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Malo - Une muse et sa mere.pdf/264 | jamais. L’empressement de la foule oblige Delphine
à fermer ses fenêtres par une chaleur torride ;
encore, les curieux la regardent-ils à travers les
vitres.
Ce jour-là, elle fait la connaissance personnelle
de Marceline Desbordes-Valmore, qui la juge : « Je
sus bientôt par moi-même qu’elle était bonne, vraie
comme sa beauté. En l’examinant avec attention,
on ne tombait que sur des perfections, dont l’une
suffit à rendre aimable l’être qui la possède. » Au
mois d’octobre suivant se constitue à Lyon l’Académie
provinciale, avec cette fière devise : « Lyon contre
Paris ». Mais pour recruter les cinquante académiciens
titulaires, on doit faire appel à une trentaine
d’écrivains de Paris ; eux seuls donnent un lustre
à l’Académie. Delphine y voisine avec Adolphe
Thiers.
De Lyon, elle passe les Alpes, avec arrêt à l’hospice
du Mont-Saint-Bernard. Là, l’inspiration lui
dicte une ode, l’Écho des Alpes, qu’elle dédie aux
religieux, et où sous l’épigraphe : « Dieu seul est
grand ! » elle évoque les souvenirs d’Annibal, de
Jules César et de Napoléon :
<poem> Quel fut le fruit de leur conquête ?
Le poison, le fer, et l’exil !
La gloire des bienfaits est la seule éternelle !</poem>
Sophie Gay tient du général marquis de Lagrange
une lettre de recommandation pour Lamartine,
secrétaire d’ambassade à Florence. Par malchance,
elle ne peut la lui présenter : il est à Rome. Elle
compte l’y retrouver, et continue son voyage sur
Terni. Auprès de cette petite ville, on visite une cas-
<references/> |
Boyer d’Argens - Thérèse philosophe.djvu/102 | Dieu ! Pourriez-vous seulement offenser un roi, un prince, qui seraient raisonnables ? Ils mépriseraient votre faiblesse et votre impuissance. On vous annonce un Dieu vengeur, et on vous dit que la vengeance est un crime. Quelle contradiction ! On vous assure que pardonner une offense est une vertu, et on ose vous dire que Dieu se venge d’une offense involontaire<ref>Le péché originel. </ref> par une éternité de supplices !
« S’il y a un Dieu, dit-on, il y a un culte. Cependant, avant la création du monde, il faut convenir qu’il y avait un Dieu et point de culte. D’ailleurs, depuis la création, il y a des bêtes qui ne rendent aucun culte à Dieu. S’il n’y avait point d’hommes, il y aurait toujours un Dieu, des créatures et point de culte. La manie des hommes est de juger les actions de Dieu par celles qui leur sont propres.
« La religion chrétienne donne une fausse idée de Dieu ; car la justice humaine, selon elle, est une émanation de la justice divine. Or nous ne pourrions, suivant la justice humaine, que blâmer les actions de Dieu envers son fils, envers Adam, envers les peuples à qui on n’a jamais prêché, envers les enfants qui meurent avant le baptême.
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 74.djvu/844 | pécuniaires. Ce n’est pas là seulement un point de vue grossier, bien digne de démagogues ayant tout préoccupes des intérêts matériels ; c’est un préjugé d’ignorans, une erreur historique, une hérésie politique. Un budget des cultes n’est nullement le signe ou la condition de l’union de l’église et de l’état. Loin de là, cette union a duré des siècles en des pays où l’état ne servait aucun traitement au clergé, où l’église vivait de ses propres ressources, tout comme de nos jours aux Etats-Unis, sous le régime de la séparation. Bien mieux, dans le pays de l’Europe où l’église et l’état sont aujourd’hui le plus intimement associés, en Russie, l’église orthodoxe ne recevait naguère encore presque rien de l’état. C’est tout récemment qu’a commencé à s’introduire, dans les finances russes, une sorte de budget des cultes ou mieux du culte dominant. Jusque-là le clergé séculier, « le clergé blanc » vivait des libres redevances des fidèles, du casuel et de la vente des cierges. Cela n’empêchait pas l’église orthodoxe d’être légalement revêtue d’une sorte de monopole religieux ; cela ne l’empêchait pas d’être en possession de nombreux privilèges, de conserver ses tribunaux et même sa censure spirituelle : privilèges qu’elle payait naturellement au pouvoir en déférence et en dépendance.
Rien donc de plus erroné que de réduire le problème de la séparation de l’église et de l’état à une question de budget, à une question d’argent. S’il semble en être ainsi en France, c’est qu’ainsi que nous le constations tout à l’heure, il n’y a plus en France d’église d’état ; c’est que, depuis la révolution, il n’y a pas de véritable union entre l’église et le pouvoir civil ; qu’en fait le ''disestablishment'' est accompli, la séparation des deux pouvoirs presque entièrement effectuée. Puisqu’en France la séparation se borne pratiquement à la suppression du budget des cultes, examinons un instant la nature de ce budget, les raisons que l’on fait valoir pour le supprimer, les raisons qu’on leur oppose pour le maintenir.
L’état, disent les partisans de la séparation, et c’est là leur argument le plus fréquent aussi bien que le plus sérieux, l’état ne doit employer les deniers publics que pour des services publics. Or, l’entretien du culte et de ses ministres n’est pas, à proprement parler, un service public La religion relevant de la conscience individuelle, chaque citoyen étant libre de croire ou de ne pas croire, c’est à l’individu, c’est au croyant de pourvoir aux besoins de son église. L’état ayant renoncé à s’immiscer dans les querelles religieuses et se proclamant lui-même incompétent en matière de doctrine, l’état n’a pas à se mêler de l’entretien des temples pas plus qu’à, s’immiscer dars la nomination des dignitaires
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/266 | étaient intraitables dans leurs recommandations de prudence, et le
spectacle de turbulence qu’ils avaient sous les yeux semblait leur
donner raison. La reine comprit, au contraire, quel parti elle pourrait tirer de cette susceptibilité nationale pour rétablir l’affection
ébranlée des populations, par un grand acte de confiance que justifiait l’excès même de son malheur. Des lois anciennes prévoyaient
le cas où, dans un extrême péril, tous les hommes valides devaient se
lever en armes pour courir à la défense de la patrie. Cette levée en
masse portait le nom d’''insurrection'', suivant une expression latine,
beaucoup moins détournée de son sens naturel que l’acception que
nous lui donnons en français. Au risque de faire pâmer de surprise
et pâlir de terreur ses conseillers, ce fut à cette ressource suprême
que la reine résolut de faire appel.
Elle fit d’abord part de son dessein à quelques confidens choisis,
réunis en comité secret : tous les Allemands le combattirent avec
effroi, ce qui à soi seul était une raison pour que les Hongrois l’acceptassent avec enthousiasme. Ceux-ci seulement émirent en même
temps l’avis que la reine se retirât avec l’héritier du trône dans la
ville forte de Raab, éloignée de la frontière, et où ces personnes sacrées
seraient en sûreté sous la garde de l’affection populaire. La princesse accepta leur promesse de concours, mais ajourna l’exécution
du conseil. Il ne lui convenait ni d’aller s’enterrer dans une citadelle, ni peut-être de pousser jusqu’à ce point la confiance<ref> D’Arneth, p. 297 et 404. </ref>.
Le lendemain, le palatin, qui était dans le secret, réunit à sa
table, dans un grand banquet, les membres des deux assemblées.
Leur nombre, bien que considérable, était loin d’être complet, car
les plus mutins ou les plus indifférens étaient partis après la lecture
si mal accueillie du message royal, soit dans un accès de dépit, soit
peut-être pour se préparer à la résistance; il ne restait que les plus
attachés à la royauté, ceux à qui il coûtait le plus d’entrer en lutte
avec elle. Quand le bruit se répandit après boire et du désir de la
reine et de l’opposition des Allemands, ce fut un transport de joie
et d’espérances : « Qu’elle suive son cœur, s’écriait-on ; il la conseillera mieux que ses ministres. »
Effectivement, le 11 septembre, les deux chambres recevaient
l’avis d’avoir à se transporter, leurs présidons en tête, dans la grande
salle du château, à onze heures avant midi. Tous se rendirent à l’appel ou, pour mieux dire, se précipitèrent dans un état d’excitation et
d’attente. Quand la réunion fut complète, la reine entra, traversa
d’un pas lent les rangs des députés et monta majestueusement les
marches du trône, fille était vêtue de noir, sans autre ornement que
la couronne sur sa tête et l’épée à son côté; ses traits portaient
<references/> |
NRF 18.djvu/373 | NOTES - 367
rallier au mot d'ordre. Eux aussi se sentaient chargés d'une
mission, la plus importante peut-être de toutes celles qui cons-
tituaient la grande mission allemande. Ils eurent leur politique
du livre, celle dont Fischer de Berlin fit un exposé si curieux
dans son catalogue de 191 1. Dans l'esprit de cet éditeur dont
la maison était depuis vingt-cinq ans le quartier général des
jeunes, il ne s'agissait plus seulement de lancer au petit bon-
heur l'ouvrage qui doit réussir, l'auteur qui mérite de percer,
ou de faire sa fortune avec celle d'un cénacle. L'éditeur moderne
devait être, sinon le créateur de valeurs nouvelles dans le
domaine de l'esprit, du moins l'organisateur de leur marché,
le banquier qui use de son crédit pour leur donner cours.
Dans la bourse aux idées on le vit en effet déterminer des
courants, imprimer des directions. Choix des auteurs, qu'il
groupait de façon à créer une atmosphère, collections à bon
marché établies en vue d'une action pédagogique, présentation
du livre dans le goût (gothique, ou français ou anglais) que
l'on voulait faire prévaloir, suggestions et conseils au lecteur,
recettes pour se cultiver, autant de moyens de former la clien-
tèle. Le procédé réussit, s'adressant à des gens dociles, avides
de se former, impatients de ne plus passer pour « les barbares
d'autrefois », et d'autant mieux prêts à admirer l'idéal de culture
qui leur était proposé qu'ils en étaient plus éloignés. Ainsi à
chaque nouvelle entreprise de librairie une école s'ouvrait pour
l'éducation en masse d'un peuple demeuré enfant.
Un trait était commun à ces tentatives de civilisation : la
recherche de ce qui est allemand. Comme il est naturel à un
pays qui n'est pas fait encore, qui demeure sans unité profonde,
des tendances contradictoires s'affirmèrent. Néanmoins, et c'est
un point important, Fischer en particulier réussit à mettre
un lien entre des intellectuels venus des quatre coins de l'Alle-
magne. Gerhai't Hauptmann, Thomas Mann, Dehmel, Alfred
Kerr, Rathenau, pour ne citer que ceux-là, se présentaient
comme une sorte de bloc fondu au creuset berlinois. La capitale
de l'Empire devenait capitale dans le domaine des idées aussi,
des impulsions en partaient qui allaient jusqu'à la périphérie.
Un certain goût s'y formait, le ton y était donné, donné surtout
par des Israélites berlinois. De la souplesse et du système, le
goût du nouveau et celui de la tradition, de la seule tradition
��
�
<references/> |
Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 12.djvu/594 | grand poids sous un même volume. L’homogénéité
des parties doit encore produire dans les ''pierres précieuses'' la transparence & l’éclat : c’est ce qu’on appelle
''eau'' en langage de lapidaire ; & c’est le plus ou
le moins de transparence ou de netteté de ces ''pierres''
qui avec leur dureté augmente ou diminue considérablement
le prix qu’on y attache.
Les vraies ''pierres précieuses'' sont le diamant, le rubis,
le saphire, la topase, l’émeraude, la chrysolite,
l’amethyste, l’hyacinthe, le péridot, le grenat, le
berille ou aigue-marine. ''Voyez ces différens articles''.
Toutes ces ''pierres'' se trouvent ou dans le sein de la
terre, ou dans le lit de quelques rivieres, au sable
desquelles elles sont mêlées ; elles ne peuvent pour
l’ordinaire être reconnues que par ceux qui sont habitués
à les chercher. C’est sur-tout dans les Indes
orientales que l’on trouve les ''pierres précieuses'' les plus
dures & les plus estimées ; les îles de Borneo, les
royaumes de Bengale, de Golconde, de Visapour &
de Pégu, ainsi que l’île de Ceylan, en fournissent
assez abondamment. Quant à celles que l’on trouve
dans les autres parties du monde, elles n’ont communément
ni la dureté, ni l’éclat, ni la transparence des
''pierres précieuses'' qui viennent de l’orient. C’est-là ce
qui a donné lieu à la distinction que font les Jouailliers & les Lapidaires de ces ''pierres'' en ''orientales'' & en
''occidentales'' ; distinction qui n’est fondée que sur leur
plus ou moins de dureté. Ainsi quand un lapidaire dit
qu’une ''pierre précieuse est orientale'', il ne faut point imaginer
pour cela qu’elles viennent réellement d’orient,
mais il faut entendre par-là que sa dureté est la même
que celle des ''pierres'' de la même nature qui viennent
de ces climats. Cette observation est d’autant plus
vraie, qu’il s’est trouvé en Europe même & dans l’Amérique, des ''pierres précieuses'' qui avoient la dureté
& l’éclat de celles des Indes orientales.
Il est très-difficile de rendre raison pourquoi les Indes sont plus disposées que d’autres pays à produire
des ''pierres précieuses ;'' il paroît en général que les climats
les plus chauds sont plus propres à leur formation
que les autres, soit que la chaleur du soleil y
contribue, soit que la nature du terrein y soit plus
appropriée, & les sucs lapidifiques plus atténués &
plus élaborés. Quoi qu’il en soit, il paroît certain que
toutes les ''pierres précieuses'' ont la même origine que les
crystaux ; lorsqu’on les trouve dans leurs matrices
ou minieres, elles affectent toujours une figure réguliere
& déterminée qui varie, étant tantôt prismatiques,
tantôt cubiques, tantôt en rhomboïde, ''&c''.
A l’égard des ''pierres précieuses'' qui se trouvent dans
le lit des rivieres, & mêlées dans le sein de la terre
avec le sable, on sent aisément que ce n’est point-là
le lieu de leur formation ; ces ''pierres'' qui sont roulées
& arrondies comme les cailloux ordinaires, doivent
avoir été apportées d’ailleurs par les torrens & les
eaux, qui les ont arrachées des roches & des montagnes
où elles avoient pris naissance. On a remarqué
que c’est à la suite des fortes pluies que l’on trouvoit
plus communément les ''pierres précieuses'', les topases
& les grenats dans le lit des rivieres de l’île de Ceylan.
On assure qu’il se trouve en Bohème des cailloux au
centre desquels on voit des rubis lorsqu’on vient à
les casser. Ce fait prouve que ces rubis ne sont autre
chose que la matiere la plus épurée de ces cailloux
qui s’est rassemblée à leur centre.
Les ''pierres précieuses'' varient pour la couleur ; les
rubis sont rouges, les topases sont jaunes, les émeraudes sont vertes, les saphirs sont bleus, ''&c.''
L’on ne peut douter que ces différentes couleurs ne
soient dûes aux métaux, qui seuls dans le regne minéral
ont la propriété de colorer. Comme ces substances
sont différentes de celles qui constituent les ''pierres précieuses'', il n’est point surprenant que les ''pierres'' colorées
n’aient point communément la même dureté{{DeuxColonnes}}
que le diamant, qui est pur, transparent, & composé
de parties purement homogenes.
Une des choses qui contribuent le plus au prix des
''pierres précieuses'', c’est leur grandeur. En effet, si ces
''pierres'' sont rares par elles-mêmes, celles qui sont
d’une certaine grandeur sont moins communes encore.
On pourroit en rendre une raison assez naturelle,
en disant que les ''pierres précieuses'' sont pour ainsi
dire l’extrait ou l’essence d’une grande masse de matiere
lapidifique, dont la partie la plus pure & la plus
parfaite ne peut former qu’un très-petit volume lorsqu’elle a été concentrée & rapprochée par l’évaporation
insensible qui lui a donné la consistence d’une
''pierre''.
Le grand prix des ''pierres précieuses'' n’avoit point
permis jusqu’à-présent aux Chimistes d’en tenter les
analyses par le moyen du feu : une entreprise si coûteuse
étoit réservée à des souverains ; elle a été tentée
à Vienne depuis quelques années, par l’empereur
François I. actuellement régnant, dont le goût pour
le progrès des Sciences est connu de tout le monde.
Par les ordres de ce prince on mit plusieurs diamans
& rubis dans des creusets terminés en pointe, que
l’on eut soin de lutter avec beaucoup d’exactitude ;
on les tint au degré de feu le plus violent pendant
vingt-quatre heures ; au bout de ce tems, lorsqu’on
vint à ouvrir les creusets, on vit avec surprise que
les diamans étoient totalement disparus, au point de
n’en retrouver aucuns vestiges. Quant aux rubis, on
les retrouva tels qu’on les avoit mis ; ils n’avoient
éprouvé aucune altération : sur quoi on exposa encore
un rubis pendant trois fois vingt-quatre heures
au feu le plus violent, qui n’y produisit pas plus d’effet
que la premiere fois ; il sortit de cette épreuve
sans avoir rien perdu ni de sa couleur, ni de son poids,
ni de son poli.
L’empereur a fait faire la même expérience de la
même façon, sur plus de vingt ''pierres précieuses'' de
différentes especes ; de deux heures en deux heures
on en retiroit une du feu, afin de voir les différens
changemens qu’elles pouvoient successivement éprouver. Peu-à-peu le diamant perdoit son poli, devenoit
feuilleté, & enfin disparoissoit totalement ; l’émeraude
étoit entrée en fusion, & s’étoit attachée au
fond du creuset ; quelques autres ''pierres'' s’étoient calcinées,
& d’autres étoient demeurées intactes. Avant
de faire ces expériences, on avoit eu la précaution
de prendre des empreintes exactes de toutes ces
''pierres'', afin de voir les altérations qu’elles éprouveroient.
Le grand duc de Toscane avoir déja antérieurement
fait faire des expériences sur la plûpart des
''pierres précieuses'', en les exposant au foyer d’un miroir
ardent de Tschirnhausen. Ces opérations peuvent
servir de confirmation à celles qui ont été rapportées
ci-dessus faites au feu ordinaire. On trouva donc que
le diamant résistoit moins à l’action du feu solaire que
toutes les autres ''pierres précieuses ;'' il commençoit
toujours par perdre son poli, son éclat & sa transparence ;
il devenoit ensuite blanc & d’une couleur d’opale ;
il se gersoit & se mettoit en éclats, & en petites
molécules triangulaires, qui s’écrasoient sous la
lame d’un couteau, & se réduisoient en une poudre
dont les parties étoient imperceptibles, & qui considérées
au microscope avoient la couleur de la poudre
de la nacre de perle. Tous les diamans subissoient ces
mêmes changemens, les uns plutôt, les autres un peu
plus tard.
Enfin on essaya de joindre au diamant différens
fondans ; on commença par du verre, qui ne tarda
point à entrer en fusion au miroir ardent, mais le diamant
nageoit à sa surface, sans faire aucune union
avec lui ; on chercha à l’enfoncer dans la matiere fondue,
mais ce fut inutilement : le diamant diminua<section end="PIERRES"/>
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</div> |
Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/268 |
— Oui, je sais qu’on a parlé à bord de quelque chose de semblable ;
mais on débite dans cette escadre tant de nouvelles de cuisine
que je n’y fais jamais beaucoup d’attention. Un de nos officiers a
parlé aussi d’un bruit qui court, et d’après lequel il semblerait qu’il
y a en Écosse une sorte de mutinerie. — Mais à propos, amiral, il
nous est arrivé à bord un lieutenant surnuméraire, et comme il nous a
rejoints sans ordres, je ne sais où le loger, ni à quelle table le mettre.
Nous pouvons lui donner l’hospitalité cette nuit ; mais demain matin
je serai obligé de l’inscrire régulièrement sur le rôle de l’équipage.
— Vous voulez parler de sir Wycherly Wychecombe ; je lui donnerai
une place à ma table plutôt que de vous causer aucun embarras.
— Je n’aurai pas la présomption de me mêler de qui que ce soit
que vous puissiez juger à propos d’inviter dans votre chambre, amiral,
répondit le capitaine en saluant d’un air roide, comme pour
faire des excuses. — Je dis toujours à mistress Stowel que je suis le
maître dans ma chambre, et que ma femme même n’a pas le droit d’y
entrer un balai à la main.
— Ce qui est un grand avantage pour nous autres marins, car
cela nous laisse une citadelle où nous pouvons nous réfugier, quand
l’ennemi s’est emparé des ouvrages avancés. — Vous ne paraissez
pas prendre grand intérêt à cette guerre civile, Stowel ?
— Cela est donc vrai, après tout ? Je supposais que c’était quelqu’une
des nouvelles de cuisine dont je vous parlais. Eh bien ! amiral
Bluewater, de qui est-il question ? Je n’ai écouté l’histoire qu’à
demi, et je n’y ai pas compris grand’chose.
— C’est uniquement une guerre pour décider qui sera roi d’Angleterre,
capitaine Stowel, rien de plus, je vous assure.
— Eh bien ! amiral, s’il faut dire la vérité, tous ces fainéants, qui
vivent constamment à terre, sont des gens difficiles à contenter. Nous
avons déjà un roi et d’après quel principe peut-on en désirer davantage
? J’ai causé un instant de cette affaire cette après-midi avec Blakely,
capitaine de ''l’Élisabeth'', qui était venu me voir, et nous avons
conclu l’un et l’autre que ce sont les fournisseurs du gouvernement
et les entrepreneurs des approvisionnements pour les troupes, qui
mettent en train de pareilles billevesées pour pêcher en eau trouble,
et en faire leur profit.
Bluewater écouta ce discours avec beaucoup d’intérêt, car il y
trouvait la preuve que deux de ses capitaines, au moins, seraient
complétement à sa disposition, et ne songeraient guère, du moins
<references/> |
Stevenson - Enlevé !.djvu/217 | se parler sans effort, ils serrèrent la voile et restèrent
immobiles.
Malgré mes supplications, ils refusèrent de venir
plus près et ce qui m’effraya le plus, ce fut de voir le
nouveau venu se tordre de rire tout en me parlant et
me regardant.
Alors il se tint debout dans le bateau, et me parla
longuement d’une voix hâtive, et en faisant de grands
gestes de la main.
Je lui dis que je ne savais pas un mot de gaélique.
Sur quoi il se mit fort en colère, et je fus sur le point
de soupçonner qu’il se figurait parler anglais.
À force de tendre l’oreille, je saisis le mot ''Whateffer'',
prononcé plusieurs fois, mais tout le reste était du
gaélique et eût tout aussi bien pu être du grec ou de
l’hébreu pour moi.
— ''{{lang|en|Whatever}}'', lui dis-je, pour lui montrer que j’avais
compris un mot.
— Oui, oui, oui, oui, fit-il.
Et alors il regarda les autres hommes, comme pour
leur dire :
— Vous le voyez bien, que je parle anglais.
— Puis il se remit de toutes ses forces à parler gaélique.
Cette fois je saisis au passage le mot de ''marée ;'' alors
j’eus un rayon d’espoir.
Je me rappelle qu’il ne cessait d’agiter la main vers
la terre ferme de Ross.
— Voulez-vous dire, à marée basse ! m’écriai-je.
Et je ne pus achever.
— Oui, oui, dit-il, marée.
Sur ces mots, je tournai le dos à leur bateau, où
mon interlocuteur avait recommencé à se tordre de
rire, je refis le chemin que je venais de parcourir,
<references/> |
Wells Ile du Docteur Moreau 1896.djvu/138 |
Je lui demandai pourquoi il avait pris la forme humaine comme modèle. Il me semblait alors, et il me semble encore maintenant, qu’il y avait dans ce choix une étrange perversité.
Il avoua qu’il avait choisi cette forme par hasard.
— J’aurais aussi bien pu transformer des moutons en lamas, et des lamas en moutons. Je suppose qu’il y a dans la forme humaine quelque chose qui appelle à la tournure artistique de l’esprit plus puissamment qu’aucune autre forme animale. Mais je ne me suis pas borné à fabriquer des hommes. Une fois ou deux...
Il se tut pendant un moment.
— Ces années ! avec quelle rapidité elles se sont écoulées ! Et voici que j’ai perdu une journée pour vous sauver la vie et que je perds une heure encore à vous donner des explications.
— Cependant, dis-je, je ne comprends pas encore. Quelle est votre justification pour infliger toutes ces souffrances ? La seule chose qui pourrait à mes yeux excuser la vivisection serait quelque application...
— Précisément, dit-il. Mais, vous le voyez, je suis constitué différemment. Nous nous plaçons à
<references/> |
Le Parnasse contemporain, III.djvu/378 | <poem>
Je ne m’en émeus plus ni trop ne m’en étonne,
Car je sais quels débris roulent les plus purs flots ;
Et, dans un même accord, quels déchirants sanglots
Ils mêlent si souvent à leur chant monotone.
C’est la loi de tout être, et j’y cède à mon tour,
Honteuse seulement qu’à tant de fier courage
S’offrent toujours pareils l’écueil et le naufrage,
Et sans comprendre mieux qu’on survive à l’amour.
De quoi donc notre cœur est-il fait, qu’il résiste,
Qu’il saigne, et puisse encor trouver un battement
De tendresse et de joie, après ce long tourment,
Lorsqu’il se sent au fond si cruellement triste ?
Pardonner, accepter, est-ce donc moins souffrir ?
Lequel montre dans nous un plus beau privilége,
Celui qui s’abandonne au regret qui l’assiége,
Ou celui qui combat pour vaincre ou pour périr ?
Que nous vaut cependant le prix de la victoire ?
Que faisons-nous jamais de notre liberté ?
Où trouver ici-bas le calme souhaité ?
A quoi bon se défendre, hélas ! à quoi bon croire ?
Quand le vent de sa tige a détaché la fleur,
Elle suit quelque temps le torrent qui la berce ;
Sa coupe de parfums au soleil se renverse,
Et la fraîcheur de l’onde avive sa couleur.
</poem>
<references/> |
Rousseau - Collection complète des œuvres t1.djvu/408 | est donc une des maximes fondamentales du Gouvernement populaire ou légitime. Si les enfans sont élevés en commun dans le sein de l’égalité, s’ils sont imbus des loix de l’Etat & des maximes de la volonté générale, s’ils sont instruits à les respecter par-dessus toutes choses, s’ils sont environnés d’exemples & d’objets qui leur parlent sans cesse de la tendre mere qui les nourrit, de l’amour qu’elle a pour eux, des biens inestimables qu’ils reçoivent d’elle, & du retour qu’ils lui doivent, ne doutons pas qu’ils n’apprennent ainsi à se chérir mutuellement comme des freres, à ne vouloir jamais que ce que veut la société, à substituer des actions d’hommes & de citoyens au stérile & vain babil des sophistes, & à devenir un jour les défenseurs & les peres de la patrie dont ils auront été si long-tems les enfans.
Je ne parlerai point des magistrats destinés à présider à cette éducation, qui certainement est la plus importante affaire de l’Etat. On sent que si de telles marques de la confiance publique étoient légèrement accordées, si cette fonction sublime n’étoit pour ceux qui auroient dignement rempli toutes les autres le prix de leurs travaux, l’honorable & doux repos de leur vieillesse, & le comble de tous les honneurs, toute l’entreprise seroit inutile & l’éducation sans succès : car, par-tout où la leçon n’est pas soutenue par l’autorité & le précepte par l’exemple, l’instruction demeure sans fruit, & la vertu même perd son crédit dans la bouche de celui qui ne la pratique pas. Mais que des guerriers illustres, courbés sous le faix de leurs lauriers, prêchent le courage ; que des magistrats integres, blanchis dans la pourpre & sur les tribunaux, enseignent
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/191 | analogue à celui des ''Rois'', de Jules Lemaître, et de ''Majesté'',
de Louis Gouperus. Le héros du roman est un prince allemand,
aux goûts simples, qui voudrait satisfaire les aspirations de son
peuple, mais entre en conflit avec les traditions monarchiques
de sa famille. Dégoûté du protocole de la cour et des finasseries
de la politique, le prince Othon abandonne les rênes du gouvernement à sa femme.
La princesse, qui méprise un souverain sans énergie, l’évincé
peu à peu des affaires, va jusqu’à le faire interner dans un château fort et règne avec laide du chancelier Gondremark. Mais,
quand ce dernier, enhardi par sa faveur, veut devenir son amant,
Séraphine, qui est une honnête femme, s’indigne et le poignarde.
Cependant une révolution éclate et renverse le trône. La princesse
affolée s’enfuit à travers les bois et, regrettant le bonheur conjugal perdu, demande pardon à Othon et gagne sa tendresse.
Ainsi, l’amour, sacrifié naguère à la passion politique, renaît
dans ces deux cœurs de princes, au contact de la nature et de la
vie simple. Telle est cette sorte de vaudeville, où Stevenson s’est
essayé à la peinture des caractères.
Les ''Nouvelles Mille et une Nuits'' forment la transition au
roman étrange et tragique. Elles nous content les expériences du
prince Florizel (de Bohême), un grand seigneur décavé qui, en
compagnie de son ex-premier ministre, fréquente les cercles
louches de Londres. Il se fait, un jour, affilier au <i>Club du Suicide</i>, société de désespérés qui s’engagent, chacun à son tour, à
délivrer un de leurs compagnons, désigné par le sort, du fardeau
de la vie. Il n’échappe au sort fatal que par le stratagème de
son premier ministre.
Le ''Dynamiteur'' renferme une série d’aventures, courues par
quelques gentilshommes ruinés, qui se sont rencontrés au Divan
fumoir bohémien. Godall, le tenancier du divan, n’est autre que
le prince Florizel. Jones, le chimiste qui fabrique les engins
explosifs, est un vrai Protée, il se métamorphose sous tous les
costumes et emploie comme agens quelques femmes, devenues
d’ardentes apôtres de la réforme de la société par la dynamite.
Les explosions se produisent, tantôt à Londres, tantôt à New-York ou jusque dans l’Italie, d’une façon mystérieuse. Ce n’est
que vers le milieu du livre que l’on découvre que Jones est le
révolutionnaire qui tient dans ses mains tous les fils de cette
conspiration.
<references/> |
Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 4, 1838.djvu/125 |
{{t3|{{Sc|la vieille tante saxonne.}}|CHAPITRE XIII.}}
{{épigraphe|On se rouille dans un long repos ; le plaisir naît du changement ; trop de confiance est dangereux : levons-nous et commençons nos courses.
|''Vieille chanson''.}}
Le lendemain matin de bonne heure, un noble cortège, sur lequel
à la vérité, le deuil des principaux personnages jetait une
teinte de tristesse, quitta le château de Garde-Douloureuse, qui
venait d’être le théâtre d’événements si remarquables.
