompli par un agent de police judiciaire habilité, ce qui est le cas en l'espèce. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 11. En effet, le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1] auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale. 12. Le moyen ne saurait donc être accueilli. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
ENQUETE
Le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant d'un plan de vidéo-protection auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale
JURITEXT000048465504
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-82.891, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301427
Rejet
23-82891
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-02-24
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon
M. Bonnal (président)
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01427
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Z 23-82.891 F-B N° 01427 GM 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [S] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Lyon, en date du 24 février 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les armes, association de malfaiteurs, en récidive, et recel en bande organisée, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Chaline-Bellamy, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [S] [B], et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chaline-Bellamy, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [S] [B] a été mis en examen le 17 décembre 2021 et supplétivement le 8 mars 2022 des chefs précités. 3. Le 17 juin 2022, l'avocat de M. [B] a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en annulation d'actes de la procédure. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le troisième moyen 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de M. [B] et plus précisément le moyen tiré de l'irrégularité de la pose du dispositif de captation, fixation, transmission et enregistrement de l'image des personnes dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 4] et en particulier à l'intérieur du box 88-89 en dehors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale, alors : « 2°/ qu'il résulte de la combinaison des articles 706-95- 12, 706-96-1 et 59 du code de procédure pénale que l'autorisation que peut donner le juge des libertés et de la détention pour l'introduction dans un lieu privé en dehors des heures prévues à l'article 59 pour la mise en place d'un dispositif de captation d'images doit être expresse notamment en ce qu'elle permet cette introduction et cette mise en place entre 21 heures et 6 heures ; qu'au cas d'espèce, il ressortait des éléments de la procédure que le dispositif contesté avait été posé entre 23 heures et 6 heures alors même que l'autorisation du juge des libertés ne donnait pas d'autorisation d'introduction et de pose à un tel horaire ; qu'en retenant, pour refuser de faire droit à la demande d'annulation, que « la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux susvisés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale », quand le contrôle effectif de l'atteinte au droit au respect de la vie privée susceptible d'être causé par une telle mesure suppose que le juge des libertés et de la détention autorise spécifiquement l'introduction de nuit dans un lieu privé aux fins de sa mise en oeuvre, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 706-96-1, 59, 591 et 593 du code de procédure pénal. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la pose du dispositif technique de captation, fixation, transmission et enregistrement d'images effectuée par les enquêteurs s'étant transportés sur les lieux après 23 heures est régulière puisque le juge des libertés et de la détention a autorisé les officiers et agents de police judiciaire à s'introduire dans le box, à l'insu ou sans le consentement de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci et à la seule fin de mise en place du dispositif, et que la loi prévoit que cette autorisation permet aux enquêteurs de s'introduire dans les lieux concernés y compris hors des heures prévues à l'article 59 du code de procédure pénale. 7. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen pour les motifs qui suivent. 8. D'une part, selon l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, au cours de l'enquête préliminaire et en vue de mettre en place le dispositif technique mentionné à l'article 706-96 dudit code ou de le désinstaller, le juge des libertés et de la détention peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59 de ce même code, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. 9. L'autorisation donnée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention, prise au visa de la requête du ministère public reprenant les termes de l'article 706-96-1 précité et sur son fondement, implique, par la seule application de ce texte, la possibilité de procéder à l'opération de mise en place ou de retrait du dispositif, y compris entre 21 heures et 6 heures, sans nécessiter une autorisation spécifique en ce sens. 10. D'autre part, par son ordonnance écrite, motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant la nécessité de l'opération critiquée conformément à l'article 706-95-13 du code de procédure pénale et comportant tous les éléments prévus à l'article 706-97 dudit code permettant d'identifier les lieux privés visés en l'espèce, l'infraction qui motive la mesure ainsi que la durée de celle-ci, le juge des libertés et de la détention a assuré le contrôle effectif de l'atteinte susceptible d'être causée par une telle mesure. 11. En conséquence, le grief doit être écarté. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [B] et plus particulièrement le moyen tiré de l'irrégularité des opérations de « constatations visuelles » opérées au sein du box 88-89 situé dans le parking souterrain sis [Adresse 1] à [Localité 4], alors : « 1°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 4], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les fonctionnaires de police n'ont effectué que de simples constations visuelles ou observations, leur permettant d'installer le dispositif technique autorisé par le juge des libertés et de la détention », la chambre de l'instruction, qui a dénaturé les éléments de la procédure en sa possession, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que les enquêteurs ne peuvent, sur la base d'une autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images, effectuer d'autres actes d'enquêtes ; qu'au cas d'espèce, la défense faisait valoir que sous couvert de l'autorisation de pose d'un dispositif de captation d'images dans le box de [Localité 4], les enquêteurs avaient « examiné l'intérieur du box » à l'aide des « moyens mis à leur disposition », ce qui excédait le champ de l'autorisation ; qu'en affirmant, pour rejeter le moyen d'annulation soulevé de ce chef, que « les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box », motif impropre à écarter l'atteinte à la vie privée résultant de ce détournement de procédure, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-96-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour rejeter le moyen de nullité tiré des constatations visuelles, l'arrêt attaqué retient que M. [B] ne justifie d'aucun grief puisqu'il résulte du procès-verbal du 28 juin 2021 contesté que les simples constatations visuelles ou observations ont été réalisées afin de permettre d'installer le dispositif technique de captation d'images autorisé par ordonnance écrite et motivée du juge des libertés et de la détention, en date du 25 juin 2021, à l'intérieur du box 88-89 situé dans le parking souterrain du [Adresse 1] à [Localité 4]. 14. Les juges ajoutent que les enquêteurs n'ont procédé à aucune perquisition ni fouille sommaire à l'intérieur de ce box. 15. En statuant ainsi, et dès lors que l'officier de police judiciaire s'est limité à transcrire ses constatations visuelles faites à l'ouverture du box, régulièrement autorisée par le juge des libertés et de la détention dans les conditions fixées par l'article 706-96-1 du code de procédure pénale, préalablement à la mise en place du dispositif technique et sans qu'aucun détournement de procédure ne soit établi, la chambre de l'instruction a légalement justifié sa décision sans dénaturer les pièces du dossier ni méconnaître les dispositions conventionnelles et légales invoquées. 16. Le moyen ne peut donc être accueilli. Sur le quatrième moyen Enoncé du moyen 17. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de M. [B], en particulier le moyen relatif à l'irrégularité des interceptions téléphoniques mises en oeuvre via les prestataires de service « [3] » et « [2] », alors : « 1°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale est subordonné à une autorisation du juge des libertés et de la détention ; qu'en affirmant qu'une telle autorisation « entrait dans les attributions du procureur de la République », la chambre de l'instruction a violé les articles 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le recours à une plate-forme autre que la PNIJ pour la transmission des réquisitions et demandes adressées en application des articles 100 à 100-7 et 706-95 du code de procédure pénale est subordonné à une impossibilité de recourir à la PNIJ ; qu'en se bornant, pour dire régulier le recours à la plate-forme [3], que la demande des enquêteurs au procureur de la République faisait était motivée par la circonstance que « l'utilisation du système [3] permet une exploitation et une analyse des données data que ne permet pas la PNIJ », sans constater que le procureur de la République se serait approprié le constat d'une telle impossibilité technique, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 230-45, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 18. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que l'autorisation de recourir aux prestations de la société [3] a été expressément donnée par le procureur de la République aux enquêteurs le 4 juin 2021, dans le cadre de l'enquête préliminaire, en application des dispositions de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale. 19. Les juges ajoutent que le procureur de la République a repris à son compte, dans son autorisation de recourir à la société [3], l'impossibilité technique résultant du fait que la plate-forme nationale des interceptions judiciaires ne pouvait pas réaliser l'exploitation et l'analyse des données en DATA nécessaires à l'enquête. 20. En l'état de ces énonciations, la chambre de l'instruction n'a meconnu aucun des textes visés au moyen. 21. En premier lieu, l'autorisation d'interception, d'enregistrement et de transcription de correspondances par la voie de communications électroniques a été prise par le juge des libertés et de la détention en application de l'article 706-95 du code de procédure pénale, lequel prévoit que, pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5 et 100-8 du même code et l'exécution de la mesure, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République. 22. En deuxième lieu, selon l'article 230-45 du code de procédure pénale, sauf impossibilité technique, les réquisitions et demandes adressées notamment en application des articles 100 à 100-7, et 706-95 dudit code, sont transmises par l'intermédiaire de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires qui organise la centralisation de leur exécution. 23. Il résulte de ces textes qu'il entre dans les fonctions du procureur de la République de donner à l'officier de police judiciaire, placé sous son autorité, l'autorisation de déroger à l'article 230-45 précité. 24. Dès lors, le moyen ne peut qu'être écarté. 25. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
ENQUETE
JURITEXT000048465557
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.715, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301287
Cassation
22-86715
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-10-28
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01287
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-86.715 F B G 22-86.713 N° 01287 GM 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [E] [L] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre : - l'arrêt n° 997, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - l'arrêt n° 1002, qui a confirmé l'ordonnance de refus de mesure d'instruction complémentaire rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [L], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Leprieur, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Gouton, Brugère, Mme Chaline-Bellamy, MM. Hill, Tessereau, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mmes Merloz, Guerrini, M. Michon, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. [F] [Y] a été victime de violences le 21 juillet 2021, dont il est décédé trois jours plus tard. 3. Une information a été ouverte. M. [E] [L] et quatre autres personnes ont été mis en examen, pour meurtre, le 30 juillet 2021. 4. Le juge d'instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen. Les entretiens entre l'expert et ces dernières se sont déroulés en visioconférence. 5. M. [L] a sollicité une contre-expertise. 6. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge d'instruction a rejeté cette demande. 7. M. [L] a relevé appel. Il a déposé, en outre, le 16 mai suivant, une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l'expertise susvisée. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens Enoncé des moyens 8. Le premier moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. » 9. Le troisième moyen fait le même reproche à l'arrêt n° 1002. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. 11. Il résulte des articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, devant laquelle la procédure est écrite. 12. Cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. 13. Les arrêts attaqués visent les réquisitions du procureur général en date du 9 juin 2022 et les avis, adressés par ce magistrat, respectivement les 22 et 25 juillet, aux avocats et aux parties, les informant de ce que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l'instruction à son audience du 18 octobre 2022. 14. Malgré ces mentions incomplètes, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par ailleurs, que le greffe de la chambre de l'instruction a adressé à l'avocat de M. [L], sur sa demande, le 17 octobre 2022, la copie des deux réquisitoires du 9 juin 2022. 15. Si les mentions de l'arrêt attaqué et les constatations qui précèdent n'établissent pas que les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier de la procédure la veille de l'audience, le demandeur ne saurait s'en faire un grief dès lors qu'il en a eu connaissance en temps utile. 16. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. Le deuxième moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors : « 1°/ qu'il ne peut être recouru au cours de la procédure pénale à un moyen de communication audiovisuelle que dans les cas et selon les modalités prévues par la loi ; que si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile sont autorisés par l'article 164 du code de procédure pénale à leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats, aucune disposition légale ne leur permet d'avoir recours pour ce faire à un moyen de télécommunication audiovisuelle ; qu'est par suite entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle l'entretien avec le mis en examen a eu lieu au moyen d'un procédé de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise dont elle constatait qu'elle n'avait donné lieu à un entretien avec le mis en examen que par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 164, 706-71 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'eu égard à l'importance que représente dans le cadre d'une expertise psychiatrique et pour les droits de la défense l'entretien prévu par l'article 164 du code de procédure pénale au cours duquel l'expert peut poser des questions au mis en examen, est entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle cet entretien a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise au motif inopérant que l'entretien entre un expert psychiatre et la personne mise en examen ne constitue pas un acte de procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que les parties ne peuvent, à compter de la notification de la décision ordonnant une expertise, que demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix ; qu'en retenant qu'aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut résulter de ce que l'entretien entre l'expert psychiatre et son client a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle dès lors que la défense n'a émis aucune observation ou protestation lorsque lui a été notifiée la décision ordonnant l'expertise et mentionnant l'autorisation donnée à l'expert de procéder à l'examen du mis en examen par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale : 18. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l'estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. 19. Il s'ensuit, d'une part, que l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte. 20. D'autre part, cette disposition s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure. 21. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'occasion de l'examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale. 22. Constitue une violation des règles relatives à l'établissement et à l'administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l'examen d'une personne soit réalisé par l'expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions. 23. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées. 24. En écartant la demande d'annulation de l'expertise psychiatrique du demandeur, dont l'examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 25. La cassation est, par conséquent, encourue. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation de l'arrêt qui a rejeté la demande d'annulation aura pour conséquence d'entraîner celle de l'arrêt qui a confirmé le rejet de la demande de contre-expertise. 27. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le quatrième moyen dirigé contre ce dernier arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt n° 997 susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022 ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt n° 1002 de ladite chambre de l'instruction, du même jour ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION
JURITEXT000048465559
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-81.085, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301292
Rejet
23-81085
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-17
Cour d'appel de Paris
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01292
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.085 FS-B N° 01292 GM 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 janvier 2023, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution. Un mémoire et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a condamné M. [W] [Z] à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, et prononcé un mandat à effet différé, assorti de l'exécution provisoire. 3. M. [Z] a formé un pourvoi contre cette décision le 22 novembre 2022, en cours d'instruction. 4. Il a, par ailleurs, saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution, le 19 décembre 2022, tendant à faire juger que son pourvoi en cassation suspendait l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le pourvoi formé le 22 novembre 2022 n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, prononcé le 22 novembre 2022 et a dit que le mandat de dépôt à effet différé doit s'exécuter en application des dispositions de l'article D. 45-2-7 du code de procédure pénale au besoin avec le recours de la force publique, alors « que pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles, et à moins que la cour d'appel ne confirme le mandat décerné par le tribunal en application de l'article 464-1 ou de l'article 465, premier alinéa, ou ne décerne elle-même mandat sous les mêmes conditions et selon les mêmes règles ; que n'étant pas régi par les articles 465 et 464-1 précités, et ne constituant pas une mesure de sûreté destinée à être exécutée nonobstant l'effet suspensif d'un pourvoi en cassation, comme le sont les mandats de dépôt ou d'arrêt, mais une modalité d'exécution de la peine à laquelle le pourvoi en cassation fait obstacle, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être mis à exécution en cas de pourvoi en cassation, fusse-t-il assorti de l'exécution provisoire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 464-2 et 569 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence garantie par les articles 6 §2 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe que la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la requête de M. [Z], l'arrêt attaqué énonce que son pourvoi en cassation contre la décision de condamnation n'a pas d'effet suspensif, dès lors que le mandat de dépôt à effet différé décerné contre lui est assorti de l'exécution provisoire. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt à effet différé peut être assorti de l'exécution provisoire lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme attaché à la peine prononcée est supérieure à un an, et que les conditions de l'article 465 du même code sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce. Ils retiennent que l'exécution provisoire ainsi décidée doit conduire à l'incarcération du prévenu, comme le prévoient les articles D. 45-2-1 à D. 45-2-9 et D. 48-2-4 à D. 48-2-8 du code de procédure pénale. 7. Ils relèvent que les dispositions légales attachent des conséquences identiques au mandat de dépôt et au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, lequel présente le caractère d'une mesure de sûreté, compte tenu de l'obligation qu'il impose au condamné de se présenter dans un établissement pénitentiaire pour y être incarcéré, sous peine d'y être contraint par la force publique. 8. Ils en déduisent que l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, prévu aux articles 465 et 569 du code de procédure pénale, s'attache tant au mandat de dépôt qu'au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, tout en énonçant que les effets d'une mesure de sûreté ne sont pas suspendus par un pourvoi en cassation. 9. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les articles 465 et 569 du code de procédure pénale pour considérer que l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire n'était pas suspendue par le pourvoi en cassation. 10. En effet, ces dispositions ne s'appliquent qu'au mandat de dépôt. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 12. Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. 13. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES
JURITEXT000048465561
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.772, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301376
Rejet
23-80772
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-23
Cour d'appel de Caen
M. Bonnal (président)
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01376
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 23-80.772 F-B N° 01376 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2023, qui, pour non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [G] [I] a été poursuivi des chefs de non-représentation de son enfant mineure, la prévention visant la méconnaissance d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2019, en réalité 2014, et de soustraction de l'enfant, à l'occasion du prononcé d'une ordonnance de placement provisoire. 3. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal correctionnel l'a relaxé et a rejeté les demandes des parties civiles. 4. Le procureur de la République a relevé appel, ainsi que Mme [H] [T] et [1], parties civiles. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable du délit de non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, fait commis du 29 avril 2021 au 12 mai 2021 en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, alors : « 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. [I] était cité à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement d'une méconnaissance de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, et il ne pouvait donc être jugé sans qu'il l'ait expressément accepté sur le fondement d'une violation des dispositions du jugement de divorce prononcé le 27 mai 2016, cet acte reprendrait-il les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation s'agissant du régime des droits de visite et d'hébergement du père sur les enfants mineurs ; en l'absence de tout accord le prévenu pour être jugé au regard d'un titre de représentation totalement nouveau, qui ne constitue pas le fondement initial des poursuites, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense et excédé son pouvoir ; 2°/ qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la substitution de jugement de divorce à l'ordonnance de non-conciliation ait fait l'objet d'une discussion contradictoire ; la cour d'appel a encore violé les textes et principes précités ; 3°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré M. [I] à la fois coupable de non-représentation d'enfant mais aussi de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde, s'agissant des mêmes faits de non-représentation d'enfant et de la même intention coupable, méconnaissant ainsi le principe non bis in idem et les articles 227-5 et 227-7 du code pénal. » Réponse de la Cour 7. En condamnant le prévenu pour non-représentation d'enfant, fait commis du 29 avril au 12 mai 2021, en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014 relatives à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, l'arrêt attaqué n'a pas retenu à l'encontre du prévenu un fait nouveau, non visé par l'acte de poursuite, mais s'est borné à rectifier l'erreur contenue dans ce dernier à propos de l'élément préalable à la constitution de l'infraction, en s'assurant que la décision applicable était exécutoire. 8. Par ailleurs, il résulte des pièces de procédure que le tribunal ayant relaxé le prévenu au motif que la décision méconnue n'était pas celle visée à la prévention, le ministère public ayant relevé appel, la substitution critiquée a été mise dans le débat et a fait l'objet d'une discussion contradictoire devant la cour d'appel, ainsi que le confirment les notes d'audience. 9. Ainsi, les griefs tirés de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du code de procédure pénale ne sont pas fondés. 10. En outre, en déclarant le prévenu coupable, d'une part, de non-représentation d'enfant, s'agissant de faits commis du 29 avril au 12 mai 2021, à l'égard de Mme [H] [T], d'autre part, de soustraction d'enfant commise le 17 mai 2021, au titre d'une ordonnance de placement provisoire et au préjudice du président du conseil départemental, l'arrêt attaqué s'est prononcé sur deux faits distincts et n'a pas méconnu le principe invoqué par le moyen. 11. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en qu'il a condamné M. [I] à la peine de deux mois d'emprisonnement sans aménagement, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; dans le cas où la peine n'est pas supérieure à six mois, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit en outre motiver spécialement sa décision en établissant que la personnalité ou la situation du condamné ne permet pas cet aménagement, ou en constatant une impossibilité matérielle ; en considérant en l'espèce que seule une peine d'emprisonnement est adéquate sans même envisager une mesure alternative, tel un prononcé avec sursis, ni motiver le refus d'aménagement de la peine prononcée autrement que par l'état actuel de détention du condamné, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal et les articles 132-25 du même code, 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour condamner le prévenu à une peine de deux mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué expose d'abord sa situation familiale, sociale, ses antécédents judiciaires, relève qu'il est placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022 à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et souligne la gravité des infractions commises. 14. Les juges ajoutent qu'il est sans ressources, ce qui exclut le prononcé d'une amende, voire de jours-amende, que sa situation actuelle et la gravité des faits ne permet pas d'envisager le recours à une peine de travail d'intérêt général ou l'exécution d'un stage, que seule une peine d'emprisonnement est adéquate en ce qu'il convient de donner au prévenu un signal clair, ferme et simple. 15. Ils énoncent encore que M. [I] est actuellement détenu, ce qui ne permet pas d'envisager un quelconque aménagement de la peine dès son prononcé. 16. En statuant ainsi la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 17. En effet, d'une part, elle a indiqué en quoi la peine prononcée était indispensable et toute autre sanction manifestement inadéquate. 18. D'autre part, elle a justement retenu que la situation du condamné, placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de la peine. 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES
JURITEXT000048465563
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.078, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301378
Cassation partielle
22-86078
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-09-06
Cour d'assises de la Seine-Saint-Denis
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01378
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-86.078 F-B N° 01378 SL2 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, qui, pour meurtre et vol, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a fixé la durée de la période de sûreté aux deux tiers de celle de la peine, et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 5 septembre 2019, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [M] [V] des chefs de meurtre et vol et son renvoi devant la cour d'assises de la Seine-et-Marne. 3. Par arrêt du 19 juin 2020, ladite cour d'assises a condamné M. [V] à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle. 4. M. [V] a formé appel principal et le ministère public appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, alors : « 2°/ que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il s'en déduit que lorsqu'il a été sursis à statuer sur le sort d'un expert non comparant, le président de la cour d'assises ne saurait user de son pouvoir discrétionnaire pour donner lecture du rapport établi par celui-ci, sans que les parties aient renoncé à son audition ni qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de son absence ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats, d'une part que « [W] [T], expert régulièrement citée, a contacté le greffe de la cour d'assises et a indiqué son indisponibilité » et qu'au premier jour d'audience « la présidente sursoit à statuer sur sa comparution », et d'autre part qu'au dernier jour d'audience « Madame la présidente, agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a donné lecture du rapport des expertises psychologiques de [D] [L] et [M] [V], réalisées par Madame [W] [T], expert absente » ; qu'il ne résulte cependant d'aucune constatation ni du procès-verbal, ni de l'arrêt, que les parties aient renoncé à son audition ou qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de cette absence, le sursis ordonné n'ayant jamais été vidé ; qu'en statuant sur la base d'une telle lecture, la cour a violé les articles 310, 326, 331, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. La présidente de la cour d'assises, alors qu'il avait été sursis à statuer sur la comparution de l'expert, ne pouvait donner lecture du rapport de celui-ci avant qu'il ait été statué par la cour sur cette comparution. 8. Cependant, la défense n'a pas sollicité de donné acte, ni déposé de conclusions d'incident à l'occasion des débats devant la cour d'assises, pour invoquer cette irrégularité, alors qu'elle en avait la faculté. 9. Ainsi, le moyen, qui l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation, n'est pas recevable. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, condamné celui-ci à la peine de vingt années de réclusion criminelle, fixé aux deux tiers de la peine la durée de la période de sûreté, ordonné que le demandeur fera l'objet d'une mesure de suivi socio-judiciaire durant sept années et prononcé à son encontre une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de quinze années, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque la cour d'assises décide de porter la période de sûreté au-delà de celle qui est prévue de plein droit, elle doit le faire par décision spéciale et motivée ; qu'en l'espèce, la cour d'assises a condamné l'exposant à une peine de vingt années de réclusion criminelle, et fixé aux deux tiers de la peine la période de sûreté ; qu'aucune décision spéciale et motivée ne justifie toutefois le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine, ni dans l'arrêt, ni dans la feuille de motivation, ni dans le procès-verbal des débats ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu l'article 132-33 du code pénal et n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale : 11. Il se déduit de ces textes que, si la période de sûreté constitue une modalité d'exécution de la peine, elle présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce, de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit. 12. ll résulte de la feuille de motivation que la cour d'assises retient notamment la gravité exceptionnelle des faits et la personnalité de l'accusé, laissant craindre de nouveaux passages à l'acte, pour conclure qu'il convient de condamner l'intéressé à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, outre un suivi socio-judiciaire pendant une durée de sept ans avec injonction de soins. 13. En statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés. 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Val-de-Marne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
COUR D'ASSISES
JURITEXT000048465565
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-82.675, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301379
Annulation
23-82675
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-29
Président de la Chambre des Appels Correctionnels de Rennes
M. Bonnal (président)
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01379
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-82.675 F-B N° 01379 SL2 22 NOVEMBRE 2023 ANNULATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023, qui a déclaré non admis son appel du jugement du tribunal correctionnel l'ayant condamné, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement, et pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, trois ans d'inéligibilité, et ayant prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après débats contradictoires à l'audience du tribunal correctionnel du 31 octobre 2022, M. [M] [T] a été condamné le 9 décembre 2022, par jugement qualifié de contradictoire, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement et, pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, ainsi qu'à trois ans d'inéligibilité. Le tribunal a également prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu a interjeté appel principal le 13 janvier 2023 sur les dispositions pénales et civiles. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation de l'article 498 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré l'appel non admis, alors que le délai d'appel contre un jugement rendu à l'encontre d'un détenu qui n'a pas été extrait pour assister à son prononcé ne peut courir qu'à compter de la signification. Réponse de la Cour Vu les articles 498 et 505-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte du premier de ces textes que, si le délai d'appel court à compter du prononcé du jugement contradictoire, même si la partie dûment avertie n'était pas présente à l'audience à laquelle le jugement a été prononcé, ce n'est qu'à la condition que cette partie ne justifie pas de circonstances l'ayant mise dans l'impossibilité absolue d'être présente à la lecture de la décision et d'exercer son recours en temps utile. 7. Le prévenu détenu qui, étant présent aux débats, n'a pas été extrait de la maison d'arrêt le jour où a été prononcé le jugement, et qui n'était pas représenté par son avocat, justifie de telles circonstances. Le délai d'appel ne peut dès lors courir à son égard qu'à compter de la signification dudit jugement. 8. Si, selon le second de ces textes, l'ordonnance de non-admission d'appel du président de la chambre des appels correctionnels n'est pas susceptible de recours, il en va autrement lorsque son examen fait apparaître un excès de pouvoir. 9. Pour dire non admis l'appel, l'ordonnance attaquée retient que le prévenu a interjeté appel hors délai. 10. En statuant ainsi, alors que le prévenu, détenu, n'était ni comparant ni représenté à l'audience à laquelle avait été prononcé le jugement, ce dont il résultait que le délai d'appel ne pouvait courir qu'à compter de la signification de la décision, le président a excédé ses pouvoirs. 11. L'annulation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de l'annulation 12. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 13. Le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'a pas couru. L'appel est donc recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023 ; CONSTATE que, du fait de l'annulation prononcée, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rennes se trouve saisie de l'appel de M. [T] ; ORDONNE le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE
JURITEXT000048465567
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.575, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301382
Rejet
23-80575
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-05
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01382
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 23-80.575 F-B N° 01382 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 MM. [B] [K] et [S] [O] et le procureur général près la cour d'appel de Nancy ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 5 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de tentative de meurtre et refus d'obtempérer, aggravés, et contre le deuxième du chef de complicité de refus d'obtempérer aggravé, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [S] [O] et [B] [K], les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Y] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 5 octobre 2021, des fonctionnaires de police sont intervenus pour interpeller MM. [B] [K] et [S] [O], alors respectivement conducteur et passager d'un véhicule. A leur approche, le véhicule a démarré, a percuté et roulé sur un fonctionnaire de police qui tentait de l'interpeller, avant d'être intercepté. 3. Les deux occupants ont été placés en garde à vue, notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique. S'étonnant de la qualification juridique ainsi envisagée, M. [O] a indiqué, lors de la notification de ses droits en garde à vue, avoir craint une agression et avoir demandé, à plusieurs reprises, au conducteur d'accélérer pour fuir. L'enquêteur a retranscrit cette déclaration dans un procès-verbal de renseignements, distinct du procès-verbal de notification des droits. 4. Le lendemain, le véhicule a été visité, hors la présence des deux personnes en garde à vue, ce qui a permis la découverte de plus de 500 grammes d'héroïne. 5. Le 7 octobre 2021, une information judiciaire a été ouverte. M. [K] a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique et refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, et M. [O] pour complicité de ce dernier délit. 6. Les 6 et 7 avril 2022, MM. [K] et [O] ont sollicité l'annulation de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens proposés pour MM. [K] et [O] 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 63-1 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le procès-verbal de renseignement dans lequel l'officier de police judiciaire a recueilli les déclarations spontanées de M. [O] au moment de son placement en garde à vue, au motif qu'il n'avait pas reçu notification de son droit de se taire, alors que ce droit ne constitue pas une interdiction pour l'intéressé de s'exprimer, ni pour l'officier de police judiciaire de consigner des déclarations faites avant la notification de ce droit. Réponse de la Cour 10. Pour prononcer l'annulation du procès-verbal de renseignement relatant les déclarations spontanées de M. [O], l'arrêt attaqué énonce que son droit au silence et à l'assistance de son avocat ont été méconnus, ces déclarations ayant été faites hors procès-verbal d'audition, alors que l'intéressé se trouvait seul avec les enquêteurs et qu'il n'avait pas renoncé de manière non équivoque à être assisté d'un avocat. 11. Les juges ajoutent qu'aucune raison impérieuse tenant aux circonstances de l'espèce n'autorisait les enquêteurs à recueillir les déclarations spontanées faites par la personne gardée à vue sur les faits, sans procéder à une audition dans le respect des règles légales l'autorisant à garder le silence et à être assistée par un avocat. 12. Ils en concluent qu'il ne pouvait être dressé procès-verbal des déclarations spontanées de la personne gardée à vue, sous peine de méconnaître ses droits au silence et à l'assistance d'un avocat, qui étaient en cours de notification. 13. En prononçant ainsi, et dès lors que les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, lequel doit être écarté. Sur le second moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 14. Le moyen est pris de la violation de l'article 57 du code de procédure pénale. 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la fouille du véhicule effectuée le 6 octobre 2021, en l'absence de MM. [K] et [O], et sans qu'il leur ait été proposé de désigner un représentant pour assister à ces opérations, alors : 1°/ que l'article 57 du code de procédure pénale, qui impose ces obligations, ne s'applique qu'aux perquisitions et non aux fouilles de véhicule ; 2°/ que la chambre de l'instruction a prononcé par des motifs contradictoires, en énonçant que ce texte n'était pas applicable aux fouilles de véhicule, avant de statuer sur ce fondement. Réponse de la Cour 16. Le demandeur ne saurait critiquer une décision d'annulation d'un acte d'enquête portant sur des faits distincts de ceux objet de l'information ouverte du chef de tentative de meurtre et de refus d'obtempérer aggravé. 17. Il résulte en effet des pièces de la procédure que la fouille du véhicule, le 6 octobre 2021, avait pour seul objet la recherche de produits stupéfiants, faits qui ont été disjoints et ont donné lieu à la condamnation de MM. [K] et [O] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, par jugement non définitif du tribunal correctionnel d'Epinal du 6 mai 2022. 18. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le premier moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'expertise psychiatrique de M. [K], alors « que la personne mise en examen, interrogée par un expert, a le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés ; qu'en retenant que l'insistance de l'expert face au refus du mis en examen de répondre à ses questions n'est pas de nature à permettre de soutenir que l'expert aurait manqué au droit au silence du mis en examen, à la présomption d'innocence et à son devoir d'impartialité dans la mesure où « les droits de la défense – celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence et du droit de ne pas s'auto-incriminer –, ne s'applique pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions », la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 20. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise psychiatrique de M. [K], l'arrêt attaqué énonce, que, en application des dispositions de l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'expert psychiatre avait le droit de poser à la personne mise en examen les questions nécessaires à l'accomplissement de sa mission, hors la présence du juge d'instruction et des avocats. 21. Les juges rappellent que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, et ajoutent que les droits de la défense, celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence, ne s'appliquent pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions. 22. Ils en déduisent que l'insistance face au refus de répondre, par l'expert, qui a par ailleurs averti clairement M. [K] de sa liberté de pouvoir quitter le lieu de l'examen et des conséquences de ce refus d'examen, ne permet pas de soutenir qu'il aurait manqué au devoir d'impartialité ou au respect de la présomption d'innocence. 23. En prononçant ainsi, dès lors que, d'une part, elle a constaté que l'expert n'a pas manqué à son devoir d'impartialité ni au nécessaire respect de la présomption d'innocence et que, d'autre part, la tenue de propos incriminants par une personne mise en examen lors d'une expertise n'est pas de nature à entraîner l'annulation de celle-ci, mais uniquement à empêcher de fonder une condamnation sur lesdits propos, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 24. Dès lors, celui-ci doit être écarté. Sur le deuxième moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de MM. [K] et [O] tendant à l'annulation de l'examen médico-légal de M. [T], alors « que les dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui permet à l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, à l'agent de police judiciaire, de confier des constatations ou des examens techniques et scientifiques à des personnes qualifiées, sont édictées en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve ; que l'absence de réquisitions de l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire, peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt ; qu'en retenant que messieurs [K] et [O] seraient irrecevables à invoquer l'inexistence d'une réquisition en lien avec l'examen médico-légal de monsieur [T] lorsqu'elle constatait qu'ils avaient intérêt à en demander la nullité, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 26. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise médicale de M. [Y] [T], partie civile, l'arrêt attaqué énonce que l'absence de réquisition en vue d'examen médico-légal ne peut être invoquée que par la partie qui y a intérêt dans la mesure où cette absence ne vise pas une règle de compétence ou relative à l'organisation judiciaire et l'administration de la justice, mais constitue davantage un élément faisant corps avec l'examen médico-légal. 27. Les juges ajoutent que l'absence de réquisitions contrevient au seul droit protégé de M. [T], et en concluent que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir au regard de l'objet de la formalité dont l'irrégularité est invoquée. 28. C'est à tort que les juges ont retenu que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir, dès lors que la méconnaissance des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui garantissent la fiabilité de la recherche de l'administration de la preuve, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt. 29. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'examen médical contesté mentionne en en-tête que le médecin a été requis par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête, en date du 6 octobre 2021 dans le cadre de l'article 60 du code de procédure pénale, lequel n'impose aucune condition de forme, afin d'examiner M. [T], victime principale des faits objets des poursuites. 30. Ainsi, le moyen doit être écarté. 31. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
DROITS DE LA DEFENSE
JURITEXT000048465618
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.033, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301501
Cassation
23-85033
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-16
Cour d'appel de Colmar
M. Bonnal (président)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01501
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° C 23-85.033 F-B N° 01501 GM 21 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [M] [B] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 511 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [M] [B], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 9 décembre 2021, la cour d'appel de Colmar a condamné M. [M] [B] à six ans et un an d'emprisonnement et a ordonné son maintien en détention provisoire. 3. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt et a renvoyé la procédure devant la cour d'appel de Nancy. 4. M. [B] a présenté une demande de mise en liberté le 8 juin 2023 devant la cour d'appel de Colmar. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 5. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a constaté le dessaisissement de la cour d'appel de Colmar, et a refusé de se prononcer sur la demande de mise en liberté de M. [B], alors « que la cour d'appel, régulièrement saisie d'une demande de mise en liberté comme dernière juridiction ayant statué au fond, doit se prononcer sur celle-ci, peu important qu'ensuite de la cassation de l'arrêt de condamnation qu'elle avait prononcée, une autre cour d'appel ait été saisie du dossier sur le fond ; qu'en se déclarant dessaisie de la demande au profit de la cour d'appel de Nancy, la cour d'appel de Colmar a violé l'article 148-1 du code de procédure pénale, ensemble l'article 5, § 4, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 148-1, alinéas 2 et 3, du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ce texte qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond demeure compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté formée devant elle avant l'arrêt de la Cour de cassation. 8. Pour refuser de se prononcer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B] , l'arrêt attaqué énonce que si la demande est recevable, la cour d'appel de Colmar est dessaisie au profit de la cour d'appel de Nancy, par suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin 2023. 9. En se déterminant ainsi, alors que la demande de mise en liberté de M. [B] avait été formée le 8 juin 2023, soit antérieurement à l'arrêt de la Cour de cassation précité, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé. 10. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 11. Il appartient à la cour d'appel de Nancy, désignée comme cour d'appel de renvoi, de statuer sur la demande de mise en liberté formée par M. [B], après s'être assurée qu'elle ne l'a pas déjà fait à la suite de l'arrêt attaqué. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 16 août 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
DETENTION PROVISOIRE
JURITEXT000048465620
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-85.035, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301502
Rejet
23-85035
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-08-16
Cour d'appel de Colmar
M. Bonnal (président)
SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01502
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° E 23-85.035 F-B N° 01502 GM 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Z] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt n° 512 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, en date du 16 août 2023, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs d'escroquerie, tentative d'escroquerie, blanchiment aggravé, faux et usage, vol, en récidive, a déclaré sa demande de mise en liberté recevable et constaté son dessaisissement. Des mémoires ampliatif et personnel ont été produits. Sur le rapport de M. Hill, conseiller, les observations de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. [Z] [I], et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Hill, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [Z] [I] à été condamné à deux peines d'emprisonnement ferme de six et un an par un arrêt de la cour d'appel de Colmar du 9 decembre 2021 contre lequel il a formé un pourvoi. 3. Il est resté en détention provisoire dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation. 4. Par arrêt en date du 14 juin 2023 (Crim., 14 juin 2023, pourvoi n° 22-80.544), la Cour de cassation a cassé cet arrêt du 9 décembre 2021. 5. M. [I] a présenté une demande de mise en liberté le 27 juin 2023. Examen de la recevabilité du mémoire personnel 6. Le mémoire, qui ne vise aucun texte de loi et n'offre à juger aucun moyen de droit, ne remplit pas les conditions exigées par l'article 590 du code de procédure pénale. Il est, dès lors, irrecevable. Examen des moyens Sur le premier moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le second moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la demnde de mise en liberté de M. [I], alors « qu'en cas de pourvoi, la juridiction qui a connu en dernier lieu de l'affaire au fond est compétente pour se prononcer sur une demande de mise en liberté jusqu'à l'arrêt de cassation ; que la demande que lui adresse le détenu est recevable tant que ne lui a pas été notifié l'arrêt statuant sur son pourvoi ; qu'en déclarant irrecevable la demande qui lui était adressée le 27 juin 2023, à raison de l'intervention de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 juin précédent, sans constater que celui-ci avait été notifié à l'intéressé avant le dépôt de sa demande, la cour d'appel a violé l'article 148-1, du code de procédure pénale, ensemble l'article 5 § 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 9. Pour déclarer irrecevable la demande de mise en liberté, l'arrêt attaqué énonce que la cour d'appel de Colmar est désormais dessaisie du dossier par l'effet de l'arrêt du 14 juin 2023 de la Cour de cassation au profit de la cour d'appel de Nancy. 10. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen. 11. En effet, à la date de la demande de mise en liberté, formée le 27 juin 2023, la cour d'appel de Colmar avait été dessaisie par l'arrêt de la Cour de cassation susvisé, peu important que cet arrêt ait été notifié à l'intéressé après qu'il avait formulé sa demande. 12. Dès lors, le moyen doit être écarté. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
DETENTION PROVISOIRE
JURITEXT000048430356
JURI
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ARRET
Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 novembre 2023, 21-20.723, Publié au bulletin
2023-11-17 00:00:00
Cour de cassation
P2300672
Rejet
21-20723
oui
ASSEMBLEE_PLENIERE
Cour d'appel de Paris,
SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Le Griel
ECLI:FR:CCASS:2023:AP00672
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION VB ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE Audience publique du 17 novembre 2023 Rejet M. SOULARD, premier président Arrêt n° 672 B+R Pourvoi n° J 21-20.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 17 NOVEMBRE 2023 L'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-20.723 contre l'arrêt, rendu sur renvoi après cassation, le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC de Lorraine), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Par ordonnance en date du 8 février 2023, le premier président de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière. La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Des observations complémentaires en demande ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Des observations 1015 ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Le rapport écrit de M. Chevalier, conseiller, et l'avis écrit de Mme Mallet-Bricout, avocat général, ont été mis à disposition des parties. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, assisté de Mme Couvez, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Le Griel, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Thouin-Palat et Boucard a répliqué, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2023, où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, M. Bonnal, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, Mme Darbois, doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, doyens de chambre, Mmes Leroy-Gissinger, Guillou, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mme Bouvier, M. Dary, Mme Bacache, M. Bosse-Platière, Mme Caillard, conseillers, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-16.089), l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC) a organisé, dans ses locaux, une exposition intitulée « You are my mirror 1 ; L'infamille », à l'occasion de laquelle ont été présentés des écrits rédigés par un artiste, en ces termes : « Les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos esclaves, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous faire bouffer votre merde, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous sodomiser, et vous crucifier, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les yeux, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous couper la tête, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous vous observons, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous tuer par surprise, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous empoisonner, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, vous crèverez d'étouffement, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons égorger vos chiens, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous découper et vous bouffer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos putes, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous violer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les dents, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous coudre le sexe, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous pisser sur la gueule, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous enterrer vivants, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Nous allons baiser vos enfants et les exterminer, nous introduire chez vous, vous séquestrer, vous arracher la langue, vous chier dans la bouche, vous dépouiller, vous brûler vos maisons, tuer toute votre famille, vous égorger, filmer notre mort. » 2. Soutenant que la présentation de ces écrits, dans une exposition accessible à tous, était constitutive de l'infraction prévue et réprimée par l'article 227-24 du code pénal, l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF) a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance, qui a décidé d'un classement sans suite. 3. Invoquant, sur le fondement de l'article 16 du code civil, une atteinte portée à la dignité de la personne humaine, elle a assigné le FRAC en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 5. L'AGRIF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, qui a valeur constitutionnelle, est absolu car il résulte du primat de la personne ; qu'axiomatique, inviolable et insusceptible d'abus, il est l'essence de tous les droits fondamentaux ; qu'il s'ensuit que si un conflit peut intervenir entre de tels droits, qui ont même valeur normative, à raison d'un possible abus dans leur exercice que le juge réglera en recherchant un "juste équilibre" entre eux au regard d'un critère extérieur tiré des exigences d'une société démocratique, le principe susvisé, qui est absolu et n'a sa mesure qu'en lui-même, ne peut être mis en balance avec aucun droit fondamental, puisqu'il en est la substance et le fondement ; qu'ainsi, rien ne peut entrer en conflit avec ce principe qui n'en soit simplement la négation ; que tel était objectivement le cas des messages litigieux publiquement exposés par le FRAC de Lorraine, qui faisaient état de traitements particulièrement violents et abjects, attribués à des parents à l'égard de leurs enfants [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], et accessibles à la vue de tout enfant que, pour rejeter les demandes de réparation présentées de ce chef par l'AGRIF, ès qualités, la cour a retenu que "lorsque la dignité est appréhendée dans le contexte de la confrontation de la liberté d'expression et d'autres droits en concurrence [...], le droit au respect de la dignité ne constitue pas en soi une restriction autonome à la liberté d'expression, dont seul l'abus peut être sanctionné au terme d'un contrôle de proportionnalité avec lesdits droits en concurrence", et qu'en dépit de sa valeur constitutionnelle, ce principe n'est pas à lui seul, sans atteinte à un droit concurrent à la liberté d'expression, "un fondement autonome de restrictions de la liberté d'expression lui conférant la nature de droit concurrent et justifiant que soit effectué un contrôle de proportionnalité à ce titre" (p. 12, § 4) ; qu'en soumettant ainsi l'application du principe du respect de la dignité de la personne humaine, absolu et insusceptible d'abus, à la condition qu'il puisse avoir, à l'égard de l'exercice d'un droit fondamental susceptible d'abus, tel que le droit à la liberté d'expression, la nature d'un droit concurrent ayant même valeur normative, la cour a violé le principe susvisé et l'article 16 du code civil, ensemble l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par fausse application ; 2°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, résultant du primat de la personne, est absolu ; qu'ayant de surcroît valeur constitutionnelle, il est nécessairement normatif ; que, prenant acte de la cassation prononcée dans la présente procédure, le 26 septembre 2018, de l'arrêt de la cour de Metz qui avait dénié à l'article 16 du code civil toute valeur normative, la cour de Paris a retenu que la Cour de cassation avait alors jugé que ledit principe "est un principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; qu'en rejetant dès lors les demandes de l'AGRIF, ès qualités, tirées de la violation par le FRAC de Lorraine du principe susvisé, au motif qu'elle se fondait uniquement sur "l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil", sans avoir fait aucune application du principe solennellement énoncé par ce texte, la cour a violé ce principe par refus d'application, ainsi que l'article susvisé ; 3°/ que le juge est le gardien naturel du principe à valeur constitutionnelle selon lequel, à raison de la primauté de la personne, toute atteinte à la dignité de celle-ci est interdite ; qu'en l'espèce, la cour a explicitement admis qu'il s'agissait là d'un "principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; que, dès lors que ce principe est normatif, il était impossible à la cour de trancher le litige sans rechercher, comme elle y était invitée, si les messages mis en cause, publiés par le FRAC de Lorraine, n'étaient pas gravement attentatoires à la dignité de la personne humaine ; qu'elle ne pouvait pas, en particulier, se borner à renvoyer l'AGRIF à sa propre appréciation subjective des messages litigieux, en retenant, comme elle l'a fait, que "quand bien même [elle] estimerait l'exposition des oeuvres litigieuses attentatoires à la dignité humaine" sa demande de réparation ne pourrait pas être satisfaite (arrêt, p. 12, § 6) ; qu'en se dispensant de tout examen de cette nature, après avoir pourtant constaté qu'elle était saisie sur le fondement de la violation du principe susvisé, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil ; 4°/ que pour rejeter les demandes de réparation de l'AGRIF, dont l'objet est en particulier, statutairement (art. 2), de lutter contre "tout ce qui porte notamment atteinte à la dignité de la femme et au respect de l'enfant", la cour a fondé sa décision sur un arrêt d'assemblée plénière du 25 octobre 2019 (pourvoi n° 17-86.605, publié), en le jugeant "transposable au cas d'espèce", au motif qu'il avait "retenu que le principe érigé à l'article 16 du code civil constituait un principe à valeur constitutionnel" (arrêt, p. 11, § 4) ; que, cependant, l'arrêt ainsi visé n'avait fait aucune référence à l'article 16 du code civil, ni à la constitutionnalité du principe qu'il énonce ; qu'en outre, les circonstances du litige ayant donné lieu à cet arrêt n'avaient aucun rapport avec le présent litige, dès lors qu'était invoqué un abus du droit à la liberté d'expression lié à une injure personnelle subie, c'est-à-dire la confrontation de deux droits concurrents, tandis que la demande ici présentée par l'AGRIF, ès qualités, n'a aucun caractère personnel et vise la réparation d'une atteinte publique à la dignité de la personne humaine, droit absolu et à valeur constitutionnelle, sur le fondement exclusif de l'article 16 susvisé ; qu'il s'ensuit que cet arrêt, tant en droit qu'en fait, n'était pas transposable au cas d'espèce ; qu'en se fondant néanmoins sur cette décision pour rejeter les demandes de l'AGRIF, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil, ensemble de l'article 10 § 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°/ en toute hypothèse, que le principe de dignité de la personne humaine, inviolable et absolu, est l'essence même de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'étant ainsi le fondement et la substance de tous les droits fondamentaux garantis par cette dernière, l'exercice d'aucun de ces droits ne peut l'enfreindre sans contradiction ; qu'il s'ensuit que ce principe constitue une composante nécessaire et suffisante de protection de la morale et de la défense de l'ordre dans une société démocratique au sens des dispositions de l'article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives à la liberté d'expression, encore qu'il n'y soit pas explicitement visé ; qu'en cohérence avec ces dispositions, l'article 16 du code civil, en interdisant de manière absolue et universelle "toute atteinte à la dignité" de la personne humaine, a édicté une restriction, nécessaire dans une société démocratique, au sens de l'article 10 susvisé, à l'exercice même de la liberté d'expression ; qu'en jugeant dès lors qu'il n'était pas établi que "la dignité humaine serait une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens des dispositions de l'article 10 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l'homme", la cour d'appel a violé l'article 10 § 2 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par fausse application, ensemble l'article 16 du code civil par refus d'application ; 7°/ en toute hypothèse, que si les formes d'expression artistique volontairement provocantes sont protégées par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à la liberté d'expression qui en résulte ne permet pas tout et quiconque s'en prévaut assume, selon les termes du paragraphe 2 de l'article susvisé, des "devoirs et des responsabilités" ; que, quelle que soit l'intention supposément artistique de leur auteur, la mise en exposition, dans un espace public de messages portant atteinte à la dignité de la personne humaine, avilissant pour des enfants comme pour leurs parents, supposés les soumettre à des traitements criminels [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], constitue un usage de la liberté d'expression radicalement incompatible avec les devoirs et les responsabilités nécessairement attachés à l'exercice du droit à la liberté d'expression, que ne justifie aucun débat d'intérêt général et que n'excuse ni le goût prononcé de son auteur pour la provocation, ni son sens obsessionnel du mauvais goût et de la dégradation ; qu'en jugeant dès lors, pour rejeter les demandes de l'AGRIF, que la dignité de la personne humaine n'est pas une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens de l'article susvisé, et qu'à supposer caractérisée une atteinte à cette dignité par l'exposition des oeuvres litigieuses, cette atteinte ne constituerait pas "une limite admissible à la liberté d'expression justifiant une mesure de réparation", la cour a violé l'article 10 § 2 susvisé, ensemble l'article 1382 devenu 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 10, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. 7. La Cour européenne des droits de l'homme affirme que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun (CEDH, arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72, § 49). 8. La liberté d'expression englobe la liberté d'expression artistique, qui constitue une valeur en soi (CEDH, décision du 11 mars 2014, Jelsevar c. Slovénie, n° 47318/07, § 33) et qui protège ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une oeuvre d'art (CEDH, arrêt du 3 mai 2007, Ulusoy e.a. c. Turquie, n° 34797/02, § 42). 9. Toutefois, l'article 10, paragraphe 2, de la Convention prévoit que la liberté d'expression peut être soumise à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi, lorsque celles-ci constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. 10. Il en résulte que toute restriction à la liberté d'expression suppose, d'une part, qu'elle soit prévue par la loi, d'autre part, qu'elle poursuive un des buts légitimes ainsi énumérés. 11. Si l'essence de la Convention est le respect de la dignité et de la liberté humaines (CEDH, arrêt du 22 novembre 1995, S.W. c. Royaume-Uni, n° 20166/92, § 44), la dignité humaine ne figure pas, en tant que telle, au nombre des buts légitimes énumérés à l'article 10, paragraphe 2, de la Convention. 12. La Cour de cassation en a déduit que la dignité de la personne humaine ne saurait être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d'expression (Ass. plén., 25 octobre 2019, pourvoi n° 17-86.605, publié). 13. Au surplus, l'article 16 du code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et invoqué par la requérante, ne constitue pas à lui seul une loi, au sens de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention, permettant de restreindre la liberté d'expression. 14. Ayant relevé que l'AGRIF poursuit l'exposition des oeuvres en cause sur le seul fondement de l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil, la cour d'appel a exactement retenu que le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d'expression. 15. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne et la condamne à payer à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048430235
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-17.733, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
52302055
Cassation partielle
22-17733
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-10-27
Cour d'appel de Montpellier
Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Me Haas, SCP Richard
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02055
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2055 F-B Pourvoi n° E 22-17.733 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 avril 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [D] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-17.733 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Inter aide, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [H], de la SCP Richard, avocat de l'association Inter aide, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti le 6 août 2012 par l'association Inter aide (l'association). 2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2012 jusqu'au 24 avril 2013, après avoir contracté une amibiase, et a été rapatrié le 11 octobre 2012. 3. Le salarié a été déclaré apte à son poste le 8 juillet 2013 et a été licencié le 24 juillet suivant pour faute grave. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à l'obligation de sécurité, alors : « 1°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que, dans ses conclusions d'appel, le salarié reprochait à son employeur ses mauvaises conditions de travail et d'hébergement et de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l'eau, ce qui avait été à l'origine de la maladie tropicale qu'il avait contractée ; que, pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié ne rapporte pas la preuve que son employeur lui a fait boire de l'eau de ville mal filtrée, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille et que le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [H] reprochait également à son employeur de s'être abstenu de lui porter aide et assistance après qu'il eut contracté une maladie tropicale en Haïti ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 4121-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile : 6. Il résulte du premier de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 7. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans toutefois en apporter la preuve, et d'autre part, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que si le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire, il ne peut en imputer la faute à son employeur. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, et sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu'il avait contracté cette maladie tropicale, faute de matériel conforme, l'avait laissé livré à lui-même malade, et n'avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes. Condamne l'association Inter aide aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Inter aide à payer à Me Haas la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE
Viole l'article L. 4121-1 du code du travail, en statuant par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, retient, d'une part que celui-ci reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans en apporter la preuve, d'autre part qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'étant pas potable, il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que le salarié ne peut en imputer la faute à son employeur dès lors qu'il a manqué à cette obligation de prudence élémentaire
JURITEXT000048465527
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 20-23.640 21-13.945, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302084
Cassation partielle sans renvoi
20-23640
oui
CHAMBRE_SOCIALE
Cour d'appel de Versailles, Octobre
M. Sommer
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02084
