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mlsum-fr-4701
Donald Trump, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche le 2 octobre. Evan Vucci / AP Le formalisme qui aurait dû entourer une visite banale du président finlandais, Sauli Niinistö, à Washington, mercredi 2 octobre, n’a pas résisté à l’affaire ukrainienne. Tour à tour furibond, grossier et vantard, Donald Trump a multiplié les écarts, lors de la traditionnelle séance photo dans le bureau Ovale, comme pendant la conférence de presse commune qui a suivi un déjeuner de travail. Le président des Etats-Unis avait donné un avant-goût de son état d’esprit au travers d’une série d’admonestations publiées en matinée sur son compte Twitter. Ce dernier est devenu le réceptacle privilégié de sa colère. Il a d’ailleurs été utilisé comme jamais pendant le mois de septembre avec près de 800 messages ou partages. « Les démocrates-qui-ne-font-rien devraient se concentrer sur notre pays, plutôt que de faire perdre à tout le monde du temps et de l’énergie sur des CONNERIES » (BULLSHIT), avait ainsi estimé un Donald Trump toujours aussi ulcéré par la procédure de destitution enclenchée par la Chambre des représentants. Elle est motivée par une conversation entre le président et son homologue ukrainien au cours de laquelle le premier a demandé au second d’enquêter sur l’un de ses adversaires politiques, l’ancien vice-président Joe Biden. Cette conversation a été révélée par un lanceur d’alerte. « Schiff le sournois » Un peu plus tard après midi, dans le bureau Ovale, Donald Trump ne laisse que deux courtes phrases à son visiteur avant de se lancer dans des diatribes contre la famille Biden, qualifiée de « corrompue », contre les médias, de la même eau, et contre les démocrates. Il s’acharne particulièrement sur le président de la commission du renseignement de la Chambre, Adam Schiff, qualifié de « Schiff le sournois » (Shifty Schiff) et de « voyou ». Le président des Etats-Unis semble même mettre en cause la virilité de ce dernier, comparée à celle de son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, en évoquant un « suspensoir » qui serait trop grand pour lui. Sa hargne tient à la présentation que le représentant démocrate de Californie a faite de cette conversation téléphonique qu’il persiste à présenter comme « parfaite ». Adam Schiff avait estimé, lors d’une audition à la Chambre, vendredi, qu’elle correspondait aux codes de la mafia. « Je choisis mes mots très soigneusement. Certains pensent que je suis un génie très stable. D’accord ? Je regarde mes mots de très près », peste plus tard le président. Cette détestation à l’égard de l’élu a redoublé lorsque ce dernier a fait valoir mercredi matin que tout refus de la Maison Blanche de fournir les documents liés à l’Ukraine demandé par la Chambre « sera considéré comme de nouvelles preuves d’entrave à la justice ». « On ne plaisante pas ici. Nous ne voulons pas que cela traîne pendant des mois et des mois, comme cela semble être la stratégie du gouvernement », a ajouté Adam Schiff. AVec le président finlandais, Sauli Niinistö, légèrement gêné. BRENDAN SMIALOWSKI / AFP « Ne soyez pas impoli ! » A la Maison Blanche, le président des Etats-Unis s’emporte à nouveau deux heures plus tard au cours d’une conférence de presse encore phagocytée par la procédure de destitution. Il se justifie une nouvelle fois, attaque derechef la presse et les démocrates. Le journaliste de l’agence Reuters Jeff Mason lui pose une question : « Que voulez-vous, ou que vouliez-vous que le président Zelensky fasse en ce qui concerne Joe et Hunter Biden ? » Donald Trump répond à côté. Le journaliste le relance calmement, une fois, deux fois, trois fois. Le président esquive puis lui intime l’ordre de poser une question à son visiteur. « Ne soyez pas impoli ! », gronde Donald Trump. Quelques minutes plus tard, il met fin abruptement à la conférence de presse après avoir une nouvelle fois stigmatisé les médias « corrompus » et quitte la salle d’apparat qui l’accueillait. Avant que la presse finlandaise qui accompagne Sauli Niinistö ne puisse poser l’une des questions qui sont traditionnellement réservées aux visiteurs. Le New York Times qu’il ne cesse d’accabler lui a pourtant procuré la seule satisfaction de la journée en révélant que le lanceur d’alerte à l’origine de toute l’affaire avait contacté initialement un assistant d’Adam Schiff, avant de rédiger un signalement conformément aux procédures, sur le conseil de cet assistant. Le camp du président s’est aussitôt appuyé sur cette information pour redoubler ses critiques contre un lanceur d’alerte mu, selon lui, par des calculs politiques, même si son identité reste à ce jour inconnue. Mercredi, l’audition à huis clos à la Chambre de l’inspecteur général du département d’Etat s’est réduite à la remise de documents alimentant la thèse d’un complot démocrate lors de la présidentielle de 2016, fournis en partie par l’avocat du président, Rudy Giuliani, comme ce dernier l’a reconnu. Jeudi, l’ancien envoyé spécial pour l’Ukraine, Kurt Volker, qui a démissionné de ses fonctions le 27 septembre, devait être entendu à son tour à huis clos.
Le président américain, menacé par une procédure de destitution, est en colère. Une conférence de presse avec le président finlandais s’est transformée en séance de réglements de comptes.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/03/procedure-de-destitution-donald-trump-denonce-les-conneries-des-democrates_6014013_3210.html
mlsum-fr-4702
Khalifa Haftar assiste à une parade militaire à Benghazi, dans l’est de la Libye, le 7 mai 2018. ABDULLAH DOMA / AFP Plus de quatre mois après le déclenchement de son assaut sur Tripoli, l’Armée nationale libyenne (ANL), du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque (est), n’en finit pas de butter sur les résistances du « gouvernement accord national » (GAN), du premier ministre Faïez Sarraj, soutenu par l’essentiel des groupes armés de la Tripolitaine (ouest). Dans un entretien au Monde Afrique, l’expert libyen Tarek Megerisi, chercheur au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR), estime que l’enlisement militaire de Haftar aux portes de la capitale « ternit son image d’homme fort ». Face au risque de « son déclin », le chef de l’ANL se lance dans une « escalade » potentiellement « destructrice » pour Tripoli, relève le chercheur. A long terme, ses difficultés pourraient ouvrir un « vide » sécuritaire au cœur de sa place forte de Benghazi, alors que le chaos ambiant permettrait à l’organisation de l’Etat islamique (EI) d’« étendre son influence ». La « bataille de Tripoli » est entrée dans son cinquième mois. Comment juger l’évolution du conflit, notamment après la perte, fin juin, de Gharyan, au sud-ouest de Tripoli, par les forces du maréchal Haftar qui en avaient fait leur base de projection vers la capitale ? La perte de Gharyan marque une nouvelle étape dans le conflit. Il s’agit d’un revers embarrassant pour Haftar, qui va vouloir rétablir son honneur. Il a entamé une contre-offensive sous la forme de raids aériens contre certains quartiers de Tripoli ou localités proches, comme Salaheddine et Tajoura. Il a choisi l’escalade. S’il échoue à regagner prochainement du terrain, alors on pourra dire qu’il s’agit du début du déclin de ses opérations. Et c’est dangereux, car plus il perd, plus il devient agressif, et plus le conflit va devenir destructeur pour la population de Tripoli. « Haftar masque ses insuffisances sur le terrain en intensifiant des raids aériens dévastateurs. » Or on a observé qu’il n’a pas été capable de mener à bien sa contre-offensive depuis la perte de Gharyan. Il manque d’hommes et de moyens. Dès lors, il masque ses insuffisances sur le terrain en intensifiant des raids aériens dévastateurs, non seulement sur Tripoli mais aussi sur Misrata et, plus récemment, sur Mourzouq, dans le sud-ouest du pays. Cela montre que le déclin de Haftar va être très destructeur pour toute la Libye. Et le fait que ses forces aient mené des opérations durant la trêve décidée pour l’Aïd al-Adha prouve que, malgré l’affaiblissement de sa position, il n’est toujours pas désireux de s’engager dans une démarche diplomatique. Son enlisement autour de Tripoli peut-il provoquer des réactions en chaîne fragilisant sa position en Cyrénaïque ? C’est possible. Il y a beaucoup de dissensions dans l’est, à cause de la corruption au sein de son camp et de la main de fer avec laquelle il dirige la région. Haftar a jusqu’à présent maintenu sa positon car il a été perçu comme la seule solution. Il fournit l’argent, les armes, la stabilité. Mais dans une situation où de jeunes hommes retournent chez eux dans des sacs mortuaires au nom d’une guerre à laquelle les gens ne croient pas, et en l’absence de succès militaires, son image d’homme fort est en train de se ternir. Cela ouvre un vide et nourrit le mécontentement, ce qui est très dangereux. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Libye, les Nations unies en « état de choc » à la suite d’un attentat à Benghazi Ce risque est de plus en plus évident à Benghazi, qui a été récemment le théâtre de désordres. Il y a eu deux attaques à la voiture piégée contre des officiers de l’ANL et un convoi des Nations unies, le kidnapping et peut-être même l’assassinat d’une députée, Siham Sergewa, qui avait appelé à la fin de la guerre. D’autres militants de la paix ont été kidnappés ou tués. Ce type de réponse au mécontentement perceptible à Benghazi reflète une sorte de panique de la part d’un homme qui est en train de perdre le contrôle. Quelles sont les principales fragilités de Haftar dans l’est ? Il a déçu nombre de ses soutiens. Certaines tribus sont en proie à l’insatisfaction. Les Awagir de Benghazi ont largement profité de la campagne militaire de Haftar, mais ils lui reprochent toujours l’assassinat d’un de leurs chefs tribaux en 2017. La préoccupation de Haftar à leur sujet s’est manifestée par la promotion de davantage d’officiers issus de cette tribu ces dernières semaines, une manière de s’assurer de son soutien. Il y a aussi les tribus autour d’Ajdabiya qui ont été lourdement persécutées quand Haftar a repris, à l’automne 2016, le Croissant pétrolier. Nombre de leurs jeunes, enrôlés dans l’ANL, sont en train de mourir à Tripoli. « Aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’alternative à Haftar, il pourra continuer à imposer son règne fragile. » Les mécontentements sont multiples, mais aussi longtemps qu’il n’y aura pas d’alternative à Haftar, ce dernier pourra continuer à imposer son règne fragile. Jusqu’à ce qu’un changement s’avère inévitable. Si une autre option est offerte par la communauté internationale et les gouvernements occidentaux, dans laquelle la population de l’est se sentirait partie prenante sans craindre des représailles ou une marginalisation, alors il pourrait y avoir une transition ordonnée. A défaut, un concurrent finira par se manifester – le général al-Hassi aurait pu jouer ce rôle mais il a récemment été marginalisé – et des combats fratricides éclateront, plongeant l’est dans l’anarchie. Ses revers à Tripoli pourraient-ils affecter le Croissant pétrolier ou le sud ? Peut-être pas le Croissant pétrolier, que Haftar contrôle bien et qu’il peut protéger avec son aviation. Mais dans le sud et l’ouest, la population locale va peut-être finir par penser qu’il n’est pas l’homme fort qu’il prétendait être. Plus il perd du terrain dans l’ouest, plus des groupes qui le soutiennent, comme les habitants de Tarhouna, au sud de Tripoli, ou ceux de localités du sud, vont commencer à envisager des négociations, à songer à d’autres options. Cela peut avoir des ramifications dans l’ensemble du pays. Les Touareg vont-ils longtemps le soutenir ? Pour l’instant, les Touareg combattent à ses côtés même s’ils ne l’aiment pas franchement. Parce qu’il représente quelque chose de tangible dans le sud pour eux : il leur offre des salaires et un statut. Il présente une familiarité avec la période de Kadhafi, que les Touareg soutenaient : de l’argent et une position. C’est mieux que le chaos et ils n’ont pas vraiment d’autres options. Lire aussi Libye : 42 morts dans un raid aérien contre une ville du Sud Pour les Toubou, c’est une tout autre affaire… C’est en effet complètement différent. Les Toubou ont été persécutés dans le sud par les alliés de Haftar, les tribus arabes du Fezzan, comme les Ouled Sliman. Quand l’ANL dit : « Nous allons expulser tous les Tchadiens », les Toubou le perçoivent comme une menace les visant directement. Car appeler les Toubou des « Tchadiens » relève du dénigrement, c’est une manière de signifier qu’ils ne sont pas de vrais Libyens. Beaucoup ont été expulsés, tués par les alliés arabes de Haftar, autant d’exactions qui nourrissent chez eux un profond sentiment d’injustice. Les choses ont empiré ces derniers jours avec des raids aériens de drones armés à Mourzouq, qui ont causé la mort de plusieurs dizaines de Toubou. En Tripolitaine, le conflit va-t-il reconfigurer les rapports de forces politico-militaires au sein du camp du GAN ? Avec l’arrivée de Sarraj au pouvoir à Tripoli en 2016, la frange dure du camp islamiste de Farj Libya et les groupes de Misrata avaient été écartés, au profit des milices des quartiers de Tripoli. Ce paysage peut-il évoluer dans le feu de la guerre ? Sarraj est en effet sous pression, mais ce n’est pas forcément une mauvaise chose. Il y a des dissensions au sein de la coalition pro-Sarraj. Les groupes qui combattent sous la bannière du GAN, notamment ceux de Misrata, ne veulent pas retourner au statu quo ante. Ils vont donc pousser Sarraj à adopter un plan politique qui les convainque que les choses changeront après la guerre, qu’on ne reviendra pas à la situation où les milices de Tripoli volaient les ressources de l’Etat avec la complicité du GAN. Faut-il craindre, dès lors, de futurs affrontements entre les milices de Misrata et de Tripoli qui combattent en ce moment sous la houlette de Sarraj ? Il peut en effet y avoir une situation similaire à la période post-2011, où le vide au sommet a encouragé des groupes armés à prendre l’initiative, conduisant à la division de la capitale entre milices rivales. C’est possible, surtout s’il y a une absence de direction. En ce moment, le ministre de l’intérieur, Fathi Bashagha, fait plutôt du bon travail : il se comporte comme un ministre et non comme un Misrati. C’est prometteur. Mais s’il ne parvient pas à créer une vraie structure militaire impliquant des officiers et des soldats de l’ensemble de l’ouest, alors on peut craindre l’éclatement de combats comme ceux qui avaient suivi 2011. Lire aussi Comment le maréchal Haftar a pris le contrôle de l’économie de la Cyrénaïque en Libye Haftar est ostensiblement soutenu par l’Egype, les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite. Ce soutien extérieur va-t-il s’essouffler avec son enlisement militaire aux portes de Tripoli ? Quand il a déclenché l’attaque contre Tripoli, Haftar a dit en substance : « Vous êtes avec moi ou contre moi. » Ses parrains régionaux ont lourdement investi sur lui. Je pense qu’ils vont continuer à l’aider et à nourrir ainsi l’escalade, afin de protéger un investissement datant maintenant de cinq ans. Ils continueront tant qu’ils n’auront pas d’autres options. Dans ce contexte d’escalade, faut-il craindre que des groupes extrémistes comme l’EI en profitent pour se manifester de nouveau ? « Le risque est grand que l’Etat islamique étende son influence en utilisant le chaos comme couverture. » C’est déjà le cas. Avant l’éclatement de la bataille de Tripoli, début avril, il y avait en moyenne une attaque de l’EI tous les six mois. Depuis, il y en a déjà eu sept ou huit. Ils ont de l’argent et des moyens. Et maintenant une opportunité s’offre à eux, puisque les forces qui les combattaient à l’est et à l’ouest, l’ANL et le GAN, s’affrontent désormais entre elles. Ainsi le risque est grand que l’EI étende son influence en utilisant le chaos comme couverture. Cela constituerait une menace non seulement pour la Libye, mais aussi pour la région et peut-être même l’Europe.
LE GRAND ENTRETIEN. Selon le chercheur Tarek Megerisi, l’enlisement de l’offensive du maréchal sur Tripoli ternit son image d’homme fort et risque de fragiliser son assise politique.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/19/libye-menace-de-declin-khalifa-haftar-va-opter-pour-une-escalade-destructrice_5500659_3212.html
mlsum-fr-4703
Forêts dans le nord de l’Ouganda. ROBERTO SCHMIDT/AFP Total a l’habitude d’être la cible récurrente des organisations de défense de l’environnement. Cette fois, les critiques à l’encontre de la major du pétrole viennent d’un économiste du Centre de coopération internationale agronomique pour le développement (Cirad), Alain Karsenty, dont les travaux sur l’exploitation des forêts tropicales font la notoriété. La Fondation Total, qui a récemment ajouté à la liste de ses priorités la protection des forêts et du climat, ne le contestera pas. Elle s’est tournée vers lui pour comprendre les mécanismes de compensation carbone liée aux forêts et identifier des projets qu’elle pourrait financer dans le cadre d’un partenariat avec le Cirad. Dans un article sobrement titré « Total et les forêts », publié le 2 septembre sur le site de débat intellectuel Telos, le chercheur démasque la contradiction qui existe, selon lui, entre quelques actions de mécénat, l’annonce d’investissements importants pour préserver des écosystèmes en créant une nouvelle ligne d’activité consacrée aux « solutions basées sur la nature » (Nature Based Solutions, NBS) et la réalité d’opérations industrielles qui menacent de détruire des milieux dont la capacité à stocker du carbone est sans équivalent. Total, qui affirme vouloir devenir « la major de l’énergie responsable », a annoncé qu’elle investirait 100 millions de dollars (90,37 millions d’euros) à partir de 2020 dans la création ou la préservation de « puits de carbone naturel ». Cette communication « vise sans doute à détourner l’attention du public de quelques dossiers épineux dans lesquels la société est empêtrée », écrit M. Karsenty, mal à l’aise de participer indirectement à cette opération. Mise en demeure Le chercheur en énumère trois : outre la bioraffinerie de la Mède, près de Marseille, dont l’approvisionnement est assuré en partie par l’importation d’huile de palme produite en Asie du Sud-Est, deux se trouvent en Afrique centrale. Il s’agit du projet d’exploitation pétrolière mené au sein de la plus grande aire protégée d’Ouganda, le parc national de Murchinson Falls. Ce site sur lequel Total pourrait bientôt passer à la phase opérationnelle abrite d’importantes étendues forestières et des spécimens de grande faune – éléphants, girafes, lions… – presque tous inscrits sur la liste rouge des espèces en danger de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). Les Amis de la Terre, Survie et quatre associations ougandaises lui ont adressé, le 24 juin, une lettre de mise en demeure pour exiger que l’entreprise élabore un plan de vigilance prenant en compte les risques sociaux et environnementaux liés à ces infrastructures construites par sa filiale ougandaise, comme l’y oblige désormais la loi. L’autre dossier « épineux » se situe dans les tourbières de la République du Congo. Ces zones marécageuses formées il y a plusieurs milliers d’années et véritables éponges à carbone, peuvent stocker plus d’un millier de tonnes de CO 2 par hectare. Celles du Congo seraient, selon les récents travaux de l’université de Leeds (Royaume-Uni), les plus vastes de la zone tropicale. Le bloc de prospection de Mokelé-Mbembé attribué à Total par le gouvernement congolais chevauche les tourbières. Ses droits d’exploration ont expiré, mais le flou qu’entretient le groupe sur ses intentions est considéré comme suffisamment inquiétant pour que le chercheur rappelle fermement que planter des eucalyptus ou d’autres arbres à croissance rapide, comme se propose de le faire Total, pour effacer une partie de son empreinte carbone, n’est pas équivalent à la destruction d’écosystèmes très anciens. Les essences commerciales récoltées au bout de cinq à sept ans séquestrent des quantités moindres de carbone, sauf à en recouvrir des superficies qu’Alain Karsenty estiment peu réalistes au regard des risques de concurrence avec les cultures alimentaires. Il soulève un autre problème : la Convention des Nations unies sur les changements climatiques a fixé des critères précis pour qu’un projet puisse générer des « crédits carbone » susceptibles d’être utilisés pour compenser une activité polluante. L’un d’entre eux est qu’il doit être « additionnel ». Autrement dit : il doit contribuer à réduire les concentrations de gaz à effet de serre qui seraient mesurées dans l’atmosphère en l’absence de ce projet. Dans le cas des crédits carbone obtenus à partir de projets forestiers, l’ONU a par exemple exclu les plantations de pâtes à papier, considérant que ces projets auraient certainement vu le jour du seul fait de leur rentabilité commerciale. Dès lors, les investissements dans ce nouveau business des « solutions basées sur la nature » pourront-ils vraiment être considérés comme un gain réel pour le climat ? De quelle façon seront utilisés les crédits liés au CO 2 séquestré ? Dans quelle proportion serviront-ils à réduire l’empreinte carbone de Total ou celle d’autres entités en étant vendus sur les marchés du carbone ? Selon le rapport Carbon majors publié en 2017 par le centre de recherches américain Climate Accountability Institute, la multinationale était en 2015 responsable de 0,7 % des émissions industrielles mondiales, soit l’équivalent des trois quarts des émissions de gaz à effet de serre de la France. « Responsabilité particulière » Interrogée, Total ne fournit pas de réponses, arguant que cette nouvelle activité est un chantier en construction. Elle en précise seulement le périmètre : Nature Based Solutions (NBS) vise à investir dans « des activités de conversion de milieux naturels dégradés en puits de carbone, dans des exploitations agricoles et forestières soutenables et dans des activités de conservation ». Il pourra s’agir de « reforestation, de restauration de terres agricoles, d’agroforesterie, de gestion améliorée des forêts naturelles… ». Total ambitionne même de s’attaquer « aux causes de la déforestation », en donnant des « incitations économiques aux populations locales, pour qu’elles abandonnent l’agriculture itinérante sur brûlis » au bénéfice de « cultures permanentes et rentables issues de pratiques durables ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Afrique, la pression démographique grignote la forêt Il est peu probable que ces précisions tempèrent les critiques d’Alain Karsenty et des défenseurs de l’environnement. « Pour rester sur une trajectoire de hausse des températures en dessous de 2 °C – conformément à l’Accord de Paris –, il faudra laisser environ le tiers des réserves connues de pétrole sous terre. Dans ce tiers, il faut mettre en priorité les zones les plus vulnérables comme les tourbières et les zones classées en aires protégées. Total a donc une responsabilité particulière, liée à son discours, qui place les forêts et les arbres en bonne place dans sa stratégie climatique », rappelle le chercheur.
Pour le chercheur Alain Karsenty, financer des puits de carbone ne peut servir à compenser la destruction d’écosystèmes uniques en Ouganda et au Congo.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/17/protection-des-forets-total-prie-d-accorder-ses-actes-avec-ses-paroles-en-afrique_5511303_3212.html
mlsum-fr-4704
Le député Sébastien Nadot (non-inscrit) brandit une pancarte lors des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale à Paris, le 19 février. JULIEN MUGUET « La France tue au Yémen. » Sur la banderole brandie le 19 février en plein hémicycle, les mots accusateurs ont été tracés en lettres rouges. Un échalas aux tempes grises tend le drap fermement, le regard fixe. Sébastien Nadot, député de Haute-Garonne, est un ancien macroniste en rupture de ban. A en croire les ONG, plusieurs mois avant cette provocation, l’élu a été dans les coulisses de l’Assemblée nationale l’un des détonateurs d’un débat explosif sur les ventes d’armes françaises à l’Arabie saoudite. Depuis un an, questions au gouvernement, auditions, demandes de commission d’enquête se multiplient sur le sujet. Une situation d’autant plus rare qu’en France « il n’est pas habituel que des parlementaires s’emparent de façon critique de ce dossier », explique Tony Fortin, chargé d’études à l’Observatoire des armements, un centre d’expertise indépendant. Encore plus inattendu, ce questionnement a été déclenché par des députés de la majorité. « Domaine réservé » de l’exécutif En avril 2018, à l’initiative de M. Nadot, trente-six députés de La République en marche (LRM) et du MoDem ont signé une proposition de commission d’enquête sur les exportations d’armement français à la coalition saoudienne qui intervient militairement au Yémen. Depuis mars 2015, Riyad tente sans succès de faire échec aux rebelles yéménites houthistes, alliés de son grand rival régional, l’Iran chiite. Les Saoudiens multiplient les bombardements contre des zones civiles et imposent un blocus partiel au pays qui précipite l’une des plus graves crises humanitaires de la planète. Une guerre sale et sans issue dans laquelle ont péri plus de 70 000 personnes depuis janvier 2016, selon une estimation de l’organisation indépendante américaine Acled. Or, les Saoudiens et leurs principaux alliés, les Emirats arabes unis (EAU), sont pour la France des « partenaires stratégiques » au Proche-Orient et des clients importants en matière de ventes d’armes. Alors que Paris est le troisième pays exportateur au monde – la France a vendu 9,1 milliards d’euros d’armement en 2018, « d’excellents résultats » s’est félicité le gouvernement –, Riyad est son deuxième acheteur. De quoi inquiéter les ONG et certains parlementaires. La France n’est-elle pas signataire du traité sur le commerce des armes (TCA) qui interdit les exportations en cas de risques de violations du droit international humanitaire ? Interpellé sur la question, l’exécutif répète que ce commerce est strictement encadré et surveillé. Et il assure que, depuis le début du conflit au Yémen, les autorisations d’exportation sont étudiées avec une vigilance accrue et des critères plus restrictifs.