Le soleil commençait à pomper les larges gouttes de rosée qui
étaient tombées pendant la nuit, et à dissiper les vapeurs grisâtres
qui tourbillonnaient autour des tourelles et des remparts,
lorsque Wilkin Flammock, accompagné de six archers à cheval
et d’autant de lanciers à pied, sortit de la grande porte gothique
voûtée et traversa le pont-levis. Après cette avant-garde venaient
quatre serviteurs de la famille, bien montés, et après eux un
nombre égal de femmes au service de la maison, et vêtues de
deuil. Venait ensuite la jeune lady Éveline, qui occupait le centre
de cette petite cavalcade, et dont la longue robe noire formait
un contraste frappant avec l’extrême blancheur de son palefroi.
À côté d’elle, montée sur un genêt d’Espagne, don de son tendre
père, qui se l’était procuré à grand prix, et qui aurait donné la
moitié de son bien pour contenter sa fille, était Rose Flammock,
cette jeune fille aux manières enfantines, qui réunissait à la timidité
de la jeunesse une sensibilité vive et du jugement dans sa manière
de penser et d’agir. Dame Marguerite suivait, escortée par
le père Aldrovand, dont elle recherchait la compagnie ; car Marguerite
affectait la dévotion ; et l’influence qu’elle possédait dans
la famille en qualité de nourrice d’Éveline était assez grande pour
la rendre digne de tenir compagnie au chapelain, quand sa jeune
maîtresse pouvait se dispenser de sa présence. Venaient ensuite
le vieux piqueur, Raoul, sa femme, et deux ou trois autres domestiques
de la maison de Raymond Berenger. L’intendant, avec sa
chaîne d’or, sa veste de velours et sa baguette blanche, conduisait
l’arrière-garde, composée d’une petite troupe d’archers et de quatre
hommes d’armes. Les gardes, et même une grande partie de la
suite, n’étaient destinés qu’à donner plus de pompe et d’éclat à la
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 19.djvu/510 | une telle cause, mais faisons des vœux pour que chaque église trouve un prêtre exemplaire. Tout est là, comme au temps des grandes invasions. Il y a des hommes qui, par la qualité de leur être, s’imposent au respect, persuadent, arrêtent les Barbares, s’en font des auxiliaires. Aux heures où l’esprit politique est vicié, semble anéanti, et quand le retour à la barbarie s’annonce par le discrédit où tombent les idées élevées, la vertu qui se fait reconnaître à ses œuvres devient une puissance. C’est elle, mieux qu’aucune page d’aucun écrivain, qui ramènerait les esprits à l’église. Quand je vois des Français, ni meilleurs, ni pires que leurs pères, en somme des êtres d’une excellente matière humaine, tirer gloire de dévaster ces beaux édifices de lumière et de charité qu’ils sont impuissans à remplacer, je désire de tout mon cœur pouvoir causer avec chacun d’eux, et je ne doute pas que je parviendrais à les convaincre, tant la cause est aisée ; mais où les joindre, et comment m’assurer en eux un peu de cette bonne volonté sans laquelle tout discours est vain ? Alors, devant ces églises, ça et là demi-désertées, demi-écroulées, je me surprends à murmurer la grande vérité, le mot décisif : les églises de France ont besoin de saints.
Étrange époque, crise inouïe, où tel doit être, en dernière analyse, le vœu ardent des philosophes et des artistes, l’appel inattendu des Renan, des Théophile Gautier et de leurs disciples, saisis par le flot qui monte de la grossièreté destructrice.
MAURICE BARRÈS.
<references/> |
Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/291 | ' ' I ` •
SES VOYAGES D°E'1‘UDE 273
ouvrage (VI, XIIQXXXIV) étaient presque uniquement
remplis par d’amples exposés géographiques. Strabon
cite sans cesse ses descriptions et ses évaluations de
distances *. Lui·méme nous a fréquemment parlé de ses
voyages. Beaucoup de ceux-ci avaient eu pour occasion
immédiate des expeditions militaires, des négociations‘
diplomatiques, des affaires; quelques-uns memes n’a-
vaient été en principe que de simples déplacements do
chasse, surtout en compagnie de Scipion ”. Mais, en toute
circonstance, l’observateur curieui: trouvait son compte,
et le géographe faisait ses provisions. Il parcourut ainsi,
a maintes reprises, la plus grande partie de la Grece et
de l’Italie, l’Egypte, la Sicile, comme on le voit par de
nombreux passages de ses récits. Mais il fit mieux en-
core : il entreprit de véritables voyages d’exploration.
Dans un tres beau passage du Ill° livre (ch. 58 et 59),
il rappelle les diflicultés presque insurmontables qui
s'opposaient jadis, dans le morcellement et la barbarie
universelle du monde ancien, aux lointaines explora-
tions. Désormais, les conquétes d’Alexandre et celles de
Rome ont rendu ce genre de voyages sinon faciles, du
moins possibles. Il a donc voulu parcourir des régions ·
nouvelles ou peu connues. Il a visité, non sans danger,
la Libye, l`Ibérie, la Gaule jusqu’a la mer extérieure
(l’0céan); il a parcouru les Alpes, afin de mieux com-
prendre la marche d’Annibal °. Il ne néglige pas l’astro-
uomie, qu'il juge nécessaire en quelque mesure 21 un
bon général *, et sur laquelle il avait peut-étre écrit lui-
meme 5. Mais il n’est pas, cependant, un géographe
savant de l’école des Pythéas et des Eratosthene : il est
1. Cf. Dubois, p. 299-300.
2. Polybe, XXXL 22, 3; XXXII, 15.
3. Polybe, III, 48, 12.
4. Potybe, IH, 14.
5. V. plus haut, p. 261.
Hist. do la Litt. greeque. — T. V. 18
�
<references/> |
Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/85 | car l’hôtel coûtait trop, — ils se décidèrent pour un logis au troisième étage dans la Grande-Rue, non loin du port.
C’était triste, triste ; cela ouvrait sur une cour profonde et désolée.
Une seule fenêtre regardait la rue ; on voyait de là, tout en bas, piétiner sur la boue des passants en sabots, qui, le dimanche, titubaient ; dans le lointain, apparaissait un peu de l’arsenal, et un coin de la caserne des matelots sur la colline de Recouvrance ; partout, de hautes et massives constructions de granit, aux nuances très foncées, luisantes de pluie.
Ils se disaient qu’ils changeraient plus tard, qu’ils tâcheraient de trouver mieux ailleurs.
Ce fut d’abord comme provisoirement qu’ils s’installèrent, complétant, avec le plus d’économie possible, le peu du mobilier provençal qu’ils n’avaient pas eu le courage de vendre.
Et, quand les caisses, venues par petite vitesse, furent montées et ouvertes ; quand les chers objets rapportés de là-bas commencèrent à reparaître, à la lumière grise d’ici, entre les murs du logis d’exil, Jean et sa mère,
<references/> |
Sainte-Beuve - Port-Royal, t3, 1878.djvu/367 | ''dans, mais leur vie s’écoule avec ces larmes profondes ! »'' Et n’est-ce pas ainsi que lui-même est mort comme eux<ref>Voir sur la mort de M. Vinet mon volume des ''Derniers Portraits littéraires'', 1852, pages 489-491.</ref> ?
Disons-nous bien que nous sommes ici devant le beau moral et intime de notre sujet, dans sa plus sublime expression : l’évanouissement de Pascal, la mort de sa sœur ! Il y a le beau moral sous la forme antique, je l’ai déjà indiqué, la mort d’Épaminondas au sein de la victoire, et son âme triomphante qui jaillit de sa blessure avec son sang. Donnez à apprendre aux enfants l’Hymne d’Aristote à la Vertu, l’Hymne de Cléanthe, les vers de Simonide sur les Thermopyles : cela ne fera pas des Chrétiens, mais cela fera des hommes. Caton sortira de là, et, s’il le faut, arrachera avec ses mains ses entrailles. Voilà le beau moral sous sa forme héroïque, stoïque. Quant au beau moral chrétien, intérieur, tout rentré et tout voilé, nous le surprenons ici dans son essence la plus pure. Port-Royal désormais ne nous en offrira point d’exemple plus accompli. Cette dissidence de Pascal avec ses amis est plus grave qu’on ne l’a dit, et que ceux qui y assistaient ne l’ont senti eux-mêmes. Avec lui monte et s’échappe le dernier grand éclair de l’esprit de Saint-Cyran. Cet esprit ne luira plus dorénavant qu’à travers des ombres. Arnauld le combinera, le mêlera sans cesse avec des choses toutes contraires, avec l’esprit de Descartes, par exemple, ou encore avec l’esprit des Stoïciens. Il y a telle lettre de lui<ref>Lettre du 28 mai 1682.</ref> où il se prend à citer avec admiration le {{lang|la|''præter atrocem animum Catonis''}} : lui-même il avait quelque chose de cette âme. C’est bien ; c’est une noble et généreuse inconséquence dans un Chrétien, mais enfin une
<references/> |
Ségur - Diloy le chemineau, Hachette, 1895.djvu/263 | pied... à la chute des reins. Elle ne serait pas revenue à la charge, et tu n’aurais pas reçu ses impertinences.
Et qu’y aurais-je gagné, mon ami ? De la mettre en colère, de ne pouvoir pas lui ouvrir les yeux sur l’injustice de son exigence et sur les obligations des maîtres envers leurs serviteurs.
Et tu crois qu’elle a compris tout cela ? Elle t’en veut à mort.
Je crois qu’après le premier moment passé, elle réfléchira à ce que je lui ai dit, et qu’elle ne recommencera pas à l’avenir. Je n’ai pas cédé, au total, et j’espère avoir agi sagement. »
Le général la regarda un instant ; la douceur de cette voix, de cette physionomie le toucha ; il l’embrassa et lui dit :
« Tu es un ange ; tu es cent fois meilleure et plus sage que moi. Tu as raison, tu as bien fait ; pardonne-moi ma vivacité ; je t’aime, et je respecte ta vertu.
Je suis heureuse de ta tendresse, cher Albert ; tu m’as toujours aimée, et moi aussi je t’ai toujours aimé bien tendrement.
{{PersonnageD|Le général|c|l’embrassant encore.}}
Au revoir, ma bonne sœur ; je vais continuer ma lecture sous ta fenêtre. »
Gertrude finit, moitié riant, moitié sérieusement,
<references/> |
Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1437 | LIVRE VII, Cil. XII, g 8. /i33
d'ailleurs qui peut ne pas avoir d'expression dans le
langage , mais qui en réalité, peut bien se concevoir, dès
lors il n'y aurait aucune différence à ce qu'un autre être
connût à votre place, au lieu que vous connussiez vous-
même. Il n'y aurait même auciuie différence qu'un autre
être vécût à votre place, quoiqu'on préière plutôt, et avec
toute raison, de sentir et de connaître soi-même. Car il
faut que notre raison réunisse ces deux idées à la fois:
d'abord, que la vie est une chose désirable, et ensuite que
le bien l'est également, parce que c'est ainsi seulement
que les hommes peuvent avoir la nature qu'ils ont. g 8.
Si donc dans la série coordonnée des choses, l'un des
deux éléments se trouve toujours au rang du bien, c'est
que connaître et choisir les choses participe d'une ma-
nière toute générale de la nature finie. Par conséquent,
vouloir sentir soi-même, c'est vouloir exister soi-même
d'une certaine façon spéciale. Mais' comme, de fait, nous
ne sommes point par nous-mêmes aucune de ces facultés
séparément , nous n'existons qu'en jouissant de ces deux
facultés réunies, celle de sentir et celle de connaître.
��ei en soi uniqiicmcut. Celte der- précis ; et probablement, il est altéré
nière expression n'a pas ici le sens en cet endroil, quoique les manus-
qu'elle a d'ordinaire dans le langajïc crilsne donnent pas de variante,
philosophique; elle st'niblerait signi- § 8. La série coordonnée des
fier plutôt : « selon qu'elle ou n'est elioscs. C'est le système des Pythap;o-
pas dans la pei-sonne », comme la riciens. Votr la Métaphysique, livre I,
suite le prouve. — // n'y aurait ch. 4, p. 144, trad. de M. Victor
aucune différence. Idée assez singu- Cousin. — Des deux éléments. La
lière, ainsi que toutes celles qui la sensalion et !a connaissance. — De
développent et cherchent à l'expli- la nulure finie. En d'autres termes,
qncr. — Parce r/wf; c'est ainsi scu- du fini qu'on peut déterminer, et
Irmcitt . L'original n'est pas aussi i:r)!i de riiifmi qui nous écha|)pe. —
28
��
�
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1873 - tome 105.djvu/325 | ce n’était que pour deux années ; il faudrait bien au bout de ce court terme avoir recours à eux, au moins pour battre monnaie. Le roi d’ailleurs l’avait juré.
« Les deux années s’écoulent, et bien d’autres avec elles, et l’on se passe des états pour remplir les coffres. Le roi meurt, et ce duc d’Orléans, qui en 1483 se donnait pour le promoteur et le patron des états, qui en 1483 allait solennellement réclamer devant le parlement une nouvelle réunion des trois ordres, ce prince, devenu Louis XII, ne semble avoir nul souci de dégager la parole de Charles VIII. Une seule fois durant son règne, nous voyons s’assembler au Plessis-lès-Tours, spontanément, disent quelques historiens, à l’instigation du roi, disent quelques autres, les délégués de la nation. Ils viennent supplier le roi de rompre les fiançailles de madame Claude de France avec Charles d’Autriche, celui qui doit être un jour Charles-Quint, et d’écarter ainsi dans l’avenir un danger menaçant pour l’unité du royaume. Leur vœu est trop d’accord, peut-être même trop de connivence avec le secret désir du roi pour n’être pas exaucé. Madame Claude est fiancée à celui qui sera François Ier, et, au milieu de l’émotion et des acclamations générales, l’orateur des états décerne à Louis XII le beau titre de « père du peuple. » De réformes, de périodicité, de doléances, de vote de l’impôt, il n’en est point question.
Du moins Louis XII a-t-il aux yeux de l’histoire l’excuse d’avoir assuré le bonheur et la prospérité de son peuple, et, à notre point de vue spécial, le singulier mérite, en réduisant l’impôt, en organisant le contrôle de l’administration, en réformant la discipline des troupes, en restituant l’indépendance et le respect de la justice, d’avoir mis successivement en pratique les vœux de l’assemblée de 1483. Ses successeurs n’ont pas les mêmes titres à l’indulgence. De nouvelles guerres plus désastreuses encore, des dépenses ruineuses, des prodigalités de toute nature, des impôts écrasans, le despotisme, le désordre, les excès de tout genre, voilà le bilan de deux règnes et de cinquante années sans états-généraux. François Ier d’abord avait séduit la nation par le prestige de sa gloire et de ses dehors chevaleresques. Avec Henri II, les calamités de la guerre, l’accroissement des charges, la lourdeur de l’oppression, détruisent toutes les illusions et lassent toutes les patiences, vers la fin de son règne, en 1558, à bout de ressources, pressé par l’ennemi, menacé par l’émeute, impuissant à lever la moindre taxe sans le concours des états, Henri II se voit contraint d’appeler à lui les représentans des trois ordres. Il faut au roi trois millions d’écus d’or ; mais ce n’est pas sur le peuple qu’il les veut prendre. Il prétend « trouver trois mille personnes en son royaume qui lui
<references/> |
Coubertin - Essais de psychologie sportive.djvu/122 | {{nr|___________________________ |116| ___________________________}}{{tiret2|na|geur}} à la fin d’un concours de vitesse ; vous ferez sur eux des observations analogues. Or, ce que le regard révèle ainsi au simple spectateur, l’acteur le ressent avec une force singulière. Il connaît la beauté et l’agrément du rythme ; il les a connus dès qu’il a atteint la dose d’adresse et d’entraînement suffisante à les lui faire goûter en lui procurant l’aise nécessaire. Il sait d’autre part et par expérience que la vitesse excessive embrouille et détruit le rythme. D’où vient qu’il y renonce si volontiers ? Et, bien entendu, nous ne prenons pas à partie celui qui est engagé dans une compétition véritable, car celui-là doit, avant tout, se proposer d’être le premier et, course ou assaut, c’est par la vitesse (ou bien alors par l’endurance) que s’obtiendra la victoire. Mais nous parlons du sportsman de tous les jours que tourmente visiblement le démon de la vitesse et qui délaisse pour cela les charmes du rythme. Le cas le plus commun et le plus intelligible est celui du chauffeur. Vous nous direz que l’automobile n’est pas tout à fait un
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 44.djvu/463 | particulier, « se trouve dans l’état le plus florissant. » Il y assiste à une représentation de ''La Dot'' et de ''Blaise et Babet'' : la salle est toute remplie d’officiers et de soldats ; et, comme plusieurs auditeurs se sont permis de siffler une cantatrice, voici qu’un corps de troupe s’empare des mécontens et les conduit au poste ! A Paris, où « les Anglais sont innombrables, » le voyageur ne se défend point d’admirer « l’ordre et la régularité qui règnent partout : » d’où il conclut qu’un régime « militaire » et de forte police, tel que vient de l’inaugurer le Premier Consul, « est le meilleur qui convienne à ce pays-ci, — encore qu’à Dieu ne plaise que nous en soyons jamais affligés en Angleterre ! » Car toute la France n’est « qu’une vaste caserne, » et Paris, à lui seul, « contient plus de 15 000 soldats. »
Stanley, naturellement, serait très heureux de voir le nouveau grand homme ; mais celui-ci tarde à se montrer en public, et notre voyageur se remet en route pour Lyon, où il a du moins, la consolation de pouvoir assister à une belle séance de la guillotine. Cinq voleurs de grand chemin sont exécutés, tour à tour, sur la Place des Terreaux. « Tout l’ensemble de l’opération n’a pas duré plus de cinq minutes... Je me rappelle surtout l’affreuse situation du cinquième prisonnier : il a vu ses compagnons monter, l’un après l’autre, sur l’échafaud, a entendu chacun des coups fatals, et regardé la manière dont on écartait les corps, afin de lui faire place. Jamais je n’oublierai l’expression de son visage, au moment où il s’est étendu sur la planche mortelle : après avoir aperçu l’endroit où les têtes de ses compagnons étaient tombées, il a fermé les yeux, et, au même instant, son visage, qui était d’une pâleur livide, est devenu rouge cramoisi ; puis un cordon a été tiré, et il a cessé de vivre. »
Entre Lyon et Genève, Stanley soupe, dans une auberge, avec deux officiers français, dont l’un se trouve être de nationalité suisse. Celui-là déteste le Consul « parce qu’il a détruit sa patrie ; » mais l’autre, le Français, le déteste bien plus encore, au nom de Rousseau et de ses principes républicains. Cet officier « sans-culotte, » dont Stanley s’aperçoit avec épouvante qu’il « doute de l’existence du Diable, » reproche également à Bonaparte « d’avoir fait la paix avec l’Angleterre ; » mais le plus étonnant est que, « tout en parlant sans cesse, il ne cesse point de manger. » On aimerait à savoir ce que sont devenus, par la suite, les deux officiers, et s’ils ont persévéré dans leur jacobinisme lorsque Napoléon, après leur avoir attaché sur la poitrine sa croix d’honneur en les tutoyant paternellement, les a entraînés derrière lui à la conquête du monde.
<references/> |
Rousseau - Dictionnaire de musique, Vve Duchesne, 1768.djvu/9 | PRÉFACE.
LA Musique est, de tous les beaux Arts, celui dont
le Vocabulaire est le plus étendu, & pour lequel un Dictionnaire est, par conséquent, le plus utile. Ainsi, l’on ne doit pas mettre celui-ci au nombre de ces compilations ridicules, que la mode ou plutôt la manie des
Dictionnaires multiplie de jour en jour. Si ce Livre est bien fait, il est utile aux Artistes. S’il est mauvais, ce n’est ni par le choix du sujet, ni par la forme de l’ouvrage. Ainsi l’on auroit tort de le rebuter sur son titre. 11 faut le lire pour en juger.
<br>
L’utilité du sujet n’établit pas, j’en conviens, celle du Livre; elle me justifie seulement de l’avoir entrepris, & c’est aussi tout ce que je puis prétendre; car d’ailleurs, je sens bien ce qui manque à l’exécution. C’est ici moins un Dictionnaire en forme, qu’un recueil de matériaux pour
un Dictionnaire, qui n’attendent qu’une meilleure main
pour être employés. Les fondemens de cet Ouvrage furent
jettes si à la hâte, il y a quinze ans, dans l’Encyclopédie, que, quand j’ai voulu le reprendre sous œuvre, je n’ai pu lui donner la solidité qu’il auroit eue, si j’avois eu plus de tems pour en digérer le plan & pour l’exécuter.
<br>
Je ne formai pas de moi-même cette entreprise, elle
me fut proposée ; on ajouta que le manuscrit entier de
l’Encyclopédie devoit être complet avant qu’il en fût imprimé une seule ligne ; on ne me donna que trois mois
pour remplir ma tâche, et trois ans pouvoient me suffire
à peine pour lire, extraire, comparer & compiler les Auteurs dont j’avois besoin : mais le zèle de l’amitié m’aveugla sur l'impossibilité du succès. Fidèle à ma parole, aux dépens de ma réputation, je fis vite et mal, ne pouvant
<br>
''a ij''
<references/> |
Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855.djvu/245 | }}aux autres qu’il est mort, il en serait fort content, à condition toutefois qu’il ne le crût pas lui-même.
{{brn|2}}
{{img float|file=Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855 (page 245 crop).jpg|Sand - Œuvres illustrées de George Sand, vol 8, 1855 (page 245 crop)|width=450px|align=center|cap=Métastase essaya de se défendre contre ce charme. (Page 242.)}}
{{brn|2}}
— Voilà une sotte manie pour un grand homme, répondit Consuelo. Que faudra-t-il donc lui dire, s’il ne faut lui parler ni de guérison, ni de mort ?
— Il faut lui parler de sa maladie, lui faire mille questions, écouter tout le détail de ses souffrances et de ses incommodités, et, pour conclure, lui dire qu’il ne se soigne pas assez, qu’il s’oublie lui-même, qu’il ne se ménage point, qu’il travaille trop. De cette façon, nous le disposerons en notre faveur.
— N’allons-nous pas lui demander pourtant de faire un poème et de vous le faire mettre en musique, afin que je puisse le chanter ? Comment pouvons-nous à la fois lui conseiller de ne point écrire et le conjurer d’écrire pour nous au plus vite ?
— Tout cela s’arrange dans la conversation ; il ne s’agit que de placer les choses à propos. »
Le maestro voulait que son élève sût se rendre agréable au poète ; mais, sa causticité naturelle ne lui permettant point de dissimuler les ridicules d’autrui, il commettait lui-même la maladresse de disposer Consuelo à l’examen clairvoyant, et à cette sorte de mépris intérieur qui nous rend peu aimables et peu sympathiques à ceux dont le besoin est d’être flattés et admirés sans réserve. Incapable d’adulation et de tromperie, elle souffrit d’entendre le Porpora caresser les misères du poëte, et le railler cruellement sous les dehors d’une pieuse commisération pour des maux imaginaires. Elle en rougit plusieurs fois, et ne put que garder un silence pénible, en dépit des signes que lui faisait son maître pour qu’elle le secondât.
La réputation de Consuelo commençait à se répandre à Vienne ; elle avait chanté dans plusieurs salons, et son admission au théâtre italien était une hypothèse qui agitait un peu la coterie musicale. Métastase était tout-puissant ; que Consuelo gagnât sa sympathie en caressant à propos son amour-propre, et il pouvait confier au Porpora le soin de mettre en musique son ''Attilio Regolo'', qu’il gardait en portefeuille depuis plusieurs années. Il était donc bien nécessaire que l’élève plaidât pour le maître, car le maître ne plaisait nullement au poëte impérial. Métastase n’était pas Italien pour rien, et les Italiens ne se trompent pas aisément les uns les autres. Il avait trop de finesse et de pénétration pour ne point savoir
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 3.djvu/550 | pouvait puiser dans son âge et son rang ce qu’il l’allait d’indépendance pour parler librement à un jeune prince, sans cependant manquer au respect.
« Mon cousin, écrivait le Roi à Boufflers,... je vous ai confié la personne du Duc de Bourgogne. C’est à vous de prendre soin de sa réputation et à faire en sorte qu’il fasse une campagne glorieuse... Je vous recommande d’avoir une attention particulière à ce que tout le monde soit content de luy et de luy dire librement ce que vous croirés qu’il doit faire pour cela<ref> Dépôt de la Guerre, 1552, le Roi à Boufflers, 26 avril 1702. </ref>, » et le vieux maréchal, qui sentait à la fois l’honneur et la responsabilité, répondait, un mois après que le Duc de Bourgogne avait rejoint l’armée : « Quand il s’agit, outre le service de Votre Majesté, de répondre de la personne de M. le Duc de Bourgogne et de sa gloire, il n’est pas possible que des considérations si importantes ne rendent pas un général un peu plus circonspect. Cependant Votre Majesté peut s’assurer que, pour peu que dans le cours de cette campagne je trouve des choses praticables, je ne manquerai pas de les proposer à Mgr le Duc de Bourgogne, lequel certainement y donnera les mains avec empressement, car il ne désire que des occasions de faire et d’agir<ref> ''Ibid''., 1554, Boufflers au Roi, 21 juin 1702. </ref>. »
Le choix de l’armée que commanderait le Duc de Bourgogne une fois arrêté, il fallait décider qui l’accompagnerait. De ses deux gentilshommes de la manche, l’un, Puységur, bon militaire qui aurait pu lui être utile, était déjà en Flandre ; l’autre, Montviel, avait accompagné Philippe V en Espagne. Des trois autres gentilshommes que le Roi avait placés, six années auparavant, auprès de lui, d’O, qui avait servi longtemps sur mer, était désigné pour accompagner le comte de Toulouse, « auquel, dit Dangeau, le Roi accordoit la grâce qu’il lui avoit si souvent demandée, d’aller faire cette année sa charge d’amiral<ref> ''Dangeau'', t. VIII, p. 344. </ref>. » Chiverny n’était pas dans un état de santé qui lui permît de faire campagne. Il ne restait que Saumery, son ancien sous-gouverneur, qui, tout incommodé qu’il fût d’une vieille blessure, ne demandait qu’à marcher. Le Roi lui adjoignit un gentilhomme autrefois attaché à Monsieur qui se trouvait pour lors sans emploi et qui avait nom Cayeux. Saint-Simon qualifie ce choix de sauvage, sans qu’on puisse savoir au juste
<references/> |
Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, VII.djvu/400 | }yo OEuvREs DE Descartes. 432-433.
(juce ejî inter partes lemporis in abftrado confiderati'' ;
de quo hîc non eft quseftio, fed de tempore, feu dura-
tione rei durantis, cujus non negas fin|gula raomenta
poHe a vicinis feparari, hoc eft rem durantem fingulis
momentis definere efl'e. ' 5
• Cùmque ais, vim ejje in nobis, qiiœ ut perfeveremus
prœjiare fufficiat. niji corrumpens caufa fuperveniat^,
non advertis te creatur?e tribuere perfedionem crea-
toris, quôd nempe independenter ab alio in elle per-
525 feveret, ac creatori imperfedionem creaiturse, quôd 10
nempe per pofitivam adionem tendere debeat in non
ens, û quando velit efficere ut effe definamus.
Qiiod deinde addis de progrejju in infinitum, nempe
non abfurdum effe illum dari", a te ipfo poftea infirma-
tur. Faferis enim abfurdum ejffe in caufis ita inter fe i5
connexis ut inferior Jine fuperiore agere non pojjif^ \
de talibus enim tantùm hîc quîeftio eft, nempe de cau-
fis in eJffe, non de caufis in fieri, ut funt parentes ".
Nec proinde Ariftotelis authoritas hic mihi adverfa-
tur; ut neque etiam id quod ais de Pandorà : fateris 20
enim omnes perfediones quas in hominibus animad-
verto, variis gradibus pofTe a me adaugeri, adeo ut
poftea videam taies efle, ut in humanam naturam
cadere non poffint : quod omnino mihi fufficit ad Dei
exiftentiam demonftrandam. Eft enim illa ipfa vis 25
5 Apres effe, non à la ligne [i" et a' édit.). — 1 2 Après definamus,
même remarque.
a. Page 3or, 1. 6, etc.
b. Page 3o2, I. 4-6.
c. Ibid., 1. 24.
d. Ibid., 1. 27, à p. 3o3, 1. i.
c. Voir t. III, p. 406, 1. 20.
��
�
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 119.djvu/127 | diverses de l’archipel des Bahama. Construite sur la côte septentrionale de l’île, la ville déploie en façade, sur trois kilomètres au bord de la mer, ses villas espacées, ses cases, ses entrepôts que domine un monticule sur lequel s’élèvent la résidence du gouverneur-général et une colossale, mais médiocre statue de Colomb. L’exubérante végétation jette, avec une superbe indifférence, sur l’ensemble disparate, sur les cases des métis, sur les huttes des nègres comme sur les demeures élégantes des blancs, son manteau de verdure et de fleurs. Au long des primitives clôtures de pierres sèches, serpentent les lianes, se détachent en rouge vif les pétales du ''coral vine'' et les fleurs odorantes du jasmin jaune. Les roses rouges et blanches, les lauriers-roses s’élèvent en buissons touffus, et le ''night blooming cereus'' entr’ouvre, au soleil couchant, ses larges corolles nocturnes, d’un blanc de neige et de 0m,30 de circonférence.
Le port, en eau calme et profonde, est abrité du large par Hog-Island, récif en forme de brise-lames, et fréquenté par de nombreuses goélettes de cabotage et les navires affectés au transport des fruits à destination des ports américains. Sous les hangars construits au long des quais, pendent les régimes de bananes, s’entassent les courtes d’ananas frais, s’empilent les boîtes d’ananas conservés, de gelée de goyaves, de flacons de fruits de toute sorte, puis les oranges, les citrons, les noix de coco, les écailles de tortue, les colliers d’épongés, et, commerce naissant, les caisses déplantes des tropiques. Dans les rues, les négresses, bariolées d’étoffes voyantes, accroupies devant des calebasses, tentent la cupidité des acheteurs en leur offrant des lots de pintadines fraîchement pêchées ; d’autres vendent des nacres, des camées et les coquillages aux nuances infiniment variées qui sont l’un des plus charmans produits des Bahama. Près d’elles, les métisses, légèrement et coquettement vêtues de blanc, étalent sur des nattes de curieux échantillons de l’industrie locale : cannes d’ébène, de bois de fer, d’oranger, de cocotier, d’autres faites de l’épine dorsale du ''whip-fish'' (poisson fouet), qui abonde sur les côtes. Plus loin, d’autres exposent en vente des paniers finement tressés et de formes bizarres remplis de fruits ou de fleurs harmonieusement groupés.