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 2084 FS-B Pourvois n° J 20-23.640 S 21-13.945 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 I - M. [T] [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-23.640, contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] représentée par M. [P] [N], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orfi, 2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Est, dont le siège est [Adresse 1]. II - 1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Est, ont formé le pourvoi n° S 21-13.945 contre le même arrêt, dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [Y], 2°/ à la société MMJ, représentée par M. [P] [N], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orfi, Le demandeur au pourvoi n° J 20-23.640 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Les demanderesses au pourvoi n° S 21-13.945 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France Est et de l'AGS, de l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douximi, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° J 20-23.640 et S 21-13.945 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2020) et les productions, M. [Y] a été engagé à compter du 1er septembre 2008 en qualité de chef de fabrication par la société Orfi (la société), exploitant un fonds de commerce d'études et conseils, conception, réalisation de stands. 3. Par jugement du 18 mars 2016, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société. 4. Convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique qui s'est tenu le 29 mars 2016, le salarié a adhéré le 10 avril 2016 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé. 5. Sur appel de la société, ce jugement a été annulé par arrêt du 29 septembre 2016 qui, après avoir fixé provisoirement l'état de cessation des paiements à la date de l'arrêt et constaté l'impossibilité de redressement de la société, a de nouveau ouvert une procédure de liquidation judiciaire. La société MMJ, prise en la personne de M. [N], a été désignée en qualité de liquidateur. 6. Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour divers manquements de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail, notamment pour atteinte à son droit de participer à la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire des délégués du personnel. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi n° J 20-23.640, pris en ses troisième à sixième branches 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen du pourvoi n° J 20-23.640, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, alors « que selon l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal est tenu de désigner un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise, lequel a seul pouvoir pour prononcer, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17 du code de commerce, les licenciements pour motif économique des salariés de l'entreprise ; qu'ainsi, lorsque les conditions prévues par l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce sont remplies, le liquidateur judiciaire ne dispose pas du pouvoir de notifier aux salariés la rupture de leur contrat de travail qui est dévolu à l'administrateur judiciaire, et ce, quand bien même le tribunal aurait omis de désigner un tel administrateur dans le jugement prononçant la liquidation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que ''le chiffre d'affaires réalisé par la société était déjà très important en 2014 (plus de 6 millions d'euros)'' ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement conduire la procédure de licenciement et proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le chiffre d'affaires réalisé par la société imposait la désignation d'un administrateur judiciaire qui seul pouvait mener la procédure de licenciement et proposer le contrat de sécurisation professionnelle au salarié, de sorte que le liquidateur judiciaire n'avait pas pouvoir pour cela et que, par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 641-10 du code de commerce, si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Elle peut être prolongée à la demande du ministère public pour une durée fixée par la même voie. Lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, ce délai est fixé par le tribunal en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées. Le liquidateur administre l'entreprise. Dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, il peut procéder aux licenciements. Le cas échéant, il prépare un plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation, en reçoit et en distribue le prix. Toutefois, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise. Dans ce cas, l'administrateur exerce les prérogatives conférées au liquidateur par les articles L. 641-11-1 et L. 641-12. Il prépare le plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation et, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, peut procéder aux licenciements. 10. Il en résulte qu'en l'absence de maintien de l'activité, il n'y a pas lieu de désigner un administrateur judiciaire, quand bien même l'un des seuils du nombre de salariés ou du chiffre d'affaires serait atteint. 11. Le moyen, qui manque par le fait qui lui sert de base, dès lors qu'il ne ressort pas des constatations de l'arrêt et des productions que le tribunal de commerce a autorisé le maintien de l'activité de l'entreprise, n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi n° J 20-23.640, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'annulation du jugement de liquidation judiciaire de l'employeur prive de fondement et d'effet les licenciements pour motif économique prononcés en vertu de cette décision par le liquidateur judiciaire, qui sont ainsi dépourvus de cause réelle et sérieuse ; qu'il n'en va autrement que lorsque la cour d'appel annulant ce jugement ouvre par la même décision une liquidation judiciaire et que la date de cessation des paiements de la société est fixée à une date antérieure à celle de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 29 septembre 2016, annulé le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 18 mars 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Orfi, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 16 octobre 2015 et désignant M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire et, statuant à nouveau, a constaté l'état de cessation des paiements, fixé la date de celle-ci au jour de sa décision et, estimant le redressement de la société Orfi manifestement impossible, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire son profit ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la date de cessation des paiements était fixée au 29 septembre 2016, soit à une date postérieure à la rupture du contrat de travail, intervenue en suite de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 10 avril 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 640-1 et L. 641-4 du code de commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 13. Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer. 14. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. 15. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 avait, après annulation du jugement du tribunal de commerce, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire. 16. Elle en a exactement déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi n° S 21-13.945, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA Île-de-France Est font grief à l'arrêt de fixer au passif de la société une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel subi par le salarié pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi, de dire la décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France Est dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables, alors « que la méconnaissance par l'employeur de ses obligations en matière d'organisation de la totalité des réunions des institutions représentatives du personnel présentes dans l'entreprise ne constitue pas un préjudice dont un salarié peut réclamer l'indemnisation, en ce qu'elle ne peut conduire à le priver d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, mais relève d'un manquement à l'égard des institutions mises en place permettant seulement à ces dernières de poursuivre l'employeur au titre d'un délit d'entrave ; qu'en décidant que le salarié pouvait être indemnisé au titre du défaut de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. » Réponse de la Cour Vu les articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 2315-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 : 19. Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct. 20. Pour fixer une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société et déclarer cette créance opposable à l'AGS, l'arrêt retient qu'il est établi que seules trois réunions des délégués du personnel se sont tenues entre septembre 2015 et février 2016, quand la situation de l'entreprise et les questions de l'ensemble du personnel sur son devenir justifiaient a minima la tenue chaque mois d'une réunion, telle que prévue par l'ancien article L. 2315-8 du code du travail, que les interrogations du personnel sont restées pour partie sans réponse, tandis que la société a été placée en liquidation judiciaire dès le mois de mars 2016 et que le salarié a finalement été licencié pour motif économique le 31 mars 2016. 21. Il ajoute que le salarié, qui produit ses relevés de compte ainsi que ses courriels des 4 septembre, 5 octobre et 11 décembre 2015 aux termes desquels il signale aux délégués du personnel soit qu'il n'a pas encore été payé de son salaire, soit qu'il vient juste de recevoir le chèque correspondant au paiement du salaire du mois passé, a été privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts et a subi, du fait du non-respect par son employeur de ses obligations à l'égard des institutions représentatives du personnel, un préjudice propre et direct qui justifie l'allocation de dommages-intérêts. 22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 23. Sur suggestion des demandeurs au pourvoi n° S 21-13.945, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 25. Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande du salarié en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l'absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et de mettre hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France Est de ce chef de demande. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi n° J 20-23.640 ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société Orfi la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice personnel subi par M. [Y] pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et dit sa décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France Est dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail et des articles D. 3253-5 et suivants du code du travail, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare irrecevable la demande de M. [Y] en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l' absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi ; Met hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France Est de ce chef de demande. Condamne M. [Y] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE
Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. Est en conséquence approuvé, l'arrêt qui, après avoir relevé que la cour d'appel avait, après annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire, en déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective
JURITEXT000048465529
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-19.282, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302091
Cassation partielle
22-19282
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-07-07
Tribunal judiciaire de Fontainebleau
M. Sommer (président)
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SARL Cabinet Briard
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02091
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT HP COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2091 FS-B Pourvoi n° P 22-19.282 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ Le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie, dont le siège est [Adresse 5], 2°/ le comité social et économique de l'UES [K], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-19.282 contre le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant : 1°/ à la société A. [K] SAS, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Centre Couronnais de maintenance, société à responsabilité limitée, 3°/ à la société Sterna, société par actions simplifiée unipersonnelle, 4°/ à la société Ardea, société par actions simplifiée, ayant toutes les quatre leur siège est [Adresse 2], 5°/ à la société des Transports de la Bassée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], 6°/ à la société Gael centre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 7°/ à la société Ile de France transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], 8°/ à la société Mormantaise de maintenance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], 9°/ à la société Gaël, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], 10°/ à la société Gaël Rhône, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12], 11°/ à la société Gaël Parisud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], 12°/ M. [D] [K], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur amiable de la société Gaël Parisud, 13°/ à la société BQ Trans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 14°/ à la société Loveti, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], 15°/ à la société Transpevrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11], 16°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et du comité social et économique de l'UES [K], de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés A. [K]SAS, Centre couronnais de maintenance, et Sterna, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Fontainebleau, 7 juillet 2022), le 13 avril 2022, le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie (le syndicat) et le comité social et économique de l'UES [K] (le comité) ont saisi le tribunal judiciaire pour solliciter la constitution d'un comité de groupe au sein d'un groupe devant être composé entre les sociétés A.[K] SAS, Centre couronnais de maintenance, Sterna, Ardea, des transports de la Bassée, Gael centre, Ile de France transports, Mormantaise de maintenance, Gael, Gael Rhône, Gael Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac, en soutenant que M. [K] devait être considéré comme entreprise dominante puisque détenant toutes les sociétés à hauteur d'au moins 97 %, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la société [K] qu'il détient à 100 %. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Le syndicat et le comité font grief au jugement de les débouter de leurs demandes tendant à la constatation de l'existence d'un groupe et la constitution d'un comité de groupe entre les sociétés A. [K] SAS, Centre couronnais de Maintenance (CCM), Sterna, Ardea, société des transports de la Bassée (STB), Gael Centre, Ile de France Transport (SIFTRA), Morentaise de Maintenance (S2M), Gael, Gael Rhône, Gael Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac, alors « qu'un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'une personne physique doit, au même titre qu'une personne morale, être considérée comme en contrôlant une autre dès lors qu'elle remplit les conditions visées à l'article L. 233-3 du code de commerce ; qu'en rejetant la demande de constitution d'un comité de groupe au sein du périmètre des entreprises contrôlées, directement ou indirectement, par M. [D] [K], aux motifs erronés que la loi vise une entreprise dotée d'un siège social, et non une personne physique, et que le législateur n'a pas entendu élargir la notion d'entreprise dominante à une personne physique, le tribunal a violé les articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce : 3. L'article L. 2331-1 du code du travail dispose que : « I. - Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. II. - Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique. L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement : - peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; - ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ; - ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise. Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante. » 4. Aux termes de l'article L. 233-3, I, du code de commerce, toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. 5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2331-4 du code du travail, ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations. 6. A cet égard, la Cour de cassation juge que, si l'article L. 2331-4 du code du travail exclut notamment de la qualification d'entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées au point c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, c'est à la condition, toutefois, que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c'est-à-dire à la condition, précisée par l'article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil auquel renvoient les dispositions du règlement précité, que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales (Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.723, publié). 7. Il en résulte que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe. 8. Pour rejeter la demande du syndicat et du comité de constitution d'un comité de groupe, le jugement retient que les dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail visent une entreprise, dotée d'un siège social, et non une personne physique et que rien ne permet de considérer que le législateur a entendu élargir cette notion d'entreprise dominante à une personne physique. 9. En statuant ainsi, par un motif erroné, alors qu'il lui incombait de rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d'activité, étaient sous le contrôle et la direction de M. [K], de sorte que celui-ci devait être considéré comme l'entreprise dominante du groupe, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et le comité social et économique de l'UES [K] de leurs demandes, le jugement rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Fontainebleau ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés A. [K] SAS, Sterna et Centre couronnais de maintenance et condamne les sociétés A. [K] SAS, Sterna, Centre couronnais de maintenance, Ardea, des transports de la Bassée, Gael centre, Ile de France transports, Mormantaise de maintenance, Gael, Gael Rhône, Gael Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac à payer au syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et au comité social et économique de l'UES [K] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
REPRESENTATION DES SALARIES
Il résulte des articles L.2331-1 du code du travail et L.233-3, I, du code de commerce, combinés à l'article L.2331-4 du code du travail, que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L.233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe
JURITEXT000048465531
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-11.238, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302095
Cassation partielle
22-11238
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-03-05
Cour d'appel d'Aix en Provence
M. Sommer (président)
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02095
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2095 FS-B Pourvoi n° V 22-11.238 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Thales Dis France, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Gemalto, a formé le pourvoi n° V 22-11.238 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant au syndicat CGT Gemalto Sud, dont le siège est chez M. [K] [M], [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Thales Dis France, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du syndicat CGT Gemalto Sud, les plaidoiries de Me Waquet et de Me Bouniol-Brochier, et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Monge, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, M. Rouchayrole, Mme Bouvier, M. Flores, Mmes Deltort, Bérard, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Lanoue, Thomas-Davost, Techer, Ollivier, Rodrigues, Arsac, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2021), le 15 juillet 2014, le syndicat CGT Gemalto Sud (le syndicat) a saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit jugé que les augmentations générales des salaires au sein de la société Thales Dis France (la société) soient opérées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, qu'il soit ordonné, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire sur trois ans, pour obtenir le paiement de dommages-intérêts et, subsidiairement, qu'il soit ordonné une expertise. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat tendant à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique Enoncé du moyen 2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat en ce qu'elle tend à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, alors « que n'est pas recevable l'action en justice d'un syndicat visant, sous couvert d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, à défendre en réalité exclusivement les intérêts particuliers de quelques salariés ; qu'en considérant que l'augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire pour tous les salariés et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié permet de caractériser une inégalité de traitement en se fondant sur la circonstance que M. [F], M. [M], M. [X], Mme [U] et Mme [D], salariés exerçant tous la fonction d'opérateur relevant de la catégorie "ouvriers" et ayant tous engagé une procédure prud'homale fondée sur le fait qu'ils auraient été victimes d'une inégalité de traitement ou d'une discrimination dès lors qu'une partie de leurs salaires aurait été fixée de manière discrétionnaire par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 3. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 4. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. 5. L'arrêt retient que l'action du syndicat tend, sur le fondement de l'égalité de traitement, à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique. 6. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du syndicat, qui tend à la reconnaissance d'une irrégularité au regard du principe de l'égalité de traitement et à mettre fin à cette irrégularité, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de condamner l'employeur au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de le condamner au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat, alors « que la décision unilatérale de l'employeur de procéder à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que les salaires des opérateurs qui relèvent. de la catégorie ''ouvriers'' dépendent en partie de formations laissées à la libre appréciation de l'employeur, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une inégalité de traitement, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ensemble le principe d'égalité de traitement. » Réponse de la Cour Vu le principe d'égalité de traitement : 9. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables. 10. Pour faire droit à la demande du syndicat, l'arrêt relève, d'abord, qu'au sein de la société, l'évolution de carrière des opérateurs est régie par un système basé sur la comptabilisation de points obtenus par la validation de formations qualifiantes, ensuite, qu'il ressort du guide de gestion des « métiers opérateurs » que la maîtrise d'une compétence suppose que soit respecté un processus comprenant trois étapes : formation, mise en oeuvre, validation et que ce n'est qu'à l'issue de cette troisième étape, en fin de cursus, que l'entreprise reconnaît l'évolution de qualification. 11. Il relève encore que la décision d'engager un opérateur en formation sur une nouvelle compétence est un acte de management réalisé par la hiérarchie et que la validation d'une compétence n'est possible que si la personne a été sélectionnée, si elle a reçu la formation correspondante et si elle a démontré sa capacité à maîtriser la compétence. 12. Il ajoute qu'il ressort du tableau produit par le syndicat, formalisant la décision unilatérale de la société et dont les données ne sont pas contestées par celle-ci, que dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, qui est intervenue les 17 et 29 janvier 2013 et qui a donné lieu à un procès-verbal de désaccord le 11 février 2013, il a été procédé à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié. 13. Il en déduit que cet élément de fait est susceptible de caractériser une inégalité de traitement. 14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le fait de fonder une augmentation générale des salaires sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés constituerait un élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, en ce qu'il condamne la société Thales Dis France à payer au syndicat CGT Gemalto Sud la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
SYNDICAT PROFESSIONNEL
Il résulte de l'article L.2132-3 du code du travail qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'action d'un syndicat, fondée sur le principe d'égalité de traitement, tendant d'une part à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, et d'autre part, à mettre fin à l'inégalité invoquée, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat
JURITEXT000048465533
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-14.807, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302096
Cassation partielle
22-14807
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-02-17
Cour d'appel de Versailles
M. Sommer (président)
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02096
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2096 FS-B Pourvoi n° Z 22-14.807 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-14.807 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Tui France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération des services CFDT, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Tui France, les plaidoiries de Me Grévy et de Me Célice, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Monge, M. Rinuy, Mmes Cavrois, Sommé, M. Rouchayrole, Mme Bouvier, M. Flores, Mmes Deltort, Bérard, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Lanoue, Thomas-Davost, Techer, Ollivier, Rodrigues, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-2 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2022), la société Tui France (la société) a, le 1er juin 2017, absorbé la société Transat et tous les contrats de travail des salariés de cette dernière ont été transférés, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société qui avait déjà, le 1er janvier 2012, à la suite de plusieurs opérations de fusion-absorption, repris les contrats de travail des salariés des sociétés Marmara et Nouvelles Frontières distribution. 2. La fédération des services CFDT (la fédération) a fait assigner la société devant le tribunal judiciaire en lui demandant de dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, de dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, d'ordonner en conséquence à la société, sous astreinte, de mettre fin à cette inégalité de traitement en versant, à l'avenir, une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et en régularisant la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable et de condamner la société à verser à la fédération une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. Examen du moyen Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable Enoncé du moyen 3. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 5. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. 6. La cour d'appel, qui a constaté que l'action de la fédération CFDT tendait à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action collective dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés. 7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession Enoncé du moyen 8. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2132-3 du code du travail : 9. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 10. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. 11. Pour déclarer irrecevable l'action de la fédération tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que la fédération, qui ignore la distinction à faire entre gratification et salaire annuel payable sur treize mois, ne revendique pas l'exécution par l'employeur de dispositions conventionnelles mais l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle de salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente et qui ne peut donc faire l'objet d'une appréciation collective, de sorte que l'action intentée consiste en la revendication d'un droit lié à la personne du salarié, appartenant donc à ce seul salarié, et ne poursuit pas la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. 12. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'action de la fédération, en ce qu'elle ne tendait pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la fédération des services CFDT tendant à dire que l'absence de versement par la société Tui France d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société Tui France au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
SYNDICAT PROFESSIONNEL
Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Dès lors, doit être approuvée la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, cette action collective du syndicat tendant à la modification de la situation individuelle des salariés concernés. En revanche, encourt la cassation la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu'à condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés
JURITEXT000048139700
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/13/97/JURITEXT000048139700.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 28 septembre 2023, 21-20.685, Publié au bulletin
2023-09-28 00:00:00
Cour de cassation
22300967
Rejet
21-20685
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-06-11
Cour d'appel de Paris
Mme Taillandier-Thomas (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C200967
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 28 septembre 2023 Rejet Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 967 FS-B Pourvoi n° T 21-20.685 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 SEPTEMBRE 2023 La société [2], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-20.685 contre l'arrêt rendu le 11 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [2], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Ile-de-France, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 27 juin 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, Mmes Coutou, Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, Mmes Vigneras, Dudit, MM. Labaune, Montfort, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2021), la société [2] (la société) a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF) portant sur les années 2013 à 2015, qui a donné lieu à l'envoi d'une lettre d'observations du 2 novembre 2016, retenant divers chefs de redressement, puis d'une mise en demeure du 22 décembre 2016. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors : « 1°/ que les bons de souscription d'actions (BSA) sont des instruments financiers, valeurs mobilières, permettant de souscrire à une ou plusieurs actions dites sous-jacentes pendant une période donnée, dans une proportion et à un prix fixé à l'avance ; qu'étant acquis moyennant un investissement financier de la part de leur détenteur et disposant d'une valorisation qui varie en fonction de la valeur des actions auxquelles ils se rattachent, ils sont susceptibles de générer des profits comme des pertes ; que l'acquisition onéreuse de BSA constitue par nature un investissement financier et non un élément de rémunération assujetti à cotisations de sécurité sociale ; qu'elle ne constitue un avantage assujetti à cotisations sociales que lorsque les bons sont proposés aux dirigeants et salariés en contrepartie ou à l'occasion du travail et sont acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, ces deux exigences étant cumulatives ; que pour déduire que les BSA avaient été souscrits par les dirigeants et cadres de la société « en contrepartie ou à l'occasion du travail », la cour d'appel s'est fondée sur les dispositions des articles 2-1 à 2-4 du contrat d'émission des BSA prévoyant l'émission exclusive des bons pour sept mandataires et salariés de la société « en raison de leur fonctions de dirigeant » et non au profit de tiers, sur la possibilité pour l'employeur d'en solliciter le remboursement en cas de départ, sur le fait que la souscription a été effective pour ces-derniers à une date où ils étaient dans les effectifs de la société, sur le caractère incessible des bons, sur leur absence de justification pour un motif ou une contrepartie d'un service-rendu autre que professionnel et sur le fait que « la plus-value d'acquisition [...] n'a été rendue possible que par l'existence d'un contrat de travail ou d'un mandat social lors de la souscription des bons » ; que de tels motifs sont cependant impropres pour déduire une corrélation entre la souscription des BSA et la relation de travail des sept personnes souscriptrices, dès lors qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que ces dernières avaient pu, pour certaines, conserver et exercer leur BSA au cour de périodes durant lesquelles elles avaient quitté les effectifs de la société, ce dont il s'induit que la souscription des bons était détachable de la relation de travail et n'était pas en corrélation avec celle-ci ; qu'en retenant néanmoins, pour valider le redressement, que les BSA ont été souscrits « en contrepartie ou à l'occasion du travail » et que « les droits attachés à la souscription des BSA étaient bien corrélés à l'existence d'une relation de travail et par suite la possibilité d'acquérir puis d'exercer les bons de souscription d'actions litigieux constitue un avantage », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ; 2°/ que l'acquisition onéreuse de bons de souscription d'actions (BSA) par des salariés ou mandataires sociaux constitue un investissement financier exclu par nature de l'assiette des cotisations sociales, à moins qu'elle n'intervienne en contrepartie ou à l'occasion du travail et à des conditions préférentielles ; que seule caractérise de telles conditions préférentielles la souscription des BSA à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette souscription ; que la société a fait valoir dans ses conclusions que la souscription de BSA par sept de ses dirigeants et cadres salariés ne constituait pas un avantage salarial dès lors qu'elle n'était pas intervenue à des conditions tarifaires préférentielles au regard du prix de souscription des BSA ; que pour valider le redressement l'arrêt a néanmoins retenu que « les bons de souscription d'actions proposés par le conseil d'administration de la société aux sept dirigeants et cadres salariés de la société en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, constituent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales de la société », que l'investissement des dirigeants avait engendré une « économie de coût réalisé sur l'opération d'investissement » et qu'au jour de l'exercice des actions « l'aléa et le risque liés à la souscription ne s'étaient pas réalisés » ; qu'en statuant ainsi sans caractériser en quoi les BSA avaient été effectivement acquis par les dirigeants et salariés de la société à des conditions tarifaires préférentielles, et sans notamment constater qu'ils aient été souscrits à des prix inférieurs à la valeur du marché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 242-1, alinéa 1, du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige ; 3°/ à titre subsidiaire, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à un avantage salarial est la mise à disposition effective de cet avantage à son bénéficiaire ; qu'en cas de requalification de la souscription de BSA en avantage salarial, c'est à la date où les personnes qui les ont souscrits en ont la libre disposition que naît le fait générateur de l'avantage retenu et que doit être fixée sa valeur ; que la société a fait valoir subsidiairement dans ses conclusions d'appel qu'à supposer que ses dirigeants et cadres ayant souscrit des BSA aient bénéficié d'un avantage, ce dernier devait être évalué à la date de libre disposition des bons, c'est à dire à la date du 7 septembre 2013, date à laquelle ces BSA sont devenus exerçables en vertu du contrat d'émission de bons ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que « l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition » et que « les bénéficiaires pouvaient avoir la libre disposition des bons du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017 » ; qu'en validant néanmoins les modalités d'évaluation de l'avantage retenues par l'URSSAF et en décidant ainsi, en dépit de ses propres constatations, que l'avantage salarial retenu devait être évalué, non à la date du 7 septembre 2013 à laquelle les dirigeants et cadres souscripteurs ont eu la libre disposition des bons, mais aux dates ultérieures d'exercice respectif des BSA par chacun des dirigeants et salariés souscripteurs (du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 4°/ à titre subsidiaire, qu'en cas de requalification de la souscription de BSA en avantage salarial, l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition ; que la date de libre disposition des BSA constitue un point fixe et non une période s'étirant dans le temps, de sorte que l'avantage doit être évalué au premier jour à compter duquel les souscripteurs des bons ont été libres de les exercer ; qu'en décidant néanmoins que « le contrat d'émission des bons de souscription d'actions prévoit en son article 4-2 « période d'exercice » que les bons de souscription d'actions étaient exerçables du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017. Au regard de cette disposition, il ne peut être retenu comme le soutient la société que l'avantage doit être évalué à la date du 7 septembre 2013, en tenant compte de la valeur des bons à cette dernière date, puisque les bénéficiaires pouvaient avoir la libre disposition des bons du 7 septembre 2013 au 7 septembre 2017 », déterminant ainsi la date d'évaluation de l'avantage retenu, non au premier jour de la libre disposition des bons par ses souscripteurs (le 7 septembre 2013), mais selon une période s'étirant dans le temps à compter de ce jour et en prenant en compte les dates ultérieures d'exercice respectif des bons par chacun des salariés ou mandataires souscripteurs, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige ; 5°/ à titre subsidiaire, qu'en cas de requalification en salaire, c'est la souscription de BSA à des conditions pécuniaires préférentielles par rapport à leur valeur réelle qui est de nature à révéler l'existence d'un avantage ; qu'un tel avantage doit être évalué selon la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, à concurrence de la différence entre le prix acquitté lors de la souscription et la valeur réelle du bon à cette date ; que sont en revanche sans incidence, pour l'évaluation de cet avantage, les gains ou pertes réalisés ultérieurement par les détenteurs des bons lors de leur exercice ; que la société a ainsi fait valoir, qu'en admettant que la souscription des bons soit requalifiée en avantage, sa valeur correspondait à la différence entre le prix acquitté pour l'achat des BSA par ses salariés et la valeur de ces bons au jour où ils en ont eu la libre disposition (le 7 septembre 2013) ; qu'en validant au contraire « l'évaluation de l'avantage selon la méthode adoptée par l'URSSAF précisée dans la lettre d'observations », c'est à dire en fonction de « la différence entre : d'une part la valeur de l'action au moment de son acquisition par le salarié, à savoir à la date où il a exercé ses BSA (la valeur de l'action retenue correspond à celle du dernier cours connu au jour de l'acquisition de l'action), et d'autre part le montant cumulé du prix d'acquisition du bon (prix de souscription) et du prix d'acquisition de l'action par le salarié (prix d'exercice) », et en se fondant ainsi pour fixer l'assiette du redressement de cotisations sociales, non sur la valeur des bons à la date à laquelle les bénéficiaires en ont obtenu la libre disposition, mais sur le montant des éventuelles plus-values réalisées lors de l'exercice respectif des bons, la cour d'appel a violé les articles L. 242-1 alinéa 1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable au litige. » Réponse de la Cour 4. Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions génèrent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales. 5. Le caractère préférentiel des conditions d'attribution des bons de souscription d'actions résulte tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d'émission et de cessibilité des bons, les conditions financières de la souscription n'en constituant qu'un simple indice. 6. La Cour de cassation a jugé qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage est la mise à disposition effective de l'avantage au salarié bénéficiaire, soit la date à laquelle il a eu la libre disposition des bons de souscription, et que l'avantage doit être évalué selon la valeur des bons à cette date (2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 17-24.470, publié au Bulletin). 7. Cette solution présente une difficulté s'agissant, d'une part, de la détermination de la date de libre disposition des bons de souscription dont l'exercice ou la cession s'opère non à une date fixe mais sur une période et, d'autre part, de la méthode d'évaluation des bons. 8. Elle conduit, en outre, à soumettre à cotisations un avantage théorique et non pas l'avantage réel correspondant au gain réalisé par le bénéficiaire, lors de la cession des bons de souscription, ou à l'économie faite lors de leur réalisation par l'acquisition d'actions. 9. Ces considérations amènent la Cour de cassation à juger désormais que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage s'entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d'actions, de sorte que l'avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l'économie réalisée par le bénéficiaire. 10. L'arrêt relève qu'il résulte du contrat d'émission des bons de souscription d'actions que leur émission, décidée par le conseil d'administration de la société par délibération du 7 septembre 2009, l'a été au bénéfice exclusif de sept dirigeants, mandataires sociaux ou salariés de la société, pendant la période de souscription ouverte du 7 septembre au 31 décembre 2009 inclus, et que les bons de souscription d'actions n'étaient pas cessibles. 11. Il retient que les droits attachés à la souscription des bons étaient corrélés à l'existence d'une relation de travail, en sorte que la possibilité d'exercice des bons de souscription d'actions litigieux constitue un avantage qui doit entrer dans l'assiette des cotisations sociales, peu important que deux des dirigeants n'aient plus été au service de la société à la date à laquelle ils les ont exercés. 12. L'arrêt ajoute, pour déterminer la valeur de l'avantage, qu'il convient de prendre en compte la plus-value calculée pour chaque bénéficiaire à la date d'exercice effectif de ses bons de souscription d'actions, laquelle correspond à la différence entre, d'une part, la valeur de l'action à la date de son acquisition et, d'autre part, le prix d'acquisition du bon et celui de l'action. 13. De ces constatations et énonciations, la cour d'appel a exactement déduit que les bons de souscription d'actions proposés par le conseil d'administration de la société à ses sept dirigeants, en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, généraient un avantage qui entrait dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale, dont elle a exactement déterminé le montant pour chaque bénéficiaire à la date d'exercice. 14. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la société [2] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société [2] et la condamne à payer à l'URSSAF d'Ile-de-France la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé en l'audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-trois par Mme Renault-Malignac, conseiller, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Bons de souscription d'actions - Conditions - Acquisition en contrepartie ou à l'occasion du travail et à des conditions préférentielles
SECURITE SOCIALE - Cotisations - Assiette - Avantages - Evaluation - Date - Détermination
Il résulte de l'article L. 242-1, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale que, dès lors qu'ils sont proposés aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail et acquis par ceux-ci à des conditions préférentielles, les bons de souscription d'actions génèrent un avantage qui entre dans l'assiette des cotisations sociales. Le caractère préférentiel des conditions d'attribution des bons de souscription d'actions résulte tant de la qualité de salariés ou de mandataires sociaux des bénéficiaires et de leur nombre limité que des conditions d'émission et de cessibilité des bons, les conditions financières de la souscription n'en constituant qu'un simple indice. Le fait générateur des cotisations sociales afférentes à cet avantage s'entend de la date de cession ou de réalisation des bons de souscription d'actions, de sorte que l'avantage doit être évalué à cette date en fonction du gain obtenu ou de l'économie réalisée par le bénéficiaire
JURITEXT000048176184
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 5 octobre 2023, 23-14.520, Publié au bulletin
2023-10-05 00:00:00
Cour de cassation
22301117
QPC - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel
23-14520
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2023-02-09
Cour d'appel de Colmar
Mme Martinel
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Foussard et Froger, SCP L. Poulet-Odent
ECLI:FR:CCASS:2023:C201117
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION FD ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 5 octobre 2023 NON-LIEU A RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1117 FS-B Pourvoi n° G 23-14.520 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 12 juillet 2023, M. [I] [O], domicilié [Adresse 3], a formulé une question prioritaire de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° G 23-14.520 qu'il a formé contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale-section SB), dans une instance l'opposant : 1°/ à la société [7], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de [Localité 6], dont le siège est [Adresse 4], 3°/ au ministre chargé des affaires de sécurité sociale, domicilié [Adresse 5], Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [O], de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Territoire de [Localité 6], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société [7], et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pedron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. M. [O] (la victime), salarié de la société [7] (l'employeur), victime le 10 mars 2016 d'un accident du travail, a saisi une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur. Enoncé de la question prioritaire de constitutionnalité 2. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 février 2023 par la cour d'appel de Colmar, la victime a, par mémoire distinct et motivé reçu le 12 juillet 2023 au greffe de la Cour, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité ainsi rédigée : « L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est-il contraire au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques énoncé aux articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de responsabilité, qui découle de son article 4 ? » Examen de la question prioritaire de constitutionnalité 3. Selon les dispositions combinées du troisième alinéa de l'article 23-2 et du troisième alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une de ses décisions, sauf changement de circonstances. 4. La disposition contestée a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2010-8 QPC rendue le 18 juin 2010 par le Conseil constitutionnel, qui a , cependant, émis la réserve qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les juridictions de sécurité sociale, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale. 5. Si, par deux arrêts rendus en Assemblée Plénière le 20 janvier 2023 (Ass. Plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et 21-23.947, Bull.), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent, et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans sa réserve. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité de cette disposition à la Constitution. 6. Par ailleurs, aucune des autres circonstances invoquées n'affecte la portée de cette disposition. 7. Dès lors, en l'absence de changement des circonstances qui justifierait un nouvel examen, il n'y a pas lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Rente prévue à l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale - Objet - Indemnisation du préjudice professionnel et du déficit fonctionnel permanent
SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Préjudice indemnisé - Etendue - Détermination SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Rente - Paiement - Imputation - Modalités - Détermination - Portée QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Code de la sécurité sociale - Article L. 452-3 - Egalité devant la loi - Egalité devant les charges publiques - Principe de responsabilité - Objectif constitutionnel - Conformité - Absence de changement de circonstances de droit - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel
Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 20 janvier 2023 (Ass. plén., 20 janvier 2023, pourvois n° 20-23.673 et n° 21-23.947, publiés au Bulletin), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence antérieure et décide, désormais, que la rente versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent et que, dès lors, la victime d'une faute inexcusable de l'employeur peut obtenir une réparation distincte du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées. Cette modification, considérée par la majorité de la doctrine comme plus favorable aux victimes, respecte l'objectif fixé par le Conseil constitutionnel dans la réserve qu'il a émise dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010. Elle ne constitue donc pas un changement de circonstances de droit susceptible de modifier l'appréciation de la conformité à la Constitution de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale
JURITEXT000048242139
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-18.742, Publié au bulletin
2023-10-18 00:00:00
Cour de cassation
12300568
Cassation sans renvoi
22-18742
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-12-31
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100568
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 568 F-B Pourvoi n° B 22-18.742 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [R] [V] [T]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 10 mai 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 M. [R] [V] [T], domicilié chez M. [F] [K], avocat, [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 22-18.742 contre l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021 par le premier président de la cour d'appel de Paris, dans le litige l'opposant : 1°/ au préfet des Hauts-de-Seine, représentant l'Etat, domicilié [Adresse 1], 2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [V] [T], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 31 décembre 2021) et les pièces de la procédure, le 29 novembre 2021, M. [V] [T], de nationalité cubaine, en situation irrégulière sur le territoire national, a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté d'expulsion. Par ordonnance du 2 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention pour vingt-huit jours. 2. Le 29 décembre 2021, le préfet a demandé une deuxième prolongation sur le fondement de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [V] [T] fait grief à l'ordonnance de rejeter les moyens soulevés et de maintenir la mesure de rétention pour une durée maximale de trente jours, alors « que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie d'un registre actualisé, tenu dans le centre de rétention, mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention ; que la non-production de cette pièce constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief ; qu'en énonçant, pour écarter le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête de la préfecture, que les deux registres du centre de rétention [3] et de [5] figuraient à la procédure, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre du centre de rétention actualisé [3], le délégué du premier président a violé les articles L. 743-9 et R. 743-2 du CESEDA. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 743-9 et R.743-2 du CESEDA et l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention : 4. Il résulte du premier texte que le juge des libertés et de la détention s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention d'un étranger, que, depuis sa précédente présentation, celui-ci a été placé en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions du registre de rétention. 5. Il ressort du deuxième que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre. 6. Selon le troisième, le registre doit, en particulier, comporter des données relatives au lieu de placement en rétention, aux date et heure d'admission au centre de rétention administrative, et, le cas échéant, aux date, heure et motif du transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention. 7. Pour écarter le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet, faute d'être accompagnée de la copie du registre actualisé du centre de rétention [3], l'ordonnance constate que les deux registres des centres [3] et de [5] figurent bien à la procédure respectant ainsi les exigences de l'article L. 744-2 du CESEDA. 8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il y était invité, si la requête était accompagnée du registre actualisé du centre [3] comportant le jour et l'heure auxquels M. [V] [T] avait quitté ce centre pour être transféré à celui de [5], le premier président a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 10. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 31 décembre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; LAISSE les dépens à la charge de l'Etat ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.
ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Requête du préfet - Recevabilité - Conditions - Registre actualisé du centre de rétention - Cas - Transfert entre centres de rétention
ETRANGER - Mesures d'éloignement - Rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire - Prolongation de la rétention - Requête et pièces justificatives - Transfert entre centres de rétention - Production du registre actualisé du centre de rétention - Nécessité - Sanction - Irrecevabilité
Prive sa décision de base légale, au regard des articles L. 743-9 et R. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention, le premier président qui écarte le moyen pris de l'irrecevabilité de la requête du préfet en prolongation d'une mesure de rétention administrative d'un étranger ayant été transféré d'un lieu de rétention vers un autre, faute de rechercher, comme il y était invité, si cette requête était accompagnée du registre actualisé du centre de rétention, comportant le jour et l'heure de ce transfert
JURITEXT000048242141
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-11.492, Publié au bulletin
2023-10-18 00:00:00
Cour de cassation
12300569
Cassation partielle
22-11492
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-12-16
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:C100569
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 CF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 569 F-B Pourvoi n° W 22-11.492 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 1°/ M. [V] [T], 2°/ Mme [W] [I], épouse [T], tous deux domiciliés [Adresse 1], 3°/ Mme [F] [K], épouse [I], domiciliée [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° W 22-11.492 contre l'arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 10), dans le litige les opposant : 1°/ à la société UCB Pharma, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale de Toulon (CNMSS), dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de M. et Mme [T] et de Mme [K], épouse [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société UCB Pharma, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1.Selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Paris, 16 décembre 2021), le 11 décembre 2009, Mme [T] a assigné la société UCB Pharma, venant aux droits de la société Ucepha (la société), producteur du Distilbène, en responsabilité et indemnisation de ses préjudices consécutifs à son exposition in utero au diéthylstilbestrol (DES), à la suite de la prise de ce médicament, par sa mère, au cours de la grossesse. Son époux et sa mère, M. [T] et Mme [I], sont intervenus volontairement aux fins d'obtenir la réparation des préjudices personnellement éprouvés. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 2. M et Mme [T], et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation, alors « que l'existence d'une cause étrangère au défendeur n'est de nature à exclure sa responsabilité qu'à la condition que cet événement soit la cause exclusive du dommage ; qu'en écartant toute imputabilité de l'infertilité de Mme [T] à l'exposition au Distilbène tout en approuvant les experts qui exposaient que la cause de l'infertilité pouvait être due autant à l'infection à Chlamydia qu'à l'exposition au Disltilbène et qui avaient conclu à ce que les préjudices subis soient imputés pour 40 % au DES, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1240 du code civil : 3. Il résulte de ce texte qu'ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec une faute, même si celle-ci n'en est pas la seule cause. 4. Pour écarter la responsabilité de la société UCB Pharma, la cour d'appel retient, que Mme [T] ne présente aucune des anomalies de l'appareil génital associées à l'exposition au DES et qu'il est tout aussi vraisemblable que la cause de l'infertilité soit due à l'infection à Chlamydia qu'à cette exposition, de sorte qu'il est impossible de trancher entre les deux causes. 5. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à exclure que l'exposition au DES ait contribué à son infertilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Et sur le second moyen Enoncé du moyen 6. Mme [T] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre d'un préjudice d'anxiété alors « que l'anxiété résultant de l'exposition à un médicament connu pour provoquer des pathologies graves ou mortelles constitue un préjudice indemnisable, indépendamment de tout effet tératogène effectif ; que dans ses conclusions d'appel, Mme [T] demandait l'indemnisation du préjudice spécifique d'anxiété résultant de son exposition in utero au DES dont elle exposait que ses effets causent un risque reconnu de développer au moins quatre pathologies cancéreuses identifiées, l'obligeant à un suivi gynécologique rigoureux ; qu'en se bornant à souligner l'absence de lien entre l'exposition de Mme [T] au DES et son hypofertilité, bien que l'anxiété dommageable invoquée n'est en rien liée à l'infertilité de Mme [T] et qu'elle résulte des circonstances angoissantes de son suivi médical, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil ». Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 7. Il résulte de ce texte que constitue un préjudice indemnisable l'anxiété résultant de l'exposition à un risque de dommage. 8. Pour écarter toute réparation, y compris celle d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que la preuve n'est pas rapportée d'un lien de causalité certain entre l'exposition de Mme [T] au DES et son hypofertilité. 9. En statuant ainsi, alors que le préjudice d'anxiété invoqué résultait de l'exposition au DES et des risques qui en découlent, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [J] [T] de M. [V] [T] et de Mme [F] [I], l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société UCB Pharma aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société UCB Pharma et la condamne à payer à Mme [T], à M. [V] [T] et à Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Réparation - Conditions - Faute - Lien de causalité avec le dommage - Exclusion - Condition non suffisante - Pluralité de cause
SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicaments à usage humain - Exposition - Dommage - Responsabilité - Pluralité de cause - Exclusion (non)
Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil qu'ouvre droit à réparation le dommage en lien causal avec une faute, même si celle-ci n'en est pas la seule cause. Le fait que l'infertilité d'une patiente puisse être due autant à une infection qu'à l'exposition à un médicament ne suffit pas à exclure que l'exposition à ce médicament ait contribué à son infertilité
JURITEXT000048242143
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 18 octobre 2023, 22-21.358, Publié au bulletin
2023-10-18 00:00:00
Cour de cassation
12300572
Rejet
22-21358
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-11
Cour d'appel de Pau
Mme Champalaune
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix
ECLI:FR:CCASS:2023:C100572
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 octobre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 572 F-B Pourvoi n° V 22-21.358 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 OCTOBRE 2023 M. [V] [K], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 22-21.358 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2022 par la cour d'appel de Pau (2e chambre, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à Mme [G] [N], domiciliée [Adresse 1], 2°/ à la société Vertego informatique, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kerner-Menay, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [K], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de Mme [N] et de la société Vertego informatique, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Kerner-Menay, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 juillet 2022), le 27 septembre 2004, Mme [N] a constitué la société Vertego informatique dont elle est la gérante. La société a embauché M. [K], d'abord en qualité de conseiller pédagogique puis, le 1er septembre 2007, en qualité de responsable commercial. 2. Le 14 décembre 2017, la société a notifié à M. [K] son licenciement pour faute grave. 3. Le 21 décembre 2017, la société Vertego informatique et M. [K] ont conclu une transaction par laquelle les parties ont convenu de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de liquider diverses indemnités dues à M. [K] pour un montant total de 92 734,36 euros. 4. Le 6 décembre 2019, M. [K] a assigné la société Vertego informatique et Mme [N] en paiement de la somme de 1 500 000 euros correspondant, selon son estimation, à la moitié de la valeur nette de la société, au motif qu'il en serait associé de fait. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. M. [K] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes, alors : « 1° / que la transaction ne fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite d'une action en justice ayant le même objet qu'entre les parties qui l'ont conclue ; qu'en retenant que M. [K] n'était pas recevable à demander le partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] en raison de la chose transigée le 27 (lire 21) décembre 2017, après avoir pourtant constaté que Mme [N] n'était pas partie à la transaction, peu important qu'elle ait prétendument été bénéficiaire d'une stipulation pour autrui, la cour d'appel a violé l'article 2052 du code civil ; 2°/ que, en tout état de cause, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'aux termes de la clause de non-recours stipulée dans la transaction conclue le 21 décembre 2017 entre M. [K] et la société Vertego informatique : "M. [V] [K] renonce expressément, sans réserve et en toute connaissance de cause à l'intégralité des prétentions qu'elle qu'en soit la nature, ainsi qu'à toute instance ou action à l'encontre de la société Vertego et la gérante, devant le conseil de prud'hommes ainsi que devant toute autre instance judiciaire notamment civile, pénale ou administrative relative à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail", de sorte que Mme [N] n'était pas visée personnellement, ou en sa qualité d'associée, par cette clause ; qu'en retenant, pour dire que M. [K] n'était pas recevable à demander le partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] en raison de la chose transigée le 27 (lire 21) décembre 2017, que la clause de non-recours renfermait une stipulation pour autrui qui avait pour effet d'étendre à Mme [N] le bénéfice de ladite clause, interdisant à M. [K] de contester l'existence de son contrat de travail tant à l'égard de la société Vertego informatique que de Mme [N], la cour d'appel a dénaturé cette clause claire et précise, en violation du principe susvisé ; 3°/ que la transaction ne fait obstacle qu'à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet ; qu'elle se renferme dans son objet de sorte que la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions ne s'entend que ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la transaction conclue le 21 décembre 2017 entre M. [K] et la société Vertego informatique comportait un exposé liminaire relatant l'historique du contrat de travail et les positions respectives des parties sur le licenciement pour faute grave, que les parties y ont constaté leur désaccord "tant en ce qui concerne le bien-fondé, le contexte et la procédure de licenciement qu'en ce qui concerne les conséquences qui en découleraient", que M. [K] y a renoncé à l'intégralité des prétentions ainsi qu'à toute instance ou action "relative à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail" et y a reconnu être définitivement rempli de tous ses droits à l'égard de la société Vertego informatique ; qu'en retenant que l'action de M. [K] en partage de l'actif net d'une société créée de fait avec Mme [N] avait un objet identique à celui de cette transaction, pour en déduire qu'elle était irrecevable, cependant que cette action ne concernait pas le licenciement de M. [K], n'était pas relative à l'exécution ou à la rupture de son contrat de travail et ne portait pas sur les droits que détenait M. [K] à l'égard de la société Vertego informatique, et en particulier sur les droits découlant de l'exécution ou de la rupture de ce contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 2048 et 2052 du code civil. » Réponse de la Cour 6. Si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction. 7. Après avoir relevé que les parties à la transaction avaient entendu régler définitivement l'ensemble des conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail de M. [K], prenant notamment en compte les circonstances de son embauche, ses attributions et responsabilités au sein de la société Vertego informatique et son implication personnelle dans son développement, la cour d'appel a retenu que la clause de non-recours, qui interdit toute nouvelle prétention au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, a pour effet d'interdire à M. [K] de remettre en cause la chose transigée, au titre de la même activité exercée au sein de la société Vertego informatique, en contestant désormais l'existence d'un contrat de travail requalifié en société créée de fait avec Mme [N], pour en déduire que M. [K] est définitivement réputé avoir exercé son activité au sein de la société Vertego informatique en qualité de salarié, laquelle est exclusive de celle d'associé de fait. 8. Il en résulte que, M. [K] ayant ainsi renoncé à son droit d'invoquer la qualité d'associé de fait, était irrecevable à agir contre la société Vertego informatique mais aussi contre Mme [N] qui était fondée à invoquer la transaction. 9. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1, et 1015 du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [K] et le condamne à payer à Mme [N] et la société Vertego informatique la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit octobre deux mille vingt-trois.
TRANSACTION - Effets - Effets à l'égard des tiers - Inopposabilité de la transaction par un tiers - Limites - Renonciation à un droit
RENONCIATION - Applications diverses - Transaction - Effets - Effets à l'égard des tiers - Opposabilité de la transaction par un tiers
Si l'effet relatif des contrats interdit aux tiers de se prévaloir de l'autorité d'une transaction à laquelle ils ne sont pas intervenus, ces mêmes tiers peuvent néanmoins invoquer la renonciation à un droit que renferme cette transaction
JURITEXT000048283866
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 21-22.315, Publié au bulletin
2023-10-26 00:00:00
Cour de cassation
22301055
Cassation
21-22315
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-06-16
Cour d'appel de Paris
Mme Martinel
SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Duhamel
ECLI:FR:CCASS:2023:C201055
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1055 FS-B Pourvoi n° Q 21-22.315 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 Mme [E] [L], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 21-22.315 contre l'arrêt rendu le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [L], de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mme Bohnert, M. Cardini, Mmes Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021) et les productions, par déclaration du 5 novembre 2019, Mme [L] a relevé appel d'un jugement du 28 mars 2019 rendu par un conseil de prud'hommes dans le litige l'opposant à la société Allianz IARD. 2. Par ordonnance du 13 octobre 2020, un conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel sur le fondement des articles 902 et 911-1 du code de procédure civile, au motif que l'appelante n'avait pas signifié la déclaration d'appel dans le mois de l'invitation qui lui avait été faite par le greffe le 16 décembre 2019. 3. Mme [L] a relevé appel de cette ordonnance. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. Mme [L] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 13 octobre 2020 constatant la caducité de la déclaration d'appel, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; ce principe implique que chaque partie puisse prendre connaissance et discuter de toute pièce susceptible d'influencer la décision du juge ; que pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a relevé que « Au vu des pièces de la procédure, la lettre simple émanant du greffe notifiant la déclaration d'appel et mentionnant l'obligation de constituer avocat a été adressée à la partie intimée le 12 novembre 2019. Il n'y a pas lieu d'annuler l'avis à faire signifier la déclaration d'appel qui a été adressé par le greffe le 16 décembre 2019 et il appartenait à l'appelant de se conformer à ce qui lui était demandé dans cet avis, conformément à l'article 902 du code de procédure civile, sous peine d'encourir la sanction de la caducité de la déclaration d'appel relevée d'office. » ; qu'en se fondant ainsi sur les « pièces de la procédure », cependant que ces pièces n'avaient pas été soumises au débat contradictoire, l'intimé n'ayant notamment pas déféré à la sommation qui lui avait été faite de communiquer la preuve de la date d'envoi, par le greffe, de la notification de la déclaration d'appel de Mme [L], la cour d'appel a méconnu le principe de la contradiction et violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. Ayant constaté que la lettre simple émanant du greffe notifiant la déclaration d'appel et mentionnant l'obligation de constituer avocat adressée à la partie intimée le 12 novembre 2019 figurait dans les pièces de la procédure, c'est sans violer le principe de la contradiction et sans méconnaître l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel s'est fondée sur cette pièce de procédure. 6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 7. Mme [L] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il résulte de l'article 907 du code de procédure civile qu'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807, imposant notamment la tenue d'une audience devant le conseiller de la mise en état, et sous réserve des dispositions qui suivent ; que la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties ; que pour déclarer caduque la déclaration d'appel, après avoir rejeté le moyen tiré de la nullité de l'ordonnance déférée, la cour d'appel a retenu que « Ce texte ne prévoit pas d'entendre les parties mais impose de solliciter leurs observations écrites. Ainsi, la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations. » ; qu'en statuant comme elle l'a fait, alors pourtant que le fait de solliciter des observations écrites des parties n'est pas en contradiction avec l'obligation pour le juge de tenir une audience, de sorte que l'article 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile ne saurait être interprété comme dérogeant aux articles 789, 792 et 793 du code de procédure civile et dispensant le juge de la tenue d'une audience, la cour d'appel a violé les articles 789, 792, 793, 907 et 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 911-1, alinéa 2, du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 8. Selon le premier de ces textes, le conseiller de la mise en état est tenu de solliciter les observations écrites des parties avant de prononcer la caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 du code de procédure civile ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du même code. 9. Il résulte du second de ces textes que la tenue d'une audience en matière civile constitue l'une des composantes du droit à un procès équitable. 10. Il en résulte que, hors les cas où il décide, d'office, d'appeler les parties à une audience, le conseiller de la mise en état, qui statue sur la caducité de la déclaration d'appel ou l'irrecevabilité des conclusions, n'est pas tenu d'organiser une audience, sauf si les parties le lui demandent. 11. Pour confirmer l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'arrêt retient que l'article 911-1 du code de procédure civile ne prévoit pas d'entendre les parties, mais impose de solliciter leurs observations écrites et que la seule obligation du conseiller de la mise en état est d'inviter les parties à présenter leurs observations, ce qui a été effectivement fait. 12. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de la requête figurant en production que l'appelante avait sollicité une audience, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Condamne la société Allianz IARD aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz IARD et la condamne à payer à Mme [L] la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois.