En avril 2018, trente-six députés macronistes ont voulu créer une commission d’enquête sur les exportations d’armes à l’Arabie saoudite. Une initiative qui a déplu à l’exécutif mais a créé le débat.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/08/l-assemblee-s-invite-dans-le-debat-mine-sur-les-ventes-d-armes_5473357_823448.html
mlsum-fr-4705
« La Vie scolaire » offre son premier rôle à Liam Pierron, un des personnages principaux du film coréalisé par Grand Corps Malade. LAETITIA MONTALEMBERT / GAUMONT / MANDARIN PRODUCTION / KALLOUCHE CINÉMA L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR Quand le slameur Grand Corps malade et son compère de cinéma, Mehdi Idir, se lancent dans l’écriture et la réalisation d’un film, c’est pour évoquer ce qu’ils connaissent de près. Et pour porter, sur les personnages qu’ils mettent en scène, un regard bienveillant destiné à révéler la part positive de chacun d’eux. Leur premier long-métrage sorti en 2017, Patients, tiré du livre autobiographique de Grand Corps malade, racontait ainsi le quotidien d’une poignée de jeunes gens gravement traumatisés, et confinés durant plusieurs saisons dans un centre de rééducation. Leur deuxième film, La Vie scolaire, s’inspire cette fois de leurs souvenirs de collège en Seine-Saint-Denis. Utilisant ce qu’ils avaient vécu et observé, mais aussi en s’inspirant d’anecdotes qu’on leur a rapportées au fil des années, ils ont bâti un scénario à partir d’un personnage central – une conseillère principale d’éducation (CPE) – autour de laquelle convergent toutes les histoires. En particulier celles des élèves de l’établissement. La CPE en question se nomme Samia (Zita Hanrot). Jeune et inexpérimentée, elle vient tout juste de débarquer, de son Ardèche natale, dans un collège sensible de Seine-Saint-Denis. C’est à travers son regard que l’on découvre le personnel enseignant et les surveillants avec lesquels elle va devoir travailler, ainsi que les collégiens qui tous, à un moment où un autre, auront affaire à elle. Car, dans la répétition des jours et des cours, les problèmes ne manquent pas, qui apportent leur lot de surprises et leur part de fantaisie. Seule la mélancolie d’un regard Absentéisme, délinquance, encadrement familial déficient mènent tout droit les jeunes à l’échec. Pourtant, Samia et d’autres, comme Messaoud (Soufiane Guerrab), le professeur de maths autoritaire et chambreur, espèrent encore pouvoir les aider et leur redonner confiance. Parmi ces jeunes qui manient le mensonge et l’embrouille avec un joyeux aplomb (et un talent certain), il y a Yanis (Liam Pierron), en troisième « SOP », la classe des « sans options », intelligent mais dissipé parce que, au fond, il ne croit pas aux possibilités que peut lui offrir l’école. Ils sont nombreux comme lui dans ce film qui rend compte de la difficulté pour les jeunes de se battre dans un contexte où tout semble les destiner aux petits boulots. Il semble tout aussi difficile, pour les enseignants, de les convaincre que tout, au contraire, n’est pas décidé d’avance.
Cette comédie de Grand Corps malade et Mehdi Idir, tournée en Seine-Saint-Denis, décortique les mécanismes qui mènent certains élèves à l’échec. Sans pathos, mais avec humour et « tchatche ».
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/28/la-vie-scolaire-galeres-embrouilles-et-fantaisie-en-college-sensible_5503607_3246.html
mlsum-fr-4706
LETTRE DE PEKIN Avec son jean prématurément usé, sa chemise canadienne et sa casquette noire percée de multiples anneaux, Rayna affiche la couleur : cette jeune Pékinoise née au tout début du XXIe siècle semble davantage attirée par l’Occident que par les valeurs confucéennes. Lorsque nous l’avons rencontrée fin juin, elle s’apprêtait à découvrir la France et l’Allemagne avant de faire le grand saut : partir aux Etats-Unis étudier le journalisme. Lire aussi Aux Etats-Unis, les étudiants étrangers trichent plus que les Américains En principe, à cette époque de l’année, les jeunes de son âge attendent anxieusement les résultats du Gaokao, l’équivalent du baccalauréat qui va déterminer la suite de leurs études. Pas Rayna. « Je n’avais aucune envie d’aller dans une université chinoise. Je n’ai donc pas passé le Gaokao. J’ai arrêté mes études l’année dernière pour postuler dans une université américaine. Et pour ne pas perdre mon temps, j’ai étudié le français ». Une autre raison l’a incitée à ne pas passer le Gaokao : « je ne suis pas très bonne en chinois » confie-t-elle. 360 000 Chinois sur les campus américains Depuis son enfance, sa mère, interprète, lui parle en anglais. Rayna se sent donc aussi à l’aise, voire plus confiante, dans cette langue qu’en chinois. Aujourd’hui, Rayna a réussi son pari : elle se débrouille en français et vient d’être admise dans une université de l’Illinois considérée comme une des meilleures écoles de journalisme du pays. Début septembre, elle a posté sur les réseaux sociaux une photo prise à Washington d’un monument dédié à la liberté de la presse. « Nous rendons hommage au reporter qui est prêt à se tenir droit quand d’autres s’enfuient, qui persiste à poser des questions quand d’autres se sont réfugiés dans le silence », indique la stèle. « Cet aspect du journalisme m’a toujours fascinée » explique Rayna. Quand on lui fait remarquer que dans cinq ans, elle ne devrait avoir aucune difficulté à trouver un emploi en Chine auprès de médias occidentaux, Rayna fait la moue. On ne jurerait pas qu’elle a envie de travailler en Chine. Bien qu’élevée dans une famille « où l’on ne parle pas politique » mais où l’on n’a strictement rien contre le parti communiste, Rayna préfère manifestement le rêve américain au « rêve chinois » mis en avant par les autorités. Elle est loin d’être la seule. En 2017, plus de 360 000 étudiants chinois faisaient leurs études aux Etats-Unis. Le phénomène n’est pas nouveau mais il s’accélère. Ils n’étaient que 250 000 quatre années plus tôt. Certes un grand nombre d’entre eux rentrent en Chine à l’issue de leurs études mais l’écart ne cesse de croître entre le nombre des départs et celui des retours. Un film, actuellement projeté dans toute la Chine, vient de leur être consacré. Son nom : Born in 2000. Le réalisateur, Zhang Tongdao, a suivi douze jeunes de 2006 à 2018 et en tire plusieurs documentaires.
A l’heure où Pékin célèbre les 70 ans de l’arrivée des communistes au pouvoir, plus de la moitié des millennials du pays se sentent « sans avenir » en Chine.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/23/le-reve-americain-des-jeunes-chinois_6012625_3210.html
mlsum-fr-4707
Marion Maréchal lors d’un discours à Paris le 31 mai 2018. FRANCOIS GUILLOT / AFP « Une première grande convention de la droite, qui a vocation à devenir le lieu incontournable des débats philosophiques et politiques de demain. » Dans un communiqué publié mardi 3 septembre, le magazine à la ligne conservatrice-identitaire L’Incorrect a officialisé avec emphase le rendez-vous murmuré depuis des semaines à droite de la droite. Après l’annulation de son invitation à l’université d’été du Medef, fin juin, et qu’elle-même renonce à celle d’un mouvement de jeunesse catholique traditionaliste, fin août, Marion Maréchal ex-Le Pen fera bien une apparition « hors les murs » à la rentrée. Lire aussi Marion Maréchal a dîné avec des élus LR L’ancienne députée frontiste de Vaucluse, petite-fille et nièce de, figure en effet parmi les invités d’une autoproclamée « convention de la droite », organisée le 28 septembre à La Palmeraie, à Paris. Un événement initié sous l’impulsion de L’Incorrect – dont le directeur de la rédaction, Jacques de Guillebon, est également l’ami de Marion Maréchal et le coprésident du conseil scientifique de son école de sciences politiques et sociales à Lyon - du cercle d’entrepreneurs Audace que préside François de Voyer, lui aussi proche de Marion Maréchal et de Racines d’avenir, le mouvement politique présidé par Erik Tegnér, encarté chez Les Républicains et étudiant à l’école de Marion Maréchal en 2018. Lire aussi Le Medef renonce à inviter Marion Maréchal à son université d’été Un rendez-vous qui n’a, bourdonnent les organisateurs, « rien à voir » avec le lancement d’une quelconque entreprise en vue de la présidentielle de 2022, « rien à voir » avec une tribune offerte à la très active retraitée de la politique, « rien à voir » avec une énième tentative électorale d’« union des droites »… « On sait bien que certains diront ça. Mais l’objectif est davantage de grenouiller, de créer un écosystème favorable », amorce, lucide, François de Voyer. Favorable à ? « A une alternative au progressisme incarné par Emmanuel Macron », complète Erik Tegnér. D’ailleurs, s’ils savent bien que le label Marion Maréchal déplacera public et médias, le duo mise sur un autre nom pour attirer et « rassembler la famille » : Eric Zemmour, à qui sera réservé le propos introductif. « Je viens en adversaire loyal », assure Raphaël Enthoven Et le casting ne s’arrête pas là. Au « parrain » Zemmour, s’ajoutent Paul-Marie Coûteaux, chantre de l’union des droites et ancien conseiller de Marine Le Pen, Ivan Rioufol, éditorialiste au Figaro reprenant à son compte la théorie d’extrême droite du « grand remplacement », Gilles-William Goldnadel, avocat et secrétaire national à la justice du Centre national des indépendants et paysans (CNIP), parti qui avait soutenu Marine Le Pen à la dernière présidentielle…
Le philosophe assure au « Monde » venir « en adversaire loyal » à cet événement taillé sur mesure pour l’ancienne députée frontiste.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/09/03/marion-marechal-eric-zemmour-et-raphael-enthoven-reunis-dans-une-convention-de-la-droite-a-la-rentree_5505888_823448.html
mlsum-fr-4708
Confier son proche dépendant à une structure adaptée pendant quelques jours permet à l’aidant de souffler de son côté. Fotoagentur/Westend61 / Photononstop Quiconque assiste une personne âgée dépendante ou handicapée s’épuise forcément peu à peu. « Un tiers des aidants meurent avant la personne qu’ils aident, 40 % lorsqu’il s’agit d’un malade d’Alzheimer », alerte Serge Guérin, sociologue et spécialiste du vieillissement. Concilier sa vie professionnelle et son rôle d’aidant se révèle aussi très compliqué. Plus d’un Français sur six soutient au quotidien un parent, un enfant ou un proche en situation de dépendance. Parmi eux, plus de la moitié est en activité professionnelle. Lire aussi Dépendance : les aidants enfin mieux reconnus Si les personnes âgées dépendantes ou handicapées peuvent toucher des aides financières (allocation personnalisée d’autonomie (APA)…), le dédommagement des proches aidants est, lui, presque inexistant. Dans de rares cas, ces derniers peuvent être salariés par la personne dépendante dont ils s’occupent (mais cela est impossible s’il s’agit de son conjoint, concubin ou pacsé) ou percevoir une partie de la prestation de compensation du handicap (PCH). Le congé du « proche aidant » permet de cesser son activité pendant trois mois (renouvelables jusqu’à un an) pour aider un proche handicapé ou dépendant. Pour l’heure, il n’est toujours pas indemnisé Néanmoins, trois congés distincts existent pour soulager les aidants qui travaillent. Le congé de « présence parentale » permet, par exemple, d’accompagner son enfant de moins de 20 ans handicapé ou malade. Sa durée peut atteindre 310 jours (soit 14 mois maximum) et peut être étalée sur trois ans. Lors de ce congé, le parent touche une allocation journalière, versée par la Caisse d’allocation familiale, s’élevant à 43,70 euros s’il vit en couple ou à 51,92 euros s’il vit seul. Le congé de « solidarité familiale » permet quant à lui de cesser de travailler si l’un de ses proches est en fin de vie. Sa durée est de trois mois, renouvelable une fois. Durant ce congé, une allocation journalière est versée par la Sécurité sociale. Elle s’élève à 56,10 euros dans la limite de 21 jours (pour un temps plein) ou à 28,05 euros dans la limite de 42 jours (temps partiel). Enfin, le congé du « proche aidant » permet de cesser son activité pendant trois mois (renouvelables jusqu’à un an) pour aider un proche handicapé ou dépendant. Il peut être posé par un membre de la famille ou toute personne qui apporte une aide régulière pour l’aider au quotidien. Plus de 4 millions d’aidants actifs sont ainsi concernés. Pour en bénéficier, il faut justifier d’une ancienneté d’un an minimum dans son entreprise. Or, ce congé n’était jusqu’à présent pas indemnisé. Droits à la retraite Une mesure figurant dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 prévoit néanmoins qu’il le soit dès l’an prochain. Son montant devrait atteindre entre 43 et 52 euros par jour selon la composition du foyer, mais il doit encore être fixé par décret. « C’est une bonne nouvelle car ce congé était le seul à ne pas être indemnisé, ce qui limitait franchement son efficacité », estime Benoit Durand, directeur général de l’association France Alzheimer & maladies apparentées. cette indemnité pourra être versée pendant une durée de trois mois maximum pour l’ensemble de la carrière de l’aidant, qu’il soit salarié, fonctionnaire ou indépendant. Ce congé pourra, avec l’accord de l’employeur, être transformé en temps partiel ou bien fractionné. Dans ce cas, la durée minimale de chaque congé sera d’une journée. Il devrait également être comptabilisé pour les droits à la retraite. Lire aussi Comment adapter un logement au handicap Ces aménagements vont-ils améliorer l’efficacité de ce dispositif ? Il faut l’espérer car, si ces congés ont le mérite d’exister, « peu d’aidants y ont recours en réalité », constate Benoit Durand. Par exemple, selon le rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, seules 545 personnes ont bénéficié du congé de solidarité familiale en 2016. « Ces congés sont encore méconnus et mal indemnisés, ce qui explique leur faible utilisation », commente Guillemette Leneveu, directrice générale de l’Union nationale des associations familiales (Unaf). Le droit au répit finance l’accueil ou l’hébergement de la personne aidée dans une structure adaptée et permet ainsi aux aidants de prendre un peu de repos Ils manquent aussi de lisibilité. « Les délais pour prévenir les employeurs sont, par exemple, variables selon les congés demandés », relève Mme Leneveu. Enfin, ils ne sont pas toujours évidents à poser. « Certains aidants n’osent en pas parler à leur employeur car ils craignent d’être stigmatisés. Ils n’ont donc parfois pas d’autres choix que de poser des RTT ou un arrêt maladie lorsque l’épuisement est trop grand », note Marie-Jeanne Richard, présidente de l’Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam). Par ailleurs, un certain nombre de proches aidants, qui ne sont pas salariés, sont laissés au bord de la route. « Rien ou presque n’existe pour les plus jeunes qui accompagnent au quotidien un parent ou un frère malade ou en situation de handicap », rappelle Françoise Ellien, présidente de l’association nationale Jeunes AiDants Ensemble (JADE). Le constat est le même pour le droit « au répit » qui peine à décoller. Cette mesure, instaurée lors de la loi d’adaptation de la société au vieillissement de 2015, permet aux aidants de prendre un peu de repos en finançant l’accueil ou l’hébergement de la personne aidée dans une structure adaptée. Son montant s’élève, en 2019, à 506,71 euros maximum par an. « C’est une aide indispensable et fondamentale mais les conditions pour en bénéficier sont trop limitées », constate Benoit Durand. Elle est actuellement réservée aux aidants de personnes âgées percevant l’APA et qui ont atteint son plafond d’éligibilité. Seule une petite partie des 8,3 millions de proches aidants est donc susceptible d’en bénéficier. Un constat partagé par le rapport de Dominique Libault sur la concertation Grand âge et autonomie de mars 2019 : « La loi a créé une aide au répit et un relais en cas d’hospitalisation de l’aidant. Mais ces dispositifs, dont les critères d’activation sont restrictifs et dont la mobilisation s’avère complexe, sont peu utilisés. » Ils sont pourtant incontournables et devraient être au cœur des réflexions lors du plan de mobilisation nationale en faveur des proches aidants présenté cet automne par le gouvernement.
Des dispositifs ont été mis en place pour soulager les aidants qui s’occupent d’un proche dépendant ou handicapé. Mais ces derniers y ont peu recours car les conditions pour en bénéficier sont trop strictes ou contraignantes.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/10/04/dependance-les-conges-et-l-aide-au-repit-sont-encore-peu-utilises_6014165_1657007.html
mlsum-fr-4709
Danièle Heymann, au festival de Cannes, en mai 2018. JOHN PHILIPPS / GETTY / AFP Depuis presque trente ans, sa voix claire et – sauf exceptions – enjouée exécutait une partition bienveillante ou ironique les soirs de cinéma du « Masque et la plume ». Danièle Heymann, qui est morte le 25 juillet à 86 ans, laisse donc le souvenir d’une critique de films au public de l’émission de France Inter. Elle fut avant tout une journaliste, intervieweuse, reporter, chef de service, rédactrice en chef, qui après un bref passage à France Soir, a couvert aussi bien les variétés que le cinéma pour L’Express avant de devenir chef du service Culture du Monde, qu’elle quitta pour Marianne. En chemin, elle avait été jurée au Festival de Cannes, présidente à vie du jury des critiques du festival de Deauville. Jusqu’à ces dernières semaines, elle continuait de fréquenter les salles de projection parisiennes, aussi curieuse des nouveautés Marvel que des films présentés à la Quinzaine des réalisateurs. Françoise Giroud, sa boussole journalistique Il y a une certaine logique à ce que Danièle Heymann ait consacré la dernière partie de sa carrière exclusivement au cinéma. Elle est née à Paris le 16 mai 1933 alors que son père Claude Heymann, qui a été le collaborateur de Jean Renoir, réalise ses premiers films. Pendant l’Occupation, la famille se cache pour échapper à la persécution nazie. Après être passée par la Cinémathèque d’Henri Langlois, la jeune femme commence sa carrière de journaliste à France Soir, dans les années 1950. Elle a raconté, à l’occasion de la remise, par l’Institut Lumière, du prix Bernard-Chardère, comment cette expérience s’est rapidement terminée après la publication d’une notule assassinant une comédie avec un duo comique à l’époque fameux. Son mentor, le critique Robert Chazal lui dit alors : « Ma pauvre petite, ta carrière de critique à France Soir est terminée, tu ne savais donc pas que Roger Pierre et Jean-Marc Thibaut étaient des amis de la maison ? » Cette avanie lui permet de rejoindre L’Express de Jean-Jacques Servan Schreiber et – surtout – de Françoise Giroud, qui restera jusqu’au bout la boussole journalistique de Danièle Heymann. Pour l’hebdomadaire, elle chronique aussi bien l’émergence de la Nouvelle Vague que l’ascension des Beatles. Pendant des années, on a trouvé au dos du pressage français du premier album du groupe l’article qu’elle lui avait consacré en novembre 1963. Elle épouse le musicien Jean Bertola, collaborateur entre autres de Charles Aznavour, disparu en 1989.
Elle avait rejoint le service Culture du « Monde » en 1985, après avoir passé près de trente ans à « L’Express ». Fidèle voix de l’émission « Le Masque et la Plume » sur France Inter, la journaliste est morte le 25 juillet.
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2019/07/26/la-mort-de-daniele-heymann-journaliste-et-critique-de-cinema_5493878_3382.html
mlsum-fr-4710
Une manifestante à Hongkong le 16 août. MANAN VATSYAYANA / AFP LETTRE DE HONGKONG Il y a un sujet sur lequel Pékin et les manifestants de Hongkong sont d’accord : c’est bien un parfum de révolution qui flotte sur cette ville riche mais rebelle de 7,4 millions d’habitants. Certes les jeunes Hongkongais qui, depuis dix semaines, défient la Chine communiste ne veulent pas prendre le pouvoir. L’immense majorité d’entre eux ne se définissent même pas comme indépendantistes. Mais ils veulent continuer à pouvoir vivre dans une société capitaliste, libre et démocratique. Exactement l’inverse du « modèle chinois ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Hongkong continue de défier Pékin avec une nouvelle manifestation géante Leur slogan ? « Libérer Hongkong, une révolution de notre temps ». Une phrase d’Edward Leung, jeune homme de 28 ans au statut d’icône depuis sa condamnation en 2016 à six ans de prison pour participation à un mouvement social qui a vite tourné à l’affrontement politique. De son côté, Pékin qualifie ce mouvement de « révolution de couleur ». Dans l’esprit des dirigeants communistes, cela signifie un mouvement fomenté par l’Occident pour déstabiliser leur pouvoir. C’est absurde. Le président américain Donald Trump a même du mal à cacher le mépris que lui inspirent ces jeunes « émeutiers ». Un mouvement sans leader Pourtant l’expression n’est pas si mal choisie : car de fait, vue de Pékin, le mouvement est bien révolutionnaire. Par sa finalité : instaurer voire pérenniser un Etat de droit qui ressemble à s’y méprendre à une démocratie occidentale au sein même d’une cité sur laquelle flotte le drapeau chinois. Par ses modalités aussi : à Pékin, un homme, Xi Jinping peut décider de tout. A Hongkong, les jeunes mettent un point d’honneur à constituer un mouvement sans leader. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Hongkong : l’échec de Xi Jinping A Pékin, les réseaux sociaux sont sous contrôle et l’anonymat interdit. A Hongkong, les échanges, anonymes, se font sur une plate-forme, LIHKG, hébergée par la société américaine Cloudflare. On y discute stratégie bien sûr mais on y développe aussi des applications pour téléphones mobiles notamment pour valoriser les « bons » commerçants (qui soutiennent le mouvement) et inciter à boycotter les autres. Si la méthode n’est pas sans danger ni faiblesse, elle a aussi ses avantages. « Cela démocratise le débat public et y réintroduit de l’émotionnel » note Séverine Arsène, chercheuse associée au Médialab de Sciences Po qui vit à Hongkong. Cette « révolution 2.0 » n’est pas incompatible avec une communication plus traditionnelle. Des prospectus sont ainsi distribués au cours des rassemblements. Ils sont d’ailleurs d’une qualité impressionnante. Manifestement certains graphistes ont des vacances studieuses.
La créativité des manifestants et leur utilisation des réseaux sociaux ne masquent pas leur sombre vision de l’avenir.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/21/a-hongkong-une-revolution-2-0-qui-broie-du-noir_5501145_3210.html
mlsum-fr-4711
Le propriétaire de « L’Express », Alain Weill, à Paris, le 11 avril. ERIC PIERMONT / AFP « #Weill Massacre L’Express » : c’est muni de cet écriteau que les salariés du magazine ont défilé, mercredi 16 octobre, dans l’immeuble d’Altice, leur ancien propriétaire. Le lendemain, ils débrayaient durant deux heures, soucieux de protester contre le vaste plan de restructuration mis en œuvre par Alain Weill, le PDG d’Altice, qui a racheté, cet été, 51 % du groupe de presse à son employeur, Patrick Drahi. Soixante-six ans après sa création par Jean-Jacques Servan-Schreiber et Françoise Giroud, le magazine, qui a perdu une dizaine de millions d’euros en 2018, selon Alain Weill, s’apprête à subir un virage éditorial à 180 degrés et un important plan de réduction des coûts, qui dépasse sensiblement celui évoqué par le nouveau propriétaire au printemps. Article réservé à nos abonnés Lire aussi A « L’Express », un plan de relance avec des départs à la clé « Je suis là pour sauver “L’Express” » Au départ, selon une source syndicale, la direction de L’Express avait laissé entendre qu’avec quarante départs, dont trente journalistes, sur 172 salariés, le groupe de presse serait capable de se remettre à flot. Le 24 septembre, quarante-deux journalistes avaient fait jouer la clause de cession – ce dispositif permet de démissionner avec des indemnités quand un journal change de propriétaire. En outre, sept à huit personnes hors rédaction avaient également demandé à partir. Surprise le 14 octobre : la direction a annoncé aux représentants syndicaux un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), prévoyant la suppression de vingt-six postes supplémentaires et la disparition de services entiers, tels que la culture, l’investigation et la documentation. En parallèle, vingt et un salariés des fonctions supports devront être transférés chez Altice, où seront gérés les autres médias du groupe, comme Libération et BFM. « Je suis là pour sauver L’Express. Mais L’Express a besoin d’une opération douloureuse », assume Alain Weill, qui souhaite s’inspirer « des magazines qui marchent comme The Economist, mais aussi Time ou Newsweek ». Pour mener son projet à bien, Alain Weill, qui a recruté comme directeur de la rédaction Eric Chol, précédemment chez Courrier international, ne cache pas vouloir, outre des départs, du sang neuf. « On va faire entrer de nouveaux profils qui correspondent beaucoup mieux à cette ligne éditoriale. Pour que les gens s’abonnent, au papier ou au numérique, il faut de la qualité et de l’exclusivité », développe celui qui a réussi dans l’audiovisuel avec BFM et RMC, mais a aussi connu plusieurs échecs dans la presse, notamment avec le quotidien économique La Tribune. Une charte d’indépendance demandée Le service Web sera, par exemple, sensiblement étoffé, dix-sept nouveaux postes seront créés, et une nouvelle formule du magazine est programmée avant la fin de l’année. Mais les représentants syndicaux espèrent encore qu’Alain Weill amoindrisse son plan, qui doit quand même « diviser la rédaction par deux avec quarante-six personnes ». Selon la direction, ces chiffres ne concernent que la partie papier du magazine. Le nombre de cartes de presse doit passer de 124 à 87 postes, soit une baisse de 30 %. Les syndicats ont rendez-vous avec les dirigeants du journal, jeudi 24 octobre. Les journalistes demandent aussi à Alain Weill de signer la charte d’indépendance, qu’avait accepté de parapher Patrick Drahi en 2015, qui leur donne, par exemple, le droit de voter pour leur directeur. « Je suis prêt à la signer à 98 % », assure Alain Weill, qui se dit gêné par « l’action de préférence », qui donnerait accès à la société des journalistes à son holding familial, qui coiffe l’ensemble de ses actifs. « C’est là où je discute avec ma famille de mes investissements, de ma succession… Mais s’il s’agit d’offrir de la transparence, nous trouverons une solution », indique le dirigeant.