C’est surtout aux abords du ''Royal Victoria hotel'' que ce commerce est, du matin au soir, en pleine activité. Ce ''Royal Victoria hotel'', construit par le gouvernement anglais, mais depuis longtemps exploité par des Américains et, notamment, au début, par M. Lewis Cleveland, frère du président actuel des États-Unis, est le plus important édifice de Nassau. Aménagé pour les valétudinaires qui viennent chercher ici un climat doux et un air salubre, il renferme plus de trois cents chambres donnant toutes sur de
<references/> |
Annales de mathématiques pures et appliquées, 1817-1818, Tome 8.djvu/158 | {{Nr|150|GÉOMÉTRIE|}}
Quelque incontestable que soit la supériorité de cette seconde
solution, sous le rapport de la généralité et de la symétrie ; nous
croyons cependant devoir observer que, lorsque les points donnés
sont peu nombreux, l’autre semble lui être préférable, sous le
rapport de la simplicité, attendu qu’elle exige le tracé d’un moindre
nombre de lignes.
Toutes ces constructions ayant une partie arbitraire, on peut
profiter de ce qu’elles présentent d’indéterminé pour les rendre plus
simples. On peut, par exemple, faire passer l’un des côtés extrêmes
de la portion de polygone par les deux premiers ou les deux derniers
des points donnés. Ce côté comptera alors pour deux, et l’extrémité
de la portion de polygone pourra être indistinctement supposée à
l’une ou à l’autre de ses extrémités. En appliquant cette remarque
au cas du triangle, dans la première solution, on aura deux manières de déterminer le point <math>P'</math> sur la polaire de <math>p''.</math> On pourra
donc se dispenser de construire cette polaire, et la recherche du
sommet inconnu se réduira ainsi au tracé de neuf lignes droites
seulement.
On voit, par ce qui précède, que, pour un ordre de succession
quelconque des points donnés, le problème peut avoir deux solutions au plus. Puis donc que nous avons trouvé d’ailleurs que
ces différens ordres étaient au nombre de <math>3,4,5\ldots(m-1)\,;</math> {{corr|Il|il}} s’ensuit
que le nombre des solutions sera au plus <math>1.2.3\ldots(m-1).</math>
Quoique nous ayons annoncé que nous n’insisterions pas sur le
second des deux problèmes généraux que nous nous sommes proposé, à raison de l’extrême facilité avec laquelle il se ramène au
premier ; nous ne pouvons cependant nous refuser au plaisir de faire
connoître une construction directe de ce problème tout-à-fait remarquable par sa parfaite analogie avec celle que nous avons donnée
en dernier lieu pour l’autre : la voici.
Circonscrivez successivement et à volonté à la section conique
trois portions de polygones d’autant de sommets qu’il y a de droites
données, et dont les sommets soient respectivement sur ces droites.
<references/> |
Lois des Francs contenant la Loi salique et la Loi ripuaire.djvu/9 |
{{Initiale|A}}{{sc|u}} milieu des nombreuses publications,
dont s’enrichit depuis quelques années le
domaine de l’histoire, on est justement étonné
de ne pas voir figurer le recueil des lois
primitives des Francs, et particulièrement
cette ''Loi Salique'', la plus antique de nos
chartes ; le plus ancien et l’un des plus précieux
monuments de notre histoire ; cette loi
dont, selon l’expression de Montesquieu,
''tant de gens ont parlé, et que si peu de gens ont lue'' ; cette loi, à la fois civile, criminelle
et politique, qui fixe et assure, depuis quatorze
siècles, les droits d’hérédité à la couronne
de France. C’est en effet dans ce recueil
authentique des lois barbares qui ont
étéfaites pour nos pères, et appropriées à
leurs premiers besoins, qu’on voit le mieux
se dérouler le tabeau fidèle et naïf de leurs
passions, de leurs mœurs, de leurs usages
et de leurs institutions. L’histoire des peuples
qui sont encore dans l’enfance de la civilisation,
est tout entière écrite dans leurs
lois.
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 27.djvu/659 | manœuvres ne pouvaient manquer d’exciter le fanatisme inverse, peu de temps après la fête. Elles n’en empêchèrent pas le succès : succès moral, si l’on peut dire sans offenser la mémoire de ces prédicans ; mais à un point de vue plus matériel, les comptes bouclèrent encore par un déficit.
Le livret<ref> ''Description de la Fêle des Vignerons célébrée à Vevey, les 8 et 9 août 1838''. </ref> n’offre que peu de nouveautés. Il faut noter pourtant qu’au lieu de commencer par la scène des bergers et de l’orage, désormais traditionnelle, l’œuvre s’ouvrait par une sorte d’invocation à l’agriculture, la patrie et la vigne. — Après le couronnement des Vignerons, un conseiller chanta des couplets en l’honneur du rétablissement de la paix civile, dont le chœur général entonnait le refrain :
::Descends du ciel, fille de l’Harmonie.
::Aimable Paix, unis tous nos Cantons.
::Sur tous les fils de l’heureuse Helvétie
::Verse à jamais tes plus précieux dons.
Ces couplets étaient une idée de M. Walther : il ne se doutait guère que lorsqu’ils résonneraient sur la place du Marché, les troupes fédérales seraient en train de rétablir l’ordre à l’autre bout de la Suisse, et que même le sang aurait coulé (bataille de Prattelen, 3 août). — Le Baron, qui présidait à la noce villageoise, était maintenu dans son rôle, malgré la poussée toujours plus, forte de la démocratie ascendante ; mais c’était à la condition de renoncer à ses droits et prérogatives ; et il chantait :
::Oui, d’une égalité touchante,
::Croyez que je sens tout le prix,
::Aujourd’hui, fête trop charmante,
::Je suis votre égal, mes amis !
J’imagine que l’ancienne aristocratie vaudoise, qui conservait, à défaut de ses privilèges, ses idées et sa fierté, n’applaudit que du bout des doigts.
En 1847, la Confrérie révisa ses règlemens, qui dataient de 1811 et ne furent plus retouchés qu’en 1873. Sa prospérité s’était
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Tolstoï - Le salut est en vous.djvu/174 |
« Quand je songe seulement à ce mot, la guerre, il me vient un effarement comme si l’on me parlait de sorcellerie, d’inquisition, d’une chose lointaine, finie, abominable, monstrueuse, contre nature.
« Quand on parle d’anthropophages, nous sourions avec orgueil en proclamant notre supériorité sur ces sauvages. Quels sont les sauvages, les vrais sauvages ? Ceux qui se battent pour manger les vaincus ou ceux qui se battent pour tuer, rien que pour tuer ?
« Les petits lignards qui courent là-bas sont destinés à la mort comme les troupeaux de moutons que pousse un boucher sur les routes. Ils iront tomber dans une plaine la tête fendue d’un coup de sabre ou la poitrine trouée d’une balle ; et ce sont de jeunes hommes qui pourraient travailler, produire, être utiles. Leurs pères sont vieux et pauvres ; leurs mères qui, pendant vingt ans, les ont aimés, adorés comme adorent les mères, apprendront dans six mois, ou un an peut-être, que ce fils, l’enfant, le grand enfant élevé avec tant de peine, avec tant d’argent, avec tant d’amour, fut jeté dans un trou, comme un chien crevé, après avoir été éventré par un boulet et piétiné, écrasé, mis en bouillie par les charges de cavalerie. Pourquoi a-t-on tué son garçon, son beau garçon, son seul espoir, son orgueil, sa vie ? Elle ne sait pas. Oui, pourquoi ?
« La guerre !... se battre !... égorger !... massacrer des hommes !... Et nous avons aujourd’hui, à notre époque, avec notre civilisation, avec l’étendue de science et le degré de philosophie où l’on croit parvenu le génie humain, des écoles où l’on apprend à tuer, à tuer de très loin, avec perfection, beaucoup de monde en même temps, à tuer de pauvres diables d’hommes innocents, chargés de famille et sans casier judiciaire.
« ''Et le plus stupéfiant, c’est que le peuple ne se lève''
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/16 | la faveur. Elle était comme la plénipotentiaire des intérêts royalistes auprès du vieux prince, qu’elle avait la mission de ramener à la « bonne cause, » en le captivant et en l’amusant, en lui donnant toutes les illusions d’un attachement de cœur. Déjà, dans les crises de 1820, Mme du Cayla n’avait pas été sans influence ; à partir de ce moment, elle avait pris possession de la volonté du roi, qui oubliait insensiblement son ancienne politique, son amitié pour M. Decazes, ses antipathies contre les « ultras, » et ne résistait plus à la caressante tyrannie de celle qui avait plus de puissance que le gouvernement tout entier. Le comte d’Artois n’ignorait pas cette intrigue, qui servait ses passions ; les chefs de la droite se préparaient à en profiter. Le galant vicomte Sosthènes de La Rochefoucauld pouvait se flatter d’avoir réussi et d’être de moitié dans le pouvoir de la séduisante personne qui lui écrivait au début : « En vous écoutant, on se sent animé d’une sainte ferveur, ami. La Providence peut faire de moi ce qu’elle voudra... » La Providence avait bien travaillé, et M. de La Rochefoucauld jouait peut-être un singulier personnage pour la gloire de la bonne cause<ref> Les ''Mémoires'' que M. de La Rochefoucauld a laissés et qui ne brillent point à coup sûr par l’art littéraire sont l’histoire la plus singulière des particularités intimes de cet épisode de la restauration. On ne peut imaginer plus de vanité et d’ingénuité dans le récit d’intrigues vraiment fort étranges.</ref> !
L’ennemi, le danger pour le ministère Richelieu était là, au cœur de la place, dans cette fascination intime qui enlaçait et dominait le roi au profit d’un parti. Il était aussi au dehors, dans un certain état de la France et de l’Europe, dans les conspirations qui se renouaient, qui affectaient une forme militaire autant que libérale, dans les grandes séditions qui éclataient à peu d’intervalle tantôt en Espagne, tantôt à Naples, tantôt à Turin. Un souffle de révolution semblait courir partout pendant ces années 1820 et 1821. Ces mouvemens, plus superficiels que profonds et destinés dans tous les cas à n’être que des éruptions momentanées, avaient un double effet. Ils commençaient par réveiller les inquiétudes et surexciter l’esprit de réaction ; ils provoquaient en Europe ces réunions de Laybach, de Troppau, — en attendant celle de Vérone, — où les cabinets resserraient l’alliance des monarchies et concertaient leurs répressions ; ils semblaient justifier les plaintes et les pronostics sinistres des royalistes sur le danger des propagandes révolutionnaires et de la politique libérale, complice de tous les révolutionnaires. C’était l’effet du premier moment. Les répressions qui suivaient bientôt, l’attitude de l’Europe monarchique, la prompte défaite des révolutions de Naples et de Turin, toutes ces victoires de réaction, par une autre conséquence, enflammaient les royalistes, exaltaient leurs passions et redoublaient leur jactance. Le vent
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Société agricole et scientifique de la Haute-Loire - Mémoires et procès-verbaux, 1879-1880, Tome 2.djvu/392 |
{{c|''Récompense aux serviteurs ruraux.''|fs=90%|lh=3}}
{{t|{{table|titre=Marie Grousset, de Montfaucon, 30 fr.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|titre=Marie Vey, d’Yssingeaux, 30 fr.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|titre=Pierre Bouteyre, d’Yssingeaux, 20 fr.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|titre=Thérèse Bonnet, de Montfaucon, 20 fr.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{c|'''Espèce chevaline.'''|fs=110%|lh=3}}
{{c|''Étalons.''|fs=90%|lh=3}}
{{t|{{table|section=1. Prix. |titre=Barbier Antoine, d’Yssingeaux.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=2. — |titre=Mialon, de Craponne.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=3. — |titre=Tavernier Hippolyte, de Lapte.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{c|''Juments suitées.''|fs=90%|lh=3}}
{{t|{{table|section=1. Prix. |titre=Brun Antoine, de Saint-Julien-du-Pinet.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=2. — |titre=Manche Daniel, d’Araules.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=3. — |titre=Guillot Frédéric, d’Yssingeaux.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=4. — |titre=Montchal Victor, de Lapte.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=5. — |titre=Nouvet Mathieu-Jacques, de Saint-Voy.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=6. — |titre=Perrilion Claude, d’Yssingeaux.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=7. — |titre=Colly Pierre, de Saint-Jeures.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=8. — |titre=Liogier Auguste, d’Yssingeaux.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=9. — |titre=Delorme Jean, ''id''.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=10. — |titre=Julien Joseph, de Queyrières.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{c|''Pouliches et poulains.''|fs=90%|lh=3}}
{{t|{{table|section=1. Prix. |titre=Bastide, du Puy (médaille d’argent.)|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=2. — |titre=Garnier-Jouve, de Saint-Jeures.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=3. — |titre=Arnaudon Pierre, de Cussac.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=4. — |titre=Thomas Pierre, de Cayres.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=5. — |titre=Terrasse, de Saint-Marcel.|nodots|indentation=0}}|90}}
{{t|{{table|section=6. — |titre=Debord Jean, de Raucoules.|nodots|indentation=0}}|90}}
<references/> |
Dorion - Vengeance fatale, 1893.djvu/124 | {{nr|124|VENGEANCE FATALE|}}améliorés depuis cette époque. Aussi le feu dura-t-il
plusieurs heures.
En entrant chez lui Darcy se souvint de la promesse
qu’il avait faite à celle qui n’était plus qu’un cadavre.
Il crut cependant plus judicieux d’éloigner l’enfant
de la maison pendant quelque temps ; les soins d’une
nourrice lui étaient encore nécessaires, et d’ailleurs il
{{corr|eut|eût}} trouvé fort difficile la tâche d’expliquer la provenance
de cette enfant à madame Darcy. Celle-ci,
comme on sait, ne devait pas survivre longtemps à
l’incendie de la rue Craig, et lorsqu’Hortense eut
atteint environ dix-huit mois, le meurtrier de madame
Delaunay lui donna son nom et l’éleva dans sa maison
comme sa propre fille.
Delaunay avait été prévenu de l’incendie qui s’était
déclaré chez lui. On conçoit facilement la stupéfaction
de cet homme en voyant s’écrouler l’avenir qu’il avait
rêvé. Nous renonçons à peindre la douleur navrante
dont il fut saisi à la vue du cadavre de son épouse
carbonisée et devant la disparition de son enfant.
L’âge avait naturellement modifié le caractère de
Darcy dans un sens plus sérieux ; aussi pensa-t-il. à
faire fructifier sa nouvelle fortune et il devint l’un
des plus riches banquiers de Montréal.
Quant à Mathilde et Hortense, {{corr|elle|elles}} continuèrent
de grandir ensemble et jusqu’à l’époque où ce récit est
arrivé, elles avaient toujours été sous l’impression
qu’elles étaient sœurs, et toutes deux filles de monsieur
et madame Darcy.
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 60.djvu/295 | vie, son malheureux mariage, le ministère de son père, ses angoisses
de tous les jours et cette arrivée des bourreaux à Passy-sur-Yonne ;
mais comme elle préférait se taire et écouter René, parlant de son
enfance, expliquant son inexplicable cœur, racontant son émigration, ses voyages<ref> ''Mémoires d’outre-tombe''.</ref> : « Je n’ai jamais si bien peint qu’alors les déserts du Nouveau-Monde. » La nuit, quand les fenêtres du salon
champêtre étaient ouvertes, Mme de Beaumont remarquait au ciel
diverses constellations en lui disant qu’il se rappellerait un jour
qu’elle lui avait appris à les connaître. « Depuis que je l’ai perdue
non loin de son tombeau, à Rome, j’ai plusieurs fois, au milieu de
la campagne, cherché au firmament les étoiles qu’elle m’avait nommées. Je les ai aperçues brillant au-dessus des montagnes de la
Sabine. Le rayon prolongé de ces astres venait frapper la surface du
Tibre. » Plus tard, trop tôt encore, après avoir été séparé de cette
noble femme, il est allé lire ''le Dernier des Abencerages'' au château
de Fervaques, l’épisode de Velléda sous les ombrages de Méreville
ou dans les jardins d’Ussé : retrouvait-il alors le signe que Pauline
lui avait laissé dans le bleu du ciel pour se souvenir d’elle?
Jamais il n’eut une telle fièvre de composition que dans la maison de Savigny ; il en perdait le sommeil, le boire et le manger. De
temps à autre, de rares amis venaient troubler la paix de la solitude.
Joubert, sa femme et leur jeune enfant, visitèrent les deux ermites.
C’étaient les visages les plus bienveillans, ceux que Mme de Beaumont
voyait avec le plus de plaisir. On menait les amis aux promenades
préférées dans les environs, ou bien dans la soirée on écoutait causer Chateaubriand : « Le fils de Joubert se roulait sur la pelouse,
deux chiens de garde et une chatte jouaient ; Joubert rêvait en se
promenant à l’écart dans une allée. » Certes, si Pauline avait pu dire
au temps : ''Tout beau'' ! elle l’eût arrêté dans son cours à ces heures
fortunées. Lucile vint ensuite, « comme une âme en peine, s’asseoir une semaine au foyer de Savigny. » Ses vapeurs noires, qu’à
dix-huit ans elle pouvait déjà difficilement dissiper, ne la quittaient
plus. Il y avait presque de l’humanité à être aimable avec elle.
Ayant toujours peur d’être à charge, un mot, une nuance, tout lui
semblait sérieux, et elle retournait aussitôt à son existence délaissée. Depuis qu’elle avait perdu sans retour l’espoir de vivre aux
côtés de ce frère dont la présence lui était si douce, elle lui demandait du moins, dans le peu de momens passés ensemble, de remplir sa mémoire de souvenirs agréables qui prolongeassent loin
de lui son existence. Mme de Beaumont eût voulu enlever l’effroi
de l’avenir à cette infortunée qui mêlait sa peine inconnue aux souffrances
<references/> |
Luzel - Gwerziou Breiz-Izel vol 2 1874.djvu/564 |
{{centré|{{taille|JEANNE TOULOUSE|130}}}}
<br />
<poem>
S’il vous plaît, vous écouterez
Et qui a été fait à sainte Jeanne.
La petite Jeanne Toulouse, fille d’une veuve,
Était une fille sage et dévote.
Elle fut d’abord fileuse,
En second lieu, couturière ;
En second lieu, couturière,
Et en troisième lieu, reine.
Elle fit bâtir un oratoire,
Pour adorer la Trinité.
Tous les jours, avant d’aller à son travail,
Elle allait saluer la sainte Vierge ;
(Elle récitait) un chapelet de cinq dizaines,
Tous les jours, en l’honneur de la Vierge.
La reine souhaitait le bonjour,
En arrivant chez la veuve :
— Bonjour à vous, veuve,
Et aussi à votre fille la couturière ;
Je suis venue demander la couturière
Four venir coudre au palais ;
Pour tailler de la toile de Quintin,
Pour faire des chemises à mon fils le Dauphin.
— Ma fille n’est pas assez habile
Pour coudre pour des princesses ;
Pour tailler de la toile de Quintin,
Pour faire des chemises à votre fils le Dauphin ;
Ma fille ne travaille pas de la toile de Quintin,
Mais seulement de la grosse toile d’étoupe.
</poem>
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/204 | qu’ayant transcrit d’abord, au cours de sa lecture, pour l’ingéniosité
de l’expression ou pour la profondeur de la pensée, le
passage de Sénèque ou de Plutarque, les vers de Virgile ou la
prose de Cicéron, il ne se rappelle qu’il a fait, lui aussi quelque
expérience du même genre ; et il prend alors plaisir à se reconnaître
chez les anciens, en y trouvant la preuve de l’une de ses
maximes favorites, que « tout homme porte en soi la forme de
l’humaine condition. » C’est ainsi que lentement, par alluvions
successives, les ''Essais'' se composent ; et si je ne me trompe, c’est
ce que confirmera l’examen, même superficiel, de « l’exemplaire
de Bordeaux. » On y voit positivement Montaigne à l’œuvre, la
dernière édition de ses ''Essais'' ouverte là, devant lui, sur sa table
de travail, se relisant, attentif à se « contre-roller, » comme il dit
quelque part, prenant un livre au hasard dans sa bibliothèque,
le parcourant avec nonchalance, y relevant à la volée, au passage
une anecdote ou une réflexion, les traduisant en sa langue,
et surchargeant ainsi ses marges de toute sorte d’additions et
de renvois, qui finissent par rendre la lecture de son texte, non
seulement difficile, mais tout à fait incertaine ou douteuse.
Car une question qu’on ne peut s’empêcher de se poser, et
qu’aucune édition, municipale ou autre, ne résoudra, c’est de
savoir ce que Montaigne lui-même eût fait, s’il eût vécu, des
« additions » qui couvrent les marges de l’exemplaire de Bordeaux.
Il en annonçait plus de « six cents » dans l’édition
de 1588, et je ne les ai pas comptées, mais je pense qu’en eftet
elles y sont : il n’y en a certainement pas moins, dans l’exemplaire
de Bordeaux. Ces additions, qui répondra que Montaigne
les eût incorporées à son texte, et plutôt, ne s’était-il pas réservé
la liberté de faire son choix entre elles au moment de la
publication ? C’est pour notre part ce que nous serions bien
tentés de penser. Le ''Montaigne'' de 1595, et le nouveau, — celui
de 1906, le ''Montaigne'' de l’édition de Bordeaux, — sont des
''Montaigne'' plus complets que nature. Je ferai bien d’en donner
au moins un exemple.
Dans son chapitre du ''Pédantisme'', Montaigne avait écrit,
en 1580 : « Quand bien nous pourrions être savans du savoir
d’autrui, au moins sages ne pouvons-nous être que de notre
propre sagesse.
{{Centré|Μισω σοφιστὴν, ὄστις ουχ σοφός}}
<references/> |
Féval - La Quittance de minuit, 1846 - tome 2.djvu/194 | {{nr|186|DEUXIÈME PARTIE|}}l’attaquaient, des bouches sans nombre criaient : Morris ! Morris Mac-Diarmid !
Francès ne croyait point aux choses de l’amour. La folie de sa tante avait fait sur elle l’effet d’un préservatif énergique, et tout ce qui sentait le roman, le fantastique, la fausse poésie, la repoussait à coup sûr.
L’habitude avait mis une teinte de gravité trop sévère parmi sa douce beauté, et son cœur était, comme son visage, doux et austère.
Ce cœur n’avait jamais battu au nom d’un homme. On se croit bien vite à l’abri de l’amour, dès que l’amour tarde à frapper. Francès pensait sincèrement qu’il en était de cela comme de tout ce dont parlait sa tante, et reléguait l’amour dans le domaine des chimères.
Elle ne se demanda point pourquoi elle rêvait davantage, et plus longtemps, et plus doucement ; elle ne se demanda point pourquoi cette image restait obstinément gravée au fond de son cœur, et pourquoi sa bouche murmurait involontairement ce nom si récemment appris.
Elle aima sans savoir, et quand, pour la première fois, elle se dit que peut-être elle aimait, ce fut pour affermir en sa révolte sa conscience incrédule et pour se moquer de son propre cœur.
Mais qu’importe la manière dont la passion
<references/> |
Dictionnaire portatif de cuisine, d’office, et de distillation, 1772.djvu/198 | {{numérotation|[CIT]|174}}{{tiret2|con|serve}} soit bien blanche ; après quoi vous la mettrez
dans les moules.
''Citrons''. (''Crême de'') Blanc de six œufs frais, jus de
six citrons, demi-verre d’eau avec de la raclure de
l’écorce de ce fruit. Battez bien le tout ; passez-le
deux ou trois fois, après y avoir mis le sucre nécessaire.
Mettez sur un plat, & faites cuire doucement
sur la cendre chaude, en remuant toujours, pour
qu’elle ne bouille pas. Quand elle sera un peu épaisse,
vous dresserez votre crême sur une porcelaine, & la
servirez froide.
''Citrons''. (''Dragées de'') Coupez des citrons en filets ;
mettez-les à l’eau fraîche, pendant vingt-quatre heures.
Faites blanchir jusqu’à ce qu’il cédent à la pression
des doigts. Égouttez & mettez dans le sucre cuit
à lissé ; faites faire quelques bouillons. Laissez refroidir.
Tirez, & faites sécher à l’étuve. Remettez ensuite au
sucre cuit au grand lissé, avec de la gomme détrempée ;
& finissez comme les dragées ordinaires.
''Citron''. (''Eau de'') Zestez un citron. Mettez ces
zestes dans une aiguiere, avec le jus de deux citrons,
une pinte d’eau & un quarteron de sucre. Laissez infuser
le tout, pendant quelques heures. Passez & mettez
à la glace.
''Citrons en olives''. Rapez du citron verd. Mettez
cette rapure dans un mortier, avec des blancs d’œufs
frais, selon la quantité que vous voudrez, & du
citron ce qu’il en faut, pour que le goût en domine.
Mettez-y du sucre en poudre, & l’augmentez jusqu’à
ce que cela forme une pâte assez ferme. Roulez-la
en long ; coupez ensuite en morceaux que vous
façonnerez en olives, & ferez cuire à feu doux, pour
les conserver ensuite en lieu sec.
''Citrons entiers''. Zestez ou tournez-les, & les mettez
à mesure à l’eau fraîche avec un peu de jus du
même fruit, pour les conserver blancs. Faites blanchir
à l’eau bouillante avec encore un peu de jus
de citron, jusqu’à ce qu’ils quittent l’épingle. Vuidez
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/98 | {{nr|94|REVUE DES DEUX MONDES.|}}''{{tiret2|lous|tics,}}'' en perruque poudrée, beaux esprits incorrigibles, dont l’imitation de Versailles avait peuplé toutes les cours du continent, rieurs à la suite, plaisans pacifiques et doucereux avec les grands, vantards, sonores et évaporés avec les petits.
Cet aimable homme, qui comprend si bien son époque, et qui aurait mis un quart de siècle à élaborer son in-douze, ne nous apprend pourtant rien d’intéressant, rien même qui suffise à un de ces momens d’ennui, où l’on ne marchande guère sur le mérite. Dans ses trois petits contes de farces patriotiques, il a grand soin de se poser avec une rare complaisance. Jamais Figaro n’aurait employé plus d’art dans les complications les plus embrouillées, qu’il assure en avoir mis pour dérouter les familiers de la police napoléonienne. Il a la parole haute et brève, une confiance illimitée dans son imaginative, la plaisanterie prétentieuse et raide comme un cadet prussien, l’air mystérieux de quiconque fait et dit des riens ; il parle argot, réhabilite les mots inconnus des dialectes provinciaux, pour éviter tous les termes nouveaux empruntés à l’odieux français, et déguise par prudence diplomatique les noms des localités. Je n’aurais jamais cru que la niaiserie servile coûtât autant de peine en Allemagne. Le tout aurait pu servir convenablement, en 1814, de parades, pour égayer à l’allemande les tristes tournois de Jahn, le vertueux teutomane.
{{c|{{sc|{{lang|de|Reiseskizzen}}}}, etc. (''Esquisses de voyages en Allemagne, en Danemarck et en Suède'') par Frédéric Mayer. {{vol.|1|inv|expl=volume}} Nüremberg.|mt=2em|mb=1em}}
{{M.|Frédéric}} Mayer voyage pour son plaisir d’abord, il faut le croire, et surtout pour se donner, entre autres satisfactions, celle d’imiter Henri Heine, dont les ''{{lang|de|Reisebilder}} '' ont, dès leur première apparition, fait école en Allemagne et même en France. C’est donc arriver un peu tard ; mais comme l’auteur est jeune et qu’il attache une grande importance à ses moindres actes, à ses impressions les plus fugitives, ses esquisses peuvent intéresser comme statistique naïve des mœurs extérieures dans l’Allemagne de 1834. {{M.|Mayer}} était naguère étudiant : il se glorifie chaleureusement d’avoir assisté à l’enfantillage patriotique de Hambach. À cette époque, aucun espoir dans l’avenir de la liberté ne pouvait lui paraître exagéré. Les mécomptes dont nous avons été témoins depuis l’ont naturellement jeté dans l’excès contraire. Il s’est donc mis à être sceptique, morose et railleur de parti pris. Heureusement que les forces de la jeunesse, qui lui ont été fort utiles dans cette crise morale, le contraignent souvent à donner un démenti aux doctrines qu’il paraîtrait avoir choisies en littérature. Il s’épanouit, à la moindre occasion favorable, en<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/322 | l’esprit de ce paysage ! En quoi la petite ville d’Upsal, un des points éclairés du monde où s’élabore la science humaine, diffère-t-elle de ceux que je connais ou leur ressemble-t-elle ? Cela vaut-il la peine d’être noté ? Qu’importe, dans le bruit du torrent, qu’une goutte soit plus limpide ou plus sonore qu’une autre ? Le vieux Tomté ne se demande point si les générations d’hier étaient meilleures que celles d’aujourd’hui, mais seulement d’où elles viennent et où elles vont. Ainsi, sur les très vieilles terres, l’esprit se porte d’un mouvement naturel vers les questions d’où leur longue et pesante durée n’est plus qu’une ride imperceptible au visage du temps. C’est là cependant qu’il fait bon vivre. C’est là qu’on voudrait arriver à fixer un moment de l’éternité...
{{***}}
Quand on rencontre dans les rues un homme d’âge, on se dit : « Ce doit être un professeur ou un bibliothécaire, le Hector Magnificus ou l’Archevêque, à moins que ce ne soit le Gouverneur. » Mais cette ville d’étudians est aussi tranquille qu’une retraite de vieillards. J’y arrivai une première fois à l’ouverture des cours, au commencement de septembre. Elle se remplit peu à peu de casquettes blanches ; mais tous ces jeunes gens n’y répandaient qu’une animation silencieuse. Le soir, le long des trottoirs, sous les lanternes rouges des bureaux de tabac, des groupes se formaient comme s’ils se concertaient à voix basse pour un coup extraordinaire. Puis ils se débandaient, et chacun tirait de son côté. Quelques-uns restaient plantés là, dans l’ombre grandissante où l’on ne distinguait plus que la blancheur de leur casquette et le feu de leur cigare. Méditaient-ils sur la double nature du Christ ? Appréhendaient-ils seulement de rentrer chez eux ? Je demeurais en face du Lycée. Quatre fois par jour, les élèves passaient sous mes fenêtres. Je percevais le bruit de leurs petits pas réguliers qu’aux premiers vents assourdirent les feuilles mortes ; mais de rires et de cris, je n’en ai entendu que le jour où la neige commença de tomber, et bientôt la neige éteignit leur faible murmure.