APPEL CIVIL
JURITEXT000048283872
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 21-19.844, Publié au bulletin
2023-10-26 00:00:00
Cour de cassation
22301058
Cassation
21-19844
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-05-27
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Martinel
SARL Cabinet Munier-Apaire
ECLI:FR:CCASS:2023:C201058
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1058 FS-B Pourvoi n° D 21-19.844 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 21-19.844 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-9), dans le litige l'opposant à la société Lou Parais, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, Mmes Vendryes, Caillard, M. Waguette, conseillers, Mmes Jollec, Bohnert, Latreille, Bonnet, Chevet, conseillers référendaires, M. Adida-Canac, avocat général, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 27 mai 2021), agissant en vertu de titres notariés et de l'ordonnance d'un juge des référés, en date du 1er juin 2012, ayant conféré force exécutoire à une transaction intervenue le 26 mars 2012, la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur (la banque) a fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à la SCI Lou Parais (la SCI) puis l'a assignée à une audience d'orientation. Examen des moyens Sur le moyen relevé d'office 2. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu les articles 503, alinéa 1er, 1565, 1566 et 1567 du code de procédure civile, ces trois derniers créés par le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012, et L. 111-3, 1°, du code des procédures civiles d'exécution : 3. Selon le cinquième de ces textes, constituent des titres exécutoires les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire. Selon le premier, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire. 4. Selon le deuxième de ces textes, l'accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. 5. Selon le troisième, le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu'il n'estime nécessaire d'entendre les parties. S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. La décision qui refuse d'homologuer l'accord peut faire l'objet d'un appel. Cet appel est formé par déclaration au greffe de la cour d'appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse. 6. Selon le quatrième de ces textes, les dispositions des articles 1565 et 1566 sont applicables à la transaction conclue sans qu'il ait été recouru à une médiation, une conciliation ou une procédure participative. Le juge est alors saisi par la partie la plus diligente ou l'ensemble des parties à la transaction. 7. Ces trois derniers textes, relatifs à la procédure d'homologation des accords auxquels sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation, ou une procédure participative, instaurent un régime particulier distinct de celui de droit commun de l'ordonnance sur requête régie par les articles 493 et suivants du code de procédure civile et ne prévoient pas que l'ordonnance d'homologation, rendue à la requête de l'une seule des parties, est exécutoire au seul vu de la minute. 8. Il résulte de ce qui précède que lorsqu'une partie entend poursuivre l'exécution forcée d'une transaction, elle doit saisir le juge d'une requête à fin d'homologation. N'étant pas dissociable de la transaction à laquelle elle confère force exécutoire, l'ordonnance d'homologation doit, lorsqu'elle a été rendue à la requête de cette seule partie, être notifiée, conformément aux dispositions de l'article 503 du code de procédure civile, à la partie contre laquelle l'exécution est poursuivie. 9. Pour valider la procédure de saisie pour la somme de 498 730,67 euros, y compris les clauses pénales réduites respectivement à 100 euros (100 euros x 2), arrêtée au 14 janvier 2019, l'arrêt retient que l'ordonnance du 1er juin 2012, rendue au visa de l'article 1441-4 ancien du code de procédure civile, que l'on trouve depuis son abrogation par le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012, dans les articles 1565 à 1567 du code de procédure civile, constitue une ordonnance sur requête qui déroge au principe d'une notification par voie de signification et est exécutoire au seul vu de la minute et que ne sont établies ni la présentation de la minute, ni la remise d'une copie de la requête et de l'ordonnance à la gérante de la SCI. 10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition validant la procédure de saisie immobilière pour la somme de 498 730,67 euros entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée. Condamne la SCI Lou Parais aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SCI Lou Parais à payer à la société caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 2 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois.
TRANSACTION
JURITEXT000048283874
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 26 octobre 2023, 21-23.012, Publié au bulletin
2023-10-26 00:00:00
Cour de cassation
22301073
Cassation sans renvoi
21-23012
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-05-27
Cour d'appel de Grenoble
Mme Martinel
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Yves et Blaise Capron
ECLI:FR:CCASS:2023:C201073
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 LM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 26 octobre 2023 Cassation sans renvoi Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1073 F-B Pourvoi n° X 21-23.012 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 OCTOBRE 2023 La société Mapollon, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1] (Luxembourg), venant aux droits de la société Neodyne, a formé le pourvoi n° X 21-23.012 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale - section B), dans le litige l'opposant à M. [U] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mapollon, de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. [M], et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 septembre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 27 mai 2021), M. [M] a contesté son licenciement par la société Neodyne, aux droits de laquelle vient la société Mapollon, devant un conseil de prud'hommes. 2. Le 7 janvier 2019, M. [M] a interjeté appel du jugement du 20 décembre 2018 de ce conseil de prud'hommes ayant notamment dit son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. La société Mapollon fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement, déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié par la société Neodyne à M. [M] le 22 septembre 2016, de la condamner à payer à M. [M] la somme de 27 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et une indemnité de procédure de 2 000 euros, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, débouter M. [M] du surplus de sa demande indemnitaire pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de sa demande indemnitaire pour préjudice moral, alors « que seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ; que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, et la cour d'appel n'est saisie d'aucune demande ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que la déclaration d'appel de M. [M] « porte comme mention s'agissant de « l'objet/portée de l'appel : appel sur toutes les dispositions du jugement » ; qu'en retenant, pour infirmer le jugement entrepris, que « quoique l'appelant n'ait pas énuméré l'ensemble des dispositions du jugement, la déclaration d'appel en visant « toutes » les dispositions, a nécessairement opéré l'effet dévolutif pour la totalité du dispositif du jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 20 décembre 2019 [2018] » quand elle aurait dû considérer qu'en l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel, elle n'était saisie d'aucune prétention la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 562 et 901-4° du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles 562 et 901-4° du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 : 4. Selon le premier de ces textes, lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas. 5. En application du second, la déclaration d'appel affectée d'une irrégularité, en ce qu'elle ne mentionne pas les chefs du jugement attaqués, peut être régularisée par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond. 6. Ces règles encadrant les conditions d'exercice du droit d'appel dans les procédures avec représentation obligatoire qui résultent clairement des textes applicables, sont dépourvues d'ambiguïté et présentent un caractère prévisible. Leur application immédiate aux instances en cours ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique ni au droit à un procès équitable. Il n'y a, dès lors, pas lieu de différer les effets de celles-ci. 7. Elles ne restreignent pas l'accès au juge d'appel d'une manière ou à un point tel que ce droit s'en trouve atteint dans sa substance même. Elles poursuivent un but légitime au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en l'occurrence une bonne administration de la justice, et ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'accès au juge d'appel, un rapport raisonnable de proportionnalité existant entre les moyens employés et le but visé. 8. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée au titre de la mention sur l'objet de l'appel figurant dans la déclaration d'appel, infirmer le jugement et statuer à nouveau, l'arrêt retient que la déclaration d'appel porte comme mention s'agissant de l'objet/portée de l'appel « appel sur toutes les dispositions du jugement » et que bien que l'appelant n'ait pas énuméré l'ensemble des dispositions du jugement, la déclaration d'appel en visant « toutes » les dispositions a nécessairement opéré l'effet dévolutif pour la totalité du dispositif du jugement du conseil de prud'hommes. 9. En statuant ainsi, alors que la déclaration d'appel ne mentionnait pas les chefs du jugement expressément critiqués, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. Tel que suggéré par le mémoire ampliatif, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 12. Il résulte de ce qui est dit aux paragraphes 4, 5, 6, 7 et 9, qu'en l'absence de mention des chefs de dispositif dans la déclaration d'appel, l'effet dévolutif n'a pas opéré. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que la cour d'appel n'était saisie d'aucune demande en l'absence d' effet dévolutif de l'appel. Condamne M. [M] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Grenoble ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] tant devant la cour d'appel que devant la Cour de cassation et le condamne à payer à la société Mapollon la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour d'appel de Grenoble et la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la Cour de cassation ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-trois.
APPEL CIVIL
JURITEXT000048389764
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 novembre 2023, 22-18.545, Publié au bulletin
2023-11-09 00:00:00
Cour de cassation
32300724
Rejet
22-18545
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-05-05
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Melka-Prigent-Drusch, SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:C300724
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 9 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 724 FS-B Pourvoi n° N 22-18.545 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 NOVEMBRE 2023 La commune d'[Localité 5], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l' [Adresse 8], a formé le pourvoi n° N 22-18.545 contre l'arrêt rendu le 5 mai 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre des expropriations), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [X], domicilié [Adresse 1], 2°/ à Mme [N] [X], épouse [O], domiciliée [Adresse 7], 3°/ à M. [G] [B], domicilié [Adresse 2], 4°/ à M. [Z] [B], domicilié [Adresse 3], 5°/ à Mme [S] [B], domiciliée [Adresse 4], défendeurs à la cassation. MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la commune d'[Localité 5], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [R] [X], [G] et [Z] [B] et Mmes [N] [X] et [S] [B], et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, Mme Proust, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, M. Choquet, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mai 2022), M. [R] [X], MM. [G] et [Z] [B] ainsi que Mmes [N] [X] et [S] [B] (les consorts [X]), propriétaires en indivision d'une parcelle grevée d'un emplacement réservé pour l'extension du cimetière de la commune d'[Localité 5], ont exercé leur droit de délaissement. 2. Faute d'accord des parties sur le prix du bien délaissé, la commune a saisi le juge de l'expropriation aux fins qu'il ordonne le transfert de propriété et fixe le prix de cession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le deuxième moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. Les consorts [X] font grief à l'arrêt de fixer comme il le fait le prix de cession, alors « que, lorsqu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité et à l'application des articles L. 242-1 à L. 242-7, L. 322-12, L. 423-2 et L. 423-3, le juge fixe, indépendamment de ces contestations et difficultés, autant d'indemnités alternatives qu'il y a d'hypothèses envisageables et renvoie les parties à se pourvoir devant qui de droit ; qu'en se prononçant sur l'illicéité alléguée des constructions, et en pratiquant un abattement pour tenir compte de leur prétendue illicéité, quand il lui appartenait de fixer des indemnités alternatives et de renvoyer les parties à se pourvoir devant qui de droit, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 311-8 du code de l'expropriation. » Réponse de la Cour 5. La cour d'appel, qui a retenu qu'au vu des pièces produites, une partie significative des constructions présentes sur la parcelle délaissée avait été édifiée sans permis de construire, a pu en déduire, sans trancher une contestation sérieuse, qu'il y avait lieu d'appliquer un abattement sur la valeur du bien pour tenir compte de l'illicéité des constructions. Sur le troisième moyen du pourvoi incident, pris en ses première à troisième branches et en sa sixième branche 6. Les consorts [X] font le même grief à l'arrêt, alors : « 1°/ que c'est à la commune débitrice d'une indemnité au titre de l'exercice du droit au délaissement qui demandait l'application d'un abattement pour l'illicéité prétendue des constructions dont l'acquisition était demandée, qu'il incombait de démontrer cette illicéité ; qu'en se fondant pour appliquer un abattement pour illicéité des constructions, sur la défaillance des consorts [X] dans l'administration de la preuve de l'obtention d'un permis de construire, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil, L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent rejeter ou accueillir les demandes dont ils sont saisis sans examiner les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties ; qu'en affirmant qu'il n'est justifié d'aucun permis de construire accordé, que ce soit par les services de l'Etat, compétents en 1979 ou par la mairie compétente en 1985, sans examiner même sommairement l'attestation du maire d'[Localité 5] du 24 mai 2005 versée aux débats en pièce n° 1, qui atteste que "M. [L] [X] domicilié [Adresse 6] a bien obtenu un permis de construire tacite en date du 17 février 1986 n° 85C0192 pour l'extension d'une construction existante sise à la même adresse", démontrant l'obtention du permis de construire n° 85C0192 sollicité le 5 juillet 1985 dont la demande était versée aux débats en pièce n° 2, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 3°/ qu'en énonçant que les documents produits par les appelants ne permettent pas d'identifier quels étaient les projets de constructions pris en compte par les demandes de permis de construire de 1979 et de 1985, quand il résulte clairement de la demande de permis de construire du 5 juillet 1985 qu'elle a pour objet la construction d'une maison individuelle et la création d'une surface de 974,50 m2 en sous-sol, rez-de-chaussée et premier étage, la cour d'appel a dénaturé ce document en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; 6°/ qu'en appliquant un abattement pour illicéité des constructions après avoir constaté qu'en l'espèce, la prescription décennale interdit toute action en démolition des constructions litigieuses, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations au regard des articles L. 230-3 du code de l'urbanisme et L. 321-1 du code de l'expropriation qu'elle a violés. » Réponse de la Cour 7. La cour d'appel a relevé, sans dénaturation, qu'il résultait du rapport de M. [D] qu'une partie significative des constructions présentes sur le terrain délaissé ne figurait pas dans la demande de permis de construire déposée en 1985. 8. Elle a souverainement déduit de ce seul motif, sans inverser la charge de la preuve, mais en procédant à l'analyse de l'ensemble des pièces produites, qu'une partie des constructions était irrégulière. 9. Elle a pu en conclure que cette situation constituait une moins-value justifiant un abattement pour illicéité des constructions, quand bien même la prescription de l'action en démolition serait acquise. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois ; Condamne la commune d'[Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-trois.
EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - Indemnité - Préjudice - Réparation - Construction illicite - Eléments pris en considération - Détermination - Abattement sur la valeur du terrain délaissé - Possibilité
La prescription de l'action en démolition des constructions irrégulières ne fait pas obstacle à l'application, par le juge de l'expropriation, d'un abattement sur la valeur du terrain délaissé, pour illicéité d'une partie des constructions qui y sont édifiées
JURITEXT000048430191
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.174, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300597
Cassation
22-21174
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100597
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 597 FS-B Pourvoi n° V 22-21.174 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [M] [H], domiciliée [Adresse 3], 2°/ Mme [G] [I], domiciliée [Adresse 2], 3°/ Mme [P] [I], domiciliée [Adresse 3], ont formé le pourvoi n° V 22-21.174 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 4], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mmes [H] et [I], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [M] [H], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2006 à 2008, a présenté des lésions cardiaques. Le 14 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 21 juillet 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 16 octobre 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [H] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [H], sa fille, Mme [G] [I], et sa petite-fille, Mme [P] [I] (les consorts [H]) ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de dire que leur action ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de la déclarer irrecevable comme prescrite, alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [H], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [H] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 21 juillet 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris. Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [M] [H], Mmes [G] et [P] [I] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
Il résulte de l'article 1386-18, devenu 1245-17, du code civil, transposant la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et de l'arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 25 avril 2002 (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, Gonzales Sanchez, C-183/00, point 31), par lequel elle a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l'article 1240 du code civil si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle que le maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit
JURITEXT000048430193
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430193.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.178, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300598
Cassation
22-21178
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100598
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 598 FS-B Pourvoi n° Z 22-21.178 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [H] [E], 2°/ M. [W] [E], 3°/ Mme [S] [K], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° Z 22-21.178 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 3], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (CPAM), dont le siège est [Adresse 2], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [E] et de Mme [K], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué ( Versailles, 7 juillet 2022), Mme [H] [E] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009 a présenté des lésions cardiaques. Le 17 juillet 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 octobre 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 31 décembre 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [E] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [E], son conjoint, M. [W] [E], et leur fille, Mme [S] [K] (les consorts [E]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [E] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de déclarer ainsi leur action irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [E], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [E] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 octobre 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société les Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [E] et Mme [S] [K] la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
JURITEXT000048430195
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.179, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300599
Cassation
22-21179
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100599
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 599 FS-B Pourvoi n° A 22-21.179 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° A 22-21.179 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, société par actions simplifiée (SAS), dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 4] (CPAM), dont le siège est [Adresse 1], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [Z], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [Y] [Z] à laquelle a été prescrit du Mediator de 2007 à 2009, a présenté des lésions cardiaques. Le 7 octobre 2011, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 24 avril 2014, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettres du 17 juillet et 20 novembre 2014, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Z] des offres d'indemnisation qu'elle a refusées. 2. Les 7 et 8 juillet 2020, Mme [Z] a assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Elle a mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Elle a, ensuite, fondé son action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Madame [Z] fait grief à l'arrêt de dire que son action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions de Madame [Z], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'elle adressait aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que Madame [Z] se prévalait, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour lui fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 24 avril 2014, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme [Z] la somme de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
JURITEXT000048430197
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-21.180, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300600
Cassation
22-21180
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-07-07
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100600
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 600 FS-B Pourvoi n° B 22-21.180 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ Mme [I] [V], épouse [Y], 2°/ M. [B] [Y], 3°/ M. [C] [Y], tous trois domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° B 22-21.180 contre l'arrêt rendu le 7 juillet 2022 par la cour d'appel de Versailles (3ème chambre), dans le litige les opposant : 1°/ à la société Les Laboratoires Servier, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines (CPAM),dont le siège est [Adresse 3], défenderesses à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [Y], de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Les Laboratoires Servier, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Feydeau-Thieffry, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 juillet 2022), Mme [I] [V], épouse [Y], à laquelle a été prescrit du Mediator de 2004 à 2010, a présenté des lésions cardiques. Le 17 septembre 2012, elle a saisi le collège d'experts de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) qui, par un avis du 8 avril 2015, a retenu que son dommage était imputable à ce médicament. Par lettre du 3 juillet 2015, la société Les Laboratoires Servier, producteur du Mediator (le producteur), a adressé à Mme [Y] une offre d'indemnisation qu'elle a refusée. 2. Le 7 juillet 2020, Mme [I] [Y] et son conjoint, M. [B] [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y] (les consorts [Y]), ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Ils ont mis en cause la caisse primaire d'assurance maladie qui a sollicité le remboursement de ses débours. Ils ont, ensuite, fondé leur action sur l'article 1240 du code civil. Examen du moyen Sur le moyen pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. Les consorts [Y] font grief à l'arrêt de dire que leur action, initialement fondée sur les articles 1245 et suivants du code civil, ne saurait être poursuivie sur le fondement de l'article 1240 du même code et de la déclarer irrecevable comme prescrite alors « que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, pourvu que ceux-ci reposent sur des fondements différents de celui d'un défaut de sécurité du produit litigieux, tels la garantie des vices cachés ou la faute ; qu'exposant les prétentions des consorts [Y], les juges du fond ont constaté que le reproche qu'ils adressaient aux laboratoires Servier portait sur la carence dolosive du producteur qui, bien que connaissant la dangerosité du Médiator, s'était volontairement abstenu de toute mesure pour en suspendre la commercialisation et avait délibérément maintenu ce produit en circulation ; qu'il en résulte que les consorts [Y] se prévalaient, devant les juges du fond, d'une faute distincte du simple défaut de sécurité du produit ; qu'en jugeant cependant que tel n'était pas le cas pour leur fermer la voie de la responsabilité pour faute et retenir l'application exclusive de la responsabilité du fait des produits défectueux, les juges du fond n'ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations et ont, dès lors, violé les articles 1245-17, anciennement 1386-18, et 1240, anciennement 1382, du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 1386-18 et 1382, devenus 1245-17 et 1240, du code civil : 4. Aux termes du premier de ces textes, transposant l'article 13 de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. 5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la directive, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par ladite directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez, C-183/00, point 31). 6. Il en résulte que la victime d'un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement du second de ces textes, si elle établit que son dommage résulte d'une faute commise par le producteur, telle qu'un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit. 7. Pour déclarer l'action irrecevable comme prescrite, l'arrêt retient, d'une part, que l'assignation a été délivrée le 7 juillet 2020, plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l'avis de l'ONIAM du 8 avril 2015, d'autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. 8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ; Condamne la société Les Laboratoires Servier aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. et Mme [Y], agissant tant en leur nom personnel qu'ès qualités de représentants légaux de leur fils mineur [C] [Y], la somme globale de 4 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
JURITEXT000048430199
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/01/JURITEXT000048430199.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-15.511, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300601
Cassation sans renvoi
22-15511
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-10-25
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Champalaune
SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:C100601
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 601 FS-B Pourvoi n° Q 22-15.511 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [L] [N], domicilié centre de rétention administrative de [Localité 5], [Adresse 4], 2°/ l'union départementale des associations familiales de [Localité 5] (UDAF), représentée par Mme [Y] [Z], en sa qualité de curatrice de M. [L] [N], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° Q 22-15.511 contre l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021 par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (rétention administrative, chambre 1-11 RA), dans le litige les opposant : 1°/ au préfet des Bouches-du-Rhône, domicilié [Adresse 1], représentant l'Etat, 2°/ au procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, domicilié en son parquet général, [Adresse 3], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [N] et de l'union départementale des associations familiales de [Localité 5], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Jessel, M. Mornet, M. Chevalier, Mme Kerner-Menay, Mme Bacache-Gibeili, conseillers, Mme de Cabarrus, Mme Dumas, Mme Kass-Danno, conseillers référendaires, M. Chaumont, avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Aix-en-Provence, 25 octobre 2021) et les pièces de la procédure, le 20 janvier 2020, un juge des tutelles a prononcé, pour une durée de soixante mois, une mesure de curatelle renforcée au bénéfice de M. [N], de nationalité algérienne. Le 19 octobre 2021, celui-ci a été placé en rétention administrative, en exécution d'un arrêté ministériel d'expulsion. 2. Le 21 octobre 2021, le juge des libertés et de la détention a été saisi par M. [N] d'une contestation de la décision de placement en rétention sur le fondement de l'article L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et par le préfet d'une demande de première prolongation de la mesure sur le fondement de l'article L. 742-1 du même code. Examen des moyens Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 3. M. [N] fait grief à l'ordonnance de rejeter sa requête en contestation de la décision de placement en rétention et de maintenir la mesure, alors « qu'il résulte des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le curateur est avisé du placement en rétention administrative de la personne placée sous curatelle ; qu'en retenant qu'il résulte de l'article L. 741-8 du CESEDA que l'autorité administrative doit informer immédiatement le procureur de la République de tout placement en rétention et que ni ce texte ni aucun texte, n'imposent à l'administration ou au procureur de la République d'aviser le curateur de l'étranger de son placement en rétention, quand cette règle de droit résultait des articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lus à la lumière de l'article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le délégué du premier président a violé, ensemble, les articles L. 741-8 et L. 741-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour Vu les articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et les articles L. 741-9 et L. 741-10 du CESEDA : 4. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement. 5. Pour rejeter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure, l'ordonnance retient qu'il ne saurait être reproché au préfet de ne pas avoir fait procéder à l'audition de la curatrice préalablement au placement en rétention de l'intéressé en l'absence de justification d'une disposition légale en ce sens. 6. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'administration, qui avait connaissance de la mesure de protection, avait informé le curateur du placement en rétention de M. [N], le premier président a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 8. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 25 octobre 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
Il résulte des articles 467, alinéa 3, et 468, alinéa 3, du code civil et des articles L. 741-9 et L. 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qu'il incombe à l'autorité administrative, dès lors qu'elle dispose d'éléments laissant apparaître que l'étranger placé en rétention fait l'objet d'une mesure de protection juridique, telle qu'une curatelle, d'informer du placement la personne chargée de cette mesure, afin que l'étranger puisse exercer ses droits et, le cas échéant, contester la décision de placement
JURITEXT000048430200
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
12300608
Rejet
22-23266
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2022-09-22
Cour d'appel de Douai
Mme Champalaune
SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Bénabent
ECLI:FR:CCASS:2023:C100608
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 608 F-B Pourvoi n° U 22-23.266 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [M] [P], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 22-23.266 contre l'arrêt rendu le 22 septembre 2022 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 2), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société le potager des Princes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [L] [U], domicilié [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [P], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société le potager des Princes, de M. [U], et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 septembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 22 septembre 2022), en 1985, M. [P], artiste, sculpteur et peintre, spécialisé dans la représentation de chevaux, sollicité par M. [U], fondateur du Musée [4] vivant aux Grandes écuries de [Localité 3], a créé une oeuvre destinée au musée, intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « la Prueva », consistant en une sculpture monumentale représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire. 2. Plusieurs reproductions sans autorisation de cette oeuvre ou de partie de l'oeuvre ont été réalisées par [X] [K] dit [X] [G]. L'une de celles-ci, dont le caractère contrefaisant a été reconnu par arrêt irrévocable de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008, a été exposée dans les jardins de la société le potager des princes ayant pour activité la gestion des jardins botaniques et parc animalier à [Localité 3], fondée par M. [U]. 3. Par lettre du 5 mai 2020, M. [P] a contacté M. [U] en sa qualité de directeur du parc « le potager des Princes », afin de convenir des moyens d'une réparation amiable au titre de la violation de ses droits de propriété intellectuelle. 4. Le 5 mars 2021, M. [P] a assigné en référé M. [U] et la société le potager des Princes, en contrefaçon de droit d'auteur, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et d'obtenir l'indemnisation provisionnelle de son préjudice. M. [U] et la société le potager des princes ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription. Examen des moyens Sur le second moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. M. [P] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées contre la société le potager des Princes, alors « que si l'action en réparation des atteintes portées aux droits de l'auteur se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, l'action aux fins de faire cesser lesdites atteintes n'est soumise à aucun délai de prescription, la propriété ne s'éteignant pas par le non usage ; qu'en retenant, pour déclarer irrecevable l'ensemble des demandes formées par M. [P] au titre de la contrefaçon de sa statue intitulée "Fontaine aux chevaux" ou "la Prueva", que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise au délai quinquennal de l'article 2224 du code civil dont le point de départ est le jour où le titulaire a eu connaissance de la contrefaçon, même si celle-ci s'inscrit dans la durée, et que M. [P] a été informé de la présence de la statue litigieuse dans le jardin de la société le potager des Princes dès le rapport d'expertise du 3 septembre 2004 dans le cadre de l'instruction pénale qui a abouti à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 décembre 2008 reconnaissant son caractère contrefaisant, de sorte que le délai de prescription a expiré le 17 décembre 2013, cependant que n'étaient pas prescrites les demandes de M. [P] tendant à faire cesser les actes de contrefaçon par la remise entre ses mains de l'oeuvre contrefaisante aux fins de destruction, la cour d'appel a violé les articles 544, 2224 et 2227 du code civil. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. C'est à bon droit que, après avoir énoncé que la prescription des actions civiles en contrefaçon de droit d'auteur est soumise à ces dispositions, la cour d'appel a retenu que, le délai de prescription ayant commencé à courir le 17 décembre 2008, date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant de l'oeuvre exposée, l'action intentée le 5 mars 2021 était prescrite, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée. 9. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [P] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société le potager des Princes et M. [U] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. C'est, dès lors, à bon droit qu'une cour d'appel retient que le délai de prescription d'une action fondée sur la contrefaçon a commencé à courir à la date à laquelle avait été admis le caractère contrefaisant d'une oeuvre, même si la contrefaçon s'inscrivait dans la durée
JURITEXT000048430201
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2023, 23-14.577, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
12300697
QPC - Irrecevabilité
23-14577
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2023-03-02
Cour d'appel de Versailles
Mme Champalaune
SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:C100697
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 COUR DE CASSATION CF ______________________ QUESTIONS PRIORITAIRES de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 IRRECEVABILITE Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 697 F-B Pourvoi n° V 23-14.577 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 14 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 14 août 2023, la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-14.577 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre), dans une instance l'opposant à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 1]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bacache-Gibeili, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société AXA France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et l'avis de M. Poirret, premier avocat général, après débats en l'audience publique de ce jour où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Bacache-Gibeili, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Poirret, premier avocat général, et Mme Ben Belkacem, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 mars 2023), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 9 décembre 2020, n° 19-20.315 ), après avoir reçu des transfusions sanguines, Mme [P] a été contaminée par le virus de l'hépatite C et a sollicité, devant la juridiction administrative, le paiement d'une provision par l'Établissement français du sang (l'EFS) dont le versement a été mis à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), légalement substitué à celui-ci. L'ONIAM a conclu une transaction avec les consorts [P] qui l'avaient saisi d'une demande d'indemnisation amiable complémentaire. 2. Parallèlement, le 22 février 2010, l'EFS a assigné en garantie la société AXA France IARD, venant aux droits et obligations du Groupe Drouot (la société AXA), en sa qualité d'assureur de responsabilité civile du centre départemental de transfusion sanguine de [Localité 3] (le CDTS) au titre de la fourniture d'un produit sanguin transfusé à Mme [P]. L'ONIAM s'est substitué à l'EFS et a sollicité le remboursement par la société AXA des sommes versées aux consorts [P]. 3. La cour d'appel de renvoi a condamné la société AXA à rembourser à l'ONIAM l'intégralité des sommes versées aux consorts [P]. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 4. A l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 2 mars 2023 par cette cour, la société AXA a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité suivantes portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du huitième alinéa de l'article L. 1221-14, du code de la santé publique, issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 : 1°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, excédant la part contributive de son assuré, est-il contraire au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » 2°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce qu'il aboutit à faire peser sur l'assureur actionné par l'ONIAM ou le tiers payeur la charge de l'intégralité de la créance de réparation de la victime d'une contamination transfusionnelle par le virus de l'hépatite C, est-il contraire à la liberté contractuelle garantie par l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789? » 3°/ - « Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, tel qu'issu de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020, qui dispose que "l'Office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'Office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge", en ce que les recours en contribution que pourrait engager l'assureur ainsi actionné à l'encontre des autres fournisseurs et de leurs éventuels assureurs seraient soumis à la démonstration, en pratique quasiment impossible, d'une faute et seraient en tout état de cause dépourvus d'efficacité en présence de fournisseurs non identifiés ou non assurés, laissant ainsi définitivement à la charge de l'assureur actionné par l'ONIAM ou les tiers payeurs une part d'indemnisation excédant celle de son assuré, est-il contraire au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité Sur la recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité, examinée d'office, après avis donné aux parties, dans les conditions prévues à l'article 1015 du code de procédure civile : 5. La disposition dont la constitutionnalité est contestée est le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique. 6. L'article L. 1221-14 a été créé par le I de l'article 67 de la loi n° 2008-330 du 17 décembre 2008. Il a mis à la charge de l'ONIAM l'indemnisation des victimes de contamination transfusionnelles par le virus de l'hépatite C et prévu une procédure amiable d'indemnisation. Il a été déclaré applicable aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée. Il a été modifié par le I de l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 ayant notamment donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées par les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS. 7. Les actions juridictionnelles en cours au 1er juin 2010 ont été soumises à des dispositions transitoires édictées au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 prévoyant une substitution de l'ONIAM à l'EFS et la possibilité pour le demandeur de solliciter un sursis à statuer pour bénéficier de la procédure amiable instaurée. Ces dispositions ont été complétées par le II de l'article 72 de la loi du 17 décembre 2012 ayant également donné la possibilité à l'ONIAM de solliciter la garantie des assureurs des structures reprises par l'EFS. 8. Le huitième alinéa de l'article L. 1221-14 a été ajouté par le I de l'article 39 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020. Cet alinéa précise les conditions des recours de l'ONIAM contre les assureurs des structures de transfusion sanguine reprises par l'EFS ayant fourni des produits sanguins administrés aux victimes et dont l'innocuité n'a pas été démontrée et ouvre un tel recours aux tiers payeurs. 9. Cependant, selon le II de l'article 39, ces dispositions ne s'appliquent, comme les autres dispositions de l'article L. 1221-14, qu'aux actions juridictionnelles engagées à compter du 1er juin 2010, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, de sorte que demeurent applicables, pour les actions antérieurement engagées, les dispositions transitoires précitées. 10. Dès lors que l'action en garantie de la société AXA a été intentée le 22 février 2010 par l'EFS, auquel l'ONIAM s'est ensuite substitué, la disposition contestée n'est pas applicable au litige. 11. Les questions prioritaires de constitutionnalité sont donc irrecevables. PAR CES MOTIFS, la Cour : DÉCLARE IRRECEVABLES les questions prioritaires de constitutionnalité ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE
JURITEXT000048430347
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 21-18.360, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300735
Cassation partielle
21-18360
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2021-04-01
Cour d'appel d'Aix en Provence
Mme Teiller
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
ECLI:FR:CCASS:2023:C300735
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 VB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 735 FS-B Pourvoi n° R 21-18.360 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 1°/ M. [N] [I], 2°/ Mme [U] [K], épouse [I], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° R 21-18.360 contre l'arrêt rendu le 1er avril 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige les opposant à la société du [Adresse 1], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Davoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. et Mme [I], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société du [Adresse 1], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Davoine, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mmes Grandjean, Grall, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mme Gallet, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 2021), le 4 septembre 2009, la société civile immobilière du [Adresse 1] (la SCI) a conclu avec M. et Mme [I] (les preneurs) un contrat dénommé « convention pluriannuelle de pâturage » portant sur des biens agricoles et un bâtiment d'habitation, pour une durée de cinq ans à compter du 1er avril 2009, tacitement reconduit à son terme. 2. Par acte d'huissier du 25 août 2016, les preneurs ont assigné en référé la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser des travaux. 3. Le 25 septembre 2017, la SCI leur a délivré un congé. 4. Après renvoi de l'affaire devant le tribunal paritaire des baux ruraux pour qu'il soit statué au fond, les preneurs ont demandé, à titre additionnel, la reconnaissance d'un bail rural, la condamnation de la SCI à leur rembourser diverses sommes, dont les loyers réglés au titre du bâtiment d'habitation, et l'annulation du congé. Examen des moyens Sur le troisième moyen 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen relevé d'office 6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code. Vu l'article 2224 du code civil : 7. Aux termes de ce texte, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 8. La Cour de cassation juge, de façon constante, que le bail tacitement reconduit est un nouveau bail, distinct du bail initial (3e Civ., 10 juin 1998, pourvoi n° 96-15.626, Bull. 1998, III, n° 119). Cette règle est désormais consacrée, depuis l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, aux articles 1214 et 1215 du code civil. 9. Il en résulte que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet. 10. Pour déclarer prescrite l'action en reconnaissance d'un bail rural, laquelle s'analyse en une action en requalification de la convention en cours, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que le délai de prescription court, sauf fraude, à compter de la date de la conclusion du contrat initial, nonobstant sa tacite reconduction. 11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant irrecevable la demande de requalification entraîne la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande en annulation du congé, ordonnant l'expulsion des preneurs, les condamnant au paiement d'une indemnité d'occupation et rejetant leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande de requalification, rejette la demande en annulation du congé, ordonne l'expulsion de M. et Mme [I], les condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, rejette leur demande en remboursement de diverses sommes, y compris les loyers, et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 1er avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne la société civile immobilière du [Adresse 1] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière du [Adresse 1] et la condamne à payer à M. et Mme [I] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL RURAL - Statut du fermage et du métayage - Domaine d'application - Convention pluriannuelle de pâturage - Action en requlification - Prescription - Prescription quinquennale - Point de départ - Détermination - Portée
Il résulte de l'article 2224 du code civil que, si l'action en requalification en bail rural de la convention pluriannuelle de pâturage initiale se prescrit à compter de sa conclusion, l'action en requalification de chaque convention née ensuite par tacite reconduction se prescrit à compter de sa prise d'effet
JURITEXT000048430349
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-19.422, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300736
Rejet
22-19422
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-03-25
Tribunal judiciaire d'Orléans
Mme Teiller
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:C300736
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 736 FS-B Pourvoi n° R 22-19.422 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 M. [V] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 22-19.422 contre le jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal judiciaire d'Orléans, dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [T] [C], 2°/ à Mme [F] [E], domiciliés tous deux [Adresse 2], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [Y], de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [C] et de Mme [E], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. David, Jobert, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, Mme Proust, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, M. Sturlèse, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 25 mars 2022), rendu en dernier ressort, locataires d'un logement dont M. [Y] (le bailleur) est propriétaire, M. [C] et Mme [E] (les locataires), après avoir libéré les lieux le 1er août 2020 à l'issue d'un congé, ont saisi le tribunal en restitution du dépôt de garantie. 2. Le bailleur s'est opposé à la demande en invoquant des désordres locatifs. Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen 3. Le bailleur fait grief au jugement de le condamner au paiement d'une certaine somme au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard, alors « que le juge ne peut refuser d'évaluer le préjudice dont il a constaté l'existence en son principe ; qu'en condamnant M. [Y] à restituer aux locataires la somme prélevée par lui en sa qualité de bailleur sur le dépôt de garantie au titre des dégradations locatives, après avoir constaté la réalité de celles-ci quant au défaut d'entretien du jardin consistant en l'absence de désherbage "surtout autour des massifs" en raison du caractère global de la facture produite au titre des travaux de jardinage qui ne permettrait pas d'évaluer le coût exact "du nettoyage des parterres et massifs" visé dans celle-ci, le tribunal qui devait évaluer lui-même le préjudice dont il constatait l'existence, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 7, c, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. » Réponse de la Cour 4. Selon l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, si l'état des lieux ne peut être établi contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elle, il est établi par un huissier de justice, devenu commissaire de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. 5. La Cour de cassation décide qu'un constat d'huissier de justice, même non contradictoirement dressé, vaut à titre de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties (1re Civ., 12 avril 2005, pourvoi n° 02-15.507, Bull. 2005, I, n° 181). 6. Il s'en déduit qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire. 7. Le tribunal a constaté que le bailleur, qui avait connaissance du départ des lieux des locataires, ne démontrait pas avoir tenté d'établir amiablement l'état des lieux de sortie de manière contradictoire et n'avait pas fait appel à un huissier de justice. 8. Il en résulte que l'état des lieux de sortie invoqué par le bailleur ne pouvait faire la preuve des dégradations qui y sont listées et qui seraient imputables aux locataires. 9. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense, et substitué à celui critiqué, conformément à l'article 620, alinéa 1, du code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée de ce chef. Sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le bailleur fait grief au jugement de rejeter sa demande de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral, alors « que la cassation qui sera prononcée sur le premier moyen de cassation, qui reproche au tribunal d'avoir condamné M. [Y] à verser à M. [C] et Mme [E] la somme de 1 539,60 euros au titre de la restitution du dépôt de garantie et des majorations de retard entraînera, par voie de conséquence et par application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure du jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral. » Réponse de la Cour 11. Le rejet du premier moyen rend sans portée le second moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. [Y] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL D'HABITATION - Bail soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 - Preneur - Obligations - Restitution de la chose louée en fin de bail - Dégradations - Preuve - Etat des lieux de sortie non contradictoire - Portée - Détermination
Il résulte de l'article 3-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 qu'un état des lieux de sortie établi unilatéralement par le bailleur, sans recours à un commissaire de justice, et dont le défaut de contradiction est dû à sa carence, ne peut faire la preuve de dégradations imputables au locataire
JURITEXT000048430351
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 novembre 2023, 22-14.091, Publié au bulletin
2023-11-16 00:00:00
Cour de cassation
32300745
Cassation partielle
22-14091
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-01-25
Cour d'appel de Poitiers
Mme Teiller
SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon
ECLI:FR:CCASS:2023:C300745
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 16 novembre 2023 Cassation partielle Mme TEILLER, président Arrêt n° 745 F-B Pourvoi n° W 22-14.091 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2023 La société [Localité 5], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° W 22-14.091 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2022 par la cour d'appel de Poitiers (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [X], domicilié [Adresse 2], notaire associé de la société Océan notaires, 2°/ à M. [Z] [E], 3°/ à Mme [S] [U], épouse [E], domiciliés tous deux [Adresse 3] (Irlande), 4°/ à la société [W], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de M. [D] [W], en qualité de liquidateur de la société Lama, défendeurs à la cassation. M. [X] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. M. et Mme [E] ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation. M. [X], demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. M. et Mme [E], demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société [Localité 5], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [X], de la SCP Gaschignard, Loiseau et Massignon, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 25 janvier 2022, n° RG 20/01228), par un contrat de réservation du 10 décembre 2002, suivi d'un acte authentique de vente en l'état futur d'achèvement dressé le 31 octobre 2003 par M. [X] (le notaire), M. et Mme [E] (les propriétaires), préalablement démarchés par la société Lama (le promoteur), ont acquis une villa dans une résidence de tourisme exploitée par la société Gestion patrimoine loisirs. 2. Par acte sous seing privé du 10 décembre 2002, les propriétaires ont donné la villa à bail commercial à l'exploitante de la résidence de tourisme, aux droits de laquelle est venue la société [Localité 5] (la locataire), pour une durée de neuf années à compter du lendemain de l'achèvement de l'immeuble. 3. Le bail commercial comprenait une clause de renonciation de la locataire à son droit à une indemnité d'éviction. 4. Le 23 septembre 2014, les propriétaires ont délivré à la locataire un congé avec refus de renouvellement, à effet au 31 mars 2015, sans offre d'une indemnité d'éviction. 5. Le 5 avril 2015, les propriétaires ont repris possession de l'immeuble. 6. Le 7 décembre suivant, la locataire a assigné les propriétaires en annulation du congé, indemnisation du préjudice résultant de sa dépossession et restitution des locaux loués ou, subsidiairement, en paiement d'une indemnité d'éviction. 7. Le 3 octobre 2016, les propriétaires ont assigné en garantie le promoteur et le notaire. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en dommages-intérêts au titre des actes de concurrence déloyale et des agissements parasitaires, et sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches, du pourvoi incident du notaire 8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen du pourvoi incident des propriétaires, dont l'examen est préalable Enoncé du moyen 9. Les propriétaires font grief à l'arrêt de réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction, d'ordonner une expertise sur la fixation de son montant et de les condamner au paiement d'une provision, alors « que la loi qui a pour effet d'allonger la durée d'une prescription est sans effet sur une prescription déjà acquise ; que la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 modifiant l'article L. 145-15 du code de commerce a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement et d'indemnité d'éviction, soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du même code, leur caractère réputé non écrit, non soumis à prescription ; qu'il en résulte que la loi nouvelle susvisée édictant une sanction imprescriptible n'est applicable qu'aux actions dont le délai de prescription biennale n'était pas déjà expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'en jugeant que l'action engagée en 2015 par la société [Localité 5] en contestation de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction stipulée au bail conclu en 2002 n'était pas soumise à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce, ce au motif que la loi nouvelle régissait immédiatement les effets légaux des situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur et non définitivement réalisées, quand cette loi ne pouvait avoir d'effet sur la prescription de l'action définitivement acquise avant son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2222 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Il résulte de l'article 2 du code civil que la loi nouvelle régit les effets légaux des situations juridiques ayant pris naissance avant son entrée en vigueur et non définitivement réalisées. 11. La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription (3e Civ., 19 novembre 2020, pourvoi n° 19-20.405, Bull.). 12. Dès lors, quand bien même la prescription de l'action en nullité des clauses susvisées était antérieurement acquise, la sanction du réputé non écrit est applicable aux baux en cours. 13. Ayant constaté que le bail s'était tacitement prorogé et que le congé avait été valablement délivré par les propriétaires le 23 septembre 2014, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action tendant à voir réputer non écrite la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction n'était pas soumise à la prescription biennale et était recevable. 14. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal Enoncé du moyen 15. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en indemnisation de son préjudice au titre de la dépossession des lieux, alors « que le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel qu'il est fixé par les conclusions des parties ; que dans leurs conclusions d'appel, les époux [E] ont soutenu, qu'après avoir obtenu la remise spontanée de leurs clefs à l'accueil de la résidence le 5 avril 2015, ils avaient récupéré la libre jouissance de leur résidence de vacances, avaient procédé au changement des serrures afin de sécuriser l'accès de leur propriété et avaient ainsi pu louer leur villa depuis la résiliation du bail en passant par le biais de sites de locations de particulier à particulier ; que pour débouter la société [Localité 5] de sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépossession, l'arrêt attaqué retient qu'il n'était pas démontré que les époux [E] soient passés outre le refus de la société [Localité 5], exprimé dans une lettre AR datée du 4 mai 2015, de restituer les clefs en l'absence de règlement de l'indemnité d'éviction en changeant les serrures de la maison rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale conformément au bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 4 du code de procédure civile : 16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. 17. Pour rejeter les demandes indemnitaires au titre du préjudice né de la perte du droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'arrêt retient que si la locataire avait indiqué, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 4 mai 2015, qu'elle entendait conserver la gestion du bien et ne restituerait pas les clés en l'absence de consensus sur le règlement de l'indemnité, elle ne démontrait pas que les propriétaires soient passés outre ce refus en changeant les serrures de la villa et en rendant ainsi impossible l'accès des lieux en vue de son exploitation commerciale. 18. En statuant ainsi, alors que dans leurs conclusions, les propriétaires affirmaient avoir repris possession de leur propriété et avoir procédé au changement des serrures afin d'en sécuriser l'accès, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé. Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, du pourvoi incident du notaire Enoncé du moyen 19. Le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son devoir de conseil en omettant d'informer les propriétaires de la nullité de la clause de renonciation à l'indemnité d'éviction et de le condamner, in solidum avec le promoteur, à les garantir de toutes les condamnations prononcées à leur encontre, en appel, à hauteur de 70 %, alors « qu'en toute hypothèse, le notaire n'est pas tenu de vérifier la validité de la clause d'un acte, qu'il n'a pas été chargé de dresser, et qui ne détermine pas la validité ou l'efficacité de l'acte, distinct, auquel il prête son concours ; qu'en retenant que le notaire, rédacteur du seul acte de vente, aurait manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les clauses d'un bail, rédigé par un agent immobilier, étaient conformes aux attentes d'investisseurs de M. et Mme [E], et d'attirer leur attention sur un risque d'annulation d'une clause de ce bail, et sur le risque de devoir payer une indemnité d'éviction au locataire en exécution de ce même acte, conclu sans son concours, au motif que cette clause pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail, la cour d'appel, qui a ainsi statué par des motifs impropres à caractériser l'incidence que le risque d'annulation de la clause du bail pouvait avoir sur la validité ou l'efficacité de l'acte de vente, qui avait produit tous ses effets, a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil : 20. En application de ce texte, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il prête son concours. 21. Pour accueillir l'appel en garantie des propriétaires contre le notaire, l'arrêt retient qu'il a manqué à son devoir de conseil en s'abstenant de vérifier que les principales clauses du bail commercial, qui constituait un élément fondamental dans l'ensemble contractuel, étaient conformes aux attentes d'investisseurs des acquéreurs et en omettant d'attirer leur attention les conséquences du risque d'annulation de la clause de renonciation du locataire au paiement d'une indemnité d'éviction stipulée dans ce bail, lequel pouvait avoir une incidence sur leurs projets concernant l'utilisation du bien au terme normal du bail. 22. En statuant ainsi, alors que le notaire n'était pas tenu d'une obligation de conseil concernant l'opportunité économique d'un bail commercial conclu par les acquéreurs sans son concours, ni de les mettre en garde sur le risque d'annulation d'une clause de ce bail qui était sans incidence sur la validité et l'efficacité de l'acte de vente qu'il instrumentait, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 23. La cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de la locataire en dommages-intérêts pour dépossession, retenant un manquement du notaire à son obligation de conseil, et le condamnant à garantir les propriétaires des condamnations prononcées à leur encontre emporte celles des chefs du dispositif condamnant le promoteur à garantir le notaire et condamnant le notaire au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile. 24. En revanche, elle n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant les propriétaires et le promoteur au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de la société [Localité 5] en dommages-intérêts pour dépossession, qu'il déclare partiellement fondé le recours en garantie formé par M. et Mme [E] à l'encontre de M. [X], qu'il dit que M. [X] a manqué à son devoir de conseil et que cette faute les a privés d'une chance d'éviter une action en paiement d'une indemnité d'éviction, qu'il condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à garantir M. et Mme [E] à concurrence de 70 %, de toutes les condamnations prononcées à leur encontre dans le cadre de la présente instance d'appel, du montant de la condamnation provisionnelle et de la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, qu'il condamne la société Lama à garantir M. [X] à concurrence de 50 % des condamnations prononcées à son encontre, et condamne M. [X] in solidum avec la société Lama à payer à M. et Mme [E] la somme de 6 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, l'arrêt rendu le 25 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ; Condamne M. et Mme [E] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize novembre deux mille vingt-trois.
BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Application dans le temps - Portée
LOIS ET REGLEMENTS - Application immédiate - Application aux contrats en cours - Cas - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 - Portée BAIL COMMERCIAL - Renouvellement - Clause faisant échec au droit au renouvellement - Clause réputée non écrite - Action en justice - Prescription - Prescription biennale - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Portée
La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, qui, en ce qu'elle a modifié l'article L. 145-15 du code de commerce, a substitué, à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours et l'action tendant à voir réputée non écrite une clause du bail n'est pas soumise à prescription. Dès lors, l'action tendant à voir réputée non écrite une clause ayant pour effet de faire échec au droit au renouvellement, introduite après l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 et relative à un bail en cours à cette date, est recevable quand bien même la prescription de l'action en nullité de cette même clause aurait été acquise au jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle
JURITEXT000048465522
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.874, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300614
Cassation
21-25874
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-10-25
Cour d'appel de Rennes
Mme Champalaune
SARL Delvolvé et Trichet, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C100614
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 614 FS-B Pourvoi n° G 21-25.874 Aide juridictionnelle partielle en défense au profit de Mme [J] [W]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 30 septembre 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [N] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 21-25.874 contre l'arrêt rendu le 25 octobre 2021 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme [J] [W], domiciliée [Adresse 1] (Allemagne), défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de M. [S], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [W], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, Mme Poinseaux, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, Mme Lion, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Daniel, conseillers référendaires, M. Sassoust, avocat général, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 25 octobre 2021), des relations entre M. [S] et Mme [W] est née [T], le 23 octobre 2012, à Nantes. 2. Par requête du 28 mai 2019, M. [S] a saisi le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de voir statuer sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. 3. Le 17 mars 2020, Mme [W] a saisi une juridiction allemande aux mêmes fins. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. M. [S] fait grief à l'arrêt de déclarer le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nantes incompétent et de renvoyer les parties devant la juridiction allemande saisie, alors « que les juridictions d'un État membre de l'Union européenne sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie ; qu'une juridiction est réputée saisie à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ; que cette dernière condition est satisfaite lorsque les formalités subséquentes à la requête sont accomplies, peu important les conditions dans lesquelles elles l'ont été ; qu'en se plaçant, pour apprécier la résidence habituelle de l'enfant [T] [S], à la date du 18 septembre 2020, date à laquelle M. [S] a fait signifier la requête qu'il avait déposée au greffe du tribunal de grande instance de Nantes le 28 mai 2019, et non la date de cette requête, au motif inopérant que M. [S] aurait manqué de diligence et fait preuve de négligences dans la conduite de la procédure, la cour d'appel a violé les articles 8 et 16 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis), relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. » Réponse de la Cour Vu les articles 8, § 1, et 16, § 1, sous a), du règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : 6. Aux termes du premier de ces textes, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. 7. Le second dispose : « Une juridiction est réputée saisie : a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ». 8. Il résulte de ce dernier texte qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. 9. Pour déclarer la juridiction française incompétente au profit de la juridiction allemande saisie, l'arrêt retient que M. [S] a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de Mme [W] en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, de sorte qu'il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du règlement 2201/2003, de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019. 10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. [S] avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné Mme [W], la cour d'appel a violé les textes susvisés. 11. Et en l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation du droit de l'Union européenne, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen. Condamne Mme [W] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
CONFLIT DE JURIDICTIONS
Aux termes de l'article 8, § 1, du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. Il résulte de l'article 16, § 1, sous a), de ce même règlement qu'une juridiction est réputée saisie par la réalisation d'un seul acte, à savoir le dépôt de l'acte introductif d'instance, dès lors que le demandeur n'a pas omis de prendre les mesures qui lui incombaient pour que l'acte initial soit régulièrement notifié ou signifié au défendeur. Dès lors, viole ce texte la cour d'appel qui écarte la validité de sa saisine et se déclare incompétente au profit d'une juridiction étrangère ultérieurement saisie, après avoir constaté que le demandeur avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assignée la défenderesse
JURITEXT000048465524
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.833, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300624
Cassation partielle
21-25833
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-09-09
Cour d'appel de Montpellier
Mme Champalaune
SCP Capron, Me Bardoul
ECLI:FR:CCASS:2023:C100624
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 624 F-B Pourvoi n° P 21-25.833 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 Mme [G] [Z], épouse [V], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 21-25.833 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 5], 2°/ à M. [F] [Z], domicilié [Adresse 3], 3°/ à Mme [H] [Z], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], 4°/ à Mme [B] [Z], épouse [P], domiciliée [Adresse 1], défendeurs à la cassation. MM. [Y] et [F] [Z], Mmes [H] et [B] [Z] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt. La demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Les demandeurs au pourvoi incident, invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Daniel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de Mme [V], de Me Bardoul, avocat de MM. [Y] et [F] [Z] et de Mmes [H] et [B] [Z], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Daniel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 9 septembre 2021), [S] [M], veuve [Z], est décédée le 25 février 2012, en laissant pour lui succéder ses cinq enfants, [Y], [F], [H], [B] et [G] (Mme [V]). 2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession. Examen des moyens Sur le moyen du pourvoi principal 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le moyen du pourvoi incident Enoncé du moyen 4. MM. [Y] et [F] [Z] et Mmes [H] et [B] [Z] font grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, alors « que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations ; qu'il s'en suit que lorsqu'une juridiction commet un notaire pour procéder aux opérations de partage, la juridiction est tenue de désigner également un juge pour surveiller ces opérations ; qu'en disant n'y avoir lieu à désigner un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés quand la juridiction commettait un notaire pour procéder à des opérations de partage et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés ce qui impliquait la décision d'un juge commis pour surveiller les opérations, la cour d'appel a violé l'article 1364 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu l'article 1364, alinéa 1, du code de procédure civile : 5. Aux termes de ce texte, si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. 6. Pour rejeter la demande de commission d'un juge aux fins de surveiller les opérations de partage de la succession de [S] [M], de la communauté ayant existé entre elle et son époux [W] [Z] prédécédé et de la succession de celui-ci, l'arrêt, après avoir constaté que le jugement déféré avait, par des dispositions non critiquées, ordonné l'ouverture de ces opérations, désigné un notaire pour y procéder et dresser au besoin un procès-verbal de difficultés, et renvoyé les parties pour qu'il soit procédé aux comptes définitifs et au partage, retient que la commission d'un juge n'est pas nécessaire en l'absence d'opérations complexes de liquidation au sens de l'article 1364 du code de procédure civile. 7. En statuant ainsi, alors que la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile imposait la commission d'un juge pour les surveiller, la cour d'appel a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation 8. La cassation du chef de dispositif disant n'y avoir lieu à la désignation d'un juge commis pour surveiller le déroulement des opérations et faire rapport au tribunal en cas de difficultés n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [V] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit n'y avoir lieu à la commission d'un juge pour surveiller le déroulement des opérations de partage et faire rapport au tribunal en cas de difficultés, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée. Condamne Mme [V] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PARTAGE - Partage judiciaire - Complexité des opérations - Désignation d'un notaire - Commission d'un juge - Nécessité
Il résulte de l'article 1364, alinéa 1, du code de procédure civile que lorsque la complexité des opérations justifie la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de partage prévues aux articles 1364 à 1376 de ce code, le tribunal doit également commettre un juge pour surveiller ces opérations
JURITEXT000048465579
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 21-20.436, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301158
Rejet
21-20436
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-07-01
Cour d'appel de Versailles
Mme Martinel
SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:C201158
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1158 F-B Pourvoi n° X 21-20.436 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Babyliss, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-20.436 contre l'arrêt rendu le 1er juillet 2021 par la cour d'appel de Versailles (14e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Dyson, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à la société Dyson Technology Limited, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], (Royaume-Uni), défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Babyliss, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat des sociétés Dyson et Dyson Technology Limited, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles,1er juillet 2021), rendu sur renvoi après cassation (Com., 4 novembre 2020, pourvoi n° 19-13.205), les sociétés Dyson Technology Limited et Dyson (les sociétés Dyson), se plaignant d'agissements constitutifs de concurrence déloyale et de dénigrement commis par la société Babyliss à l'occasion du lancement, en juillet 2017, d'un produit concurrent du sèche-cheveux qu'elles-mêmes avaient mis sur le marché français en 2016, ont saisi sur requête un président d'un tribunal de commerce aux fins de voir désigner un huissier de justice pour effectuer diverses opérations d'investigation au siège de leur concurrente. 2. La requête ayant été accueillie et les opérations effectuées, la société Babyliss a demandé la rétractation de l'ordonnance et la restitution des pièces saisies. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche et sur le second moyen 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 4. La société Babyliss fait grief à l'arrêt de déclarer les sociétés Dyson recevables en leur demande tendant à la modification de l'ordonnance du 16 novembre 2017, alors « que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l'examen d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l'initiative d'une partie en l'absence de son adversaire ; que la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet, nonobstant le pouvoir du juge qui a ordonné une mesure d'instruction d'en restreindre ou d'en accroître l'étendue ; qu'en se fondant sur les dispositions de l'article 149 du code de procédure civile, pour accueillir une prétention que les sociétés Dyson n'avaient pas présentée au juge de la requête, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble les articles 145, 496 et 497 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour 5. Selon l'article 496, alinéa 2, du code de procédure civile, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. 6. Il résulte de l'article 497 du code de procédure civile, que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des pouvoirs du juge qui l'a rendue et peut la rétracter ou la modifier. 7. Ayant retenu à bon droit que le juge de la rétractation pouvait modifier la mission telle qu'elle a été initialement définie, en la complétant ou l'amendant afin qu'elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, puis relevé que la demande de modification de l'ordonnance entreprise était formée à titre subsidiaire en réponse à la demande de rétractation, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune irrecevabilité ne pouvait être retenue sur le fondement des dispositions précitées. 8. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Babyliss aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Babyliss et la condamne à payer aux sociétés Dyson Technology Limited et Dyson la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Rétractation
JURITEXT000048465587
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 23-15.106, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301296
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
23-15106
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2023-03-24
Cour d'appel de Paris
Mme Martinel
SCP Lesourd, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201296
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION LM ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 NON-LIEU À RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1296 FS-B Pourvoi n° V 23-15.106 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 25 août 2023, la société [3] ([3]), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° V 23-15.106 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 6 - chambre 13), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Provence-Alpes-Côte d'Azur, recouvrement C3S, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociales des travailleurs indépendants. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et l'avis de M. Gaillardot, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, MM. Labaune, Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Gaillardot, premier avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. À la suite d'un contrôle de l'assiette déclarée au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour l'année 2015, la Caisse nationale du régime social des indépendants, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à la société [3] (la société) une lettre d'observations du 20 juin 2016 comportant un redressement de cette contribution, suivie d'une mise en demeure du 6 mars 2017. 2. La société a saisi d'un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 24 mars 2023 par la cour d'appel de Paris, la société a, par mémoire distinct et motivé, reçu au greffe de la Cour de cassation le 25 août 2023, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées : « 1°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er, du code de sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en tant qu'ils conduisent, en cas de subrogation entre un commerçant et un opérateur de détaxe dans le cadre d'une vente opérée au bénéfice d'un client qui peut se prévaloir d'une exonération de TVA, à ce que la contribution sociale de solidarité des sociétés soit exigée à raison des sommes qui sont encaissées par le commerçant auprès du client final et qui, de ce fait, ne confèrent à l'opérateur de détaxe aucune capacité contributive ? ; 2°/ Les articles L. 651-3, 4ème phrase, et L. 651-5, alinéa 1er du code de sécurité sociale, tels qu'interprétés par la Cour de cassation, dans leur rédaction applicable au litige, sont-ils contraires à la Constitution, en particulier à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789, en ce qu'ils établissent une différence de traitement entre les opérateurs de détaxe dans l'établissement de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés, selon que l'opérateur exerce son activité par le biais d'un contrat de facturation ou d'un contrat de subrogation ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 4. Les dispositions contestées, la première dans sa rédaction, en vigueur du 25 décembre 2014 au 1er janvier 2016, issue de la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 et la seconde dans sa rédaction, en vigueur du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2018, issue de la loi n° 2014-892 du 8 août 2014, sont applicables au litige, qui concerne un redressement au titre de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés, notifié par une URSSAF à la société, calculée sur le chiffre d'affaires issu de la totalité des ventes ayant fait l'objet d'une opération de détaxe par l'intermédiaire de celle-ci. 5. Si le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, a déclaré conforme à la Constitution l'article 12 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, modifiant notamment les dispositions contestées, il résulte de la liste figurant sur le site du Conseil constitutionnel, que celles-ci n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 6. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles. 7. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux au regard des principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant les charges publiques consacrés par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 8. En effet, en premier lieu, le principe d'égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit. 9. Les dispositions critiquées faisant obligation aux sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées, il ne saurait être sérieusement soutenu que la différence d'assiette de la contribution résultant, entre deux catégories d'opérateurs spécialisés dans la gestion des opérations de détaxe, des conditions contractuelles distinctes dans lesquelles ces derniers exercent leurs activités dans le cadre d'un contrat de subrogation de l'opérateur au commerçant dans un cas ou d'un contrat de facturation dans l'autre cas, porte atteinte au principe d'égalité devant la loi énoncé à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 10. En second lieu, l'exigence de prise en compte des facultés contributives, qui résulte du principe d'égalité devant les charges publiques, implique qu'en principe, lorsque la perception d'un revenu ou d'une ressource est soumise à imposition, celle-ci doit être acquittée par celui qui dispose de ce revenu ou de cette ressource. 11. Les dispositions contestées assujettissent à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés les opérateurs de détaxe qui, lorsqu'ils recourent à un contrat de subrogation, se voient céder la marchandise qu'ils revendent immédiatement au client bénéficiaire de la détaxe et ont seuls la qualité de vendeurs exportateurs. La circonstance qu'ils ne deviennent qu'un instant propriétaire des marchandises à la place du commerçant relève de la forme contractuelle librement choisie pour régler leurs relations. 12. Dès lors, les opérateurs de détaxe réalisant en leur nom des ventes à l'exportation, dont le prix intègre leur chiffre d'affaires, par subrogation aux commerçants qui leur ont cédé la marchandise, il ne saurait être sérieusement soutenu que les dispositions contestées portent atteinte aux exigences du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. 13. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
SECURITE SOCIALE - Cotisations
JURITEXT000048465589
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 23-15.729, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301297
Qpc incidente - Non-lieu à renvoi au cc
23-15729
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2023-03-09
Cour d'appel de Bordeaux
Mme Martinel
SCP Krivine et Viaud, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:C201297
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 COUR DE CASSATION LM ______________________ QUESTION PRIORITAIRE de CONSTITUTIONNALITÉ ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 NON-LIEU À RENVOI Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1297 FS-B Pourvoi n° X 23-15.729 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 Par mémoire spécial présenté le 12 septembre 2023, la société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formulé des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi n° X 23-15.729 qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans une instance l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Aquitaine, dont le siège est [Adresse 1]. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Labaune, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF d'Aquitaine, et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents Mme Martinel, président, M. Labaune, conseiller référendaire rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller doyen, Mme Coutou, M. Rovinski, Mme Lapasset, MM. Leblanc, Pédron, Reveneau, conseillers, Mme Dudit, M. Montfort, Mme Lerbret-Féréol, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Catherine, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. À la suite de l'établissement à son encontre d'un procès-verbal pour travail illégal par emploi de salarié en situation irrégulière, l'URSSAF d'Aquitaine (l'URSSAF) a notifié à la société [3] (la société) un redressement relatif à l'annulation des réductions et exonérations de cotisations dont elle a bénéficié de janvier 2014 à juillet 2018. 2. La société a formé opposition à l'encontre de la contrainte qui lui a été décernée le 4 avril 2019 pour le recouvrement de ces sommes devant une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale. Enoncé des questions prioritaires de constitutionnalité 3. À l'occasion du pourvoi qu'elle a formé contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Bordeaux, la société a, par mémoire distinct et motivé, demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel des questions prioritaires de constitutionnalité, reçues et enregistrées au greffe de la Cour de cassation le 12 septembre 2023, ainsi rédigées : « 1°/ L'article 24, IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de non-rétroactivité de la loi répressive d'incrimination plus sévère, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? » « 2°/ L'article 24 IV de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 et l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale (dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016) sont-ils contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe de la garantie des droits, en ce que « ces dispositions s'appliquent aux contrôles engagés à compter du 1er janvier 2017 », si bien qu'un cotisant peut se voir supprimer le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale et des contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13, en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, pour la période antérieure au 1er janvier 2017, dans la limite de la prescription quinquennale non acquise ? » « 3°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et au principe d'égalité en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » « 4°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire aux articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 et au droit de propriété, en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » « 5°/ L'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, est-il contraire à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et à la garantie des droits en ce que, selon le I, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, c'est-à-dire en cas de travail dissimulé, de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et d'emploi d'étranger non autorisé à travailler, cependant que, selon le III, l'annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions ne peut être octroyée que pour les infractions de travail dissimulé par dissimulation d'activité ou de salarié, et non pour celles d'emploi d'étranger non autorisé à travailler ? » Examen des questions prioritaires de constitutionnalité 4. En premier lieu, les dispositions contestées par les troisième, quatrième et cinquième questions ont déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif de la décision n° 2018-776 DC du 21 décembre 2018 rendue par le Conseil constitutionnel. Aucun changement de circonstances de droit ou de fait n'est intervenu qui, affectant la portée de cette disposition, en justifierait le réexamen. 5. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. 6. En second lieu, les dispositions contestées par les première et deuxième questions sont applicables au litige, qui concerne la suppression du bénéfice de toute mesure de réduction et d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale, appliquée par un employeur, en cas de constat d'une infraction mentionnée à l'article L. 8211-1, 4°, du code du travail. 7. Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. 8. Cependant, d'une part, les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles. 9. D'autre part, les questions posées ne présentent pas un caractère sérieux. 10. En effet, la Cour de cassation a déjà jugé, à propos des sanctions prévues par l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, qu'elles sont applicables lorsque, à l'occasion d'un contrôle effectué après la date d'entrée en vigueur du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, ont été constatés le manquement du donneur d'ordre à son obligation de vigilance et des faits matériels de travail dissimulé par son sous-traitant, commis postérieurement au 1er janvier 2013, date d'entrée en vigueur des dispositions de cette loi (2e Civ., 22 octobre 2020, pourvoi n° 19-19.185, publié au Bulletin ; 2e Civ., 16 février 2023, pourvoi n° 21-14.403, publié au Bulletin). 11. Dès lors, il convient de considérer que les dispositions l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, doivent s'entendre en ce sens que les sanctions qu'elles prévoient sont applicables lorsqu'a été constatée l'une des infractions mentionnées aux 2° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail, commise postérieurement au 1er janvier 2017, date d'entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 décembre 2016. 12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. PAR CES MOTIFS, la Cour : DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048465590
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-20.490, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300753
Rejet
22-20490
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-28
Cour d'appel de Chambéry
Mme Teiller
SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
ECLI:FR:CCASS:2023:C300753
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 MF COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 753 FS-B Pourvoi n° B 22-20.490 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Mutuelle des architectes français (MAF), dont le siège est [Adresse 2], [Localité 5], a formé le pourvoi n° B 22-20.490 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société Artelia ville et transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6], 2°/ à la société MMA IARD, société anonyme, 3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, toutes deux ayant leur siège [Adresse 1], [Localité 4], défenderesses à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Mutuelle des architectes français, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Artelia ville et transports et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, Mmes Brun, Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Brun, avocat général, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 28 juin 2022), l'office public d'aménagement et de construction de la Savoie (l'OPAC) a confié à M. [P], assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), la maîtrise d'oeuvre de travaux d'urbanisme d'une zone d'aménagement concerté à Chambéry. 2. M. [P] a sous-traité des études de voirie et réseaux divers à la société Etudes et projets, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée Artelia ville et transport (la société Artelia), assurée auprès des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles (les sociétés MMA). 3. A la suite d'affaissements de la voirie, la juridiction administrative a ordonné une expertise, rendue commune à la MAF par ordonnance du 15 avril 2005. 4. Par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC a saisi la juridiction administrative au fond pour voir notamment condamner M. [P], la MAF, la société Artelia, la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à l'indemniser de son préjudice. La société [P] architectes (la société [P]) a déclaré venir aux droits de M. [P]. La juridiction administrative a condamné la société [P], la commune de [Localité 7] et la société Eurovia à payer diverses sommes à l'OPAC. L'intervention de la société AXA France IARD (la société AXA), assureur de la commune de [Localité 7], a été déclarée non admise. Les demandes de garantie formées par la société [P] contre la société Artelia et la MAF ont été rejetées comme formées devant une juridiction incompétente. 5. Par acte du 5 mars 2010, l'OPAC a assigné son assureur la société Sagena, devant un tribunal de grande instance. Par acte du 3 janvier 2011, la société Sagena a notamment appelé en intervention forcée la société [P] et son assureur la MAF. Par conclusions des 2 et 5 juillet 2012, la MAF a demandé la garantie des sociétés Artelia et MMA. 6. Par ordonnance du 23 octobre 2018, le juge de la mise en état a constaté le désistement de l'OPAC et l'absence d'objet des recours subséquents. 7. Par acte du 29 janvier 2019, la société AXA a notamment assigné la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P] et de la société [P], en paiement de diverses sommes. 8. Par acte du 8 février 2021, la MAF a appelé en garantie les sociétés Artelia et MMA. Examen du moyen Enoncé du moyen 9. La MAF fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite l'action qu'elle a engagée le 8 février 2021, en sa qualité d'assureur tant de M. [P] que de la société [P] contre les sociétés Artelia et MMA et de dire éteinte cette action, alors : « 1°/ que lorsque l'assureur d'un constructeur assigne l'assureur d'un autre constructeur en paiement de sommes qu'il a payées au titre de la responsabilité de son assuré, le délai de prescription du recours de l'assureur ainsi assigné contre d'autres constructeurs et/ou leurs assureurs commence à courir à compter de cette assignation ; qu'en l'espèce, pour juger prescrite l'action de la MAF qui avait sollicité, par assignation du 8 février 2021, la garantie de la société Artelia et de son assureur pour les sommes réclamées par la société AXA France IARD dans une assignation du 29 janvier 2019 au titre de ce qu'elle avait payé en qualité d'assureur de la commune de [Localité 7], la cour a retenu que le délai de prescription de cette action avait commencé à courir le 15 avril 2005, date à laquelle lui avaient été rendues communes les opérations d'expertises, et qu'il s'était achevé le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ; 2°/ que le délai de prescription de l'action d'un constructeur et/ou de son assureur tendant à obtenir la garantie d'un autre constructeur et/ ou de son assureur commence à courir à la date à laquelle le demandeur en garantie a fait l'objet d'une action en paiement ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que le point de départ du délai de prescription de l'action de la MAF devait être fixé à la date de l'ordonnance lui ayant rendu communes les opérations d'expertise ; qu'en statuant ainsi, la cour a violé l'article 2224 du code civil ; 3°/ que le point de départ d'une prescription qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ne peut être déterminé au regard de dispositions de l'article 2224 du code civil : qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que l'ordonnance du 15 avril 2005 ayant étendu l'expertise à la MAF marquait la date à laquelle elle avait eu connaissance des faits permettant d'exercer son action récursoire et que la prescription était acquise le 18 juin 2013 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 2224 du code civil ; 4°/ que des conclusions constituent une demande en justice qui interrompent le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance, date à laquelle un nouveau délai commence à courir, l'interruption étant non avenue lorsque le demandeur se désiste de sa demande ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que l'acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ayant donné lieu à l'extinction de l'instance suivant ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2018 emportait désistement par la MAF de son appel en garantie formé en qualité d'assureur de la société [P] Architectes, de sorte qu'était non avenu l'effet interruptif des conclusions sollicitant la garantie de la société Artelia et de son assureur prises les 2 et 5 juillet 2012, soit avant le terme du délai de prescription qu'elle a fixé au 18 juin 2013, et que l'appel en garantie exercé par la MAF le 8 février 2021 était prescrit ; que pourtant, la seule acceptation par la MAF du désistement de l'OPAC de Savoie ne pouvait emporter désistement de l'appel en garantie formé contre la société Artelia et son assureur, d'autant qu'il résultait des conclusions par lesquelles elle avait accepté ce désistement qu'elle demandait au juge de la mise en état de dire que la procédure se poursuivrait entre elle, la société [P] Architectes, la société Artelia et son assureur, si bien qu'un nouveau délai de 5 ans pour former un recours en garantie avait commencé à courir à compter de l'ordonnance du 29 octobre 2018 et que l'action ainsi exercée le 8 février 2021 n'était pas prescrite ; qu'en déclarant néanmoins cette action prescrite, la cour d'appel a violé les articles 2224, 2242 et 2243 du code civil. » Réponse de la Cour 10. Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil et se prescrit par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, Bull.). 11. La demande d'expertise, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur ou de l'assureur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, Bull.). 12. Le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime. 13. La cour d'appel ayant constaté, d'une part, que, par requête du 22 décembre 2010, l'OPAC avait saisi le tribunal administratif pour que soit engagée la responsabilité de M. [P] et de son assureur la MAF et que celle-ci, en cette qualité, n'avait agi en garantie contre les sociétés Artelia et MMA que le 8 février 2021, dès lors que les demandes formées par conclusions des 2 et 5 juillet 2012 l'avaient été par la MAF en sa qualité d'assureur de la société [P] et non de M. [P], elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de M. [P], était prescrite. 14. Ayant constaté, d'autre part, que, par acte du 3 janvier 2011, la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], avait été assignée en garantie par la société Sagena, elle-même recherchée par l'OPAC, et ayant retenu, par une interprétation souveraine de la motivation et des dispositions ambiguës de l'ordonnance du juge de la mise en état du 9 novembre 2021, que la MAF s'était désistée de ses propres demandes reconventionnelles de garantie, de sorte qu'en application de l'article 2243 du code civil, l'interruption résultant des conclusions des 2 et 5 juillet 2012 était non avenue, elle a exactement retenu que l'action récursoire de la MAF, en sa qualité d'assureur de la société [P], était prescrite. 15. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne la Mutuelle des architectes français aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Mutuelle des architectes français et la condamne à payer aux sociétés Artelia ville et transports, MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles la somme de globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Préjudice - Réparation - Action en garantie - Recours d'un constructeur contre un autre constructeur - Prescription - Point de départ - Détermination
Conformément à l'article 2224 du code civil, le constructeur auquel la victime des dommages demande en justice la réparation de son préjudice doit former ses actions récursoires contre les autres constructeurs et sous-traitants dans un délai de cinq ans courant à compter de cette demande. Il n'est pas fait exception à cette règle lorsque le recours est provoqué par l'action récursoire d'un autre responsable mis en cause par la victime
JURITEXT000048465592
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 novembre 2023, 22-21.463, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
32300754
Rejet
22-21463
oui
CHAMBRE_CIVILE_3
2022-06-29
Cour d'appel de Paris
Mme Teiller
SARL Delvolvé et Trichet, SCP Spinosi
ECLI:FR:CCASS:2023:C300754
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 3 JL COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Rejet Mme TEILLER, président Arrêt n° 754 FS-B Pourvoi n° J 22-21.463 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 La société Uni-Marbres, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 22-21.463 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Boistech, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Uni-Marbres, de la SCP Spinosi, avocat de la société Boistech, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, M. Boyer, Mme Abgrall, M. Pety, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffier de chambre, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2022) et les productions, le 27 mars 2017, la société Boistech, qui avait été chargée de travaux de construction, a sous-traité à la société Uni-Marbres des travaux de fourniture et pose de marbre. 2. La société Boistech n'a pas fourni de caution à la société Uni-Marbres lors de la conclusion du contrat de sous-traitance. 3. Se plaignant du non-paiement de surcoûts et travaux supplémentaires, la société Uni-Marbres a assigné la société Boistech en nullité du contrat de sous-traitance et indemnisation. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. La société Uni-Marbres fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de sous-traitance est valide et de rejeter toutes ses demandes, alors « qu'il résulte de l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance que le sous-traité est nul dès l'origine du fait de l'absence de fourniture d'une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur auprès d'un établissement agréé, sauf délégation du maître de l'ouvrage, lors de sa conclusion, sans qu'il importe que le sous-traitant ait rempli sa mission avant de contester la validité du sous-traité ; qu'en l'espèce la cour d'appel, qui a expressément constaté qu'aucune garantie de paiement des sommes dues à la société Uni-Marbres, sous-traitant, n'avait été donnée par caution, délégation de paiement ou tout autre moyen par la société Boistech, aurait dû en déduire qu'il y avait lieu de déclarer nul le contrat de sous-traitance ; qu'en le déclarant néanmoins valide, elle n'a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé le texte susvisé. » Réponse de la Cour 5. La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. 6. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant. 7. Ayant retenu que la société Uni-Marbres avait exécuté volontairement le contrat de sous-traitance en connaissance de la cause de nullité du contrat tenant à l'absence de délivrance de la caution, elle en a exactement déduit que le sous-traitant avait confirmé le contrat et ne pouvait dès lors plus se prévaloir de sa nullité. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Uni-Marbres aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Uni-Marbres et la condamne à payer à la société Boistech la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois. Le conseiller referendaire rapporteur le president Le greffier de chambre
CONTRAT D'ENTREPRISE - Sous-traitant - Rapports avec l'entrepreneur principal - Paiement - Garanties obligatoires - Fourniture de caution ou délégation de paiement - Défaut - Sanction - Nullité relative du contrat de sous-traitance - Confirmation - Caractérisation
La violation des formalités de l'article 14, alinéa 1, de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, lesquelles ont pour finalité la protection des intérêts du sous-traitant, étant sanctionnée par une nullité relative, le sous-traité est susceptible de confirmation en application de l'article 1182 du code civil. La confirmation de l'acte nul, qui ne peut résulter de la seule exécution des travaux, doit être caractérisée, à défaut d'une confirmation expresse, par leur exécution volontaire en connaissance de la cause du vice l'affectant
JURITEXT000048508145
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-17.524, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300620
Rejet
21-17524
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-03-24
Cour d'appel de Paris
Mme Champalaune
SCP Gury et Maitre, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
ECLI:FR:CCASS:2023:C100620
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 620 F-B Pourvoi n° H 21-17.524 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ [W] [D], ayant été domicilié [Adresse 1], décédé le 05 août 2021, 2°/ Mme [E] [N], veuve [D], agissant en qualité d'ayant droit de [W] [D], son époux décédé, 3°/ M. [F] [D], agissant en qualité d'ayant droit de [W] [D], son père décédé, tous deux domiciliés [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° H 21-17.524 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 1), dans le litige les opposant à Mme [U] [Y], veuve [D], domiciliée [Adresse 2], venant aux droits de [S] [D], décédé le 28 mars 2020, défenderesse à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Dard, conseiller, les observations de la SCP Gury et Maitre, avocat de Mme [N], veuve [D] et de M. [F] [D], de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [Y], veuve [D], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Dard, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Reprise d'instance 1. Il est donné acte à Mme [E] [N] et à M. [F] [D] (les consorts [M]) de leur reprise d'instance en qualité d'ayants droit de [W] [D]. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mars 2021), [P] [D] est décédée le 7 octobre 2015, en laissant pour lui succéder ses deux frères, [W] et [S]. 3. [S] [D] s'est prévalu d'un testament olographe le désignant comme légataire universel, rédigé au verso d'un relevé de compte bancaire arrêté au 31 mars 2014 et signé par [P] [D], mais non daté. 4. [W] [D] a assigné son frère en nullité de ce testament. 5. [S] [D] étant décédé en cours d'instance, sa veuve, Mme [Y], est intervenue volontairement à la procédure. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa troisième branche 5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches Enoncé du moyen 6. Les consorts [M] font grief à l'arrêt de rejeter la demande en nullité du testament, alors : « 1°/ que lorsque le testament ne comporte, de la main même du testateur, aucun élément indicatif de la date de sa rédaction, la date imprimée sur le papier portant testament n'est pas un élément intrinsèque contenant le principe et la racine de la date du testament permettant de recourir à des éléments extrinsèques pour reconstituer celle-ci ; qu'en déclarant valable le testament litigieux, dépourvu de date manuscrite, au vu de la date imprimée d'un relevé bancaire donnant la valorisation d'une épargne à la date du 31 mars 2014, la cour d'appel a violé l'article 970 du code civil ; 2°/ en tout état de cause que l'élément intrinsèque contenu dans le testament, en cas d'absence de date, doit être complété par des éléments extrinsèques ; qu'à défaut d'avoir relevé des éléments extrinsèques venant compléter l'élément intrinsèque constitué du verso de l'original d'un relevé bancaire donnant la valorisation d'une épargne au 31 mars 2014, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 970 du code civil. » Réponse de la Cour 7. En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. 8. Une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci. 9. Ayant relevé, d'une part, que [P] [D] avait établi son testament au verso de l'original d'un relevé de banque donnant la valorisation d'une épargne au 31 mars 2014 et y avait indiqué l'adresse de son domicile, laquelle correspondait à celle figurant sur le relevé, et, d'autre part, que l'intéressée avait été hospitalisée à compter du 27 mai 2014 jusqu'à son décès, la cour d'appel a estimé, en présence de deux éléments intrinsèques, corroborés par un élément extrinsèque, que le testament avait été écrit entre ces deux dates. 10. Ayant également retenu qu'il n'était pas démontré que [P] [D] était atteinte d'une incapacité de tester à cette période, pendant laquelle elle n'avait pas pris d'autres dispositions testamentaires, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité du testament en raison de son absence de date, a, ainsi, légalement justifié sa décision. 11. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Condamne les consorts [M] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts [M] et les condamne à payer à Mme [Y] la somme de 3 000 euros. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
TESTAMENT
En dépit de son absence de date, un testament olographe n'encourt pas la nullité dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. Une date pré-imprimée sur le support utilisé par le testateur pour rédiger son testament olographe peut constituer un élément intrinsèque à celui-ci
JURITEXT000048508147
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 22 novembre 2023, 21-25.251, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
12300621
Cassation partielle sans renvoi
21-25251
oui
CHAMBRE_CIVILE_1
2021-12-02
Cour d'appel de Douai
Mme Champalaune
SCP Gury & Maitre, SCP Delamarre et Jehannin
ECLI:FR:CCASS:2023:C100621
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 1 IJ COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi Mme CHAMPALAUNE, président Arrêt n° 621 F-B Pourvoi n° F 21-25.251 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 NOVEMBRE 2023 Mme [L] [E], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° F 21-25.251 contre l'arrêt rendu le 2 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1 - section 1), dans le litige l'opposant à M. [W] [B], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, plusieurs moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Agostini, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de Mme [E], de la SCP Gury et Maitre, avocat de M. [B], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Agostini, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 2 décembre 2021), un jugement du 16 décembre 2003 a prononcé le divorce de Mme [E] et de M. [B], mariés sous le régime de la séparation de biens, et a attribué préférentiellement à Mme [E] l'immeuble indivis qui constituait le logement familial. 2. Des difficultés sont nées lors de la liquidation et du partage de leurs intérêts patrimoniaux. Sur le second moyen du pourvoi principal et les deux moyens du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. Mme [E] fait grief à l'arrêt de dire que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et, qu'après imputation du passif indivis, leurs droits dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, alors « que les créances de chaque indivisaire sur l'indivision doivent être déduites de l'actif net à partager ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, par motifs adoptés a retenu que le montant total de l'actif brut de l'indivision était de 697 548,77 euros (correspondant à la valeur vénale de l'immeuble indivis et à l'indemnité d'occupation) ; qu'elle a encore considéré que le passif de l'indivision s'élevait à une somme totale de 165 268,56 euros, correspondant à une créance de M. [B] sur l'indivision d'un montant de 57 878,82 euros (soit 51 551,78 euros au titre du remboursement du prêt immobilier permettant l'acquisition de l'immeuble indivis, et 6 327,04 euros au titre des frais d'acquisition et de taxes foncières), et à une créance de Mme [E] sur l'indivision de 107 389,74 euros (soit 91 264,58 euros au titre du remboursement du prêt immobilier permettant l'acquisition de l'immeuble indivis, et 16 125,16 euros au titre des frais d'acquisition, des primes d'assurance et redevance d'assainissement) ; que ces créances sur l'indivision devaient être déduites de l'actif brut pour déterminer l'actif net à partager, lequel s'élevait à une somme de 532 280,21 euros (697 548,77 - 165 268,56), les droits de chacun des indivisaires étant donc de 266 140,10 euros (532 280,21 / 2) ; que la cour d'appel a pourtant retenu, par motifs adoptés, que les droits des parties dans l'indivision étaient de 348 774,38 euros ; qu'elle a ainsi fixé les droits des parties dans l'indivision en tenant compte de l'actif indivis brut (697 548,77/ 2 = 348 774,38 euros), quand il lui appartenait de retrancher à l'actif brut les créances sur l'indivision pour déterminer le montant de l'actif indivis net à partager ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 815-13 et 815-17, alinéa 1er , du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 815-13, alinéa 1er, 815-17, alinéa 1er , 825, 870 et 1542 du code civil : 5. Il résulte des quatre derniers de ces textes qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager, lesquels intègrent, respectivement, les dettes des copartageants envers l'indivision et les créances qu'ils détiennent sur celle-ci, d'en déduire un actif net, puis de déterminer les droits de chaque copartageant dans la masse à partager en appliquant sa quote-part indivise à cet actif net, puis en majorant la somme en résultant des créances qu'il détient sur l'indivision et en la minorant des sommes dont il est débiteur envers elle. 6. Pour dire que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et qu'après imputation du passif indivis, leurs droits dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, l'arrêt retient que l'actif à partager par moitié entre les parties est constitué du bien indivis, d'une valeur de 490 000 euros, et de l'indemnité d'occupation due par Mme [E], d'un montant de 207 548,77 euros au 18 octobre 2019, ce qui représente un montant total de 697 548,77 euros, que Mme [E] et M. [B] sont chacun titulaire d'une créance envers l'indivision au titre des dépenses de conservation, la première pour une somme de 107 389,74 euros et le second pour une somme de 57 878,82 euros, et que les droits qui résultent de ce partage, d'un montant de 348 774,38 euros chacun doivent être, pour Mme [B], minorés du solde négatif de son compte d'indivision et pour M. [B], majorés du solde du sien. 7. En statuant ainsi, alors que, pour déterminer l'actif net de la masse à partager, les dépenses dont il était tenu compte aux indivisaires en application de l'article 815-13 du code civil, qui constituaient des créances sur l'indivision, devaient être inscrites pour leur totalité au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 10. Après déduction de la totalité des créances respectives de Mme [E] et de M. [B] sur l'indivision, d'un montant total de 165 268,56 euros, de l'actif brut de celle-ci, d'un montant de 697 548,77 euros, dont il se déduit un actif net de 532 280,21 euros, les droits de Mme [E] dans la masse à partager représentent la moitié de cet actif net indivis, soit la somme de 266 140,10 euros, majorée de la créance de 107 389,74 euros qu'elle détient sur l'indivision et minorée de la somme de 207 548,77 euros dont elle est débitrice envers celle-ci, soit des droits d'un montant de 165 981,07 euros, et ceux de M. [B] représentent la moitié de l'actif net indivis majorée de la créance de 57 878,82 euros qu'il détient sur l'indivision, soit des droits d'un montant de 324 018,92 euros. 11. La cassation des chefs de dispositif fixant les droits des parties dans l'indivision n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant Mme [E] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les droits des parties dans l'actif indivis s'élèvent, pour chacun d'eux, à la somme de 348 774,38 euros et dit qu'après imputation du passif indivis, les droits des parties dans l'indivision s'élèvent, pour Mme [E], à la somme de 248 615,35 euros, et pour M. [B], à celle de 406 653,20 euros, l'arrêt rendu le 2 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; DIT que, majorés de la somme dont elle est créancière de l'indivision et minorée de celle dont elle est débitrice envers celle-ci, les droits de Mme [E] dans la masse à partager sont de 165 981,07 euros ; DIT que, majorés de la somme dont il est créancier de l'indivision, les droits de M. [B] dans la masse à partager sont de 324 018,92 euros ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la partiellement cassée ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
REGIMES MATRIMONIAUX
Il résulte des articles 815-17, alinéa 1er, 825, 870 et 1542 du code civil qu'il appartient à la juridiction saisie d'une demande de liquidation et partage de l'indivision existant entre époux séparés de biens de déterminer les éléments actifs et passifs de la masse à partager, lesquels intègrent, respectivement, les dettes des copartageants envers l'indivision et les créances qu'ils détiennent sur celle-ci, d'en déduire un actif net, puis de déterminer les droits de chaque copartageant dans la masse à partager en appliquant sa quote-part indivise à cet actif net, puis en majorant la somme en résultant des créances qu'il détient sur l'indivision et en la minorant des sommes dont il est débiteur envers elle. Pour déterminer l'actif net de la masse à partager, les dépenses dont il est tenu compte aux indivisaires en application de l'article 815-13 du code civil, qui constituent des créances sur l'indivision, doivent être inscrites, pour leur totalité, au passif de celle-ci et venir en déduction de son actif brut
JURITEXT000048508210
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 23 novembre 2023, 22-11.535, Publié au bulletin
2023-11-23 00:00:00
Cour de cassation
22301150
Cassation partielle
22-11535
oui
CHAMBRE_CIVILE_2
2021-02-18
Cour d'appel de Montpellier
Mme Martinel
SCP Gury & Maitre
ECLI:FR:CCASS:2023:C201150
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : CIV. 2 FD COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 23 novembre 2023 Cassation partielle Mme MARTINEL, président Arrêt n° 1150 F-B Pourvoi n° T 22-11.535 Aide juridictionnelle totale en demande pour M. [V]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 2 décembre 2021. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023 M. [D] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 22-11.535 contre l'arrêt rendu le 18 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [P] [K], 2°/ à Mme [J] [B], épouse [K], tous deux domiciliés [Adresse 1], défendeurs à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Vendryes, conseiller, les observations de la SCP Gury & Maitre, avocat de M. [V], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Vendryes, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 février 2021), une commission de surendettement a imposé une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de M. et Mme [V] le 27 août 2019, sa décision ne faisant l'objet d'aucune opposition. 2. Un juge de l'exécution a validé partiellement une saisie-attribution du 9 janvier 2020 pratiquée par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V] pour une certain montant, à la suite de la résiliation constatée judiciairement du bail conclu entre les parties. Examen du moyen Enoncé du moyen 3. M. [V] fait grief à l'arrêt de valider partiellement la saisie -attribution opérée par M. et Mme [K] à son encontre à hauteur de la somme de 3 655,30 euros majorée des intérêts au taux légal alors « que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de rétablissement ; qu'en décidant que cet effacement ne concernerait que le passif existant au jour de l'admission du dossier du débiteur à la procédure de surendettement, et en retenant donc à tort la date du 7 juin 2019 au lieu de celle du 27 août 2019, la cour a violé l'article L 741-2 du code de la consommation dans sa version applicable au litige. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, applicable en la cause : 4. Selon ce texte, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. 5. Pour valider la saisie-attribution litigieuse à hauteur de la somme de 3 655,30 euros en principal, l'arrêt retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement soit, en l'espèce, le 7 juin 2019. 6. En statuant ainsi, alors que l'effacement des dettes concernait le passif existant au jour de la décision de la commission de surendettement qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation, soit le 27 août 2019, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a validé la saisie-attribution opérée le 9 janvier 2020 par M. et Mme [K] à l'encontre de M. [V], partiellement à hauteur de 3 655, 30 euros majorée des intérêts au taux légal calculés successivement après imputation de chacune des sommes venues au crédit ou au débit du saisi postérieurement au 7 juin 2019, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, l'arrêt rendu le 18 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; Condamne M et Mme [K] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [K] à payer à la SCP Gury & Maitre la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.
PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Surendettement
Selon l'article L. 741-2 du code de la consommation dans sa version modifiée issue de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, en l'absence de contestation dans les conditions prévues à l'article L. 741-4 du même code, le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur arrêtées à la date de la décision de la commission, à l'exception des dettes mentionnées aux articles L. 711-4 et L. 711-5 et des dettes dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques. Il entraine aussi l'effacement de la dette résultant de l'engagement que le débiteur a pris de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société. Méconnaît ce texte l'arrêt qui, pour valider une saisie-attribution, retient que l'effacement des dettes résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission de surendettement ne concerne que le passif existant au jour de l'admission du débiteur à la procédure de surendettement, alors que cet effacement concernait le passif existant au jour de la date de la décision de la commission imposant le rétablissement personnel, qui n'avait pas fait l'objet d'une contestation
JURITEXT000048104614
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 septembre 2023, 21-23.057, Publié au bulletin
2023-09-20 00:00:00
Cour de cassation
42300575
Rejet
21-23057
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-07-06
Cour d'appel de Grenoble
M. Vigneau
SAS Hannotin Avocats, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00575
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. SMSG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 septembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 575 FS-B Pourvoi n° W 21-23.057 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 SEPTEMBRE 2023 1°/ M. [L] [I], 2°/ Mme [T] [D], épouse [I], domiciliés tous deux [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° W 21-23.057 contre l'arrêt n° RG 19/02628 rendu le 6 juillet 2021 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant : 1°/ à la direction générale des finances publiques, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ à la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [Adresse 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Lion, conseiller référendaire, les observations écrites et orales de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [I] et Mme [D], épouse [I] et de la SCP Foussard et Froger, avocat de la direction régionale des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et la direction générale des finances publiques, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lion, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, Tostain, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Lecaroz, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 juillet 2021, RG n° 19/02628), afin de bénéficier d'une réduction d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en application de l'article 885-0 V bis du code général des impôts, M. et Mme [I] ont joint à leurs déclarations d'ISF des années 2009 et 2010 une attestation de la société Finaréa Verum certifiant qu'ils avaient investi une certaine somme dans le capital de cette société, se présentant comme une société holding animatrice de groupe. 2. Considérant que la société Finaréa Verum n'avait pas cette qualité, de sorte que M. et Mme [I] ne pouvaient prétendre à l'avantage en cause, l'administration fiscale leur a adressé une proposition de rectification. 3. Après rejet de leur réclamation contentieuse, M. et Mme [I] ont assigné l'administration fiscale afin d'obtenir la décharge des impositions réclamées. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes et de confirmer la décision administrative de rejet du 2 novembre 2016, alors : « 1°/ que l'administration est tenue de communiquer au contribuable qui en fait la demande, avant la mise en recouvrement, l'ensemble des pièces obtenues de tiers qui sont présentes au dossier de l'administration et qui ont pu être considérées pour établir la proposition de rectification ; que cette obligation de communication porte non seulement sur les pièces qui ont fondé la proposition de rectification mais aussi sur les pièces qui n'ont pas été retenues par l'administration à l'appui de son analyse, mais dont la lecture pourrait être de nature à invalider ou amoindrir la thèse de l'administration ; qu'au cas présent, les contribuables avaient expressément sollicité la production par l'administration fiscale de son entier dossier de pièces de fond, y compris les pièces obtenues lors du contrôle des sociétés holdings Finaréa ayant permis à la direction de contrôle francilienne de conclure au caractère animateur desdites holdings ; qu'en considérant qu'"aucune disposition n'impose à l'administration fiscale de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition", la cour d'appel, qui a méconnu l'obligation de communication à charge mais également à décharge, a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ensemble le principe de loyauté, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les principes du procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 2°/ qu'au titre des pièces à charge retenues par l'administration fiscale pour fonder sa proposition de rectification, ladite administration doit identifier et communiquer à première demande les pièces sur lesquelles elle s'appuie de manière précise et exacte, y compris les pièces qui n'ont pas été recueillies auprès de tiers mais qui sont accessibles au public, le contribuable devant pouvoir vérifier l'accessibilité effective desdits éléments, leur licéité ainsi que leur portée ; que, dans leurs conclusions d'appel, les contribuables faisaient valoir que le service s'était appuyé sur des pièces obtenues auprès de tiers "sans que la liste en ait été clairement énoncée par le service", que le service n'avait pas identifié de manière fiable et constante ces pièces, variant dans l'identification des pièces retenues ("en l'espèce, l'origine des pièces mentionnées dans la proposition de rectification s'est avérée inexacte"), qu'il n'avait pas non plus donné de "précision sur les informations légales et financières accessibles au public mobilisées par l'administration" ; qu'en ne relevant pas que, ces éléments d'information n'ayant pas été correctement identifiés par l'administration fiscale, il était tout simplement impossible de vérifier leur correcte divulgation ou accessibilité pour le contribuable, la cour d'appel a violé l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, ensemble le principe de loyauté, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les principes du procès équitable et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 5. En premier lieu, la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'est pas applicable au présent litige, dès lors que l'ISF n'entre pas dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Il en va de même de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui n'est pas applicable au contentieux fiscal lorsque le contribuable se borne, comme en l'espèce, à contester le bien-fondé des suppléments d'impôt mis à sa charge sans présenter de contestation propre aux pénalités. 6. En second lieu, selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande. 7. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition. 8. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due. 9. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès. 10. D'une part, après avoir énoncé que l'administration fiscale est libre d'utiliser et d'analyser les faits qu'elle estime de nature à motiver sa proposition et qu'aucune disposition ne lui impose de communiquer les documents qui n'ont pas été utilisés pour fonder une imposition, la cour d'appel a exactement retenu qu'il ne pouvait être reproché à l'administration fiscale de ne pas avoir évoqué tous les éléments que les contribuables estimaient être « à décharge ». 11. D'autre part, dès lors que M. et Mme [I] soutenaient seulement que les documents mentionnés dans la proposition de rectification comme fondant l'imposition réclamée n'étaient pas repris dans une liste et que certains d'entre eux avaient été présentés initialement comme ayant pour origine les vérifications de comptabilité de la société Finaréa Verum et du GIE Finaréa services, puis, dans la réponse aux observations du contribuable, comme constituant en réalité des informations légales et financières accessibles au public, sans alléguer qu'ils avaient été dans l'impossibilité d'obtenir la communication ou l'accès à l'un de ces documents, c'est sans encourir le grief de la seconde branche que la cour d'appel a retenu que l'administration n'avait pas manqué à son obligation d'information et de loyauté. 12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme [I] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [I] et les condamne à payer au directeur régional des finances publiques et au directeur régional des finances publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, la somme globale de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois, et signé par lui et M. Mollard, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile.
IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Procédures de contrôle - Renseignement ou documents obtenus auprès de tiers - Information du contribuable - Obligation - Portée - Renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications
IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Procédures de contrôle - Renseignement ou documents obtenus auprès de tiers - Information du contribuable - Obligation - Portée - Documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale - Conditions - Contribuable n'ayant pas accès aux documents
Selon l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition de rectification et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande. L'obligation qui résulte de ce texte ne s'impose à l'administration fiscale que pour les seuls renseignements et documents effectivement utilisés pour fonder les rectifications, qu'elle a obtenus de tiers, dont le contribuable doit être informé avec une précision suffisante pour lui permettre de discuter utilement leur origine ou de demander qu'ils soient mis à sa disposition. Ni ce texte ni l'obligation de loyauté dans l'établissement des impositions à laquelle l'administration fiscale est tenue ne lui imposent de mettre à la disposition du contribuable les documents qu'elle n'a pas retenus pour fonder les rectifications, afin de permettre à ce dernier d'apprécier si, parmi ces documents, figurent des éléments de nature à démontrer que l'imposition réclamée n'est pas due. Par ailleurs, l'obligation qui résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ne porte pas sur les documents rendus accessibles au public en vertu d'une obligation légale, lesquels ne doivent être mis à la disposition du contribuable que si celui-ci indique n'avoir pu y avoir accès.
JURITEXT000048430231
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 14 novembre 2023, 21-19.146, Publié au bulletin
2023-11-14 00:00:00
Cour de cassation
42300818
Rejet
21-19146
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2021-04-15
Cour d'appel de Douai
M. Vigneau (président)
SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00818
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 818 F-B Pourvoi n° V 21-19.146 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 14 NOVEMBRE 2023 M. [R] [N], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° V 21-19.146 contre l'arrêt rendu le 15 avril 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant : 1°/ à M. [R] [G], domicilié [Adresse 1], 2°/ à M. [K] [H], domicilié [Adresse 2], 3°/ à la société MJS Partners, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [U] [M], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Artois matériel, défendeurs à la cassation. M. [H] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt. Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. [G] et [H], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société MJS Partners, ès qualités, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 avril 2021), après avoir sollicité de M. [H], notaire, l'évaluation d'un immeuble lui appartenant, la société civile immobilière du [Adresse 5] (la SCI), représentée par son gérant, M. [N], a, par acte du 29 novembre 2004 dressé par M. [G], notaire, vendu ce bien à la société par actions simplifiée Artois matériel, également représentée par M. [N], son dirigeant. 2. Contestant l'évaluation faite par M. [H] et invoquant des manoeuvres dolosives commises par M. [N] lors de la vente de l'immeuble, la société Bernard et [U] [M], liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, a assigné MM. [N] et [H] en paiement de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle. Examen des moyens Sur le second moyen du pourvoi principal et sur les premier et second moyens du pourvoi incident 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le premier moyen du pourvoi principal Enoncé du moyen 4. M. [N] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, de le condamner, in solidum avec M. [H], à payer à M [M], de la société Bernard et [U] [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 719 000 euros au titre de la réparation du préjudice lié à la surévaluation de l'ensemble immobilier et de dire que la contribution à la dette incombe à M. [N] à hauteur de 75 % et à M. [H] à hauteur de 25 %, alors « que l'action exercée contre le gérant d'une SARL auquel est reproché d'avoir commis une faute séparable de ses fonctions ou un dol est soumise à la prescription triennale de l'article L. 223-23 du code de commerce ; que la cour d'appel a constaté que M. [N] était à la fois dirigeant de la société venderesse et de la société acheteuse et qu'il avait à ce titre accompli des manoeuvres dolosives ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'action en responsabilité exercée à l'encontre de M. [N], que l'action était fondée sur la responsabilité délictuelle de l'article 1382 ancien du code civil et était soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 2224 du code civil et, par refus d'application, l'article L. 223-23 du code de commerce. » Réponse de la Cour 5. Il résulte de l'article 1850 du code civil que la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société civile ne peut être retenue à l'égard d'un tiers que s'il a commis une faute séparable de ses fonctions. 6. Après avoir relevé que les consentements réciproques des deux sociétés contractantes, toutes deux représentées par M. [N], leur dirigeant, ne pouvaient s'exprimer que par l'intermédiaire de ce dernier, l'arrêt retient qu'en prenant la décision de vendre un immeuble à la société Artois matériel à un prix dont il savait qu'il excédait très largement celui du marché, M. [N] a commis une faute dolosive engageant sa responsabilité civile envers cette société. 7. Ayant fait ainsi ressortir que M. [N] avait commis une faute séparable de ses fonctions de gérant de la SCI, venderesse, la cour d'appel a retenu à bon droit que l'action en responsabilité délictuelle exercée à son encontre par le liquidateur judiciaire de la société Artois matériel était soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale de droit commun prévu à l'article 2224 du code civil. 8. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois principal et incident ; Condamne MM. [N] et [H] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par MM. [N] et [H], condamne chacun d'eux à payer à la société MJS Partners, prise en la personne de M. [U] [M], en sa qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société Artois matériel, la somme de 2 000 euros et condamne M. [N] à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille vingt-trois.