Le magazine racheté cet été par Alain Weill va mettre en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/18/l-express-va-connaitre-une-importante-saignee-de-ses-effectifs_6016082_3234.html
mlsum-fr-4712
« Concrètement, lorsqu’une PME verse 1 000 euros d’intéressement à un salarié, il perçoit 903 euros net. Mais si elle lui attribue 1 000 euros de prime, elle devra y ajouter quelque 500 euros de charges patronales, et le salarié ne recevra que 551 euros nets après impôts et charges sociales. » Salemi/Cartoonbase / Photononstop Le gouvernement a pour ambition de doubler le nombre de salariés bénéficiaires d’un dispositif d’épargne salariale dans les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE) d’ici à fin 2020, en le portant à 3 millions contre 1,4 million actuellement. L’objectif est réaliste, selon Christophe Eglizeau. Le directeur général de Natixis Interépargne, filiale de Natixis spécialisée dans l’épargne salariale, estime que « l’ordre de grandeur est bon », à en croire les résultats de sa propre société : « Nous avons enregistré une croissance de plus de 30 % de nos nouveaux contrats signés par des PME depuis janvier. » Benjamin Sanson, consultant retraite et investissement au sein du cabinet conseil Mercer France, ne partage pas son avis, jugeant le chiffre très ambitieux. « Les PME n’ont pas le réflexe de l’épargne salariale. Elles préfèrent les systèmes de primes et de bonus », explique-t-il. « La performance collective y est moins valorisée que la performance individuelle », précise Stéphanie Pauzat, secrétaire confédérale de la Confédération des PME (CPME). Les avis sont partagés car les freins sont nombreux dans les petites entreprises : quand il ne s’agit pas de la faible disponibilité voire de l’inexistence des services de ressources humaines, les dispositifs d’épargne salariale sont perçus comme particulièrement complexes. Les chefs d’entreprise eux-mêmes estiment manquer d’informations. « Nous avons tout un travail de pédagogie à faire, reconnaît Dominique Dorchies, directrice générale déléguée de Natixis Interépargne. Dans les grandes entreprises, les dispositifs d’épargne salariale sont inclus dans la politique de rémunération globale. Les PME sont, elles, sous-équipées. » « Des mesures fortes » Certaines incitations semblent toutefois porter leurs fruits. Ainsi pour Julien Niquet, cofondateur d’Epsor, start-up spécialisée dans l’épargne salariale, « l’objectif du gouvernement est très optimiste, mais accompagné de mesures fortes, dont le point majeur est la suppression du forfait social ». Cette contribution patronale de 20 % n’existe plus depuis le 1er janvier sur les primes d’intéressement versées par les entreprises de moins de 250 salariés, ainsi que sur celles versées au titre de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur pour celles de moins de 50 salariés. Depuis le premier trimestre 2019, les 25 salariés de Sipios, une start-up spécialisée dans le développement d’applications pour les services financiers, créée en 2017, bénéficient ainsi de l’intéressement. « Nous pensions déjà à mettre en place de l’épargne salariale, explique Rodolphe Darves-Bornoz, son cofondateur. La suppression du forfait social a été indéniablement pour nous un élément déclencheur. »
Bercy voudrait quasiment doubler le nombre de bénéficiaires dans les TPE et les PME d’ici à la fin 2020 en le portant à 3 millions, contre 1,4 million actuellement.
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2019/10/09/les-pme-incitees-a-developper-l-epargne-salariale_6014772_1698637.html
mlsum-fr-4713
Bombardement de l’Arabie saoudite sur Sanaa, au Yémen, en octobre 2014. HANI MOHAMMED / AP Pour un temps, le Royaume-Uni ne signera plus, avec l’Arabie saoudite, de nouveaux contrats d’armement pouvant être utilisées au Yémen. Cette décision du gouvernement britannique fait suite au jugement de la cour d’appel de Londres, rendu jeudi 20 juin, qui estime que ces transactions avec Riyad étaient entachées d’une « erreur de droit » dans le contexte de la guerre qui dure depuis près de cinq ans au Yémen. « Nous ne sommes pas d’accord avec le jugement et demanderons l’autorisation d’interjeter appel », a réagi le ministre britannique du commerce international, Liam Fox, devant le Parlement. « Dans l’intervalle, a-t-il toutefois précisé, nous n’accorderons pas de nouvelles licences [de ventes d’armes] à l’Arabie saoudite et à ses partenaires de la coalition qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen. » Plus tôt dans la matinée, la cour d’appel de Londres avait demandé au gouvernement de « reconsidérer la question » des ventes d’armes. Celui-ci « n’a pas évalué si la coalition dirigée par les Saoudiens avait commis des violations du droit international humanitaire par le passé, pendant le conflit au Yémen, et n’a fait aucune tentative pour le faire », a rapporté Terence Etherton, président de la division civile de la cour d’appel. La décision judiciaire n’obligeait cependant pas l’exécutif à suspendre la signature de nouveau contrat. « Aucune culpabilité n’a été trouvée », a rapidement réagi le ministre saoudien des affaires étrangères Adel Al-Jubeir, affirmant que « la décision du tribunal touche plus à la forme qu’au fond. » Lors d’une conférence de presse à Londres, il a ajouté que « les licences de vente d’armes [déjà accordées] vont se poursuivre » et que les prochaines « attendront » jusqu’à ce que le gouvernement britannique fasse les « changements nécessaires à ses procédures ». Blocage du Sénat américain La justice britannique avait été saisie en 2015 par une organisation militant contre le commerce des armes, Campaign Against Arms Trade (CAAT). Cette ONG voulait mettre un terme à des ventes britanniques de bombes et d’avions de chasse à Riyad. Le gouvernement britannique s’est rendu coupable, selon CAAT, de « violations graves et répétées » du droit humanitaire international en fournissant des armes à la coalition menée par Riyad. Celle-ci intervient militairement au Yémen depuis 2015, dans une guerre civile sanglante. Aux côtés des forces pro-gouvernementales, l’Arabie saoudite et ses alliés combattent les rebelles houthistes, appuyés par Téhéran, le rival de Riyad dans la région. Ces dernières semaines, les houthistes ont intensifié leurs attaques de drones contre le royaume saoudien. Après la décision de Londres, le Sénat américain a aussi décidé, jeudi, de bloquer une vente d’armes à l’Arabie saoudite et à d’autres pays arabes, pourtant autorisées par Donald Trump. Un signe de défiance à la politique présidentielle favorable à Riyad, malgré les critiques internationales. Plusieurs élus de la majorité républicaine ont voté avec les démocrates pour s’opposer à cette vente, que l’administration Trump avait autorisée en invoquant une situation d’urgence provoquée par l’Iran, pour contourner le Congrès. Le président a cependant promis d’opposer son veto à ce texte. Il a été adopté par une majorité trop faible pour que ses défenseurs puissent espérer le contrer. « Tirer les leçons » Dans le même temps, plusieurs ONG ont appelé la France à suivre le Royaume-Uni. « La décision de la cour d’appel de Londres est historique et envoie un signal très fort aux pays européens, comme la France, qui continuent de vendre des armes à l’Arabie saoudite malgré ses violations systématiques contre les civils au Yémen », s’est félicitée Bénédicte Jeannerod de Human Rights Watch. « Le gouvernement français devrait en tirer les leçons et cesser immédiatement ses transferts d’armes à ce pays », a-t-elle ajouté. C’est « une bonne nouvelle qui doit faire jurisprudence en France, où plusieurs procédures judiciaires sont en cours », a renchéri Tony Fortin, de l’Observatoire des armements. Les livraisons d’armes françaises à l’Arabie saoudite ont été remises sur le tapis fin mai, avec l’entrée controversée en France d’un cargo saoudien soupçonné de venir s’approvisionner en matériels de guerre susceptibles de servir au Yémen. Paris affirme avoir des assurances que les armements vendus à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis ne sont pas utilisés contre des civils au Yémen et met en avant l’importance du « partenariat stratégique » avec ces deux pays. « Nous continuons d’appeler à la suspension immédiate de tous les transferts d’armes à toutes les parties au conflit pour qu’ils soient utilisés au Yémen », a rappelé Lucy Claridge d’Amnesty International. « Il est temps que les pays impliqués, y compris le Royaume-Uni et la France, redoublent d’efforts pour parvenir à un accord de paix, au lieu de continuer d’alimenter le conflit en armes », a appelé Oxfam dans un communiqué. En 2018, les exportations d’armement français ont bondi de 30 % à 9,1 milliards d’euros, avec pour principaux destinataires le Qatar, la Belgique et l’Arabie saoudite, selon un rapport officiel.
La pression internationale s’accentue sur Riyad, sous le feu des critiques pour sa position dans la guerre qui ravage le Yémen. Des ONG appellent la France à en faire de même.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/20/londres-suspend-ses-ventes-d-armes-susceptibles-d-etre-utilisees-au-yemen-a-l-arabie-saoudite_5479164_3210.html
mlsum-fr-4714
7e ÉTAPE : BELFORT-CHÂLON-SUR-SAÔNE, 230 KM Ah ça ! l’après-midi risque d’être plus calme. On va peut-être moins vibrer en 230 km aujourd’hui qu’en 800 m hier, rapport au fait que lesdits 230 km du jour se déroulent sur des routes plates et asphaltées, tout le contraire desdits 800 derniers mètres de la veille, qui sont déjà candidats au podium des plus belles émotions du Tour 2019. Personne ne vous en voudra de délaisser de temps en temps le commentaire de la course en direct sur Le Monde.fr pour jeter un œil du côté de Wimbledon. L’étape la plus longue succède à la plus folle – en attendant la suite –, et la traversée gentiment vallonnée puis complètement plane de cinq départements, de Belfort à Châlon-sur-Saône, permettra de se remettre du feu d’artifice de la Planche des Belles Filles, une orgie sur deux roues que tout le monde a fini en état d’ébriété vélocipédique, ivre de fatigue, de bonheur ou de détresse. Le réveil a sans doute été plus facile pour les uns que pour les autres ce vendredi. Prenez Giulio Ciccone, gamin de 24 ans qui ne devait pas disputer le Tour, finalement retenu grâce à ses bons résultats dans le Giro : second de l’étape jeudi, il pensait avoir raté d’un souffle le maillot jaune avant d’apprendre qu’il l’arrachait pour six secondes, comme il l’explique ci-dessous. Tant de joie enfantine et tant d’accent italien, ça fait plaisir à voir. Ce vendredi, Ciccone va rouler avec la banane pendant 230 km, et ça lui semblera trop court. When you are 24, racing your first #TDF2019, and get the yellow jersey, it's something special. 🎥 Thank you… https://t.co/BYlugba4P8 — TrekSegafredo (@Trek-Segafredo) Thibaut Pinot peut, lui aussi, avoir le sourire aux lèvres en repensant à son joli coup de la veille – il n’a cédé que deux secondes à Geraint Thomas et en a pris sept à Egan Bernal –, ainsi qu’à l’ardeur encourageante de David Gaudu (23e de l’étape), et aux encouragements ardents du manageur de l’équipe, Marc Madiot, un peu en retrait par rapport à son inégalable « Allez Nono ! » de 2017, mais toujours aussi génial (voir la vidéo à partir de 0 min 30 s). Le Morgelot de 29 ans (ainsi appelle-t-on les habitants de Mélisey) poursuit son sans-faute. Attachez vos ceintures, une arrivée à la Super Planche des Belles Filles avec un grand @ThibautPinot, c'est ça ⤵ https://t.co/DKAcFZHu1g — GroupamaFDJ (@Équipe Cycliste Groupama-FDJ) Romain Bardet, lui, va devoir gober des grammes de Doliprane pour faire passer sa gueule de bois. Une nouvelle minute de perdue sur Thomas, Pinot et Bernal, après celle déjà lâchée dans les rues de Bruxelles, lors du contre-la-montre par équipes. « Je n’étais pas au niveau et j’en ai fait le dur et l’amer constat, disait-il à l’arrivée (27e). Je vais essayer de comprendre ce qui s’est passé. Je reste encore très motivé pour ce Tour, il y a encore plein de choses à faire, mais je dois essayer de comprendre pourquoi j’ai coincé comme ça. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Tour de France 2019 : Romain Bardet face à ses limites Le Brivadois de 29 ans (ainsi appelle-t-on les habitants de Brioude) a 230 km pour méditer là-dessus, avant que l’étape ne s’achève par un bon vieux sprint massif des familles à Châlon-sur-Saône, où André Greipel n’aura aucune chance de s’imposer s’il décide de franchir la ligne comme à la Planche des Belles Filles la veille. Paraît que le cyclo-cross est à la mode 🙈 #LaPlancheDesBellesFilles @LeTour https://t.co/6tR60Y6ZQV — Arkea_Samsic (@Team Arkéa Samsic) Départ à 11 h 20 ; arrivée vers 17 heures. PS. Pour égayer les six heures de course qui vous attendent, vous pouvez lire cet article (en anglais) du site Velonews, qui revient sur l’époque où les étapes les plus longues révélaient la nature légère des coureurs, qui en profitaient pour passer la journée à blaguer ou à poser pour des photos pendant que l’échappée allait au bout. L’époque est révolue. C’est sûr qu’on n’imagine pas Geraint Thomas et Thibaut Pinot se livrer à pareilles pitreries, et c’est bien dommage. Tour 1975 - Le peloton fait son cirque Extrait de l'excellent documentaire "Autour du Tour" réalisé par Jacques Er… https://t.co/IRGXS86FIW — Miroir2Cyclisme (@Miroir du Cyclisme) PPS. Pour égayer les six heures de course qui vous attendent, vous pouvez en outre écouter en boucle cette chanson à la gloire d’Egan Bernal, alias le « Olivier Atton de la pédale », si l’on en croit les paroles. Cela dit, vous pouvez aussi ne pas l’écouter en boucle. Vous pouvez aussi ne pas l’écouter du tout, réflexion faite.
Après la folie de la Planche des Belles Filles, la plus longue étape du Tour offre un répit au peloton et une occasion aux sprinteurs, vendredi, à Châlon-sur-Saône.
https://www.lemonde.fr/blog-du-tour-de-france/article/2019/07/12/tour-de-france-lendemain-de-cuite_5488413_5326505.html
mlsum-fr-4715
« Atout timbres », 32 pages, 2,20 euros, en vente en kiosques ou par abonnement auprès de l’éditeur. DR Léonard de Vinci est en une d’Atout timbres daté 15 octobre-15 novembre. Le « génie italien de la Renaissance » fait l’objet de plusieurs hommages philatéliques, avec : « Sainte-Anne, la Vierge Marie et Jésus jouant avec un agneau », de Léonard de Vinci. Timbre mis en page par Aurélie Baras d’après photo RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/René-Gabriel Ojéda. DR/La Poste – Un timbre à 2,10 euros et un bloc-souvenir à 4 euros en vente générale le lundi 28 octobre ; « La Joconde », mise en page Arlys Création. DR/La Poste/CNEP – Une Joconde émise sous la forme d’un collector à 8 euros, dans le cadre du prochain Salon philatélique d’automne, organisé du 7 au 9 novembre à l’Espace Champerret à Paris, un rendez-vous auquel le mensuel spécialisé consacre plusieurs pages détaillées ; Tirage 10 000 exemplaires pour ce timbre issu d’un collector de huit timbres sur les châteaux de la Loire vendu 9,50 euros. DR/La Poste – Et à travers un collector de huit timbres sur les châteaux de la Loire paru en juillet, parmi lesquels les châteaux d’Amboise et du Clos-Lucé. La « rencontre » du mois est dédiée à Nicolas Vic-Dupont, « le spécialiste de Phila’Plus, l’outil de gestion numérique des collections créé par Yvert et Tellier » dont « la dernière version vient d’être développée en ligne et permet de gérer des collections pour une douzaine de pays » : France, Monaco, Terres australes et antarctiques françaises, Andorre français, Belgique, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna… en attendant la Russie annoncée dans un proche avenir, et plus tard, la Chine, l’Allemagne… Nicolas Vic-Dupont, historien de formation, ayant brièvement embrassé une carrière d’enseignant, a plusieurs cordes à son arc chez l’éditeur amiénois : il « gère les relations de l’entreprise avec les administrations postales étrangères, rédige des présentations dans les catalogues produits » et donc travaille sur Phila’Plus. Il explique que ce produit « permet de suivre sa collection de timbres. L’avantage est d’en connaître la valeur en temps réel avec les mises à jour automatiques des cotes » que l’on retrouve dans les catalogues traditionnels, papier ou en ligne, édités par Yvert dont il reprend quasiment toutes les rubriques, par exemple pour le catalogue de cotation des timbres de France. Enfin, aujourd’hui, Phila’Plus a évolué par rapport à se version lancée il y a déjà dix ans : « Il n’y a pas à l’installer, donc cela permet de le consulter depuis n’importe quel appareil mobile, tablette, ordinateur fixe ou portable. C’est un outil connecté convivial, très simple dans son utilisation ». La dernière version de Phila’Plus, lancé le 23 septembre, comptait trois jours après déjà 300 abonnés, sachant qu’après « dix ans d’existence sur l’ancien Phila’Plus, nous étions à 10 000 clients ». Double intérêt de Phila’Plus, selon Nicolas Vic-Dupont, l’outil « peut aider à l’amélioration des catalogues (…). Les utilisateurs nous font remonter des informations et d’après leur expérience, nous pouvons apporter des corrections. C’est une relation certes d’entreprise à clients mais où la réciprocité est importante ». N’hésitez pas à vous renseigner directement auprès de Nicolas (Tél. : 03-22-71-71-73) !… Pour le reste, Atout timbres, outre le détail des nouveaux timbres à venir, fait la part belle en photos à quelques manifestations récentes : avec Stéphane Bern qui était au Carré Marigny, à Paris, le 12 septembre, pour le lancement du carnet « Ensemble, sauvons notre patrimoine » avec Cédric Villani (député LRM) de passage, en « invité surprise » ; avec l’exposition du Cercle international de rencontres philatéliques, le 21 septembre, à Cornebarrieu, dans la banlieue toulousaine ; avec l’inauguration de l’exposition La Révolution s’affiche, par Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, dans les salons de l’hôtel de Lassay, le 18 septembre, marqué par la mise en service d’un collector timbré à tirage limité (en présence du PDG du Groupe La Poste Philippe Wahl, de Gilles Livchitz, le patron de Phil@poste, de Mauricette Feuillas, directrice du Musée de La Poste, de Ségolène Godeluck, directrice de la communication de Phil@poste, de Claude Désarménien, le président de la FFAP, etc.)… Picasa Un peu de gastronomie pour terminer, avec les timbres personnalisés édités à l’occasion de l’exposition organisée les 5 et 6 octobre à Aytré sur le thème « Des fleurs et des fruits », dessinés par Joël Lemaine. Enfin, les 9 et 10 novembre se déroulera la fête du « Hareng roi » à Etaples-sur-Mer, avec l’édition d’un timbre personnalisé par l’Association philatélique du Boulonnais. Renseignements auprès de Dominique Robillard, au 03-21-10-69-67 ou par courriel : de.robillard@free.fr. Atout timbres, 32 pages, 2,20 euros (avec son timbre cadeau, ce mois-ci un bloc-feuillet sur la faune de l’Union des Comores de 2009, des phacochères), en vente en kiosques ou par abonnement auprès de l’éditeur Yvert et Tellier.
Le mensuel spécialisé présente la dernière version de son outil de gestion de collection de timbres en ligne.
https://www.lemonde.fr/mondephilatelique/article/2019/10/27/leonard-de-vinci-et-nicolas-vic-dupont-dans-atout-timbres_6017108_5470897.html
mlsum-fr-4716
Dans leur plainte, Alex Morgan, Megan Rapinoe (en photo) et leurs coéquipères rappellent qu’en 2014 leurs homologues masculins, huitièmes de finalistes au Mondial au Brésil, avaient reçu 4,7 millions d’euros de primes, tandis qu’en 2015, après leur troisième sacre mondial, elles ne s’étaient partagé que 1,5 million d’euros. CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS L’équipe de Thaïlande a, semble-t-il, servi de victime expiatoire de toute la colère que la star Alex Morgan et ses coéquipères ont accumulée contre leur propre fédération. Lors de leur entrée en Coupe du monde, mardi 11 juin à Reims, les footballeuses américaines ont fait preuve d’un implacable sens de la vengeance en empilant les buts. Treize en quatre-vingt-dix minutes, un record. Dimanche 16 juin, les championnes du monde en titre joueront leur deuxième match face aux Chiliennes, ce qui promet, à coup sûr, une nouvelle démonstration de force tant l’écart de niveau est gigantesque. Mais tout n’est pas rose au pays du soccer au féminin. Le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, 28 joueuses américaines, dont les 23 présentes en France, ont lancé une action en justice, auprès d’un tribunal californien, contre United States Soccer Federation (USSF, la fédération américaine) au motif d’une « discrimination institutionnelle basée sur le genre ». Dans leur plainte, elles rappellent, entre autres, qu’en 2014 leurs homologues masculins, huitièmes de finalistes au Mondial au Brésil, avaient reçu l’équivalent de 4,7 millions d’euros de primes, tandis qu’en 2015, après leur troisième sacre mondial, elles ne s’étaient partagé que 1,5 million d’euros. Record d’audience Les enjeux sont énormes puisqu’ils concernent des arriérés de salaire et des dommages et intérêts, pour une somme potentielle de plusieurs millions de dollars. Les footballeuses américaines semblent bien décidées à enfoncer le clou de leurs revendications en accrochant une quatrième étoile de championnes du monde à leur incroyable palmarès, quand les footballeurs américains n’ont, eux, jamais réédité leur demi-finale originelle de 1930. Face aux joueuses unies, USSF oppose un argument principal : le football au masculin génère plus de revenus que le football au féminin, citant les 8 millions d’euros versés par la FIFA pour le huitième de finale des hommes en 2014, contre 1,7 million d’euros pour le titre des femmes en 2015. Les plaignantes contestent et considèrent, selon leurs calculs, qu’elles génèrent plus de revenus en ce qui concerne la billetterie et la vente de maillots. Elles prennent aussi un malin plaisir à souligner que leur finale de 2015 constitue le record d’audience aux Etats-Unis pour un match de football (25 millions de téléspectateurs). Deux mois avant le Mondial, à l’issue d’une séance d’entraînement de son club, North Carolina Courage, la défenseuse internationale Crystal Dunn expliquait au Monde le contexte de cette action : « Ce n’est pas juste une question d’argent, les gens doivent réaliser que cela concerne aussi les terrains et tout ce qui tourne autour du fait d’être professionnelles. » Sa coéquipière Abby Dahlkemper enchérissait : « C’est le moment idéal pour pousser nos demandes d’égalité. C’est très puissant d’agir collectivement. Ces questions sont de plus en plus médiatiques. » Soutien de Serena Williams Le contexte politique actuel aux Etats-Unis est également propice aux revendications. « Les gens sont prêts à avoir cette discussion. Quand on parle de l’équipe féminine, on parle aussi de cette action en justice, raconte Joshua Robinson, correspondant sportif en Europe du Wall Street Journal. Les joueuses sont assez convaincantes dans leurs propos et ont réussi à mobiliser du monde sur le fait que ce n’est pas normal qu’elles soient payées nettement moins que les hommes quand la différence de qualité entre les deux sélections est tellement claire. » Les soutiens ne manquent pas, comme celui, prestigieux, de la vedette du tennis mondial, Serena Williams : « Je pense qu’à un moment donné, dans chaque sport, il faut avoir ses pionniers, et peut-être que c’est le moment du football. » L’une des icônes du soccer, championne du monde en 1999 devant plus de 90 000 spectateurs au Rose Bowl de Pasadena, Brandi Chastain, soutient ses successeuses : « Je serai toujours du côté des femmes qui combattent pour leurs droits. Cette plainte est très positive, même excitante. Mais je suis frustrée et fatiguée que l’on ait encore besoin d’avoir cette conversation. » Contrairement à l’Europe, où les sportifs n’osent pratiquement jamais prendre publiquement position durant leur carrière, les Etats-Unis possèdent une tradition d’athlètes engagés. « Les athlètes n’ont pas peur de se servir de la plate-forme que représente le sport, comme les joueurs de NBA qui portent un tee-shirt Black Lives Matter ou, en NFL, Colin Kaepernick qui a mis le genou à terre pendant l’hymne national [pour protester contre les violences policières infligées aux Noirs américains] », rappelle Joshua Robinson. Lire aussi La révolution Kaepernick, ou comment Black Lives Matter a fait école dans les stades américains L’une des meneuses des footballeuses, Megan Rapinoe, qui a été en 2016 la première sportive blanche à mettre un genou à terre en soutien à Kaepernick, en est l’exemple le plus frappant. Mardi 11 juin, face à la Thaïlande, celle qui est aussi une militante des droits LGBT a récidivé en tenant sa promesse de ne plus chanter l’hymne américain, en signe de protestation contre la politique de Donald Trump envers les minorités. Dans un récent article du New York Times Magazine, Rapinoe soulignait à propos de la plainte des joueuses : « Nous préférerions de loin ne pas avoir à nous engager dans des litiges. Nous préférerions de loin ne pas être celles qui doivent protester. Nous préférerions être considérées comme des partenaires à part entière et des partenaires commerciaux. Mais évidemment, ce n’est pas le cas. » Le combat n’est pas terminé. Trier les matchs par groupe Trier les matchs par date Trier les matchs par groupe Trier les matchs par date
Vingt-huit joueuses, dont les 23 sélectionnées à la Coupe du monde, poursuivent en justice leur fédération au motif d’une « discrimination basée sur le genre ». Cela ne les empêche pas de démarrer très fort le tournoi.