Pourtant je garde d’Upsal une telle vision de jeunesse que cette vénérable ville me paraît avoir réalisé le désir de Rydberg qui souhaitait à son peuple suédois un esprit de jeune garçon. Je ne songe point aux yeux bleus et aux fraîches couleurs roses des étudiantes, des écolières, des sœurs et des fiancées. Je ne
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Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/135 | sur un faux dogme; à travers la variété et la confusion de ses
sectes en luttes intestines, c’est une fausse religion dont il importe
à la science et à l’humanité de démasquer le mensonge, de détruire
les puériles et dangereuses superstitions. Ce qui émeut M. Taine,
ce qui l’arme contre la révolution, ce sont moins ses inconséquences ou ses crimes que ses maximes, confessées et révérées de
la plupart de ses victimes, que ces « immortels principes de 1789, »
inscrits au fronton de toutes nos constitutions et d’où, en dépit de
notre ignorante admiration, ne pouvaient sortir que ruine et
désordre. Pour lui, Robespierre et Danton, Vergniaud et Brissot,
Sieyès et Mirabeau sont tous également les apôtres et les dupes
d’une erreur colossale, d’autant plus pernicieuse qu’elle est plus
séduisante aux sens et à la raison infatuée d’elle-même. Pour lui
les maux et les déceptions de la révolution ne viennent point des
vices ou des crimes de ses chefs, mais de leur éducation intellectuelle, de leur philosophie consciente ou inconsciente, car toute la
révolution est sortie d’une théorie, et toute son histoire n’est que
r effort violent de cette théorie pour passer de la région vide de
l’abstraction dans le monde changeant des faits.
Pour M. Taine comme pour les philosophes du XVIIIe siècle, il n’y
a guère d’autre philosophie que la psychologie ; mais la psychologie du XVIIIe siècle est radicalement fausse; et c’est parce que sa
psychologie était erronée que la révolution devait aboutir à un
abîme. Au lieu de considérer l’homme comme un être réel et vivant,
en étroite liaison avec le sol et tout ce qui l’entoure, en constante
dépendance du milieu physique et moral où il vit, au lieu, par
exemple, de considérer les Français de son temps dans la variété
de leurs états et de leurs conditions, le XVIIIe siècle s’est forgé un
homme abstrait, sans réalité et sans vie, un homme idéal et chimérique, l’homme universel et naturel, que les philosophes se flattaient de découvrir partout et à toutes les époques et qui, en fait,
n’a jamais existé en aucun temps. C’est cette ombre vaine, cette
abstraction creuse, pure entité, éclose sous la baguette métaphysique, dont la révolution a proclamé les droits; c’est pour ce « fantôme philosophique, ce simulacre sans substance, » que constituans et conventionnels ont légiféré, c’est en son nom que les
jacobins ont régné, c’est au bonheur de cet être de raison qu’ils ont
sacrifié sans scrupule des milliers d’êtres vivans.
Comment s’est formé cet homme de convention, insensible idole à
laquelle des fanatiques aveugles immolent avec conviction vingt-cinq millions de Français ? On l’a formé par simplification, par diminutions et mutilations successives, en retranchant expressément toutes
les différences qui séparent un homme d’un autre, un Français d’un
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Stanley - Comment j'ai retrouvé Livingstone, trad Loreau, 1884.djvu/84 | et la durée de la marche ont prouvé que je ne pouvais pas mieux faire, cette ligne étant la plus directe.
Le lendemain de notre arrivée à Kikoka fut un jour de halte.
J’y trouvai ma quatrième bande, composée uniquement de Vouanyamouézi, et qui devait être un obstacle à la rapidité du voyage.
Son chef, Maganga, ne sut qu’inventer pour m’extorquer de nouvelle cotonnade, bien qu’il m’eût déjà coûté à lui seul plus que trois autres chefs réunis ; mais ses efforts n’obtinrent que la promesse d’une récompense, s’il arrivait avant moi dans l’Ounyanyembé, et de manière à nous laisser le chemin libre.
Il partit le 27, au point du jour, et nous levâmes le camp à sept heures du matin.
Toujours la même contrée : un parc superbe, attrayant dans tous ses détails.
Je pris l’avance, afin de nous procurer de la viande, si l’occasion s’en présentait ; mais pas l’ombre de gibier ; ni poil, ni plume.
Devant nous se déroulait une série de montées et de descentes, formant de grandes lignes parallèles, comme les sillons d’une terre labourée ; énormes vagues, ayant chacune à leur sommet une rangée d’arbres touffus, ou des carrés de broussailles.
Puis les sillons se brisèrent en mamelons indépendants, revêtus d’une jungle épaisse.
Sur un de ces tertres, au milieu d’un fourré d’épines, fouillis impénétrable, est situé Rosako.
Un autre village, également défendu par un hallier de mimosas, est à peu de distance, dans la direction du nord.
Entre les deux bourgades, s’enfonce une vallée des plus fertiles, que traverse un ruisseau.
Kikoka est a l’extrémité nord-ouest de l’Ouzaramo ; Rosako est le village frontière de l’Oukéréhoué. Nous y entrâmes et notre camp fut installé au centre de l’établissement.
Une kitanda, légère couchette sans rideau ni frange, et qui pour être dépourvue de ces superfluités, n’en était pas moins confortable, me fut envoyée par le chef de l’endroit.
Nos bêtes furent immédiatement déchargées, conduites au pâturage ; et tous nos hommes, du premier au dernier, s’employèrent à remiser les ballots, de peur de la pluie, qui, dans cette saison, est toujours imminente.
Au nombre des choses que je voulais expérimenter dans ce voyage étaient les services d’un bon chien de garde, destiné à me protéger contre les indiscrets, non moins que contre les voleurs.
Je désirais surtout essayer l’effet de ses aboiements sur les Vouagogo, gens effrontés, qui, d’après ce que m’avaient dit les Arabes,
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 46.djvu/879 | avec quelle magnanimité et quel courage il supportait son sort. Assis au
haut bout d’une longue table, entouré de sa famille et de ses amis, il faisait les honneurs de sa maison avec la même cordialité et la même gaîté
que s’il ne lui était rien arrivé; il adressait la parole à chacun de ses hôtes
avec bonne humeur et la plus parfaite liberté d’esprit, s’informant auprès
des étrangers des mœurs et des coutumes de leurs pays respectifs, auprès
de ses compatriotes de petits faits intéressans relatifs à la Pologne; jamais
distrait. Jamais préoccupé, et remplissant ses fonctions de grand-chancelier avec la même exactitude qu’auparavant. Tout ce genre de vie aurait
certes été remarquable en toute circonstance chez un homme de près de
quatre-vingts ans; mais, quand on réfléchit que ce vieillard était alors pour
ainsi dire sous le coup d’une condamnation capitale, on se sent frappé
d’admiration. La grande humanité du roi le sauva, car, quoique Czartoryski
lui eût été fortement opposé, cependant sa majesté s’intéressa si vivement
à lui et intercéda si chaleureusement en sa faveur que l’impératrice finit
par lui accorder son pardon<ref> Michel-Frédéric Czartoryski était né vers 1695. Sa sœur Constance avait épousé Stanislas Poniatowski, compagnon d’armes de Charles XII et père du roi Stanislas-Auguste. Michel avait un frère cadet, Auguste, qui fut père d’Adam-Casimir. </ref>. »
A son départ de Varsovie, M. Harris fut chargé de remettre à sir
Joseph Yorke, ambassadeur d’Angleterre près des états-généraux,
une lettre datée de Varsovie le 20 mars 1768. Il y a dans cette lettre
quelques passages trop remarquables pour que nous ne les reproduisions pas à la fin de ce récit, qu’ils compléteront, et qu’ils pourraient paraître destinés à résumer.
« Si la curiosité et l’envie de s’instruire ont conduit Harris ici, la première a certainement été très mal satisfaite, et la seconde ne lui a appris
qu’à voir à quel point la légèreté et l’ignorance peuvent rendre une nation
absurde dans sa conduite, et à quel degré les gens les plus sensés et les
meilleurs citoyens sont obligés quelquefois de se prêter au mal pour éviter
le pire. A peine avons-nous achevé une longue et triste pièce, qu’en voilà
une seconde qui commence<ref> La dernière confédération. </ref>, et dont il est impossible de prévoir la fin,
parce qu’on ne connaît pas encore quels ressorts font jouer cette nouvelle
machine. Tout cela n’empêche pas que je dise toujours : « Courage et patience! » Le sort se lassera à la fin de se jouer de moi, et Dieu, qui ne fait
rien en vain, ne m’a pas fait roi d’une façon si peu ordinaire et ne m’a
pas donné cet opiniâtre désir de faire le bien de ma nation pour que tout
cela soit perdu pour elle. Peut-être cette nation doit-elle apprendre à
vaincre les préjugés, par les malheurs mêmes qu’elle s’attire, plus vite que
mes sermons n’auraient fait dans une suite de temps plus paisibles. Peut-être aussi dois-je devenir la victime de sa folie, afin qu’un grand exemple
et une grande révolution servent à ceux qui viendront après moi. Eh bien!
si justement je me trouve être le malheureux anneau de la grande chaîne
<references/> |
Bernier - Théologie portative, 1768.djvu/79 | qu’ils ont affaire à un Dieu bon, qui les
châtie pour leur bien dans ce monde périssable,
& qui, par un effet de sa tendresse
divine, pourroit avoir la fantaisie
de les cuire éternellement, ce qui est très-consolant
pour les frileux.
''Contemplation.'' Occupation très-utile
sur-tout quand on n’a pas de grandes affaires.
On sent que rien ne peut être
plus agréable à Dieu que de s’occuper du
soin de rêver à la Suisse ; la Société d’ailleurs
retire de très-grands fruits de ces rêves
sacrés.
''Controverses.'' Importantes disputes sur
les objets contestés entre des Théologiens
de sectes différentes. Aux yeux des
hommes charnels ce sont des vétilles, indignes
d’occuper des animaux raisonnables,
mais au fond ces disputes sont très-utiles
à l’Eglise militante, qui par là se
tient en haleine, & nourrit dans les esprits
de saintes animosités très-avantageuses au
Clergé.
''Conversions.'' Changemens miraculeux
& rares, qui sont dus à la grace du Très-Haut,
& dont la Société recueille communément
les plus grands fruits. Ils font
qu’une coquette surannée quitte le {{tiret|rou|ge}}
<references/> |
Locke - Essai sur l’entendement humain.djvu/97 | {{numérotation|''Qu’il n’y a point''|54|}}prétendue ''innée'', que quelqu’un pût rappeller dans son Esprit comme une idée déja connuë avant que d’en avoir reçu aucune impression par les voyes dont nous parlerons dans la suite : car encore un coup, sans ce sentiment intérieur d’une perception qu’on ait déja euë, il n’y a point de réminiscence, & on ne sauroit dire d’aucune idée qui vient dans l’Esprit sans cette conviction, qu’on s’en ressouvienne, ou qu’elle sorte de la Mémoire, ou qu’elle soit dans l’Esprit avant qu’elle commence de se montrer actuellement à nous. Lors qu’une idée n’est pas actuellement présente à l’Esprit, ou en reserve, pour ainsi dire, dans la Mémoire, elle n’est point du tout dans l’Esprit, & c’est comme si elle n’y avoit jamais été. Supposons un Enfant qui ait l’usage de ses yeux jusqu’à ce qu’il connoisse & distingue les Couleurs, mais qu’alors les cataractes venant à fermer l’entrée à la lumiére, il soit quarante ou cinquante ans, sans rien voir absolument, & que pendant tout ce temps-là il perde entiérement le souvenir des idées des couleurs qu’il avoit euës auparavant. C’étoit là justement le cas où se trouvoit un aveugle auquel j’ai parlé une fois, qui dès l’enfance avoit été privé de la vûe par la petit verole, & n’avoit aucune idée des Couleurs, non plus qu’un Aveugle-né. Je demande si un homme dans cet état-là, a dans l’Esprit quelque idée des Couleurs, plûtôt qu’un Aveugle-né ? Je ne croi pas que personne dise que l’un ou l’autre en ayent absolument aucune. Mais qu’on leve les cataractes de celui qui est devenu aveugle, il aura de nouveau des idées des Couleurs, qu’il ne se souvient nullement d’avoir euës : idées que la Vûë qu’il vient de recouvrer, sera passer dans son Esprit, sans qu’il soit convaincu en lui-même de les avoir connuës auparavant : après quoi il pourra les rappeller & se les rendre comme présentes à l’Esprit au milieu des ténèbres. Et c’est à l’égard de toutes ces idées des Couleurs qu’on peut rappeller dans l’Esprit, quoi qu’elles ne soient pas présentes aux yeux, qu’on dit, qu’étant dans la Mémoire elles sont aussi dans l’Esprit. D’où je conclus, Que toute idée qui est dans l’Esprit sans être actuellement présente à l’Esprit, n’y est qu’entant qu’elle est dans la Mémoire : Que si elle n’est pas dans la Mémoire, elle n’est point dans l’Esprit ; & Que si elle est dans la Mémoire, elle ne peut devenir actuellement présente à l’Esprit, sans une perception qui fasse connoître que cette idée procede de la Mémoire, c’est-à-dire qu’on l’a auparavant connuë, & qu’on s’en ressouvient présentement. Si donc il y a des idées ''innées'', elles doivent être dans la Mémoire, ou bien on ne sauroit dire qu’elles soient dans l’Esprit ; & si elles sont dans la Mémoire, elles peuvent être retracées à l’Esprit sans qu’aucune impression extérieure précede ; & toutes les fois qu’elles se présentent à l’Esprit, elles produisent un sentiment de reminiscence, c’est-à-dire qu’elles portent avec elles une perception qui convainc intérieurement l’Esprit, qu’elles ne lui sont pas entiérement nouvelles. Telle étant la différence qui se trouve constamment entre ce qui est & ce qui n’est pas dans la Mémoire ou dans l’Esprit, tout ce qui n’est pas dans la Mémoire, est regardé comme une chose entierement nouvelle, & qui étoit auparavant tout-à-fait inconnuë, lors qu’il vient à se présenter à l’Esprit : au contraire, ce qui est dans la Memoire ou dans l’Esprit, ne paroit point nouveau, lors qu’il vient à paroître par {{tiret|l’inter|vention}}
<references/> |
Du Camp - Paris, tome 4.djvu/190 | le système du plein air appliqué aux opérations, et jusqu’à présent il a assez bien réussi pour qu’on ait décidé en principe de le généraliser et de l’établir à Necker, à Saint-Antoine et dans les autres hôpitaux où l’on trouvera un emplacement convenable.
L’emplacement, voilà en effet la grande, l’incessante difficulté contre laquelle on se heurte lorsqu’on veut construire quelque chose dans cet immense Paris où chaque parcelle de terrain vaut son pesant d’or. Il n’y a qu’à regarder le nouvel Hôtel-Dieu qu’en ce moment même on termine dans la Cité et qui pourra sans doute être inauguré en 1872<ref name=p183>Non-seulement le nouvel Hôtel-Dieu n’a pas été inauguré en 1872, mais il a même été quelque peu question de le démolir tout à fait. On s’est arrêté, dit-on, à un parti moins radical et l’on se contentera de raser l’étage supérieur. On ferait bien mieux de conserver celui-ci, car on éviterait une dépense d’un ou de deux millions de main-d’œuvre et l’on aurait de vastes greniers toujours fort utiles dans de pareils établissements. </ref><ref follow=p183>Voir [[Page :Du Camp - Paris, tome 4.djvu/410|''Pièces justificatives, '' 4]].</ref><includeonly><ref follow=p183>Voir [[../T4_PJ#NUMÉRO_4|''Pièces justificatives, '' 4]].</ref></includeonly>. Comme la place manquait en largeur, on l’a prise en hauteur ; la superposition tient lieu de superficie. Les étages sont tassés les uns sur les autres, et l’on est effrayé en pensant à la quantité de malades qu’on pourra engouffrer dans cette vaste caserne, qui à l’heure qu’il est coûte déjà {{formatnum:37900000}} fr. Il est vraiment bien difficile de comprendre qu’à notre époque, après l’expérience acquise, après les théories formulées par la science, on ait pu penser à bâtir un hôpital dans un endroit assez resserré, pour ne comporter ni promenades, ni jardins, ni préaux convenables et dans un milieu tel qu’il se trouve avoisiné, sinon dominé, par des monuments comme Notre-Dame, la caserne des gardes de Paris, le Tribunal de Commerce et le Palais de Justice.
L’architecte a tiré bon parti de {{formatnum:21000}} mètres superficiels qu’on lui a livrés ; il a sagement divisé la construction intérieure, il a appliqué partout autant que
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Las Cases - Mémorial de Sainte-Hélène, 1842, Tome II.djvu/468 | froid de ses actes ; ils démontrent surtout que, bien qu’au sommet du pouvoir, sa modération et son équité ne fléchissaient point devant ce qui lui était le plus directement personnel, et sur le sujet le plus délicat et le plus sensible.
– Lorsque, compromis dans l’affaire de Georges et Pichegru, Moreau se trouva arrêté, un des aides de camp du Premier Consul, qui l’avait été aussi peut-être de Moreau, ou du moins avait servi sous ses ordres, n’hésita pas à l’aller visiter avec un intérêt marqué. « Cela peut être bien, dit Napoléon en l’apprenant ; je ne saurais précisément blâmer un tel acte ; mais je dois chercher un autre aide de camp. Ce poste est tout de confiance et d’un entier dévouement ; il ne saurait admettre de partage dans une affaire aussi personnelle que celle-ci. » Et il donna un régiment à cet aide de camp, le colonel Lacuée.
Voici qui fait voir que Napoléon n’était pas disposé à sévir trop promptement contre une certaine indépendance même déraisonnable.
Je tiens de M. de Montalivet, alors ministre de l’intérieur, que, demeuré seul avec l’Empereur après un conseil des ministres, il lui dit : « Sire, ce n’est pas sans un grand embarras que j’ose entretenir Votre Majesté d’une circonstance vraiment ridicule ; mais un préfet, jeune auditeur, s’obstine ouvertement à me refuser un titre que l’usage a consacré pour tous vos ministres. Des subalternes de mes bureaux s’étant aperçus qu’il ne me donnait jamais le monseigneur, et croyant y voir de l’affectation, ont eu la gaucherie de le lui réclamer en mon nom ; à quoi il a répondu péremptoirement qu’il n’en ferait rien. Je suis tout honteux qu’on ait élevé cette difficulté ; mais pourtant la chose en est venue à un point qui ne permet pas de reculer. » Une telle obstination parut d’abord incroyable à l’Empereur ; il ne revenait pas, disait-il, d’une pareille folie dans le jeune préfet. Cependant, après quelques instants de méditation, il répondit à M. de Montalivet en riant : « Mais c’est qu’après tout une telle obligation n’est pas dans le Code, et ce jeune homme est peut-être un bon fruit qui n’est pas mûr. Toutefois un tel scandale ne doit pas se prolonger, et il faut en finir : faites-moi venir son père ; je suis sûr que le jeune homme ne résistera pas à un ordre de sa part. » Tournure remarquable de la plus délicate morale.
– Le 20 mars au soir, l’Empereur à peine entré dans ses appartements aux Tuileries, le capitaine des dragons G. D... se présente à lui : il était porteur de la capitulation de Vincennes, qui venait d’être obtenue par une rare audace et une grande adresse. Napoléon sourit d’abord |
Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/915 | juger, elle s’est étendue, on peut le dire, sur toute l’Allemagne
avec d’innombrables variantes. Les notes en prose qui accompagnent les chants de l’''Edda'' font déjà mention des divergences
que présentent les traditions. Les textes scandinaves eux-mêmes
proviennent de diverses régions du nord, dont chacune avait sa
version de la légende commune. La ''Thidrikssaga'' ou légende de
Théodoric, rédigée au XIIIe siècle d’après de vieux fabliaux saxons,
contient aussi l’histoire de Sigurd. La ''Wœlsungasaga'' a puisé dans
des sources allemandes aussi bien que dans les chants norrains.
La ''Klage'', autre poème allemand qui prétend faire suite au désastre
des Nibelungen, connaît ce désastre d’après une analyse en latin
différente du poème que nous possédons. La Saxe, la Westphalie,
le littoral de la Mer du Nord, le pays rhénan, ont eu, tout aussi
bien que l’Allemagne méridionale et la Scandinavie, leurs traditions sur les Nibelungen, et ces traditions tantôt diffèrent, tantôt
se rapprochent de celles qui ont prévalu plus au nord et plus au
midi. Le livre de M. Raszmann ne permet plus d’en douter. Parfois même ces traditions, moins connues, ont conservé des traits
appartenant à la forme la plus ancienne de la légende commune,
oubliés ailleurs et qui aident à fixer le jugement de la critique sur
la nature réelle du récit primitif. Par exemple, il en est qui racontent que les yeux de Sigurd-Siegfrid étaient si brillans qu’on n’en
pouvait soutenir l’éclat. Ce détail, en effet, vient confirmer ce que
toutes les analogies faisaient déjà supposer, savoir qu’à la base de
toutes ces légendes et de tous les poèmes petits et grands dont les
Nibelungen ont fourni le sujet, il y a un mythe solaire, importé par
la race germanique, encore indivise, des régions asiatiques d’où
elle partit pour se répandre vers l’occident et vers le nord, et qui
est resté l’héritage commun de tous les peuples issus de cette
souche féconde.
Il n’y a rien d’arbitraire dans cette explication. On peut s’en assurer en se rappelant la tendance générale des mythes solaires des
autres peuples. Le soleil est tout à la fois glorieux et tragique. Invincible, d’une beauté et d’une force incomparables quand il se lève
chaque jour ou quand il remonte chaque année sur l’horizon, il a
tous les jours et tous les ans sa fin mélancolique et lugubre. Voilà
ce qui a déterminé presque partout le caractère à part des mythes
dont il est l’objet. La mythologie grecque elle-même, habituellement si sereine, n’a pas fait exception sous ce rapport. Les mythes
d’Apollon, d’Adonis, de Phaéton, de Persée, de Bellérophon,
d’Ixion, de Cadmus, de Thésée, surtout d’Hercule, sont là pour le
prouver. On remarquera aussi avec quelle facilité le soleil, dans sa
gloire matinale ou printanière, se transforme dans l’imagination
<references/> |
Taillasson - Observations sur quelques grands peintres, 1807.djvu/195 | facilité de concevoir, de disposer, d’exécuter avec chaleur, qui entraîne avec elle le nom de génie ; nom cependant qui est bien plus souvent confirmé par tous les siècles, lorsqu’elle produit l’imitation de la nature, et particulièrement dans sa noblesse et dans sa beauté. L’invention et la composition sont les parties de la peinture que Bourdon sentoit le mieux ; dans toutes les autres il a un mérite distingué, et une originalité qui plaît beaucoup.
Son dessin, peu correct et sans beaucoup de choix, a du mouvement, et une sorte de grandeur qui semble plus tenir de son enthousiasme que de sa science. Sa mémoire lui donna facilement une connoissance superficielle de beaucoup de choses ; de bonne heure sans doute il contracta l’habitude, en copiant la nature, de ne pas chercher à en faire l’exacte imitation, même dans ce qu’elle avoit de plus beau : on assure que lorsqu’il vouloit terminer davantage ses ouvrages, ils perdoient plus qu’ils ne gagnoient. Il paria avec un de ses amis qu’il peindroit, en un jour, douze têtes d’après nature, de grandeur naturelle, et il gagna ; on dit que ce ne sont pas les moindres choses qu’il ait peintes.
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Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/164 | recensement dans chaque bannière ; ceux qui ne se présentent pas pour faire inscrire leurs noms sur les rôles sont censés ne plus appartenir à la nation Mantchoue ; or tous ceux que l'indigence fait soupirer après l'exemption des corvées et du service militaire ne se présentant pas au recensement, entrent par ce seul fait dans les rangs du peuple chinois. Ainsi, à mesure que les migrations ont fait passer par delà la grande muraille un grand nombre de Chinois, beaucoup de Mantchous ont abdiqué volontairement leur nationalité.
La déchéance ou plutôt l'extinction de la nation Mantchoue marche aujourd'hui plus rapidement que jamais. Jusqu'au règne de ''Tao-Kouan'', les contrées baignées par le ''Songari'' avaient été exclusivement habitées par les Mantchous ; l'entrée de ces vastes pays avait été interdite aux Chinois, et défense faite à qui que ce fût d'y cultiver les terres. Dès les premières années du règne actuel, on mit ces contrées en vente, pour suppléer à l'indigence du trésor public. Les Chinois s'y sont précipités comme des oiseaux de proie, et quelques années ont suffi pour en faire disparaître tout ce qui pouvait rappeler le souvenir de leurs anciens possesseurs. Maintenant on chercherait vainement dans la Mantchourie une seule ville ou un seul village qui ne soit exclusivement composé de Chinois.
Cependant, au milieu de cette transformation générale, il est encore quelques tribus, les ''Si-Po'' et les ''Solon'' qui ont conservé fidèlement leur type mantchou. Jusqu'à ce jour, leur territoire n'a été ni envahi par les Chinois, ni livré à la culture ; elles continuent d'habiter sous des tentes, et de fournir des soldats aux armées impériales. On a remarqué pourtant que leurs fréquentes apparitions à Péking,
<references/> |
Bladé - Contes populaires de la Gascogne, t. 3, 1886.djvu/114 |
Le jeune homme se mit à rire.
— « Mère du Diable, saute dans ma besace. »
La Mère du Diable sauta dans la besace, au premier
commandement. Alors, le jeune homme
retourna chez le forgeron, et posa la besace sur l’enclume.
— « Forgeron, passe-moi ton marteau du poids
de cent quintaux. Prends le pareil, et frappons
fort et ferme là-dessus.
— Pauvre, je n’ai rien à te refuser. Hardi ! Hô ! »
La Mère du Diable criait, à se faire entendre de cent lieues :
— « Aie ! aie ! aie ! Vous me brisez les os. Aie ! aie ! aie ! »
Les deux hommes frappaient toujours fort et ferme.
— « Hardi ! Hô ! »
Mais il est dit que la Mère du Diable ne mourra
jamais. Pourtant, elle est née pour souffrir, comme
les chrétiens. Sous les deux marteaux du poids de
cent quintaux, elle criait toujours, à se faire entendre
de cent lieues :
— « Aie ! aie ! aie ! Vous me brisez les os. Aie ! aie ! aie ! »
Quand la gueuse eut assez souffert, le jeune
homme ouvrit la besace. La Mère du Diable décampa,
pour ne revenir jamais, jamais.