SOCIETE CIVILE - Responsabilité - Mise en oeuvre - Faute séparable - Prescription - Durée - Prescription quinquennale
PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2224 du code civil - Domaine d'application - Responsabilité d'un dirigeant d'une société civile - Faute séparable de ses fonctions
L'action en responsabilité intentée à l'encontre d'un dirigeant d'une société civile à raison d'une faute séparable de ses fonctions est soumise, en l'absence de disposition dérogatoire, au délai de prescription quinquennale prévu à l'article 2224 du code civil.
JURITEXT000048465526
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 novembre 2023, 22-16.514, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
42300747
Rejet
22-16514
oui
CHAMBRE_COMMERCIALE
2022-03-07
Cour d'appel de Paris
M. Vigneau
SARL Ortscheidt, SCP Duhamel
ECLI:FR:CCASS:2023:CO00747
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Rejet M. VIGNEAU, président Arrêt n° 747 F-B Pourvoi n° E 22-16.514 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société D-Vine, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée 10-Vins, a formé le pourvoi n° E 22-16.514 contre l'arrêt rendu le 7 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Valexcel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, de la SCP Duhamel, avocat de la société Valexcel, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 7 mars 2022), la société 10-Vins, devenue D-Vine (la société D-Vine), a confié à la société Valexcel la recherche d'investisseurs. 2. La société D-Vine ayant mis fin au contrat de façon anticipée, la société Valexcel l'a assignée en paiement de commissions et en réparation de ses préjudices. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières branches, les deuxième, troisième et quatrième moyens 3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche Enoncé du moyen 4. La société D-Vine fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ce que le jugement soit infirmé en ce qu'il a jugé fautive la rupture du contrat initiée par courrier du 27 avril 2018, de rejeter ses demandes de résolution judiciaire du contrat aux torts de la société Valexcel et de réduction du prix du contrat et d'indemnisation, alors « qu'en matière de résiliation et de résolution judiciaire d'un contrat, c'est au débiteur qu'il revient de rapporter la preuve qu'il a rempli ses obligations ; qu'en considérant par motifs propres et adoptés, pour dire fautive la rupture du contrat et débouter la société D-Vine de sa demande de résolution judiciaire, qu'elle n'a étayé aucune de ses critiques et que s'agissant d'obligations de moyens, il lui appartenait de rapporter la preuve d'une faute de la société Valexcel, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser sur la société D-Vine la charge de la preuve de l'existence d'une faute contractuelle, quand il revenait à la société Valexcel d'établir qu'elle avait exécuté ses obligations, a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. » Réponse de la Cour 5. La gravité du comportement d'une partie à un contrat non soumis aux dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En cas de contestation, c'est à la partie qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d'un tel comportement. 6. Le moyen, qui postule le contraire, n'est pas fondé. Sur le premier moyen, pris en sa sixième branche Enoncé du moyen 7. La société D-Vine fait le même grief à l'arrêt, alors « que la cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes relatives à la rupture du contrat emportera, en application de l'article 624 du code de procédure civile, cassation du chef de dispositif par lequel la cour d'appel a débouté la société D-Vine de ses demandes de réduction de prix du contrat et d'indemnisation. » Réponse de la Cour 8. Le moyen étant rejeté, le grief tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société D-Vine, anciennement dénommée 10-Vins, aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résiliation - Résiliation conventionnelle - Résiliation unilatérale - Gravité du comportement du cocontractant - Preuve - Charge - Détermination
La gravité du comportement d'une partie à un contrat non soumis aux dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls. En cas de contestation, c'est à la partie qui a mis fin au contrat de rapporter la preuve d'un tel comportement
JURITEXT000048176152
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 4 octobre 2023, 23-81.287, Publié au bulletin
2023-10-04 00:00:00
Cour de cassation
C2301112
Cassation
23-81287
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-26
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01112
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° F 23-81.287 F-B N° 01112 SL2 4 OCTOBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 4 OCTOBRE 2023 Mme [Y] [W], partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 janvier 2023, qui, dans l'information suivie, sur sa plainte, contre personne non dénommée, des chefs de viol et agression sexuelle, aggravés, a prononcé sur une demande d'annulation d'actes de la procédure. Par ordonnance du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Diop-Simon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [W], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Diop-Simon, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mme [Y] [W] a porté plainte pour des faits de viol et d'agression sexuelle commis à son encontre par son père, M. [P] [W], lorsqu'elle était enfant et adolescente. 3. Une information a été ouverte des chefs susvisés. M. [W] a été placé sous le statut de témoin assisté. 4. Le juge d'instruction a procédé à une confrontation entre M. [W], Mme [W], partie civile, et deux témoins, mère et soeur de la partie civile, chacun de ces témoins étant assisté d'un avocat, dont l'un a eu communication de la procédure avant la confrontation, ce qui a été contesté par l'avocat de la partie civile à la fin de l'acte. 5. Le juge d'instruction a saisi la chambre de l'instruction afin qu'il soit statué sur la nullité éventuelle de cette confrontation. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le procès-verbal de confrontation du 8 septembre 2022 ni aucun autre acte de procédure n'est frappé de nullité, alors : « 1°/ qu'en application des articles 114 et 113-3 du code de procédure pénale, seules les parties et le témoin assisté peuvent être assistés d'un avocat lors des confrontations et leurs avocats recevoir communication du dossier de la procédure, à l'exclusion du simple témoin et de son avocat ; que ces règles, qui touchent à l'organisation de la procédure, à son équité et à la recherche de la vérité, relèvent de la bonne administration de la justice et de l'ordre public ; que la chambre de l'instruction constate que lors de la confrontation avec le témoin assisté et la partie civile, les deux témoins étaient assistés d'un avocat, la procédure ayant été préalablement mise à disposition de l'un de ces avocats ; qu'en exigeant la preuve d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ; 2°/ que le secret de l'instruction, qui a pour objet de garantir le bon déroulement de l'instruction, la protection des preuves et des témoignages et de garantir les droits des parties, interdit que le juge d'instruction puisse communiquer le dossier de la procédure au témoin, tiers à la procédure, ou à son avocat ; que l'arrêt constate que la confrontation s'est tenue en présence de l'avocat du témoin [M] [W], auquel la procédure a été mise à disposition avant la confrontation par le juge d'instruction ; qu'en écartant la violation du secret de l'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu l'article 11 du code de procédure pénale ; 3°/ que chacune de ces irrégularités (assistance des témoins par un avocat et accès à la procédure par l'avocat de l'un des témoins), et a fortiori leur cumul, fait en soi nécessairement grief à la partie civile ; qu'en exigeant la démonstration d'un grief, la chambre de l'instruction a violé les articles 171et 802 du code de procédure pénale ; 4°/ que les observations et réserves émises par l'avocat, au cours de la confrontation, sur sa régularité, quel que soit le moment, interdisent de présumer l'absence de tout grief ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès verbal de confrontation que l'avocat de la partie civile a, fut-ce à la clôture de la confrontation, fait des observations sur l'irrégularité de la présence d'avocat pour les témoins et s'est réservé toutes possibilités d'en tirer les conséquences afin de préserver les droits de la partie civile ; qu'en retenant néanmoins qu'il y a lieu de présumer qu'aucune entrave n'a été apportée à l'exercice de ses droits, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale ; 5°/ qu'il résulte des constatations de l'arrêt et du procès-verbal de confrontation que le juge d'instruction a adressé une convocation aux deux témoins mentionnant la possibilité pour eux de bénéficier de l'assistance d'un avocat, qu'il a convoqué le conseil du témoin [M] [X] et mis la procédure à sa disposition avant la confrontation du 8 septembre 2022, que les deux témoins étaient assistés de leur avocat lors de la confrontation et que l'avocat assistant le témoin [Z] [W] a posé des questions ; qu'il en est nécessairement résulté une atteinte aux intérêts de la partie civile, le conseil du témoin [M] [X] ayant été en mesure de préparer sa cliente à la confrontation au vu des éléments de la procédure, laquelle a fait des déclarations, et le conseil du second témoin ayant posé des questions ; qu'en écartant tout grief, au motif inopérant que le procès-verbal de confrontation ne fait aucune mention d'une intervention ou d'une observation du conseil de [M] [X] irrégulièrement présent et que ce n'est qu'à la clôture de la confrontation que l'avocat de la partie civile a fait des observations sur sa régularité, la chambre de l'instruction a violé les articles 171 et 802 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu les articles 11, 101, 102, 113-3 et 114 du code de procédure pénale : 7. Il se déduit de ces textes que seules les personnes mises en examen, les parties civiles et les témoins assistés peuvent être assistés, lorsqu'ils sont entendus par le juge d'instruction, par un avocat, qui peut accéder au dossier de la procédure, un témoin ne pouvant bénéficier d'une telle assistance. 8. L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, qui fait nécessairement grief. 9. L'accès au dossier de la procédure par un avocat qui assiste un témoin constitue une violation du secret de l'instruction. 10. Il résulte des pièces de la procédure que le juge d'instruction a procédé à une confrontation entre la partie civile, le témoin assisté, chacun régulièrement assisté d'un avocat, et deux témoins, chacun assisté d'un avocat, l'un d'eux ayant eu accès au dossier de la procédure. 11. Pour écarter l'annulation du procès-verbal de cette confrontation, la chambre de l'instruction retient que l'irrégularité commise n'a pas fait grief à la partie civile, et que la communication du dossier à l'avocat d'un témoin n'a pas porté atteinte au secret de l'instruction. 12. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 13. La cassation est par conséquent encourue. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar, en date du 26 janvier 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ; RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION
L'assistance d'un témoin par un avocat lors de son audition constitue une irrégularité touchant aux conditions d'administration de la preuve, qui fait nécessairement grief. L'accès au dossier de la procédure par un avocat qui assiste un témoin constitue une violation du secret de l'instruction
JURITEXT000048389594
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2023, 22-86.509, Publié au bulletin
2023-11-07 00:00:00
Cour de cassation
C2301262
Cassation partielle
22-86509
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-11-04
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan, SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01262
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 22-86.509 F-B N° 01262 MAS2 7 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 NOVEMBRE 2023 MM. [Z] [H] et [B] [E] ont formé des pourvois contre l'arrêt n° 2 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 4 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs, notamment, de recels, escroquerie et blanchiment, en bande organisée, association de malfaiteurs, faux et usage, détention et acquisition illicites d'un bien culturel archéologique en provenance d'un pays en zone de conflit armé, a prononcé sur leurs demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 30 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de Mme Thomas, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [B] [E], les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [Z] [H], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Metropolitan Museum of Art of [Localité 1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Thomas, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Mis en examen le 26 juin 2020 d'une partie des chefs susvisés, M. [Z] [H] a déposé une requête en annulation d'actes et de pièces de la procédure le 23 décembre suivant. 3. Mis en examen le 23 mars 2022 des chefs susvisés, M. [B] [E] a présenté des moyens d'annulation selon mémoire enregistré au greffe de la chambre de l'instruction le 18 mai suivant. Examen des moyens Sur le premier moyen proposé pour M. [H] Enoncé du moyen 4. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces de M. [H] et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors « que le respect des droits de la défense comme l'exigence d'équité de la procédure pénale imposent aux officiers de police judiciaire qui se saisissent d'office d'une enquête préliminaire sur le fondement de l'article 75 du code de procédure pénale, de consigner de manière exhaustive la teneur de leurs investigations et des actes d'enquête qu'ils effectuent ; que cette consignation ne peut, sans priver les parties mises en cause et les juridictions chargées de contrôler la procédure de la possibilité de s'assurer de sa régularité, consister en une simple synthèse des résultats et de l'analyse des investigations conduites ; que, de même, ne peut suffire à justifier de la régularité de l'enquête préliminaire, la simple mention générale, dans un procès-verbal de synthèse, des différents fondements juridiques autorisant les enquêteurs à mener leurs investigations ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a constaté qu'il se déduisait d'un procès-verbal du 25 juillet 2018 qu'une enquête préliminaire avait été menée d'office par les enquêteurs de l'OCBC, avant que les résultats de cette enquête soient portés à la connaissance du procureur de la République, le 24 juillet 2018, mais sans que la teneur, les modalités et les dates des nombreux actes d'enquête effectués ne soient décrits (arrêt, pp. 9-10) ; qu'en retenant, pour rejeter le moyen de nullité dont elle était saisie de ce chef, que le contenu du procès-verbal de synthèse du 25 juillet 2018 était suffisamment transparent et détaillé quant aux renseignements recueillis, à la méthode employée et aux bases juridiques susceptibles de justifier ces investigations et leur analyse, pour s'assurer de la régularité de l'enquête menée, et que les officiers de police judiciaire n'avaient pas à détailler leurs investigations (arrêt, p. 9, §§ 5-6 et p. 10, § 3), la chambre de l'instruction a violé l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles préliminaire et 75 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 5. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité du procès-verbal de saisine du 25 juillet 2018, l'arrêt attaqué rappelle les prérogatives attribuées à l'office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC), parmi lesquelles le contrôle des registres spéciaux des oeuvres d'art et la consultation des « listes rouges d'urgence des biens culturels en péril » du Conseil international des musées, et constate que ce contrôle a amené l'OCBC à repérer les activités illicites d'un ressortissant libanais. 6. Les juges relèvent que le procès-verbal, qui compte six pages, retrace les recherches préliminaires effectuées sur les ventes d'objets en France, notamment la vente d'une pièce provenant d'un pillage, ce qui a amené l'OCBC à soupçonner l'existence d'une filière internationale de commerce « d'oeuvres de sang », qu'il conclut que trois infractions, dont deux crimes, pourraient correspondre aux agissements en cause et qu'il mentionne que, la veille, ces informations ont été portées à la connaissance du procureur de la République qui a confirmé la saisine du service pour enquête. 7. Les juges estiment que ce procès-verbal est détaillé et transparent, qu'il s'inscrit dans le cadre d'une enquête préliminaire engagée d'office par un service de police judiciaire, et que l'article 75 du code de procédure pénale n'impose pas aux enquêteurs de détailler, par des procès-verbaux séparés ou d'une quelconque autre manière, leurs investigations ayant consisté à exploiter et compiler les renseignements reçus dans l'exercice de leur mission spécialisée. 8. Ils relèvent encore que les limites légales et conventionnelles tenant aux règles encadrant les techniques d'enquête intrusives et à celles du procès équitable, qui doivent permettre la libre discussion des indices et éléments de preuve, y compris sur leur origine et les modalités de leur obtention, ont été respectées. 9. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 10. En effet, le procès-verbal en cause, qui n'était destiné qu'à permettre de déterminer l'opportunité d'ouvrir une enquête et d'orienter les investigations à poursuivre sous le contrôle du procureur de la République, n'avait pas à rapporter le détail des diligences accomplies, les renseignements recueillis, dépourvus de valeur probante, ne pouvant en eux-mêmes porter atteinte aux droits de la défense et aux règles du procès équitable. 11. Le moyen doit dès lors être écarté. Sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [H] Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces de M. [H] et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors : « 2°/ que de l'interdiction faite aux agents des services de police, par l'article 230-27 du code de procédure pénale, d'utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire non autorisés par décret en Conseil d'Etat, résulte l'obligation de mentionner et d'identifier en procédure les logiciels utilisés ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence d'identification des logiciels de rapprochement judiciaire mis en oeuvre par les enquêteurs de l'OCBC, aux motifs qu'aucune disposition « n'impose que les logiciels utilisés soient précisément spécifiés et référencés dans la procédure judiciaire pour laquelle ils sont mis en oeuvre » (arrêt, p. 12, § 2), la chambre de l'instruction a violé le texte susvisé et l'article 230-20 du code de procédure pénale ; 3°/ qu'un rapport doit être rédigé à la clôture de l'enquête, synthétisant les investigations menées au moyen de logiciels de rapprochement judiciaire ; qu'en retenant qu'il avait été satisfait à cette exigence par la seule présence en procédure de certains procès-verbaux, identifiables par le visa des articles 230-20 et suivants du code de procédure pénale, faisant état de l'usage de logiciels de rapprochement judiciaire (arrêt, p. 11, dernier §), la chambre de l'instruction a violé l'article R. 40-40 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour rejeter le moyen de nullité pris du recours, lors des investigations, à des logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'aucun texte n'exige que les logiciels de rapprochement judiciaire qui sont mis en oeuvre soient précisément spécifiés et référencés dans la procédure. 14. Les juges ajoutent que les enquêteurs ont dûment établi des rapports d'exploitation des investigations réalisées à l'aide de tels logiciels, lesquels figurent aux cotes D 155, 159, 160, 163, 170 et 171. 15. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 16. D'une part, le premier grief procède d'une lecture erronée de l'article 230-27 du code de procédure pénale, dont l'objet n'est pas de prévoir que chaque logiciel de rapprochement judiciaire utilisé fasse l'objet d'une autorisation spécifique par décret en Conseil d'Etat. 17. D'autre part, il a été satisfait à l'obligation de rendre compte des diligences effectuées à l'aide d'un logiciel de rapprochement judiciaire par l'établissement des différents procès-verbaux d'exploitation figurant à la procédure. 18. Les griefs doivent dès lors être écartés. Sur le deuxième moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], visant notamment la saisie informatique effectuée le 18 décembre 2018, alors : « 1°/ que tous objets et documents saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, sauf si l'inventaire sur place présente des difficultés, auquel cas ils font l'objet de scellés fermés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs et ce, en présence des personnes qui ont assisté à la perquisition ; que ni l'importance des opérations de perquisition à l'occasion desquelles les saisies sont effectuées ni la complexité des faits de la poursuite ne justifient qu'il soit reporté à l'inventaire et au placement sous scellé immédiat des objets et documents saisis ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour justifier l'inventaire et la mise sous scellés de données informatiques plusieurs semaines après les opérations de perquisition, la chambre de l'instruction a statué par motifs impropres en méconnaissance des articles 56, alinéa 4 et 5, et 802 du code de procédure pénale ; 2°/ que l'obligation d'inventaire et de mise sous scellés s'applique aux saisies de données informatiques, qui doivent, après avoir été placées sous main de justice, être immédiatement inventoriées et placées sous scellés ; qu'en retenant le contraire, pour valider le placement sous scellé de données informatiques effectuées plus d'un mois après les opérations de saisie, et l'inventaire réalisé au même moment en l'absence de M. [E], la chambre de l'instruction a méconnu les alinéas 4 et 5 de l'article 56 du code de procédure pénale et l'article 802 du même code ; 3°/ qu'en écartant tout grief éprouvé par M. [E] à raison de ces irrégularités, au motif inopérant qu'il aurait été présent lors des opérations de copies effectuées durant la perquisition et qu'il aurait gardé la possession entière de ses ordinateurs et supports de stockage, sans autrement s'expliquer, comme elle y était invitée par les articulations essentielles du mémoire de M. [E], sur le fait que certains documents figuraient dans les données informatiques placées sous scellé qui ne figuraient pourtant pas sur son ordinateur, et qu'il était impossible de vérifier la traçabilité des données entre la saisie du 18 décembre 2018 et l'inventaire et le placement sous scellés du 23 janvier 2019 dès lors que ces données avaient été transférées au sein de plusieurs services durant cette période, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 593 et 802 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 20. Pour rejeter le moyen de nullité pris de la saisie de données informatiques, l'arrêt attaqué rappelle que la saisie a eu lieu sous la forme d'une copie des données contenues dans trois ordinateurs professionnels et un espace de stockage, qui a été réalisée en présence du requérant le 18 décembre 2018. 21. Les juges énoncent que, conformément aux dispositions de l'article 56, alinéa 5, du code de procédure pénale, qui ne prescrit pas le placement sous scellés ou l'inventaire sur place des données informatiques, les officiers de police judiciaire ont procédé à la saisie de ces données en plaçant sous main de justice une copie de celles-ci et qu'il n'y a pas lieu de rechercher un placement sous scellés définitifs. 22. Ils ajoutent que le requérant est mal fondé à soutenir qu'il ne peut savoir ce qui a été saisi alors que, d'une part, il a assisté à la perquisition, d'autre part, il est resté en possession de tous les supports physiques qui les contenaient et a toujours accès à ces données. 23. C'est à tort que la chambre de l'instruction a jugé que la saisie de données informatiques déroge aux prescriptions de l'article 56, alinéa 4, du code de procédure pénale, selon lesquelles les éléments saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, ou, en cas de difficultés, placés sous scellés provisoires jusqu'au moment de leur inventaire et de leur mise sous scellés définitifs. 24. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure sur ce point. 25. En effet, la chambre de l'instruction, qui n'était pas tenue de suivre le requérant dans le détail de son argumentation, s'est déterminée sur le fait qu'il était loisible à l'intéressé, demeuré en possession des supports physiques contenant les données saisies, de faire vérifier, au besoin en sollicitant une expertise, l'intégrité de la copie placée sous scellés cinq semaines plus tard, de sorte que, en présence d'allégations non étayées de discordance entre le contenu des supports et celui des scellés, elle a souverainement écarté tout grief pris de la tardiveté du placement sous scellés. 26. Le moyen doit dès lors être écarté. Sur le quatrième moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 27. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], visant notamment l'ensemble des réquisitions faites le 12 février 2020 et le 1er juillet 2020 par les officiers de police judiciaire à une « chargée de recherches », ainsi que tous les actes subséquents, alors : « 1°/ que l'introduction de tiers dans l'information en dehors de tout texte et de toute habilitation légale est interdite et constitue une violation du secret de l'instruction ; en validant les réquisitions d'un officier de police judiciaire tendant à ce qu'un agent de l'office où il oeuvre qui n'a ni la qualité d'OPJ, ni la qualité d'assistant spécialisé, ni aucun titre légal à participer à une commission rogatoire, l'assiste systématiquement dans l'exécution de la commission rogatoire délivrée par le juge d'instruction, la chambre de l'instruction a violé l'article 11 du code de procédure pénale ; 2°/ que si l'officier de police judiciaire dispose de pouvoirs de réquisition lors de l'enquête, il ne dispose pas des mêmes pouvoirs lorsqu'il agit sur commission rogatoire du juge d'instruction, le mandat lui étant donné à titre personnel mais n'étant pas susceptible de subdélégation ; la chambre de l'instruction a violé l'article 151 du code de procédure pénale ; 3°/ que la « réquisition » au sens des articles 60 ou 77-1 du code de procédure pénale suppose seulement que l'officier de police judiciaire s'adresse à un tiers pour lui demander un renseignement ou un élément utile à la manifestation de la vérité, le tiers ainsi requis restant totalement en dehors de la procédure à laquelle il n'a pas accès ; la réquisition tendant à une assistance constante de l'officier de police judiciaire dans les actes qu'il effectue ne rentre pas dans le cadre de ces textes qui ont été violés par fausse application ; 4°/ que la réquisition étant irrégulière et résultant d'un dépassement de ses pouvoirs par l'officier de police judiciaire, ni son opportunité, ni son intérêt et encore moins l'existence d'un grief ne sont de nature à en exclure l'annulation ; la chambre de l'instruction a encore violé les textes susvisés, outre l'article 802 du code de procédure pénale par fausse application. » Réponse de la Cour 28. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité des réquisitions de l'officier de police judiciaire s'adjoignant l'assistance d'une personne chargée de recherche au sein de l'OCBC pour l'exécution d'une commission rogatoire, l'arrêt attaqué énonce que cet officier de police judiciaire disposait, par délégation du juge d'instruction et en application des dispositions combinées des articles 81 et 152 du code de procédure pénale, du pouvoir de requérir toute personne susceptible d'apporter son concours à la manifestation de la vérité, et notamment tout agent public. 29. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas méconnu les textes visés au moyen. 30. En effet, la personne requise appartenait au service saisi pour l'exécution de la commission rogatoire, de sorte qu'elle n'était pas une personne tierce, étrangère à la procédure, et que sa participation à l'exécution de la mission ne procédait pas d'une subdélégation de celle-ci. 31. Le moyen doit dès lors être écarté. Mais sur le premier moyen proposé pour M. [E] Enoncé du moyen 32. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans l'intérêt de M. [E], notamment des trois réquisitions des 29 janvier 2019, 8 juillet 2021 et 12 juillet 2021, des expertises subséquentes et des auditions de ces experts, alors « qu'il n'entre pas dans les pouvoirs d'un officier de police judiciaire, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction, d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner des experts ; que les réquisitions de l'officier de police judiciaire demandant à un archéologue affecté au CNRS, une directrice de recherche au CNRS et à un professeur d'archéologie orientale d'examiner des oeuvres d'art afin de donner leur avis sur celles pouvant avoir une origine illicite et d'établir des rapports sur les éléments scientifiques, géographiques et historiques permettant de matérialiser ce caractère illicite, sont des réquisitions aux fins d'examens techniques et scientifiques constitutifs d'expertises, et non de simples réquisitions aux fins de constatations techniques ; qu'en retenant le contraire, pour refuser d'annuler ces réquisitions prises par l'officier de police judiciaire sur commission rogatoire du juge d'instruction, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 156, 60 et 77-1 du code de procédure pénale ; la cassation interviendra sans renvoi, la chambre criminelle étant en mesure d'annuler les actes critiqués et les rapports qui en découlent. » Réponse de la Cour Vu l'article 156 du code de procédure pénale : 33. Selon ce texte, toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut ordonner une expertise. Ces juridictions ne tenant d'aucun texte la faculté de déléguer leurs pouvoirs en matière de désignation d'expert, il ne saurait entrer dans les pouvoirs de l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction d'ordonner une mesure d'expertise et de désigner les experts. 34. Pour rejeter le moyen de nullité pris de l'irrégularité de réquisitions à personnes qualifiées par l'officier de police judiciaire, l'arrêt attaqué énonce que, s'agissant de celle du 29 janvier 2019, elle a été établie lors de l'enquête préliminaire. 35. S'agissant des autres, établies par l'officier de police judiciaire agissant sur commission rogatoire, les juges estiment qu'elles ont eu pour objet des demandes d'ordre technique, non assimilables à des expertises, devant être comprises comme destinées à obtenir des pistes d'orientation par un spécialiste. 36. Ils ajoutent que, compte tenu de la nature de l'affaire, qui porte sur des centaines d'objets remontant à l'Antiquité et susceptibles d'avoir été prélevés dans des zones de guerre ou de conflit de plusieurs régions du monde, il ne saurait être reproché aux enquêteurs de s'être entourés d'avis techniques à un niveau élevé de précision et de détail. 37. En se déterminant ainsi, si c'est à juste titre qu'elle a refusé d'annuler la réquisition du 29 janvier 2019, prise conformément à l'article 77-1 du code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a, en revanche, s'agissant des réquisitions établies les 8 et 12 juillet 2021, méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 38. En effet, ces réquisitions, dont l'objet était de recueillir un avis sur le fond de l'affaire, en l'occurrence sur l'origine licite ou non des objets archéologiques, impliquant une interprétation, ne tendaient pas à des constatations techniques, mais à des examens techniques et scientifiques qui, comme tels, ressortissaient du domaine de l'expertise. 39. L'officier de police judiciaire n'avait en conséquence pas compétence pour procéder aux réquisitions en cause lors de l'exécution de la commission rogatoire. 40. En revanche, d'une part, il avait compétence pour procéder aux auditions en qualité de témoin des personnes spécialisées qu'il avait requises et qui ont été effectuées dans les formes légales, d'autre part, ces auditions ne trouvent pas leur support nécessaire dans les réquisitions irrégulières. 41. La cassation est dès lors encourue concernant les deux dernières réquisitions et les rapports déposés en exécution de celles-ci. Et sur le second moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [H] et le troisième moyen proposé pour M. [E] Enoncé des moyens 42. Le second moyen, proposé pour M. [H], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté sa requête en annulation de pièces et a constaté la régularité de la procédure jusqu'à la cote D 936 incluse, alors : « 1°/ qu'aux termes de l'article 230-25 1° du code de procédure pénale, les logiciels de rapprochement judiciaire ne peuvent être utilisés que par des agents individuellement désignés et spécialement habilités à cette fin, dans les conditions définies par l'article R. 40-39 du même code ; que cette habilitation spéciale et individuelle ne se confond pas, mais se cumule, avec la nécessité édictée à l'article R. 40-40 du même code, que le recours auxdits logiciels soit par ailleurs autorisé par le magistrat saisi de l'enquête ou chargé de l'instruction ; qu'en écartant le moyen de nullité tiré de l'absence de justification en procédure de la désignation individuelle et de l'habilitation spéciale des agents de l'OCBC ayant eu recours à des logiciels de rapprochement judiciaire, aux motifs que dès lors qu'ils avaient reçu du procureur de la République puis du juge d'instruction, l'autorisation spéciale d'utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire, les agents de l'OCBC « disposaient subséquemment de la faculté d'utiliser ce type de logiciel, sans besoin de disposer d'une habilitation individuelle et autre que celle donnée par ces magistrat (arrêt, p. 11, § 6), la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés. » 43. Le troisième moyen, proposé pour M. [E], critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête en annulation de pièces déposée dans son intérêt, visant notamment l'ensemble des actes effectués en ayant recours à des logiciels de rapprochement judiciaire, alors « que les agents visés à l'article 230-25, 1° du code de procédure pénale ne peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire qu'à la condition d'être individuellement désignés et spécialement habilités, pour les seuls besoins des enquêtes dont ils sont saisis, par le magistrat du parquet ou le magistrat instructeur ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler les actes de procédure collectés en ayant eu recours à des logiciels de rapprochement de données par des agents non individuellement désignés, qu'il suffisait que les magistrats ayant autorisé ces opérations désignent le service de police judiciaire pour mener ces investigations, la chambre de l'instruction a méconnu les articles R. 40-40 et 230-25 du code de procédure pénale. La cassation pourra intervenir sans renvoi. » Réponse de la Cour 44. Les moyens sont réunis. Vu les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale : 45. Selon le premier de ces textes, peuvent seuls utiliser les logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi qui sont individuellement désignés et spécialement habilités. 46. Selon le second, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, et l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emporte pas, par elle-même, nullité de cette procédure. En conséquence, il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, le cas échéant, un supplément d'information. 47. Pour rejeter le moyen de nullité pris du recours, lors des investigations, à des logiciels de rapprochement judiciaire, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort du procès-verbal de saisine du 25 juillet 2018 que les enquêteurs ont été autorisés par le procureur de la République à utiliser de tels logiciels pour les besoins de leur enquête, qu'il ressort encore du procès-verbal établi le 13 février 2020 qu'après l'ouverture de l'information, le juge d'instruction a également donné son accord en ce sens et qu'il n'est pas besoin que figure en procédure une autorisation écrite du magistrat compétent. 48. Les juges estiment qu'en vertu de la saisine de leur service et des autorisations ainsi délivrées, les officiers de police judiciaire de l'OCBC disposaient de la faculté d'utiliser ce type de logiciels sans nécessité d'une habilitation individuelle dès lors que leurs noms apparaissaient en procédure. 49. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 50. En effet, il lui appartenait de procéder au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents pour mettre en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, au besoin en ordonnant un complément d'information. 51. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation 52. A la suite de la cassation prononcée au paragraphe 41, il appartiendra à la chambre de l'instruction de renvoi de procéder, le cas échéant, aux cancellations par voie de conséquence des procès-verbaux d'audition en qualité de témoin des personnes spécialisées qui pourraient résulter de l'annulation des réquisitions des 8 et 21 juillet 2021 et des rapports déposés en exécution de celles-ci. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 4 novembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives, d'une part, aux réquisitions des 8 et 12 juillet 2021 et aux rapports déposés en exécution de ces réquisitions, d'autre part, au contrôle de l'habilitation spéciale et individuelle des agents ayant mis en oeuvre des logiciels de rapprochement judiciaire, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-trois.
ENQUETE - Techniques d'enquête - Logiciels de rapprochement judiciaire - Utilisation - Conditions
L'article 230-27 du code de procédure pénale n'oblige pas les enquêteurs à identifier en procédure les logiciels de rapprochement judiciaire qu'ils ont mis en oeuvre. Les prescriptions de l'article R. 40-40, dernier alinéa, du code de procédure pénale relatives à l'établissement d'un rapport joint à la procédure rendant compte des diligences effectuées à l'aide d'un logiciel de rapprochement judiciaire sont satisfaites par le versement à la procédure des divers procès-verbaux d'exploitation établis. Selon les articles 230-25 et 15-5 du code de procédure pénale, d'une part, seuls peuvent utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire les agents des services désignés par la loi individuellement désignés et spécialement habilités, d'autre part, la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée, l'absence de mention en procédure d'une telle habilitation n'emportant pas, par elle-même, nullité de cette procédure. Il en résulte qu'il appartient à la juridiction saisie en ce sens de vérifier la réalité de cette habilitation en ordonnant, au besoin, un supplément d'information. Encourt donc la censure l'arrêt qui énonce que les enquêteurs avaient été autorisés par le procureur de la République, puis par le juge d'instruction, à utiliser des logiciels de rapprochement judiciaire et que, au regard de la saisine de leur service ainsi que des autorisations ainsi délivrées, ces enquêteurs disposaient de la faculté d'utiliser de tels logiciels sans nécessité d'une habilitation individuelle, dès lors que leurs noms apparaissaient en procédure
JURITEXT000048389596
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2023, 22-87.230, Publié au bulletin
2023-11-07 00:00:00
Cour de cassation
C2301277
Rejet
22-87230
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-11-08
Cour d'appel de Douai
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01277
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° V 22-87.230 F-B N° 01277 MAS2 7 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 7 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [U] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, chambre correctionnelle, en date du 8 novembre 2022, qui, pour apologie publique d'un acte de terrorisme, l'a condamné notamment à deux ans d'emprisonnement. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [Y] [U], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Le 4 juillet 2022, la direction zonale de la sécurité intérieure nord (DZSI) a adressé un signalement au procureur de la République de Lille relatif à l'activité publique de propagande à visée terroriste de M. [Y] [U], au moyen d'un compte Twitter, sous le pseudonyme de [D] [P]. 3. La DZSI a relevé plusieurs propos susceptibles de caractériser le délit d'apologie publique d'un acte de terrorisme, tenus par M. [U] sur ce compte, entre le 25 mai et le 6 juillet 2022, période au cours de laquelle celui-ci se trouvait en Algérie. 4. L'intéressé est rentré en France le 19 juillet suivant, date à laquelle il a été interpellé. 5. Les adresses IP de connexion au compte utilisé par M. [U], pendant la période considérée, ont été localisées en Algérie, l'intéressé se connectant à internet au moyen d'un réseau privé virtuel. 6. Le tribunal correctionnel a déclaré M. [U] coupable du délit poursuivi et a prononcé sur les peines. 7. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel du jugement. Examen du moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [U] pour apologie d'actes de terrorisme, alors « qu'en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République les propos incriminés susceptibles de constituer l'apologie d'actes de terrorisme, la circonstance que ces propos du fait de leur diffusion sur un réseau social, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître ; qu'en se bornant à relever que les messages, même s'ils avaient été écrits alors que [Y] [U] se trouvait en Algérie, étaient réputés avoir été commis sur le territoire national puisqu'ils étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, depuis le territoire français, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 113-2 et 421-2-5 du code pénal. » Réponse de la Cour 9. La Cour de cassation juge qu'en l'absence de tout critère rattachant au territoire de la République des propos incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérise pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître (Crim., 12 juillet 2016, pourvoi n° 15-86.645, Bull. crim. 2016, n° 218). 10. L'apologie publique d'actes de terrorisme pouvant procéder de propos diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, accessibles depuis la France, il y a lieu de considérer que, pour cette infraction également, cette circonstance ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l'absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire. 11. En l'espèce, pour écarter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le prévenu et confirmer le jugement, l'arrêt attaqué énonce notamment que les tweets litigieux de M. [U] ont été publiés et diffusés sur le réseau internet en langue française et qu'ils étaient accessibles à tous sans aucune restriction depuis le territoire français. 12. Les juges ajoutent que, dès lors que la publicité des écrits, élément constitutif de l'infraction d'apologie du terrorisme reprochée, a eu lieu sur le territoire de la République, l'infraction est réputée commise sur ce territoire. 13. Ils en concluent que, quand bien même les messages auraient été écrits par M. [U], alors qu'il se trouvait en Algérie, les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national puisque lesdits messages étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, depuis le territoire français. 14. C'est à tort que les juges ont retenu que les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire national, les messages diffusés étant accessibles depuis le territoire français, dès lors que cette circonstance ne caractérise pas, à elle seule, en l'absence de critère de rattachement desdits propos au territoire de la République, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître. 15. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'il en résulte que les propos poursuivis ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l'organisation dite Etat Islamique, d'autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d'appliquer et combattent les lois d'Allah », notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent, en l'espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français. 16. Ainsi, le moyen doit être écarté. 17. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-trois.