https://www.lemonde.fr/football/article/2019/06/15/inegalites-salariales-la-colere-revendicatrice-des-footballeuses-americaines_5476791_1616938.html
mlsum-fr-4717
Peut-on prédire d’où viendra la prochaine crise économique ? Pour l’historien Adam Tooze et la chef économiste de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Laurence Boone, invités par Marie Charrel à en débattre au Monde Festival le 5 octobre, une seule chose est sûre : la crise aura bien lieu. L’économie est ainsi faite. Mais « ce qui s’est passé en 2008 était singulier », précise d’emblée Adam Tooze à l’auditoire du studio de l’Opéra Bastille : « Ce type de choc massif, ce n’est pas quelque chose qui se reproduit, […] ce n’est pas une récession classique, c’est une expérience dévastatrice, très rare dans l’histoire économique. » « La prochaine crise ne ressemblera pas à la précédente, qui elle-même ne ressemblait pas à celle qui la précédait », abonde Laurence Boone face à une salle comble malgré l’heure matinale de ce samedi. Sera-t-elle pire que le séisme de 2008 ? « Ce qui nous attend est probablement plus difficile », concède l’économiste, sans s’avancer sur la nature du prochain choc. Car, dit-elle, « ce qui se passe aujourd’hui est beaucoup plus pernicieux que précédemment ». L’OCDE, qui a récemment révisé à la baisse ses prévisions de croissance mondiale pour 2019 et 2020, s’inquiète en effet de « l’énorme bouleversement structurel », comme le décrit Laurence Boone, que constitue la guerre commerciale qui fait rage, entre autres, entre les Etats-Unis et la Chine, et ralentit les échanges commerciaux internationaux, pesant ainsi sur la croissance et l’emploi. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le scénario-choc de l’OCDE pour l’économie mondiale « Criminel » de ne pas investir Nul pessimisme pour autant dans le discours d’Adam Tooze et de Laurence Boone. Leur message est clair : les gouvernements ont les moyens d’agir pour préparer l’économie de demain. Avec l’investissement pour maître mot. « Il y a une irresponsabilité des gouvernements à ne pas profiter des taux négatifs pour investir à bas prix. [En ce moment], il suffit de se baisser pour ramasser l’argent ! », lance Adam Tooze, qui ne manque pas de reprocher à l’Allemagne sa frilosité en matière de dépenses publiques au nom de la rigueur budgétaire. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Taux d’intérêt négatifs : quelles conséquences pour les épargnants ? Laurence Boone enchaîne sur un véritable plaidoyer pour l’investissement public. « Un hôpital, par exemple, ça doit nous servir à nous, à nos enfants, à nos petits-enfants, arrière-petits-enfants et encore ceux d’après. C’est normal de répartir le fardeau du financement sur plusieurs générations, c’est pour ça qu’on fait de la dette publique […] », explique celle qui juge « criminel » de ne pas profiter des taux négatifs pour investir dans les écoles, la transition écologique ou la transition numérique. L’un et l’autre plaident notamment pour un « New Deal vert » qui permettrait de réconcilier croissance et environnement. Réduire la pollution pour améliorer la santé des populations (donc la productivité et, in fine, la croissance), investir pour des réseaux de transports publics plus vastes et plus propres, développer les réseaux de distribution d’électricité pour permettre le déploiement beaucoup plus large des énergies renouvelables… Les chantiers sont assez nombreux pour autoriser des investissements massifs. Notamment en Allemagne, rappelle Adam Tooze, où les centrales à charbon produisent encore une large partie de l’électricité. Laurence Boone insiste d’ailleurs sur la nécessité de penser ces plans d’investissement à l’échelle européenne, rappelant que les pays qui ne sont pas au plein-emploi peuvent fournir de la main-d’œuvre à ceux, comme l’Allemagne, dont les capacités industrielles sont proches de la saturation. « On a tort de penser que transition écologique et inégalités vont de pair » « Je ne suis pas d’accord avec l’idée de décroissance, poursuit-elle. Nous ne sommes pas assez uniformément riches, nous avons trop de personnes qui vivent mal pour nous permettre de ne pas croître suffisamment. » Et la chef économiste de l’OCDE de souligner le découplage, depuis 2000, de la croissance des émissions mondiales de gaz à effet de serre (qui a baissé de 22 %) et de la croissance du PIB (+ 58 %) pour appuyer son propos. « On a tort de penser que transition écologique et inégalités vont de pair, estime-t-elle. Si on améliore l’efficacité énergétique des bâtiments, la qualité des transports publics, la santé des citoyens en réduisant la pollution, […] cela bénéficie à tout le monde. » La salle semble vouloir y croire. Revivez les conférences et spectacles du Monde Festival 2019 sur le thème « Imagine » ! La rédaction du Monde a organisé, du 4 au 7 octobre à Paris, un festival de débats, spectacles et rencontres avec une centaine de personnalités. Revivez les moments forts du Monde Festival Paris 2019 Portfolio : ils ont imaginé le monde de demain au Monde Festival Retrouvez les vidéos intégrales des débats du Monde Festival 2019
Les économistes Adam Tooze et Laurence Boone, sans se risquer à prédire où et quand viendrait la prochaine crise, ont plaidé pour un « New Deal vert » pour préparer l’économie de demain au dérèglement climatique.
https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/10/09/au-monde-festival-le-plaidoyer-de-laurence-boone-et-adam-tooze-pour-reconcilier-croissance-et-environnement_6014779_4415198.html
mlsum-fr-4718
Manifestation en opposition à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, à Paris, le 6 octobre. RAFAEL YAGHOBZADEH / AP Sept ans après les grandes mobilisations contre le mariage pour tous instauré par la loi Taubira, les opposants au projet de loi sur la bioéthique étendant la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes ont défilé, à Paris, dimanche 6 octobre, entre la place Edmond-Rostand, près du jardin du Luxembourg, et la place du 18-Juin, au pied de la tour Montparnasse. Un parcours très court et empruntant l’étroite rue de Vaugirard, qui a permis aux organisateurs de proclamer que le cortège de tête était arrivé alors que la fin de la manifestation n’avait pas encore quitté son point de départ. « Marchons enfants ! », le collectif organisateur représentant une vingtaine d’associations, a assuré que 600 000 personnes étaient présentes, alors que le cabinet indépendant Occurrence en a compté 74 500. L’estimation de la Préfecture de police de Paris est de 42 000, suscitant la colère des organisateurs. L’ambiance et la motivation, résumées par le slogan « Contre la PMA sans père et la GPA [gestation pour autrui] », sont identiques à celles de La Manif pour tous : défendre la famille traditionnelle. D’ailleurs, certains avaient ressorti le drapeau de 2012-2013 des placards plutôt que d’afficher le nouveau, frappé de la devise « Liberté, Egalité, Paternité » sur fond vert ou rouge, distribué à profusion par les organisateurs. Résignation Le service d’ordre, nombreux et équipé de talkies-walkies et oreillettes, était doublé d’un dispositif important de jeunes bénévoles identifiables à leurs tee-shirts, chargés de canaliser la foule, mais aussi de récolter des dons et de vendre des souvenirs militants. Sans compter les moyens vidéo et audio pour retransmettre les interventions finales sur des écrans géants disposés le long du boulevard du Montparnasse. Mais, si le dispositif est rodé, la foule au rendez-vous et le beau temps de mise, les manifestants dégagent quelque chose de résigné lorsqu’ils s’expriment individuellement. La présidente de La Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, acclamée lors de son intervention à la tribune, a beau marteler « Rien n’est joué », c’est comme si l’issue du débat parlementaire était connue d’avance. Le mariage pour tous est passé par là : conspué, détesté au moment de son adoption, il est pourtant entré dans les mœurs avec une rapidité fulgurante. Avec la défaite de François Fillon à la présidentielle de 2017 puis la mise en retrait de Laurent Wauquiez, le camp de la droite traditionaliste et religieuse a perdu ses hérauts politiques.
La manifestation contre le projet de loi sur la bioéthique étendant la procréation médicalement assistée à toutes les femmes a rassemblé 74 500 personnes, dimanche, dans la capitale.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/07/a-paris-les-anti-pma-tentent-de-renouer-avec-l-esprit-de-la-manif-pour-tous-sans-y-croire_6014480_3224.html
mlsum-fr-4719
L’homme arrêté à Marrakech le 1er janvier devant une image de lui-même dans la tenue (robe et perruque) dans laquelle il a arrêté par la police. FADEL SENNA / AFP Tribune. Le 1er janvier, le Maroc s’est réveillé avec les images d’un nouveau scandale homosexuel. Marrakech, la veille, très tard dans la nuit : après avoir causé un accident de la route sans gravité, un homme portant des vêtements féminins a été arrêté par la police qui, au lieu de le protéger, lui a passé les menottes et l’a livré aux caméras impitoyables des téléphones portables des passants, qui n’ont pas manqué de jouer le rôle qu’on attendait d’eux – photographier, filmer et lyncher publiquement un « pervers ». L’année commence bien. Les vidéos insoutenables montrant le calvaire de cet homme font le tour du royaume. On ne parle que de cela. De cette « honte ». Les insultes, les indignations, les menaces et les condamnations pleuvent de partout. Cet homme n’est pas marocain, ne mérite pas de vivre parmi nous. Cet homme doit mourir… Comme souvent sur la planète des réseaux sociaux, le pire devient acceptable, banal. Dans les très nombreuses vidéos, on le voit si bien, cet homme, si seul, si perdu, si vulnérable. Il doit penser qu’il est en train de passer sa dernière heure. Ses pieds sont nus, il n’a plus de perruque et quelqu’un a dû déchirer sa robe bleue : on voit même le slip qu’il porte. Les deux policiers qui l’escortent sont fiers. Ils ont de la chance. C’est une victime idéale, ce zamel (« pédé »). Ils ont bien fait leur travail. Nettoyer le Maroc des saletés qui le gangrènent. Il est touchant, l’homme qui marche seul dans la nuit, et son inhumanité déclarée. Il est faible, il est piégé, il n’a pas de chance. Il va disparaître. Mais il ne baisse pas la tête. Il ne baisse pas les yeux. Il regarde en face la cruauté du monde. A travers les caméras sadiques braquées sur lui, il nous dit : ce qui m’arrive là pourrait vous arriver à vous aussi. Il n’y a pas que moi. Pas que moi. Il ne pleure pas. Je pleure pour lui. Je ne dois pas être le seul. Message reçu Le 2 janvier, un miracle se produit. Une immense vague de sympathie pour l’homme de Marrakech envahit la Toile. On passe des insultes à la solidarité. Du rejet aux tentatives de compréhension. On tend la main. Oui oui. On n’a pas le droit de traiter un Marocain de cette façon. Il n’a rien fait de mal. La police devrait protéger les citoyens, tous les citoyens, au lieu de participer à ce genre de lynchage effroyable. Libérez l’homme de Marrakech. Amour pour l’homme à la robe bleue. Je dois avouer avoir été très surpris par ce revirement inattendu de la part de l’opinion publique marocaine. Que s’est-il passé au juste, là, dans ce moment ?
Plusieurs affaires récentes ont démontré que l’opinion publique marocaine accepte de moins en moins le sort réservé à la communauté LGBTQ+. Le temps n’est plus très loin où elle demandera la dépénalisation de l’homosexualité, se prend à espérer l’écrivain dans une tribune au « Monde ».
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/27/abdellah-taia-gay-et-bientot-libre-au-maroc_5494031_3232.html
mlsum-fr-4720
A Paris, lors de la 15e Marche mondiale du cannabis, le 14 mai 2016. KENZO TRIBOUILLARD / AFP C’est un débat récurrent de la vie politique française. La question de la légalisation du cannabis a de nouveau été posée, mercredi 19 juin, par plusieurs députés, dont quelques figures de la Macronie, suscitant beaucoup de commentaires dans les couloirs de l’Assemblée nationale. Le numéro deux du parti La République en marche (LRM), Pierre Person (Paris), et son collègue Aurélien Taché (Val-d’Oise) figurent parmi les signataires d’un appel à la légalisation publié en « une » de L’Obs. Sept autres députés du parti majoritaire ont concomitamment apporté leur soutien à une proposition de loi du député du groupe Libertés et territoires, François-Michel Lambert (Bouches-du-Rhône). Le texte envisage une légalisation régulée du cannabis par la mise en place d’un monopole public de production et de distribution. C’est très précisément le processus prôné dans une note rendue publique jeudi 20 juin par deux économistes mandatés par le Conseil d’analyse économique, la structure chargée de conseiller le gouvernement et qui s’est autosaisie de ce sujet. Faisant le constat – comme beaucoup d’autres avant lui – que le « système de prohibition promis par la France depuis cinquante ans est un échec », les auteurs proposent, dans le sillage de ce qu’avait déjà avancé le think tank Terra Nova, de « reprendre le contrôle de ce marché ». Pour eux, la mise en place de magasins contrôlés par l’Etat permettrait à la fois de lutter contre les trafics et de mieux « restreindre l’accès » du cannabis aux plus jeunes. Selon leurs calculs, le cannabis pourrait être vendu au prix TTC de 9 euros le gramme, ce qui représenterait, sur la base d’une consommation totale estimée à 500 tonnes, près de 2 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires. Cela permettrait également la création de 27 500 à 57 000 emplois. Une partie des recettes devrait être destinée « à la politique de la ville et à l’éducation dans les zones urbaines sensibles ». « C’est un sujet qui évolue très vite, avec beaucoup de retours d’expérience car tous les pays qui légalisent le font avec des modalités différentes, souligne Pierre-Yves Geoffard, l’un des coauteurs du texte. L’avantage de ne pas partir en premier, c’est qu’on peut profiter des erreurs des autres. » Lire aussi Terra Nova veut légaliser le cannabis sur le modèle des jeux en ligne « Le tout répressif ne fonctionne plus » Aux députés qui demandent l’organisation d’un débat parlementaire d’ici à la fin de l’année, l’exécutif oppose une claire fin de non-recevoir. « La position du gouvernement n’est pas d’aller vers une légalisation du cannabis », a prévenu, mercredi, sa porte-parole, Sibeth Ndiaye, à la sortie du conseil des ministres. « Nous avons d’autres sujets à travailler plus important pour le quotidien des Français », explique Thomas Mesnier, député (LRM) de Charente.
Une étude du Conseil d’analyse économique publiée jeudi plaide pour une légalisation encadrée. Plusieurs députés LRM ont signé une tribune en faveur d’une évolution de la loi de 1970.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/20/nouvelle-offensive-en-faveur-de-la-legalisation-du-cannabis_5478748_3224.html
mlsum-fr-4721
Le cardinal australien George Pell est escorté en dehors de la Cour suprême de l’Etat de Victoria, à Melbourne, le 21 août. WILLIAM WEST / AFP Peu avant 9 h 30, mercredi 21 août, le cardinal australien George Pell, jadis proche conseiller du pape François, a brièvement quitté sa cellule de prison pour la retrouver aussitôt après avoir entendu le rejet d’un recours à sa condamnation pour pédophilie par la justice australienne. Le plus haut représentant de l’Eglise catholique jamais condamné pour de tels faits reste donc bien derrière les barreaux et purgera comme prévu sa peine de six ans de prison pour des violences sexuelles sur mineurs, ont confirmé trois juges de la Cour suprême de l’Etat de Victoria. Après deux mois de délibérations, la majorité de la cour, soit deux juges contre un en faveur de l’acquittement, a rejeté le recours contre la condamnation rendue en mars. Le septuagénaire, vêtu de l’habit clérical noir, a écouté sans ciller les arguments de la magistrature lus durant plusieurs dizaines de minutes par la juge en chef de la cour d’appel, Anne Ferguson, présidant une salle d’audience du palais de justice de Melbourne, remplie de journalistes, d’avocats et de sympathisants du cardinal. Treize objections L’homme d’Eglise de 78 ans avait été reconnu coupable en 2018 de viol et d’agressions sexuelles sur deux enfants de chœur, dans les années 1990, dans la sacristie de la cathédrale Saint-Patrick de Melbourne, dont il était l’archevêque. C’est après la mort par overdose d’une des victimes, à l’âge de 30 ans, que la seconde a décidé d’entamer des poursuites judiciaires envers l’ecclésiastique qui s’était depuis hissé au sommet du Vatican, en tant que secrétaire à l’économie. Les treize objections présentées par la défense, estimant notamment « déraisonnable » que la condamnation ait été rendue sur le témoignage seul d’une des victimes, ont été rejetées par la cour d’appel. Cette victime « n’a pas cherché à embellir ses preuves ni à les adapter d’une manière favorable à l’accusation. (…) C’est un témoin très convaincant, clairement pas un menteur ni un fantaisiste », a soutenu la juge Ferguson, livrant un résumé des 325 pages de la décision judiciaire. Pour fonder leur jugement, les magistrats ont visionné plus de trente heures de témoignage de douze des vingt-quatre autres témoins, lu plus de 2 000 pages de retranscriptions, visité la cathédrale néogothique et examiné des robes sacerdotales pour déterminer la plausibilité des faits allégués. Lire aussi Pourquoi les médias australiens n’ont pas pu parler de la condamnation du cardinal George Pell L’affaire, hautement médiatisée, « a divisé la communauté », a admis la juge. Cette dernière a toutefois insisté sur le fait que la condamnation du cardinal Pell ne porte que sur les cinq chefs d’accusation qui le concernent et a demandé de ne pas en faire un « bouc émissaire des échecs perçus de l’Eglise catholique ni des autres échecs relatifs aux abus sexuels par le clergé ». Ancien conseiller du pape La défense de George Pell, qui a toujours clamé son innocence, a fait part de sa « déception » à l’annonce du verdict, mercredi. Elle a précisé qu’elle allait évaluer la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation devant la Haute Cour d’Australie, la plus haute juridiction d’appel du pays. Si George Pell doit purger une peine de six ans de prison, il est toutefois éligible dans trois ans et huit mois à une libération sous condition, en cas de bon comportement durant son séjour pénitentiaire. Celui qui fut un temps considéré comme le numéro trois de la curie romaine, conseillant même le souverain pontife dans la réforme du Vatican, aura alors 81 ans. Tout en se disant « proche des victimes de violences sexuelles », le Vatican a « rappelé » mercredi dans un communiqué que « le cardinal a toujours clamé son innocence pendant le processus judiciaire et qu’il est en droit d’en appeler à la Haute Cour ». Après l’annonce du rejet de l’appel, la victime du cardinal Pell, qui conserve l’anonymat, a confié par le biais de son avocate que la procédure pénale avait été « empreinte de stress ». Ces quatre années de combat judiciaire, a-t-il dit, « m’ont plongé dans des états, aux moments les plus sombres, qui m’ont fait craindre de ne pas pouvoir en revenir. Certains observateurs ont suggéré que ma plainte à la police était motivée par l’appât du gain. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité », a commenté l’ancien enfant de chœur, assurant qu’il n’avait pas cherché à porter préjudice à l’Eglise catholique, qui compte 5 millions de fervents en Australie. « Bien que ma foi ait été ébranlée, elle fait toujours partie de ma vie et de celle de mes proches », a-t-il insisté. Le premier ministre australien, Scott Morrison, fervent chrétien évangélique, a réagi à l’affaire, estimant que « la cour [avait] fait son travail en rendant son verdict. C’est une procédure qui a été rendue de manière indépendante et qui doit être respectée ». Il a annoncé que le cardinal serait dépouillé de la médaille de compagnon de l’ordre d’Australie, attribuée en 2005 pour « service rendu à l’Eglise catholique ».