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Jane Eyre/Chapitre IX | Charlotte Brontë Jane Eyre Traduction par Mme Lesbazeilles Souvestre. Librairie Hachette et Cie, 1890 (p. 72-81). ◄ Chapitre VIII Chapitre X ► bookJane EyreCharlotte BrontëMme Lesbazeilles SouvestreLibrairie Hachette et Cie1890ParisTBrontë - Jane Eyre, I.djvuBrontë - Jane Eyre, I.djvu/172-81 Les privations, ou plutôt les souffrances que nous avions endurées jusque-là, diminuaient ; le printemps allait revenir, il était presque arrivé ; les gelées avaient cessé ; les neiges étaient fondues ; les vents froids soufflaient moins fort ; mes pauvres pieds, que l’air glacial de janvier avait meurtris et enflés au point de gêner ma marche, commençaient à guérir sous l’influence des brises d’avril. Les nuits et les matinées, renonçant à une température digne du Canada, ne glaçaient plus le sang dans nos veines. Les récréations passées dans le jardin devenaient supportables ; quelquefois même, lorsque le soleil brillait, elles étaient douces et agréables. La verdure perçait sur ces massifs sombres qui, s’égayant chaque jour, faisaient croire que l’espérance les traversait la nuit et laissait chaque matin des traces plus brillantes de son passage. Les fleurs commençaient à se mélanger aux feuilles ; on voyait boutonner les violiers d’hiver, les crocus, les oreilles d’ours couleur de pourpre, et les pensées aux yeux dorés. Les jeudis, comme nous avions demi-congé, nous allions nous promener, et nous trouvions des fleurs encore plus belles, écloses sous les haies vives. Je m’aperçus aussi, à mon grand contentement, que le hasard nous avait réservé une jouissance qui n’était limitée que par l’horizon. Au delà de ces hautes murailles surmontées de pointes de fer qui gardaient notre demeure, s’étendait un plateau riche en verdure et en ombrages, et qu’encadrait une chaîne de sommets élevés ; au milieu coulait un ruisseau où se disputaient les pierres noires et les remous étincelants. Combien cet aspect m’avait paru différent sous un ciel d’hiver, alors que tout était roidi par la gelée ou enseveli sous la neige, alors que des brouillards aussi froids que la mort et poussés par des vents d’est venaient errer au-dessus de ces sommets empourprés, puis se glissaient le long des chênes verts pour se réunir enfin aux brumes glacées qui se balançaient au-dessus du ruisseau ! Ce ruisseau lui-même était dans cette saison un torrent bourbeux et sans frein ; il séparait le bois en deux parties, et faisait entendre un grondement furieux à travers l’atmosphère souvent épaissie par une pluie violente ou par des tourbillons de grêle ; quant à la forêt, pendant l’hiver son contour n’offrait aux regards qu’une rangée de squelettes. Le mois d’avril touchait à sa fin, et mai approchait brillant et serein. Chaque jour c’était un ciel bleu, de doux rayons de soleil, des brises légères qu’envoyaient l’occident et le nord. La végétation poussait avec force ; tout verdissait, tout était couvert de fleurs. La nature rendait la vie et la majesté aux chênes, aux hêtres, aux ormeaux ; les arbres et les plantes venaient envahir chaque recoin ; les fossés étaient remplis de mousses variées, et une pluie de primevères, égayait le sol ; je voyais leur pâle éclat répandre une douce lueur sur les lieux ombragés. Je sentais pleinement toutes ces choses ; j’en jouissais souvent et librement, mais presque toujours seule. J’avais donc enfin une raison pour désirer cette liberté toute nouvelle pour moi, et que je devais obtenir par mes efforts. N’ai-je pas fait de Lowood une belle habitation, quand je l’ai dépeinte entourée de bois et de montagnes et placée sur le bord d’une rivière ? Sans doute le site était beau ; mais était-il sain ? C’est là une autre question. La vallée boisée où était situé Lowood était le berceau de ces brouillards qui engendrent les épidémies ; avec le printemps les brumes revinrent, s’introduisirent dans l’asile des orphelines, et leur haleine répandit le typhus dans les dortoirs et dans les salles d’étude. Aussi avant le commencement de mai l’école fut-elle transformée en hôpital. Une mauvaise nourriture et des refroidissements négligés avaient disposé une partie des élèves à subir la contagion. Quarante-cinq sur quatre-vingts furent frappées en même temps. On interrompit les classes ; la discipline cessa d’être observée. Celles des élèves qui continuaient à se bien porter obtinrent une liberté entière, parce que le médecin insistait sur la nécessité d’un exercice fréquent, et que d’ailleurs personne n’avait le temps de nous surveiller. Mlle Temple était entièrement absorbée par les malades ; elle passait ses jours à l’infirmerie et ne la quittait que pour prendre quelques heures de repos ; les maîtresses employaient tout leur temps à emballer et à faire les préparatifs de départ pour les élèves privilégiées qui avaient des parents ou des amis disposés à leur faire quitter ce centre de contagion. Plusieurs déjà atteintes n’étaient arrivées chez elles que pour mourir ; d’autres rendirent le dernier soupir à Lowood, et furent enterrées rapidement et en silence, la nature de l’épidémie rendant tout délai dangereux. La maladie semblait avoir établi sa demeure à Lowood, et la mort y répétait ses visites assidues. Des chambres et des couloirs sortaient des émanations semblables à celles d’un hôpital. On s’efforçait en vain de combattre la contagion par des remèdes. Cependant le joyeux mois de mai brillait sans nuages au-dessus de ces montagnes à l’aspect pittoresque et de ce beau pays tout couvert de bois. Les jardins étaient resplendissants de fleurs, les buissons de houx avaient atteint la hauteur des arbres, les lis étaient éclos, et les roses venaient de s’épanouir ; les plates-bandes de nos petits massifs étaient égayées par le trèfle rose et la marguerite double ; matin et soir l’églantier odoriférant répandait son parfum semblable à celui des épices et de la pomme. Mais tous ces trésors s’étalaient en vain pour la plupart des jeunes filles de Lowood ; quelquefois seulement on venait cueillir un petit bouquet d’herbes et de fleurs destinées à orner un cercueil. Quant à moi et à toutes celles dont la santé s’était maintenue, nous jouissions pleinement des beautés du lieu et de la saison. Depuis le matin jusqu’au soir on nous laissait courir dans les bois comme des bohémiennes ; nous agissions à notre fantaisie, nous allions où nous poussait le caprice ; puis notre régime était meilleur que jadis. M. Brockelhurst et sa famille n’approchaient plus de Lowood, toute inspection avait cessé ; effrayée de l’épidémie, l’avare femme de charge était partie. Celle qui la remplaçait avait été employée au Dispensaire de Lowton, et, ne connaissant pas les habitudes de sa nouvelle place, elle distribuait les aliments avec plus de libéralité. Il y avait d’ailleurs moins de monde à nourrir ; les malades mangeaient peu, de sorte que nos plats se trouvaient plus copieux. Lorsqu’on n’avait pas le temps de préparer le dîner, ce qui arrivait souvent, on nous donnait un gros morceau de pâté froid ou une épaisse tartine de pain et de fromage ; nous emportions alors notre repas dans les bois, où nous choisissions l’endroit qui nous plaisait le mieux, et nous dînions somptueusement sur l’herbe. Ma place favorite était une pierre large et unie qui dominait le ruisseau ; on ne pouvait y arriver qu’en traversant l’eau, trajet que je faisais toujours nu-pieds. Cette pierre était juste assez large pour qu’on pût commodément s’y asseoir à deux ; je m’y rendais avec une autre enfant. À cette époque, ma compagne favorite était Marianne Wilson, petite personne fine et observatrice, dont la compagnie me plaisait, tant à cause de son esprit et de son originalité, qu’à cause de ses manières qui me mettaient à l’aise. Plus âgée que moi de quelques années, elle connaissait mieux le monde, et pouvait me raconter les choses que j’aimais à entendre. Près d’elle ma curiosité était satisfaite ; elle était indulgente pour tous mes défauts, et ne cherchait jamais à mettre un frein à mes paroles. Elle avait un penchant pour le récit, moi pour l’analyse ; elle aimait à donner des détails, moi à en demander ; nous nous convenions donc très bien, et nous tirions de nos conversations mutuelles sinon beaucoup d’utilité, du moins beaucoup de plaisir. Mais, pendant ce temps, que devenait Hélène Burns ? Pourquoi ne pouvais-je pas passer avec elle ces douces journées de liberté ? L’avais-je oubliée ? ou étais-je assez indigne d’elle pour m’être fatiguée de sa noble intimité ? Certes Marianne Wilson était inférieure à ma première amie : elle pouvait me raconter des histoires amusantes, contenter ma curiosité par des commérages piquants que je désirais savoir ; mais le propre d’Hélène était de donner à ceux qui avaient le bonheur de causer avec elle l’aspiration vers les choses élevées. Lecteurs, je savais et je sentais tout cela, et, quoique j’aie bien des défauts et peu de qualités pour les racheter, je ne me suis pourtant jamais fatiguée d’Hélène ; je n’ai jamais cessé d’avoir pour elle un attachement fort, tendre et respectueux, autant que le pouvait mon cœur. Et comment en eût-il été autrement, quand Hélène en tout temps, dans toutes circonstances, m’avait montré une amitié calme et fidèle, que la mauvaise humeur n’avait jamais ternie, que l’irritation n’avait jamais troublée ? Mais Hélène était malade ; depuis quelques semaines on l’avait séparée de nous, et je ne savais point dans quelle chambre elle avait été transportée. Elle n’habitait pas dans l’infirmerie avec les élèves malades de l’épidémie ; car elle n’était point attaquée du typhus, mais d’une maladie de poitrine, et dans mon ignorance je regardais cette maladie comme une souffrance douce et lente que le temps et les soins devaient sûrement faire disparaître. Je fus confirmée dans cette idée en la voyant descendre deux ou trois fois par des journées très chaudes. Elle était conduite au jardin par Mlle Temple, mais on ne me permettait pas d’aller lui parler ; je ne pouvais la voir qu’à travers la fenêtre de la salle d’étude, et encore très vaguement, car elle était enveloppée d’un châle, et elle allait se placer à distance sous la galerie. Un soir, au commencement de juin, j’étais restée très tard dans les bois avec Marianne ; comme de coutume, après nous être séparées des autres, nous nous étions mises à errer au loin, mais si loin, cette fois, que nous nous étions perdues, et que nous avions été obligées de demander notre chemin à un homme et à une femme qui faisaient paître dans la forêt un troupeau de porcs à demi sauvages. Lorsque nous arrivâmes, la lune était levée ; un cheval que nous reconnûmes pour être celui du médecin était attaché à la porte du jardin ; Marianne me fit observer qu’il devait y avoir quelqu’un de très malade pour qu’on fût allé chercher M. Bates à une pareille heure, et elle retourna à la maison. Moi, je restai encore quelques minutes pour planter dans mon jardin une poignée de racines que je rapportais de la forêt et que je craignais de voir se faner en les laissant hors de terre jusqu’au lendemain. Ce travail achevé, je ne rentrai pas encore ; la rosée donnait un doux parfum aux fleurs, la soirée était sereine et chaude ; l’orient empourpré promettait un beau lendemain ; à l’occident la lune se levait majestueuse ; je remarquais toutes ces choses, et j’en jouissais comme un enfant peut en jouir. Mon esprit s’arrêta sur une pensée qui jusqu’alors ne l’avait jamais préoccupé. « Combien il est pénible, me dis-je, d’être étendue maintenant sur un lit de douleur, et de se trouver en danger de mort ! Ce monde est beau, et il est triste d’en être arraché pour aller... qui sait où ? » Alors mon intelligence fit son premier effort sérieux pour comprendre ce qui lui avait été enseigné sur le ciel et sur l’enfer, et pour la première fois elle recula effrayée ; et pour la première fois, regardant en avant et en arrière, elle se vit entourée d’un abîme sans fond : elle ne sentait et ne comprenait qu’une chose, le présent ; le reste n’était qu’un nuage informe, un gouffre vide, et elle tressaillait à l’idée de se trouver plongée au milieu de ce chaos. J’étais abîmée dans ces réflexions, lorsque j’entendis ouvrir la grande porte ; M. Bates sortit avec la garde-malade. Lorsque celle-ci se fut assurée que le médecin était monté sur son cheval et reparti, elle se prépara à fermer la porte, mais je courus vers elle. « Comment va Hélène Burns ? demandai-je. — Très mal, répondit-elle. — Est-ce elle que M. Bates est venu voir ? — Oui. — Et que dit-il ? — Il dit qu’elle ne restera plus longtemps ici. » Si j’avais entendu cette même phrase la veille, j’aurais cru qu’Hélène allait retourner dans le Northumberland, chez son père, et je n’aurais pas supposé une mort prochaine ; mais ce jour-là je compris tout de suite. Je vis clairement qu’Hélène comptait ses derniers jours, qu’elle allait quitter ce monde pour être transportée dans la région des esprits, si toutefois cette région existe. Mon premier sentiment fut l’effroi ; ensuite mon cœur fut serré par une violente douleur ; enfin j’éprouvai le désir, le besoin de la voir ; je demandai dans quelle chambre elle était. « Elle est dans la chambre de Mlle Temple, me dit la garde. — Puis-je monter lui parler ? — Oh non, enfant, cela n’est pas probable ; et puis il est temps de rentrer. Vous prendrez la fièvre si vous restez dehors quand la rosée tombe. » La garde ferma, et je rentrai par une porte latérale qui conduisait à la salle d’étude. Il était juste temps. Neuf heures venaient de sonner, et Mlle Miller appelait les élèves pour se coucher. Deux heures se passèrent ; il devait être à peu près onze heures ; je n’avais pu m’endormir. Jugeant d’après le silence complet du dortoir que toutes mes compagnes étaient plongées dans un profond sommeil, je me levai, je passai ma robe et je sortis nu-pieds de l’appartement. Je me mis à chercher la chambre de Mlle Temple ; elle était à l’autre bout de la maison ; je connaissais le chemin, et la lumière de la lune entrant par les fenêtres me le fit trouver sans peine. Une odeur de camphre et de vinaigre brûlé m’avertit que je me trouvais près de l’infirmerie ; je passai rapidement, dans la crainte d’être entendue par la garde qui veillait toute la nuit : j’avais peur d’être aperçue et renvoyée dans mon lit, car il fallait que je visse Hélène ; j’étais décidée à la serrer dans mes bras avant sa mort, à lui donner un dernier baiser, à échanger avec elle une dernière parole. Après avoir descendu un escalier, traversé une portion de la maison et réussi à ouvrir deux portes sans être entendue, j’atteignis un autre escalier ; je le montai. Juste en face de moi se trouvait la chambre de Mlle Temple. On voyait briller la lumière par le trou de la serrure et sous la porte ; tout y était silencieux. En m’approchant je m’aperçus que la porte était entr’ouverte, probablement pour permettre à l’air du dehors d’entrer dans ce refuge de la maladie. Impatiente et peu disposée à l’hésitation, car une douloureuse angoisse s’était emparée de mon âme et de mes sens, je poussai la porte et je regardai dans la chambre ; mes yeux cherchaient Hélène, et craignaient de trouver la mort. Près de la couche de Mlle Temple et à moitié recouvert par ses rideaux blancs se trouvait un petit lit ; je vis la forme d’un corps se dessiner sous les couvertures ; mais la figure était cachée par les rideaux. La garde à laquelle j’avais parlé dans le jardin s’était endormie sur un fauteuil ; une chandelle qu’on avait oubliée de moucher brûlait sur la table. Mlle Temple n’y était pas ; je sus plus tard qu’elle avait été appelée près d’une jeune fille à l’agonie. Je fis quelques pas et je m’arrêtai devant le lit : ma main était posée sur le rideau ; mais je préférais parler avant de le tirer, car j’avais peur de ne trouver qu’un cadavre. « Hélène, murmurai-je doucement, êtes-vous éveillée ? » Elle se souleva, écarta le rideau, et je vis sa figure pâle, amaigrie, mais parfaitement calme. Elle me parut si peu changée que mes craintes cessèrent immédiatement. « Est-ce bien vous, Jane ? me demanda-t-elle de sa douce voix. — Oh ! pensai-je, elle ne va pas mourir ; ils se trompent : car, s’il en était ainsi, sa parole et son regard ne seraient pas aussi calmes. » Je m’avançai vers son petit lit, et l’embrassai. Son front, ses joues, ses mains, tout son corps enfin était froid ; mais elle souriait comme jadis. « Pourquoi êtes-vous venue ici, Jane ? il est onze heures passées ; je les ai entendues sonner il y a quelques instants. — J’étais venue vous voir, Hélène ; on m’avait dit que vous étiez très malade, je n’ai pas pu m’endormir avant de vous avoir parlé. — Vous venez alors pour me dire adieu ; vous arrivez bien à temps. — Allez-vous quelque part, Hélène ? retournez-vous dans votre demeure ? — Oui, dans ma dernière, dans mon éternelle demeure. — Oh non, Hélène ! » Je m’arrêtai émue. Pendant que je cherchais à dévorer mes larmes, Hélène fut prise d’un accès de toux, et pourtant la garde ne s’éveilla pas. L’accès fini, Hélène resta quelques minutes épuisée ; puis elle murmura : « Jane, vos petits pieds sont nus ; venez coucher avec moi, et cachez-vous sous ma couverture. » J’obéis ; elle passa son bras autour de moi et m’attira tout près d’elle. Après un long silence elle me dit, toujours très bas : « Je suis très heureuse, Jane. Quand on vous dira que je suis morte, croyez-le et ne vous affligez pas ; il n’y a là rien de triste : nous devons tous mourir un jour, et la maladie qui m’enlève à la terre n’est point douloureuse, elle est douce et lente ; mon esprit est en repos ; personne ici-bas ne me regrettera beaucoup. Je n’ai que mon père ; il s’est remarié dernièrement, et ma mort ne sera pas un grand vide pour lui. En mourant jeune, j’échappe à de grandes souffrances ; je n’ai pas les qualités et les talents nécessaires pour me frayer aisément une route dans le monde, et j’aurais failli sans cesse. — Mais où allez-vous, Hélène ? Pouvez-vous le voir ? le savez-vous ? — J’ai la foi, et je crois que je vais vers Dieu. — Où est Dieu ? Qu’est-ce que Dieu ? — Mon créateur et le vôtre ; il ne détruira jamais son œuvre ; j’ai foi en son pouvoir et je me confie en sa bonté ; je compte les heures jusqu’au moment solennel qui me rendra à lui et qui le révélera à moi. — Alors, Hélène, vous êtes sûre que le ciel existe réellement, et que nos âmes peuvent y arriver après la mort ? — Oui, Jane, je suis sûre qu’il y a une vie à venir ; je crois que Dieu est bon et que je puis en toute confiance m’abandonner à lui pour ma part d’immortalité. Dieu est mon père, Dieu est mon ami ; je l’aime et je crois qu’il m’aime. — Hélène, vous reverrai-je de nouveau après ma mort ? — Oui, vous viendrez vers cette même région de bonheur ; vous serez reçue par cette même famille toute-puissante et universelle, n’en doutez pas, chère Jane ! » Je me demandai quelle était cette région, si elle existait ; mais je ne fis pas part de mes doutes à Hélène. Je pressai mon bras plus fortement contre elle ; elle m’était plus chère que jamais ; il me semblait que je ne pouvais pas la laisser partir, et je cachai ma figure contre son cou. Alors elle me dit de l’accent le plus doux : « Je me sens mieux ; mais ce dernier accès de toux m’a un peu fatiguée et j’ai besoin de dormir. Ne m’abandonnez pas, Jane, j’aime à vous sentir près de moi. — Je resterai avec vous, chère Hélène, et personne ne pourra m’arracher d’ici. — Avez-vous chaud, ma chère ? — Oui. — Bonsoir, Jane. — Bonsoir, Hélène. » Elle m’embrassa, je l’embrassai, et toutes deux nous nous endormîmes. Quand je me réveillai, il faisait jour. Je fus tirée de mon sommeil par un mouvement inaccoutumé ; je regardai autour de moi, j’étais dans les bras de quelqu’un, la garde me portait ; elle traversa le passage pour me ramener au dortoir. Je ne fus pas réprimandée pour avoir quitté mon lit, on était occupé de bien autre chose ; on me refusa les détails que je demandais ; quelques jours après j’appris que Mlle Temple, en rentrant dans la chambre, m’avait trouvée couchée dans le petit lit, ma figure appuyée sur l’épaule d’Hélène, mon bras passé autour de son cou. J’étais endormie ; Hélène Burns était morte. Son corps fut déposé dans le cimetière de Brocklebridge. Pendant quinze ans, il ne fut recouvert que d’un monticule de gazon ; mais maintenant un marbre gris indique la place où elle repose. On y lit son nom et ce seul mot : resurgam. |
Bonnet - Essai de psychologie - Principes philosophiques sur la cause première, 1755.djvu/200 | {{tiret2|vou|loir}} des choses auxquelles la sphere d’activité de
l’ame ne s’étend point. Prenons garde à ceci : l’ame
toujours présente à elle-même, s’ignore elle-même.
Elle agit à chaque instant sur différentes parties :
elle exerce cette action le voulant & le
sachant ; & elle ne connoît point la maniere dont
elle l’exerce. Elle est unie de la maniere la plus
intime à toutes les parties de son corps, & elle
n’a pas le moindre sentiment de leur méchanique et
de leur jeu. Seroit-ce donc heurter de front nos
connoissances certaines que d’avancer, que la force
motrice n’a été soumise à la direction de la
volonté que jusques à un certain point et
relativement à un certain ordre de mouvemens ?
Y auroit-il de la contradiction à penser que la
force motrice déploie son activité sur certaines
parties en vertu d’une loi secrete, qui la rend
indépendante à cet égard de toute volonté et
de tout sentiment ? Cela répugneroit-il davantage
à notre maniere de concevoir, que n’y répugne
l’union de
deux substances qui n’ont entr’elles aucun rapport ?
Non assurément. Mais, nous sommes forcés par de bons
raisonnemens {{tiret|d’admet|tre}}
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Berzelius Bref 1.djvu/97 |
{{refa|65|65}}. Ceci a trait à la revue déjà mentionnée de T. {{sc|Thomson}}, Annals of Philosophy, dont le deuxième volume (1813) contient un compte rendu des expériences en question, intitulé Experiments on the nature of Azote, of Hydrogen and of Ammonia etc., (p. 276 et suiv.).
{{refa|66|66}}. Dans les Annals of Philosophy de Thomson, commençant tome II (1813) et continué tome III (1814).
{{refa|67|67}}. {{sc|Berzelius}} songe ici au fait que certains sels de l’acide antimonique, notamment ceux à base de cuivre, de cobalt et de zinc, chauffés au-dessous du rouge deviennent incandescents, c’est-à-dire manifestent un phénomène lumineux vif mais passager, après quoi, sans changer de poids, ils prennent une teinte nouvelle, ordinairement plus pâle, et deviennent insolubles dans les acides. Voir les Actes de l’Académie Royale des Sciences de Suède 1812, p. 238.
{{refa|68|68}}. Ce mémoire de {{sc|Berzelius}}, Essai — — — de fonder un système purement scientifique de la minéralogie (148 pages in 8:o), fut imprimé à Stockholm en 1814. Une édition nouvelle, considérablement augmentée, parut plus tard en français sous le titre Nouveau Système de Minéralogie. Paris 1819.
{{refa|69|69}}. Le traité sur la composition des substances organiques commença à être imprimé dans le 4:e tome des Annals of Philosophy (1814) de Thomson. En français il en parut presque simultanément un résumé dans les Annales de Chimie 92 (1814) p. 141-159, tandis que le traité ne parut in extenso que dans les tomes 94 et 95 de la même revue (1815).
{{refa|70|70}}. Les mémoires de {{sc|Gay-Lussac}} sur l’iode dont il s’agit ici sont insérés dans les Annales de Chimie tome 88 (1813) et 90 (1814). Il n’existe aucun article de ce savant sur ce sujet dans le 3:e tome des Mémoires de la Société d’Arcueil, lequel, en réalité, ne parut qu’en 1817.
{{refa|71|71}}. La visite de {{sc|Davy}} à Paris eut lieu dès la fin de 1813. Il quitta la capitales de la France le 23 décembre de la même année après environ deux mois de séjour. Cf. Memoirs of the Life of Sir Humphy Davy, Bart. by {{sc|John Davy}}, vol. I. London 1836. — Il est difficile de savoir qui est ce {{sc|Blacke}}, peut-être cet Anglais {{sc|Blake}} que {{sc|Berzelius}} mentionne dans son autobiographie (p. 68) et qui a traduit en anglais son étude sur un système de la minéralogie chimique. La commission pour {{tiret|quel|qu’un}}
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Sue - Les mystères de Paris, 5è série, 1843.djvu/162 | qu’on ne se réhabilitait qu’en faisant le bien ou en l’inspirant.
Nous l’avons dit : la Louve s’était assise sur un banc de bois à côté de la Goualeuse.
Le rapprochement de ces deux jeunes filles offrait un singulier contraste.
Les pâles rayons d’un soleil d’hiver les éclairaient ; le ciel pur se pommelait çà et là de petites nuées blanches et floconneuses ; quelques oiseaux, égayés par la tiédeur de la température, gazouillaient dans les branches noires des grands marronniers de la cour ; deux ou trois moineaux plus effrontés que les autres venaient boire et se baigner dans un petit ruisseau où s’écoulait le trop plein du bassin ; des mousses vertes veloutaient les revêtements de pierre des margelles ; entre leurs assises disjointes poussaient çà et là quelques touffes d’herbe et de plantes pariétaires épargnées par la gelée.
Cette description d’un bassin de prison semblera puérile, mais Fleur-de-Marie ne perdait pas un de ces détails ; les yeux tristement fixés sur ce petit coin de verdure et sur cette
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Radcliffe - L’Italien (trad. Fournier), 1864.djvu/127 | petite porte donnant sur un passage
étroit et tortueux pratiqué dans le roc. Tout à coup, Elena se rappela
que, d’après la description que lui avait faite sœur Olivia, ce passage
devait être celui qui conduisait à l’''in pace''. Alarmée à l’idée que Geronimo
les trahissait, elle refusa d’aller plus loin.
— Où nous conduisez-vous ? lui dit-elle.
— Où vous devez aller, répondit le frère d’une voix sourde.
Et ces mots, qui augmentèrent les alarmes d’Elena, ne laissèrent pas
d’inquiéter Vivaldi.
— Si votre dessein est honnête, dit la jeune fille, pourquoi ne pas nous
mener à quelque porte du couvent au lieu de nous diriger à travers ce
labyrinthe souterrain ?
— Parce que les autres portes sont obstruées par des troupes de frères
lais et de pèlerins, répondit Geronimo d’une voix rude. Le signor passerait
bien au milieu d’eux ; mais alors que deviendrait la jeune dame ? Au
surplus, vous avez su tout cela d’avance et c’est volontairement que vous
vous êtes fiés à moi. Ce passage débouche sur des rochers. J’ai couru
jusqu’ici assez de risques et je ne veux plus perdre mon temps. Si vous
ne voulez pas me suivre, je vous laisse, et vous vous tirerez d’affaire
comme vous pourrez.
Il allait refermer la porte, lorsque Vivaldi comprenant les suites que
pouvait avoir sa défiance, et d’ailleurs un peu tranquillisé par l’indifférence
apparente du frère, s’appliqua à l’apaiser et à encourager Elena.
Cependant, tandis qu’il s’engageait en silence dans les détours du passage,
se tenant prêt à toute éventualité, il tendit une main à Elena et prit
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Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/14 | <poem>
Amour eut mis de ses graces le trait,
Tu n'eusses dit que de Rien Rien se fait,
Veu qu'un Rien cree & ma glace & ma flame.
Qu'ainsi ne soit des beaux yeux de Madame
Un rien sortant, met en braise mon cœur,
Et mon cerveau fait voguer sur l'humeur
Du froid glaçon de l'amour qui m'enflame.
Jà se meslant avec ses qualitez
Mille autres riens, par leurs diversitez,
Prennent en moy une forme seconde.
Qui alterant mon esprit & mon corps,
Dessous la loy de leurs riches accords,
Mon font changer en un amoureux monde.</poem><section end=s10/>
<section begin="s11"/>{{t3|XI.}}<poem>
J'adore vos beaux yeux & deteste l'horreur
De vostre cruauté, meurtriere de mon ame,
Et me desplaist de voir qu'une si belle Dame
Avec tant de beautez loge tant de rigueur.
Las ! s'il est destiné qu'à mon fatal malheur,
Vos yeux en mon humeur facent durer leur flame,
Permettez que ma main, mon triste cœur entame,
Pour chasser de mon sang, ma vie & ma douleur.
Ne me vaut-il pas mieux qu'une heure bien-heureuse
Termine en un moment ma vie langoureuse :
Qu'apres vous vivottant mourir cent fois le jour.
Laissez moy donc tuer : mais tuez moy vous mesme
Afin que plus constant dedans les mains que j'ayme
Je laisse ma douleur, ma vie & mon amour.</poem>
<section begin="s12"/>{{T3|XII}}<poem>
Ie ne suis plus celuy qui respiroit la vie
De vos yeux, mon soleil, ie ne suis qu'un vain corps.
Amour qui m'a frappé de ses traits les plus forts</poem><section end="s12"/>
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Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/221 | {{tiret2|con|naître}} le prix coûtant des marchandises et les frais de transport. Puis le maire de la ville et deux prud’hommes fixaient le prix auquel les marchandises devaient être vendues. » La même règle était en vigueur à Thurso pour les marchandises venant « par mer ou par terre ». Cette façon d’« établir le prix » répond si bien à la conception même du commerce tel qu’on le comprenait au moyen âge qu’elle doit avoir été presque universelle. C’était une très vieille coutume de faire établir le prix par un tiers ; et, pour tous les échanges à l’intérieur de la cité, c’était certainement une habitude très répandue de s’en rapporter pour les prix à des « prud’hommes » — à une tierce partie — et non au vendeur ni à l’acheteur. Mais cet état de choses nous ramène encore plus loin en arrière dans l’histoire du commerce, — à une époque où c’était la cité tout entière qui faisait le commerce de ses produits, où les marchands n’étaient que des commissionnaires, des commis de la cité, chargés de vendre les marchandises que la cité exportait. Une ordonnance de Waterford, publiée aussi par Ch. Gross, dit « que toute espèce de marchandises, ''de quelque nature qu’elles fussent''... devaient être achetées par le maire et les baillis qui, étant acheteurs en commun [au nom de la ville] pour ce moment donné, devaient les répartir entre les hommes libres de la cité (exception faite des biens propres des citoyens libres et des habitants<ref>« That all manere of marchandis ''what so everkynde they be of...'' shal be bought by the Maire and balives which bene commene biers for the time being, and to distribute the same on freemen of the citie (the propre goods of free citisains and inhabitants only excepted »</ref> ).
On ne peut guère expliquer cette ordonnance autrement qu’en admettant que tout le commerce extérieur de la ville était fait par ses agents, De plus nous avons
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Ségur - L’auberge de l’ange gardien.djvu/124 | {{numérotation|L’AUBERGE DE L’ANGE-GARDIEN.|118|}}le plus heureux des hommes, parce que je pourrais alors espérer ne jamais vous quitter, ma chère, excellente amie ; mais vous comprenez que je ne pourrais rester avec vous que si je vous étais attaché par les liens de la parenté... ou... du mariage... et... »
Elfy leva les yeux, sourit et dit :
« Et vous n’osez pas, parce que vous êtes pauvre et que je suis riche ? Est-ce votre seule raison ?
La seule, je vous l’affirme. Ah ! si j’avais de quoi vous faire un sort, je serais tellement heureux que je n’ose ni ne veux y penser. Sans amis, sans aucun attachement dans le monde, m’unir à une douce, pieuse, charmante femme comme vous, Elfy ; vivre auprès d’une bonne et aimable femme comme votre sœur ; avoir une position occupée comme celle que j’aurais ici, ce serait trop de bonheur !
Et pourquoi le rejeter quand il s’offre à vous ? Vous nous appelez vos amies ; vous êtes aussi notre ami : pourquoi penser à votre manque de fortune quand vous pouvez, en partageant la nôtre, nous donner ce même bonheur qui vous manque ? Et ma sœur qui vous aime tant, et le pauvre Jacques, nous serions tous si heureux ! Mon ami, croyez-moi, restez, ne nous quittez pas. »
Moutier, fort ému, hésitait à répondre, quand le général, qui s’était impatienté d’attendre et qui était entré depuis quelques instants dans la salle, s’approcha de Moutier et d’Elfy sans qu’ils l’aperçussent, et, enlevant Elfy dans ses bras, il la poussa dans ceux de Moutier en disant :
« C’est moi qui vous marie ! Que diable ! ne suis-je
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Urfé - L’Astrée, Première partie, 1631.djvu/316 | lors qu’elle les vid un peu esloignées, elle sortit de ce buisson, et faisant un peu de tour, se mit à les suivre, car elle ne vouloit pas qu’elles pensassent qu’elle les eust ouyes. De fortune Phillis se tournant du costé d’où elles venoient, l’apperceut d’assez loing, et la monstra à ses compagnes, qui s’arresterent ; mais voyant qu’elle venoit vers elles, pour luy rendre le devoir que sa condition meritoit, elles retournerent en arriere, et la saluerent. Leonide, toute pleine de courtoisie, apres leur avoir rendu leur salut, s’adressant á Diane, luy dit : Sage Diane, je veux estre aujourd’huy vostre hostesse, pourveu qu’Astrée et Phillis soient de la trouppe, car je suis partie ce matin de chez Adamas mon oncle, en dessein de passer tout ce jour avec vous, pour cognoistre si ce que l’on m’a dit de vostre vertu, Diane, de vostre beauté, Astrée, de vostre merite, Phillis, respond à la renommée qui est divulguée de vous.
Diane voyant que ses compagnes s’en remettoient à elle, luy respondit: Grande nymphe, il seroit peut-estre meilleur pour nous que vous eussiez seulement nostre cognoissance par le rapport de la renommée, puis qu’elle nous est tant avantageuse ; toutesfois, puis qu’il vous plaist de nous faire cest honneur, nous le recevrons, comme nous sommes obligées de recevoir avec reverence les graces qu’il plaist au Ciel de nous faire. A ces dernieres paroles, elles la mirent entr’ elles, et la menerent au hameau de Diane, où elle fut receue d’un si bon visage, et avec tant de civilité, qu’elle s’estonnoit comme il estoit possible qu’entre les bois, et les pasturages, des personnes tant accomplies fussent eslevées. L’ apresdisnée se passa entre elles en plusieurs devis, et en des demandes que Leonide leur faisoit ; et entre autres elle s’enqueroit, qu’estoit devenu un berger nommé Celadon, qui estoit fils d’Alcippe. Diane respondit,
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Rebell - Les nuits chaudes du cap français, 1900.djvu/168 |
Et se tournant vers Dubousquens, elle {{Corr|ajoua|ajouta}} :
— I n’en a pas ! I n’en a pas ! Dors touzou quand z’ai envie.
Figeroux rugissait, voulait la battre, mais elle riait aux éclats, collée à Dubousquens qui, la canne toujours levée, écartait le mulâtre.