TERRORISME - Actes de terrorisme - Provocation et apologie - Apologie d'actes de terrorisme - Diffusion depuis un territoire étranger - Compétence territoriale - Condition
La circonstance que des propos susceptibles de caractériser le délit d'apologie publique d'actes de terrorisme, diffusés par le réseau internet depuis un territoire étranger, aient été accessibles depuis la France ne caractérise pas à elle seule un acte de publicité sur le territoire de la République rendant le juge français compétent pour connaître de ce délit, en l'absence de tout critère rattachant les propos incriminés audit territoire. Justifie sa décision la cour d'appel qui retient la compétence du juge français pour connaître d'un tel délit, procédant de propos accessibles depuis la France et diffusés par un compte dont les adresses de connexion utilisés sont situées en Algérie dès lors qu'il ressort de ses constatations que ces propos, en langue française, pour certains, sont accompagnés de photographies représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l'organisation dite Etat Islamique, et, pour d'autres, incitent les musulmans à se sentir étrangers sur « toutes les terres qui refusent d'appliquer et combattent les lois d'Allah », notamment la France, et ce, alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste
JURITEXT000048389738
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 8 novembre 2023, 23-81.636, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
C2301295
Rejet
23-81636
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-15
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01295
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 23-81.636 F-B N° 01295 GM 8 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 8 NOVEMBRE 2023 M. [P] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 8e section, en date du 15 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, blanchiment, association de malfaiteurs et refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, en récidive, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 30 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [P] [I], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Les fonctionnaires de la police judiciaire de [Localité 2], informés de ce que des transactions de produits stupéfiants avaient lieu dans le parking d'un immeuble géré par un bailleur social, ont requis ce dernier, le 9 mars 2020, sur autorisation du procureur de la République, afin d'accéder aux parties communes. 3. Le même jour, le bailleur les a autorisés, pour une durée d'un an, à accéder aux images enregistrées dans son installation de vidéosurveillance. 4. Ce droit d'accès a été renouvelé, dans les mêmes formes et pour la même durée, le 4 janvier 2021. 5. L'exploitation de ces images a confirmé la mise en cause de quatre personnes, dont M. [P] [I], qui, après ouverture d'une information judiciaire le 21 octobre 2021, ont été mises en examen des chefs susvisés. 6. Par requête déposée le 12 avril 2022, M. [I] a sollicité l'annulation de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur le second moyen 7. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure et constaté la régularité de la procédure pour le surplus, alors : « 1°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que « la communication des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations dans les parties communes de l'immeuble concerné n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale », quand le pouvoir de réquisition des officiers de police judiciaire les autorise à obtenir communication des enregistrements des caméras de surveillance, sans pour autant leur permettre d'exploiter des images postérieures aux réquisitions ainsi formulées, ni de traiter en direct le flux vidéo des caméras ainsi exploitées sur une large période de temps, laquelle mesure s'assimile davantage à une captation d'images pour l'avenir qui suppose alors l'autorisation et le contrôle d'un juge, gardien des libertés fondamentales, la chambre de l'instruction a violé les articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-96, 706-95-12, 77-1-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en retenant, pour refuser d'annuler cette mesure, que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était nécessaire et proportionnée, sans rechercher avant tout si cette atteinte était légale, ce qu'elle n'était pas, la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était abstraitement nécessaire « eu égard à la nature et à la gravité des faits poursuivis et eu égard au profil des protagonistes du dossier », quand il résulte de ses propres constatations que les surveillances opérées par les enquêteurs et l'exploitation ponctuelle d'images préenregistrées suffisaient à rechercher la preuve des faits reprochés aux mis en cause, de sorte que la nécessité de requérir, ab initio et pour l'avenir, un accès sans limite à toutes les images futures qui seraient captées par les caméras litigieuses pendant 16 mois, n'était pas établie, la chambre de l'instruction, qui n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 4°/ que le fait pour les enquêteurs de solliciter le bailleur social d'un immeuble afin d'obtenir non seulement la communication des images que les caméras de cet immeuble ont pu enregistrer par le passé, mais encore un accès continu et pour l'avenir aux images de vidéosurveillance de cet immeuble, s'analyse en une mesure de captation, fixation, transmission ou enregistrement de l'image d'une ou de plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé, laquelle doit nécessairement être autorisée par un juge ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la procédure que les enquêteurs ont, sur la base de simples réquisitions et sans autorisation judiciaire, accédé pour l'avenir et de manière continue aux images de vidéosurveillances de l'immeuble sis [Adresse 1] ; que la défense faisait valoir qu'une telle mesure était irrégulière et portait atteinte à la vie privée de l'exposant, dont l'image avait été captée par les caméras de vidéosurveillances auxquelles il avait ainsi été accédé ; qu'en se bornant, pour refuser d'annuler cette mesure, à retenir que l'atteinte à la vie privée dénoncée par l'exposant était proportionnée en ce que « pour la période de 9 mois de l'année 2020, seulement 7 jours ont donc été exploités » et que « pour les 7 mois de l'année 2021 concernés par la réquisition, 27 jours ont été exploités, lors desquels [P] [I] apparaît 17 jours » quand il importe que les autres images n'aient pas été effectivement exploitées - ou, plus exactement, qu'elles n'aient pas fait l'objet d'un procès-verbal d'exploitation ... - , l'accès à ces plus de 10.000 heures d'images constituant à lui seul une atteinte à la vie privée de l'exposant dès lors que celui-ci est apparu, même ponctuellement, sur celles-ci, la chambre de l'instruction, qui a statué par des motifs impropres à justifier la proportionnalité de la mesure critiquée, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 9. Pour écarter le moyen de nullité, l'arrêt attaqué énonce que la communication aux enquêteurs, et l'exploitation par ces derniers, des enregistrements des caméras de surveillance installées par le propriétaire ou le gestionnaire d'un ensemble d'habitations, dans les parties communes de l'immeuble concerné, n'est pas assimilable à un procédé de captation d'images relevant de l'article 706-96 du code de procédure pénale. 10. Les juges ajoutent que le système de vidéosurveillance était en place et fonctionnait préalablement aux réquisitions délivrées par les enquêteurs au propriétaire, en vertu de l'autorisation générale qui leur avait été délivrée à cette fin par le procureur de la République. 11. Ils estiment que le fait que les enquêteurs aient inscrit dans le temps et pour les mois à venir leur demande de mise à disposition des enregistrements de vidéosurveillance n'est pas plus critiquable puisque, d'une part, cette installation technique était permanente, antérieure aux réquisitions des enquêteurs et était faite pour fonctionner au-delà de ces réquisitions et sans lien avec celles-ci, d'autre part, les enregistrements étaient de toute façon conservés par le propriétaire et à sa seule initiative. 12. Ils précisent que, eu égard à la gravité des infractions poursuivies, caractérisée par l'ampleur et la durée du trafic, la nature des produits concernés, et l'existence d'une organisation structurée avec de nombreux protagonistes dont certains déjà condamnés à de multiples reprises, l'exploitation des vidéosurveillances critiquées, qui ne portent que sur sept jours en 2020 et vingt-sept jours en 2021, dont seulement dix-sept concernent M. [I], constitue une atteinte à sa vie privée non seulement justifiée pour permettre la manifestation de la vérité, mais aussi proportionnée à un trafic de stupéfiants de cette ampleur. 13. En prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, la technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte. 15. En deuxième lieu, l'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées. 16. En troisième lieu, il résulte des motifs de la chambre de l'instruction que l'atteinte ainsi portée à la vie privée des personnes concernées était prévue par l'article 77-1-1 précité, justifiée par la recherche des infractions pénales, et proportionnée à la gravité de celles-ci. 17. Dès lors, le moyen doit être écarté. 18. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
CRIMINALITE ORGANISEE - Procédure - Sonorisations et fixations d'images de certains lieux ou véhicules - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Installation d'un dispositif de vidéosurveillance dans les parties communes d'un immeuble par le propriétaire
ENQUETE - Preuve - Pouvoir de réquisition - Applications diverses - Installation d'un dispositif de vidéosurveillance dans les parties communes d'un immeuble par le propriétaire - Réquisitions aux fins d'obtention des images non enregistrées issues de ce dispositif - Possibilité
La technique d'enquête prévue à l'article 706-96 du code de procédure pénale suppose la mise en place, par les enquêteurs, d'un dispositif technique installé à l'insu des personnes surveillées, de sorte que le dispositif de vidéosurveillance installé par le propriétaire dans les parties communes de son immeuble échappe aux prévisions de ce texte. L'article 77-1-1 du même code n'interdit pas à l'officier de police judiciaire de requérir un propriétaire en vue d'obtenir des images, issues de ce dispositif, qui n'ont pas encore été enregistrées
JURITEXT000048430313
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-82.826, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
C2301237
Rejet
22-82826
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-04-08
Cour d'appel de Versailles
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01237
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° G 22-82.826 FS-B N° 01237 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 Mme [Y] [Z] et la société [1] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 8 avril 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 29 janvier 2020, pourvoi n° 17-83.577), a condamné la seconde, pour complicité de fraude fiscale et blanchiment, à une confiscation, et, dans la procédure suivie contre la première des chefs de fraudes fiscales et blanchiment, a prononcé sur les intérêts civils. Les pourvois sont joints en raison de la connexité. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Fouquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [Y] [Z] et de la société [1], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Fouquet, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, MM. Wyon, Pauthe, de Lamy, Mmes Piazza, Jaillon, conseillers de la chambre, MM. Ascensi, Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par jugement du 13 avril 2015, Mme [Y] [Z] a été condamnée des chefs de fraudes fiscales, d'une part, par minoration, de 2007 à 2010, des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune, d'autre part, par organisation d'insolvabilité, et de blanchiment. 3. La société [1] (la SCI), dont Mme [Z] est la représentante légale et l'actionnaire majoritaire, a été condamnée des chefs de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité et de blanchiment à la confiscation du bien immobilier dont elle est propriétaire à Paris. 4. Le tribunal a déclaré recevable l'Etat français en sa constitution de partie civile et a condamné Mme [Z], solidairement avec une autre prévenue, à lui verser la somme de 100 000 euros. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche et le second moyen, pris en sa seconde branche 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société [1] à titre de peine principale, la confiscation d'une maison d'habitation dont elle est propriétaire sur la commune de [Adresse 4] et à l'encontre de la société [3] à titre de peine principale la confiscation du bien situé en Corse aux lieux-dits [Localité 2] et [Localité 5] en contournant ces confiscations à hauteur de 1 000 000 d'euros chacune, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées à la condition que la valeur totale des biens confisqués n'excède pas celle du produit total de cette ou de ces infractions ; qu'en l'espèce, Mme [Y] [Z] avait été déclarée coupable pour des faits commis entre 2007 et 2010 et les sociétés [1] et [3] pour des faits commis entre 2009 et 2010 (voir arrêt, p. 4 et s.) ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre de ces dernières en la cantonnant à la somme de 1 million pour chacune d'entre elles, en relevant que « le montant des droits éludés, produit des infractions, s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 » (arrêt, p. 21) soit au regard de faits commis pour partie antérieurement à la période de prévention concernant les SCI et pour lesquels aucune déclaration de culpabilité n'a été prononcée à l'encontre des SCI, la cour d'appel a violé l'article 131-21 du code pénal ; 3°/ en outre, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'une confiscation en valeur, en ce qu'elle conduit au versement d'une somme d'argent par l'intéressé et s'assimile ainsi à une amende ne saurait donc, en toute hypothèse, porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété de l'intéressé ; qu'en prononçant une peine de confiscation en valeur à l'encontre des sociétés [1] et [3] « sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété des intéressés » (arrêt, p. 21), la cour d'appel a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 4°/ enfin, qu'en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation en nature du produit ou de l'objet de l'infraction ; qu'en l'espèce, il ressortait des constatations de la cour d'appel que les sociétés [1] et [3] ne généraient pas de revenus et disposaient pour seul patrimoine des biens immobiliers confisqués (voir arrêt, p. 22) ; qu'il en résultait que les sociétés en cause seraient contraintes de céder la propriété du bien confisqué en cas de confiscation en valeur et qu'une atteinte disproportionné les privant de leur seul élément d'actif serait alors portée à leur droit de propriété ; qu'en prononçant néanmoins une telle peine de confiscation en valeur pour un montant de 1 million d'euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 131-21 et 132-1 du code pénal, ensemble l'article 1erdu premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. » Réponse de la Cour 7. Pour condamner la société [1] à la confiscation de l'immeuble dont elle est propriétaire, en la cantonnant à hauteur d'un million d'euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lesquels la société a été déclarée coupable, énonce que ces faits ont eu pour effet de rendre inefficace toute action de l'administration fiscale sur le patrimoine de Mme [Z]. 8. Les juges rappellent que la peine de confiscation est encourue par les personnes morales et que les dispositions de l'alinéa 9 de l'article 131-21 du code pénal autorisent la confiscation en valeur de tous les biens, quelle qu'en soit la nature, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, dès lors que la valeur des biens saisis n'excède pas le montant estimé du produit de celles des infractions qui peuvent donner lieu à confiscation quand bien même ils n'auraient pas de lien direct ou indirect avec l'infraction. 9. Ils retiennent que le montant des droits éludés, produit des infractions de fraude fiscale commises par Mme [Z], s'élève à 3 747 544 euros selon la mise en demeure communiquée par la défense au titre du recouvrement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2005 à 2010 et que dès lors la confiscation peut être ordonnée en valeur sur le bien saisi, propriété de la société, dans la limite de ce montant sans qu'il soit nécessaire d'apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de l'intéressée. 10. Ils considèrent que la peine de confiscation en valeur affecte le patrimoine de la personne condamnée, que ce patrimoine ait ou non un lien avec l'infraction commise, tout comme la peine d'amende et doit donc, au même titre que cette dernière, être appréciée au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges. 11. La cour d'appel souligne que le bien immobilier dont la confiscation est envisagée constitue le seul actif de la société, dont il n'est pas établi qu'elle génère des revenus. 12. Elle en déduit que si la confiscation en valeur de ce bien est adaptée en nature à l'infraction commise, la confiscation du bien à hauteur du montant total du préjudice qui correspondrait pratiquement à l'entier patrimoine de la société apparaît excessive eu égard aux peines prononcées à l'encontre de l'auteur principal. 13. Le moyen doit être écarté pour les motifs qui suivent. 14. En premier lieu, les juges, qui ont prononcé la confiscation en valeur de l'immeuble appartenant à la société, se sont assurés que la valeur de ce bien n'excédait pas le montant du produit du délit de complicité de fraude fiscale par organisation d'insolvabilité pour lequel elle a été condamnée. En effet, le produit de cette infraction est constitué par l'économie qu'elle a permis de réaliser, dont le montant est équivalent à celui de la totalité des impôts au paiement desquels s'est soustrait ou a tenté de se soustraire l'auteur principal de la fraude fiscale. 15. En second lieu, c'est à tort que la cour d'appel a affirmé qu'elle n'avait pas à apprécier la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de la société. En effet, dès lors que les faits avaient été commis par plusieurs auteurs ou complices, il appartenait aux juges, pour ordonner la saisie des immeubles appartenant à la société, de rechercher si cette dernière avait bénéficié en tout ou partie du produit de l'infraction et le cas échéant, si cette garantie était invoquée devant eux, d'apprécier le caractère proportionné de l'atteinte portée à son droit de propriété s'agissant de la partie du produit de l'infraction dont elle n'aurait pas tiré profit. 16. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 17. En effet, la cour d'appel, qui a néanmoins procédé audit contrôle, a souverainement apprécié le caractère proportionné de l'atteinte portée au droit de propriété de la demanderesse par la confiscation prononcée, qu'elle a en conséquence cantonnée. Mais sur le second moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné Mme [Z] à verser à l'État au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral la somme de 50 000 euros, alors : « 1°/ d'une part, que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que l'État, garant du respect de la loi et dont l'intérêt se confond, sauf hypothèses particulières, avec l'intérêt général ne peut se prévaloir d'un préjudice moral découlant de la seule commission d'une infraction pénale ; qu'en jugeant que l'État était fondé à solliciter auprès de Mme [Y] [Z], déclarée coupable de blanchiment de fraude fiscale, l'indemnisation de son préjudice moral « en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale » (arrêt, p. 23) la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants à caractériser l'existence d'un tel préjudice, résultant de la seule commission de cette infraction par un simple particulier, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2 et 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale : 19. Il résulte de ces textes que l'action civile n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert d'un dommage directement causé par l'infraction, distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société, dont la réparation est assurée par l'exercice de l'action publique. 20. Pour condamner Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, l'arrêt attaqué énonce que c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Etat français au titre du préjudice découlant directement du délit de blanchiment de fraude fiscale dès lors que son fondement est différent de celui résultant de la fraude fiscale déjà indemnisé par les majorations fiscales et les intérêts de retard dans le cadre de la procédure fiscale. 21. Les juges relèvent que l'État français est recevable à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral lié aux faits de blanchiment, en raison du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique. 22. Ils constatent qu'en l'espèce la dimension d'atteinte à l'égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l'ordre public économique est particulièrement caractérisée et ce notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds. 23. Ils ajoutent que l'atteinte aux intérêts moraux de l'Etat inclut le préjudice lié au crédit de celui-ci. 24. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 25. En effet, la commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'Etat un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. 26. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 27. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : Sur le pourvoi formé par la société [1] : Le REJETTE ; Sur le pourvoi formé par Mme [Z] : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 8 avril 2022, mais en ses seules dispositions ayant condamné Mme [Z] à payer à l'Etat la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
BLANCHIMENT - Blanchiment de fraude fiscale - Action civile - Cas - Préjudice moral causé à l'Etat - Exclusion
La commission, par un contribuable, du délit de blanchiment de fraude fiscale n'est pas susceptible de causer à l'État un préjudice moral distinct de l'atteinte portée aux intérêts généraux de la société que l'action publique a pour fonction de réparer. Encourt la cassation l'arrêt de la cour d'appel qui condamne le prévenu à payer à l'Etat français la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral lié lié aux faits de blanchiment, en raison, d'une part, du discrédit jeté par l'auteur de ce délit sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment, en encourageant le non-respect de la transparence fiscale attendue de chaque contribuable dans le cadre du système fiscal déclaratif applicable en France et en affaiblissant l'autorité de l'État dans l'opinion publique, d'autre part, de l'atteinte portée à l'égalité fiscale entre citoyens de situation comparable et à l'ordre public économique, notamment par la mise en place de nombreux mécanismes de dissimulation de recettes et de transfert de fonds
JURITEXT000048430315
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 23-81.135, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
C2301343
Cassation sans renvoi
23-81135
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-24
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La
M. Bonnal
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01343
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° R 23-81.135 F+B N° 01343 ECF 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION SANS RENVOI M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [D] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre lui du chef d'escroquerie aggravée, a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC aux fins d'aliénation rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 12 juin 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Gillis, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [Y] [D], et les conclusions de M. Valat, avocat général, après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gillis, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. M. [Y] [D] a été mis en examen pour escroquerie aggravée. 3. Dans le cadre de l'information, il a été procédé à la saisie de divers biens mobiliers lui appartenant pour un montant évalué à 162 280 euros. Par ordonnance du 15 juin 2022, le juge d'instruction a ordonné la remise de ces biens à l'AGRASC en vue de leur aliénation. 4. M. [D] a relevé appel de cette décision Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de remise à l'AGRASC des biens mobiliers saisis, alors « que les décisions de remise à l'AGRASC font l'objet d'une ordonnance motivée prise soit sur réquisitions du procureur de la République, soit d'office après avis de ce dernier ; que l'avis du procureur de la République constitue une formalité obligatoire dont l'absence cause nécessairement grief ; qu'en retenant qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de l'absence d'avis du procureur de la République et en exigeant la démonstration d'un grief, la chambre de l'instruction a violé l'article 99-2, alinéa 5, du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour Vu l'article 99-2, alinéas 2 et 5, du code de procédure pénale : 6. Il résulte de ce texte que, lorsque le juge d'instruction ordonne d'office la remise à l'AGRASC, en vue de leur aliénation, de biens meubles placés sous main de justice car le maintien de la saisie serait de nature à diminuer la valeur des biens, cette décision est prise après avis du procureur de la République. 7. Pour écarter le moyen selon lequel l'ordonnance de remise des biens en vue de leur aliénation serait nulle faute d'avis préalable du procureur de la République, l'arrêt attaqué énonce qu'aucune nullité n'est spécialement encourue du fait de cette irrégularité et qu'aucun grief n'est démontré. 8. En se déterminant ainsi, alors que les dispositions précitées de l'article 99-2 du code de procédure pénale exigent que le juge d'instruction recueille l'avis du procureur de la République avant de prendre une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé. 9. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion, en date du 24 janvier 2023 ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; ANNULE l'ordonnance du juge d'instruction du 15 juin 2022 du tribunal judiciaire de Saint-Denis de La Réunion ordonnant la remise à l'AGRASC de biens meubles appartenant à M. [D] et placés sous main de justice en vue de leur aliénation ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
SAISIES - Saisies spéciales - Décision autorisant l'aliénation du bien ou du droit - Condition - Avsi préalable du procureur de la République - Défaut - Portée
Encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui rejette la demande en nullité d'une ordonnance de remise des biens placés sous main de justice en vue de leur aliénation prise en application de l'article 99-2, alinéa 2, du code de procédure pénale, alors que l'avis du procureur de la République n'a pas été préalablement recueilli conformément au cinquième alinéa de ce même article, au motif qu'aucune nullité n'est spécialement encourue et qu'aucun grief n'est démontré
JURITEXT000048430355
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 novembre 2023, 22-81.258, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
C2301238
Cassation partielle
22-81258
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2021-12-13
Cour d'appel de Paris
M. Bonnal
SCP Spinosi, SCP Foussard et Froger
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01238
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° D 22-81.258 FS-B N° 01238 SL2 15 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 15 NOVEMBRE 2023 La société [2] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-12, en date du 13 décembre 2021, qui, pour démarchage bancaire ou financier illicite et blanchiment aggravé, l'a condamnée à 3 750 000 euros d'amende, une confiscation, a ordonné une mesure de publication de la décision, et a prononcé sur les intérêts civils. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Chafaï, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société [2], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, les avocats ayant eu la parole en dernier, après débats en l'audience publique du 27 septembre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Chafaï, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, MM. Pauthe, de Lamy, Mme Jaillon, conseillers de la chambre, M. Ascensi, Mme Fouquet, M. Gillis, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. A la suite d'un signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel et d'une enquête préliminaire, une information judiciaire a été ouverte le 12 avril 2012, portant sur des faits relatifs à l'existence d'un système d'évasion fiscale entre les banques [3] et [4], supposant des opérations transfrontalières, réalisées grâce au démarchage de clients français par la banque suisse sur le territoire national et suivies par [3] à l'aide d'un outil manuel dénommé « carnets du lait », qui n'apparaissait pas dans la comptabilité officielle de la banque. 3. A l'issue de l'information judiciaire, la société [2], sa filiale française la société [3] et six personnes physiques ont été renvoyées devant le tribunal correctionnel. 4. La société de droit suisse [2] a été poursuivie pour avoir, à [Localité 1] et sur le territoire national, de 2004 à 2011, alors qu'elle n'était pas une entreprise habilitée à intervenir sur le territoire français, démarché illicitement des résidents fiscaux français pour notamment réceptionner leurs fonds et conserver ou gérer leurs instruments financiers, les actes de démarchage étant accomplis par des chargés d'affaires d'[2] agissant sous l'autorité de leur employeur et en utilisant un réseau d'intermédiaires financiers, apporteurs d'affaires. 5. Il lui était également reproché d'avoir, à [Localité 1], sur le territoire national et en Suisse, de 2004 jusqu'en 2012, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, en l'espèce du délit de fraude fiscale à l'impôt sur le revenu et à l'impôt de solidarité sur la fortune ou à l'impôt sur les sociétés, par l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale (comptes dits numériques ou numérotés, constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), service banque restante, mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée), les avoirs sur lesquels portaient le blanchiment aggravé étant estimés à une somme de 10 600 000 000 euros au 1er juin 2006 et 8 500 000 000 euros au 30 novembre 2008. 6. Le tribunal correctionnel l'a déclarée coupable des faits et l'a condamnée à une amende de 3 700 000 000 euros. Sur l'action civile, il a condamné la société [2], solidairement avec quatre autres prévenus, à payer à l'Etat français en réparation de son préjudice la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts. 7. La société [2] a relevé appel de la décision, le ministère public et la partie civile ont formé appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, le deuxième moyen, le troisième moyen, pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, le quatrième moyen, le cinquième moyen, le sixième moyen, le septième moyen, le huitième moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, septième, huitième, dixième, onzième, douzième branches, le neuvième moyen, le onzième moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, et le douzième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches 8. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable du délit de blanchiment aggravé de fraude fiscale, alors : « 1°/ que d'une part, en mettant à la charge des banques établies en Suisse des obligations juridiques précises destinées à préserver, de manière transitoire le secret bancaire et l'anonymat des déposants vis-à-vis de l'administration fiscale de leur État de résidence, en leur donnant le choix d'opter pour la divulgation d'informations ou, par défaut, une retenue d'impôt reversée de manière anonyme à leur Etat de résidence, l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Confédération Suisse et la Communauté européenne a défini, pendant sa période d'application, le comportement que les institutions financières suisses devaient adopter face à des capitaux étrangers, générateurs d'intérêts, détenus par des résidents fiscaux d'Etats membres de l'Union européenne, indépendamment de la situation déclarative de ces résidents, ce qu'exprimaient les déclarations précises, inconditionnelles et concordantes émanant de sources suisses et européennes autorisées et fiables ; que pour condamner [2], agent collecteur au sens de l'Accord, au titre de la détention et de la gestion de fonds, ainsi que de la fourniture corrélative de services permettant d'assurer le secret bancaire, la cour d'appel a reproché à la banque suisse, sans que celle-ci puisse raisonnablement l'anticiper, d'avoir volontairement permis à des contribuables français de blanchir le produit d'une fraude fiscale, et ce en accueillant dans ses comptes les avoirs de résidents fiscaux français en carence déclarative vis-à-vis de leur administration fiscale, ce que n'interdisait pourtant pas l'Accord précité ; qu'en se prononçant ainsi, la cour d'appel a violé ces stipulations, ensemble les principes de primauté du droit de l'Union européenne, de sécurité juridique et de confiance légitime. » Réponse de la Cour 10. Pour écarter le moyen tiré de la contrariété des poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale avec l'Accord du 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse prévoyant des mesures équivalentes à celles prévues dans la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que ladite directive, dite directive épargne sur l'imposition, s'appliquait à la Confédération helvétique à compter du 1er juillet 2005 en vertu dudit accord. 11. Les juges relèvent que cette directive organisait la mise en place par la Suisse d'un système inédit de retenue à la source sur les revenus de l'épargne des clients européens en préservant le secret bancaire, en ce qu'elle ouvrait une alternative aux détenteurs de fonds dans les livres des banques suisses entre un prélèvement forfaitaire fixé initialement à 15 % et porté à 20 % puis 35 % des intérêts générés, effectué par l'Administration fédérale des contributions (AFC) qui transmettait à l'administration fiscale de l'Etat d'origine de l'épargnant 75 % de la retenue réalisée, et la communication à l'AFC par la banque de son identité et de ses revenus financiers encaissés, à charge pour les services fiscaux suisses d'informer l'administration fiscale d'origine. 12. Ils en déduisent que certains produits financiers se trouvaient en-dehors du champ d'application de l'Accord, à savoir les dividendes et les plus-values de cession, le témoin n° 119 précisant ainsi qu'il suffisait pour échapper à l'Accord de choisir des produits composés d'au moins 50 % d'actions dans le portefeuille du client, et que le dispositif organisé par ledit Accord n'étant pas applicable aux personnes morales, il était aisé de faire obstacle au prélèvement sur les intérêts en interposant soit une société offshore, soit un trust ou toute autre entité dont le contribuable fraudeur était le bénéficiaire économique. 13. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel n'a pas encouru le grief allégué pour les motifs qui suivent. 14. Afin de garantir l'effectivité de l'ensemble des dispositions du droit de l'Union européenne, le principe de primauté impose aux juridictions nationales d'interpréter, dans toute la mesure du possible, leur droit interne de manière conforme au droit de l'Union. A défaut de pouvoir procéder à une telle interprétation, le juge national a l'obligation d'assurer le plein effet des dispositions du droit de l'Union en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu'il ait à demander ou à attendre l'élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel (CJCE, arrêt du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77). 15. En sa qualité d'accord international conclu par la Communauté européenne, l'Accord bénéficie du principe de primauté. 16. Il résulte de ses stipulations qu'il met à la charge des agents payeurs suisses, au rang desquels les banques, les obligations suivantes. D'une part, les agents payeurs doivent, après avoir établi l'identité du bénéficiaire effectif et déterminé son lieu de résidence fiscale, prélever une retenue d'impôts sur les paiements d'intérêts faits aux bénéficiaires effectifs, la Suisse transférant 75 % de la recette générée par la retenue d'impôts en un seul versement annuel à l'Etat de résidence du bénéficiaire. D'autre part, lorsque le bénéficiaire souhaite éviter ladite retenue, et sur son autorisation expresse, l'agent payeur communique aux autorités suisses compétentes les informations relatives aux paiements d'intérêts qu'il a reçus, à charge pour elles de les transmettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de résidence du bénéficiaire effectif. 17. Dès lors que l'Accord impose des obligations de résultat précises et qu'il est rédigé dans des termes clairs et inconditionnels, il est pourvu d'un effet direct. 18. La société [2] se voit reprocher d'avoir, sur le territoire national et en Suisse, apporté son concours, de manière habituelle et en utilisant les facilités que procure l'exercice de l'activité d'établissement bancaire, à des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect du délit de fraude fiscale. 19. Les poursuites dirigées contre la société [2] du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale sont fondées sur les dispositions des articles 324-1, alinéa 2, et 324-2 du code pénal. 20. Le moyen pose la question de la conformité à l'Accord de la législation française relative au blanchiment de fraude fiscale et des poursuites exercées sur son fondement. 21. Aux termes de l'article 324-1, alinéa 2, du code pénal, constitue un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. La caractérisation du délit de blanchiment exige d'établir que l'auteur avait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds (Crim., 18 janvier 2017, pourvoi n° 15.84.003). 22. La Cour de cassation juge que l'objet du blanchiment de fraude fiscale est le produit du délit de fraude fiscale, qui est constitué de l'économie qu'elle a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui des impôts éludés (Crim., 11 septembre 2019, pourvoi n° 18-81.040, publié au Bulletin). 23. Aux termes de l'article 113-2 du code pénal, la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. L'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire. 24. La Cour de cassation juge que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître du délit de blanchiment commis à l'étranger concernant des fonds qui constituent le produit d'une infraction commise en France, laquelle caractérise un fait constitutif du délit de blanchiment au sens de l'article 113-2 précité (Crim., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-87.076). 25. Il résulte ensuite de la comparaison des termes de l'incrimination de blanchiment de fraude fiscale avec le champ d'application de l'Accord les conclusions suivantes. 26. En premier lieu, au regard des obligations instituées par l'Accord à la charge des agents payeurs suisses, les poursuites du chef de blanchiment aggravé de fraude fiscale entreraient en conflit avec le droit de l'Union si, en satisfaisant aux obligations de l'Accord, les agents payeurs commettaient des agissements constitutifs de ladite infraction ou si la satisfaction des obligations de l'Accord supposait qu'ils commettent l'infraction. 27. Les stipulations de l'Accord, en ce qu'elles sont relatives aux agents payeurs suisses, tendent exclusivement au prélèvement et au reversement d'un impôt sur le versement d'intérêts ou à la transmission à l'autorité suisse compétente d'informations relatives à ce même versement d'intérêts, sans établir de distinction selon la nature, licite ou illicite, des fonds les ayant générés. 28. D'une part, ces opérations, même lorsqu'elles sont relatives au paiement d'intérêts sur des fonds déposés par des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale, en ce qu'elles sont insusceptibles d'être analysées comme des opérations de placement, de dissimulation ou de conversion, n'entrent pas dans les prévisions de l'incrimination de blanchiment aggravé du produit de la fraude fiscale au sens de la législation française. 29. D'autre part, aucune des obligations prévues par l'Accord n'astreignant les agents payeurs suisses à déterminer si les fonds générateurs d'intérêts proviennent ou non d'une fraude fiscale, le respect de l'Accord n'est pas de nature à leur faire acquérir la connaissance de l'origine, le cas échéant, frauduleuse des fonds, et ne peut ainsi entraîner la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale. 30. En deuxième lieu, les stipulations de l'Accord ne sauraient être interprétées comme autorisant directement ou indirectement, sous réserve de leur respect, les agents payeurs suisses à fournir en connaissance de cause des services bancaires à des clients résidents fiscaux français ayant commis une fraude fiscale. 31. D'une part, la décision 2004/911/CE du Conseil du 2 juin 2004 concernant la signature et la conclusion de l'Accord a été prise sur la base juridique de l'article 94 du traité instituant la Communauté européenne, en liaison avec l'article 300, § 2, premier alinéa, § 3, premier alinéa, et § 4, ce dont il ressort que l'Accord intervient dans le domaine des règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations. Il ne peut donc valoir engagement au nom des Etats membres, dont la France, à renonciation à l'exercice de poursuites pénales du chef de blanchiment de fraude fiscale. 32. D'autre part, aucune des stipulations de l'Accord n'autorise ni n'interdit la fourniture de services bancaires par les agents payeurs suisses, ni n'octroie à ces agents, en contrepartie de leur respect, une garantie concernant les conditions dans lesquelles ils pourront continuer à fournir des services bancaires aux résidents d'un Etat membre. 33. Enfin, l'Accord visant à établir des mesures équivalentes à celles de la directive 2003/48/CE du Conseil en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts du 26 octobre 2004, sa finalité, équivalente à celle que ladite directive énonce en son considérant 8, selon lequel elle « a pour objectif ultime à permettre que les revenus de l'épargne, sous forme de paiement d'intérêts effectué dans un État membre en faveur de bénéficiaires effectifs, qui sont des personnes physiques ayant leur résidence dans un autre État membre, soient effectivement imposés conformément aux dispositions législatives de ce dernier État membre », ne réside pas dans le maintien du secret fiscal suisse et de la possibilité pour les agents payeurs suisses d'accueillir les fonds de résidents fiscaux européens issus de la fraude fiscale. 34. Il en résulte que les dispositions nationales régissant le blanchiment de fraude fiscale et les poursuites exercées sur leur fondement ne sont pas contraires à l'Accord. 35. Par conséquent, la question préjudicielle portant sur le point de savoir si l'Accord doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce que, sur le fondement d'une réglementation pénale nationale visant à lutter contre le blanchiment de capitaux, une banque soit poursuivie et condamnée, le cas échéant de façon systémique, pour des faits de détention et de gestion de fonds et/ou pour la fourniture corrélative de services permettant notamment d'assurer le secret bancaire, n'est pas utile, dès lors que l'interprétation correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. 36. Ainsi, le moyen, qui est inopérant en ce qu'il invoque l'application de l'Accord à des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale commis, d'une part, antérieurement à son entrée en vigueur le 1er juillet 2005, d'autre part, par interposition de personnes morales et de trusts ainsi qu'au moyen de la fourniture de contrats d'assurance-vie, dès lors que le périmètre de l'Accord est circonscrit par son article 4, § 1, aux personnes physiques déposantes et par son article 7 aux revenus de l'épargne sous forme de paiement d'intérêts, doit être écarté. Sur le troisième moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique s'agissant des faits de démarchage illicite et de blanchiment de fraude fiscale aggravé, alors : « 1°/ qu'il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale que les infractions commencent à se prescrire au jour de leur réalisation, soit, s'agissant des infractions instantanées, à l'instant où elles sont commises ; que lorsque plusieurs de ces infractions se trouvent en concours réel, comme ici plusieurs démarchages bancaires illicites et plusieurs blanchiments, chacun de ces délits se prescrit, indépendamment des autres, selon cette même règle ; qu'en jugeant ici, par des motifs au demeurant totalement péremptoires, pour écarter l'exception de prescription, que « lorsque comme au cas d'espèce les faits (présumés) de démarchages et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment » (arrêt, p. 132 § 3), la cour d'appel s'est prononcée par des motifs erronés et inopérants, en violation des règles d'ordre public de la prescription. » Réponse de la Cour 38. Pour écarter le moyen de nullité tiré de la prescription de l'action publique concernant les délits de démarchage bancaire et de blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt énonce que le premier acte interruptif de prescription à leur égard est le soit-transmis du 1er mars 2011. 39. Les juges retiennent, après avoir constaté que le président de l'Autorité de contrôle prudentiel avait transmis un signalement au procureur de la République de Paris, le 22 février 2011, sur le fondement de l'article L. 612-28 du code monétaire et financier, que figurait dans cet acte de saisine ledit signalement, dénonçant un système d'évasion fiscale de la France vers la Suisse, conçu par la banque [2] avec la complicité de sa filiale. 40. Les juges ajoutent que la prescription régulièrement interrompue vis-à-vis d'une infraction interrompt aussi la prescription vis-à-vis des infractions qui lui sont connexes, si celles-ci ne sont pas elles-mêmes prescrites. 41. Ils soulignent que la notion d'indivisibilité a été exactement retenue par le tribunal, le blanchiment des fonds lié aux fraudes fiscales étant directement dépendant de la prospection préalable, présumée illicite, de résidents fiscaux français, et que ces faits sont dans un tel état de dépendance que l'existence des uns ne se comprend pas sans l'existence des autres, le blanchiment apparaissant comme la suite logique et nécessaire des actes de démarchage. 42. Ils relèvent que lorsque, comme au cas d'espèce, les faits de démarchage et de blanchiment s'inscrivent dans le cadre d'une fraude complexe, dont le caractère est établi par les descriptifs des schémas de fraude détaillés à la rubrique de l'arrêt consacrée au rappel des faits et de la procédure, et se sont étendus sur une période de temps étendue sans discontinuité, la prescription ne débute qu'à compter du dernier acte de démarchage ou de blanchiment. 43. Ils concluent que les faits de blanchiment dénoncés étant pour le dernier présumé avoir été commis courant 2012 et que s'agissant des démarchages il est daté du mois de juin 2011, la prescription n'était nécessairement pas acquise le 1er mars 2011. 44. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur le caractère indivisible des deux infractions, qui n'est pas de nature à reporter le point de départ de la prescription au jour du dernier acte de démarchage bancaire ou de blanchiment aggravé. 45. Cependant l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 46. En premier lieu, dès lors que l'article L. 353-2 du code monétaire et financier réprime le fait, pour toute personne, de recourir à l'activité de démarchage bancaire ou financier et renvoie pour sa définition à l'article L. 341-1 du même code, qui énumère les comportements constitutifs d'actes de démarchage et conclut que l'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application de dispositions particulières qu'il énonce, le délit suppose, pour sa caractérisation, une répétition d'actes constitutive d'une habitude. 47. Il en résulte que la prescription ne court qu'à compter du jour où le délit de démarchage bancaire a pris fin. 48. Dès lors que le premier acte interruptif de prescription est survenu le 1er mars 2011, et que les juges ont fixé le dernier fait commis au mois de juin 2011, la prescription de l'action publique du délit de démarchage bancaire n'est pas acquise. 49. En second lieu, le délai de prescription commence à courir du jour où l'infraction apparaît et peut être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique lorsque le blanchiment consiste à apporter un concours à une opération de dissimulation du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit, et qu'il constitue donc une infraction occulte par nature en ce qu'il a pour objet de masquer le bénéficiaire ou le caractère illicite des fonds ou des biens sur lesquels il porte. 50. Il résulte des termes de la prévention, qui reprochent à la société [2] de s'être livrée à des opérations consistant en l'ouverture clandestine de comptes bancaires en dehors de France et la mise en place pour ses clients résidents fiscaux français d'une série de services, de procédés ou de dispositifs destinés à dissimuler, à placer ou convertir sciemment les fonds non déclarés déposés par des clients commettant le délit de fraude fiscale, consistant en des comptes dits numériques ou numérotés, la constitution de personnes morales ou autres entités interposées (sociétés offshore, trusts, fondations, contrats d'assurance-vie), un service banque restante, et la mise à la disposition des clients fraudeurs de moyens de paiement non nominatifs ou au nom de l'entité interposée, que la prévenue est poursuivie pour des faits de concours à une opération de blanchiment par dissimulation, constitutifs d'une infraction occulte par nature. 51. Les juges ont souverainement retenu que les faits avaient été portés à la connaissance du procureur de la République par le signalement de l'Autorité de contrôle prudentiel en date du 22 février 2011. 52. Dès lors que l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique le 22 février 2011, et que les juges ont fixé le dernier acte commis dans le courant de l'année 2012, la prescription de l'action publique n'est acquise pour aucun des faits de blanchiment aggravé de fraude fiscale visés à la prévention. 53. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le huitième moyen, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et neuvième branches Enoncé du moyen 54. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [2] coupable de faits de démarchage bancaire illicite, alors : « 4°/ que l'article L. 341-2 du code monétaire et financier prévoit des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier ; que ce texte, qui déroge à la règlementation applicable en la matière, exclut toute poursuite pour démarchage bancaire illicite dans les cas limitatifs qu'il prévoit ; qu'en conséquence, une personne même non habilitée à démarcher en France peut néanmoins se livrer aux actes définis à l'article L. 341-1 du code monétaire et financier dans les situations décrites par ce texte ; qu'en soutenant que « le fait de se livrer à l'examen des situations non soumises aux règles concernant le démarchage bancaire ou financier prévues à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier est inutile dès lors que toute activité de démarchage était interdite à [2] » (arrêt, p. 152), la cour d'appel a violé, par mauvaise interprétation, les articles L. 341-1, L. 341-2, L. 341-3 et L. 353-2 du code monétaire et financier ; 5°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est déjà cliente de la personne pour le compte de laquelle la prise de contact a lieu dès lors que l'opération proposée correspond, à raison de ses caractéristiques, de ses risques ou des montants en cause, à une opération habituellement réalisée par cette personne ; qu'en se bornant à énoncer que les relations nouées « concernaient des ouvertures suivies de transferts de fonds en Suisse », sans autrement rechercher si les personnes démarchées n'étaient pas déjà clientes d'[2], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; 6°/ qu'il résulte de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier que les règles concernant le démarchage sont inapplicables lorsque la personne visée est un investisseur qualifié ; qu'en jugeant que les actes reprochés à la société [2] n'entraient pas dans le champ des exceptions au démarchage prévues par l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, sans rechercher si les personnes sollicitées étaient des investisseurs qualifiés au sens de cette disposition, lorsque les conclusions soulignaient que de très nombreux clients d'[2] correspondaient à cette définition (conclusions de relaxe, n° 189), la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article précité ainsi que des articles L. 353-2 du code monétaire et financier et 593 du code de procédure pénale ; 9°/ que le juge répressif saisi d'un concours d'infractions doit caractériser chacune de celles-ci en tous ses éléments constitutifs ; qu'en se bornant, pour entrer en voie de condamnation du chef de démarchage illicite, infraction instantanée, sur une période de prévention allant de 2004 à 2011, à relever que « le dossier d'instruction contient ainsi de nombreux exemples de prospects ou clients d'UBS SA qui ont finalement ouvert des comptes ou effectués des opérations bancaires avec [2], quand bien même ils n'auraient pas sollicité cette relation », pour conclure à la démonstration d'une « activité au plan matériel sans contradiction ni invalidation par une base documentaire quelconque » (arrêt, p. 143), la cour d'appel n'a pas caractérisé les infractions dans leur individualité et a nécessairement méconnu son office et privé sa décision de base légale. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches 55. C'est à tort que la cour d'appel a écarté l'application des dispositions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier au motif qu'elle constatait que la société [2] n'était pas habilitée à démarcher sur le territoire national. 56. En effet, si l'article L. 341-1 du code monétaire et financier définit les comportements constitutifs d'actes de démarchage bancaire ou financier, l'article L. 341-2 dudit code décrit les cas particuliers dans lesquels, bien que soit accompli un acte de démarchage tel que défini par l'article L. 341-1, les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas. 57. Il s'en déduit que l'article L. 341-3 du code monétaire et financier, qui autorise les personnes qu'il énumère à se livrer à l'activité de démarchage bancaire ou financier, cesse d'être applicable si l'acte de démarchage auquel il est procédé relève des situations spécifiques de l'article L. 341-2 dudit code. 58. En conséquence, lorsque l'activité de démarchage entre dans les prévisions de l'un des cas d'exclusion exposés à l'article L. 341-2 du code monétaire et financier, toute personne, même non habilitée, peut y recourir. 59. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure. 60. En effet, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs dont il ressort qu'elle a recherché, comme elle le devait et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions des parties, si les faits de démarchage bancaire reprochés à la société [2] entraient dans les prévisions de l'article L. 341-2 du code monétaire et financier. 61. Ainsi, les griefs doivent être écartés. Sur le moyen, pris en sa neuvième branche 62. Pour confirmer la condamnation de la société [2] du chef de démarchage bancaire ou financier illicite, l'arrêt énonce, notamment, que les pratiques constantes, des années durant, telles que rapportées par la base documentaire saisie ou remise, les constats de la procédure administrative ayant donné lieu à l'ouverture des investigations judiciaires, les témoignages à charge recueillis considérés comme fiables à l'exception d'un seul, fondent l'intime conviction que sont réunies des charges suffisantes, autorisant à juger que la banque [2], qui ne disposait d'aucun document d'habilitation au sein de l'Union européenne en général et en France en particulier, a enfreint la loi française. 63. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 64. En effet, saisis d'une infraction unique de démarchage bancaire, les juges n'avaient pas à caractériser individuellement chacun des faits qui la constituent, dès lors qu'ils ont établi le caractère répété des actes la consommant. 65. Ainsi, le moyen doit être écarté. Sur le onzième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches Enoncé du moyen 66. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que si l'Etat peut prétendre souffrir d'un préjudice réparable par suite de la commission du délit de blanchiment de fraude fiscale, c'est seulement lorsqu'il a été amené à conduire des investigations spécifiques générées par la recherche, par l'administration fiscale, des sommes sujettes à l'impôt en vue de son établissement, et que cette recherche a été rendue complexe en raison des opérations de blanchiment poursuivies ; qu'en énonçant que « les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis » (arrêt, p. 176), la cour d'appel a indemnisé la recherche du blanchiment lui-même, en vue d'en déterminer l'objet, ce qui correspond uniquement au coût des investigations judiciaires consacrées à cette infraction principale et autonome ; que ce faisant, elle a violé les articles 2 et 800-1 du code de procédure pénale ; 2°/ qu'en tout état de cause, c'est uniquement l'éventuel surcroît d'effort d'investigation dans cette recherche, causé par le blanchiment poursuivi, qui peut être indemnisé ; qu'en n'expliquant pas en quoi les agissements imputés à [2] auraient rendu plus complexe la recherche des impôts éludés par les fraudes fiscales d'origine, lorsque le dossier ne repose que sur des estimations globales, et sur des « listes de régularisés » produites par la partie civile, obtenues dans le cadre de dispositifs de régularisation dépassant largement le cas des avoirs détenus auprès d'[2], et reposant sur un mécanisme d'autodénonciation, la cour d'appel n'a pas justifié l'existence d'un préjudice réparable au cas d'espèce, et méconnu les articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale ; 3°/ que la partie civile ne peut obtenir réparation que des préjudices personnellement subis et découlant directement de l'infraction dénoncée ; que la recherche par l'Administration fiscale des « actifs dissimulés à l'étranger », ou encore celle de « plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés » (arrêt, p. 176), trouve sa cause dans la décision des contribuables d'y placer leur argent sans se soumettre à l'obligation déclarative prévue par la loi française, et dans la circonstance que l'état des législations française et suisse en matière d'échange d'informations n'offrait pas l'accès à ces données ; qu'en indemnisant un préjudice découlant de faits étrangers à l'infraction de blanchiment reprochée à [2] au cas d'espèce, la cour d'appel a violé les articles 2 et 3 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour 67. Pour confirmer l'existence d'un préjudice indemnisable subi par l'Etat français au titre du blanchiment aggravé de fraude fiscale, l'arrêt attaqué relève, notamment, que la recevabilité de l'action de l'Etat français est acquise et qu'est exclue l'indemnisation de la partie civile à raison des impôts éludés. 68. Les juges exposent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 69. Ils rappellent que l'Etat français a dû, avec ses moyens propres, sans le concours de la banque [2], rechercher plusieurs milliers de comptes bancaires qui n'avaient pas été déclarés et que ceci l'a obligé à de nombreux recoupements à partir des situations de multiples ressortissants français ou résidents fiscaux français, soulignant qu'il a été contraint de mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises. 70. Les juges ajoutent que les agents de l'Etat ont dû être rétribués pour accomplir ces tâches, que le coût financier des services de l'Etat en a été augmenté et que les mécanismes de conversion mis en oeuvre en Suisse par la banque [2] l'ont contraint à un travail spécifique d'analyse et de recherche pour apprécier quelle était l'ampleur des faits de blanchiment commis. 71. Ils retiennent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables. 72. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque. 73. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent. 74. En premier lieu, elle a pris en considération, pour établir l'existence d'un préjudice subi par l'Etat français, l'accomplissement d'actes tendant à l'identification de comptes bancaires et la mise en oeuvre de procédures d'entraide administrative qui, ayant pour finalité l'établissement de l'impôt éludé et son recouvrement, relèvent des investigations indemnisables au sens de l'article 2 du code de procédure pénale. 75. En second lieu, elle a établi que les manoeuvres de dissimulation inhérentes aux actes de blanchiment aggravé visés à la prévention, qu'elle a par ailleurs caractérisés à la charge de la société [2], ont rendu plus complexe la recherche par l'administration fiscale des sommes sujettes à l'impôt. 76. Ainsi, les moyens doivent être écartés. Mais sur le dixième moyen Enoncé du moyen 77. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné la société [2] à la peine de confiscation de « la somme de 1 000 000 000,00 euros, partie de la somme versée le 23 juillet 2014 à la régie du tribunal judiciaire de Paris au titre du cautionnement imposé par les juges d'instruction », alors : « 1°/ que d'une part, il découle du principe de légalité des peines tel que consacré tant par l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme que par l'article 111-3 du code pénal, ainsi que de l'article 112-1 alinéa 2 du code pénal, que peuvent être seules prononcées les peines applicables à la date à laquelle les faits reprochés ont été commis ; que la société [2], personne morale, est poursuivie pour des faits de blanchiment commis entre 2004 et 2012 ; que la peine de confiscation générale de patrimoine, définie à l'article 131-21 alinéa 6 du code pénal, n'est prévue par l'article 324-9 du code pénal, en répression du blanchiment à l'encontre des personnes morales, que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013 ; qu'en prononçant à l'encontre d'[2] une peine de confiscation générale de patrimoine à hauteur d'un milliard d'euros, en « considérant que les articles 131-21 alinéa 6, 131-39 8° et 324-7 12° du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment » (Arrêt, p. 171), lorsque cette peine n'était pas prévue par la loi au moment de la commission des faits, la cour d'appel a violé les textes précités ; 2°/ que d'autre part, il résulte de l'article 142 du code de procédure pénale que le cautionnement n'a vocation qu'à garantir le paiement « de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions, ainsi que de la dette alimentaire lorsque la personne mise en examen est poursuivie pour le défaut de paiement de cette dette », ainsi que « des amendes » ; que seules des saisies de biens ou de droits peuvent poursuivre un tel but ; qu'en outre, selon l'article 142-3 du même code, le montant affecté à la deuxième partie du cautionnement est, en cas de condamnation, « employé conformément aux dispositions du 2° de l'article 142 » ; qu'en confisquant une partie de la somme versée à titre de cautionnement, la cour d'appel a violé les textes précités. » Réponse de la Cour Sur le moyen, pris en sa première branche Vu les articles 111-3, 131-21, alinéa 6, 324-9, alinéa 1er, du code pénal, dans sa version antérieure à la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière : 78. Aux termes du premier de ces textes, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi. 79. Il résulte du deuxième que la confiscation de tout ou partie du patrimoine de la personne condamnée ne peut être prononcée sans que la loi réprimant le crime ou le délit poursuivi ne la prévoit expressément. 80. Il ne résulte pas du troisième que la confiscation de patrimoine figure parmi les peines encourues par les personnes morales pour sanctionner le délit de blanchiment. 81. Pour condamner la société [2] à une peine de confiscation de son patrimoine à hauteur de 1 000 000 000 euros, l'arrêt énonce que les articles 131-21, alinéa 6, 131-39, 8°, et 324-7, 12°, du code pénal habilitent le juge pénal à confisquer tout ou partie des biens d'une personne morale condamnée pour blanchiment. 82. En statuant ainsi, et dès lors qu'à la date des faits visés par la prévention les personnes morales poursuivies du chef de blanchiment n'encouraient pas la peine de confiscation de tout ou partie de leur patrimoine, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés. 83. La cassation est par conséquent encourue de ce chef. Sur le moyen, pris en sa seconde branche Vu les articles 131-21 du code pénal et 142-2, 2°, du code de procédure pénale : 84. Il se déduit de ces textes que la confiscation ne peut porter sur le cautionnement fourni par la personne mise en examen dans le cadre du contrôle judiciaire, cette obligation ne garantissant le paiement que des dommages et intérêts, des restitutions, de la dette alimentaire et des amendes. 85. Pour ordonner le prélèvement de la somme de 1 000 000 000 euros confisquée à titre de peine complémentaire sur celle versée au titre du cautionnement, l'arrêt énonce que les fonds versés à hauteur de 1 100 000 000 euros par [2] entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Paris le 23 juillet 2014 au titre du cautionnement constituent un élément des biens de la banque suisse. 86. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé. 87. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Et sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième, sixième et huitième branches Enoncé du moyen 88. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné la personne morale [2] à payer la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts à la partie civile, alors : « 1°/ que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; que l'étendue du préjudice doit être évaluée, et le montant alloué suffisamment justifié par les motifs de la décision ; qu'en énonçant de manière abstraite que « les agents de l'Etat ont du être rétribués », notamment pour « mettre en oeuvre les procédures dites de droit de communication, d'assistance administrative internationale et de coopération entre les administrations à de multiples reprises », et que ce faisant, « le coût financier des services de l'Etat a augmenté » (arrêt, p. 176), en s'abstenant de toute évaluation ou même d'une estimation du surcoût d'investigations correspondant au préjudice découlant des faits de blanchiment qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision d'allouer la somme de 800 millions d'euros à la partie civile, en violation des articles 2, 3 et 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil ; 4°/ que l'impossibilité de recouvrer l'impôt prescrit trouve sa seule cause dans l'état de la législation fiscale ; qu'en jugeant que « compte tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée ; que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance exactement décrite aux écritures d'appel en page 107 des écritures déposées », la cour d'appel a indemnisé un préjudice sans lien avec l'infraction poursuivie, et violé de nouveau l'article 2 du code de procédure pénale et l'article 1240 du code civil ; 5°/ qu'à titre encore subsidiaire, la cour d'appel s'est bornée à invoquer le principe de la perte de chance en renvoyant aux conclusions de la partie civile (conclusions de l'Etat français, p. 107), laquelle ne propose elle-même aucune évaluation de cette perte de chance ; qu'en conséquence, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et son évaluation du montant à allouer en conséquence, en violation des textes précités et de l'article 593 du code de procédure pénale ; 6°/ que selon l'article 515 alinéa 3 du code de procédure pénale, la partie civile ne peut former aucune demande nouvelle en cause d'appel ; qu'en indemnisant le préjudice moral tiré du « discrédit » jeté sur les dispositifs de lutte anti-blanchiment l'Etat français (arrêt, p. 176), lorsque cette demande était nouvelle et partant, irrecevable, ainsi que le relevaient les conclusions d'[2] (conclusions sur les intérêts civils, p. 18), la cour d'appel a méconnu le texte précité ; 8°/ que les juges doivent s'expliquer sur les éléments retenus afin de fixer le montant des dommages-intérêts dus au titre de la réparation du préjudice en lien avec le blanchiment de fraude fiscale (Crim. 30 juin 2021, n° 20-83.355) ; qu'en s'alignant sur le jugement en fixant globalement à 800 millions d'euros le montant des dommages-intérêts alloués à l'Etat français, sans aucune justification quant au choix de ce montant, et sans expliquer quelles sommes étaient allouées pour la réparation de chacun des préjudices qu'elle entendait réparer, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision, et méconnu les articles 2, 3, 593 du code de procédure pénale, et 1240 du code civil. » Réponse de la Cour Sur le douzième moyen, pris en sa sixième branche Vu l'article 515, alinéa 3, du code de procédure pénale : 89. Selon ce texte la partie civile ne peut, en cause d'appel, former aucune demande nouvelle. 90. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt intègre, dans les postes de préjudice dont il accorde réparation, le discrédit sur les dispositifs de l'Etat français qui tendent à prévenir l'apparition du phénomène du blanchiment. 91. En statuant ainsi, dès lors que la demande formée devant elle par la partie civile au titre du discrédit jeté par le comportement de la société [2] sur le dispositif national préventif de lutte contre le blanchiment tendait à la réparation d'un chef de préjudice distinct de celui invoqué devant les premiers juges, qu'elle présentait un caractère nouveau et était comme telle irrecevable, la cour d'appel a méconnu le texte ci-dessus visé et le principe ci-dessus rappelé. 92. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief formé à la septième branche. Sur le douzième moyen, pris en ses première, quatrième, cinquième et huitième branches Vu l'article 593 du code de procédure pénale : 93. Tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence. 94. Pour confirmer la condamnation de la société [2] à payer à l'Etat français, partie civile, la somme de 800 000 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt énonce, notamment, que les faits de blanchiment ont été commis sur une période qui excède sept ans et que selon la documentation remise par la partie civile, les avoirs non déclarés avoisinent voire dépassent le montant de la somme mentionnée à l'ordonnance de renvoi, le chiffre avancé étant supérieur à 9 000 000 000 euros, ce qui permet de cerner l'importance quantitative des fonds blanchis. 95. Les juges retiennent que les services de l'Etat, pour identifier les actifs dissimulés à l'étranger, ont accompli un nombre conséquent d'investigations et de recherches assumées par ses agents, ce qui a entraîné des frais de fonctionnement correspondant à l'accomplissement de ces tâches. 96. Ils précisent qu'au cas particulier, les actes de dissimulation et de justifications mensongères inhérentes aux opérations de blanchiment ont rendu encore plus malaisés les mécanismes de vérification que l'administration est fondée à mettre en oeuvre vis-à-vis des contribuables, que compte-tenu du temps écoulé, l'acquisition de la prescription fiscale est apparue caractérisée et que de ce fait l'Etat a subi une perte de chance comme il l'allègue. 97. Ils concluent que les demandes de la partie civile sont la conséquence de la fraude systémique spécifiquement commise par la banque et que la somme de 800 000 000 euros accordée par le tribunal doit être confirmée, aucun motif de droit ou moyen juridique pertinent n'étant opposé par la défense sur ce point essentiel : le blanchiment commis a nécessairement occasionné les préjudices dont la réparation est demandée compte tenu des pratiques constantes, étendues dans le temps, conçues, organisées et mises en oeuvre. 98. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent. 99. En premier lieu, alors que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, la cour d'appel n'a pas établi l'existence de celle-ci, constituée par la possibilité pour l'administration fiscale, compte tenu des caractéristiques des fraudes fiscales, de détecter, établir et recouvrer l'impôt éludé avant l'expiration des délais de reprise, dont le blanchiment l'aurait privée. 100. En second lieu, la cour d'appel n'a pas estimé les chances de succès de l'administration fiscale dans son action tendant au recouvrement des impôts éludés avant leur prescription, ni apprécié le préjudice final résultant de la prescription des impôts dus, de sorte qu'elle n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la réparation de la perte de chance avait été mesurée à la chance perdue. 101. Enfin, la cour d'appel ne pouvait, sans mieux justifier sa décision, fixer à 800 000 000 euros le montant global des dommages et intérêts. 102. La cassation est par conséquent de nouveau encourue de ce chef. Portée et conséquences de la cassation La cassation à intervenir concerne toutes les dispositions relatives aux peines, afin que la situation de la société [2] puisse faire l'objet d'une appréciation d'ensemble. Elle porte également sur les dispositions relatives aux intérêts civils. Les autres dispositions seront donc maintenues. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 décembre 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
DEMARCHAGE - Démarchage bancaire ou financier - Conditions - Prescription - Confiscation
Le délit de démarchage bancaire ou financier prévu par l'article L. 353-2 du code monétaire et financier suppose, pour sa caractérisation, une répétition d'actes constitutive d'une habitude. Il en résulte que la prescription ne court qu'à compter du jour où le délit de démarchage bancaire a pris fin. Lorsque l'activité de démarchage décrite à l'article L. 341-1 du code monétaire et financier entre dans les prévisions de l'un des cas d'exclusion des règles du démarchage bancaire ou financier exposés à l'article L. 341-2 du même code, toute personne, même non habilitée, peut y recourir. La confiscation ne peut porter sur le cautionnement fourni par la personne mise en examen dans le cadre du contrôle judiciaire, cette obligation ne garantissant le paiement que des dommages et intérêts, des restitutions, de la dette alimentaire et des amendes
JURITEXT000048465501
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 novembre 2023, 23-81.591, Publié au bulletin
2023-11-21 00:00:00
Cour de cassation
C2301360
Rejet
23-81591
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-02
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris
M. Bonnal (président)
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01360
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.591 F-B N° 01360 ODVS 21 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 21 NOVEMBRE 2023 M. [Y] [J] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 6e section, en date du 2 mars 2023, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de violences aggravées et tentative de meurtre, a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance du 15 mai 2023, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen immédiat du pourvoi. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Dary, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [Y] [J], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Dary, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 14 janvier 2022, M. [Y] [J] a été mis en examen du chef de tentative de meurtre. 3. Le 13 juillet suivant, il a formé une requête en annulation de pièces portant notamment sur des opérations d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1]. Examen des moyens Sur les deuxième et troisième moyens 4. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen relatif à l'exploitation des caméras de vidéo-protection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] et a dit n'y avoir lieu à annulation d'une pièce ou d'un acte de la procédure, alors : « 1°/ d'une part résulte de l'article 60-1 du Code de procédure pénale, auquel les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure ne dérogent pas, que les enquêteurs agissant dans le cadre d'une procédure pénale, pour la poursuite d'infractions autres que celles « aux règles de la circulation » ou « relatives à l'abandon d'ordures, de déchets, de matériaux ou d'autres objets », ne peuvent se faire communiquer les images captées par les caméras de vidéoprotection du PVPP que sur réquisition adressée par le Procureur de la République, un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle d'un officier, un agent de police judiciaire ; qu'en jugeant régulière l'exploitation des caméras de vidéoprotection du plan de vidéoprotection de la ville de [Localité 1] tout en constatant « que de telles réquisitions ne figurent pas au dossier », motif pris de ce que les agents ayant procédé à l'exploitation et à la conservation des images de la vidéoprotection étaient bien habilités à cette fin, quand cette habilitation n'excluait pas la nécessité de réquisitions émanant d'autorités limitativement énumérées, la chambre de l'instruction a violé les articles 60-1 du code de procédure pénale, 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 591 et 593 du code de procédure pénale ; 2°/ d'autre part et en tout état de cause que seuls les enquêteurs dument habilités et individuellement désignés à cet effet peuvent accéder aux images issues des caméras de vidéoprotection du PVPP ; qu'en affirmant, pour écarter toute nullité des actes d'exploitation des images effectués par des policiers non habilités, que ces actes « ne sont que des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant désormais régulièrement en procédure, sans qu'il n'y ait plus besoin de faire usage de réquisitions. Ces actes sont ainsi parfaitement valides », quand le seul versement régulier d'images à la procédure ne permet pas, ensuite, leur exploitation par n'importe quel agent, la chambre de l'instruction a violé les articles L. 251-2, L. 252-2 et L. 252-3 du code de la sécurité intérieure, 7, 8 et 9 de l'arrêté 2019-00079 du 24 janvier 2019 autorisant l'installation du système de vidéoprotection de la préfecture de police (PVPP), 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la nullité des procès-verbaux d'exploitation des enregistrements des caméras du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1], l'arrêt attaqué relève que, d'une part, ne figure au dossier aucune réquisition, prévue à l'article 60-1 du code de procédure pénale pour l'enquête de flagrance, aux fins d'exploitation desdits enregistrements mais que le code de la sécurité intérieure édicte, en la matière, des règles particulières prévoyant l'habilitation d'agents à cette fin, d'autre part, les agents ayant procédé à cette exploitation étaient bien habilités. 7. Les juges ajoutent qu'il en va de même pour les officiers de police judiciaire ayant agi sur commission rogatoire. 8. Ils énoncent, également, que les actes visés aux cotes D 107 et D 160, qui ne mentionnent pas l'habilitation des officiers de police judiciaire y ayant procédé, sont des actes de comparaison effectués à l'aide de pièces figurant régulièrement en procédure, ne nécessitant pas de réquisitions. 9. Enfin, ils précisent que le code de la sécurité intérieure ne prévoit pas le contrôle d'un officier de police judiciaire lorsque l'acte est accompli par un agent de police judiciaire habilité, ce qui est le cas en l'espèce. 10. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction a justifié sa décision. 11. En effet, le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant du plan de vidéo-protection de la ville de [Localité 1] auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale. 12. Le moyen ne saurait donc être accueilli. 13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille vingt-trois.