Le prélat de 78 ans, ancien numéro trois du Vatican, avait été condamné à six ans de prison pour viol et agressions sexuelles sur deux mineurs de moins de 16 ans dans les années 1990.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/21/australie-rejet-de-l-appel-du-cardinal-pell-contre-sa-condamnation-pour-pedophilie_5501148_3210.html
mlsum-fr-4722
Dans le district d’Abobo, à Abidjan, destruction de 50 tonnes de faux médicaments, le 10 mars 2017. SIA KAMBOU / AFP A l’hiver 2018, la Côte d’Ivoire annonçait avoir saisi près de 400 tonnes de faux médicaments « représentant pour l’industrie pharmaceutique une perte financière de 100 milliards de francs CFA [150 millions d’euros] », déclarait alors à l’Agence France Presse (AFP) un représentant du ministère de la santé. Massif, ce coup de filet s’ajoute aux nombreuses autres opérations, destinées à lutter contre un trafic en pleine expansion. Très lucratif et sans grand risque pénal, ce business attirerait de nombreux réseaux mafieux. En effet, mille dollars investis dans ce secteur rapporteraient jusqu’à 500 fois plus aux organisations criminelles, selon l’Institut de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRCAM). Si le phénomène est mondial, 42 % des signalements proviennent d’Afrique subsaharienne, 21 % des Amériques et 21 % de la région européenne. « L’Afrique subsaharienne concentre toutes les vulnérabilités qui vont favoriser les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés : la faiblesse de la gouvernance des systèmes de santé, une offre de soins et un maillage des pharmacies sur le territoire insuffisants, l’existence d’un marché parallèle quasiment toléré et la pauvreté des populations », analyse le docteur Innocent Koundé Kpeto, président de l’Ordre des pharmaciens du Togo. Depuis 2017, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a abandonné le terme de contrefaçon, largement lié à la notion de droit de propriété intellectuelle, pour celui de « produit médical de qualité inférieure ou falsifié », plus adapté aux enjeux de santé publique. Selon ses dernières évaluations, dans les pays à revenus faibles à intermédiaires, environ un médicament sur dix ne serait pas conforme aux normes de qualité. « C’est la première fois que l’OMS publie une évaluation statistique sur le sujet et qui a été réalisée avec les études les plus fiables dont nous disposions », explique au Monde Afrique Pernette Bourdillon Estève, analyste à l’OMS. « Le profit avant tout » Aucun médicament n’est à l’abri : des plus innovants aux plus anciens, des médicaments de marques aux génériques… « Ceux qui participent à la falsification de médicaments recherchent avant tout le profit. A partir du moment où la demande existe, il leur est indifférent que les médicaments soient de marque ou génériques, ou de savoir quelle entreprise produit la version d’origine », note l’OMS, qui a mis en place un système mondial de surveillance et de suivi en 2013. Parmi ces produits, on trouve des médicaments qui sont de toute évidence falsifiés, c’est-à-dire délibérément fabriqués sans principes actifs ou avec un autre principe actif que celui attendu. Par exemple, en mars, au Cameroun, un antidiabétique a été retrouvé dans un médicament contre l’hypertension. La supercherie a été découverte en raison des hypoglycémies provoquées. Mais la falsification n’est pas toujours aussi facile à mettre en évidence. Ainsi, en 2015, onze personnes sont décédées et plus de mille patients ont été hospitalisés en République démocratique du Congo (RDC) après avoir pris ce qu’ils croyaient être du diazépam, un sédatif très répandu. En fait, ils avaient avalé un antipsychotique à des doses vingt fois supérieures aux doses recommandées. Cette intoxication provoquant des frissons et des raideurs dans la nuque, les médecins ont d’abord pensé à la méningite, puis à des maladies inconnues. Il a fallu du temps avant qu’ils incriminent la prise d’un médicament. Episode 8 Le secteur privé, acteur incontournable dans les systèmes de santé en Afrique Autre cas de figure, sans doute le plus habituellement rencontré : les produits contiennent moins de principe actif qu’indiqué. « Dans ce cas, il est particulièrement difficile de prouver si le sous-dosage est délibéré ou non. Cela demande en effet des investigations supplémentaires longues et coûteuses », explique Pernette Bourdillon Estève. De plus, ces médicaments qui contiennent peu de principes actifs, voire pas du tout, sont encore plus difficiles à repérer. Certes l’antalgique ne soulagera pas la douleur, l’antibiotique ne guérira pas l’infection, l’anticancéreux ne fera pas régresser la tumeur, mais ils ne déclencheront pas d’effets toxiques majeurs. D’autant plus lorsque les trafiquants s’ingénient parfois à masquer l’arnaque. « On a vu des vaccins sans principe actif mais avec une dose d’antibiotique pour éviter les infections au point d’injection. Ou encore des antipaludiques contenant du paracétamol pour faire baisser la fièvre », raconte Pernette Bourdillon Estève. « Pharmacie par terre » Médicaments sans principes actifs, avec d’autres molécules que celles attendues, sous-dosés, dégradés… tous ces produits ont conséquences sur la santé des populations qui les prennent. Au mieux, ils prolongent la maladie et entraînent des soins inutiles et des arrêts de travail prolongés. Au pire, ils augmentent le nombre de décès, soit directement lorsqu’ils sont toxiques, soit indirectement lorsqu’ils ne traitent pas une maladie potentiellement mortelle. En se basant sur l’hypothèse de l’OMS, entre 72 000 et 169 000 enfants décèdent probablement chaque année d’une pneumonie traitée avec des antibiotiques de qualité inférieure ou falsifiés, selon la modélisation établie par des chercheurs de la faculté d’Edimbourg. De la même façon, la London School of Hygiene and Tropical Medicine a estimé que les antipaludiques de qualité inférieure ou falsifiés seraient responsables de 116 000 décès supplémentaires chaque année. L’OMS explique également qu’il est clairement établi que la résistance au principal antipaludique, l’artémisinine, est d’abord apparue dans une région du monde où, pendant une période, entre 38 % et 90 % des médicaments à base de cette molécule étaient de qualité inférieure ou falsifiés. Tous les circuits peuvent être concernés par ces médicaments non conformes. Cependant, le marché informel, plus connu sous le nom de « pharmacie par terre », phénomène propre à l’Afrique subsaharienne, apparaît le plus perméable à la fraude. Les médicaments qui sont vendus sur les marchés, sur des étals de rue, dans les magasins d’alimentation, etc., échappent tout simplement à la traçabilité et au contrôle de qualité. Leur provenance, leur état de conservation, le manque de formation des vendeurs exposent les consommateurs à un risque parfois mortel. « Manœuvres contre les pauvres » De plus, lorsque des discours de prévention mettent en garde contre les médicaments vendus dans la rue, cela ne passe pas toujours bien, comme l’expose le docteur Afèignindou Gnassibe dans sa thèse « Problématique de la lutte contre les contrefaçons au Togo ». « Beaucoup de consommateurs dénoncent tout ce qui se dit de dangereux sur ces produits comme des manœuvres contre les pauvres », écrit-il. Un discours sans doute alimenté par les vendeurs de rue, mais qui met le doigt sur l’une des principales raisons de la prospérité de ces marchés informels : le faible pouvoir d’achat des populations. Dans la rue, les médicaments s’achètent à moindre coût, à la carte pour un traitement ponctuel, à crédit, ou selon ses moyens. Ce qui n’est pas le cas dans les pharmacies où l’on ne vend pas au détail. « Même si, au final, le prix à l’unité ne revient pas plus cher en pharmacie, les gens préfèrent parfois payer une ou deux unités seulement », confirme le docteur Innocent Koundé Kpeto. Il n’existe sans doute pas de remède miracle pour assécher définitivement le marché des médicaments de qualité inférieure ou falsifiés. « Mais les comportements des populations ne sont pas irrationnels. Il ne s’agit pas pour elles d’acheter des produits peu sûrs par choix, mais bien d’avoir accès aux médicaments essentiels », explique le professeur Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. Ce qui devient possible à partir du moment où les personnes possèdent une couverture santé qui prend en charge leurs dépenses de soins et de médicaments. Comme le raconte le docteur Kounde Kpeto, avant l’instauration d’une assurance maladie pour les fonctionnaires, les vendeurs de rue étaient installés devant toutes les grosses administrations de la capitale. Les étals ont migré ailleurs depuis que les fonctionnaires bénéficient d’une prise en charge à 80 % de leurs médicaments. L’avènement de la couverture santé universelle pourrait donc venir à bout de ce marché informel, mais ne suffira pas à mettre fin aux trafics. Car les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés sont en effet aussi présents dans les circuits formels, lesquels ne sont suffisamment sécurisés et manquent de moyens pour en contrôler la qualité. Mais ce serait déjà un début. Anne Prigent
« CARNET DE SANTÉ ». Gouvernance défaillante, offre de santé insuffisante, pauvreté favorisent la circulation de molécules dégradées. Plusieurs centaines de milliers de personnes en décèdent chaque année sur le continent.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/31/faux-medicaments-en-afrique-la-mort-au-bout-du-trafic_5495345_3212.html
mlsum-fr-4723
Lors d’une manifestation à Alger, le 31 mai 2019. RYAD KRAMDI / AFP Tribune. En Algérie, depuis le 22 février, la mobilisation populaire ne faiblit pas. Les millions de citoyens qui ont défilé pacifiquement dans les rues ne réclament pas seulement le changement du régime et une véritable transition, ils veulent aussi que leur avenir commun se transforme. Dans cette période de rupture, inédite depuis l’indépendance, beaucoup s’interrogent sur les valeurs qui pourront, demain, constituer le socle d’un nouveau pacte national. Les réponses sont aussi multiples que les aspirations, souvent contradictoires, qui traversent le pays. Si l’on discute laïcité et droits des femmes à Alger ou à Oran, il n’en va pas de même dans le pays profond. A l’Algérie conservatrice et religieuse du centre du pays ou des faubourgs des grandes villes répond, pour l’écrire vite, un libéralisme affirmé des élites du littoral et d’une petite partie de la jeunesse éduquée. Les deux convergent aujourd’hui dans les rues à travers un mot d’ordre politique – le changement de régime – qui prime pour l’instant sur la définition d’un nouveau projet de société, mais pour combien de temps ? Lire aussi Les murs d’Alger aussi racontent la colère de la ville Depuis le début, avec des fortunes diverses, les divers courants qui traversent la société algérienne et structurent les opinions se révèlent. Les islamistes, dont les efforts pour prendre la main sur le mouvement ont jusque-là été vains, ne réclament plus, comme dans les années 1990, l’instauration d’un Etat islamique. Ils veulent s’asseoir à la table de la transition démocratique, comme en Tunisie, pour faire prévaloir en temps utile leurs options religieuses sur les grands sujets de société. Les « laïcs » ou les « démocrates », comme on les nomme souvent, tentent d’imposer leurs voix à un moment où celles-ci, après de longues années d’hiver, résonnent dans les rues. Dans le tumulte du hirak se mêlent ainsi des projets de société profondément différents qui posent tous la question de ce qui « fait » la nation algérienne. Autrement dit, de son identité, conçue ici non dans un sens immuable, dangereux, mais au contraire dynamique, à la fois par rapport à ce qui la constitue et ce qui l’environne. Or l’identité de l’Algérie est fondamentalement plurielle. Berbère, arabe, africaine, méditerranéenne Le récit national algérien a le plus souvent été conçu, au cours des dernières décennies, sur un mode restrictif, voire exclusif. Construit dans la douleur, par la déchirure nécessaire avec le corps du colonisateur, il s’est rapidement articulé, en les essentialisant souvent, autour de l’arabité et de la religion. Le paradigme identitaire qui s’est hélas répandu dans les manuels scolaires en biberonnant des générations d’Algériens fut celui d’une Algérie arabe et musulmane, arabe parce que musulmane, musulmane parce qu’arabe. Il faut comprendre, au sortir de la guerre d’indépendance, la genèse de cette histoire et la nécessité, après les affres de la colonisation, d’inventer une identité nationale solide, a fortiori dans un contexte puissamment influencé par le nationalisme arabe. De même, l’arabité et l’islam sont des constituants majeurs, à bien des égards structurants, de l’imaginaire algérien, du précipité culturel national. Mais il n’y a pas que cela. L’Algérie est berbère, arabe, africaine, méditerranéenne. L’Algérie est la terre nourricière de musulmans qui forment une majorité, mais aussi d’athées, de juifs, de chrétiens, dont certains, il ne faut pas l’oublier, ont versé leur sang pour la faire vivre ou pour la libérer. J’aime penser que l’Algérie est la mère de tous ceux-là, par-delà les turpitudes de l’histoire. Par-delà les constructions rigides, politiques, idéologiques, qui ont été façonnées après la guerre. Par-delà aussi les influences religieuses, dogmatiques, qui viennent du Golfe et ont largement contribué, ces dernières années, à la bigoterie ambiante. Lire aussi En Algérie, il est plus difficile de ne pas jeûner que de faire le ramadan Refonder le récit national algérien implique aussi, me semble-t-il, d’y inclure tous ceux qui, de gré ou de force, ont quitté l’Algérie mais, par-delà leurs enracinements particuliers, leur attachement à leur pays d’adoption, conservent un lien indéfectible, d’imaginaire et de sens, avec le pays d’origine. Tout ce qui, par-delà les mers, nous unit à travers une mémoire commune et un destin partagé. Les « Franco-Algériens » participent de cette histoire. Mais qui sont-ils ? S’agit-il des seuls binationaux, c’est-à-dire ceux qui possèdent, strictement, la double nationalité française et algérienne ? J’aime à penser que tous ceux qui aiment l’Algérie pourraient se reconnaître dans une définition bien plus large qui dépasse le seul droit ou le seul sang. Les « immigrés », leurs enfants ou petits-enfants, mais aussi les enfants de couples mixtes, les pieds-noirs, pourquoi pas aussi ceux qu’on appelait les « coopérants », dont beaucoup ont passé de nombreuses années en Algérie et en gardent un souvenir impérissable, sont les héritiers et les acteurs de cette histoire partagée. La « diaspora algérienne » est dans une large mesure française autant qu’algérienne. Elle est constituée de toutes celles et tous ceux qui entretiennent, par-delà les sinuosités de leurs vies, un lien affectif, vivant, positif avec l’Algérie, même en n’y vivant pas, ou plus. Hélas, elle a souvent été reléguée à l’extérieur, comptée pour quantité négligeable, parfois méprisée. Un pays démocratique, ouvert et accueillant Sans préjuger du destin que, un jour prochain, les Algériens se donneront, je crois que l’heure est venue de parvenir à réconcilier tous les enfants de l’Algérie, tous ceux qui partagent cette culture ancienne, composite, non réductible à une religion ou à une composante ethnique – quelle absurdité ! Cela doit se faire en affrontant l’histoire, en n’oubliant rien de la colonisation et de ses odieux crimes, bien sûr, mais en ne s’enfermant pas dans le passé et encore moins dans une vision mythifiée de celui-ci. Nous assistons d’ailleurs à un tournant dans le pays : ceux qui tiennent les rues aujourd’hui sont jeunes pour l’essentiel, tournés vers l’avenir. Ils ne se reconnaissent pas dans la génération des Bouteflika, Bensalah ou Gaïd Salah, qui appartiennent au passé. Je crois que ces millions d’Algériens qui conduisent avec courage et fierté cette révolution pacifique rêvent d’un pays qui soit non seulement démocratique, mais aussi libre, ouvert, accueillant, respectueux de toutes les cultures, de toutes les mémoires, de toutes les religions mais aussi de ceux qui n’en ont pas, un pays qui ne soit pas arc-bouté sur son passé, aussi glorieux fut-il, mais qui entre de plain-pied dans le monde tel qu’il est. Karim Amellal est écrivain, enseignant à Sciences Po et directeur de Civic Fab. Dernier livre paru : Dernières heures avant l’aurore (L’Aube, 2019). Karim Amellal
Pour l’écrivain Karim Amellal, le tournant que vit le pays est l’occasion de définir un nouveau projet de société « respectueux de toutes les cultures, de toutes les mémoires et de toutes les religions ».
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/04/l-heure-est-venue-de-reconcilier-tous-les-enfants-de-l-algerie_5471295_3212.html
mlsum-fr-4724
C’est le document qui finalise des semaines d’arbitrages serrés entre Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, et ses homologues du gouvernement. En fin de semaine dernière, les parlementaires ont reçu le tableau présentant les plafonds de dépenses pour les différents ministères en 2020. Ces éléments chiffrés, de véritables feuilles de route pour l’année prochaine, constituent le prélude au projet de loi de finances présenté et examiné à l’automne. Ce dernier s’accompagnera d’une nouvelle loi de programmation des finances publiques, d’ici à la fin de l’année, destinée à actualiser la trajectoire budgétaire en tenant compte des nouvelles hypothèses macroéconomiques (croissance, taux d’intérêts…) et des annonces de ces derniers mois, précise-t-on au cabinet de M. Darmanin. « Nous avons quatre grandes priorités pour la deuxième partie du quinquennat : apporter une réponse d’ampleur à l’urgence écologique, poursuivre les investissements marqués dans les fonctions régaliennes de l’Etat (défense, justice, intérieur), accompagner les plus précaires et valoriser le travail, et enfin favoriser le capital humain et la formation », explique Bercy. De quoi dessiner les gagnants et les perdants de ce troisième budget du mandat Macron. Infographie Le Monde Infographie Le Monde Engagement personnel de M. Macron C’est le ministère des armées qui connaîtra la plus forte hausse de budget, avec 1,53 milliard d’euros supplémentaire l’an prochain – sachant que le ministère des finances raisonne par rapport aux montants budgétés en 2019, lors de la loi de finances initiale, et qui peuvent donc varier par rapport aux crédits effectivement dépensés. La loi de programmation militaire (LPM) prévoyait une augmentation supérieure, de 1,7 milliard au total en 2020. Mais son périmètre ne couvre pas tout le ministère, qui comprend aussi la mission anciens combattants, en recul compte tenu de « la démographie déclinante », argue Bercy. Emmanuel Macron a en effet insisté fortement sur son engagement personnel dans la réalisation des promesses budgétaires faites aux armées dans la LPM 2019-2025. « Cette LPM sera tenue », avait-il indiqué le 12 juillet, à Cherbourg (Manche), lors du lancement du sous-marin Suffren. Pour lui, « d’ici à 2025, pas loin de 59 milliards d’euros seront ainsi consacrés à nos grands programmes d’armement, dont 37 milliards dans les quatre ans à venir ». Le chef de l’Etat l’a assuré : « L’effort consenti par la France pour moderniser son armée n’est pas d’intention, mais de fait. » Samedi 13 juillet, lors de la réception des militaires qui allaient défiler pour la Fête nationale, il a été encore plus précis : « Je veille personnellement à son application. » Bercy a pour l’heure prévu une hausse de 4,65 milliards d’euros du budget des armées sur les trois dernières années du quinquennat.
Les armées, l’éducation nationale, le ministère des solidarités et de la santé et celui de la justice verront leur budget augmenter l’an prochain. Les baisses de dépenses concerneront le logement, les contrats aidés ou encore l’audiovisuel public.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/07/16/budget-2020-les-ministeres-gagnants-et-les-perdants_5490056_823448.html
mlsum-fr-4725
Gilets jaunes le 29 juin à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire). JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP C’est en toute discrétion que la nouvelle « feuille de route » des services de renseignement a été publiée. Mise en ligne sans publicité sur le site Internet d’un service rattaché au premier ministre, lundi 15 juillet, cette « stratégie nationale du renseignement » a été élaborée par la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme (CNRLT), un organisme placé auprès de la présidence de la République. Le document, validé par Emmanuel Macron, fixe les principaux axes de la politique gouvernementale en matière de renseignement. S’il souligne que le terrorisme demeure « la première priorité », cet ensemble de treize pages met également en avant un autre objectif : « l’anticipation des crises », et notamment celles de sécurité intérieure. « C’est une des attentes fortes à l’égard du renseignement », est-il précisé. Des allusions aux « gilets jaunes » Certes, la crise sociale des « gilets jaunes » n’est jamais explicitement mentionnée dans le document de la CNRLT. Mais, huit mois après le début d’une mobilisation difficile à appréhender pour les services de renseignement, la coordination multiplie les allusions au mouvement. « L’anticipation, l’analyse et le suivi de mouvements sociaux et crises de société par les services de renseignement constituent une priorité », écrit-elle. Elle mentionne les black blocs, ces groupes radicaux dont le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, avait dénoncé en mars la présence dans les manifestations des « gilets jaunes », et des exemples d’actions violentes dont la « pénétration dans les enceintes protégées ». Pour rappel, en janvier, plusieurs personnes, dont certaines avec un gilet jaune, avaient enfoncé la porte du ministère du porte-parolat en utilisant un engin de chantier. Cette « montée en puissance des mouvements et réseaux à caractère subversif » est qualifiée de facteur de crise « particulièrement préoccupant ». Pour y faire face, la CNRLT préconise une « vigilance accrue » de la communauté du renseignement. Et, surtout, une meilleure appréhension des « courants qui traversent notre société ». « De ce point de vue, la connaissance de la vie locale et le lien à entretenir avec ses acteurs (élus, relais associatifs, médias…) sont des enjeux importants pour les services de renseignement compétents. » Dans le même esprit, la CNRLT recommande d’anticiper « les dérives violentes » qui peuvent toucher « certaines manifestations festives ou sportives » ou être liées aux « revendications d’ordre communautaire, religieux, éthique… »
Huit mois après le début du mouvement de protestation, la nouvelle « stratégie nationale du renseignement » place les « crises de société » comme l’un de ses enjeux prioritaires.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/18/les-services-de-renseignement-veulent-mieux-anticiper-les-mouvements-sociaux_5490588_3224.html
mlsum-fr-4726
Nouvel aménagement des bords de la rivière Medellin. ANDRES CARMONA ARANGO pour « Le Monde » Le Monde a remis, vendredi 28 juin à Ground Control, à Paris, les prix Le Monde Cities de l’innovation urbaine. Cent onze projets ont été soumis au jury par un comité de sélection composé de 28 personnalités du monde entier, experts des mutations urbaines : élus, chercheurs, dirigeants d’entreprise ou de fondations, architectes, urbanistes… Composé des journalistes du Monde qui suivent au quotidien les champs couverts par ces prix, le jury, présidé par Jérome Fenoglio, directeur du Monde, a récompensé des innovations développées à l’initiative de municipalités, d’entreprises, de start-up comme d’associations, d’ONG, de fondation, de citoyens ou groupe de citoyens, dans 5 catégories : mobilité, énergie, habitat, urbanisme, participation citoyenne. Le Grand Prix, doté de 20 000 euros, a été décerné, parmi ces cinq projets, à celui qui se distingue particulièrement par son approche innovante, l’ampleur de son impact potentiel et sa possibilité de reproduction. Habitat - Grand Prix Transformer les déchets plastique en matériaux de construction durables, pour préserver les forêts. Avec des tonnes de plastiques usagés qu’elle collecte et recycle, la start-up Eco Act fabrique des poutres qui peuvent remplacer le bois et le métal. Lire aussi En Tanzanie, la seconde vie du plastique Accessit : Cycle Up, une plate-forme pour favoriser le réemploi des matériaux de construction. Mobilité Livraisons du dernier kilomètre sans aucune émission ni nuisance sonore. Coopérative de cyclologistique, Olvo réinvente la livraison du dernier kilomètre en zone urbaine dense, afin de s’affranchir des camions qui polluent et congestionnent les villes. Accessit : CitiCap, projet de la ville de Lahti, en Finlande, pour mettre en œuvre un système d’échange de droits d’émission de CO 2 pour les citoyens. Energie Faire d’une serre chauffante installée sur le toit d’un immeuble de logements un nouvel espace partagé pour les résidents. Le projet « Symbiose » allie enjeu énergétique, et enjeux architectural et social. Il vise à récupérer la chaleur d’une serre installée sur le toit d’un immeuble tout en offrant aux résidents un nouvel espace à investir dans des usages à élaborer en commun. Accessit : Amor, mise au point d’un film photovoltaïque ultrafin et flexible, à impact environnemental minimal, ouvrant la perspective d’une multitude de solutions pour apporter l’énergie partout. Urbanisme Rendre la rivière Medellin aux habitants en transformant ses rives en des espaces publics destinés aux loisirs et à la culture. Le projet urbain « Parques del Rio », développé par la deuxième ville de Colombie longtemps associée au narcotrafic, vise à enterrer des kilomètres de voies urbaines le long de la rivière Medellin et aménager sur ses rives des espaces publics destinés aux loisirs et à la culture. Accessit : Tierce Forêt, transformation de l’espace extérieur d’un foyer de jeunes travailleurs en une place publique piétonnière et arborée qui créera un îlot de chaleur. Participation citoyenne Permettre aux habitants de se réapproprier l’espace public. Développé à Lima (Pérou), « Ocupa tu calle » vise à réduire les inégalités grâce à la récupération d’espaces inoccupés – friches, parkings… – pour les mettre à disposition des habitants. Lire aussi A Lima, les citoyens récupèrent leur ville Accessit : Habitons Mazagran, contre-projet d’une opération immobilière, porté par les habitants du site, qui a convaincu la collectivité.
Pour la quatrième édition des Prix « Le Monde » Cities, cinq projets à l’échelle mondiale ont été récompensés vendredi 28 juin, dans les domaines de l’urbanisme, l’énergie, l’habitat, la mobilité et la participation citoyenne.
https://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2019/07/01/le-monde-a-decerne-cinq-prix-de-l-innovation-urbaine_5483685_4811534.html
mlsum-fr-4727
Les voitures des particuliers polluent plus que l’ensemble des poids lourds et des véhicules utilitaires qui sillonnent les routes de France. JACQUES LOIC / PHOTONONSTOP « Arrêtez de taper sur l’avion », stop au « matraquage des automobilistes », halte au « viande bashing »… Chaque fois qu’une mesure est proposée pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES), responsables du changement climatique, la levée de boucliers est immédiate, avec toujours le même argument : la « vraie » pollution viendrait d’ailleurs. Mais quelles activités émettent le plus de gaz à effet de serre en France, et dans quelles proportions ? Pour nourrir ce débat, nous nous sommes penchés sur les contributions des principaux secteurs. Les transports, première source de gaz à effet de serre Le dioxyde de carbone (CO 2 ) est le principal gaz à effet de serre, mais pas le seul. Pour mesurer l’effet des différents polluants (méthane, dioxyde d’azote…), les spécialistes calculent un pouvoir de réchauffement global en « équivalent CO 2 ». C’est cette méthodologie que le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) utilise pour étudier les émissions françaises dans son rapport Secten. Selon cet inventaire, les transports sont la première source de gaz à effet de serre en France métropolitaine (29,7 % des émissions en équivalent CO 2 en 2017), devant l’industrie et le secteur tertiaire (25,8 %) ou l’agriculture (18,9 %). On comprend donc pourquoi le débat se concentre en grande partie sur ce sujet. LES DÉCODEURS Précision utile : ces chiffres ne concernent que les émissions de GES sur le territoire national. Ils sont donc à distinguer de l’empreinte carbone, qui tient compte des importations. Les voitures polluent plus que les poids lourds Deuxième constat : les voitures des particuliers sont responsables de près d’un sixième de la contribution française au changement climatique (15,7 %). A elles seules, elles polluent plus que l’ensemble des poids lourds (6,3 %) et des véhicules utilitaires qui sillonnent les routes de France (5,8 %). LES DÉCODEURS Toujours selon ces données, les autres modes de transports ne totalisent que 1,9 % des émissions du pays. Par ailleurs, certains polluent plus que d’autres à distance parcourue et nombre de voyageurs équivalents. Les vols intérieurs en avion (0,8 % des GES) émettent ainsi environ soixante fois plus que le train (0,1 %). C’est pour cela que des députés proposaient récemment d’en interdire une partie. Le transport aérien international depuis la France n’apparaît pas dans cet inventaire, mais le Citepa estime qu’il représente l’équivalent de 3,8 % d’émissions de GES supplémentaires, à quoi s’ajoutent 1,2 % d’émissions liées au transport maritime international. Deux données qui accentuent un peu plus encore le poids des transports dans le bilan carbone français. La consommation de viande, loin d’être anecdotique Si l’agriculture est une source majeure de gaz à effet de serre (18,9 % des émissions françaises), l’élevage représente plus de la moitié de ce total à lui seul (9,0 %), principalement celui des bovins. LES DÉCODEURS A l’échelle mondiale, l’élevage de bétail est responsable de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre selon un rapport de 2013 de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Cette proportion est supérieure aux calculs du Citepa, car elle tient compte des émissions du début à la fin de la chaîne de production, transports compris. La viande bovine pèse pour 41 % des émissions liées à l’élevage, alors qu’elle ne représente que 22 % de la consommation mondiale de viande. L’agneau et le bœuf sont les viandes les plus émettrices Equivalent CO 2 émis par kilogramme de viande produite. Responsabilité partagée entre ménages et entreprises En matière d’émissions de gaz à effet de serre, particuliers et entreprises ont tendance à se renvoyer la balle, chacun estimant l’autre responsable de l’essentiel de la pollution. Mais, lorsque l’on étudie les principales contributions au changement climatique en France, on s’aperçoit que les responsabilités sont partagées. Sur le transport routier, les voitures particulières font jeu égal avec les camions et véhicules utilitaires. Le secteur résidentiel est responsable à lui seul de 11,7 % des émissions. Ce chiffre englobe l’utilisation domestique de peinture, les feux, l’utilisation de solvants… Les mêmes types de sources de pollution, mais venant cette fois du secteur tertiaire, pèsent pour 8 % du total. Entreprises et ménages se partagent la responsabilité de la pollution Voici les dix principales sources de gaz à effet de serre en proportion en France selon le Citepa (en équivalent CO2) Source : Source : CITEPA / format SECTEN - avril 2019 Difficile, en revanche, d’atteindre la « neutralité carbone » sans demander des efforts drastiques aux entreprises. A commencer par l’industrie, qui pèse pour 17,8 % des émissions de GES (dont 4,7 % pour la seule chimie), et les poids lourds, pour 6,3 %. Une pollution « moyenne », mais surtout délocalisée Pour relativiser le rôle de la France dans le changement climatique, certains rappellent que le pays ne représente qu’environ 1 % des émissions mondiales de GES. Un constat étayé par les faits : les émissions françaises ne sont qu’une paille en comparaison de celles de la Chine, des Etats-Unis ou de l’Inde, qui émettaient à eux trois plus de CO 2 que le reste de la planète en 2017, selon les chiffres compilés sur le site Globalcarbonatlas.org. La France est responsable d'environ 1 % des émissions mondiales de CO2 Voici les vingt principaux émetteurs de CO2 au niveau mondial en 2017. Source : Source : Global Carbon Atlas Cela ne signifie pas que la France serait exemplaire. Compte tenu du fait qu’ils forment 1 % de la population mondiale, les Français revêtent plutôt le profil d’un pollueur « moyen ». Avec 5,5 tonnes d’équivalent CO 2 émises par habitant en moyenne en 2017, la France fait mieux que certains pays développés comme les Etats-Unis (16 tonnes) ou l’Australie (17 tonnes). Encore faut-il rappeler qu’il ne s’agit là que des émissions territoriales : si la France ne s’en sort pas si mal au jeu de comparaisons, c’est aussi parce qu’elle importe beaucoup de biens qui sont consommés en France, mais qui ont engendré des émissions dans le pays où ils ont été fabriqués, et lors de leur transport. Selon les chiffres de l’Insee, l’empreinte carbone réelle des Français était environ 1,7 fois plus élevée que les seules émissions nationales en 2017. La lutte contre le réchauffement climatique passe donc aussi par la réduction de ces émissions « cachées ».