— On vous a payé, dit-il, laissez-nous.
— L’autre m’a payé aussi, répliqua froidement Figeroux ; elle lui doit sa nuit.
À ce moment, des sanglots s’élevèrent et j’aperçus un homme qui pleurait. La lanterne de la galerie qu’on alluma soudain au-dessus de nous lui éclaira le visage : c’était Samuel Goring.
— Moi, dois nuit, moi, dois nuit, répétait Zinga furieuse, moi dois rien du tout. Ze vais lui parler tout de suite, à gros coçon.
En une minute elle fut devant nous. Je ne voulais pas qu’elle m’aperçut et je me cachai derrière un sterculia, mais c’était bien inutile ; elle était trop occupée de Samuel Goring, de Figeroux et de Dubousquens pour glisser un regard dans la galerie.
— Viens dire à toi, fit-elle, que Zinga veut plus toi, plus zamais !
Samuel Goring tomba à genoux, joignit les mains. Mais cette timidité de geste et d’attitude ne fit que provoquer chez Zinga des sarcasmes et des fusées de rire.
— ''Gadé li !'' disait-elle, ''li ka fé so benjoli. So dé wey ton pasé trou krab.'' ( Regardez-le, regardez-le !
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Revue des Deux Mondes - 1874 - tome 5.djvu/927 | à la baleine. On voit sur le bâtiment deux hommes qui rament, un
autre est au gouvernail, un quatrième lance au monstrueux cétacé
le harpon. Sur un sceau de Fontarabie, presque de la même époque
(1335), se retrouve le semblable sujet avec quelques variantes. Le
navire est monté par quatre hommes ; la baleine est figurée déjà percée de deux harpons, et l’on voit l’un des pêcheurs laisser filer la
corde qui les retient afin de donner à l’animal l’espace pour se débattre avant de mourir et de ne point exposer la frêle barque à être
chavirée. On peut voir là une preuve de la présence fréquente au {{s|XIV}} dans le golfe de Gascogne du gigantesque cétacé qu’on n’y
rencontre plus guère aujourd’hui. La configuration donnée aux embarcations sur ces deux sceaux est intéressante, et, réunis aux représentations de vaisseaux que nous offrent d’autres monumens
sigillographiques, les navires gravés sur les sceaux de Biarritz et de
Fontarabie nous permettent de nous faire une idée exacte de la
forme et du gréement des nefs au moyen âge. Le vaisseau a été
fréquemment adopté comme emblème sur les sceaux des villes maritimes ; on le voit notamment sur des sceaux de Flandre et de Hollande. Sur un sceau de Nieuport de l’année 1307 est figuré un
vaisseau avec son château d’avant et son château d’arrière, maté
d’un mât avec hune et voile repliées. Le sceau de la ville de Damme,
datant de 1309, nous offre un navire d’une forme analogue ; il a
aussi le mât de hune et les cordages. À chaque extrémité du bâtiment est un petit château en galerie monté sur piliers où se tient
un homme portant une bannière au lion de Flandre. Un matelot
grimpe aux cordages, et le capitaine, debout sur le pont, commande
la manœuvre ; on distingue fort bien le gouvernail et les sabords.
La ville d’Amsterdam avait fait graver sur son sceau une scène de
la vie de mer. Même sujet sur le contre-sceau du sceau de Saint-Sébastien, où le vaisseau a aussi un château d’arrière ; deux matelots montés sur la vergue carguent les voiles.
Je ne parlerai pas du vaisseau qui forme les armoiries de la ville
de Paris, et qu’on voit figurer sur un joli sceau de 1412, car il appartient plus au blason qu’à la réalité. La pêche devait être au
moyen âge d’autant plus en honneur que le poisson jouait un grand
rôle dans l’alimentation ; il figurait sans cesse sur la table des nombreux moines auxquels leur règle imposait l’abstinence de viande,
sur celle des nobles et des bourgeois, alors rigides observateurs des
jours maigres et du carême. Un sceau de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, de 1339, nous rappelle l’importance du poisson
dans l’ordinaire des moines. Le pitancier, qui avait la cuisine dans
ses attributions, y est figuré un couteau d’une main et un poisson
de l’autre. Ce n’est point au reste la seule scène de la vie monastique que nous fournissent les monumens sigillographiques. Par
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Donop - Commandement et obeissance, 2e edition 1909.djvu/69 | et qui nous ont préparés à commettre de graves erreurs.
Quand les inférieurs se laissent, peu à peu, réduire à l’état d’automates, sans pensée, sans volonté, et sans dignité parfois ; et que les supérieurs, ayant accaparé tous les pouvoirs, ne songent pas, cependant, à exiger des autorités gouvernementales le respect auquel ils ont droit et qui limite ce que ces autorités, quelles qu’elles soient, ont le droit de leur demander, alors tout peut arriver ; et déjà nous avons vu se dérouler, devant le pays attristé, des scènes qui sont propres à causer les plus légitimes douleurs et à faire concevoir les craintes les plus grandes.
Il nous est plus facile, maintenant, d’entrer dans l’étude de la question que la situation présente impose le devoir d’étudier à tous ceux qui ont au cœur le souci de l’honneur et de la grandeur de l’armée.
Et, tout d’abord, abordant par le côté qui conduit à la clef de la position, il n’est pas vrai, comme on le prétend, que toutes les lois humaines,
même celles qui sont édictées par une autorité
sans haine à l’égard d’aucun de ses concitoyens, soient dignes de notre respect et commandent toutes notre obéissance.
Elles n’y ont droit que si elles ne portent que
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Revue des Deux Mondes - 1845 - tome 11.djvu/871 | nouvelle de l’auteur. N’êtes-vous pas bien las en effet de cette héroïne inévitable, de cette jeune femme, poète ou peintre, que Mme la comtesse Hahn-Hahn imagine si brillante, si fêtée, si supérieure à ce qui l’approche et surtout à son lecteur ? Cette fois elle a disparu. Rassurons-nous ; voici de nouveaux visages. Nous rencontrerons bien Ilda Schoenholm, mais ce sera dans un épisode. Le héros du livre de Mme Hahn-Hahn, ce n’est plus, Dieu merci, cette prétentieuse comtesse dont le portrait sans cesse reproduit allait s’effaçant sur son pastel ; c’est un gentilhomme, c’est Ulric, M. le comte Ulric Erbert.
Ulric est une ame passionnée. Il est facile de lire sur son front, déjà sillonné de rides, qu’il a été éprouvé par de sérieuses douleurs. Malgré la distinction parfaite de sa personne, on sent, à son approche, les traces de l’orage qui a passé sur lui. C’est ainsi qu’il apparaît à sa cousine, à la jeune comtesse Unica Erbert, quand il vient l’épouser. Unica est une gracieuse enfant, douce, aimable, et le comte Ulric espère trouver auprès d’elle ce calme après lequel il aspire. Son ame, qui s’est dévouée si ardemment, se reposera dans un attachement plus tranquille, dans un bonheur égal et sans secousses. Devenu incapable d’aimer comme il a aimé jadis, il consacrera à une affection fraternelle les forces épuisées de son cœur. Mais voyez l’imprudence du comte Ulric ! Suivez-le sous les grands arbres du parc, quand il se promène tout seul avec la fraîche jeune fille qui sera demain sa femme, et écoutez comme il lui expose naïvement la douloureuse situation de son ame : « Je ne t’aimerai pas, ô ma fiancée ! Comment pourrais-je t’aimer ? mon cœur a trop souffert, etc... » Voilà, certes, une idée plaisante. Pour un gentilhomme qui sait si bien le monde et qu’une cruelle expérience a tant instruit, c’est là une gaucherie un peu trop germanique. « Il m’aimera, répond tout bas Unica, il faudra bien qu’il m’aime ; » et voilà la fierté de la jeune fille qui se révolte. Puis la vanité s’en mêle. Unica était d’abord résolue à ne pas épouser le comte Ulric ; elle le trouvait trop ténébreux, trop mélancolique, et, s’il faut le dire, trop laid. Elle avait déjà refusé très nettement de souscrire aux vœux de son père ; mais dès qu’elle sait que le comte Ulric ne peut l’aimer, la voilà décidée à accepter sa main. C’est une lutte qui s’engage. Unica veut être aimée follement, ardemment, comme ces mystérieuses rivales qui lui ont dérobé d’avance le cœur de son mari.
Le mariage est célébré ; Unica a épousé Ulric. Le soir même, quand le comte Ulric entre dans la chambre de sa femme, il la trouve tout habillée et comme prête à sortir. « Qu’est-ce que cela ? Que voulez-vous ?...
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Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 9.djvu/909 | majesté. C’est pour moi un grand surcroît de douleur d’entendre
dire qu’on a persuadé à votre majesté que le papier qu’au moment
de sa mort il a remis au shériff n’est pas réellement de lui. Je puis
affirmer et attester solennellement que, pendant son emprisonnement, je lui ai entendu dire les principales choses que contient ce papier, et dans les mêmes termes... Que votre majesté, je l’en conjure
humblement, ait la charité de croire que celui qui, dans le cours de
sa vie, a toujours agi avec tant de sincérité et de franchise, n’aurait
pas voulu faire en mourant une telle fausseté que de donner comme
sa pensée ce qui n’aurait pas vraiment été de lui... J’espère que je
ne dis rien en ceci qui puisse déplaire à votre majesté. S’il en était
autrement, je la conjure de prendre mes paroles comme venant d’une
femme accablée de douleur; vous pardonnerez, je l’espère, à la fille
d’un homme qui a servi le père de votre majesté dans ses plus
grandes détresses, et votre majesté elle-même dans ses plus éminens
emplois, et moi, qui ai la conscience de n’avoir jusqu’ici rien fait
pour vous offenser, je prierai toujours pour la longue vie et l’heureux règne de votre majesté.»
C’est une veuve au désespoir, c’est la femme passionnément dévouée d’un conspirateur mort naguère sur l’échafaud pour maintenir
le droit de résistance et les libertés de son pays, qui garde et témoigne
si simplement ce profond respect monarchique, ce soin des convenances, cette susceptibilité si humble dans son langage, quoique au
fond si fière. Les jours, les mois, les années s’écouleront; elle restera la même, tout entière adonnée à un seul sentiment sans s’y
abîmer, à la fois concentrée en elle-même et attentive, active au
dehors, expansive même. Elle a un ami, un confident intime, le
docteur Fitz-William, jadis chapelain de son père, maintenant recteur de Cottenham et chanoine de Windsor, ecclésiastique profondément pieux, d’un cœur sympathique, d’un esprit élevé et abondant, qui porte à la noble fille de son ancien patron le plus tendre
intérêt, et met tous ses soins à la soutenir, à la consoler, à la faire
avancer, à travers ses épreuves, vers son Dieu et son salut éternel.
C’est à lui que lady Russell ouvre son cœur; c’est auprès de lui
qu’elle s’abandonne à tous ses troubles intérieurs, à ses accès d’abattement, à ses élans de pieuse espérance. Je veux rassembler quelques-uns des traits les plus saillans de cette correspondance, — assez,
non pour révéler pleinement, mais pour faire entrevoir cette grande
âme, rare et admirable surtout en ceci que la passion et le bon sens,
la tendresse du cœur et la fermeté de l’esprit ne s’y sont jamais
mutuellement étouffés, et que, pendant quarante ans de veuvage,
elle a exclusivement appartenu à la mémoire d’un mari adoré, en
demeurant sensible et active pour toutes les relations, toutes les
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Le Voyage des princes fortunez de Beroalde/Entreprise I/Dessein XIIII | François Béroalde de Verville L’histoire véritable, ou Le voyage des princes Fortunez de Beroalde de Verville, 1610 (p. 125-130). ◄ Par l’artifice d’Ëpinoyse, l’Ëmpereur pense mal des Fortunez & les fait mener chacun à part és isles dangereuses. Caualiree eschappant de l’isle des Lyons, vient en celle des Serpens où il trouue son frere Fonstelland. Amours de Beleador & Carinthee sous l’ombre de ce nom Ierotermia. Prier d’amour sans estre refusé. Discretion. ► Viuarambe en l’isle Deserte trouüé la Lentille rassasiante. Là il arriue un vaisseau, dont ceux de dedans le cogneurent, il s’embarque auec eux, & tous arriuent en l’isle des Serpens, où les freres se rencontrerent chez Batuliree. bookL’histoire véritable, ou Le voyage des princes Fortunez de Beroalde de Verville, 1610François Béroalde de VervilleCViuarambe en l’isle Deserte trouüé la Lentille rassasiante. Là il arriue un vaisseau, dont ceux de dedans le cogneurent, il s’embarque auec eux, & tous arriuent en l’isle des Serpens, où les freres se rencontrerent chez Batuliree.Le Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdfLe Voyage des princes fortunez - Beroalde, 1610.pdf/3125-130 _________________________________________________________________ DESSEIN QVATORZIESME. Viuarambe en l’isle deserte trouue la lentille rassasiante. Là il arriue vn vaisseau, dont ceux de dedans le cogneurent, il s’emharque auec eux, & tous arriuent en l’isle des serpens, où les freres se rencontrerent chez Batuliree. VIvarambe ayāt esté exposé cōme ses freres, & laissé en l’isle deserte ne sçauoit quelle resolution prendre. Ce fut à luy à chercher en son bel entendement ce qu’il pourra pour se tirer de la peine où il estoit, ou s’accommoder en ce desert, auquel il n’y a aucuns animaux, mesmes les arbres qui y croissent se petrifient en deux ans, qui est apres qu’ils ont porté fleur, par ainsi il n’y a point de fruict que par grand hazard, les racines n’ont point de suc, les herbes sont sans liqueur, & n’y a eau bonne que celle d’vne fontaine, sur laquelle nage vne lentille qui est d’vne exquise vertu, c’est que si on en mange vn grain on est rassasié pour vingt quatre heures, autant que si on auoit vsé suffisamment de bonnes viandes, duquel secret Viuarambe s’aduisa par rencontre Ayant soif il voulut boire vn bon coup, & print de l’eau au creux de son chapeau renfoncé, il y demeura quelques vns de ces grains dont il laissa couler vn auec l’eau en beuuant, & presques aussitost il se trouua non seulement desalteré, mais rassasié, & sans aucun appetit. En ceste affaire, il eut crainte d’auoir trouué quelque venin, dont le soudain poison l’eut penetré, mais le lendemain se trouuant dispost & sain, & en estat de disner, s’il eust eu dequoy : il retourna à la fontaine, & print vn grain, dont il se trouua tout substanté, ce qui luy fut vne grande consolation, soulagement & esperance : mais quoy ? il tournoyoit l’isle, & se trouuoit Seigneur absolut, mais il n’auoit à qui commander, &, ne pouuoit s’aduiser d’artifice, par lequel il se peust deliurer. Durant ces pensemens soit de lassitude ou de desplaisir & tristesse, il se ietta sous vn arbre petrifié, sous lequel au chaud du iour il se mettoit volontiers, & s’endormit profondément : à cest instant il arriua vn vaisseau, dont sortirent plusieurs personnes pour se recreer, car ils auoient couru fortune sept iours entiers, & ayans decouuert terre, auoient icy moüillé l’ancre. Vne Demoiselle de la troupe s’estant vn peu esloignee pour se proumener sans auoir pensé aucune de faire rencontre, car on l’auoit asseuree qu’il n’y auoit là bestes ny gens, allant, & venant, & considerant en bas les herbes qui estoient estrangement transmuees en froides pierres de diuerses sortes, & proportions, passa tant auant, qu’elle vint où Viuarambe estoit couché : l’ayant veu de premiere opinion, cui da que ce fust quelqu’vn de sa compagnie qui eust eu le mesme desir qu’elle, & qui se fust reposé là : mais regardant plus attentiuement vid qu’elle se trompoit : & toutesfois luy fut aduis, qu’elle cognoissoit cest habit (d’autant que les Fortunés ne changoient point la façon, ny la couleur, ny l’ordre, ny valleur de l’estoffe de leurs habits) & qu’elle l’auoit veu. Donc elle s’en approcha plus curieusement, & reconeut Viuarambe, dequoy elle fut fort esmerueillee, & se tourna promptement, & le vint dire aux autres. Les matelots se mocquoient d’elle, elle insistoit : partant il y en eut, qui la suiuirent, & vindrent où estoit le Fortuné, qui au bruict s’esueilla, surpris en toutes façons, & estonné de voir inesperement tant de personnes, dont aussi tost il recognut la pluspart, qui estoient de ses amis & cognoissance : ce qui luy fut vn commencement de souuerain bien, & sur tout voyant deuant soy vne des filles d’honneur de la Royne de Sobare : à ceste recognoissance ils adiousterent les fortunes, qui les auoient là addressees. Viuarambe desguisant la sienne, pource qu’il ne vouloit rien imputer à l’Empereur de Glindicee, leur dict, qu’apres vn grand naufrage, il s’estoit miraculeusement trouué en ceste ifle. Ce vaisseau où estoient tant d’amis apartenoit à la Royne de Sobare, auquel estoit son premier medecin, qui depuis le depart des Fortunez auoit espousé ceste fille d’honneur de la Royne, & pour luy donner du plaisir, l’ameneroit auec luy au voyage de l’isle des serpens où il en alloit chercher pour faire le theriaque, & amenoit aussi auec luy six des plus belles & chastes Demoiselles du pays, lesquelles preparoiēt les chairs de viperes aux iours de leur pureté. Quand il fallut leuer l’ancre, Viuarābe entra au vaisseau, emportāt auec soy quelque quantité de la lentille viuifique. Puis le nauire commis au vent suiuit sa route, & print terre fort heureusement en l’isle des serpens. Au temps de ceste arriuee, les deux Fortunez venoiēt de se proumener, & donnoient vn tour vers le port pour descouurir quelques nouuelles, & ils virent ceste nef a bord & plusieurs personnes de sorte venir à terre, & faisans tirer des hardes, mesmes desia des ouuriers qui plantoient des paux pour dresser des tentes : ce qu’ayans veu, ils delibererět vn peu les actiōs de ces gens là, & se tindrēt en lieu couuert pour les descouurir, les ayans attentiuement considerez, il leur fut aduis qu’ils auoient autrefois veu celuy qui commandoit, mais ils ne le remarquoient point assez, que voicy qu’ils aduiserent vn ieune Gentilhomme bien gay qui menoit vne ieune Dame : & cōme diligémēt ils l’espluchoiēt auec la veue, ils virent qu’il estoit vestu comme eux, il leur cheut sur le cœur que c’estoit leur frere, incontinant apres ils recogneurēt le Medecin de Sobare, lequel ne sçachant qu’il y eust aucun en l’isle, estoit sorti pour asseurer la troupe, & faire la preparation contre s’incursion des serpens. Les Fortunez ne furent point deceus de leur pensee, car ils auoient bien remarqué tout ce qu’ils auoient veu. Que ferons nous ? que dirons-nous ? empescherions nous leur contentement ? destournerions nous la ioye de leur cœur ? ceste liesse future sera-elle perceptible à d’autres ames ? Il n’y a pas moyen de les retenir d’auantage, ils se leuent de leur guette, & s’enviennent droict à ceste troupe asseuree. Ceux qui ouyrent le bruit que les Fortunés faisoient en s’approchant, s’estonnerent, & mirent les autres en alarme, lesquels auoient crainte que quelque grand serpent les vint attaquer : Viuarambe eut l’oreille prompte, & l’œil soudain, & aduisant ceux qui venoient, en recogneut l’habit : parquoy il va droict à eux, il fremit, le cœur luy saute, il cuide voir ses freres & il est vray, il s’aduance, ils se hastent, il se despesche, ils s’efforcent d’approcher, & chacun porté de mesme intention, ils font rencōtre : Ce que les autres voyans s’esmerueillent, les freres s’entr’embrassent, & auec telle liesse, qu’il n’y a point de plaisir extreme qui ne semble estre simplement vne douce figure de cestuy-cy. Les Dames & tous les assistans furent tres ioyeux de ceste rencontre, si que le reste du iour en fut passé en alegresse, & discours des fortunes passees. Estās ainsi assemblez comme par vne speciale prouidēce, les Fortunés firent entendre au medecin ce qu’ils auoient recogneu de ce lieu, & vindrent ensemble saluer la sage Batuliree, qui les receut auec tesmoignage de contentement, elle cognoissoit le personnage, & voyoit plusieurs de ses bonnes cognoissances. Or elle estoit de Sobare, & assez proche parente de la Royne qui estoit ennuyee de son absence : & de faict, on ne la pensoit pas là, car quand elle partit, elle feignit aller en Nabadonce pour voir l’hermitage d’honneur, au lieu dequoy elle auoit esleu ce lieu qui iadis auoit esté bien habité ; mesmes de ses ayeux, qui en estoient Seigneurs, mais l’isle fut depeuplee par vne peur qu’eurent les habitans pour la generale assemblee des serpens qui s’y fit, l’an de la conionction des 4 planettes. La raison pour laquelle ceste Dames arresta icy fut, que outre que c’estoit son bien, le desir qu’elle auoit d’attraper le Basilique qui s’y trouue, & notamment en l’assemblee generale, elle scauoit le moyen qu’il falloit tenir pour se preseruer, & pour prendre des serpens, à quoy elle auoit aussi instruit sa fille, & auec ceste industrie elles attendoient l’heure oportune, patientant iusques à la rencontre desiree. Batuliree fournit au medecin tout ce dont il auoit affaire, & tandis qu’ils furent en semble luy communica force beaux & signalez secrets. |
Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/301 |
Mais, monseigneur, puisque la justice nous a pris notre argent, nous ne pouvons pas refuser celui qu’on veut bien nous prêter. {{di|(À Inès.)}} Donnez, ma belle ; car, de vrai, nous n’avons pas de quoi dîner aujourd’hui.
{{PersonnageD|Inès|c|à don Juan.}}
Puis-je le lui remettre ?
Comment donc ? J’ai tout pouvoir... quand même ce serait le trésor de Venise.
Soit !... Après tout, ce serait se montrer ingrat envers une main si généreuse. — Mais ne saurai-je point qui est cette dame ?
Si vous vous conduisez bien, vous le saurez plus tard.
Croyez-le, ma naissance est des meilleures.
Il est inutile de parler de ces choses-là ; on n’a pas envoyé ici mademoiselle pour apprendre votre généalogie. {{di|(À Inès.)}} Maintenant, vous pouvez repartir quand vous voudrez. Revenez dans une heure avec la même somme, et vous serez reçue avec le même plaisir.
Est-ce que monseigneur ne veut pas me donner un mot de réponse ?
Ce coquin a juré de ne pas me laisser parler ! — Oui, certes, je voudrais écrire, car ce serait par trop grossier de laisser sans réponse une lettre si aimable. — J’ai vu dans la pièce voisine de l’encre et du papier.
Ma maîtresse sera ravie, et j’aurai, je suis sûre, une bonne étrenne.
J’y vais et je reviens.
Puisque nous voilà seuls, voulez-vous, ma charmante, faire plus ample connaissance... si toutefois un galant homme peut vous donner dans l’œil.
Je crains fort d’avoir affaire à un mauvais sujet, et vous m’avez l’air suspect.
Vous êtes singulières, mesdames. — Un joli garçon comme moi,
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Simon - L'écrin disparu, 1927.djvu/124 | {{nr||L’ÉCRIN DISPARU|123}}du malheureux, et c’est encore lui qui a présidé à son internement.
L’entretien s’était prolongé au-delà du temps que Lédia
avait indiqué au chauffeur ; celui-ci bientôt remis de son indisposition
avait laissé la cuisine, attendant immobile sur son siège.
Comme Madame Giraldi faisait ses adieux, deux coups de
feu, partis de la lisière du bois voisin, firent tressaillir ces dames
qui jetèrent un cri de frayeur. Le chauffeur ayant quitté son
siège pour aller s’enquérir de l’incident, fut suivi par Madame
Giraldi qui soudain poussa cette exclamation :
— C’est vous monsieur Parizot, que je trouve ici, en costume
de chasse ?
— Votre carnier est-il bien gonflé au moins ?
— Ne m’en parlez pas, reprit le chasseur improvisé : « Je
viens de manquer les deux plus belles perdrix que j’ai jamais
vues de ma vie. »
— Vous pouvez au moins vous vanter de nous avoir fait
aussi peur qu’aux perdrix !...
Avant de tirer, le reporter, ainsi travesti, s’était attardé,
soigneusement dissimulé dans le taillis, à examiner la singulière
attitude du chauffeur : l’engoncement de son collet toujours relevé,
sa casquette écrasée sur le front, ne laissaient qu’une vision
restreinte de son profil, aux lignes aiguës. Ses mains osseuses
demeuraient posées sur le volant de la machine ; il les regardait
attentivement, comme s’il en eût compté toutes les phalanges.
Tout en conversant avec les dames, le reporter, d’un œil
observateur et intrigué, crut voir une affectation dans la manière
dont le chauffeur semblait désintéressé de ce qui se passait à quelques
pas de lui. Lédia Giraldi s’en aperçut et réfutant le soupçon
avant même qu’il ne fût exprimé :
— Harry, dit-elle, comprend à peine le français et ne le parle
pas du tout. Ce n’est point de sa part que je redoute une indiscrétion.
Bien que Lédia parût lui porter intérêt, Parizot garda le
silence, évitant de prendre part à un entretien auquel il jugeait
n’assister que fortuitement ; mais par une question directe, la
jeune dame l’invita à se départir de sa réserve :
N’est-ce pas Monsieur, qu’il serait cruel de dénoncer le pauvre
fou de Dupras, au risque de lui faire payer de sa tête, l’aveu
d’un meurtre, imaginé peut-être dans son délire ?...
Le reporter se défendit de formuler une réponse précise.
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Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 74.djvu/632 | absolue. Son bon sens n’admet pas que le suffrage du chef d’une grande industrie pèse exactement du même poids que celui du moindre de ses apprentis, qu’un avocat distingué ou un homme politique vieilli dans les affaires n’exerce pas une plus grande influence qu’un valet d’écurie ou un piqueur de bœufs ; mais il réserve à la seule intelligence tout le bénéfice de la pluralité des votes. Quant à la richesse, il ne consent à l’admettre à la participation de ce privilège que parce qu’elle est en général une présomption d’intelligence et un signe de capacité.
Il ne faudrait pas s’arrêter en si beau chemin. Quand une fois on est entré dans cette voie, on doit la parcourir jusqu’au bout. Puisqu’en ce moment nous faisons de la théorie pure, au moins faut-il que cette théorie soit rigoureuse et irréprochable. Il faut que le principe qui nous guide soit évidemment conforme à l’idéal. Or l’idéal d’un système de suffrage (s’il est permis d’accoupler des mots qui hurlent de se trouver ensemble), l’idéal d’un système de représentation parfaite n’est ni la démocratie pure, ni le gouvernement de l’intelligence, ni le suffrage restreint d’aucune espèce, ni même le suffrage universel ; c’est la forme de représentation où chacune des existences et chacune des forces sociales obtiendrait une part de pouvoir exactement proportionnelle à sa valeur. Le droit de suffrage universel et égal pour tous peut être une nécessité politique ou une convenance sociale, — nous verrons même plus loin qu’il n’offre pas dans la pratique tous les inconvéniens et tous les dangers qu’on lui prête ; — mais il est évident qu’en théorie pure ce n’est pas précisément l’équité parfaite. L’égale répartition du pouvoir n’est pas moins contraire à la véritable égalité, c’est-à-dire à la justice, que l’égale répartition des biens et des jouissances sans égard au mérite et aux services rendus. Nous n’avons pas besoin de répéter que la nature ne nous a pas tous coulés dans le même moule et ne nous a pas tous fait passer sous le même niveau ; elle a établi entre nous des différences de force, d’intelligence, de volonté, de caractère, et la société confirme ces inégalités naturelles en y attachant certains privilèges. Tout a été dit sur la distinction bien connue de l’égalité matérielle, qui dans l’ordre de la nature serait l’injustice même, et de l’égalité morale, qui est l’expression même de la justice. C’est sur ce principe de la justice distributive que doit se faire la répartition du pouvoir politique, comme celle des charges nationales imposées à chaque citoyen. De même qu’une proportionnalité rigoureuse entre les charges et les fortunes serait la seule base équitable d’un impôt idéal, de même le suffrage universel et égal pour tous doit être considéré, en théorie pure, comme une injustice analogue à celle de l’impôt
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Bluther - Marie-Anna la Canadienne, 1913.djvu/162 |
Elle se trouva en face d’un homme grand et fort
paraissant âgé d’une cinquantaine d’années. Elle
ne le reconnut pas immédiatement mais au son de sa grosse voix elle se ravisa et aussitôt une grande appréhension la saisit. C’était le père d’Henri, le docteur Chesnaye.
Il s’informa de sa santé, lui fit compliment sur sa mine charmante et demanda madame Carlier.
Marie-Anna monta chez sa mère, l’informa de la visite et courut s’enfermer dans sa chambre, le cœur tenaillé par une véritable angoisse. Après ce que Georges lui avait appris sur l’état d’Henri
Chesnaye, la visite du docteur ne lui semblait pas une chose fortuite.
Le docteur Chesnaye renoua connaissance avec la veuve de son ancien ami, l’ingénieur Carlier. Il avait été autrefois le médecin de la famille alors qu’il pratiquait aux Trois Rivières et que les Carlier étaient ses voisins.
Ils parlèrent un peu du passé ainsi qu’il convient
entre gens que des causes sérieuses ont séparés et qui ne se sont pas vus depuis longtemps puis le docteur exposa le sujet de sa visite :
— Madame, dit-il, mon fils Henri aime Marie-Anna.
Il m’a avoué cette inclination en me {{tiret|dé|clarant}}
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Paul Bourget – Un divorce.djvu/120 |
{{tiret2|vo|lonté}} dont, il eut soudain honte. La discipline à
laquelle il avait été dressé depuis son adolescence
par son beau-père reprit le dessus dans cette sensibilité
si profondément bouleversée. Cette fois
c’étaient ses propres paroles qui lui revenaient à la
mémoire. : « ''Sans vérité, il n’y a pas de conscience''... »
Il se redit, il s’enfonça jusqu’au plus intime de son
âme ce mot de « vérité », et, comme il eût marché
sur un pistolet chargé, dans un duel, il entra dans
la maison. Il n’avait rien demandé à la loge, mais sa
résolution était si entière maintenant qu’arrivé
sur le palier de Berthe, et quand il vit la clef sur
la porte, un soupir de soulagement échappa de sa
poitrine. Un coup du revers de sa main sur cette
porte, — les deux syllabes « Entrez » prononcées
de cette voix à laquelle il avait tant cru, — un tour
donné à la clef, et il était devant elle.