ENQUETE - Pouvoirs - Recueil des enregistrements d'un plan de vidéo-protection - Réquisition - Nécessité - Exclusion
Le recueil, par des officiers ou agents de police judiciaire habilités, des enregistrements provenant d'un plan de vidéo-protection auxquels ils ont eu régulièrement accès, sans recours à un moyen coercitif, n'implique pas la délivrance d'une réquisition au sens de l'article 60-1 du code de procédure pénale
JURITEXT000048465557
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.715, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301287
Cassation
22-86715
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-10-28
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01287
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° K 22-86.715 F B G 22-86.713 N° 01287 GM 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [E] [L] a formé des pourvois contre les arrêts de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022, dans l'information suivie contre lui du chef de meurtre : - l'arrêt n° 997, qui a prononcé sur sa demande d'annulation de pièces de la procédure ; - l'arrêt n° 1002, qui a confirmé l'ordonnance de refus de mesure d'instruction complémentaire rendue par le juge d'instruction. Par ordonnance du 16 janvier 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Un mémoire et des observations complémentaires ont été produits. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [E] [L], et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Labrousse, Leprieur, MM. Maziau, Seys, Dary, Mme Thomas, MM. Laurent, Gouton, Brugère, Mme Chaline-Bellamy, MM. Hill, Tessereau, conseillers de la chambre, MM. Violeau, Mallard, Mmes Merloz, Guerrini, M. Michon, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, Mme Bellone, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. [F] [Y] a été victime de violences le 21 juillet 2021, dont il est décédé trois jours plus tard. 3. Une information a été ouverte. M. [E] [L] et quatre autres personnes ont été mis en examen, pour meurtre, le 30 juillet 2021. 4. Le juge d'instruction a ordonné des expertises psychiatriques des personnes mises en examen. Les entretiens entre l'expert et ces dernières se sont déroulés en visioconférence. 5. M. [L] a sollicité une contre-expertise. 6. Par ordonnance du 3 mai 2022, le juge d'instruction a rejeté cette demande. 7. M. [L] a relevé appel. Il a déposé, en outre, le 16 mai suivant, une requête en annulation de toutes les pièces relatives à l'expertise susvisée. Examen des moyens Sur les premier et troisième moyens Enoncé des moyens 8. Le premier moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors « que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction devant laquelle la procédure est écrite ; que le ministère public étant une partie nécessaire au procès pénal, le respect de cette exigence s'impose à peine de nullité, et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation ; qu'en l'état des mentions de l'arrêt, qui se limitent à faire état des réquisitions écrites du procureur général en date du 9 juin 2022 sans préciser que ces réquisitions ont été déposées au dossier de la procédure au plus tard la veille de l'audience, la chambre de l'instruction a violé les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. » 9. Le troisième moyen fait le même reproche à l'arrêt n° 1002. Réponse de la Cour 10. Les moyens sont réunis. 11. Il résulte des articles 194, alinéa 1er, et 197, alinéa 3, du code de procédure pénale que le procureur général doit déposer ses réquisitions au plus tard la veille de l'audience de la chambre de l'instruction, devant laquelle la procédure est écrite. 12. Cette exigence s'impose à peine de nullité et sa méconnaissance peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation. 13. Les arrêts attaqués visent les réquisitions du procureur général en date du 9 juin 2022 et les avis, adressés par ce magistrat, respectivement les 22 et 25 juillet, aux avocats et aux parties, les informant de ce que le dossier de la procédure sera examiné par la chambre de l'instruction à son audience du 18 octobre 2022. 14. Malgré ces mentions incomplètes, la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par ailleurs, que le greffe de la chambre de l'instruction a adressé à l'avocat de M. [L], sur sa demande, le 17 octobre 2022, la copie des deux réquisitoires du 9 juin 2022. 15. Si les mentions de l'arrêt attaqué et les constatations qui précèdent n'établissent pas que les réquisitions du procureur général ont été déposées au dossier de la procédure la veille de l'audience, le demandeur ne saurait s'en faire un grief dès lors qu'il en a eu connaissance en temps utile. 16. Les moyens ne sont en conséquence pas fondés. Mais sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 17. Le deuxième moyen, dirigé contre l'arrêt n° 997, le critique en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure, alors : « 1°/ qu'il ne peut être recouru au cours de la procédure pénale à un moyen de communication audiovisuelle que dans les cas et selon les modalités prévues par la loi ; que si les médecins ou psychologues experts chargés d'examiner la personne mise en examen, le témoin assisté ou la partie civile sont autorisés par l'article 164 du code de procédure pénale à leur poser des questions pour l'accomplissement de leur mission hors la présence du juge et des avocats, aucune disposition légale ne leur permet d'avoir recours pour ce faire à un moyen de télécommunication audiovisuelle ; qu'est par suite entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle l'entretien avec le mis en examen a eu lieu au moyen d'un procédé de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise dont elle constatait qu'elle n'avait donné lieu à un entretien avec le mis en examen que par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 164, 706-71 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 2°/ qu'eu égard à l'importance que représente dans le cadre d'une expertise psychiatrique et pour les droits de la défense l'entretien prévu par l'article 164 du code de procédure pénale au cours duquel l'expert peut poser des questions au mis en examen, est entachée d'une irrégularité qui fait nécessairement grief l'expertise psychiatrique au cours de laquelle cet entretien a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle ; qu'en écartant la nullité de l'expertise au motif inopérant que l'entretien entre un expert psychiatre et la personne mise en examen ne constitue pas un acte de procédure, la chambre de l'instruction a violé les articles 164 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; 3°/ que les parties ne peuvent, à compter de la notification de la décision ordonnant une expertise, que demander au juge d'instruction de modifier ou de compléter les questions posées à l'expert ou d'adjoindre à l'expert ou aux experts déjà désignés un expert de leur choix ; qu'en retenant qu'aucune atteinte à l'exercice des droits de la défense ne peut résulter de ce que l'entretien entre l'expert psychiatre et son client a eu lieu par un moyen de communication audiovisuelle dès lors que la défense n'a émis aucune observation ou protestation lorsque lui a été notifiée la décision ordonnant l'expertise et mentionnant l'autorisation donnée à l'expert de procéder à l'examen du mis en examen par visioconférence, la chambre de l'instruction a violé les articles 161-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour Vu l'article 706-71 du code de procédure pénale : 18. Selon le premier alinéa de ce texte, issu de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, aux fins d'une bonne administration de la justice, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction l'estime justifié, dans les cas et modalités prévus par cet article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle. 19. Il s'ensuit, d'une part, que l'usage d'un moyen de télécommunication audiovisuelle est limité aux cas prévus par le texte. 20. D'autre part, cette disposition s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure. 21. Dès lors, le texte susvisé interdit le recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle à l'occasion de l'examen de la personne mise en examen, du témoin assisté ou de la partie civile par les médecins et psychologues experts, auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale. 22. Constitue une violation des règles relatives à l'établissement et à l'administration de la preuve en matière pénale la méconnaissance dudit texte, qui impose que l'examen d'une personne soit réalisé par l'expert, en sa présence, de sorte que toute partie qui y a intérêt a qualité pour invoquer la nullité tirée de la méconnaissance de ces dispositions. 23. Une telle irrégularité fait nécessairement grief aux parties concernées. 24. En écartant la demande d'annulation de l'expertise psychiatrique du demandeur, dont l'examen a été réalisé par visioconférence, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé. 25. La cassation est, par conséquent, encourue. Portée et conséquences de la cassation 26. La cassation de l'arrêt qui a rejeté la demande d'annulation aura pour conséquence d'entraîner celle de l'arrêt qui a confirmé le rejet de la demande de contre-expertise. 27. Il n'y a donc pas lieu d'examiner le quatrième moyen dirigé contre ce dernier arrêt. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt n° 997 susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, en date du 28 octobre 2022 ; CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt n° 1002 de ladite chambre de l'instruction, du même jour ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
INSTRUCTION - Expertise - Expertise médicale ou psychologique - Recours à un moyen de télécommunication audiovisuelle - Nullité - Modalités
L'article 706-71 du code de procédure pénale, qui s'applique à tous les actes accomplis au cours de la procédure, limite l'usage de la télécommunication audiovisuelle aux cas qu'il prévoit. Il en résulte qu'à l'occasion de l'examen par un expert auquel se réfère l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'usage de la visioconférence est interdit. La méconnaissance de cette règle, relative à l'établissement et à l'administration de la preuve, est une cause de nullité de l'expertise que toute partie a qualité pour invoquer, et qui fait nécessairement grief. Méconnait l'article 706-71 du code précité la chambre de l'instruction qui rejette l'exception de nullité, présentée par la personne mise en examen, de l'expertise psychiatrique qui la concerne, qui fait valoir que l'examen été réalisé par un moyen de télécommunication audiovisuelle
JURITEXT000048465559
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-81.085, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301292
Rejet
23-81085
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-17
Cour d'appel de Paris
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01292
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° M 23-81.085 FS-B N° 01292 GM 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [W] [Z] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-14, en date du 17 janvier 2023, qui a prononcé sur sa requête en incident contentieux d'exécution. Un mémoire et des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de Mme Guerrini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. [W] [Z], et les conclusions de M. Courtial, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Guerrini, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mme Leprieur, MM. Turbeaux, Laurent, Gouton, Brugère, Tessereau, conseillers de la chambre, M. Mallard, Mme Diop-Simon, conseillers référendaires, M. Courtial, avocat général référendaire, et M. Maréville, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par arrêt du 22 novembre 2022, la cour d'appel de Paris a condamné M. [W] [Z] à une peine de quatre ans d'emprisonnement dont un an avec sursis probatoire, et prononcé un mandat à effet différé, assorti de l'exécution provisoire. 3. M. [Z] a formé un pourvoi contre cette décision le 22 novembre 2022, en cours d'instruction. 4. Il a, par ailleurs, saisi la cour d'appel d'une requête en difficulté d'exécution, le 19 décembre 2022, tendant à faire juger que son pourvoi en cassation suspendait l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire. Examen du moyen Enoncé du moyen 5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit que le pourvoi formé le 22 novembre 2022 n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du mandat de dépôt à effet différé, assorti de l'exécution provisoire, prononcé le 22 novembre 2022 et a dit que le mandat de dépôt à effet différé doit s'exécuter en application des dispositions de l'article D. 45-2-7 du code de procédure pénale au besoin avec le recours de la force publique, alors « que pendant les délais du recours en cassation et, s'il y a eu recours, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel, sauf en ce qui concerne les condamnations civiles, et à moins que la cour d'appel ne confirme le mandat décerné par le tribunal en application de l'article 464-1 ou de l'article 465, premier alinéa, ou ne décerne elle-même mandat sous les mêmes conditions et selon les mêmes règles ; que n'étant pas régi par les articles 465 et 464-1 précités, et ne constituant pas une mesure de sûreté destinée à être exécutée nonobstant l'effet suspensif d'un pourvoi en cassation, comme le sont les mandats de dépôt ou d'arrêt, mais une modalité d'exécution de la peine à laquelle le pourvoi en cassation fait obstacle, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être mis à exécution en cas de pourvoi en cassation, fusse-t-il assorti de l'exécution provisoire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 464-2 et 569 du code de procédure pénale, ensemble la présomption d'innocence garantie par les articles 6 §2 de la Convention européenne des droits de l'homme et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et le principe que la liberté individuelle garantie par l'article 66 de la Constitution ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. » Réponse de la Cour 6. Pour rejeter la requête de M. [Z], l'arrêt attaqué énonce que son pourvoi en cassation contre la décision de condamnation n'a pas d'effet suspensif, dès lors que le mandat de dépôt à effet différé décerné contre lui est assorti de l'exécution provisoire. Les juges ajoutent qu'en application de l'article 464-2 du code de procédure pénale, le mandat de dépôt à effet différé peut être assorti de l'exécution provisoire lorsque la durée totale de l'emprisonnement ferme attaché à la peine prononcée est supérieure à un an, et que les conditions de l'article 465 du même code sont réunies, ce qui est le cas en l'espèce. Ils retiennent que l'exécution provisoire ainsi décidée doit conduire à l'incarcération du prévenu, comme le prévoient les articles D. 45-2-1 à D. 45-2-9 et D. 48-2-4 à D. 48-2-8 du code de procédure pénale. 7. Ils relèvent que les dispositions légales attachent des conséquences identiques au mandat de dépôt et au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, lequel présente le caractère d'une mesure de sûreté, compte tenu de l'obligation qu'il impose au condamné de se présenter dans un établissement pénitentiaire pour y être incarcéré, sous peine d'y être contraint par la force publique. 8. Ils en déduisent que l'absence d'effet suspensif du pourvoi en cassation, prévu aux articles 465 et 569 du code de procédure pénale, s'attache tant au mandat de dépôt qu'au mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire, tout en énonçant que les effets d'une mesure de sûreté ne sont pas suspendus par un pourvoi en cassation. 9. C'est à tort que la cour d'appel s'est fondée sur les articles 465 et 569 du code de procédure pénale pour considérer que l'exécution du mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire n'était pas suspendue par le pourvoi en cassation. 10. En effet, ces dispositions ne s'appliquent qu'au mandat de dépôt. 11. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, pour les motifs qui suivent. 12. Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. 13. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative. 14. Le moyen ne peut, dès lors, être admis. 15. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES - Peines correctionnelles - Emprisonnement sans sursis - Mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire - Effets
Le mandat de dépôt à effet différé assorti de l'exécution provisoire a pour conséquence l'incarcération du prévenu à la date fixée par le procureur de la République. Cette incarcération se poursuit jusqu'à ce que la décision de condamnation soit exécutoire. Elle s'effectue sous le régime de la détention provisoire, dès lors que l'exécution provisoire d'une peine d'emprisonnement n'est prévue ni par l'article 471 du code de procédure pénale ni par aucune autre disposition législative
JURITEXT000048465561
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.772, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301376
Rejet
23-80772
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-23
Cour d'appel de Caen
M. Bonnal
SCP Waquet, Farge et Hazan
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01376
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° W 23-80.772 F-B N° 01376 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [G] [I] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2023, qui, pour non-représentation d'enfant et soustraction d'enfant par ascendant, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de M. Turbeaux, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [G] [I], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Turbeaux, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. M. [G] [I] a été poursuivi des chefs de non-représentation de son enfant mineure, la prévention visant la méconnaissance d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 15 décembre 2019, en réalité 2014, et de soustraction de l'enfant, à l'occasion du prononcé d'une ordonnance de placement provisoire. 3. Par jugement du 6 octobre 2022, le tribunal correctionnel l'a relaxé et a rejeté les demandes des parties civiles. 4. Le procureur de la République a relevé appel, ainsi que Mme [H] [T] et [1], parties civiles. Examen des moyens Sur le deuxième moyen 5. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [I] coupable du délit de non-représentation d'enfant à une personne ayant le droit de le réclamer, fait commis du 29 avril 2021 au 12 mai 2021 en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, alors : « 1°/ que les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. [I] était cité à comparaître devant le tribunal correctionnel sur le fondement d'une méconnaissance de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014, et il ne pouvait donc être jugé sans qu'il l'ait expressément accepté sur le fondement d'une violation des dispositions du jugement de divorce prononcé le 27 mai 2016, cet acte reprendrait-il les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation s'agissant du régime des droits de visite et d'hébergement du père sur les enfants mineurs ; en l'absence de tout accord le prévenu pour être jugé au regard d'un titre de représentation totalement nouveau, qui ne constitue pas le fondement initial des poursuites, la cour d'appel a violé les articles 388 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et les droits de la défense et excédé son pouvoir ; 2°/ qu'il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que la substitution de jugement de divorce à l'ordonnance de non-conciliation ait fait l'objet d'une discussion contradictoire ; la cour d'appel a encore violé les textes et principes précités ; 3°/ qu'en outre, les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a déclaré M. [I] à la fois coupable de non-représentation d'enfant mais aussi de soustraction d'enfant par ascendant des mains de la personne chargée de sa garde, s'agissant des mêmes faits de non-représentation d'enfant et de la même intention coupable, méconnaissant ainsi le principe non bis in idem et les articles 227-5 et 227-7 du code pénal. » Réponse de la Cour 7. En condamnant le prévenu pour non-représentation d'enfant, fait commis du 29 avril au 12 mai 2021, en application du jugement de divorce du 27 mai 2016, lequel reprend les dispositions de l'ordonnance de non-conciliation du 15 décembre 2014 relatives à l'exercice du droit de visite et d'hébergement, l'arrêt attaqué n'a pas retenu à l'encontre du prévenu un fait nouveau, non visé par l'acte de poursuite, mais s'est borné à rectifier l'erreur contenue dans ce dernier à propos de l'élément préalable à la constitution de l'infraction, en s'assurant que la décision applicable était exécutoire. 8. Par ailleurs, il résulte des pièces de procédure que le tribunal ayant relaxé le prévenu au motif que la décision méconnue n'était pas celle visée à la prévention, le ministère public ayant relevé appel, la substitution critiquée a été mise dans le débat et a fait l'objet d'une discussion contradictoire devant la cour d'appel, ainsi que le confirment les notes d'audience. 9. Ainsi, les griefs tirés de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 388 du code de procédure pénale ne sont pas fondés. 10. En outre, en déclarant le prévenu coupable, d'une part, de non-représentation d'enfant, s'agissant de faits commis du 29 avril au 12 mai 2021, à l'égard de Mme [H] [T], d'autre part, de soustraction d'enfant commise le 17 mai 2021, au titre d'une ordonnance de placement provisoire et au préjudice du président du conseil départemental, l'arrêt attaqué s'est prononcé sur deux faits distincts et n'a pas méconnu le principe invoqué par le moyen. 11. Celui-ci doit, dès lors, être rejeté. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en qu'il a condamné M. [I] à la peine de deux mois d'emprisonnement sans aménagement, alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; dans le cas où la peine n'est pas supérieure à six mois, le juge qui décide de ne pas l'aménager doit en outre motiver spécialement sa décision en établissant que la personnalité ou la situation du condamné ne permet pas cet aménagement, ou en constatant une impossibilité matérielle ; en considérant en l'espèce que seule une peine d'emprisonnement est adéquate sans même envisager une mesure alternative, tel un prononcé avec sursis, ni motiver le refus d'aménagement de la peine prononcée autrement que par l'état actuel de détention du condamné, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal et les articles 132-25 du même code, 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 13. Pour condamner le prévenu à une peine de deux mois d'emprisonnement, l'arrêt attaqué expose d'abord sa situation familiale, sociale, ses antécédents judiciaires, relève qu'il est placé en détention provisoire depuis le 21 janvier 2022 à l'occasion d'une information relative à des faits criminels et souligne la gravité des infractions commises. 14. Les juges ajoutent qu'il est sans ressources, ce qui exclut le prononcé d'une amende, voire de jours-amende, que sa situation actuelle et la gravité des faits ne permet pas d'envisager le recours à une peine de travail d'intérêt général ou l'exécution d'un stage, que seule une peine d'emprisonnement est adéquate en ce qu'il convient de donner au prévenu un signal clair, ferme et simple. 15. Ils énoncent encore que M. [I] est actuellement détenu, ce qui ne permet pas d'envisager un quelconque aménagement de la peine dès son prononcé. 16. En statuant ainsi la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 17. En effet, d'une part, elle a indiqué en quoi la peine prononcée était indispensable et toute autre sanction manifestement inadéquate. 18. D'autre part, elle a justement retenu que la situation du condamné, placé en détention provisoire à l'occasion d'une autre procédure, rendait impossible l'aménagement de la peine. 19. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
PEINES - Peine correctionnelle - Peine d'emprisonnement sans sursis prononcée par la juridiction correctionnelle - Aménagement de peine - Aménagement ab initio - Impossibilité - Placement en détention provisoire du prévenu dans une procédure distincte
Fait une juste application des dispositions de l'article 132-25 du code pénal la cour d'appel qui retient que le placement en détention provisoire du prévenu, dans une procédure distincte, rend impossible l'aménagement de la peine
JURITEXT000048465563
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 22-86.078, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301378
Cassation partielle
22-86078
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2022-09-06
Cour d'assises de la Seine-Saint-Denis
M. Bonnal
SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01378
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° T 22-86.078 F-B N° 01378 SL2 22 NOVEMBRE 2023 CASSATION PARTIELLE M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, qui, pour meurtre et vol, l'a condamné à vingt ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a fixé la durée de la période de sûreté aux deux tiers de celle de la peine, et quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation. Un mémoire a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [V], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Par ordonnance du 5 septembre 2019, le juge d'instruction a ordonné la mise en accusation de M. [M] [V] des chefs de meurtre et vol et son renvoi devant la cour d'assises de la Seine-et-Marne. 3. Par arrêt du 19 juin 2020, ladite cour d'assises a condamné M. [V] à la peine de vingt-cinq ans de réclusion criminelle. 4. M. [V] a formé appel principal et le ministère public appel incident. Examen des moyens Sur le premier moyen, pris en ses première et troisième branches 5. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, alors : « 2°/ que le débat devant la cour d'assises est oral ; qu'il s'en déduit que lorsqu'il a été sursis à statuer sur le sort d'un expert non comparant, le président de la cour d'assises ne saurait user de son pouvoir discrétionnaire pour donner lecture du rapport établi par celui-ci, sans que les parties aient renoncé à son audition ni qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de son absence ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats, d'une part que « [W] [T], expert régulièrement citée, a contacté le greffe de la cour d'assises et a indiqué son indisponibilité » et qu'au premier jour d'audience « la présidente sursoit à statuer sur sa comparution », et d'autre part qu'au dernier jour d'audience « Madame la présidente, agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a donné lecture du rapport des expertises psychologiques de [D] [L] et [M] [V], réalisées par Madame [W] [T], expert absente » ; qu'il ne résulte cependant d'aucune constatation ni du procès-verbal, ni de l'arrêt, que les parties aient renoncé à son audition ou qu'il ait été statué préalablement sur les conséquences de cette absence, le sursis ordonné n'ayant jamais été vidé ; qu'en statuant sur la base d'une telle lecture, la cour a violé les articles 310, 326, 331, 347, 591 et 593 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 7. La présidente de la cour d'assises, alors qu'il avait été sursis à statuer sur la comparution de l'expert, ne pouvait donner lecture du rapport de celui-ci avant qu'il ait été statué par la cour sur cette comparution. 8. Cependant, la défense n'a pas sollicité de donné acte, ni déposé de conclusions d'incident à l'occasion des débats devant la cour d'assises, pour invoquer cette irrégularité, alors qu'elle en avait la faculté. 9. Ainsi, le moyen, qui l'invoque pour la première fois devant la Cour de cassation, n'est pas recevable. Mais sur le second moyen Enoncé du moyen 10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable, condamné celui-ci à la peine de vingt années de réclusion criminelle, fixé aux deux tiers de la peine la durée de la période de sûreté, ordonné que le demandeur fera l'objet d'une mesure de suivi socio-judiciaire durant sept années et prononcé à son encontre une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de quinze années, alors : « 1°/ d'une part, que lorsque la cour d'assises décide de porter la période de sûreté au-delà de celle qui est prévue de plein droit, elle doit le faire par décision spéciale et motivée ; qu'en l'espèce, la cour d'assises a condamné l'exposant à une peine de vingt années de réclusion criminelle, et fixé aux deux tiers de la peine la période de sûreté ; qu'aucune décision spéciale et motivée ne justifie toutefois le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine, ni dans l'arrêt, ni dans la feuille de motivation, ni dans le procès-verbal des débats ; qu'en statuant ainsi, la cour d'assises a méconnu l'article 132-33 du code pénal et n'a pas légalement justifié sa décision. » Réponse de la Cour Vu les articles 132-23 du code pénal et 365-1 du code de procédure pénale : 11. Il se déduit de ces textes que, si la période de sûreté constitue une modalité d'exécution de la peine, elle présente un lien étroit avec la peine et l'appréciation par le juge des circonstances propres à l'espèce, de sorte que, faisant corps avec elle, elle doit faire l'objet d'une décision spéciale et motivée lorsqu'elle est facultative ou excède la durée prévue de plein droit. 12. ll résulte de la feuille de motivation que la cour d'assises retient notamment la gravité exceptionnelle des faits et la personnalité de l'accusé, laissant craindre de nouveaux passages à l'acte, pour conclure qu'il convient de condamner l'intéressé à la peine de vingt ans de réclusion criminelle, outre un suivi socio-judiciaire pendant une durée de sept ans avec injonction de soins. 13. En statuant ainsi, sans justifier par une décision motivée le prononcé d'une peine de sûreté portée aux deux tiers de la peine par décision spéciale, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés. 14. La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs. Portée et conséquences de la cassation 15. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis, en date du 6 septembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises du Val-de-Marne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
COUR D'ASSISES
La lecture par le président de la cour d'assises du rapport d'un expert, alors qu'il avait été sursis à statuer sur la comparution de celui-ci, n'est pas régulière. Le moyen tiré de cette irrégularité, invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, est cependant irrecevable en l'absence de donné-acte qu'il appartenait à la défense de solliciter, ou de conclusions d'incident qu'elle avait la faculté de déposer au cours des débats
JURITEXT000048465565
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-82.675, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301379
Annulation
23-82675
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-03-29
Président de la Chambre des Appels Correctionnels de Rennes
M. Bonnal
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01379
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° Q 23-82.675 F-B N° 01379 SL2 22 NOVEMBRE 2023 ANNULATION M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 M. [M] [T] a formé un pourvoi contre l'ordonnance du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023, qui a déclaré non admis son appel du jugement du tribunal correctionnel l'ayant condamné, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement, et pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, trois ans d'inéligibilité, et ayant prononcé sur les intérêts civils. Un mémoire personnel a été produit. Sur le rapport de Mme Leprieur, conseiller, et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Leprieur, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de procédure ce qui suit. 2. Après débats contradictoires à l'audience du tribunal correctionnel du 31 octobre 2022, M. [M] [T] a été condamné le 9 décembre 2022, par jugement qualifié de contradictoire, pour outrages et violences aggravées, à dix-huit mois d'emprisonnement et, pour rébellion, à quatre mois d'emprisonnement, ainsi qu'à trois ans d'inéligibilité. Le tribunal a également prononcé sur les intérêts civils. 3. Le prévenu a interjeté appel principal le 13 janvier 2023 sur les dispositions pénales et civiles. Examen du moyen Enoncé du moyen 4. Le moyen est pris de la violation de l'article 498 du code de procédure pénale. 5. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré l'appel non admis, alors que le délai d'appel contre un jugement rendu à l'encontre d'un détenu qui n'a pas été extrait pour assister à son prononcé ne peut courir qu'à compter de la signification. Réponse de la Cour Vu les articles 498 et 505-1 du code de procédure pénale : 6. Il résulte du premier de ces textes que, si le délai d'appel court à compter du prononcé du jugement contradictoire, même si la partie dûment avertie n'était pas présente à l'audience à laquelle le jugement a été prononcé, ce n'est qu'à la condition que cette partie ne justifie pas de circonstances l'ayant mise dans l'impossibilité absolue d'être présente à la lecture de la décision et d'exercer son recours en temps utile. 7. Le prévenu détenu qui, étant présent aux débats, n'a pas été extrait de la maison d'arrêt le jour où a été prononcé le jugement, et qui n'était pas représenté par son avocat, justifie de telles circonstances. Le délai d'appel ne peut dès lors courir à son égard qu'à compter de la signification dudit jugement. 8. Si, selon le second de ces textes, l'ordonnance de non-admission d'appel du président de la chambre des appels correctionnels n'est pas susceptible de recours, il en va autrement lorsque son examen fait apparaître un excès de pouvoir. 9. Pour dire non admis l'appel, l'ordonnance attaquée retient que le prévenu a interjeté appel hors délai. 10. En statuant ainsi, alors que le prévenu, détenu, n'était ni comparant ni représenté à l'audience à laquelle avait été prononcé le jugement, ce dont il résultait que le délai d'appel ne pouvait courir qu'à compter de la signification de la décision, le président a excédé ses pouvoirs. 11. L'annulation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de l'annulation 12. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. 13. Le jugement n'ayant pas été signifié, le délai d'appel n'a pas couru. L'appel est donc recevable. PAR CES MOTIFS, la Cour : ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Rennes, en date du 29 mars 2023 ; CONSTATE que, du fait de l'annulation prononcée, la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Rennes se trouve saisie de l'appel de M. [T] ; ORDONNE le retour de la procédure à cette juridiction autrement présidée ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Rennes et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
APPEL CORRECTIONNEL OU DE POLICE - Délai - Point de départ - Prévenu détenu
Justifie de circonstances l'ayant mis dans l'impossibilité absolue d'exercer son recours en temps utile, le prévenu détenu qui, étant présent aux débats, n'a pas été extrait de la maison d'arrêt le jour où a été prononcé le jugement et n'était pas représenté par son avocat. Le délai d'appel ne peut dès lors courir qu'à compter de la signification de la décision
JURITEXT000048465567
JURI
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ARRET
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 22 novembre 2023, 23-80.575, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
C2301382
Rejet
23-80575
oui
CHAMBRE_CRIMINELLE
2023-01-05
Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy
M. Bonnal (président)
SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Zribi et Texier
ECLI:FR:CCASS:2023:CR01382
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant : N° H 23-80.575 F-B N° 01382 SL2 22 NOVEMBRE 2023 REJET M. BONNAL président, R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E ________________________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, DU 22 NOVEMBRE 2023 MM. [B] [K] et [S] [O] et le procureur général près la cour d'appel de Nancy ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 5 janvier 2023, qui, dans l'information suivie contre le premier des chefs de tentative de meurtre et refus d'obtempérer, aggravés, et contre le deuxième du chef de complicité de refus d'obtempérer aggravé, a prononcé sur des demandes d'annulation de pièces de la procédure. Par ordonnance en date du 11 avril 2023, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat. Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires, ont été produits. Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de MM. [S] [O] et [B] [K], les observations de la SCP Zribi et Texier, avocat de M. [Y] [T], et les conclusions de Mme Viriot-Barrial, avocat général, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre, la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. 2. Le 5 octobre 2021, des fonctionnaires de police sont intervenus pour interpeller MM. [B] [K] et [S] [O], alors respectivement conducteur et passager d'un véhicule. A leur approche, le véhicule a démarré, a percuté et roulé sur un fonctionnaire de police qui tentait de l'interpeller, avant d'être intercepté. 3. Les deux occupants ont été placés en garde à vue, notamment pour tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique. S'étonnant de la qualification juridique ainsi envisagée, M. [O] a indiqué, lors de la notification de ses droits en garde à vue, avoir craint une agression et avoir demandé, à plusieurs reprises, au conducteur d'accélérer pour fuir. L'enquêteur a retranscrit cette déclaration dans un procès-verbal de renseignements, distinct du procès-verbal de notification des droits. 4. Le lendemain, le véhicule a été visité, hors la présence des deux personnes en garde à vue, ce qui a permis la découverte de plus de 500 grammes d'héroïne. 5. Le 7 octobre 2021, une information judiciaire a été ouverte. M. [K] a été mis en examen des chefs de tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique et refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, et M. [O] pour complicité de ce dernier délit. 6. Les 6 et 7 avril 2022, MM. [K] et [O] ont sollicité l'annulation de pièces de la procédure. Examen des moyens Sur les troisième et quatrième moyens proposés pour MM. [K] et [O] 7. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission des pourvois au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale. Sur le premier moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 8. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 63-1 du code de procédure pénale. 9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé le procès-verbal de renseignement dans lequel l'officier de police judiciaire a recueilli les déclarations spontanées de M. [O] au moment de son placement en garde à vue, au motif qu'il n'avait pas reçu notification de son droit de se taire, alors que ce droit ne constitue pas une interdiction pour l'intéressé de s'exprimer, ni pour l'officier de police judiciaire de consigner des déclarations faites avant la notification de ce droit. Réponse de la Cour 10. Pour prononcer l'annulation du procès-verbal de renseignement relatant les déclarations spontanées de M. [O], l'arrêt attaqué énonce que son droit au silence et à l'assistance de son avocat ont été méconnus, ces déclarations ayant été faites hors procès-verbal d'audition, alors que l'intéressé se trouvait seul avec les enquêteurs et qu'il n'avait pas renoncé de manière non équivoque à être assisté d'un avocat. 11. Les juges ajoutent qu'aucune raison impérieuse tenant aux circonstances de l'espèce n'autorisait les enquêteurs à recueillir les déclarations spontanées faites par la personne gardée à vue sur les faits, sans procéder à une audition dans le respect des règles légales l'autorisant à garder le silence et à être assistée par un avocat. 12. Ils en concluent qu'il ne pouvait être dressé procès-verbal des déclarations spontanées de la personne gardée à vue, sous peine de méconnaître ses droits au silence et à l'assistance d'un avocat, qui étaient en cours de notification. 13. En prononçant ainsi, et dès lors que les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen, lequel doit être écarté. Sur le second moyen proposé par le procureur général Enoncé du moyen 14. Le moyen est pris de la violation de l'article 57 du code de procédure pénale. 15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a annulé la fouille du véhicule effectuée le 6 octobre 2021, en l'absence de MM. [K] et [O], et sans qu'il leur ait été proposé de désigner un représentant pour assister à ces opérations, alors : 1°/ que l'article 57 du code de procédure pénale, qui impose ces obligations, ne s'applique qu'aux perquisitions et non aux fouilles de véhicule ; 2°/ que la chambre de l'instruction a prononcé par des motifs contradictoires, en énonçant que ce texte n'était pas applicable aux fouilles de véhicule, avant de statuer sur ce fondement. Réponse de la Cour 16. Le demandeur ne saurait critiquer une décision d'annulation d'un acte d'enquête portant sur des faits distincts de ceux objet de l'information ouverte du chef de tentative de meurtre et de refus d'obtempérer aggravé. 17. Il résulte en effet des pièces de la procédure que la fouille du véhicule, le 6 octobre 2021, avait pour seul objet la recherche de produits stupéfiants, faits qui ont été disjoints et ont donné lieu à la condamnation de MM. [K] et [O] des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, par jugement non définitif du tribunal correctionnel d'Epinal du 6 mai 2022. 18. Dès lors, le moyen doit être écarté. Sur le premier moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 19. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande tendant à l'annulation de l'expertise psychiatrique de M. [K], alors « que la personne mise en examen, interrogée par un expert, a le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés ; qu'en retenant que l'insistance de l'expert face au refus du mis en examen de répondre à ses questions n'est pas de nature à permettre de soutenir que l'expert aurait manqué au droit au silence du mis en examen, à la présomption d'innocence et à son devoir d'impartialité dans la mesure où « les droits de la défense – celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence et du droit de ne pas s'auto-incriminer –, ne s'applique pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions », la chambre de l'instruction a violé les articles préliminaire du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. » Réponse de la Cour 20. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise psychiatrique de M. [K], l'arrêt attaqué énonce, que, en application des dispositions de l'article 164, alinéa 3, du code de procédure pénale, l'expert psychiatre avait le droit de poser à la personne mise en examen les questions nécessaires à l'accomplissement de sa mission, hors la présence du juge d'instruction et des avocats. 21. Les juges rappellent que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec celles de l'article 6, § 3, c, de la Convention européenne des droits de l'homme, et ajoutent que les droits de la défense, celui d'être assisté d'un avocat et celui de garder le silence, ne s'appliquent pas à d'autres situations que des auditions par des enquêteurs, ou des injonctions de remettre des pièces, ou à des interrogatoires devant des juridictions. 22. Ils en déduisent que l'insistance face au refus de répondre, par l'expert, qui a par ailleurs averti clairement M. [K] de sa liberté de pouvoir quitter le lieu de l'examen et des conséquences de ce refus d'examen, ne permet pas de soutenir qu'il aurait manqué au devoir d'impartialité ou au respect de la présomption d'innocence. 23. En prononçant ainsi, dès lors que, d'une part, elle a constaté que l'expert n'a pas manqué à son devoir d'impartialité ni au nécessaire respect de la présomption d'innocence et que, d'autre part, la tenue de propos incriminants par une personne mise en examen lors d'une expertise n'est pas de nature à entraîner l'annulation de celle-ci, mais uniquement à empêcher de fonder une condamnation sur lesdits propos, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes visés au moyen. 24. Dès lors, celui-ci doit être écarté. Sur le deuxième moyen proposé pour MM. [K] et [O] Enoncé du moyen 25. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de MM. [K] et [O] tendant à l'annulation de l'examen médico-légal de M. [T], alors « que les dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui permet à l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, à l'agent de police judiciaire, de confier des constatations ou des examens techniques et scientifiques à des personnes qualifiées, sont édictées en vue de garantir la fiabilité de la recherche et de l'administration de la preuve ; que l'absence de réquisitions de l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de ce dernier, de l'agent de police judiciaire, peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt ; qu'en retenant que messieurs [K] et [O] seraient irrecevables à invoquer l'inexistence d'une réquisition en lien avec l'examen médico-légal de monsieur [T] lorsqu'elle constatait qu'ils avaient intérêt à en demander la nullité, la chambre de l'instruction a violé l'article 60 du code de procédure pénale. » Réponse de la Cour 26. Pour écarter le moyen de nullité de l'expertise médicale de M. [Y] [T], partie civile, l'arrêt attaqué énonce que l'absence de réquisition en vue d'examen médico-légal ne peut être invoquée que par la partie qui y a intérêt dans la mesure où cette absence ne vise pas une règle de compétence ou relative à l'organisation judiciaire et l'administration de la justice, mais constitue davantage un élément faisant corps avec l'examen médico-légal. 27. Les juges ajoutent que l'absence de réquisitions contrevient au seul droit protégé de M. [T], et en concluent que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir au regard de l'objet de la formalité dont l'irrégularité est invoquée. 28. C'est à tort que les juges ont retenu que MM. [K] et [O] n'ont pas qualité à agir, dès lors que la méconnaissance des dispositions de l'article 60 du code de procédure pénale, qui garantissent la fiabilité de la recherche de l'administration de la preuve, peut être invoquée par toute partie qui y a intérêt. 29. Cependant, l'arrêt n'encourt pas la censure, dès lors qu'il résulte des pièces de la procédure, dont la Cour de cassation a le contrôle, que l'examen médical contesté mentionne en en-tête que le médecin a été requis par l'officier de police judiciaire en charge de l'enquête, en date du 6 octobre 2021 dans le cadre de l'article 60 du code de procédure pénale, lequel n'impose aucune condition de forme, afin d'examiner M. [T], victime principale des faits objets des poursuites. 30. Ainsi, le moyen doit être écarté. 31. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE les pourvois. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
DROITS DE LA DEFENSE - Garde à vue - Droits de la personne gardée à vue - Notification du droit de se taire - Défaut - Cas - Retranscription de propos tenus par une personne placée en garde à vue avant notification du droit au silence
Les propos tenus par une personne placée en garde à vue avant que son droit de garder le silence lui ait été notifié ne peuvent être retranscrits
JURITEXT000048430356
JURI
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ARRET
Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 novembre 2023, 21-20.723, Publié au bulletin
2023-11-17 00:00:00
Cour de cassation
P2300672
Rejet
21-20723
oui
ASSEMBLEE_PLENIERE
2021-06-16
Cour d'appel de Paris
M. Soulard (premier président)
SCP Le Griel, SCP Thouin-Palat et Boucard
ECLI:FR:CCASS:2023:AP00672
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant : COUR DE CASSATION VB ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE Audience publique du 17 novembre 2023 Rejet M. SOULARD, premier président Arrêt n° 672 B+R Pourvoi n° J 21-20.723 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 17 NOVEMBRE 2023 L'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 21-20.723 contre l'arrêt, rendu sur renvoi après cassation, le 16 juin 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 13), dans le litige l'opposant à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC de Lorraine), dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Par ordonnance en date du 8 février 2023, le premier président de la Cour de cassation a ordonné le renvoi de l'examen du pourvoi devant l'assemblée plénière. La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Un mémoire en défense au pourvoi a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Des observations complémentaires en demande ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Le Griel, avocat de l'AGRIF. Des observations 1015 ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat du FRAC de Lorraine. Le rapport écrit de M. Chevalier, conseiller, et l'avis écrit de Mme Mallet-Bricout, avocat général, ont été mis à disposition des parties. Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, assisté de Mme Couvez, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Le Griel, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, auquel, parmi les parties invitées à le faire, la SCP Thouin-Palat et Boucard a répliqué, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2023, où étaient présents M. Soulard, premier président, M. Sommer, Mme Teiller, M. Bonnal, Mmes Champalaune, Martinel, présidents, Mme Darbois, doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, MM. Huglo, Echappé, Mmes de la Lance, Duval-Arnould, doyens de chambre, Mmes Leroy-Gissinger, Guillou, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, Mme Bouvier, M. Dary, Mme Bacache, M. Bosse-Platière, Mme Caillard, conseillers, Mme Mallet-Bricout, avocat général, et Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert, la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée du premier président, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 juin 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-16.089), l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine (le FRAC) a organisé, dans ses locaux, une exposition intitulée « You are my mirror 1 ; L'infamille », à l'occasion de laquelle ont été présentés des écrits rédigés par un artiste, en ces termes : « Les enfants, nous allons vous enfermer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos esclaves, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous faire bouffer votre merde, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous sodomiser, et vous crucifier, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les yeux, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous couper la tête, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous vous observons, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous tuer par surprise, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous empoisonner, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, vous crèverez d'étouffement, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons égorger vos chiens, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous découper et vous bouffer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons faire de vous nos putes, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous violer, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous arracher les dents, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous défoncer le crâne à coups de marteau, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous coudre le sexe, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous pisser sur la gueule, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Les enfants, nous allons vous enterrer vivants, vous êtes notre chair et notre sang, à plus tard, Papa et Maman. Nous allons baiser vos enfants et les exterminer, nous introduire chez vous, vous séquestrer, vous arracher la langue, vous chier dans la bouche, vous dépouiller, vous brûler vos maisons, tuer toute votre famille, vous égorger, filmer notre mort. » 2. Soutenant que la présentation de ces écrits, dans une exposition accessible à tous, était constitutive de l'infraction prévue et réprimée par l'article 227-24 du code pénal, l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne (l'AGRIF) a saisi le procureur de la République près le tribunal de grande instance, qui a décidé d'un classement sans suite. 3. Invoquant, sur le fondement de l'article 16 du code civil, une atteinte portée à la dignité de la personne humaine, elle a assigné le FRAC en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa cinquième branche 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en ses autres branches Enoncé du moyen 5. L'AGRIF fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires, alors : « 1°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, qui a valeur constitutionnelle, est absolu car il résulte du primat de la personne ; qu'axiomatique, inviolable et insusceptible d'abus, il est l'essence de tous les droits fondamentaux ; qu'il s'ensuit que si un conflit peut intervenir entre de tels droits, qui ont même valeur normative, à raison d'un possible abus dans leur exercice que le juge réglera en recherchant un "juste équilibre" entre eux au regard d'un critère extérieur tiré des exigences d'une société démocratique, le principe susvisé, qui est absolu et n'a sa mesure qu'en lui-même, ne peut être mis en balance avec aucun droit fondamental, puisqu'il en est la substance et le fondement ; qu'ainsi, rien ne peut entrer en conflit avec ce principe qui n'en soit simplement la négation ; que tel était objectivement le cas des messages litigieux publiquement exposés par le FRAC de Lorraine, qui faisaient état de traitements particulièrement violents et abjects, attribués à des parents à l'égard de leurs enfants [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], et accessibles à la vue de tout enfant que, pour rejeter les demandes de réparation présentées de ce chef par l'AGRIF, ès qualités, la cour a retenu que "lorsque la dignité est appréhendée dans le contexte de la confrontation de la liberté d'expression et d'autres droits en concurrence [...], le droit au respect de la dignité ne constitue pas en soi une restriction autonome à la liberté d'expression, dont seul l'abus peut être sanctionné au terme d'un contrôle de proportionnalité avec lesdits droits en concurrence", et qu'en dépit de sa valeur constitutionnelle, ce principe n'est pas à lui seul, sans atteinte à un droit concurrent à la liberté d'expression, "un fondement autonome de restrictions de la liberté d'expression lui conférant la nature de droit concurrent et justifiant que soit effectué un contrôle de proportionnalité à ce titre" (p. 12, § 4) ; qu'en soumettant ainsi l'application du principe du respect de la dignité de la personne humaine, absolu et insusceptible d'abus, à la condition qu'il puisse avoir, à l'égard de l'exercice d'un droit fondamental susceptible d'abus, tel que le droit à la liberté d'expression, la nature d'un droit concurrent ayant même valeur normative, la cour a violé le principe susvisé et l'article 16 du code civil, ensemble l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par fausse application ; 2°/ que la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ; que le principe du respect de cette dignité, résultant du primat de la personne, est absolu ; qu'ayant de surcroît valeur constitutionnelle, il est nécessairement normatif ; que, prenant acte de la cassation prononcée dans la présente procédure, le 26 septembre 2018, de l'arrêt de la cour d'appel de Metz qui avait dénié à l'article 16 du code civil toute valeur normative, la cour d'appel de Paris a retenu que la Cour de cassation avait alors jugé que ledit principe "est un principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; qu'en rejetant dès lors les demandes de l'AGRIF, ès qualités, tirées de la violation par le FRAC de Lorraine du principe susvisé, au motif qu'elle se fondait uniquement sur "l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil", sans avoir fait aucune application du principe solennellement énoncé par ce texte, la cour a violé ce principe par refus d'application, ainsi que l'article susvisé ; 3°/ que le juge est le gardien naturel du principe à valeur constitutionnelle selon lequel, à raison de la primauté de la personne, toute atteinte à la dignité de celle-ci est interdite ; qu'en l'espèce, la cour a explicitement admis qu'il s'agissait là d'un "principe à valeur constitutionnelle dont il incombe au juge de faire application pour trancher le litige qui lui est soumis" (arrêt, p. 10, § 1) ; que, dès lors que ce principe est normatif, il était impossible à la cour de trancher le litige sans rechercher, comme elle y était invitée, si les messages mis en cause, publiés par le FRAC de Lorraine, n'étaient pas gravement attentatoires à la dignité de la personne humaine ; qu'elle ne pouvait pas, en particulier, se borner à renvoyer l'AGRIF à sa propre appréciation subjective des messages litigieux, en retenant, comme elle l'a fait, que "quand bien même [elle] estimerait l'exposition des oeuvres litigieuses attentatoires à la dignité humaine" sa demande de réparation ne pourrait pas être satisfaite (arrêt, p. 12, § 6) ; qu'en se dispensant de tout examen de cette nature, après avoir pourtant constaté qu'elle était saisie sur le fondement de la violation du principe susvisé, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil ; 4°/ que pour rejeter les demandes de réparation de l'AGRIF, dont l'objet est en particulier, statutairement (art. 2), de lutter contre "tout ce qui porte notamment atteinte à la dignité de la femme et au respect de l'enfant", la cour a fondé sa décision sur un arrêt d'assemblée plénière du 25 octobre 2019 (pourvoi n° 17-86.605, Bull.), en le jugeant "transposable au cas d'espèce", au motif qu'il avait "retenu que le principe érigé à l'article 16 du code civil constituait un principe à valeur constitutionnel" (arrêt, p. 11, § 4) ; que, cependant, l'arrêt ainsi visé n'avait fait aucune référence à l'article 16 du code civil, ni à la constitutionnalité du principe qu'il énonce ; qu'en outre, les circonstances du litige ayant donné lieu à cet arrêt n'avaient aucun rapport avec le présent litige, dès lors qu'était invoqué un abus du droit à la liberté d'expression lié à une injure personnelle subie, c'est-à-dire la confrontation de deux droits concurrents, tandis que la demande ici présentée par l'AGRIF, ès qualités, n'a aucun caractère personnel et vise la réparation d'une atteinte publique à la dignité de la personne humaine, droit absolu et à valeur constitutionnelle, sur le fondement exclusif de l'article 16 susvisé ; qu'il s'ensuit que cet arrêt, tant en droit qu'en fait, n'était pas transposable au cas d'espèce ; qu'en se fondant néanmoins sur cette décision pour rejeter les demandes de l'AGRIF, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 16 du code civil, ensemble de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 6°/ en toute hypothèse, que le principe de dignité de la personne humaine, inviolable et absolu, est l'essence même de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'étant ainsi le fondement et la substance de tous les droits fondamentaux garantis par cette dernière, l'exercice d'aucun de ces droits ne peut l'enfreindre sans contradiction ; qu'il s'ensuit que ce principe constitue une composante nécessaire et suffisante de protection de la morale et de la défense de l'ordre dans une société démocratique au sens des dispositions de l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatives à la liberté d'expression, encore qu'il n'y soit pas explicitement visé ; qu'en cohérence avec ces dispositions, l'article 16 du code civil, en interdisant de manière absolue et universelle "toute atteinte à la dignité" de la personne humaine, a édicté une restriction, nécessaire dans une société démocratique, au sens de l'article 10 susvisé, à l'exercice même de la liberté d'expression ; qu'en jugeant dès lors qu'il n'était pas établi que "la dignité humaine serait une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens des dispositions de l'article 10 paragraphe 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales", la cour d'appel a violé l'article 10, § 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, par fausse application, ensemble l'article 16 du code civil par refus d'application ; 7°/ en toute hypothèse, que si les formes d'expression artistique volontairement provocantes sont protégées par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le droit à la liberté d'expression qui en résulte ne permet pas tout et quiconque s'en prévaut assume, selon les termes du paragraphe 2 de l'article susvisé, des "devoirs et des responsabilités" ; que, quelle que soit l'intention supposément artistique de leur auteur, la mise en exposition, dans un espace public de messages portant atteinte à la dignité de la personne humaine, avilissant pour des enfants comme pour leurs parents, supposés les soumettre à des traitements criminels [esclavage, sodomie, mutilations, viols, assassinat], constitue un usage de la liberté d'expression radicalement incompatible avec les devoirs et les responsabilités nécessairement attachés à l'exercice du droit à la liberté d'expression, que ne justifie aucun débat d'intérêt général et que n'excuse ni le goût prononcé de son auteur pour la provocation, ni son sens obsessionnel du mauvais goût et de la dégradation ; qu'en jugeant dès lors, pour rejeter les demandes de l'AGRIF, que la dignité de la personne humaine n'est pas une composante nécessaire et suffisante de la protection de la morale et de la défense de l'ordre au sens de l'article susvisé, et qu'à supposer caractérisée une atteinte à cette dignité par l'exposition des oeuvres litigieuses, cette atteinte ne constituerait pas "une limite admissible à la liberté d'expression justifiant une mesure de réparation", la cour a violé l'article 10, § 2, susvisé, ensemble l'article 1382, devenu 1240, du code civil. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 10, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (la Convention), toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. 7. La Cour européenne des droits de l'homme affirme que la liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique et l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun (CEDH, arrêt du 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, n° 5493/72, § 49). 8. La liberté d'expression englobe la liberté d'expression artistique, qui constitue une valeur en soi (CEDH, décision du 11 mars 2014, Jelsevar c. Slovénie, n° 47318/07, § 33) et qui protège ceux qui créent, interprètent, diffusent ou exposent une oeuvre d'art (CEDH, arrêt du 3 mai 2007, Ulusoy e.a. c. Turquie, n° 34797/02, § 42). 9. Toutefois, l'article 10, paragraphe 2, de la Convention prévoit que la liberté d'expression peut être soumise à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi, lorsque celles-ci constituent des mesures nécessaires à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. 10. Il en résulte que toute restriction à la liberté d'expression suppose, d'une part, qu'elle soit prévue par la loi, d'autre part, qu'elle poursuive un des buts légitimes ainsi énumérés. 11. Si l'essence de la Convention est le respect de la dignité et de la liberté humaines (CEDH, arrêt du 22 novembre 1995, S.W. c. Royaume-Uni, n° 20166/92, § 44), la dignité humaine ne figure pas, en tant que telle, au nombre des buts légitimes énumérés à l'article 10, paragraphe 2, de la Convention. 12. La Cour de cassation en a déduit que la dignité de la personne humaine ne saurait être érigée en fondement autonome des restrictions à la liberté d'expression (Ass. plén., 25 octobre 2019, pourvoi n° 17-86.605, Bull.). 13. Au surplus, l'article 16 du code civil, créé par la loi n° 94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain et invoqué par la requérante, ne constitue pas à lui seul une loi, au sens de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention, permettant de restreindre la liberté d'expression. 14. Ayant relevé que l'AGRIF poursuit l'exposition des oeuvres en cause sur le seul fondement de l'atteinte à la dignité au sens de l'article 16 du code civil, la cour d'appel a exactement retenu que le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d'expression. 15. Le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'Association générale contre le racisme et pour le respect de l'identité française et chrétienne et la condamne à payer à l'association Fonds régional d'art contemporain de Lorraine la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du dix-sept novembre deux mille vingt-trois.