La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre entraîne régulièrement des débats houleux. Le point sur les secteurs polluants en France.
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/07/08/voiture-industrie-viande-quelles-sont-les-causes-du-rechauffement-climatique-en-france_5486767_4355770.html
mlsum-fr-4728
Au mois d’octobre, festivals et spectacles autour du conte ne manquent pas. JEAN JACQUES DEBUCHY Chose promise, chose due, voici, en ce début octobre, un rapide aperçu des principaux rendez-vous, festivals et spectacles, dans le domaine des arts du récit, pour Paris et sa région, avec un petit détour par différents départements dans l’Hexagone et outre-mer, et par le Canada. Des festivals à foison L’actualité en matière de contes est dominée par une série de festivals qui s’étalent sur tout le mois. Pour chacun d’entre eux, je vais rester dans les grandes lignes mais je vous invite à aller consulter leurs programmations respectives dans les moindres détails sur leurs sites. Dès le mercredi 2 octobre, place à la 20e édition de Rumeurs urbaines, le festival, « fabrique du conte et des arts du récit », concocté par la compagnie Le Temps de vivre sous la direction artistique de Rachid Akbal. Au programme, jusqu’au samedi 26 octobre, comme chaque année, des histoires pour petits et grands, venues de France et d’ailleurs, racontées par une pléiade de conteurs et conteuses, dans différentes villes de trois départements de la région Ile-de-France (Hauts-de-Seine, Val-d’Oise et Yvelines), notamment Bois-Colombes, Colombes, Gennevilliers, Nanterre, Argenteuil, Bezons et Houilles. Avec en point d’orgue, la traditionnelle Nuit du conte, organisée à la MJC-Théâtre de Colombes, samedi 12 octobre, de 17 heures à minuit, avec comme invités, entre autres, Gigi Bigot, Sandrine Rouquet, Adama Adepoju et Rachid Akbal en maître de cérémonie, et un bal anniversaire pour fêter les 20 ans du festival. Même jour de début, le 2 octobre, pour la 21e édition de Contes givrés, « l’automnal et étonnant festival du récit, du conte et de la nouvelle », qui s’installe, jusqu’au mercredi 30 octobre, dans cinquante communes de Bourgogne. Organisé par l’association Antipodes, espace international d’échanges culturels, sous la direction artistique de Marie-France Marbach, ce festival propose lui aussi une programmation des plus alléchantes avec des artistes venus des quatre coins de la France et de l’étranger. Avec, entre autres, un Banquet des Antipodes, le dimanche 6 octobre, à Chevagny-sur-Guye (Saône-et-Loire), un subtil mélange de contes, d’agro-culture et de saveurs culinaires d’ici et d’ailleurs, et un spectacle de clôture avec les Darwiche conteurs, Jihad, Layla et Najoua, au Théâtre, Scène nationale de Mâcon, mercredi 30 octobre à 20 h 30. Citons aussi une série de festivals d’automne qui mettent la parole en valeur dans différents départements : Amies Voix, dont la 19e édition se tient jusqu’au samedi 26 octobre dans les bibliothèques de Loir-et-Cher, autour du thème « Graines de sagesse et brins de folie », avec une multitude de spectacles et animations en accès gratuit ; Au fil du conte, qui propose pour sa 28e édition, jusqu’au dimanche 6 octobre, une quarantaine de spectacles gratuits dans plus de trente communes de Charente ; Contes en balade, qui fête également ses 20 ans d’existence dans le Tarn, jusqu’au dimanche 13 octobre ; Contes en scène, avec, pour sa 5e édition, du jeudi 17 au vendredi 25 octobre, une dizaine de spectacles jeune public à 2 euros dans plusieurs communes de Centre Morbihan Communauté ; La Vallée des contes, avec sa 20e édition à Munster (Haut-Rhin) et dans ses environs, du samedi 5 au dimanche 20 octobre ; Vos oreilles ont la parole (VOOLP) qui organise, du lundi 14 octobre au dimanche 3 novembre, sa 10e édition, avec au programme 95 spectacles présentés dans 79 lieux répartis entre le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Enfin, histoire d’élargir un peu notre horizon géographique, on pourra voyager du côté de la Martinique, avec la 13e édition du festival Contes et musique dans la cité, du mardi 8 au dimanche 20 octobre. Organisé par l’Association Martinique Images (AMI) sous la direction artistique de Valer’ Egouy, ce rendez-vous international réunit des conteurs et conteuses venus des quatre coins du globe : Algérie, Cameroun, Colombie, Ecosse, France, Kenya, Maroc, Moldavie, Paraguay, Pologne, Québec, Togo. Et également partir au Canada, pour la 15e édition du Festival interculturel du conte de Montréal (FICM), du vendredi 18 au dimanche 27 octobre, un événement biennal orchestré par sa directrice artistique, la conteuse Stéphanie Bénéteau, avec, au programme, plus de 60 artistes internationaux, 66 spectacles dont 14 présentés en anglais, 44 lieux répartis dans toute la ville, 10 volets thématiques et une grande première : le Combat des contes, avec pour objectif de désigner, parmi cinq récits portés par cinq grands noms du conte au Québec, celui que la population québécoise devrait absolument entendre en 2019. Pour des raisons de place, je n’ai sélectionné dans cet agenda que les rendez-vous entièrement dédiés aux arts du récit, mais il faut noter que bon nombre de festivals pluridisciplinaires accordent souvent une place, plus ou moins importante, aux contes. C’est le cas, entre autres, du festival jeune public La Grande Echelle, organisé par l’Adami, dont la 4e édition s’installe au Monfort Théâtre (Paris 15e), le temps d’un week-end, du vendredi 11 au dimanche 13 octobre, avec 40 représentations proposées par 17 collectifs et compagnies, mêlant danse, cirque, théâtre, musique, arts plastiques pour les enfants. Des collectifs toujours actifs Parallèlement à cette multitude de festivals qui vont faire résonner haut et fort la parole conteuse durant tout le mois d’octobre à travers la France et à l’étranger, n’oublions pas les nombreux rendez-vous mensuels proposés par les différents collectifs de conteurs et conteuses, notamment à Paris et en région parisienne. Dès le jeudi 3 octobre, le trio de Rendez Vos Contes, Séverine Andreu, Stéphanie Chambon et Laure Clinchamps, propose sa traditionnelle scène ouverte dans les locaux de l’association Comme Vous Emoi à Montreuil, précédée d’un repas en auberge espagnole, à partir de 19 heures. Suivi de près par le duo mouveLOReille, formé par Bérengère Charbonnier et Ariel Thiébaut, qui invite à reprendre le chemin de la BAM ! (Bibliothèque associative de Malakoff), pour une troisième saison de sa programmation mensuelle, Contes et Rencont’es, autour du thème « Un corps, décor », avec un premier rendez-vous, mercredi 9 octobre, autour du conteur, chanteur et musicien Alain Larribet et son Berger des sons (spectacle programmé à 20 h 30 et précédé d’une scène ouverte et d’une auberge espagnole à partir de 19 heures). Trois autres collectifs se bousculent ensuite au portillon : Contes à croquer, avec Martine Compagnon, Philippe Imbert, Antonietta Pizzorno et Violaine Robert aux commandes, qui reprend aussi sa programmation Contes et paroles libres au café littéraire associatif Le Petit Ney (Paris 18e), avec une soirée conte, samedi 12 octobre, à partir de 19 h 30, autour du spectacle de Robin Recours, Il était une fois les langues, précédé par une scène ouverte et un repas végétarien ; Histoires & Cie, qui propose ses deux rendez-vous mensuels au sous-sol du café-restaurant Au Soleil de la Butte (Paris 18e), lundi 14 octobre, à 20 heures, avec le spectacle de Nelly Bernard et Patrick Crespel, Escale de nuit, et lundi 28 octobre, à 20 heures, avec le spectacle de Bernard Michaut et Marie-Chantal Nadim, Au cœur du baobab ; Conteurs en compagnie, enfin, avec pour son rendez-vous mensuel au sous-sol du café-théâtre Le Rigoletto (Paris 19e), mardi 15 octobre, à 20 h 45, un spectacle présenté par Lynn Vivier-Foucart (récit) et Clémence Marioni (chant et didgeridoo) autour de mythes et légendes aborigènes, Le Temps du rêve (avec une scène ouverte à partir de 19 heures). Deux conteurs et une conteuse à l’affiche Et, au beau milieu de cette programmation d’octobre riche et variée, signalons le passage à Paris d’une des grandes figures du conte, Yannick Jaulin, qui quitte pour deux semaines son Nombril du monde à Pougne-Hérisson (Deux-Sèvres) pour monter sur les planches des Bouffes du Nord, du jeudi 10 au samedi 26 octobre, à 19 heures et à 21 heures, avec un diptyque consacré à l’histoire de sa langue, le « parlanjhe », le poitevin-saintongeais (patois parlé notamment en Vendée) : Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour, en duo avec Alain Larribet, et Causer d’amour, en trio avec Morgane Houdemont (violon) et Joachim Florent (contrebasse). A noter aussi la reprise de Fake, la performance électro-contée imaginée par Abbi Patrix (compagnie du Cercle), avec La Muse en circuit, à la gare de l’Est, à Paris, les jeudis 10, 17, 24 et 31 octobre à partir de 20 heures. Réservation en ligne obligatoire pour être sûr(e) d’avoir un casque audio et pouvoir déambuler à travers le hall central de la gare de l’Est à la suite du conteur et de ses complices musiciens, dont Wilfried Wendling (conception et musique électronique live) et Linda Edsjö (percussions), qui mettent en sons et en paroles une version moderne du récit d’Henrik Ibsen, Peer Gynt. Une façon originale de revisiter l’espace public, les grands mythes liés au voyage, l’histoire de la gare parisienne, tout en faisant participer les spectateurs et les passants. Sans oublier la nouvelle création de Nathalie Leone (compagnie La Huppe galante), qui propose au Centre culturel Picasso de Montigny-lès-Cormeilles (Val-d’Oise), le jeudi 18 octobre à 20 h 30, un spectacle original, Il était une fois Montigny… Depuis janvier, la conteuse est allée à la rencontre des habitant(e)s du quartier de la gare et des Frances de Montigny qui le souhaitaient, pour échanger avec eux autour de contes traditionnels, contemporains ou insolites, tisser des liens et les inciter chacun(e) à raconter une histoire, une anecdote, un souvenir, autour de leur ville. Tous ces récits collectés au fil des mois ont contribué à nourrir ce spectacle et à en fournir la trame générale. Une initiative à signaler car elle a bénéficié d’un soutien actif de la mairie de Montigny-lès-Cormeilles dans le cadre de la politique de la ville et du Centre culturel Picasso.
Voici une sélection non exhaustive des spectacles à venir pour le mois d’octobre pour les arts du récit, principalement à Paris et en région parisienne.
https://www.lemonde.fr/contes/article/2019/10/01/en-octobre-les-contes-se-ramassent-a-la-pelle_6013745_5470962.html
mlsum-fr-4729
Le festival des Eurockéennes, à Belfort, le 7 juillet. SEBASTIEN BOZON / AFP Chronique. Il y a une folie des festivals en France. Qui vont de la rencontre littéraire sous les platanes au concert rock avec 70 000 fans dans un champ. Combien y en a-t-il ? Personne ne sait. Nous avons interrogé Emmanuel Négrier, sociologue au CNRS à Montpellier. Il ausculte les festivals depuis longtemps. Il ose ces chiffres : il y a trente ans, 600 festivals en France ; aujourd’hui, 6 000. La musique populaire mange la grosse part du gâteau. 6 000 festivals, c’est fou. Par exemple, les Eurockéennes de Belfort, rendez-vous musical de début juillet, était seul sur son créneau à sa création, en 1989. Aujourd’hui, il a plus de cinquante concurrents en Europe. Et si la frénésie se tasse un peu, il naît plus de festivals qu’il n’en meure. Quand la magie va-t-elle s’arrêter ? Tant que le public suit. Or, il suit, souvent bien plus que pour les lieux culturels pérennes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Confirmations de talents et revanches aux Francofolies Mieux, le format festival fait modèle. Il était concentré sur l’été, il s’étend toute l’année – avec gros embouteillage en juillet. Il affectionne le plein air mais gagne les salles. Il était concentré dans le Sud ensoleillé, il est désormais partout. A Paris, aussi, où même des théâtres et salles de concerts font leur festival. Bref, la parenthèse devient une norme, au point de se demander s’il n’y a pas une « festivalisation » de la culture en France. « Le culte de l’événementiel et de l’éphémère » Le festival a permis à des arts de gagner leurs galons : la danse contemporaine à Montpellier et à Bagnolet, la musique baroque grâce à plein d’événements, la BD à Angoulême, la photo à Arles… Mais aujourd’hui, pourquoi le public fait-il des kilomètres, passe des heures sous un soleil de plomb ou dans la gadoue, stationne debout et loin de la scène, alors qu’il peut déguster une offre culturelle riche toute l’année et dans un grand confort ? Pour le philosophe Yves Michaud, nous vivons dans « le culte de l’événementiel et de l’éphémère ». L’œuvre compte moins que le plaisir de se retrouver, communier, vivre une expérience globale dans un « flux hédoniste » – c’est « sea, sex, sun and culture ». Emmanuel Négrier ajoute : dans une salle de concerts, le public admire une rockstar ou découvre un talent. Dans un festival qui s’étire sur plusieurs jours, avec des scènes multiples, il a droit aux deux – la star et la découverte. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le « off » d’Avignon, passage obligé, risque assuré Le festival, c’est aussi la revanche des provinces sur Paris. Il offre aux élus locaux une vitrine et même une identité. A la différence d’un théâtre ou d’un musée, un événement est souple, sa rentabilité rapide. Les élus comme les mécènes peuvent accueillir dans un cadre de charme des invités de marque, leur faire découvrir un spectacle backstage.
Dans sa chronique, Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde », analyse l’explosion du nombre de festivals dans l’Hexagone, qui est passé en trente de 600 à 6 000.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/12/il-y-a-une-festivalisation-de-la-culture-en-france_5488551_3232.html
mlsum-fr-4730
Deux tankers ont été la cible d’attaques, jeudi 13 juin, en mer d’Oman. HANDOUT / REUTERS Nouvel épisode dans la montée des tensions entre les Etats-Unis et l’Iran dans le golfe Persique. Après l’attaque de deux tankers en mer d’Oman, jeudi 13 juin, Washington a accusé Téhéran d’être à l’origine de ces sabotages. « Les Etats-Unis considèrent que la République islamique d’Iran est responsable des attaques », a déclaré jeudi Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain. Des accusations réitérées vendredi par Donald Trump, pour qui ces incidents sont « signés par l’Iran ». L’armée américaine a publié une vidéo qui montre, selon elle, une patrouille des gardiens de la révolution islamique (GRI), le corps d’élite de l’armée iranienne, retirant une mine ventouse qui n’avait pas explosé sur une paroi de l’un des deux pétroliers. L’Iran a de son côté rejeté catégoriquement l’« accusation infondée » de Washington, le président Hassan Rohani estimant que les Etats-Unis constituaient une « grave menace à la stabilité » régionale et mondiale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’attaque de pétroliers en mer d’Oman ravive les tensions dans le golfe Persique Il y a un mois, quatre navires avaient déjà été endommagés par des actes de sabotage en mer d’Oman. Clément Therme, chercheur pour le programme Moyen-Orient de l’International Institute for Strategic Studies (IISS), à Londres, décrit une « guerre de propagande » visant à « faire porter la responsabilité de l’escalade sur l’autre partie ». INFOGRAPHIE « LE MONDE » En quoi cette région du golfe Persique est-elle stratégique ? C’est une zone de production importante de pétrole et de gaz, avec à proximité des pays comme l’Arabie saoudite, deuxième producteur mondial de pétrole, et le Qatar, premier producteur de gaz naturel liquéfié (GNL). C’est aussi une zone de transit importante, avec 35 % du pétrole mondial qui passe dans le détroit d’Ormuz, ainsi que 20 % du commerce global de GNL. La région est d’autant plus sensible qu’il y a déjà eu une guerre des tankers entre les Etats-Unis et l’Iran, entre 1984 et 1987, au cours de laquelle plusieurs centaines de bateaux avaient été attaqués. Entre la marine américaine, qui s’est donné pour mission de garantir la libre circulation des navires dans cette zone, et l’Iran, qui est la principale puissance de cette région, les tensions sont régulières. Il y a également un problème de délimitation des zones territoriales et des eaux internationales, notamment entre les Emirats arabes unis et l’Iran. Sur les cartes iraniennes, certaines zones maritimes sont iraniennes alors que sur les cartes des Emirats, elles leur appartiennent. On a donc là des problèmes juridiques, politiques et militaires. Lire aussi Le marché pétrolier prudent après les attaques de pétroliers en mer d’Oman Les accusations des Etats-Unis contre l’Iran sont-elles crédibles ? Les Etats-Unis ont un passé de falsification des preuves, notamment sous l’ère John Bolton [qui est aujourd’hui conseiller à la sécurité nationale de M. Trump] durant la présidence de George W. Bush. La crédibilité des Etats-Unis est très faible. On est là en pleine guerre de propagande et de l’information entre les médias occidentaux et les médias iraniens. Chacun désigne l’autre comme étant le principal responsable de l’escalade en cours. Il faut donc rester extrêmement prudent sur ces accusations. En 2003, le New York Times avait par exemple validé les preuves américaines contre le régime de Saddam Hussein en Irak. « Le rapport de forces est inégal entre une superpuissance internationale et une puissance régionale. » Aujourd’hui, l’Iran insiste sur les sanctions et l’embargo pétrolier américain, qui sont perçus comme un acte de guerre. C’est, selon Téhéran, le principal facteur de l’escalade actuelle. De son côté, l’administration américaine insiste sur la réponse du régime iranien aux sanctions, qui ne permet pas une négociation directe au plus haut niveau de l’Etat. On est donc face à deux discours idéologiques simplificateurs qui cherchent à justifier l’escalade par des causes uniques, alors qu’une pluralité de facteurs est en jeu. Chaque camp retourne contre son adversaire ses propres arguments. Mais le rapport de forces est inégal entre une superpuissance internationale et une puissance régionale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Face à l’Iran, Trump veut faire croire que la guerre est possible » Cette « pression maximum » sur Téhéran, dont se vante Donald Trump, vise-t-elle à pousser les Iraniens à renégocier l’accord sur le nucléaire ? Ou Washington veut-il renverser le régime ? L’administration américaine affirme des choses contradictoires. D’un côté, elle souligne le caractère monolithique du régime iranien, avec lequel il ne serait pas possible de négocier. Or avec Bolton et Pompeo, il y a une croyance idéologique, au sein l’administration Trump, selon laquelle l’action militaire est la seule option pour régler des différends politiques. Les actes sont donc en contradiction avec la parole publique. La politique menée par cette administration vise un changement de régime, mais cet objectif n’est pas énoncé clairement. Autre contradiction : les Etats-Unis souhaitent renverser le régime pour « libérer » le peuple iranien d’un pouvoir autoritaire, mais quand ils imposent des sanctions économiques massives et un embargo pétrolier, c’est le peuple iranien qui souffre de la crise économique. Le président Trump est d’ailleurs encore plus impopulaire que le pouvoir théocratique en Iran, ce qui est aussi une difficulté pour le « soft power » de Washington. Les Iraniens, eux, préfèrent la paix à la guerre, même si le statu quo économique est difficilement soutenable. Ils n’ont pas d’intérêt à cette escalade. Mais le régime est aujourd’hui dans une situation compliquée : comment répondre à l’administration américaine sans menacer sa survie ? Il doit composer entre le mécontentement populaire en raison de la crise économique et le risque d’escalade militaire avec Washington, qui est une conséquence de la confrontation économique entre les deux pays. Pour l’instant, Téhéran est sur une position plutôt défensive et dans une stratégie de contournement. Le régime est dans une « résistance maximale » face à la « pression maximale » imposée par Trump.
Alors que l’administration Trump accuse Téhéran d’être à l’origine des sabotages, le chercheur Clément Therme estime que chaque camp tente de faire porter la responsabilité de l’escalade par l’autre partie.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/14/petroliers-attaques-en-mer-d-oman-on-est-dans-une-guerre-de-propagande-entre-les-etats-unis-et-l-iran_5476369_3210.html
mlsum-fr-4731
Dans la vallée de l’Okanagan, située à la latitude de la Champagne française, mais avec un désert. BC De l’île de Vancouver à la Nouvelle-Ecosse, les rangs de vignes se multiplient au Canada, signe que le secteur se porte bien. On compte aujourd’hui environ 700 propriétaires de domaines viticoles, dignes héritiers de Jacques Cartier et de Samuel de Champlain, qui, eux, échouèrent à planter des ceps en Nouvelle-France. Mais le phénomène reste modeste. Avec quelque 12 000 hectares, soit 0,3 % du marché mondial, le vignoble canadien est un joueur mineur – plus de 800 000 hectares en France, un pays quinze fois plus petit. La production est essentiellement bue localement ; les crus canadiens sont méconnus à l’étranger, même s’ils tirent leur épingle du jeu en Chine et aux Etats-Unis. En revanche, les importations sont ­importantes, surtout en provenance de France, d’Italie, des Etats-Unis, d’Australie et d’Espagne. Deux chiffres résument le décalage : 1,8 million de litres étaient exportés du Canada en 2018, et 303 millions y étaient importés. Lire aussi Production record de vin dans le monde en 2018 Trois provinces dominent la production : l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec. A la même latitude que Bordeaux mais avec un climat d’une fraîcheur bourguignonne, la première concentre 70 % des vignobles canadiens. Un sol riche en calcaire et des micro-climats permettent de produire des vins fruités à l’acidité équilibrée. La péninsule du Niagara se distingue avec un ­climat tempéré par le lac Ontario. On y cultive une foule de cépages : chardonnay et riesling pour les blancs ; pinot noir, syrah, gamay, cabernet franc, ­cabernet sauvignon et merlot pour les rouges. L’Ontario est surtout le premier producteur de vin de glace au Canada, un vin blanc liquoreux à boire très frais issu de raisins gelés – ce produit vedette du pays (premier producteur mondial) représente 61 % des exportations de vin. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La vallée de l’Okanagan, eldorado vinicole canadien Deuxième terre de vin : la Colombie-Britannique et ses domaines près de l’océan Pacifique ou nichés dans des vallées de montagne. Des sols et climats variés procurent aux vins leur complexité. La vallée de l’Okanagan abrite des propriétés et vins réputés. Elle se situe à la latitude de la Champagne mais avec un désert. Les forts écarts de températures entre jour et nuit garantissent une bonne acidité. Pinot gris, chardonnay, gewurztraminer, riesling, sauvignon blanc, pinot blanc et viognier sont les cépages ­vedettes en blanc. La partie sud fait la part belle aux merlot, syrah, pinot noir, cabernet pour des rouges flamboyants. Monopole d’Etat Les vins canadiens sont vendus à la propriété ou dans des boutiques sous contrôle provincial. C’est une spécificité du pays : importations et distributions d’alcool passent par un monopole d’Etat et des organismes provinciaux – par exemple la Société des alcools du Québec. Les fortes taxes font grimper les prix et grincer des dents. Néanmoins, cet impôt indirect n’empêche pas la hausse de la consommation. Cette croissance est liée à la hausse de la qualité des jus depuis la fin des années 1980 – comme partout dans le monde. Une quête de qualité impérative pour concurrencer des vins californiens ou de l’Oregon, qui a été favorisée par la mise en place d’un système de certification proche de nos appellations d’origine. Le Canada a aussi multiplié les subventions aux propriétés, qui ont pu arracher progressivement les ­cépages rustiques au profit de variétés françaises, résistantes au froid et de qualité supérieure. Certains domaines ont ainsi remporté des prix prestigieux. L’œnotourisme, qui attire 3 millions de visiteurs par an dans les grandes régions viticoles, comme la péninsule du Niagara, la vallée de l’Okanagan ou les Cantons-de-l’Est au Québec, est un autre facteur favorable. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le vignoble canadien d’Osoyoos Larose « cultive sa touche française »
Encore méconnus à l’étranger, les crus canadiens entendent dépasser la notoriété du célèbre vin de glace. Le pays mise sur la qualité et l’œnotourisme pour développer un secteur porteur.
https://www.lemonde.fr/gastronomie/article/2019/09/10/au-canada-petit-vignoble-veut-devenir-grand_5508667_1383316.html
mlsum-fr-4732
La FIAC 2019 se déroule principalement au Grand Palais, à Paris, du 17 au 20 octobre. ALAIN JOCARD / AFP Dans les bons restaurants, on rêve de tout goûter. Sauf à être Gargantua ou Depardieu, c’est impossible. La 46e édition de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) à Paris laisse la même frustration : 197 galeries au Grand Palais, mais aussi présentes en face, au Petit Palais, et dans l’avenue Winston-Churchill qui les sépare, où quelques artistes cohabitent avec des food trucks. Parfois en leur faisant concurrence, comme Vivien Roubaud dont une machine expédie de la barbe à papa à tous les vents. Car l’art, à la FIAC, ça se dévore : Daniel Buren, dont certains font tout un fromage, expose les fruits de sa collaboration avec La Vache qui rit, et on peut acquérir une de ses œuvres pour 5 euros la boîte de 24 portions… Il faudra pour cela avoir acquitté le droit d’entrée au Grand Palais (38 euros le plein tarif) et, si l’on veut déjeuner léger, laissé son manteau au vestiaire (2 euros). Mais il y a aussi une partie gratuite : au jardin des Tuileries, où la FIAC déborde aussi avec une vingtaine d’installations en plein air, à la place de la Concorde où sont posées des architectures éphémères, de Jean Prouvé à Odile Decq, et un Environnement de transchromie circulaire, moderne Stonehenge de Carlos Cruz-Diez. Article réservé à nos abonnés Lire aussi De nouvelles galeries d’art contemporain, du Marais à Romainville Fleurissent aussi les foires « off », souvent plus accessibles. Pour les jeunes, ou ceux qui veulent le rester, Paris Internationale, 52 galeries au 16, rue Alfred-de-Vigny (8e). Ceux attachés à l’école de Paris traditionnelle iront visiter la centaine de stands installés sur les Champs-Elysées près du Grand Palais, sous les tentes d’Art Elysées ou, pour les plus modernistes, le salon Galeristes au Carreau du Temple (3e). Pour les rêves d’horizons lointains, Asia Now, 50 galeries installées au 9, avenue Hoche (8e), et pour les amateurs d’arts autres, qui ne sont pas tous bruts, Outsider Art Fair, 42 exposants au 60, rue de Richelieu (2e). Quelque 24 résistants ont aussi trouvé refuge à la Cité internationale des arts, 18, rue de l’Hôtel-de-Ville (4e), sous le joli nom de « Bienvenue ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Marché de l’art : pour les galeries, l’union fait la force Faire sensation… quitte à ne pas vendre Résistants à quoi ? A la tendance qui gagne de plus en plus d’organisateurs de foires, désireux d’influer sur le contenu des stands de leurs clients les marchands, avec ce qu’on nomme pudiquement des « conseils de programmation ». C’est le cas de la FIAC, et Georges-Philippe Vallois, président du comité professionnel des galeries d’art, s’en alarme dans Le Journal des arts : « Ces conseils sont davantage des directives… On nous incite par exemple à montrer des installations muséales, au motif que cela va faire sensation et promouvoir l’image de la foire. » Mais au risque de ne pas les vendre, un cauchemar pour les entreprises les plus fragiles.