{{C|IV|fs=120%|lh=3}}
{{C|{{Esp|{{sc|la vérité}}|0.2|em}}|lh=2}}
{{interligne}}
L’étudiante avait reconnu la manière de frapper
du jeune homme. Aussi ne s’était-elle pas levée du
fauteuil où elle se tenait assise. Devant elle, sur son
bureau, un atlas se trouvait ouvert, à une page
où était représentée l’anatomie de la jambe. L’entrelacement
des vaisseaux sanguins, des nerfs et
des muscles autour des os était figuré par une superposition
de lamelles de papier découpées et coloriées
en bleu, en noir, en gris, en rouge. Des doigts
de sa main gauche, Berthe soulevait soigneusement
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 39.djvu/714 | me marchandait pas ses empressemens. Je ne me suis jamais défendu
contre de telles impressions, mais au contraire je leur sais gré de me
préserver d’une sotte outrecuidance. » En 1870, il savoura en vrai
gourmet les gracieuses attentions qu’on avait pour lui, les amitiés que
lui faisaient les princes, le plaisir de converser avec eux et de s’asseoir
à leur table. A vrai dire, il éprouva à Varennes une mortification assez
vive, en entendant un pensionnat de jeunes filles s’écrier tout d’une
voix : « Qui est ce monsieur ? serait-ce un aumônier ou un apothicaire ? »
S’approchant d’une jalousie, il leur cria : « Pardon, mesdames, ni apothicaire ni aumônier, mais bien le rédacteur des bulletins de batailles
de sa majesté le roi de Prusse. » Il fut bien dédommagé de cette mésaventure lorsqu’après la signature de l’armistice, se promenant à Saint-Cloud, il eut l’agréable surprise d’être salué respectueusement par un
groupe d’officiers prussiens, qui avaient pris ce petit homme corpulent pour M. Thiers ; il n’eut garde de les détromper. En 1851, il avait
été pris pour M. de Manteuffel, président du ministère prussien. Voilà
deux bonnes fortunes auxquelles son amour-propre fut sensible.
Schneider a dressé dans ses Mémoires l’état le plus circonstancié des
quatre cent quinze lectures qu’il eut l’honneur de faire à Frédéric-Guillaume IV, et dans ses narrations de voyages il apporte beaucoup
de minutie à nous raconter l’heur ou le malheur de chacune de ses
couchées. Il ne faut pas lui faire un crime de cette surabondance de
détails oiseux ; c’est un péché véniel. Ce qu’on a plus de peine à lui
pardonner, ce sont des silences qui étonnent. A qui se vante d’avoir
vécu sur l’Olympe, on demande volontiers des nouvelles de Jupiter. Il
semble que Schneider n’ait pas vu Jupiter ou qu’il n’ait pas voulu le
voir. Si nous ne possédions pas d’autre document que son livre sur
l’histoire de ces vingt-cinq dernières années, il nous serait impossible
de deviner qu’il y a eu de son vivant à Berlin un homme assez considérable qui s’appelait M. de Bismarck, et qui a exercé une certaine
influence sur les destinées de la Prusse. A peine a-t-il une ou deux fois
jeté négligemment ce nom à la fin d’une ligne ; mais son silence n’est
pas de l’oubli, c’est une vengeance. M. de Bismarck, en arrivant au
pouvoir, s’avisa que l’ancien comédien se mêlait de dire son mot dans
certaines affaires qui ne le regardaient point, et on assure qu’en plus
d’une rencontre il le remit à sa place. D’ailleurs, en sa qualité de pur
royaliste, de légitimiste immaculé, Schneider, qui se proclamait lui-même le dernier des particularistes prussiens, considérait l’illustre
conseiller du roi Guillaume comme un dangereux révolutionnaire, comme
un malfaiteur politique, comme le destructeur de la vieille bonne Prusse,
dont il avait de ses mains creusé la fosse. Schneider lui en voulait
d’avoir doté son pays du suffrage universel, il avait ses entreprises en
horreur, il jugeait qu’un roi de Prusse déroge en devenant empereur
<references/> |
Rousseau - Collection complète des œuvres t7.djvu/557 | de cette étamine, & bientôt vous verrez l’étamine avec son anthère suivre l’épingle & se détacher des neuf autres qui continueront toujours de faire ensemble un seul corps, jusqu’à ce qu’elles se flétrissent & dessechent quand le germe fécondé devient gousse & qu’il n’a plus besoin d’elles.
Cette ''Gousse'' dans laquelle l’ovaire se change en mûrissant se distingue de la ''Silique'' des cruciferes, en ce que dans la ''Silique'' les graines sont attachées alternativement aux deux sutures, au lieu que dans la ''Gousse'' elles ne sont attachées que d’un côté, c’est-à-dire, à une seulement des deux sutures, tenant alternativement à la vérité aux deux valves qui la composent, mais toujours du même côté. Vous saisirez parfaitement cette différence, si vous ouvrez en même tems la ''Gousse'' d’un Pois & la ''Silique'' d’une Giroflée, ayant attention de ne les prendre ni l’une ni l’autre en parfaite maturité, afin qu’après l’ouverture du fruit les graines restent attachées par leurs ligamens à leurs futures & à leurs valvules.
Si je me suis bien fait entendre, vous comprendrez, chere Cousine, quelles étonnantes précautions ont été cumulées par la nature pour amener l’embrion du Pois à maturité, & le garantir sur-tout, au milieu des plus grandes pluies, de l’humidité qui lui est funeste, sans cependant l’enfermer dans une coque dure qui en eut fait une autre sorte de fruit. Le suprême Ouvrier, attentif à la conservation de tous les êtres, a mis de grands soins à garantir la fructification des plantes des atteintes qui lui peuvent nuire ; mais il paroit avoir redoublé d’attention pour celles qui servent à la nourriture de l’homme & des animaux, comme la plupart des légumineuses.
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Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/455 | par quelques virulentes objurgations contre l’Angleterre, on s’engage
à améliorer le sort des classes laborieuses. Sur un seul point, celui
des tarifs de douane, il y a divergence de doctrines. La ''platform''
républicaine était nettement protectionniste, tandis que le programme républicain, fort éloigné encore des principes libre-échangistes, accuse cependant de vagues tendances à une législation
douanière plus libérale.
Cette uniformité dans les revendications des deux partis a fait
justice d’un préjugé qui avait longtemps entravé les progrès du
parti démocratique auprès de certaines classes d’électeurs dans les
États du Nord. On a fini par comprendre que l’arrivée des démocrates au pouvoir ne pouvait plus être une menace pour la tranquillité du pays, pour le crédit public, pour la marche des affaires.
Il n’y a rien de commun entre le parti démocratique actuel et celui
qui s’alliait, en 1860, avec les propriétaires d’esclaves et les sécessionnistes. Ceux-ci sont des êtres d’antan. Une génération nouvelle
a passé sur les grands événemens qui ont fait disparaître ces tenans
d’un régime exécré, pour jamais condamné. Hommes et choses,
dans l’Union, se sont, depuis, complètement transformés. Ceux qui
voient encore dans le parti démocratique une organisation dangereuse pour l’ordre social, hostile aux intérêts conservateurs, ne
songent pas que c’est toute une moitié de la population fédérale
qu’ils déclarent impropre à l’œuvre de gouvernement. Et pourtant
il y a déjà longtemps que les démocrates sont prêts à prendre le
pouvoir que le verdict du suffrage universel vient de leur conférer.
En 1876, M. Tilden a obtenu 184 voix du collège électoral contre
185 attribuées à M. Hayes, et après même qu’une fraude restée
célèbre assurait cette unique voix de majorité à son rival, le vote
populaire, qui ne compte pas pour l’élection présidentielle, mais
dont les partis relèvent avec soin les utiles indications, faisait ressortir une majorité de 200,000 voix en faveur du candidat démocrate. Quatre ans plus tard, sur 9 millions de votans, la majorité
populaire du républicain Garfield contre son concurrent Hancock
n’a été que de 7,000 voix. Les démocrates ont eu presque constamment la majorité dans la chambre des représentans depuis 1874.
Hs l’ont encore dans le congrès actuel, qui prendra fin le 4 mars
prochain, en même temps que la présidence de M. Arthur. Ce n’est
donc pas un coup de surprise qui enlève le pouvoir aux républicains; c’est une évolution normale, longuement préparée par les
événemens. Les partis finissent par s’user et perdre toute vitalité
lorsqu’ils sont confinés indéfiniment dans l’opposition; il sera salutaire que les démocrates, puisqu’ils constituent la moitié de l’Union,
<references/> |
Goudeau — Dix ans de bohème, 1888.djvu/269 | panneaux diamantés soulignant les tapisseries, sur lesquelles les fameux clous de la ''Passion'' supportaient des fusils à pierre, des glaives inusités, tandis que la haute cheminée — heureusement peu semblable à l’autre — remplaçait les bibelots antiques par une joyeuse attisée bien moderne, que visaient en demi-cercle les pieds des peintres, des sculpteurs, qui vinrent là dès l’abord, et ceux aussi des poètes et des musiciens, qui ne tardèrent pas à surgir — suivant nos traces hydropathesques.
L’ouverture du cabaret eut lieu en décembre 1881. La présence de quelques poètes fit éclore le journal ''le Chat noir'' en janvier 1882.
C’est là ce qui tira hors de pair immédiatement le cabaret du gentilhomme Salis. Un journal illustré, contenant des vers et des proses, et des annonces, celle-ci entre autres, dans le premier numéro :
{{c|{{sp|'''LE CHAT NOIR'''}}|fs=120%}}
{{c|CABARET LOUIS XIII|fs=85%}}
{{c|''Fondé en'' 1114 ''par un fumiste.''}}
C’est dans ce premier numéro également
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Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/155 |
À cet étage, deux chambres étaient meublées encore. Des signes certains permettaient de croire qu’on les avait fouillées. Qui ? Des agents du Parquet ? Brégeac ? Jodot ? Pourquoi ?
Raoul ne s’obstina point. Ce que d’autres étaient venus chercher, ou bien ne s’y trouvait pas, ou bien ne s’y trouvait plus. Il s’installa dans un fauteuil pour y passer la nuit. Éclairé par une petite lanterne de poche, il prit sur une table un livre dont la lecture ne tarda pas à l’endormir.
La vérité ne se révèle qu’à ceux qui la contraignent à sortir de l’ombre. C’est bien souvent lorsqu’on la croit lointaine qu’un hasard vient l’installer tout bonnement à la place qu’on lui avait préparée et le mérite en est justement à la qualité de cette préparation. En s’éveillant, Raoul revit le livre qu’il avait parcouru. Le cartonnage était revêtu d’une espèce de lustrine prélevée sur un de ces carrés d’étoffe noire qu’emploient les photographes pour couvrir leur appareil.
Il chercha. Dans le fouillis d’un placard rempli de chiffons et de papiers, il retrouva l’une de ces étoffes. Trois morceaux y avaient été découpés en rond, chacun de la grandeur d’une assiette.
— Ça y est, murmura-t-il, tout ému. J’y suis en plein. Les trois masques des bandits du rapide viennent de là. Cette étoffe est la preuve irréfutable. Ce qui s’est produit, elle l’explique et le commente.
<references/> |
Duret - Voyage en Asie.djvu/279 | chacun, tout petit en soi qu’il est, n’en est pas moins
le premier dans son emploi. On dépend de Pondichéry,
qui est à trois jours de marche avec des
bœufs, à travers le territoire anglais, un voyage
qu’on ne fait qu’à la dernière extrémité.
Le sous-lieutenant qui commande les cipayes et
le commissaire de police composent à eux deux tout
le contingent militaire fourni par la race conquérante.
Les cipayes du sous-lieutenant et les policiers
du commissaire sont, sans exception, des indigènes.
Ces bons cipayes, malgré leur pantalon à la zouave,
ont un air paterne qui ôte toute idée qu’ils puissent
jamais servir à autre chose qu’à monter la garde à
la porte du chef de service. Voici au moins une colonie
française où ne fleurit point le militarisme.
Un gouvernement dans les mains d’une douzaine
d’hommes de race blanche maintenant l’ordre au
milieu de cent mille individus de race étrangère est
certes un type de gouvernement civil. Quand M. le
chef de service fait sa promenade par les rues de sa
capitale et va donner au bazar et aux écoles le coup
d’œil du maître, sans autre pompe que le parapluie
qu’il ouvre contre le soleil, les respects qui l’accueillent partout prouvent que la domination française
<references/> |
Anatole France - La Rôtisserie de la reine Pédauque.djvu/287 | Il fallait toutefois que j’eusse une nouvelle de conséquence à vous faire savoir pour me hasarder jusqu’au seuil de cette maison maudite, où vous habitez avec toutes sortes de diables, et c’est avec épouvante, après avoir récité l’oraison de saint François, que j’ai osé heurter le marteau pour remettre à un valet le billet que je vous adressai. Je ne sais si vous avez pu le lire, tant j’ai peu l’habitude de former des lettres. Et le papier n’en était guère bon pour écrire, mais c’est l’honneur de notre saint ordre de ne point donner dans les vanités du siècle. Ah ! Catherine à l’hôpital ! Catherine à l’Amérique ! N’est-ce pas à fendre le cœur le plus dur ? Jeannette elle-même en pleurait toutes les larmes de ses yeux, bien qu’elle soit jalouse de Catherine, qui l’emporte autant en jeunesse et en beauté sur elle que saint François passe en sainteté tous les autres bienheureux. Ah ! monsieur Jacques ! Catherine à l’Amérique, ce sont les voies extraordinaires de la Providence. Hélas ! notre sainte religion est véritable, et le roi David a raison de dire que nous sommes semblables à l’herbe des champs, puisque Catherine est à l’hôpital. Ces pierres où je suis assis sont plus heureuses que moi, bien que je sois revêtu des
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Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 71.djvu/892 | loi comme une marchandise toujours offerte sur le marché et facile
à transmettre.
La loi des successions a veillé à ce que la division des grands
domaines, des fiefs que les familles pouvaient être tentées de constituer, ou que des étrangers même pourraient acquérir, au détriment des intérêts politiques du pays, fût rapide. Non-seulement la
division des biens patrimoniaux s’opère entre les descendans du
défunt, mais l’époux survivant reçoit une part d’enfant, en dehors
de sa part dans la communauté, qui est la loi absolue des sociétés
conjugales-A défaut d’enfant légitime, la succession est dévolue à
l’époux et aux enfans naturels même non reconnus, protégés par la
recherche de la paternité, permise même après le décès du père.
La valeur vénale de la terre ne varie guère que par grandes
zones, la proximité d’un cours d’eau, d’un village, d’une voie ferrée, l’espérance prochaine d’en voir construire une, modifient les
prix de vente ; il est cependant facile de donner une idée exacte de
la valeur de chaque zone.
Prenons comme point de départ la rive occidentale de l’estuaire
de la Plata et comme centre de rayonnement la ville même de
Buenos-Aires. Si nous tirons une ligne droite de ce point vers
l’ouest, elle partagera d’abord la province de Buenos-Aires, puis
les territoires nationaux et le désert de la pampa d’abord jusqu’aux
Andes, leur limite extrême à l’ouest : le littoral au nord de cette
ligne est la partie la plus riche et la plus anciennement peuplée ; la
région Sud, moins recherchée et depuis moins longtemps, appartient
à une formation géologique différente ; l’humus y a moins de profondeur, le sous-sol en est moins perméable et retarde l’absorption
des eaux pluviales. Le prix est donc, à distance égale, supérieur
d’environ un tiers dans la région du Nord ; il faudra tenir compte
de cette différence dans les prix que nous allons indiquer.
Dans le premier rayon de cinq lieues en partant de la ville de
Buenos-Aires, la terre, nue, occupée généralement par les Basques
qui fournissent le lait à la ville et par la petite culture, se vend facilement de 600 à 800 francs l’hectare : tous les aménagemens, bâtisses, clôtures se comptent à part.
En s’éloignant de cinq lieues encore, on obtient les mêmes terres
à 500 francs l’hectare ; elles sont divisées et employées de la même
façon; c’est la région des fermes, ''chacras'', dont les plus grandes
ont de 600 à 1,000 hectares.
Dans le rayon suivant de dix à vingt lieues, les grandes propriétés abondent, c’est la région où l’élevage du mouton domine. La
terre vaut de 3 à 400 francs l’hectare et se loue généralement par
lots de 200 hectares, surface nécessaire à l’entretien d’un troupeau
de 1,500 têtes. Le prix de location annuelle varie de 10 à 15 francs
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Machiavel - Oeuvres littéraires - trad Peries - notes Louandre - ed Charpentier 1884.djvu/411 | force et pour l'adresse, il ne pouvait rencontrer un champion qui le surpassât. Ses manières n'étaient pas moins remarquables : il montrait dans toute sa conduite une rare modestie, ne se permettant jamais un geste ni une parole qui pût déplaire ; respectueux envers ses supérieurs, il n'était pas moins exempt d'orgueil envers ses égaux qu'affable envers ses inférieurs ; c'est en agissant ainsi qu'il s'était fait chérir non seulement de la famille des Guinigi, mais encore de toute la ville de Lucques.
Castruccio avait déjà atteint l'âge de dix-huit ans lorsque les Gibelins furent chassés de Pavie. Les Visconti de Milan envoyèrent à leur secours messer Francesco Guinigi. Castruccio le suivit, et fut chargé de tous les détails de sa compagnie. Durant cette campagne, Castruccio donna des preuves si multipliées de son courage et de sa sagesse, que personne, entre tous ceux qui combattirent comme lui, ne s'acquit autant de bienveillance et d'estime ; aussi son nom fut-il honoré non seulement dans Pavie, mais dans toute la Lombardie.
De retour à Lucques, Castruccio, beaucoup plus estimé encore que lorsqu'il partit, ne négligeait rien pour gagner de nombreux amis : il savait employer à propos toutes les prévenances nécessaires pour enchaîner le cœur des hommes. Messer Francesco Guinigi étant mort sur ces entrefaites, ne laissant qu'un fils âgé de treize ans, nommé Pagolo, il avait nommé Castruccio tuteur de ce fils, et l'avait chargé de l'administration de ses biens. Avant d'expirer, il le fit venir devant lui, et le conjura d'avoir soin de son fils, de vouloir bien l'élever avec les soins qu'il s'était plu lui-même à lui prodiguer, et de rendre au fils les marques de reconnaissance qu'il n'avait pu témoigner au père. Messer Francesco Guinigi expira, et Castruccio resta gouverneur et tuteur de Pagolo. Son crédit et son influence montèrent si haut, que la bienveillance universelle qu'il s'était acquise parmi ses concitoyens commença à dégénérer en envie : il devint suspect à plusieurs d'entre eux ; on l'accusa d'aspirer à la tyrannie. Parmi ses détracteurs les plus achar
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Dessaulles - Lettres de Fadette, cinquième série, 1922.djvu/48 | nouvelles, Marie, que tu étais remariée !
Il était trop tard pour revenir : je t’avais
perdue par ma faute et je résolus de ne pas
troubler ta vie. Mais on est lâche quand on
est seul et j’ai vécu comme un ours, là-bas,
rapport que je me croyais un assassin.
L’idée de revenir au pays, de te voir, de
t’expliquer tout, d’embrasser le petit, s’est
mise à me ronger : je ne dormais plus, je ne
pensais qu’à m’en aller, et quand je n’ai
plus été capable de résister... — Oh ! Jean !
Jean ! sanglotait la pauvre vieille désespérément.
Il la regardait avec une grande pitié, puis
il reprit : — À présent que tu sais pourquoi
je ne pouvais pas te dire... rien, que je sais,
moi, que tu ne peux pas m’en vouloir, je
serai moins malheureux, et toi, Marie, il ne
faut pas te faire de chagrin à cause de moi.
Je vais m’en aller, mais je resterai au
Canada... » Il se leva, et, solennellement :
« Marie, écoute et rappelle-toi ce que je vais
te dire, ça te consolera : après mon coup de
tête, je n’ai jamais bu et je me suis conduit
en homme, en honnête homme. Des fois,
j’étais tenté, mais je pensais à toi et cela me
tenait ferme. Je t’ai fait du mal mais c’est
involontairement et je t’ai toujours aimée.
Toi, tu ne m’as fait que du bien, faut donc
pas avoir de chagrin ni de regrets... »
Leurs vieilles mains s’étreignaient à croire
qu’elles ne pourraient être séparées que par
la force. Elle essaya de protester : — Mais
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Le Normand - La Maison aux phlox, 1941.djvu/32 |
— Heureusement, maman a beaucoup de
charme, soupire Monique, mais que la vie
passe...
Et elle voit qu’une des fleurs du bouquet
d’iris s’est déjà à demi fanée. Les autres se
sont au contraire épanouies et cachent la vieillesse
de leur sœur. Monique reprend son livre, se
réinstalle. Mais avant de se rapprocher de ces
gens plus ou moins sympathiques que les romanciers
contemporains sortent de l’ombre, elle
jette un nouveau regard de complaisance sur ses
fleurs, sur son salon. Tout lui parait agréable.
Ce n’est pas riche, mais il y a de l’atmosphère.
Aujourd’hui, quand on a dit qu’il y a de l’atmosphère,
on a tout dit. Monique, de ce fait, est
satisfaite et heureuse. Satisfaite et heureuse,
parce qu’elle a de beaux iris, une glace presque
magique, — son enfance, sa jeunesse ne sont-elles
pas restées derrière le tain ? — et un salon
où il y a de l’atmosphère.
Ses amies le lui ont répété, comme elles lui
ont répété que ses iris ressemblaient à des
orchidées.
Monique, heureuse, baignée de consolantes
réflexions personnelles, puériles et importantes
à la fois, se replonge dans son livre, avec l’espoir
d’apprendre le secret d’autres âmes, d’autres
pays...
{{il|3}}
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La belle Cauchoise, 1788.djvu/60 | {{Nr||— 54 —}}
point encore faite alors au grand monde ;
ma {{Corr|suprise|surprise}} augmenta bien davantage
quand je vis quatre messieurs ; je craignis
quelque mésaventure, parce que sœur Prudence
m’avait parlé quelquefois de la Salpétrière
et des enlèvements qui se font à
Paris par ordre de la police ; je n’étais
pas aguerrie encore, mais ma crainte se
dissipa complètement quand je vis entrer
ces messieurs avec trois dames dans mon
appartement. Mon amant avança le premier,
il s’aperçut de mon étonnement. —
Êtes-vous fâchée, me dit-il en appuyant
sur toutes ses paroles, de la bonne compagnie
que je vous amène ? Tout ce monde
entre aussitôt après lui. On s’imagine assez,
je crois, les compliments que demande
une première visite ; je me contenterai de
dire qu’ils furent fort longs ; nous ne les
finîmes, en un mot, que pour nous mettre
à une table de Pharaon, je ne savais pas
ce jeu-là non plus qu’aucun autre, ce fut
donc ma première leçon. Une des trois dames
s’occupait avec mon amant à faire une
partie au loto ; tel fut le premier établissement
d’une académie que je continuai
toujours depuis. Quand je ne jouais pas
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Machiavel - Oeuvres littéraires - trad Peries - notes Louandre - ed Charpentier 1884.djvu/423 | troupes sur Montecarlo. Instruit de la position qu'occupaient les Florentins, il ne voulut ni aller à leur rencontre dans les plaines de Pistoja, ni les attendre non plus dans celles de Pescia, mais il s'arrêta au projet de les attaquer, s'il le pouvait, dans le défilé de Serravalle. Ce plan, en cas de réussite, lui paraissait infaillible, et il comptait sur une victoire certaine ; car il était informé que les Florentins avaient réuni au moins trente mille hommes, tandis qu'il n'avait avec lui que douze mille hommes d'élite. Quoiqu'il comptât sur leur valeur et sur son habileté, il craignait toutefois, en attaquant l'ennemi dans une plaine ouverte, d'être entouré par des forces aussi supérieures aux siennes.
Serravalle est un château entre Pescia et Pistoja, situé sur une hauteur qui ferme le Val-di-Nevole ; il ne se trouve pas tout à fait sur le passage, mais un peu au-dessus à la distance d'un jet d'arc ; le chemin par où l'on passe est plus étroit qu'escarpé, car de chaque côté le terrain s'élève en pente douce ; mais sur le sommet de la colline, au point du partage des eaux, le passage est si étroit, que vingt hommes placés l'un à côté de l'autre l'occuperaient tout entier. C'est là que Castruccio avait projeté d'attaquer l'ennemi, tant pour suppléer par la force du lieu à la faiblesse de son armée que pour ne lui laisser apercevoir l'ennemi qu'au moment d'en venir aux mains ; car il craignait que les siens ne se laissassent effrayer par la multitude de leurs adversaires. Messer Manfred, né en Allemagne, commandait le château de Serravalle. Avant que Castruccio se fût rendu maître de Pistoja, il avait été mis pour ainsi dire en réserve dans ce château, comme dans une place commune aux habitants de Lucques et de Pistoja ; depuis, chaque parti l'avait respecté, et il avait promis, de son côté, de garder la neutralité et de ne favoriser plus particulièrement aucune de ces deux villes. Cette conduite, jointe à la force de la position, l'avait maintenu dans ce poste. Mais, dans cette circonstance, Castruccio sentit combien il était important d'occuper Serravalle ; il se servit de
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Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 145.djvu/895 |
Tandis qu’ailleurs en effet, — et on pourrait dire presque partout ailleurs, — l’hypothèse du progrès continu peut se défendre
ou au moins se soutenir, c’est quand on essaie de la vérifier dans
l’histoire de la littérature ou de l’art qu’on la voit aussitôt qui
s’effondre. Nous savons plus de choses que n’en savaient nos
pères, et nos fils en sauront vraisemblablement plus que nous,
voilà qui est ou qui semble certain. Mais vivons-nous « mieux »
que ne faisaient nos pères, j’entends : la vie nous est-elle généralement plus facile ou l’existence plus agréable, et le seront-elles
pour nos enfans ? La question n’est déjà plus la même, ni la réponse ; et on peut discuter. Mais ce qui n’est pas discutable, c’est
que le ''Légataire universel'' ou le ''Barbier de Séville'' soient fort au-dessous du ''Tartufe'' ou de l’''Ecole des femmes''. Diderot seul a pu
croire le contraire ! et même, en sa qualité d’auteur de son ''Fils naturel'' et de son ''Père de famille'', avancer ingénument qu’après
Molière « la véritable comédie était encore à créer en France ».
Où pensait-il donc qu’elle eût existé ? Les exemples sont sans
doute inutiles à multiplier. On convient généralement que depuis
quatre cents ans l’Angleterre n’a pas revu de Shakspeare, ni les
Italiens de Michel-Ange, ni le monde entier, depuis deux mille
ans, de Praxitèle ou de Phidias. De telle sorte que, s’il n’y avait
de « régression » nulle part ailleurs, et quand elle serait en histoire naturelle, comme on l’a prétendu, la condition préparatoire,
l’étape ou l’une des étapes d’un progrès ultérieur, c’est dans
l’histoire de la littérature et de l’art que l’on pourrait encore
parler de « rétrogradations » véritables ; — et ce seul motif suffirait à justifier l’emploi du mot d’évolution.
Je songe, en écrivant cette ligne, au reproche que l’on m’a souvent fait d’obscurcir, au moyen de ce mot d’''Evolution'', ce que je
voudrais éclairer. Mais si je l’ai souvent dit, je le redirai donc
encore : c’est que, si l’on se pique de parler avec un peu de précision, le mot représente ou résume tout un ensemble d’idées ; et la
pire confusion qu’on puisse faire c’est de le prendre pour synonyme ou pour équivalent, même approximatif, des mots de ''mouvement'' ou
de ''progrès''. Qui dit progrès dit continuité, et on vient de le voir, qui
dit évolution dit précisément le contraire. « Ma théorie, disait
Darwin, ''ne suppose aucune loi fixe de développement'', obligeant
tous les habitans d’une zone à se modifier brusquement, ''simultanément et à un égal degré''. » C’est une seconde différence : le progrès est total, si je puis ainsi dire, mais l’évolution est toujours
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Bouquet - Recueil des Historiens des Gaules et de la France, 2.djvu/114 |
cvj INDEX CHRONOLOGICUS.
MoriturChlotariusItor. 449. a. Theodericus
ejusfrater in rtgnum Neustriœ et Burgvndtœ
eletatur toque paulà ptot è throno dejecto,
Childeriau Monarchiam oblinet. 449. n.
664. b.
Theodericu* è regno ejkitwr, «bsctssts crintbus
tottdetur tondetur etiam Ebroimu, ft in luxoviense
Monasterium retntditur. Franci ad
ChilderiamlegationemmiUtmt, eutnque cum
Ytilfoaldo Duce i>enientem ift-cuncto Francorum
regno Reqem instituunt. 4J>0. a. 569.
6. 613. a. 6. 629. a. b. 652. d. 669. d.
Theodericus in MonastrrioS. Dionysii residere
jubetur.&i’à. c.Eum Childerirus ruidam Dei
serco conserv’andum ac nulriendum dal.
029. 6.
ReccessuinthosucceditU timba in regnum Ilispaiiiœ
rebellât Voulus lhi.v. 700. <j. 719. b.
Pauli rebellisEpistola Wambœ Reyi. 700,. e.
Wanilxi invitus à populo Rex eligitur. 707.
Rebellât Septimania Fninrurum au.nlns ailjula.
llujius rebellionis liisturiu. 708. 709.
et M-»j(|. l’auliis Ihi.r r/r/rm 11 amba contra
rebelles miserai, à H iiiiilxi (jinx/ue déficit
et se Reuem dirit. 709. «. 717. b.
Ilirtor l’atriciux Vussiliir iui/ustixluuum cemt, H
et m domo Ij-oilei/urii Episropi hospttatur
de liictoreet Ijevdeijario fabula eoii/iiii/itur
quasi relient reijinm dominalioiirm erertere.
Childvrieux non célébrât l’aseha cum l,eotleyano,
sctl cum Mnrculino recluso h’ixle-
(juniiiii sttituit interficere. 01 ’>. llictnr interficitur.
«il
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/377 | des conservateurs. Les grandes villes manufacturières ont été plus fidèles aux réformistes ; pourtant ils ont perdu Leeds, Blackburn, Bradford, et n’ont recouvré Nottingham, qui leur avait échappé, qu’avec beaucoup de peine. C’est tout au plus si dans les grandes villes manufacturières elles-mêmes les réformistes ont maintenu leur position. D’un autre côté, bien que Mary Lebone leur soit revenu, Westminster, dont ils se croyaient sûrs, les a abandonnés pour un candidat inconnu, improvisé, et dont personne ne parlait huit jours avant l’élection. Dublin enfin a célébré les obsèques de la vieille corporation protestante en immolant sur sa tombe son plus grand ennemi, le grand agitateur O’Connell.
Veut-on maintenant jeter un coup d’œil sur les scrutins ? Ils parlent plus clairement encore. En voici quelques-uns que j’ai relevés sur les tableaux officiels et dont l’exactitude ne peut être contestée :
!