JURITEXT000048389676
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 21-25.654, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
52302009
Rejet
21-25654
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-10-20
Cour d'appel de Paris
Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02009
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2009 F-B Pourvoi n° U 21-25.654 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 Mme [E] [N], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 21-25.654 contre l'arrêt rendu le 20 octobre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [N], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 octobre 2021), Mme [N] a été engagée en qualité de machiniste receveur le 7 avril 2008 par l'établissement public industriel et commercial Régie autonome des transports parisiens (la RATP), la relation contractuelle de travail étant régie par le statut du personnel. 2. Après avoir été convoquée, le 23 novembre 2017, à un entretien préalable à une mesure disciplinaire "pouvant aller jusqu'à la révocation", qui s'était tenu le 6 décembre 2017, elle s'est vue notifier le 28 décembre 2017 une mise en disponibilité d'office d'un jour avec sursis. 3. Elle a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir l'annulation de la sanction et la condamnation de la RATP au paiement d'une indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail. Examen du moyen Sur le moyen, pris en ses deuxième à sixième branches 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne son manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le moyen, pris en sa première branche Enoncé du moyen 5. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur et de sa demande d'annulation de la sanction du 28 décembre 2017, alors « que le juge doit apprécier la régularité de la procédure disciplinaire suivie par l'employeur au regard de la sanction envisagée et non au regard de celle finalement prononcée ; qu'en l'espèce, la salariée avait été convoquée par lettre du 23 novembre 2017 à un entretien préalable fixé au 6 décembre 2017 évoquant une sanction pouvant aller jusqu'à la révocation, dont il n'était pas contesté qu'elle nécessitait la saisine du conseil de discipline, et qu'elle s'était finalement vue notifier une mise en disponibilité d'office d'un jour avec sursis, ne nécessitant pas une telle saisine ; qu'en appréciant la régularité de la procédure disciplinaire suivie par l'employeur, qui n'avait pas saisi le conseil de discipline, au regard de la sanction finalement prononcée, la cour d'appel a violé les articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code du travail, ensemble les articles 149 à 152 du statut du personnel de la RATP. » Réponse de la Cour 6. Selon l'article 150 du statut du personnel de la RATP, les mesures disciplinaires du premier degré sont prononcées, sans consultation du conseil de discipline, par un responsable hiérarchique de l'agent d'un niveau au moins égal à la maîtrise pour l'observation, les cadres pour le rappel à l'ordre et l'avertissement, les chefs de division pour la mise en disponibilité d'office avec sursis jusqu'à un jour, le personnel de direction pour la mise en disponibilité d'office jusqu'à cinq jours et pour le déplacement d'office. 7. Aux termes de l'article 152 du même statut, les mesures disciplinaires du deuxième degré sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le directeur général. 8. Il en résulte que l'obligation de saisir le conseil de discipline dépend de la sanction "prononcée" et non de la sanction "envisagée" par l'employeur. 9. Ayant constaté que l'employeur avait prononcé à l'encontre de la salariée, après l'entretien préalable, une sanction disciplinaire qui relevait du premier degré, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas à saisir le conseil de discipline. 10. Le moyen n'est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme [N] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
TRANSPORTS EN COMMUN - Régie autonome des transports parisiens (RATP) - Personnel - Statut du personnel - Mesures disciplinaires - Conseil de discipline - Saisine - Obligation de l'employeur - Conditions - Prononciation d'une mesure disciplinaire du deuxième degré - Cas - Portée
CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Sanction - Conditions - Formalités préalables - Formalités prévues par une convention collective ou un règlement intérieur - Saisine d'une instance disciplinaire - Obligation - Cas - Personnel de la Régie autonome des transports parisiens ( RATP ) - Prononciation d'une mesure disciplinaire du deuxième degré - Portée
Selon l'article 150 du statut du personnel de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), les mesures disciplinaires du premier degré sont prononcées sans consultation du conseil de discipline, par un supérieur hiérarchique de l'agent et, selon l'article 152 du même statut, les mesures disciplinaires du deuxième degré sont prononcées, après avis du conseil de discipline, par le directeur général. Il en résulte que l'obligation de saisir le conseil de discipline dépend de la sanction "prononcée" et non de la sanction "envisagée" par l'employeur. Doit en conséquence être approuvé l'arrêt qui, ayant constaté que l'employeur avait prononcé à l'encontre du salarié, après l'entretien préalable, une sanction disciplinaire qui relevait du premier degré, en déduit que l'employeur n'avait pas à saisir le conseil de discipline
JURITEXT000048389680
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 22-22.524, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
52302025
Rejet
22-22524
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-10-18
Tribunal judiciaire de Cherbourg
M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02025
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2025 F-B Pourvoi n° N 22-22.524 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 La société Orano recyclage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement situé site de [Adresse 12], a formé le pourvoi n° N 22-22.524 contre le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Cherbourg (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant : 1°/ à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Normandie, dont le siège est [Adresse 10], ayant un établissement dont le siège est [Adresse 9], 2°/ au syndicat national du nucléaire de la métallurgie CFDT, Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 3], 3°/ au syndicat national du nucléaire et des activités connexes CFE-CGC, dont le siège est [Adresse 4], 4°/ au syndicat CGT Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 5], 5°/ au syndicat Force Ouvrière Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 6], 6°/ au syndicat SUD Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 7], 7°/ au syndicat UNSA/SPAEN Orano recyclage [Localité 11], dont le siège est [Adresse 8], 8°/ au syndicat CFTC Union départementale de La Manche, dont le siège est [Adresse 2], défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Orano recyclage, après débats en l'audience publique du 4 octobre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Cherbourg, 18 octobre 2022), les 16 et 18 mai 2022, la société Orano recyclage (la société) a engagé, pour son établissement de La Hague, un processus de négociation préélectorale en vue des élections des membres du comité social et économique, devant se dérouler les 4 et 19 octobre 2022. 2. Parmi les sept organisations syndicales invitées à la négociation, seules deux d'entre elles ont signé, le 12 juillet 2022, le protocole d'accord préélectoral. 3. Le 13 juillet 2022, la société a saisi le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Normandie afin qu'il fixe la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux pour les élections du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11]. 4. Cette demande a été rejetée par décision du 15 septembre 2022, aux motifs essentiellement de l'absence de la part de l'employeur d'une tentative loyale de négociation d'un protocole d'accord préélectoral. 5. Par requête déposée le 3 octobre 2022, la société a saisi le tribunal judiciaire aux fins d'annuler la décision de l'autorité administrative du 15 septembre 2022 et de fixer la répartition des salariés et des sièges entre les collèges électoraux. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. La société fait grief au jugement de constater la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de [Localité 11] arrivant à expiration le 19 octobre 2022, jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin, alors : « 1°/ que le tribunal judiciaire statuant sur le recours contre la décision de l'autorité administrative saisie en vue de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux n'a pas le pouvoir de statuer sur la prorogation des mandats en cours ; qu'en l'espèce, le tribunal judiciaire, saisi par l'employeur d'un recours contre la décision de la DREETS ayant refusé de statuer sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux, a "constaté" la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de La Hague de la société Orano recyclage arrivant à expiration le 19 octobre 2022, jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin ; qu'en statuant de la sorte, il a violé l'article L. 2314-13 du code du travail ; 2°/ que le mécanisme de prorogation des mandats prévu par l'article L. 2314-13, alinéa 4, du code du travail n'est pas applicable lorsque l'autorité administrative a refusé de trancher la question de la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux ; qu'en pareil cas, la prorogation des mandats ne peut intervenir qu'en présence d'un accord unanime ; qu'en l'espèce, il résulte du jugement que la DREETS a, par décision du 15 septembre 2022, refusé de statuer sur la répartition du personnel et des sièges entre les collèges électoraux ; qu'en jugeant cependant que compte tenu des dispositions non sujettes à interprétation de l'article L. 2314-13 du code du travail, la saisine de la DREETS avait entraîné la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin malgré l'absence d'accord de prorogation unanimement ratifié, le tribunal judiciaire a violé le texte susvisé ; 3°/ que le tribunal judiciaire ne peut constater la prorogation des mandats en cours en l'absence de convocation à l'audience des élus concernés ; qu'en constatant la prorogation des mandats des élus du comité social et économique de l'établissement de La Hague de la société Orano recyclage arrivant à expiration le 19 octobre 2022, sans avoir convoqué ces élus, le tribunal judiciaire a violé l'article 14 du code de procédure civile et l'article R. 2314-25 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Aux termes de l'article L. 2314-13 du code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales conclu selon les conditions de l'article L. 2314-6. Cet accord mentionne la proportion de femmes et d'hommes composant chaque collège électoral. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et que l'accord mentionné au premier alinéa du présent article ne peut être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux. Pour ce faire, elle se conforme soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11. La saisine de l'autorité administrative suspend le processus électoral jusqu'à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. La décision de l'autorité administrative peut faire l'objet d'un recours devant le juge judiciaire, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. 8. Il en résulte que lorsque l'autorité administrative a été saisie pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux, les mandats des élus en cours sont prorogés de plein droit jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin. 9. En l'espèce, le tribunal a relevé que les mandats des élus, venant à expiration le 19 octobre 2022, étaient en cours lors de la saisine par l'employeur, le 13 juillet 2022, de l'autorité administrative aux fins de déterminer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux en vue des élections des membres du comité social et économique de l'établissement de La Hague. 10. C'est par conséquent sans encourir les critiques du moyen qu'il a constaté que la saisine de l'autorité administrative avait entraîné la prorogation des mandats des élus en cours jusqu'à la proclamation des résultats. 11. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Collèges électoraux - Répartition des sièges et des électeurs - Accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées - Défaut - Saisine de l'autorité administrative - Effets - Mandats des élus en cours - Prorogation de plein droit jusqu'aux résultats du scrutin
Il résulte de l'article L. 2314-13 du code du travail que lorsque l'autorité administrative a été saisie pour fixer la répartition du personnel et des sièges dans les collèges électoraux, les mandats des élus en cours sont prorogés de plein droit jusqu'à la proclamation des résultats du scrutin
JURITEXT000048430137
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 8 novembre 2023, 21-19.764, Publié au bulletin
2023-11-08 00:00:00
Cour de cassation
52302003
Rejet
21-19764
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-05-20
Cour d'appel de Bordeaux
Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
SCP Piwnica et Molinié, SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02003
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 8 novembre 2023 Rejet Mme MARIETTE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2003 F-B Pourvoi n° S 21-19.764 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 NOVEMBRE 2023 1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ l'UNEDIC, dont le siège est [Adresse 4], agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, élisant domicile au Centre de gestion et d'études AGS CGEA de [Localité 5], [Adresse 1], ont formé le pourvoi n° S 21-19.764 contre l'arrêt rendu le 20 mai 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige les opposant : 1°/ à Mme [F] [S], domiciliée [Adresse 2], 2°/ à M. [C] [G], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur de la société Cleannet industrie et propreté, 3°/ à la société BDR & associés, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [T] [R] [G], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Cleannet industries et propreté, défendeurs à la cassation. Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'AGS et de l'UNEDIC-CGEA [Localité 5], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pietton, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 20 mai 2021), Mme [S] a été engagée en qualité d'agent de propreté le 1er juillet 2015 par la société Cleannet industries et propreté (la société Cleanet). 2. Par jugement du 6 octobre 2016, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Cleanet. Le 24 mai 2017, une cession de l'entreprise est intervenue dans le cadre de cette procédure collective au profit de la société Thomer, avec reprise du contrat de travail de la salariée à compter du 9 juin 2017. 3. Par jugement du 22 juin 2017, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société Cleanet. 4. Le 20 octobre 2017, la salariée a été licenciée par la société Thomer. 5. Après le refus du liquidateur judiciaire de la société Cleanet de lui verser une somme au titre des congés payés acquis entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la société Cleanet une certaine somme au titre des congés payés. Examen du moyen Enoncé du moyen 6. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] font grief à l'arrêt de fixer la créance de la salariée au passif de la liquidation judiciaire de la société Cleanet au titre du solde de son indemnité de congés payés à la somme de 2 389,20 euros et de rappeler que l'AGS doit sa garantie dans la limite fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code, alors : « 1°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; qu'il n'était pas contesté en l'espèce que la salariée avait fait sa demande d'indemnisation postérieurement au prononcé de son licenciement de sorte que l'indemnité réclamée était une indemnité compensatrice de congés payés qui avait la nature d'une indemnité de rupture et ne pouvait être garantie par l'AGS en dehors des délais prévues à l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'en retenant la garantie de l'AGS après avoir considéré que la salariée était créancière d'un solde d'indemnité de congés payés et non d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 3141-24, L. 3141-28 et L. 3253-8 du code du travail ; 2°/ que les congés payés acquis au cours de la période légale de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; que les congés non pris à la date de rupture du contrat de travail ne peuvent donner lieu qu'au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, laquelle a la nature juridique d'une indemnité de rupture ; que s'agissant d'une indemnité de rupture, la garantie de l'AGS ne peut être recherchée que par application de l'article L. 3253-8, 2°, du code du travail ; qu'elle ne couvre, dans le respect du plafond de garantie, que les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation ou dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de sauvegarde, de redressement ou de cession, et à la condition que l'employeur fasse l'objet d'une procédure collective ; qu'en considérant que l'AGS devait garantir l'indemnité réclamée par la salariée, quand la créance litigieuse résultait d'un licenciement prononcé le 20 octobre 2017 par une société in bonis devenue l'employeur du salarié dans le cadre d'un plan de cession intervenu à la suite du redressement judiciaire de l'employeur initial à l'encontre duquel une procédure collective avait été ouverte, et que la liquidation judiciaire de l'employeur initial était intervenue le 22 juin 2017, la cour d'appel a violé l'article L. 3253-8 du code du travail ; 3°/ que, subsidiairement, les congés payés acquis au cours de la période de référence ne peuvent donner lieu au versement d'une indemnité de congés payés qu'à la condition d'avoir été effectivement pris ; qu'en retenant un droit à indemnité de la salariée, sans constater que les congés litigieux avaient été pris ou avaient donné lieu à une demande effective de congés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3121-24 et L. 3253-8 du code du travail. » Réponse de la Cour 7. Ayant relevé que la cession d'entreprise était intervenue dans le cadre d'une procédure collective et que les droits à congés payés de la salariée avaient été acquis entre 1er juin 2016 et le 31 mai 2017, soit avant l'ouverture de la procédure collective et pendant la période d'observation du redressement judiciaire de la société Cleanet, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la créance d'indemnité de congés payés de la salariée, qui n'était pas une indemnité compensatrice de congés payés née de la rupture du contrat de travail par le nouvel employeur, devait être fixée au passif de la société Cleanet et qu'au regard des dispositions de l'article L 3253-8 du code du travail, l'AGS devait sa garantie dans la limite des plafonds légaux. 8. Le moyen n'est dès lors pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi ; Condamne l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'AGS et l'UNEDIC-CGEA de [Localité 5] et les condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Cession de l'entreprise - Cession dans le cadre d'une procédure collective - Redressement judiciaire - Indemnités - Congés payés - Acquisition pendant la période d'observation - Effets - Fixation au passif de la société cédée - Portée
CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Domaine d'application - Indemnités de congés payés - Condition - Acquisition pendant la période d'observation - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Redressement et liquidation judiciaires - Créances des salariés - Assurance contre le risque de non-paiement - Garantie - Effets - Fixation de créance au passif de la société cédée - Portée
Lorsque la modification de la situation de l'employeur intervient dans le cadre d'une procédure collective, l'indemnité de congés payés, qui s'acquiert mois par mois et qui correspond au travail effectué pour le compte de l'ancien employeur, est inscrite au passif de ce dernier et est couverte par l'Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés (AGS) dans la limite de sa garantie
JURITEXT000048430235
JURI
texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/48/43/02/JURITEXT000048430235.xml
ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 15 novembre 2023, 22-17.733, Publié au bulletin
2023-11-15 00:00:00
Cour de cassation
52302055
Cassation partielle
22-17733
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-10-27
Cour d'appel de Montpellier
Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Me Haas, SCP Richard
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02055
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 15 novembre 2023 Cassation partielle Mme CAPITAINE, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 2055 F-B Pourvoi n° E 22-17.733 Aide juridictionnelle totale en demande au profit de M. [H]. Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 14 avril 2022. R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023 M. [D] [H], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 22-17.733 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'association Inter aide, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Chiron, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de M. [H], de la SCP Richard, avocat de l'association Inter aide, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chiron, conseiller référendaire rapporteur, Mme Lacquemant, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 27 octobre 2021), M. [H] a été engagé en qualité de responsable de programme éducation en Haïti le 6 août 2012 par l'association Inter aide (l'association). 2. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 28 septembre 2012 jusqu'au 24 avril 2013, après avoir contracté une amibiase, et a été rapatrié le 11 octobre 2012. 3. Le salarié a été déclaré apte à son poste le 8 juillet 2013 et a été licencié le 24 juillet suivant pour faute grave. Il a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail. Examen des moyens Sur le second moyen 4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Mais sur le premier moyen Enoncé du moyen 5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'association à l'obligation de sécurité, alors : « 1°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ; qu'il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que, dans ses conclusions d'appel, le salarié reprochait à son employeur ses mauvaises conditions de travail et d'hébergement et de lui avoir fourni un matériel défectueux de filtration de l'eau, ce qui avait été à l'origine de la maladie tropicale qu'il avait contractée ; que, pour écarter tout manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, la cour d'appel a retenu que le salarié ne rapporte pas la preuve que son employeur lui a fait boire de l'eau de ville mal filtrée, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille et que le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; 2°/ que dans ses conclusions d'appel, M. [H] reprochait également à son employeur de s'être abstenu de lui porter aide et assistance après qu'il eut contracté une maladie tropicale en Haïti ; qu'en laissant sans réponse ce moyen déterminant, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 4121-1 du code du travail et 455 du code de procédure civile : 6. Il résulte du premier de ces textes que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. 7. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs. 8. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt retient, d'une part, que le salarié reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans toutefois en apporter la preuve, et d'autre part, qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'est pas potable et qu'il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que si le salarié a manqué à cette obligation de prudence élémentaire, il ne peut en imputer la faute à son employeur. 9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, et sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'association ne lui avait apporté aucune aide ni assistance lorsqu'il avait contracté cette maladie tropicale, faute de matériel conforme, l'avait laissé livré à lui-même malade, et n'avait pas voulu organiser un rapatriement sanitaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 10. La cassation du chef de dispositif rejetant la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci, non remises en cause. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande au titre du manquement à l'obligation de sécurité, l'arrêt rendu le 27 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes. Condamne l'association Inter aide aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'association Inter aide à payer à Me Haas la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.
TRAVAIL REGLEMENTATION, SANTE ET SECURITE - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Manquement - Cas - Travailleur expatrié - Protection de la santé du salarié - Défaut - Portée
CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Obligations - Sécurité des salariés - Obligation de sécurité - Etendue - Cas - Travailleur expatrié - Protection de la santé du salarié - Défaut - Portée
Viole l'article L. 4121-1 du code du travail, en statuant par des motifs impropres à établir que l'employeur avait pris toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé du salarié, la cour d'appel qui, pour débouter un salarié de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, retient, d'une part que celui-ci reproche à l'employeur de lui avoir fait boire de l'eau de ville mal filtrée sans en apporter la preuve, d'autre part qu'il est notoire que l'eau de ville en Haïti n'étant pas potable, il convient de boire de l'eau minérale en bouteille, et que le salarié ne peut en imputer la faute à son employeur dès lors qu'il a manqué à cette obligation de prudence élémentaire
JURITEXT000048465527
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 20-23.640 21-13.945, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302084
Cassation partielle sans renvoi
20-23640
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2020-10-29
Cour d'appel de Versailles
M. Sommer
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Piwnica et Molinié
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02084
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle sans renvoi M. SOMMER, président Arrêt n° 2084 FS-B Pourvois n° J 20-23.640 S 21-13.945 JONCTION R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 I - M. [T] [Y], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 20-23.640, contre l'arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre), dans le litige l'opposant : 1°/ à la société MMJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2] représentée par M. [P] [N], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orfi, 2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France-Est, dont le siège est [Adresse 1]. II - 1°/ L'AGS, dont le siège est [Adresse 4], 2°/ l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France-Est, ont formé le pourvoi n° S 21-13.945 contre le même arrêt, dans le litige les opposant : 1°/ à M. [T] [Y], 2°/ à la société MMJ, représentée par M. [P] [N], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Orfi, Le demandeur au pourvoi n° J 20-23.640 invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation. Les demanderesses au pourvoi n° S 21-13.945 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation. Les dossiers ont été communiqués au procureur général. Sur le rapport de M. Pietton, conseiller, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'UNEDIC, délégation AGS-CGEA d'Ile-de-France-Est et de l'AGS, de l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, M. Pietton, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller doyen, MM. Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douximi, Panetta, conseillers, Mme Prieur, M. Carillon, Mme Maitral, M. Redon, conseillers référendaires, Mme Grivel avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Jonction 1. En raison de leur connexité, les pourvois n° 20-23.640 et 21-13.945 sont joints. Faits et procédure 2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 octobre 2020) et les productions, M. [Y] a été engagé à compter du 1er septembre 2008 en qualité de chef de fabrication par la société Orfi (la société), exploitant un fonds de commerce d'études et conseils, conception, réalisation de stands. 3. Par jugement du 18 mars 2016, le tribunal de commerce a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société. 4. Convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique qui s'est tenu le 29 mars 2016, le salarié a adhéré le 10 avril 2016 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé. 5. Sur appel de la société, ce jugement a été annulé par arrêt du 29 septembre 2016 qui, après avoir fixé provisoirement l'état de cessation des paiements à la date de l'arrêt et constaté l'impossibilité de redressement de la société, a de nouveau ouvert une procédure de liquidation judiciaire. La société MMJ, prise en la personne de M. [N], a été désignée en qualité de liquidateur. 6. Contestant le bien fondé de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société des indemnités de rupture et des dommages-intérêts pour divers manquements de l'employeur pendant l'exécution du contrat de travail, notamment pour atteinte à son droit de participer à la gestion de l'entreprise par l'intermédiaire des délégués du personnel. Examen des moyens Sur le premier moyen et le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en ses troisième à sixième branches 7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation. Sur le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en sa première branche Enoncé du moyen 8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, alors « que selon l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal est tenu de désigner un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise, lequel a seul pouvoir pour prononcer, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17 du code de commerce, les licenciements pour motif économique des salariés de l'entreprise ; qu'ainsi, lorsque les conditions prévues par l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce sont remplies, le liquidateur judiciaire ne dispose pas du pouvoir de notifier aux salariés la rupture de leur contrat de travail qui est dévolu à l'administrateur judiciaire, et ce, quand bien même le tribunal aurait omis de désigner un tel administrateur dans le jugement prononçant la liquidation ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que "le chiffre d'affaires réalisé par la société était déjà très important en 2014 (plus de 6 millions d'euros)" ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement conduire la procédure de licenciement et proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le chiffre d'affaires réalisé par la société imposait la désignation d'un administrateur judiciaire qui seul pouvait mener la procédure de licenciement et proposer le contrat de sécurisation professionnelle au salarié, de sorte que le liquidateur judiciaire n'avait pas pouvoir pour cela et que, par voie de conséquence, la rupture du contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 641-10, alinéa 5, du code du commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 9. Aux termes de l'article L. 641-10 du code de commerce, si la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable ou si l'intérêt public ou celui des créanciers l'exige, le maintien de l'activité peut être autorisé par le tribunal pour une durée maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Elle peut être prolongée à la demande du ministère public pour une durée fixée par la même voie. Lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, ce délai est fixé par le tribunal en fonction de l'année culturale en cours et des usages spécifiques aux productions concernées. Le liquidateur administre l'entreprise. Dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, il peut procéder aux licenciements. Le cas échéant, il prépare un plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation, en reçoit et en distribue le prix. Toutefois, lorsque le nombre des salariés ou le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à des seuils fixés par décret en Conseil d'Etat ou, en cas de nécessité, le tribunal désigne un administrateur judiciaire pour administrer l'entreprise. Dans ce cas, l'administrateur exerce les prérogatives conférées au liquidateur par les articles L. 641-11-1 et L. 641-12. Il prépare le plan de cession, passe les actes nécessaires à sa réalisation et, dans les conditions prévues à l'article L. 631-17, peut procéder aux licenciements. 10. Il en résulte qu'en l'absence de maintien de l'activité, il n'y a pas lieu de désigner un administrateur judiciaire, quand bien même l'un des seuils du nombre de salariés ou du chiffre d'affaires serait atteint. 11. Le moyen, qui manque par le fait qui lui sert de base, dès lors qu'il ne ressort pas des constatations de l'arrêt et des productions que le tribunal de commerce a autorisé le maintien de l'activité de l'entreprise, n'est donc pas fondé. Sur le second moyen du pourvoi n° 20-23.640, pris en sa deuxième branche Enoncé du moyen 12. Le salarié fait le même grief à l'arrêt, alors « que l'annulation du jugement de liquidation judiciaire de l'employeur prive de fondement et d'effet les licenciements pour motif économique prononcés en vertu de cette décision par le liquidateur judiciaire, qui sont ainsi dépourvus de cause réelle et sérieuse ; qu'il n'en va autrement que lorsque la cour d'appel annulant ce jugement ouvre par la même décision une liquidation judiciaire et que la date de cessation des paiements de la société est fixée à une date antérieure à celle de la rupture du contrat de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel de Versailles a, par un arrêt du 29 septembre 2016, annulé le jugement du tribunal de commerce de Pontoise en date du 18 mars 2016 prononçant l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Orfi, fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 16 octobre 2015 et désignant M. [N] en qualité de liquidateur judiciaire et, statuant à nouveau, a constaté l'état de cessation des paiements, fixé la date de celle-ci au jour de sa décision et, estimant le redressement de la société Orfi manifestement impossible, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire son profit ; qu'en jugeant dès lors que le mandataire liquidateur avait pu valablement proposer à M. [Y] un contrat de sécurisation professionnelle ayant abouti à la rupture du contrat de travail, cependant qu'elle constatait que la date de cessation des paiements était fixée au 29 septembre 2016, soit à une date postérieure à la rupture du contrat de travail, intervenue en suite de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle le 10 avril 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 640-1 et L. 641-4 du code de commerce, ensemble les articles L. 1233-2 et L. 1235-1 du code du travail. » Réponse de la Cour 13. Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer. 14. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. 15. La cour d'appel a relevé, par motifs adoptés, que l'arrêt rendu le 29 septembre 2016 avait, après annulation du jugement du tribunal de commerce, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire. 16. Elle en a exactement déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective. 17. Le moyen n'est donc pas fondé. Mais sur le moyen du pourvoi n° 21-13.945, pris en sa première branche Enoncé du moyen 18. L'AGS et l'UNEDIC-CGEA Île-de-France-Est font grief à l'arrêt de fixer au passif de la société une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice personnel subi par le salarié pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi, de dire la décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France-Est dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables, alors « que la méconnaissance par l'employeur de ses obligations en matière d'organisation de la totalité des réunions des institutions représentatives du personnel présentes dans l'entreprise ne constitue pas un préjudice dont un salarié peut réclamer l'indemnisation, en ce qu'elle ne peut conduire à le priver d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, mais relève d'un manquement à l'égard des institutions mises en place permettant seulement à ces dernières de poursuivre l'employeur au titre d'un délit d'entrave ; qu'en décidant que le salarié pouvait être indemnisé au titre du défaut de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, ensemble l'article 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. » Réponse de la Cour Vu les articles 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 2315-8 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 : 19. Le manquement de l'employeur à l'obligation d'information et de consultation des instances représentatives du personnel n'est pas de nature à causer au salarié, agissant à titre individuel, un préjudice personnel et direct. 20. Pour fixer une somme au passif de la liquidation judiciaire de la société et déclarer cette créance opposable à l'AGS, l'arrêt retient qu'il est établi que seules trois réunions des délégués du personnel se sont tenues entre septembre 2015 et février 2016, quand la situation de l'entreprise et les questions de l'ensemble du personnel sur son devenir justifiaient a minima la tenue chaque mois d'une réunion, telle que prévue par l'ancien article L. 2315-8 du code du travail, que les interrogations du personnel sont restées pour partie sans réponse, tandis que la société a été placée en liquidation judiciaire dès le mois de mars 2016 et que le salarié a finalement été licencié pour motif économique le 31 mars 2016. 21. Il ajoute que le salarié, qui produit ses relevés de compte ainsi que ses courriels des 4 septembre, 5 octobre et 11 décembre 2015 aux termes desquels il signale aux délégués du personnel soit qu'il n'a pas encore été payé de son salaire, soit qu'il vient juste de recevoir le chèque correspondant au paiement du salaire du mois passé, a été privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts et a subi, du fait du non-respect par son employeur de ses obligations à l'égard des institutions représentatives du personnel, un préjudice propre et direct qui justifie l'allocation de dommages-intérêts. 22. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés. Portée et conséquences de la cassation 23. Sur suggestion des demandeurs au pourvoi n° 21-13.945, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile. 24. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond. 25. Il y a lieu de déclarer irrecevable la demande du salarié en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l'absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et de mettre hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France-Est de ce chef de demande. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : REJETTE le pourvoi n° 20-23.640 ; CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe au passif de la société Orfi la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice personnel subi par M. [Y] pour absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi et dit sa décision opposable à l'AGS-CGEA d'Île-de-France-Est dans les seules limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et L. 3253-8 et suivants du code du travail et des articles D. 3253-5 et suivants du code du travail, l'arrêt rendu le 29 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; DIT n'y avoir lieu à renvoi ; Déclare irrecevable la demande de M. [Y] en indemnisation d'un préjudice personnel résultant de l' absence de fonctionnement normal des institutions représentatives du personnel de la société Orfi ; Met hors de cause l'AGS et l'UNEDIC-CGEA d'Île-de-France-Est de ce chef de demande. Condamne M. [Y] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique - Licenciement collectif - Entreprise en difficulté - Liquidation judiciaire - Annulation en appel du jugement prononçant la liquidation judiciaire - Ouverture d'office par le juge d'appel d'une procédure de liquidation judiciaire - Conséquences sur la validité des licenciements (non) - Portée
Aux termes de l'article R. 640-2 du code de commerce, la cour d'appel qui annule un jugement statuant sur l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ou son prononcé peut, d'office, ouvrir la procédure de liquidation judiciaire ou la prononcer. Il en résulte que l'annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire d'un débiteur n'affecte pas les licenciements régulièrement prononcés avant cette annulation par le liquidateur, dès lors que la cour d'appel ayant annulé le jugement a ouvert elle-même la liquidation judiciaire du débiteur. Est en conséquence approuvé, l'arrêt qui, après avoir relevé que la cour d'appel avait, après annulation du jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, constaté l'impossibilité d'un redressement de l'entreprise et ouvert à l'égard de celle-ci une procédure de liquidation judiciaire, en déduit que cette décision d'annulation n'avait pas eu pour effet de remettre en cause la validité de la rupture du contrat de travail intervenue à la suite de l'adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle que lui avait proposé le liquidateur judiciaire alors en fonction, peu important la modification de la date de cessation des paiements dans la seconde décision d'ouverture de la procédure collective
JURITEXT000048465529
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-19.282, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302091
Cassation partielle
22-19282
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-07-07
Tribunal judiciaire de Fontainebleau
M. Sommer
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SARL Cabinet Briard
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02091
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. / ELECT HP COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2091 FS-B Pourvoi n° P 22-19.282 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 1°/ Le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie, dont le siège est [Adresse 5], 2°/ le comité social et économique de l'UES [K], dont le siège est [Adresse 2], ont formé le pourvoi n° P 22-19.282 contre le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau (contentieux des élections professionnelles), dans le litige les opposant : 1°/ à la société A. [K] SAS, société par actions simplifiée, 2°/ à la société Centre couronnais de maintenance, société à responsabilité limitée, 3°/ à la société Sterna, société par actions simplifiée unipersonnelle, 4°/ à la société Ardea, société par actions simplifiée, ayant toutes les quatre leur siège est [Adresse 2], 5°/ à la société des Transports de la Bassée, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 8], 6°/ à la société Gaël centre, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], 7°/ à la société Ile de France transports, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], 8°/ à la société Mormantaise de maintenance, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9], 9°/ à la société Gaël, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 9], 10°/ à la société Gaël Rhône, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 12], 11°/ à la société Gaël Parisud, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], 12°/ M. [D] [K], domicilié [Adresse 3], pris en qualité de liquidateur amiable de la société Gaël Parisud, 13°/ à la société BQ Trans, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], 14°/ à la société Loveti, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], 15°/ à la société Transpevrac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 11], 16°/ à M. [D] [K], domicilié [Adresse 4], défendeurs à la cassation. Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et du comité social et économique de l'UES [K], de la SARL Cabinet Briard, avocat des sociétés A. [K] SAS, Centre couronnais de maintenance, et Sterna, et l'avis de Mme Roques, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 18 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Sommé, Bouvier, Berard, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, Ollivier, Arsac, conseillers référendaires, Mme Roques, avocat général référendaire, et Mme Dumont, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Fontainebleau, 7 juillet 2022), le 13 avril 2022, le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie (le syndicat) et le comité social et économique de l'UES [K] (le comité) ont saisi le tribunal judiciaire pour solliciter la constitution d'un comité de groupe au sein d'un groupe devant être composé entre les sociétés A.[K] SAS, Centre couronnais de maintenance, Sterna, Ardea, des transports de la Bassée, Gaël centre, Ile-de-France transports, Mormantaise de maintenance, Gaël, Gaël Rhône, Gaël Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac, en soutenant que M. [K] devait être considéré comme entreprise dominante puisque détenant toutes les sociétés à hauteur d'au moins 97 %, soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire de la société [K] qu'il détient à 100 %. Examen du moyen Enoncé du moyen 2. Le syndicat et le comité font grief au jugement de les débouter de leurs demandes tendant à la constatation de l'existence d'un groupe et la constitution d'un comité de groupe entre les sociétés A. [K] SAS, Centre couronnais de maintenance (CCM), Sterna, Ardea, société des transports de la Bassée (STB), Gaël Centre, Ile de France Transport (SIFTRA), Morentaise de maintenance (S2M), Gaël, Gaël Rhône, Gaël Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac, alors « qu'un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce ; qu'une personne physique doit, au même titre qu'une personne morale, être considérée comme en contrôlant une autre dès lors qu'elle remplit les conditions visées à l'article L. 233-3 du code de commerce ; qu'en rejetant la demande de constitution d'un comité de groupe au sein du périmètre des entreprises contrôlées, directement ou indirectement, par M. [D] [K], aux motifs erronés que la loi vise une entreprise dotée d'un siège social, et non une personne physique, et que le législateur n'a pas entendu élargir la notion d'entreprise dominante à une personne physique, le tribunal a violé les articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce. » Réponse de la Cour Vu les articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce : 3. L'article L. 2331-1 du code du travail dispose que : « I. - Un comité de groupe est constitué au sein du groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante, dont le siège social est situé sur le territoire français, et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce. II. - Est également considérée comme entreprise dominante, pour la constitution d'un comité de groupe, une entreprise exerçant une influence dominante sur une autre entreprise dont elle détient au moins 10 % du capital, lorsque la permanence et l'importance des relations de ces entreprises établissent l'appartenance de l'une et de l'autre à un même ensemble économique. L'existence d'une influence dominante est présumée établie, sans préjudice de la preuve contraire, lorsqu'une entreprise, directement ou indirectement : - peut nommer plus de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ; - ou dispose de la majorité des voix attachées aux parts émises par une autre entreprise ; - ou détient la majorité du capital souscrit d'une autre entreprise. Lorsque plusieurs entreprises satisfont, à l'égard d'une même entreprise dominée, à un ou plusieurs des critères susmentionnés, celle qui peut nommer plus de la moitié des membres des organes de direction, d'administration ou de surveillance de l'entreprise dominée est considérée comme l'entreprise dominante, sans préjudice de la preuve qu'une autre entreprise puisse exercer une influence dominante. » 4. Aux termes de l'article L. 233-3, I, du code de commerce, toute personne, physique ou morale, est considérée, pour l'application des sections 2 et 4 du présent chapitre, comme en contrôlant une autre : 1° Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ; 2° Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires et qui n'est pas contraire à l'intérêt de la société ; 3° Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales de cette société ; 4° Lorsqu'elle est associée ou actionnaire de cette société et dispose du pouvoir de nommer ou de révoquer la majorité des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance de cette société. 5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 2331-4 du code du travail, ne sont pas considérées comme entreprises dominantes, les entreprises mentionnées aux points a et c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations. 6. A cet égard, la Cour de cassation juge que, si l'article L. 2331-4 du code du travail exclut notamment de la qualification d'entreprises dominantes les sociétés de participation financière visées au point c du paragraphe 5 de l'article 3 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations, c'est à la condition, toutefois, que les droits de vote attachés aux participations détenues ne soient exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dont elles détiennent des participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et non pour déterminer directement ou indirectement le comportement concurrentiel de ces entreprises, c'est-à-dire à la condition, précisée par l'article 5 du paragraphe 3 de la directive 78/660/CEE du Conseil du 25 juillet 1978 auquel renvoient les dispositions du règlement précité, que la société de participation financière ne s'immisce pas directement ou indirectement dans la gestion des entreprises filiales (Soc., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-21.723, Bull.). 7. Il en résulte que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe. 8. Pour rejeter la demande du syndicat et du comité de constitution d'un comité de groupe, le jugement retient que les dispositions de l'article L. 2331-1 du code du travail visent une entreprise, dotée d'un siège social, et non une personne physique et que rien ne permet de considérer que le législateur a entendu élargir cette notion d'entreprise dominante à une personne physique. 9. En statuant ainsi, par un motif erroné, alors qu'il lui incombait de rechercher si les sociétés en cause, qui relèvent du même secteur d'activité, étaient sous le contrôle et la direction de M. [K], de sorte que celui-ci devait être considéré comme l'entreprise dominante du groupe, le tribunal a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et le comité social et économique de l'UES [K] de leurs demandes, le jugement rendu le 7 juillet 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Fontainebleau ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés A. [K] SAS, Sterna et Centre couronnais de maintenance et condamne les sociétés A. [K] SAS, Sterna, Centre couronnais de maintenance, Ardea, des transports de la Bassée, Gael centre, Ile de France transports, Mormantaise de maintenance, Gael, Gael Rhône, Gael Parisud, BQ Trans, Loveti et Transpevrac à payer au syndicat CFDT Métiers du transport Haute-Normandie et au comité social et économique de l'UES [K] la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé. Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
REPRESENTATION DES SALARIES
Il résulte des articles L. 2331-1 du code du travail et L. 233-3, I, du code de commerce, combinés à l'article L. 2331-4 du code du travail, que si le contrôle sur les entreprises du groupe, exercé dans les conditions définies notamment aux I et II de l'article L. 233-3 du code de commerce, peut émaner d'une personne physique, pour que cette personne physique puisse être qualifiée d'entreprise dominante au sens de l'article L. 2331-1 du code du travail, c'est à la condition que les droits de vote attachés aux participations ne soient pas exercés, notamment par la voie de la nomination des membres des organes de direction et de surveillance des entreprises dans lesquelles sont détenues les participations, que pour sauvegarder la pleine valeur de ces investissements et que la personne physique, détentrice de tout ou partie du capital, s'immisce directement ou indirectement dans la gestion des entreprises du groupe
JURITEXT000048465531
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-11.238, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302095
Cassation partielle
22-11238
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2021-03-05
Cour d'appel d'Aix en Provence
M. Sommer
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02095
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. ZB1 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2095 FS-B Pourvoi n° V 22-11.238 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La société Thales Dis France, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société Gemalto, a formé le pourvoi n° V 22-11.238 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-1), dans le litige l'opposant au syndicat CGT Gemalto Sud, dont le siège est chez M. [K] [M], [Adresse 1], défendeur à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Thales Dis France, de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat du syndicat CGT Gemalto Sud, les plaidoiries de Me Waquet et de Me Bouniol-Brochier, et l'avis de Mme Berriat, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Monge, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, M. Rouchayrole, Mme Bouvier, M. Flores, Mmes Deltort, Bérard, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Lanoue, Thomas-Davost, Techer, Ollivier, Rodrigues, Arsac, conseillers référendaires, Mme Berriat, premier avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 mars 2021), le 15 juillet 2014, le syndicat CGT Gemalto Sud (le syndicat) a saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit jugé que les augmentations générales des salaires au sein de la société Thales Dis France (la société) soient opérées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, qu'il soit ordonné, sous astreinte, la rectification des bulletins de salaire sur trois ans, pour obtenir le paiement de dommages-intérêts et, subsidiairement, qu'il soit ordonné une expertise. Examen du moyen Sur le moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat tendant à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique Enoncé du moyen 2. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action du syndicat en ce qu'elle tend à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, alors « que n'est pas recevable l'action en justice d'un syndicat visant, sous couvert d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, à défendre en réalité exclusivement les intérêts particuliers de quelques salariés ; qu'en considérant que l'augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire pour tous les salariés et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié permet de caractériser une inégalité de traitement en se fondant sur la circonstance que M. [F], M. [M], M. [X], Mme [U] et Mme [D], salariés exerçant tous la fonction d'opérateur relevant de la catégorie "ouvriers" et ayant tous engagé une procédure prud'homale fondée sur le fait qu'ils auraient été victimes d'une inégalité de traitement ou d'une discrimination dès lors qu'une partie de leurs salaires aurait été fixée de manière discrétionnaire par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 3. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 4. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. 5. L'arrêt retient que l'action du syndicat tend, sur le fondement de l'égalité de traitement, à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique. 6. La cour d'appel en a déduit à bon droit que l'action du syndicat, qui tend à la reconnaissance d'une irrégularité au regard du principe de l'égalité de traitement et à mettre fin à cette irrégularité, relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat. 7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé. Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de condamner l'employeur au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat Enoncé du moyen 8. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique et de le condamner au paiement d'un euro de dommages-intérêts au syndicat, alors « que la décision unilatérale de l'employeur de procéder à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement ; qu'en jugeant le contraire au motif inopérant que les salaires des opérateurs qui relèvent de la catégorie "ouvriers" dépendent en partie de formations laissées à la libre appréciation de l'employeur, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une inégalité de traitement, a violé l'article L. 2132-3 du code du travail ensemble le principe d'égalité de traitement. » Réponse de la Cour Vu le principe d'égalité de traitement : 9. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes, et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables. 10. Pour faire droit à la demande du syndicat, l'arrêt relève, d'abord, qu'au sein de la société, l'évolution de carrière des opérateurs est régie par un système basé sur la comptabilisation de points obtenus par la validation de formations qualifiantes, ensuite, qu'il ressort du guide de gestion des « métiers opérateurs » que la maîtrise d'une compétence suppose que soit respecté un processus comprenant trois étapes : formation, mise en oeuvre, validation et que ce n'est qu'à l'issue de cette troisième étape, en fin de cursus, que l'entreprise reconnaît l'évolution de qualification. 11. Il relève encore que la décision d'engager un opérateur en formation sur une nouvelle compétence est un acte de management réalisé par la hiérarchie et que la validation d'une compétence n'est possible que si la personne a été sélectionnée, si elle a reçu la formation correspondante et si elle a démontré sa capacité à maîtriser la compétence. 12. Il ajoute qu'il ressort du tableau produit par le syndicat, formalisant la décision unilatérale de la société et dont les données ne sont pas contestées par celle-ci, que dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, qui est intervenue les 17 et 29 janvier 2013 et qui a donné lieu à un procès-verbal de désaccord le 11 février 2013, il a été procédé à une augmentation générale annuelle des salaires basée sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle de chaque salarié. 13. Il en déduit que cet élément de fait est susceptible de caractériser une inégalité de traitement. 14. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le fait de fonder une augmentation générale des salaires sur des tranches de salaire et non sur la catégorie professionnelle des salariés constituerait un élément susceptible de caractériser une inégalité de traitement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les augmentations générales de salaire devront être revalorisées au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, en ce qu'il condamne la société Thales Dis France à payer au syndicat CGT Gemalto Sud la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 5 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement - Cas - Demande d'augmentations générales de salaire revalorisées - Augmentation au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique - Portée
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement - Demande tendant à mettre fin à une inégalité - Cas - Portée
Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. Fait une exacte application de ce texte la cour d'appel qui juge que relève de la défense de l'intérêt collectif de la profession, l'action d'un syndicat, fondée sur le principe d'égalité de traitement, tendant d'une part à solliciter des augmentations générales de salaire revalorisées, dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire de l'article L. 2242-8 du code du travail, au regard de la qualification professionnelle et suivant un coefficient identique, et d'autre part, à mettre fin à l'inégalité invoquée, la circonstance que seuls quelques salariés de l'entreprise seraient concernés par la violation du principe d'égalité de traitement alléguée étant sans incidence sur le droit d'agir du syndicat
JURITEXT000048465533
JURI
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ARRET
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 22 novembre 2023, 22-14.807, Publié au bulletin
2023-11-22 00:00:00
Cour de cassation
52302096
Cassation partielle
22-14807
oui
CHAMBRE_SOCIALE
2022-02-17
Cour d'appel de Versailles
M. Sommer
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Célice, Texidor, Périer
ECLI:FR:CCASS:2023:SO02096
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : SOC. CH9 COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 22 novembre 2023 Cassation partielle M. SOMMER, président Arrêt n° 2096 FS-B Pourvoi n° Z 22-14.807 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 22 NOVEMBRE 2023 La fédération des services CFDT, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-14.807 contre l'arrêt rendu le 17 février 2022 par la cour d'appel de Versailles (6e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Tui France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Ott, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la fédération des services CFDT, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Tui France, les plaidoiries de Me Grévy et de Me Célice, et l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2023 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Ott, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mme Monge, M. Rinuy, Mmes Cavrois, Sommé, M. Rouchayrole, Mme Bouvier, M. Flores, Mmes Deltort, Bérard, Le Quellec, conseillers, Mmes Ala, Chamley-Coulet, Lanoue, Thomas-Davost, Techer, Ollivier, Rodrigues, Arsac, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre, la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-2 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ; Faits et procédure 1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 février 2022), la société Tui France (la société) a, le 1er juin 2017, absorbé la société Transat et tous les contrats de travail des salariés de cette dernière ont été transférés, en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société qui avait déjà, le 1er janvier 2012, à la suite de plusieurs opérations de fusion-absorption, repris les contrats de travail des salariés des sociétés Marmara et Nouvelles Frontières distribution. 2. La fédération des services CFDT (la fédération) a fait assigner la société devant le tribunal judiciaire en lui demandant de dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, de dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, d'ordonner en conséquence à la société, sous astreinte, de mettre fin à cette inégalité de traitement en versant, à l'avenir, une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et en régularisant la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable et de condamner la société à verser à la fédération une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. Examen du moyen Sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable Enoncé du moyen 3. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à condamner la société sous astreinte à verser à l'avenir une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas et à régulariser la situation pour le passé dans la limite de la prescription triennale applicable, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour 4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 5. Il en résulte que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. 6. La cour d'appel, qui a constaté que l'action de la fédération CFDT tendait à ce qu'il soit ordonné à la société de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, en a exactement déduit l'irrecevabilité de cette action collective dès lors qu'elle tend à la modification de la situation individuelle des salariés concernés. 7. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli. Mais sur le moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de déclarer la fédération irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération, ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession Enoncé du moyen 8. La fédération fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, alors « que le syndicat peut agir en justice pour contraindre l'employeur à mettre fin à une situation illicite ; que pour dire irrecevable la demande, la cour d'appel a retenu que l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle des salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente, ne peut faire l'objet d'une appréciation collective et que l'action intentée consiste donc en la revendication d'un droit lié à la personne et appartient à ce seul salarié, de sorte qu'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession ne peut pas être revendiquée ; qu'en statuant ainsi, quand l'action de la fédération syndicale tendait à voir ordonner à l'employeur de mettre fin à une inégalité de traitement et relevait donc de la défense de l'intérêt collectif de la profession, la cour d'appel a violé l'article L. 2132-3 du code du travail. » Réponse de la Cour Vu l'article L. 2132-3 du code du travail : 9. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. 10. Il en résulte qu'un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'avenir à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte. 11. Pour déclarer irrecevable l'action de la fédération tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt retient que la fédération, qui ignore la distinction à faire entre gratification et salaire annuel payable sur treize mois, ne revendique pas l'exécution par l'employeur de dispositions conventionnelles mais l'application du principe d'égalité de traitement, qui suppose que la situation de chaque salarié soit comparée à celle de salariés placés dans la même situation ou dans une situation équivalente et qui ne peut donc faire l'objet d'une appréciation collective, de sorte que l'action intentée consiste en la revendication d'un droit lié à la personne du salarié, appartenant donc à ce seul salarié, et ne poursuit pas la réparation d'un préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession. 12. En statuant ainsi, alors que l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et que l'action de la fédération, en ce qu'elle ne tendait pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, était recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé. PAR CES MOTIFS, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'action de la fédération des services CFDT tendant à dire que l'absence de versement par la société Tui France d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par la fédération ainsi qu'à condamner la société Tui France au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, l'arrêt rendu le 17 février 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ; Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes. Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Atteinte - Applications diverses - Action fondée sur l'application du principe d'égalité de traitement - Demande de dommages-intérêts - Cas - Absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés - Portée
SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Action en régularisation de la situation individuelle de salariés - Action en versement d'une prime de treizième mois à des salariés n'en bénéficiant pas - Portée
Il résulte de l'article L. 2132-3 du code du travail que si un syndicat peut agir en justice pour faire reconnaître l'existence d'une irrégularité commise par l'employeur au regard de dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles ou au regard du principe d'égalité de traitement et demander, outre l'allocation de dommages-intérêts en réparation du préjudice ainsi causé à l'intérêt collectif de la profession, qu'il soit enjoint à l'employeur de mettre fin à l'irrégularité constatée, le cas échéant sous astreinte, il ne peut prétendre obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés, une telle action relevant de la liberté personnelle de chaque salarié de conduire la défense de ses intérêts. Dès lors, doit être approuvée la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à ce qu'il soit ordonné à l'employeur de régulariser la situation individuelle des salariés concernés tant pour l'avenir que pour le passé en versant une prime de treizième mois aux salariés n'en bénéficiant pas, cette action collective du syndicat tendant à la modification de la situation individuelle des salariés concernés. En revanche, encourt la cassation la cour d'appel qui déclare irrecevable l'action d'un syndicat tendant à dire que l'absence de versement d'une prime de treizième mois à certains salariés de la société est constitutive d'une inégalité de traitement avec les salariés bénéficiant d'une telle prime, à dire que cette inégalité de traitement porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par ce syndicat ainsi qu'à condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l'intérêt collectif de la profession, cette action collective du syndicat ne tendant pas à obtenir du juge qu'il condamne l'employeur à régulariser la situation individuelle des salariés concernés