A la FIAC, l’art ça se dévore. L’édition 2019 déborde largement du Grand Palais et les galeristes investissent la capitale dans des événements « off ».
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/18/barbe-a-papa-qui-vole-et-ventes-qui-s-envolent-a-la-fiac-de-paris-l-art-contemporain-se-sent-pousser-des-ailes_6015974_3246.html
mlsum-fr-4733
Rooftop bucolique au Meguro Sky Garden Au 9e étage d’un immeuble lambda, se cache un toit-terrasse secret et singulier comme une oasis urbaine, construit au-dessus de la jonction entre deux autoroutes. Ces 7 000 mètres carrés de jardin sont plantés de pins, cerisiers et pieds de vigne. Les initiés viennent s’y balader, pique-niquer et admirer la vue sur la ville, laissant l’agitation au pied de l’immeuble, 35 mètres plus bas. Entrée gratuite. Ouvert de 7 h à 19 h (17 h en hiver). 1 Chome-9-2, Ohashi, Meguro-ku. Lire aussi L’hôtel Muji mise sur les Jeux olympiques de Tokyo en 2020 Littérature contestataire chez Cow Books La librairie Cow Books, à Tokyo. Cow Books Le mot d’ordre de cette librairie est inscrit sur la devanture : « Everything for the freedom. » On y trouve des livres pointus et des magazines vintage, avec un focus sur la littérature contestataire des années 1960-1970 (une partie est en anglais, ou illustrée). Certains ouvrages se feuillettent sur la table en bois centrale dans une ambiance comme à la maison. Plus loin, la librairie Tsutaya vaut aussi le détour. Ouvert de 13 h à 21 h sauf le lundi. 1-14-11 Aobadai. www.cowbooks.jp/english.html Créations en vue chez Roots to Branches Niché au premier étage d’un immeuble, comme beaucoup de bons spots de Tokyo, ce petit concept store de mode, accessoires et déco rassemble des marques de créateurs et de designers japonais : bijoux de la marque 8UEDE, mugs en céramique de l’île de Kyushu… Juste en face, de l’autre côté du canal, se trouve Vendor, le pendant masculin de la boutique. Ouvert tous les jours de midi à 20 h. 1 Chome-16-7 Aobadai. www.roots-to-branches.jp/shopinfo/ Total look local chez Frapbois C’est dans le flagship de cette marque japonaise que l’on peut se confectionner le plus pur style local. Chemises oversize, matières froissées et designs asymétriques, blanc immaculé ou gros pois, flamants roses constituent l’essentiel de la collection. Le tout se porte, bien sûr, avec de grosses sandales et des chaussettes, également vendues sur place. Aux murs, des expos d’artistes japonais à l’esthétique pop. Ouvert tous les jours de 11 h à 20 h. 1 Chome-17-1 Aobadai. www.frapbois.jp Printemps éternel au Musée Sato Sakura Le Musée Sato Sakura, à Tokyo. Sato Sakura Museum Fin mars début avril, la rivière Meguro est un haut lieu du « hanami », le printemps japonais, qui transforme ses rives en paradis rose et poétique. Ce musée lui est consacré : il expose une dizaine de toiles grand format de cerisiers en fleurs. Réalisées sur bois, soie, papier, parfois agrémentées de pigments dorés, ces peintures raffinées imprègnent l’imaginaire de tous ceux qui ont un jour rêvé du Japon. Entrée 4 €. Ouvert de 10 h à 18 h, sauf le lundi. 1 Chome-7-13 Kamimeguro. www.satosakura.jp Boulettes party à l’Onigily Café Les onigiris sont ces petites boulettes de riz de forme triangulaire ou ovale, fourrées et enveloppées dans une algue. Les Japonais ont l’habitude d’en acheter dans les supermarchés et de les engloutir comme un plaisir coupable. Dans ce café au bord de l’eau, l’onigiri est servi dans un riz tiède, garni à l’umeboshi (prune japonaise acide) ou dans une version plus élaborée au miso, poireaux et feuille de shiso. Environ 1,80 € l’onigiri. Ouvert tous les jours de 8 h à 16 h. 3 Chome-1-4. www.onigily.com Carnet pratique Y aller : A partir de 503 € l’A/R Paris-Tokyo, avec Air France. www.airfrance.fr Y dormir : L’Hôtel Claska, un boutique hotel au design minimaliste est situé dans le coin résidentiel de Meguro, pour découvrir la vraie vie du quartier. Chambre double à partir de 150 € la nuit. www.claska.com Plus d’infos sur www.gotokyo.org
Non loin du quartier animé de Shibuya, la rivière Meguro et ses innombrables cerisiers offrent une balade paisible, où les boutiques de créateurs et les cafés branchés fleurissent en toute saison.
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/07/03/tokyo-le-temps-des-cerisiers_5485029_4497319.html
mlsum-fr-4734
Le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya, en avril 2011. Thomas Mukoya / REUTERS On aurait presque pu s’y attendre. Mi-février, quelques semaines après l’attentat du complexe hôtelier Dusit, où vingt et une personnes avaient été tuées à Nairobi, le gouvernement kényan annonçait dans une lettre adressée au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) son intention de fermer sous six mois l’immense camp de Dadaab. Quatre ans plus tôt, déjà, l’Etat avait eu la même réaction après l’attaque de l’université de Garissa (148 morts), en avril 2015. Ce camp de réfugiés, le plus grand du monde il y a encore quelques années, est régulièrement accusé par le pouvoir d’être un foyer du terrorisme. Situé au nord-est du Kenya, près de la frontière somalienne, il accueille quelque 211 000 réfugiés, à 94 % Somaliens. « A cause d’Al-Chabab, il y a ce préjugé que les Somaliens sont les auteurs des attaques terroristes, observe Yunia Atieno, de l’association Kituo Cha Sheria, qui offre du conseil juridique, notamment aux réfugiés. Or les terroristes peuvent venir de partout. Il y a aussi des Kényans impliqués dans les attentats. » Le cerveau de l’attentat du Dusit, Ali Salim Gichunge, venait ainsi d’une famille de soldats kényans au patronyme kikuyu, la première communauté du pays. Lire aussi A Garissa, la sidération après le massacre des étudiants Quoi qu’il en soit, l’annonce de la fermeture fut reprise partout au Kenya, et à travers le monde. Mais six mois plus tard, rien n’a bougé ou presque sur ce chantier colossal. Ouvert il y a près de trente ans, Dadaab, qui en population côtoie les grandes villes kényanes, compte nombre d’écoles, d’entreprises, d’échoppes… Sur le terrain, les programmes humanitaires suivent leur cours, tandis qu’à Nairobi les organisations impliquées à Dadaab répondent toutes, un peu perplexes, attendre plus de détails. « Il y a une grande incertitude », glisse une source au fait du dossier. « Il ne se passe pas grand-chose. Peut-être que nous n’en entendrons plus jamais vraiment reparler. » Contactées, les autorités n’ont pas donné suite à nos demandes d’interview. « Trois options pour les réfugiés » Après l’attaque de l’université de Garissa, rappelle Yunia Atieno, « une directive officielle avait été publiée en mai pour une fermeture en novembre 2016. C’est sur cette base légale que nous avions pu aller devant la justice. » Kituo Cha Sheria et d’autres associations, soutenues par Amnesty International, avaient attaqué la décision de fermer le camp, finalement bloquée par la Haute Cour de justice en février 2017, en raison notamment des obligations du Kenya, signataire des conventions internationales sur la protection des réfugiés. « Ce fut un jugement très fort, se souvient Victor Nyamori, en charge du dossier au bureau local d’Amnesty International. Le gouvernement avait annoncé qu’il ferait appel, mais il ne l’a jamais fait. » Une jurisprudence qui explique certainement la discrétion des autorités, car chacun sait bien que le contexte n’a pas changé. Le gouvernement fait aussi face à d’autres défis. « Il n’existe que trois options pour les réfugiés, et la première est le retour volontaire », détaille Yvonne Ndege, porte-parole du HCR au Kenya. Un programme existe déjà en ce sens depuis 2014. Dans ce cadre, quelque 80 000 Somaliens sont repartis. Or, non seulement certains sont revenus, mais le « vivier » des candidats au retour s’est épuisé, estime Neil Turner, directeur local du Norvegian Refugee Council (NRC), qui opère dans le camp : « Aujourd’hui, la majorité des gens ne veulent pas rentrer, notamment parmi ceux qui sont nés à Dadaab. Ceux qui l’ont fait appartenaient principalement à une vague de réfugiés venus en 2010-2011. Ils avaient des liens plus étroits avec la Somalie. » « La deuxième option est le transfert dans un autre camp, poursuit Yvonne Ndege, du HCR. Nous sommes actuellement en discussion avec le gouvernement pour étudier la réinstallation d’environ 5 000 personnes au camp de Kakuma. » Ce transfert vers l’autre camp kényan, accueillant déjà 180 000 personnes à l’autre bout du pays, apparaît comme l’unique initiative concrète en cours. Or, non seulement elle ne réglera pas le sort de la grande majorité, mais elle se destine principalement selon nos sources aux 6 % de réfugiés non-Somaliens. Présence de citoyens kényans dans le camp « La troisième option, c’est l’accueil dans les pays tiers. Or les Etats-Unis sont historiquement le premier pays d’accueil pour les réfugiés et ce débouché est bloqué pour les Somaliens depuis le “muslim ban” [décision de Donald Trump d’interdire le territoire aux ressortissants de certains pays musulmans] », souligne Yvonne Ndege, ajoutant que le HCR démarche actuellement d’autres pays comme le Canada ou l’Australie. « Mais dans tous les cas, l’accueil est un processus qui prend deux à sept ans », précise-t-elle. Face à cette situation inextricable, le HCR et d’autres organisations comme le NRC plaident pour développer une approche nouvelle : l’intégration. Puisque les réfugiés n’ont nulle part où aller et que Dadaab, qui n’est pas clôturé mais très isolé, est déjà une ville générant sa propre économie, pourquoi ne pas ouvrir ses portes, même symboliquement, disent-ils. « Nous disons au gouvernement (…) : “Prenez cela comme une opportunité pour explorer l’intégration”, insiste Neil Turner, du NRC. Les gens veulent majoritairement rester. Donc une partie de la solution est de leur donner des papiers, un accès à une vie normale, à une activité, et de réduire les restrictions [ils ne peuvent se déplacer sans autorisation]. » Lire aussi Au Kenya, la sécheresse et la faim frappent le nord du pays Une démarche qui, au passage, obligerait à régler un quasi-tabou : la présence de citoyens kényans dans le camp. Ils pourraient être plusieurs dizaines de milliers, selon des estimations, informelles et très incertaines. Des enfants nés sur place qui pourraient obtenir la nationalité, mais aussi des « Kényans somalis » (l’une des communautés kényanes) qui ont un jour abandonné leurs papiers pour accéder, dans cette région très pauvre, au statut de réfugiés, et donc à la nourriture, aux médicaments, à l’éducation… Les comptabiliser pourrait « peut-être changer complètement la donne » sur l’avenir de Dadaab, estime une source. Mais la décision s’avère éminemment politique dans un pays où les rivalités communautaires sont fortes. Et où une élection présidentielle avec d’énormes enjeux s’annonce en 2022.
Peu après l’attentat meurtrier du complexe hôtelier Dusit en janvier, la fermeture du camp avait été annoncée pour mi-août. Rien, ou presque, n’a été fait.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/21/au-kenya-le-gigantesque-camp-de-refugies-de-dadaab-est-loin-d-avoir-ferme-ses-portes_5501385_3212.html
mlsum-fr-4735
L’Allianz Riviera, enceinte de l’OGC Nice. PORCU FRED / PRESSE SPORTS L’excentricité est un trait de caractère que l’on accorde volontiers aux sujets britanniques. L’insularité ? L’héritage de la Réforme ? Les Anglais aiment autant l’originalité que la tradition et détestent qu’on leur dise quoi penser. Ils sont un peu le cousin bizarre des Français, celui que l’on jalouse en secret, dont on ne peut se passer mais qu’on évite d’inviter trop souvent à sa table. Boris Johnson en est le prototype parfait, le gars que l’on adore détester. Jim Ratcliffe, l’un de ses solides soutiens dans le monde des affaires, cultive le même sens de la provocation. Il a tout pour hérisser le Gaulois rouspéteur. Il est immensément riche, près de 20 milliards d’euros de fortune personnelle, il est un farouche partisan du Brexit, il adore les yachts de luxe et les jets privés et est un professionnel de l’évasion fiscale. Pour sa société, délocalisée un temps en Suisse, comme pour lui, qui proclame son amour pour son pays et prépare son exil fiscal à Monaco. Mais voilà, il adore la France. Le bad guy s’invite dans la Riviera. Il l’a encore prouvé ce lundi 26 août en investissant près de 100 millions d’euros (estimation non officielle) dans le rachat du club de football OGC Nice. Cela fait presque un an qu’il tourne autour de l’équipe-phare de la cité des Anges, actuellement propriété d’un financier sino-américain nommé Chien Lee. Sans mettre le bazar dans le club, M. Lee n’y a pas fait grand-chose et son départ était souhaité, y compris par sa direction. Le nouveau propriétaire, qui promet de faire de l’équipe l’un des piliers de la Ligue 1 et des compétitions européennes, est donc accueilli à bras ouverts. Un chimiste devenu financier Mais ce n’est pas la seule preuve d’amour pour la France de Sir James Arthur Ratcliffe. Il a ainsi donné 17 millions d’euros au club des sports de Courchevel où skie sa fille et il possède l’une des plus belles villas de l’impasse Fiorentina tout au bout de la très exclusive péninsule du cap Ferrat. Sans compter son amour pour le vélo qui lui a fait racheter l’équipe Sky, rebaptisée du nom de son entreprise, Ineos, et qui a remporté le dernier Tour de France au guidon du Colombien Egan Bernal. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Tour de France 2019 : Ineos, une confiance à toute épreuve La fortune de M. Ratcliffe n’est pas très ancienne. Elle date de 1998, quand ce chimiste devenu financier et directeur d’un fonds d’investissement décide de se mettre à son compte en rachetant les actifs délaissés des grands groupes pétroliers à travers l’Europe. Son coup de maître sera l’acquisition des activités de raffinage et de pétrochimie de BP. Beaucoup se sont cassé les dents dans ce genre de sport extrême où l’on manie l’endettement à haute dose. Pas lui. Il est la preuve que si la théorie du ruissellement qui voudrait que l’argent des milliardaires irrigue le reste de l’économie n’existe pas, c’est bien elle qui fait tourner la planète du sport. Une autre raison pour les Français d’envier et de détester ces excentriques britanniques.
Le club de foot de Nice a été racheté par le milliardaire britannique Jim Ratcliffe. Une nouvelle raison pour les Français d’envier et de détester ces excentriques britanniques fanas de la France et des paradis fiscaux, nous explique Philippe Escande, éditorialiste économique du « Monde ».
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/27/ogc-nice-un-bad-guy-s-invite-dans-la-riviera_5503273_3234.html
mlsum-fr-4736
AGATHE DAHYOT Personne ne s’est étonné que le ministre de l’éducation réserve son déplacement de rentrée, lundi 2 septembre, à une école de l’éducation prioritaire pour visiter des classes de CP et de CE1 dédoublées. Ni même qu’il soit accompagné, pour l’occasion, à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), par le chef du gouvernement. Il fallait au moins ça pour symboliser la place prise par les dédoublements de classe dans le paysage éducatif et politique. En trois rentrées, les « classes à douze », promesse de campagne du candidat Macron, sont devenues la référence en matière de politique d’égalité des chances. La « mesure sociale » par excellence. Leur déploiement arrive « à maturité », selon la formule de Jean-Michel Blanquer : 300 000 élèves en bénéficient aujourd’hui, soit 20 % d’une classe d’âge. Quelque 10 800 classes de CP et de CE1 ont été créées, en deux années scolaires. La « montée en puissance » a été rapide, reconnaissent tous les observateurs de l’école. Partout ? A quelques dizaines de kilomètres à vol d’oiseau de l’école Toussaint-Louverture où a eu lieu le déplacement officiel, l’étape de la généralisation n’est pas tout à fait atteinte : il manque 10 % des classes à dédoubler en Seine-Saint-Denis, a reconnu Daniel Auverlot, le recteur de l’académie de Créteil, le 29 août, lors d’une conférence de presse. Cela concerne des classes de CE1 des réseaux d’éducation prioritaire (REP), et « uniquement des endroits où il n’y a pas de possibilités physiques de dédoubler », a précisé le recteur. Du point de vue statistique, cela pèse peu. Mais, symboliquement, ça pose question : la Seine-Saint-Denis, avec ses quatre-vingts réseaux d’éducation prioritaire, est le cœur de cible du dispositif. Sa démographie scolaire est à la hausse. Les inégalités de traitement y sont dénoncées comme criantes. « Le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis », peut-on lire dans le rapport parlementaire qui, en mai 2018, a offert une photographie des services publics dans ce département. Le ministère a beau avoir nuancé l’affirmation – en défendant un bilan positif en termes de création d’emplois –, la petite phrase a laissé des traces dans les salles des professeurs. Problèmes de locaux « Et nous, alors ? », s’interroge-t-on dans les écoles où les dédoublements coincent. « Il faut être pragmatique, j’ai de la place pour dédoubler mes CP, mais pas pour le niveau d’après », témoigne, sous le couvert de l’anonymat, la directrice de l’une d’entre elles. Ce problème de locaux n’est pas nouveau : bon nombre d’écoles y ont été confrontées dès la rentrée 2017. Certaines ont divisé les classes en deux, à l’aide de cloisons. D’autres se sont délocalisées dans des bâtiments provisoires. D’autres, encore, placent deux professeurs face à vingt-quatre élèves, plutôt qu’un seul face à douze. Un « pis-aller », disent les enseignants.
Les défis de l’école 5/5 : la mesure phare de Macron arrive « à maturité », selon Jean-Michel Blanquer. Est-ce assez ?
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/06/les-cp-et-ce1-a-douze-eleves-vont-ils-permettre-de-reduire-les-inegalites-de-l-ecole-francaise_5506974_3224.html
mlsum-fr-4737
« En pratique, on peut rédiger son testament à n’importe quel âge. Il suffit de l’écrire à la main sur une feuille de papier, de le dater et de le signer. » Valeriy Kachaev/Panther Media / GraphicObsession En France, près de neuf successions sur dix se font sans testament. Pourtant, cet acte s’avère très efficace si l’on veut préparer sa transmission. « Sans testament, c’est la loi qui détermine l’ordre des héritiers et donc la répartition des biens du défunt entre son conjoint et ses enfants ou entre ses parents et ses frères et sœurs en l’absence de descendants », explique Boris Vienne, notaire à Cornebarrieu (Haute-Garonne). Etablir son testament permet de favoriser un enfant, un conjoint ou un proche qui n’a pas vocation à hériter. « Il offre une grande liberté et permet de tout organiser ou presque, à condition de respecter les règles du code civil », avertit Boris Vienne. Si l’on a des enfants, impossible donc d’empiéter sur leur part de réserve héréditaire. Une part de la succession doit obligatoirement leur revenir (plus ou moins importante selon le nombre d’enfants). Mais, l’autre part, appelée la quotité disponible, peut être attribuée librement. Un testament donne, par exemple, la possibilité de léguer un meuble ou un bien à la personne de son choix ou de désigner celle qui prendra soin de ses enfants mineurs en cas d’accident. Les pacsés doivent en rédiger un Il permet aussi d’améliorer la protection de son conjoint. « Avec un testament, l’époux survivant peut choisir les biens dont il a besoin dans la succession afin de subvenir à ses besoins, grâce au mécanisme du cantonnement. Ce qui n’est pas possible lorsqu’il hérite en vertu de la loi », explique Cécile Daveze, notaire à Toulouse (Haute-Garonne). Un couple pacsé, quant à lui, doit impérativement y avoir recours s’il souhaite que son partenaire survivant soit exonéré de droits de succession. « Depuis 2007, les couples pacsés bénéficient des mêmes exonérations fiscales en matière de succession que les couples mariés mais ils n’héritent pas automatiquement l’un de l’autre. Pour y remédier, ils doivent donc rédiger leur testament pour se transmettre des biens sans impôt », rappelle Cécile Daveze. En pratique, on peut rédiger son testament à n’importe quel âge. Il suffit de l’écrire à la main sur une feuille de papier, de le dater et de le signer. Il s’agit d’un testament dit « olographe », le plus fréquent. Si les tribunaux acceptent les formes les plus insolites (comme les dernières volontés rédigées sur une carte postale ou sur un mur), enregistrer son testament par vidéo, par mail ou SMS n’est pas encore autorisé. Il ne peut pas non plus être dicté à une autre personne sous peine de nullité. Pour éviter toute remise en cause, il faut le rédiger de la façon la plus claire possible en précisant quel bien on souhaite léguer et en identifiant les différents légataires (nom, prénom, date de naissance…). Gare aussi aux formules types que l’on peut trouver sur Internet qui ne sont pas toujours adaptées à sa situation familiale et patrimoniale. Mentionner son existence Une fois écrit, reste à savoir où le conserver. Caché, il risque de ne servir à rien. « Nous recommandons de signaler sa présence à sa famille ou à une personne de confiance », précise Boris Vienne. Il peut aussi être confié à un notaire afin qu’il mentionne son existence au fichier central des dispositions de dernières volontés (pour un coût d’une trentaine d’euros). Afin d’éviter les erreurs, le testament peut aussi être rédigé par un notaire en présence de deux témoins ou d’un autre notaire (le testament est alors « authentique »). Son coût s’élève à environ 200 euros mais sa validité juridique ne peut pas être contestée. « C’est la seule forme possible lorsque l’on veut reconnaître un enfant naturel ou lorsque l’on souhaite retirer à son conjoint les droits d’habitation sur la résidence principale par exemple », précise Cécile Daveze. Lorsque l’on vit ou que l’on possède des biens à l’étranger, il est conseillé de rédiger un testament international écrit en plusieurs langues. Quelle que soit sa forme, il reste possible de modifier son testament ou même de l’annuler si l’on change d’avis. Il est toutefois nécessaire d’en rédiger un nouveau en cas de modification importante. Si les changements sont minimes, en revanche, il suffit d’ajouter un document complémentaire dans les mêmes conditions que le testament initial (écrit à la main, daté et signé).