!
! 1837
! 1841
|-----
| Cité de Londres
| Réformistes
| 6 150
| 6 160
|
| Conservateurs
| 5 870
| 6 220
|-----
| Westminster
| Réformistes
| 3 780
| 3 270
|
| Conservateurs
| 22 619
| 3 338
|-----
| Liverpool
| Réformistes
| 4 140
| 4 640
|
| Conservateurs
| 4 638
| 5 750
|-----
| Birmingham
| Réformistes
| 2 130
| 2 088
|
| Conservateurs
| 1 046
| 1 833
|-----
| Lambeth
| Réformistes
| 2 872
| 2 608
|
| Conservateurs
| 1 694
| 1 930
|-----
| Glascow
| Réformistes
| 2 730
| 2 763
|
| Conservateurs
| 2 075
| 2 435
|}
Je pourrais facilement étendre cette liste, où je n’ai fait entrer que des villes du premier ordre. On remarquera que dans toutes les conservateurs ont été en progrès, et se sont rapprochés des réformistes là où ils ne les ont pas dépassés.
Il est d’autres bourgs que les conservateurs n’avaient point osé contester en 1837, et où ils ont réuni en 1841 une minorité imposante. Je citerai seulement Tower-Hamlets, qui en 1835 avait donné aux conservateurs 435 suffrages, et qui leur en a donné 2,446 en 1841.
De ces faits réunis, il y a une conséquence irrésistible à tirer, c’est que, de puis quatre ans, l’esprit conservateur a notablement gagné en Angleterre sur l’esprit réformiste, c’est que les grandes villes
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Collectif - Célébrités contemporaines, Vol 2, 1883.djvu/246 | diversement appréciée. Lancé par un rédacteur
du ''Petit Journal'', le mot « opportunisme» avait
conquis une vogue rapide, au grand détriment
de la politique opportune. Encore une fois, rien
n’est absurde et dangereux comme un mot en
''isme''. C’est un gros mille dans une cible. L’opportunisme,
nous l’avons esquissé dès 1868<ref>''Au pays de l’Astrée'', chap. {{sc|vi}}.</ref>. Ce n’est autre chose que la reprise de la tradition,
souvent interrompue, de ce grand parti
des politiques « soutien des heures difficiles »,
qui naquit en France avec la politique elle-même,
aux temps de la Ligue. Il n’y eut, il n’y
a, et il n’y aura jamais, avec tant d’épithètes et
d’affublements divers, que quatre partis : les
« bons chrétiens », les « réduits », les « hérétiques »
et les « politiques. » « Penser en hérétique, agir
en politique, » tel nous paraît être le mot
d’ordre de toute besogne efficace. Mais où s’arrête
la pensée ? où commence l’action ? c’est ce que
chacun détermine à sa guise. Et Naquet, dans
cette campagne toute de bonne et loyale intention,
ne crut point cesser d’agir en politique.
Il improvisa un journal, ''la Révolution'', qui
dura du 12 novembre au 13 décembre 1876.
Il collabora aux ''Droits de l’homme'', avec Yves
<references/> |
Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/503 | loyal face à face au meurtre par surprise. S’il met du reste en deuil
quelques familles, il ne leur lègue pas du moins, comme la vendetta, le point d’honneur douteux des éternelles représailles.
La vendetta est donc individuelle ou générale, selon que les intérêts lésés sont eux-mêmes individuels ou généraux. Si, pour une
cause quelconque, il y a eu mort d’homme dans une tribu du fait
d’un chef ou même d’un subalterne d’une tribu voisine, le meurtrier peut, en payant la ''dia'' (le prix du sang) aux héritiers de la
victime, éteindre légalement l’affaire. La ''dia'', c’est le ''Wehrgeld'' des
Germains, avec cette différence qu’en outre de son caractère de légalité elle a pris chez les Arabes, dès son origine même, un caractère religieux.
Au dire des ''tolbas'', elle remonterait à l’aïeul de Mohamed, Abd-el-Mettaleb, et serait la cause indirecte de la naissance du prophète.
Abd-el-Mettaleb, chef de la tribu des Koréischites, n’avait pas d’enfant, et dans son désespoir il fit cette prière à son Dieu : « Seigneur,
si vous me donnez dix garçons, je jure de vous en immoler un en
action de grâces. » Dieu l’entendit et le fit père dix fois. Abd-el-Mettaleb, fidèle à son vœu, remit au sort à décider quelle serait la victime, et le sort choisit Abd-Allah ; mais la tribu s’élevant contre ce
sacrifice, il fut décidé par les chefs qu’au lieu d’Abd-Allah, dix chameaux seraient mis pour enjeu, que le sort serait de nouveau consulté jusqu’à ce qu’il se prononçât pour l’enfant, et qu’autant de fois
qu’il se prononcerait contre lui, dix chameaux seraient ajoutés aux
premiers. Abd-Allah ne fut racheté qu’à la onzième épreuve, et cent
chameaux furent immolés à sa place. Quelque temps après. Dieu
manifesta qu’il avait accueilli favorablement cet échange, car d’Abd-Allah il fit naître Mohamed, son prophète, et depuis cette époque la
dia, le prix du sang d’un Arabe, fut fixée à cent chameaux. On conçoit cependant que ce prix élevé subit des modifications selon les circonstances.
Il est presque sans exemple qu’un meurtrier qui a payé la ''dia'' soit
autrement poursuivi, et que les parens du mort, ses enfans même,
n’acceptent pas franchement cette satisfaction ; mais s’il est trop
pauvre pour la payer, ou si le gouvernement a jugé à propos de se
saisir de l’affaire, il est condamné à la peine du talion : œil pour
œil, dent pour dent, vie pour vie. Quand j’étais consul de France à
Mascara, auprès de l’émir Abd-el-Kader, en 1837, j’ai eu la triste occasion que voici, de voir appliquer la peine du talion dans toute sa rigueur.
Deux enfans s’étant pris de querelle dans la rue, leurs pères intervinrent, et d’injures en menaces, s’animant peu à peu, l’un d’eux
dégaina son couteau et en frappa son adversaire, qui tomba mort. Il
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Ostervald - La Sainte Bible, 1867.djvu/637 |
5 Ayant affermi mes pas dans tes sentiers, les plantes de mes pieds n’ont point chancelé.
6 Ô Dieu fort ! je t’invoque, parce que tu as accoutumé de m’exaucer ; incline ton oreille vers moi, écoute ce que je dis.
7 Rends admirables tes bontés, toi qui délivres ceux qui se retirent vers toi, de devant ceux qui s’élèvent contre ta droite.
8 Garde-moi comme la prunelle de l’œil, et couvre-moi sous l’ombre de tes ailes,
9 de devant ces méchants qui me désolent, et de mes ennemis mortels qui m’environnent.
10 La graisse leur cache le visage, leur bouche parle avec fierté.
11 Ils nous environnent présentement, à chaque pas que nous faisons ; ils épient pour nous jeter par terre.
12 Il ressemble au lion qui ne demande qu’à déchirer, et au lionceau qui se tient dans les lieux cachés.
13 Lève-toi, Éternel ! devance-le, renverse-le ; délivre mon âme du méchant par ton épée.
14 Éternel ! ''délivre-moi par'' ta main de ces gens, des gens du monde, dont le partage ''est'' dans ''cette'' vie, et dont tu remplis le ventre de tes provisions, ''tellement que leurs'' enfants ''en'' sont rassasiés ; et ils laissent leur reste à leurs petits enfants.
15 ''Mais'' moi, je verrai ta face en justice, et je serai rassasié de ta ressemblance quand je serai réveillé.
{{psaume Ostervald|018|XVIII|David rend grâces à Dieu de la protection qu’il lui accorde, et fait une description pompeuse de la majesté divine.}}
1 Psaume de David, serviteur de l’Éternel, qui prononça à l’Éternel les paroles de ce cantique, lorsqu’il l’eut délivré de la main de tous ses ennemis, et même de la main de Saül, donné au maître chantre, pour le chanter.
2 Il dit donc : Éternel, qui es ma force ! je t’aimerai d’une affection cordiale.
3 L’Éternel est mon rocher, ma forteresse et mon libérateur ; mon Dieu fort est mon rocher, je me retirerai vers lui ; il est mon bouclier, la force qui me délivre, et ma haute retraite.
4 Je crierai à l’Éternel, qui doit être loué, et je serai délivré de mes ennemis.
5 Les cordeaux de la mort m’avaient environné ; et les torrents des méchants m’avaient épouvanté.
6 Les cordeaux du sépulcre m’avaient environné ; les piéges de la mort m’avaient surpris.
7 Quand j’étais dans l’adversité, j’ai crié à l’Éternel ; j’ai crié à mon Dieu ; il a entendu ma voix de son palais, et le cri que j’ai jeté devant lui est parvenu à ses oreilles.
8 Alors la terre fut ébranlée et trembla, les fondements des montagnes croulèrent et furent ébranlés, parce qu’il était courroucé.
9 Une fumée montait de ses narines, et de sa bouche un feu dévorant, tellement que des charbons en étaient embrasés.
10 Il abaissa donc les cieux, et descendit, ayant une obscurité sous ses pieds.
11 Et il était monté sur un chérubin, et il volait ; et il était porté sur les ailes du vent.
12 Il mit autour de lui des ténèbres, pour sa retraite, comme une tente ; les ténèbres des eaux, qui sont les nuées de l’air.
13 De la splendeur qui était devant lui, les nuées furent écartées, et il y avait de la grêle et des charbons de feu.
14 Et l’Éternel tonna des cieux, et le souverain jeta sa voix avec de la grêle et des charbons de feu.
15 Il tira ses flèches, et les écarta ; il lança des éclairs, et les mit en déroute.
16 Alors le fond des eaux parut, et les fondements de la terre habitable furent découverts, parce que tu les menaçais, ô Éternel ! et par le souffle du vent de ta colère.
17 Il étendit la main d’en haut, et m’enleva, et me tira des grosses eaux.
<references/> |
Joseph Gabet - Etat des missions de chine.djvu/51 | {{T3mp|CHAPITRE XI}}
<br />
Instruction de la sacrée Congrégation de la Propagande adressée aux archevêques, évêques, vicaires apostoliques et autres supérieurs des missions.*<ref>(*) ''Cette instruction de la sacrée Congrégation est à juste titre considérée comme présentant l’idée la plus complète qu’on puisse voir de la voie suivant laquelle doit s’établir une mission : de plus elle donne surtout à la question de la nécessité d’un clergé indigène l’autorité nécessaire pour vaincre tous les préjugés et couper court à toutes les réclamations qu’on pourrait élever sur ce sujet.''</ref>
<br />
Il n’est plus possible à personne d’ignorer avec quel zèle et quels soins le Saint-Siège, attentif aux devoirs de la charge qui lui a été confiée, s’est constamment appliqué à propager de plus en plus la lumière de l’Évangile, afin que les nations ensevelies encore dans les ténèbres et à l’ombre de la mort, puissent discerner la splendeur de la vérité éternelle, et persévérer inébranlablement dans la parole divine une fois qu’elles l’auront reçues. Qu’il existe deux moyens principaux et comme nécessaires pour la propagation et l’affermissement de la religion catholique, savoir la mission d’évêques, « ''institués par le Saint-Esprit pour gouverner l’Église de Dieu'' », et la formation assidue d’un clergé indigène ; c’est une vérité établie par tes autorités les plus graves, entr’autres par l’exemple des apôtres, et l’usage universel de la primitive Église. Ainsi pour ne point nous étendre ici sur les témoignages si connus et si explicites d’ailleurs, fréquemment rapportés dans les saintes Écritures et surtout dans les Epitres des apôtres et dans leurs Actes, rien n’est plus exprès sur ce sujet que ce passage de saint Clément, Romain, disciple de saint Pierre, l’aide et le compagnon de saint Paul, écrivant aux Corinthiens au sujet des apôtres ''Lett.'' 1, ''chap.'' 44. « Ils instituèrent donc ces
(*) ''Cette instruction de la sacrée Congrégation est à juste titre considérée comme présentant l’idée la plus complète qu’on puisse voir de la voie suivant laquelle doit s’établir une mission : de plus elle donne surtout à la question de la nécessité d’un clergé indigène l’autorité nécessaire pour vaincre tous les préjugés et couper court à toutes les réclamations qu’on pourrait élever sur ce sujet.''
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Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/277 |
Un soir donc de l’été 1846, je goûtai pendant un certain temps le plaisir si cher au laboureur des Mille et unenuits. — J’étais sorti de l’hôtel de YAigle noir par un riant clair de lune ; et, dans une disposition impressionnable, la tête un peu chaude, le cœur battant.bien et tout prêt à s’ouvrir, je rêvais en marchant au bord de l’étang. Bien des fois, sous les tilleuls vénérables de l’avenue de Maintenon, j’allai du nord au sud et je revins du sud au nord. En allant, j’avais pour horizon les sombres masses vertes du mail d’Henri IV et de la plaine des pins, et, au delà, la verdure touffue qui recouvre les rochers Bouligny, amphithéâtre splendide de bouleaux, de pins et de chênes, noyé davantage à chaque instant dans d’épaisses vapeurs violettes ; en revenant, je voyais devant moi la porte dorée, la cour d’Ulysse, le pavillon de Saint-Louis, les fenêtres à plein cintre de la galerie de Henri II, et cet amoncellement de palais à travers lequel a passé toute la monarchie. D’un côté, j’entendais bruire les arbres du parc sous les souffles de la nuit, de l’autre j’entendais les carpes, contemporaines des tilleuls, secouer par instants leurs larges écailles à la surface de l’eau.,. Et quand mes yeux se portaient de ce côté, ils étaient longtemps retenus par le pavillon hexagone qui s’élève au milieu de l’étang, et dans la solitude duquel se sont accomplies tant de choses qui devaient redouter trop d’yeux ou trop d’oreilles.
Insensiblement, je marchai plus vite. Sous.l’influence
<references/> |
Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/528 | - 517 —
en s'enfonçant parmi tant d'amertumes malsaines, de découragement.
Elles ne faisaient qu'augmenter le trouble de cet esprit ; éveillaient le
regret que les choses fussent ainsi ; elles aboutissaient au souhait dont
sont harcelés les hommes incapables d'accepter, avec ses joies et ses
tourments, la vio qu'ils ont choisie, le souhait que leur destinée ait été
différente, encore qu'ils l'aient façonnée eux-mêmes.
Est-il besoin de remarquer que, au milieu de ces désordres, la pauvre
Jane Armour disparaît de plus en plus? Dans ces dernières années, il
n'en reste plus qu'une impression voilée d'acceptation, d'indulgence
silencieuse. « Au milieu de toutes ses erreurs, dit Currie, Burnsne trouva
dans son cercle domestique que douceur et pardon, sauf les morsures
de sa propre conscience. Il avouait ses transgressions à la femme de
son cœur, promettait de se corriger et recevait sans cesse le pardon de
ses offenses. Mais, au fur et à mesure que ses forces physiques dimi-
nuaient, sa volonté devint plus faible et l'habitude prit une force prédo-
minante 1 ». Héron rend à Jane le même témoignage : « Dans les intervalles
entre ses différents accès d'intempérance, il souffrait sans trêve des
angoisses les plus aiguës du remords et de pressentiments horriblement
affligeants. Sa Jane se conduisait avec un degré de tendresse et de prudence
maternelles et conjugales, qui faisaient qu'il ressentait plus amèrement
la malfaisance de sa conduite, quoiqu'elles fussent incapables de le
sauver^. » Ainsi, dans l'ombre oii elle est rejetée, on voit la vaillante et
bonne femme persévérer dans son œuvre de douceur. Elle continue à
grandir, sans le savoir. Elle soutient par un long dévoûment son action
héroïque. Les chagrins de la vie révélaient jusqu'au bout la haute qualité
de son âme.
IV
DERNIERS JEUX UU CUKUR. — LES CHANSONS.
Il ne faut pas oublier que, sous les scories qui s'épaississent et menacent
de l'ensevelir, persiste une vie intérieure, vivace et généreuse. De plus
en plus recouverte par la pluie de cendres, elle fait toujours paraître,
çà et là, des endroits verts et frais ; ses sources d'inspiration ne furent
jamais étouffées. L'ancienne éloquence est toujours là, l'indignation
contre tout ce qui est vil, le sentiment d'indépendance, toute une poussée
de nobles aspirations et de nobles haines. Les moments où elles éclatent
1 Currie. Life of Burns, p. 51.
2 Héron. Life of Burns, p. 442.
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Revue des Deux Mondes - 1893 - tome 117.djvu/375 | d’université extérieure, où magistrats, professeurs, hommes du monde se coudoyaient, qui, en dépit du mot de Voltaire, n’a cessé de faire parler d’elle et a fourni la carrière la plus honorable ; alors, comme aujourd’hui, les lettrés du dehors recherchaient ses faveurs, et l’on compte parmi les candidats à ses concours Bernardin de Saint-Pierre, Mme Roland, Brissot, Parmentier ; — le prieuré des bénédictins de Saint-Vincent, émules des érudits de Saint-Germain des Prés, adonnés surtout à la reconstitution des archives de notre province ; — le Grand Séminaire, institué en 1670 par l’archevêque Antoine Ier de Grammont, assez richement doté en maisons, domaines, vignes et capitaux ; — l’école de chirurgie, établie en 1773, avec ses professeurs démonstrateurs royaux, des auxiliaires recrutés parmi les licenciés en médecine ; — enfin une école des beaux-arts, due à l’initiative du sculpteur comtois Luc Breton, et de Melchior Wyrsch, peintre d’origine suisse. « Tout de même qu’un corps qui aurait des yeux en toutes parties serait monstrueux, de même si on profanait les lettres à toutes sortes d’esprits, on verrait plus de gens capables de former des doutes que de les résoudre, et beaucoup plus propres à s’opposer aux vérités qu’à les défendre. » En Franche-Comté, au {{s|XVIII}}, on offrait les lettres à toutes sortes d’esprits, et, si l’on compare le passé au présent, ce dernier, semble-t-il, dément assez péremptoirement la prophétie du cardinal de Richelieu.
Un siècle, et quel siècle ! s’est écoulé : la Franche-Comté reste fidèle à ses fortes traditions ; sociétés savantes, écoles de tout genre, collèges se sont reconstitués et multipliés ; au temps du Directoire, l’École Centrale était déjà une des plus prospères de la république. Deux Facultés des sciences et des lettres, octroyées en 1808, n’ont pas suffi aux Comtois ; de 1816 à 1830 ils n’ont cessé de réclamer une Faculté de droit, et, en 1891, on a vu plus de sept cents communes de l’ancienne province s’unir dans un vœu commun, dans une sorte de plébiscite visant la restauration, et de la Faculté de droit, et de la vieille Université. Elles invoquaient non-seulement des capitulations signées par Louis XIV, mais le droit pour la Franche Comté de satisfaire sur place à toutes les ambitions intellectuelles de ses enfans, de reconquérir cette autonomie d’ordre moral et supérieur qui, loin de nuire à l’unité nationale, peut la seconder et la fortifier.
VICTOR DE BLED.
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Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/290 | {{Tiret2|d’anthro|pophages.}} « Dans la dernière session, la chambre des communes a dû écouter des histoires de flagellations et de tortures pratiquées dans les prisons.»
Emerson aurait pu ajouter que cette férocité se révèle encore dans
l’aspect général de la société anglaise, qui a quelque chose de ténébreux et de sinistre. Les curiosités de l’Angleterre ne sont pas les
spectacles, les lieux publics, les offices religieux, le parlement, ni
même ces courses et ces chasses à outrance, principaux divertissemens de la société anglaise : non, les curiosités véritables de ce
pays singulier sont beaucoup moins gaies et beaucoup plus repoussantes. Les Anglais sont riches en institutions et en établissemens
sinistres. Les prisons, le ''tread mill'', les ''workhouses'', les ''ragged schools'', sont au nombre des principales originalités du pays. La
portion la plus riche et la plus intéressante de leur littérature contemporaine est celle qui concerne les populations malfaisantes et les
classes d’habitude abandonnées. Combien y a-t-il de mendians et
de voleurs dans la métropole? Combien y a-t-il de filles qui foulent
chaque soir les pavés de Londres? Les mendians anglais qui couchent sur le seuil des portes sont-ils plus malheureux que les Irlandais qui logent dans les étables à cochons? Telles sont quelques-unes des aimables questions auxquelles répond cette littérature. Les lieux de plaisir de l’Angleterre partagent cet aspect hideux, et sont
faits pour inspirer tout autre chose que le plaisir. Quelle différence
entre les lieux publics où s’assemblent les gaies populations méridionales et ces palais du ''gin'' où s’enivrent quotidiennement les pauvres de l’Angleterre, ces tavernes étouffantes, infectes, où les petites
classes moyennes vont s’entasser le soir, sous prétexte de divertissement, comme des harengs dans une caque ! Lord Wellington disait
avec dédain des populations méridionales : « Ces gens-là n’ont pas
de maison. » Rien n’est plus vrai ; en revanche elles savent vivre
au grand air. L’Anglais, animal domestique, possède une maison;
mais lorsque, pour une raison ou pour une autre, le ''home'' lui est refusé, nulle bête fauve n’a d’habitudes plus farouches. Ces aspects
sinistres de la société anglaise, ces particularités du crime et du
vice, ont été omis par Emerson, qui, avec sa dignité de ''gentleman'',
s’est dispensé de marcher dans cette boue; mais ils doivent être
signalés, car, mieux que la boxe et les combats d’ours, ils portent
témoignage de cette nature ''épaisse et animale'' que la civilisation n’a pu encore réduire.
C’est trop insister cependant sur ce côté sombre de la société anglaise. Nous aimons mieux chercher ailleurs des preuves plus humaines de la thèse que nous avons adoptée. Emerson, avec sa pénétration habituelle, en indique deux sur lesquelles il est regrettable
qu’il n’ait pas insisté davantage, la beauté physique et l’amour de
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Vogüé - Le Roman russe.djvu/342 | vois si grand qu’il m’apparaît comme un mort ; je souscris volontiers à cette exclamation de Flaubert parcourant la traduction que Tourguénef venait de lui remettre, et criant de sa voix tonnante, avec des trépignements : « Mais c’est du Shakspeare, cela, c’est du Shakspeare ! »
Par une singulière et fréquente contradiction, cet esprit troublé, flottant, qui baigne dans les brumes du nihilisme, est doué d’une lucidité et d’une pénétration sans pareilles pour l’étude scientifique des phénomènes de la vie. Il a la vue nette, prompte, analytique, de tout ce qui est sur terre, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’homme ; les réalités sensibles d’abord, puis le jeu des passions, les plus fugitifs mobiles des actions, les plus légers malaises de la conscience. On dirait l’esprit d’un chimiste anglais dans l’âme d’un bouddhiste hindou ; se charge qui pourra d’expliquer cet étrange accouplement : celui qui y parviendra expliquera toute la Russie. Tolstoï se promène dans la société humaine avec une simplicité, un naturel, qui semblent interdits aux écrivains de notre pays ; il regarde, il écoute, il grave l’image et fixe l’écho de ce qu’il a vu et entendu ; c’est pour jamais, et d’une justesse qui force notre applaudissement. Non content de rassembler les traits épars de la physionomie sociale, il les décompose jusque dans leurs derniers éléments avec je ne sais quel acharnement subtil ; toujours préoccupé de savoir comment et pourquoi un acte est produit, derrière l’acte visible il poursuit la pensée initiale, il ne la lâche plus qu’il ne l’ait mise à nu, retirée du cœur avec ses racines secrètes et déliées.
Par malheur, sa curiosité ne s’arrête pas là ; ces phénomènes qui lui offrent un terrain si sûr quand il
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Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 21.djvu/365 | la mort de Louis XVI, la Terreur enfin, avec ses levées d’hommes
en masses pour lutter contre l’étranger, la loi des suspects et
les promenades sanglantes de la guillotine. Eh bien ! de tout cela
Bernardin semble ne pas s’être aperçu ; il n’en dit mot dans ses
lettres ; et ce serait à croire que les historiens ont rêvé les troubles qu’ils nous racontent, puisque la vie en France était si paisible à cette époque, que les gens n’en parlaient même point ! De-ci, de-là, quelques phrases seulement font allusion à ces grands faits historiques<ref> Voir lettres n° 12, 2 et 6. </ref>, et pourtant Bernardin n’était pas
étranger à tous les événemens de cette période : il était l’ami des
conventionnels les plus en vue, recevait des approvisionnemens
du Comité de Salut public, se voyait offrir et refusait la place de
bibliothécaire en chef à la Bibliothèque nationale, était chargé
d’un cours à l’École normale, et touchait jusqu’à 2 700 livres du
gouvernement<ref> Cf. Maury, p. 206. </ref>.
Les lettres échangées, avant leur mariage, par Bernardin et
Félicité ne sont pas les seules que nous possédions. Aimé
Martin, dans la ''Correspondance de Bernardin de Saint-Pierre'', a
publié, en 1826, les lettres que celui-ci écrivit à sa femme ; par
elles, et les renseignemens que nous donnèrent les biographes,
nous pouvons connaître l’épilogue de ce roman : il est très triste.
Félicité ne fut point heureuse. Elle mena une vie de dévouement et d’amour pour un homme qui ne sut même pas s’en apercevoir ; la naissance d’une fille et de deux fils, dont l’un mourut très jeune, n’égaya que peu de temps la triste mélancolie de
son séjour à la campagne ; elle se donna toute à l’éducation de
Virginie et de Paul, mais, restant de longues journées très seule,
elle laissa libre cours à ses rêveries, et dut avoir d’amers regrets. Elle aimait pourtant toujours son mari, bien qu’il s’occupât peu d’elle, et lui écrivait encore en l’an IV de tendres lettres, pleines d’affection pour lui et ses enfans<ref> Voir la lettre n° I (après le mariage).</ref>. Ses frères, qui déjà
se querellaient avant son mariage, ainsi qu’en témoignent plusieurs lettres où elle le dit à Bernardin<ref> Voir surtout la lettre n° 21. </ref>, continuèrent leurs
disputes qui la bouleversaient profondément ; enfin son père,
Didot le jeune, mourut en décembre 1795<ref> Vers le milieu de frimaire an IV. </ref>. La succession, embrouillée,
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Bulteau - Un voyage.pdf/390 | {{nr||{{sc|nuremberg}}|375}}bon prince aurait aimé l’automobile ! — Il s’arrêtait
dans les monastères, demandant l’hospitalité. On la
lui accordait sans trop d’enthousiasme, puis il repartait. Quelquefois, ses chevaux crevés de fatigue,
il n’en trouvait pas d’autres, alors il réquisitionnait
des bœufs, les attelait à sa voiture et, lentement,
lentement, s’en allait par les beaux paysages. La
guerre faisait rage, l’empire se disloquait : insoucieux, amusé, l’empereur Frédéric coulait doucement sa vie errante.
Un matin, — il avait 78 ans, — fort malade,
mais toujours d’humeur joyeuse, il mangea huit
melons, but un grand coup d’eau et, peu après,
rendit l’âme.
Voilà comment Frédéric {{rom-maj|III|3}}, empereur d’Allemagne et duc d’Autriche, qui avait fondé l’ordre
de la Sobriété, mourut d’indigestion.
Ce fut sans doute un personnage de quelque absurdité, mais il avait de la fantaisie et puis il donnait
des gâteaux aux petits enfants de Nuremberg...
{{il}}
{{il}}
Je monte à la Burg où, il faut le dire, on a fait
jadis beaucoup d’horreurs dans le genre « reconstitution », — des horreurs comme depuis longtemps
on n’en commet plus à Nuremberg.
La vue sur les toits de tuiles est merveilleuse et
charmante. Elles sont très noires ces tuiles, et rouges pourtant ; la vive couleur perce la patine, lui
cède, disparaît, reparaît. C’est, à regarder, un délice
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Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 50.djvu/889 | {{Tiret2|oppri|mées}} se ramassaient en soi, se raidissant contre la tyrannie, et tenaient à paraître inflexibles. L’extrême liberté et l’extrême oppression demandaient également la dureté romaine. La philosophie dans
ses nobles redites recommandait sans cesse l’effort dans l’activité
civique ou dans la patience, comme on donne à des athlètes un règlement de palestre. Quels sont en effet les modèles proposés par la
philosophie? Un Caton d’Utique, un Brutus, des fanatiques qui ont
poussé l’héroïsme jusqu’à la fureur, et d’autant plus vantés qu’ils
passaient pour plus insensibles; mais les esprits changent peu à peu.
Déjà Sénèque se plaît à tracer le portrait d’un sage plus doux; Thraséas réalise cet idéal, et l’on arrive ainsi au temps de Marc-Aurèle,
où la douceur est mise au rang des plus belles vertus. Elle n’est
plus, comme autrefois, renvoyée ou concédée aux femmes, elle
devient un ornement de l’homme. De là ce mot de Marc-Aurèle,
si peu antique, si inattendu : « La douceur et la bonté ont quelque
chose de plus mâle. » Ce sont ces qualités surtout qu’il met en lumière quand il fait le portrait de ses parens et de ses maîtres. Dans
son examen de conscience, sa préoccupation constante est de garder
avec la fermeté la bienveillance. Alors même qu’il médite sur des
vérités qui semblent le plus étrangères à ce sentiment, il en tire
des conséquences lointaines qui font voir le prix et la justice de la
bénignité, et, quelle que soit la longueur des détours, il revient sans
cesse à cette qualité qui l’attire. Il cherche les pensées qui peuvent,
comme il dit, « le rendre plus doux envers tous les hommes. »
Cette vertu remplit si bien son cœur qu’il la déverse sur lui-même :
« Il n’est pas juste que je me chagrine, moi qui n’ai jamais volontairement chagriné personne. » Partout dans ce livre les jugemens
sur les vices, sur le mal physique et moral, sur les désordres de la
nature et de la société, respirent une clémence affectueuse, et nous
allons voir comment cette âme élargie par l’amour enveloppe toutes
choses, l’univers et l’humanité dans son universelle mansuétude.
Marc-Aurèle ne bâtit qu’un temple, qu’il consacra à une divinité qui
à Rome n’avait pas encore de nom, à ''la Bonté''.
Grâce à ce fonds de mansuétude et de tendresse naturelle, Marc-Aurèle a mieux compris que ses devanciers l’idée stoïcienne de la
fraternité humaine. On ne saurait trop redire que les plus belles
idées morales sont comme non avenues dans le monde tant qu’elles
ne se sont point incarnées dans un homme qui les comprend d’instinct et qui retrouve dans cet idéal sa propre nature. La philosophie a beau semer d’admirables principes, ils peuvent rester longtemps stériles. Sans doute il se trouvera des esprits logiques pour
en tirer des conséquences, des orgueilleux pour s’en parer comme
d’une brillante nouveauté, des hommes d’éloquence et de style qui
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