Les Français y ont peu recours. Il reste pourtant l’un des outils les plus efficaces pour organiser la transmission de son patrimoine
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/07/15/pourquoi-et-comment-rediger-son-testament_5489463_1657007.html
mlsum-fr-4738
Donald Trump, lors de sa visite à bord du USS Wasp, à Yokosuka (Japon), le 28 mai. EVAN VUCCI / AP Entre nous, question porte-avions, vous êtes plutôt catapultage vapeur, ou catapultage électromagnétique ? C’est juste pour savoir. Et pour vous dire que Donald Trump, lui, préfère vraiment la vapeur. Au cas où. Si vous le croisiez. Le président des Etats-Unis l’a répété, le 28 mai, sur la base de Yokosuka, au Japon, à l’occasion d’une visite à la Navy américaine qui a, elle, décidé d’opter pour la technologie électromagnétique – c’était avant qu’il n’arrive à la Maison Blanche –, ce qui le chagrine manifestement. Chacun sait bien qu’un président des Etats-Unis chagrin ne vaut rien de bon pour la marche du monde. C’est pour cette raison que la Maison Blanche avait demandé à la Navy de se débrouiller pour que le nom du destroyer USS John McCain, qui était à quai à Yokosuka, n’écorche pas ce jour-là les yeux de Donald Trump. Le président a détesté et déteste toujours celui qui fut sénateur de l’Arizona jusqu’à son décès en 2018. Un ancien marin comme son père John McCain Sr. – auquel le navire rendait pareillement hommage –, et qui a été le parfait contraire de Donald Trump : altruiste, héros de guerre, conservateur se refusant à dénigrer ou à ridiculiser ses adversaires. Des personnes « bien attentionnées » Une bâche fut donc installée pour escamoter le patronyme. Et comme il figurait aussi sur l’uniforme des hommes du bâtiment, ces derniers furent priés d’aller voir ailleurs. L’affaire révélée par le Wall Street Journal a mis en branle une défausse systémique, chacun, à commencer par le président des Etats-Unis, assurant qu’il n’y était pour rien et qu’il n’avait rien demandé. Donald Trump a cependant absous les responsables restés anonymes ; il a assuré, le 30 mai, qu’il s’agissait de personnes « bien attentionnées » avant de décocher un nouveau coup pied en direction de la pierre tombale du disparu. Cet empressement à anticiper les réactions du président est le nouveau témoignage d’une efficace mise au pas. Tout comme la réaction effarouchée des républicains du Congrès face au rapport du procureur spécial Robert Mueller sur l’enquête « russe », qui n’est pas tendre avec le président. Au point qu’un groupe de conservateurs attaché « à l’Etat de droit » a prévu jeudi de remettre en main propre à chacun de ces élus particulièrement avides de ne rien savoir un exemplaire où les passages les plus significatifs auront été surlignés au préalable. Choisir son camp Le camp des Never-Trump a beau avoir été rapidement investi puis soumis après la victoire de l’homme d’affaires, aucune dissidence n’est désormais tolérée.
Alors que des républicains renoncent à défier le président dans d’éventuelles primaires, aucune dissidence ne semble plus tolérée au sein du « Grand Old Party ».
https://www.lemonde.fr/chroniques-de-la-presidence-trump/article/2019/06/02/president-trump-an-iii-la-mise-au-pas-du-camp-conservateur_5470411_5077160.html
mlsum-fr-4739
Des cristaux de vanadium. YASUYOSHI CHIBA / AFP En cotte de travail, Mads Persson, agriculteur dans le comté d’Österlen, dans le sud-est de la Suède, montre ses terres. Cent hectares, où il cultive du fourrage pour ses vaches. La ferme est dans sa famille depuis trois générations. Or voilà qu’en plus de la sécheresse de l’année 2018, des contraintes financières et bureaucratiques qui s’accumulent, il doit maintenant gérer la perspective de forages dans ses champs. « Ça commence à faire beaucoup », lâche le solide gaillard, d’une voix légèrement tremblante. Comme 4 000 autres foyers dans la région, Mads Persson a reçu un courrier, en juin 2018, qui l’informait qu’une société britannique avait déposé un dossier pour obtenir un permis d’exploration du vanadium dans la région. L’agriculteur avoue ne pas y avoir prêté attention, avant de recevoir un coup de téléphone à l’automne. La compagnie venait d’obtenir le feu vert des autorités suédoises et souhaitait percer des trous dans ses champs. Produit à 55 % par la Chine, le vanadium est un métal rare, principalement employé dans les alliages pour la fabrication d’acier à haute résistance, destiné au secteur de la construction. Depuis quelques années, il est aussi utilisé dans la conception d’une nouvelle génération de batteries hyperpuissantes à la longévité exceptionnelle. C’est ce secteur que vise la société ScandiVanadium, créée au Royaume-Uni en mars 2018. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La grande bataille des métaux rares « Gisement unique » Un de ses cofondateurs, le géologue britannique David Minchin, a compilé des dizaines d’études géologiques réalisées dans le comté d’Österlen depuis les années 1940. Et il est convaincu d’avoir découvert « un gisement unique à l’échelle mondiale, qui pourrait potentiellement résoudre la question du stockage de l’énergie et la transition écologique ». En quelques mois, la compagnie a décroché onze permis d’exploration, couvrant au total 22 000 hectares, dans le sud-est de la Suède. Les terres d’une dizaine d’agriculteurs sont concernées. David Minchin assure que l’impact des forages sera minimal. Chaque propriétaire obtiendra une compensation à hauteur de 6 000 couronnes (557 euros) par trou, et les dommages éventuels seront couverts au triple de leur coût. « C’est plus généreux que ce que prévoit la loi sans pouvoir être apparenté à un pot-de-vin », commente David Minchin. Pour tenter de convaincre les récalcitrants, le géologue met en avant son « engagement pour l’environnement ». Il affirme que la mine, placée à l’endroit le plus intéressant pour extraire le métal, sera d’une « propreté exemplaire ». Et assène l’argument censé balayer les dernières hésitations : « Le GIEC dit que, si nous voulons atteindre l’objectif des deux degrés, 85 % de l’énergie devra être produite à partir de sources renouvelables d’ici 2050. Nous aurons besoin de la stocker, et le vanadium est la meilleure technique. »
Un bras de fer est engagé entre les habitants du comté d’Österlen et une compagnie britannique qui a obtenu un permis d’exploration d’un métal rare, employé dans la construction et les batteries.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/08/06/en-suede-la-population-veut-laisser-le-vanadium-sous-terre_5496963_3244.html
mlsum-fr-4740
Nancy Pelosi interpelle Donald Trump lors d’une réunion sur la situation en Syrie, le 16 octobre. Image diffusée par la Maison Blanche. SHEALAH CRAIGHEAD / THE WHITE HOUSE / VIA REUTERS Passé le millième jour de Maison Blanche, la présidence Trump est celle d’un seul homme, sans aucun filtre. Un spectacle dans lequel on interpelle par courrier un président turc à la veille de l’invasion du nord de la Syrie comme avant une algarade dans un bar : « Ne joue pas au dur, ne fais pas l’idiot. » Avec cependant le ton, qui n’échappe à personne, de celui qui décampera dès les premiers horions. Un récit désordonné, chaotique en diable. Tragicomique lorsque ce conflit sanglant qui oppose Kurdes et Turcs est également schématisé en une bagarre de cour de récréation entre « deux gosses » qu’il faut bien parfois séparer, même si dans ce cas précis l’un des deux humilie l’arbitre supposé, la première puissance militaire du monde, et que le président de cette dernière s’en déclare extrêmement satisfait. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La guerre en Syrie, miroir de la présidence de Donald Trump Parfois, ce récit bute sur un obstacle. Mardi soir 15 octobre, Donald Trump reçoit les parents d’un jeune Britannique tué fin août sur la route par l’épouse d’un diplomate américain qui a profité de son immunité pour regagner précipitamment les Etats-Unis. Le président a eu l’idée de convoquer en même temps la responsable de l’accident mortel qui patiente dans une pièce contiguë, sans que ses visiteurs n’en soient avertis. Puis il leur propose brusquement une rencontre, que des caméras sont sans doute prêtes à immortaliser. Il insiste. Les parents endeuillés refusent. Donald Trump le regrette un peu plus tard en se défaussant sur le premier ministre Boris Johnson auquel il attribue la paternité du projet, et en déplorant cette façon de conduire à gauche, au Royaume-Uni, qui ne facilite tout de même pas les choses. Il renonce à accueillir le G7 dans son golf en Floride L’enfermement du président dans son personnage de Donald Trump le prive pareillement de la distance nécessaire lorsqu’il partage mercredi sur son compte Twitter une photo magistrale prise le même jour lors d’un nouveau face-à-face tendu avec sa meilleure adversaire Nancy Pelosi, la speaker démocrate de la Chambre. La femme politique la plus puissante des Etats-Unis se tient debout, le bras droit à demi tendu, face à un président sur la défensive, assis de l’autre côté d’une longue table de travail. Lire aussi Procédure de destitution : un nouveau témoignage embarrassant pour Donald Trump A l’exception d’une assistante probablement démocrate, installée derrière elle, Nancy Pelosi est la seule femme à l’image. Elle est entourée d’hommes mûrs, le cheveu souvent blanc, parfois un peu empâtés, dont certains baissent la tête. « Pétage de plomb », clame triomphalement Donald Trump en légende de la photo alors qu’elle met au contraire en exergue un leadership qui n’est pas le sien.
L’hôte de la Maison Blanche n’a plus aucun filtre, avec pour résultat une présidence toujours plus chaotique, si cela était possible. Samedi, il a renoncé à héberger le G7 dans son golf de Floride.
https://www.lemonde.fr/chroniques-de-la-presidence-trump/article/2019/10/20/president-trump-an-iii-l-homme-spectacle_6016207_5077160.html
mlsum-fr-4741
Chronique. D’un côté, la vieille culture persane du bazar. De l’autre, celle d’un promoteur immobilier new-yorkais, héritier paresseux de la fortune de son père. Dans ce face-à-face, il n’est pas sûr que le vainqueur soit celui qui s’autoproclame volontiers le « roi de la négociation ». Entre Ali Khamenei, le Guide de la République islamique d’Iran, et Donald Trump, la partie qui se joue en ce moment, sur fond de bruits de bottes et de pétroliers endommagés en mer d’Oman, peut déboucher sur la guerre – c’est-à-dire exactement là où le président américain s’était juré, et avait promis à son électorat, de ne pas s’aventurer. Dans le sillage de Barack Obama, une des ambitions affichées de la politique étrangère trumpiste est d’extraire les Etats-Unis des guerres moyen-orientales qui les minent depuis le début du siècle. « L’Amérique d’abord » suppose de se sortir des pièges et des mirages des rives brumeuses du golfe Arabo-Persique. Et pour comprendre la confrontation actuelle entre Washington et Téhéran, il faut partir de cette hypothèse : Trump, tout fier-à-bras et fort en gueule qu’il soit, ne veut sans doute pas la guerre. Seulement voilà, sa politique iranienne pourrait bien l’y conduire – tout droit. Ce n’est pas seulement parce que son secrétaire d’Etat, Michael Pompeo, et son conseiller pour la sécurité, John Bolton, sont des faucons sur le front iranien et n’ont jamais caché qu’ils souhaitaient un changement de régime à Téhéran. C’est aussi parce que Trump, bouffi de confiance en ses capacités de négociateur, a du mal à imaginer qu’il peut, en la matière, rencontrer plus fort que lui. Faire plier Ali Khamenei Sa tactique, qui a déjà échoué face à la Corée du Nord, consiste à intimider, menacer, demander le maximum à la partie adverse et promettre « le feu et la fureur » s’il n’obtient pas satisfaction. Beaucoup de gesticulations, peu de négociations – ce qui évite d’avoir à maîtriser les détails du dossier. Adoptant la bible du parti républicain, mais aussi pour le seul plaisir de défaire l’un des piliers de l’héritage d’Obama, Trump a dénoncé en 2018 l’accord sur le contrôle du programme nucléaire iranien conclu le 14 juillet 2015 à Vienne – signé par la République islamique d’un côté et, de l’autre, par la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Russie et l’Allemagne. L’accord place sous contrôle international et dans un carcan de limitations diverses un programme qui, en violation des obligations internationales de l’Iran, conduisait la République islamique à être en mesure de se doter de l’arme nucléaire. Le document de Vienne n’est pas parfait, mais il a arrêté, pour un temps au moins, la course au nucléaire militaire que l’Iran était en passe de gagner. En contrepartie de l’encadrement de ses activités nucléaires, le régime iranien a obtenu la levée de la plupart des sanctions économiques dont il était l’objet.
Il use de trop de pression et de pas assez de diplomatie pour contraindre le Guide de la République islamique à renégocier l’accord sur le nucléaire iranien.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/20/face-a-l-iran-trump-s-est-mis-en-situation-de-perdre-la-face-ou-de-devoir-repliquer-par-les-armes_5478912_3232.html
mlsum-fr-4742
Dans une usine de traitement de nickel en Indonésie, en 2012. Yusuf Ahmad / REUTERS Un siège social en Suisse et une adresse chic : Baarerstrasse 8, à Zoug, l’un des cantons les plus riches du pays, connu pour sa fiscalité attractive envers les multinationales et sa douceur de vivre au bord du lac. Sur le papier, Solway Investment Group, le propriétaire de la mine de nickel au Guatemala sur laquelle Le Monde a enquêté avec ses partenaires de Forbidden Stories, est une multinationale de droit suisse parfaitement transparente. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Guatemala, les morts du lac Izabal Centré sur « les mines et les métaux » et désormais l’un des plus gros producteurs privés de nickel, le groupe appartient à la famille Bronstein. Le père, Aleksandr, un Estonien né dans l’ex-URSS et devenu multimillionnaire, a fondé l’entreprise en 2002. Il a racheté le portefeuille d’aluminium d’entreprises métallurgiques russes, avant de se recentrer sur le nickel et le ferronickel, un alliage vendu aux aciéries pour fabriquer l’« inox », cet acier inoxydable utilisé dans l’automobile, la santé, la cuisine ou la tuyauterie d’usine. Son fils Daniel, un ancien banquier formé au Royaume-Uni dans le négoce des métaux et doté de la nationalité allemande, dirige désormais Solway. Sur son site Internet, la multinationale met en avant les droits humains et la santé des populations partout où elle exploite des mines : Guatemala, Ukraine, Russie, Macédoine, Philippines et Indonésie. « Solway s’engage à respecter les normes les plus élevées en matière de santé et de sécurité, de protection de l’environnement et de durabilité, est-il écrit. Nous nous mobilisons pour redonner vie à des projets, mais aussi aux communautés locales. » De graves dommages à l’environnement Pourtant, l’enquête conduite par Forbidden Stories prouve que le groupe minier a causé de graves dommages à l’environnement au Guatemala et qu’il a, de surcroît, soigneusement organisé son opacité. Solway, en effet, n’a de suisse que la façade – son siège social n’emploie que neuf personnes. Son empire est ailleurs, dans des paradis fiscaux qui ont l’avantage de réduire ses impôts, mais surtout de garder secrètes l’identité des actionnaires et la nature des contrats. Ainsi, le groupe est contrôlé par un trust familial, sorte de fondation secrète gérée par un fondé de pouvoir. L’armature du groupe est offshore, dans des paradis fiscaux où Solway a immatriculé des dizaines de sociétés : Malte, où elle a basé sa holding de tête, mais aussi Chypre et, plus loin dans les Caraïbes, les îles Vierges britanniques, Saint-Vincent et les Grenadines. Cet essaim de sociétés chapeaute ses filiales opérationnelles guatémaltèque, ukrainienne, russe…
Le géant du nickel a recours à des paradis fiscaux pour réduire ses impôts et garder secrètes l’identité de ses actionnaires et la nature de ses contrats.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/20/de-la-suisse-au-guatemala-l-opacite-organisee-du-groupe-minier-solway_5479336_3210.html
mlsum-fr-4743
« Nombreuses sont aujourd’hui les institutions financières à vouloir “verdir” les placements et/ou les crédits qui figurent dans leur bilan. » Ingram / Photononstop Tribune. La Commission européenne a publié le 18 juin une proposition de « référentiel d’activités durables » pour permettre aux investisseurs et aux entreprises d’identifier les secteurs qui génèrent des bénéfices environnementaux, c’est-à-dire qui contribuent significativement à la lutte contre le changement climatique sans pour autant provoquer des dommages collatéraux. Lesdites activités durables sont divisées en trois catégories : celles déjà compatibles avec un objectif de neutralité carbone à 2050, celles qui pourraient le devenir et, enfin, celles qui contribuent aux résultats des deux autres catégories. Nombreuses sont en effet aujourd’hui les institutions financières à vouloir « verdir » les placements et/ou les crédits qui figurent dans leur bilan. Le Crédit agricole vient ainsi de s’engager à réduire à zéro l’exposition de ses portefeuilles de financement et d’investissement au charbon thermique d’ici 2030 dans les pays européens et de l’OCDE, d’ici 2040 en Chine, et d’ici 2050 dans le reste du monde. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’industrie financière doit s’engager à prévenir la menace d’une prochaine grande crise écologique et sociale » Pour ce faire, la banque « verte » s’est engagée à ne pas développer de relation commerciale avec les entreprises tirant plus de 25 % de leur chiffre d’affaires du charbon, sauf avec celles qui ont publié ou prévoient de publier avant 2021 un plan de retrait des actifs charbon thermique, et qui veulent financer des projets d’énergie renouvelable ou de réduction de gaz à effet de serre. Plus globalement, la banque a mis en place un « Green Liquidity Factor », c’est-à-dire un mécanisme améliorant, en interne, les conditions de refinancement des prêts aux activités durables. Réelle prise de conscience La finance internationale rejoindrait-elle les rangs des « fondamentalistes », qui, au sein du mouvement écologiste, s’opposent aux « réalistes » ? A priori non, mais depuis le discours prononcé en 2015 aux Lloyds par Mark Carney, le gouverneur de la Banque d’Angleterre, les grands établissements ont pris conscience de la menace sans précédent que le changement climatique fait peser sur l’économie mondiale. Sur le plan financier, certaines contreparties vont voir leur valeur s’effondrer du fait d’une transition abrupte vers une économie bas carbone. Sur le plan environnemental, de nombreux agents économiques (particuliers, entreprises, administrations) vont subir des pertes physiques causées par la répétition des phénomènes extrêmes. Sur le plan social, d’autres vont faire l’objet de recours en justice, dans la mesure où ils vont être jugés responsables de tout ou partie des dommages occasionnés. Le 15 juin, les grands investisseurs mondiaux regroupés dans le Carbone Disclosure Project ont en conséquence publié une liste d’entreprises ne donnant pas assez d’informations sur leur rôle en matière de climat, de préservation de l’eau et de déforestation.
L’ampleur des risques contraint les professionnels de la finance à adopter un nouveau cadre de réflexion éthique arbitrant entre intérêt individuel et bien commun, observe dans une tribune au « Monde » l’ancien banquier Jérôme Courcier.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/09/les-grands-etablissements-financiers-ont-pris-conscience-de-la-menace-sans-precedent-que-le-changement-climatique-fait-peser_5487166_3232.html
mlsum-fr-4744
Le président russe, Vladimir Poutine (à droite), et le prince saoudien Mohammed Ben Salman, au sommet du G20, à Osaka au Japon, samedi 29 juin. YURI KADOBNOV / AFP Vladimir Poutine aime bien avoir la maîtrise du temps. Vendredi 28 juin, le président russe a lui-même annoncé, en marge du G20 à Osaka, que l’Arabie saoudite et la Russie avaient trouvé un accord pour prolonger leur accord de réduction de la production de pétrole. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les guerres de Trump affolent le marché du pétrole Une annonce intervenue alors que le sommet de l’OPEP, qui a eu lieu lundi 1er et mardi 2 juillet à Vienne, en Autriche, était loin d’avoir débuté. En grillant la politesse au cartel pétrolier, Vladimir Poutine affiche clairement la couleur : la Russie est devenue la boussole de l’OPEP. En 2016, le cartel pétrolier et Moscou s’étaient rapprochés pour faire face à l’émergence de la concurrence américaine et à la chute vertigineuse du cours du baril, descendu jusqu’à 28 dollars. L’Arabie saoudite, qui dirige de fait l’OPEP, négocie avec Moscou des réductions conjointes de la production. Le ministre russe de l’énergie, Alexander Novak, emmène derrière lui neuf autres pays non membres du cartel, qui se joignent aux efforts collectifs. Peu d’observateurs croient alors aux effets réels de cette « déclaration de Vienne » de 2016, qui réunit des pays représentant plus de 50 % de la production pétrolière mondiale. Ces concurrents arriveront-ils à s’entendre ? A la surprise générale, Russes et Saoudiens tiennent leurs engagements et convainquent leurs partenaires de faire de même. Un « OPEP + » Au fil des mois, la camaraderie entre les ministres saoudien et russe de l’énergie, Khalid Al-Falih et Alexander Novak, est soigneusement mise en scène. A chaque réunion commune, les deux partenaires se couvrent de cadeaux. Le nouveau partenariat est surnommé « OPEP + » et prend l’habitude de se réunir au lendemain de chaque réunion de l’OPEP. Mais la Russie joue un rôle de plus en plus important, ce dont s’est félicité Poutine, vendredi, dans un entretien au Financial Times, estimant que cette alliance permettait de « maintenir la stabilité du marché ». La réalité est plus crue : lors du sommet de décembre 2018, l’OPEP ne parvenait pas à se mettre d’accord sur les détails de son entente, et c’est le ministre russe de l’énergie qui a permis de trouver un accord entre les deux rivaux du cartel, les Saoudiens et les Iraniens. Six mois plus tard, c’est Poutine lui-même qui fixe l’agenda d’une réunion d’une organisation… dont la Russie ne fait pas officiellement partie. Helima Croft de RBC Capital note : « Le fait que le président russe lui-même annonce l’accord de l’OPEP est une vraie victoire politique. Cela place la Russie en position de chef d’orchestre. »
En annonçant le résultat du sommet du cartel pétrolier avant même la réunion, Vladimir Poutine illustre la domination de Moscou.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/02/comment-la-russie-a-pris-la-main-sur-l-opep_5484178_3234.html
mlsum-fr-4745
ivations. Alyson, 17 ans, veut intégrer la brigade des mineurs depuis qu’elle a vu le film Polisse. Simon, 19 ans, visionne sur YouTube tous les documentaires disponibles sur la brigade anticriminalité (BAC) de Lille. Ryan, 18 ans, ne lit que des romans policiers et se voit bien officier de l’unité d’élite du RAID. Sur la Grand-Place de Tourcoing (Nord), ces trois lycéens sont venus confronter leur envie de carrière au sein des forces de l’ordre aux témoignages d’une dizaine de fonctionnaires de police, installés pour une journée du mois de mai autour de la « boîte », un cube couvert d’écrans diffusant des vidéos promotionnelles de la police nationale. « Vous n’êtes pas encore entrés dans la boîte ? », s’enquiert une policière auprès de deux autres passants, prête à leur réciter le message de la campagne de communication annuelle : 3 500 postes de gardiens de la paix sont disponibles en 2019, et les inscriptions au concours viennent d’ouvrir. Avec 47 396 candidatures pour la seule formation de gardien de la paix en 2018 – les écoles d’officiers et de commissaires ont leur propre concours –, la police ne peine pourtant pas à séduire. Cours de sport à l'école de police de Sens (Yonne) avec la 252e promotion des gardiens de la paix, le 22 mai. KAMIL ZIHNIOGLU POUR « LE MONDE » Du point de vue de la direction générale de la police nationale, les profils manquent cependant de diversité : « La brigade financière serait ravie de voir des candidats qui s’y connaissent en assurance et les services spécialisés manquent de gardiens de la paix calés en informatique », explique par exemple une responsable de la communication de « la boîte ». L’accent est aussi mis sur la police technique et scientifique, qui peine à attirer malgré son image idéalisée, un temps reproduite dans la série Les Experts. « Je n’aime pas les conflits » Au-delà des références populaires, de nombreux candidats au concours de gardien de la paix interrogés par Le Monde peinent à expliquer précisément l’origine de leur vocation pour un métier réputé difficile, traversé par une vague de suicides d’une ampleur inédite depuis le début de l’année et mis en cause pour son utilisation de la force depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». « Cela fait depuis tout petit que je voulais être dans la police », raconte Jimmy, 23 ans, en recherche d’emploi après une formation d’équarrisseur. Amusé de ne pas réussir à détailler les raisons de sa « fascination » pour la profession, et notamment pour les CRS, il résume :
De leur inscription au concours d’entrée aux premiers mois de formation à l’école de police, des jeunes prêts à s’engager dans les forces de l’ordre confient au « Monde » leurs motivations.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/10/on-est-amene-a-rencontrer-la-misere-du-monde-les-futurs-gardiens-de-la-paix-face-a-leur-vocation-policiere_5474156_3224.html
mlsum-fr-4746
ssures. En avril 1968, Robert McNamara, ancien secrétaire américain à la défense, devient président de la Banque mondiale. Pour l’occasion, Stanley Johnson, haut gradé de l’institution basée à Washington DC, lui prépare un poisson d’avril, qu’il raconte encore, l’œil pétillant, cinquante ans plus tard. « Il y a un code de couleurs pour les propositions de prêts. Les dossiers complets, à soumettre au comité d’approbation, sont en gris. J’ai donc fait une proposition de couleur grise concernant un prêt de 100 millions de dollars à l’Egypte pour développer le tourisme. A l’intérieur, je suggérais de faire construire… trois pyramides supplémentaires. Et, dans les bénéfices indirects du projet, j’expliquais que l’armée égyptienne serait si occupée par leur construction que cela garantirait la paix au Moyen-Orient. » Surenchère dans l’absurde, Stanley Johnson précisait que le « retour sur investissement » de chaque pyramide serait « approximativement de 9,762 % ». Seul indice de la supercherie, sous des apparences très sérieuses : le dossier était daté du 1er avril. Le père de Boris Johnson, 79 ans, ne peut pas résister. S’il y a une blague à faire, rien ne l’arrête. Entre les Kennedy et les Kardashian Cette affaire a failli lui coûter son poste. Robert McNamara, qui avait d’abord discuté avec intérêt l’idée du prêt, n’avait guère goûté la plaisanterie une fois celle-ci comprise. Qu’à cela ne tienne, le Britannique a immédiatement rebondi, grâce à un partenaire de squash qui lui a décroché un emploi auprès de John Rockefeller III, alors l’homme le plus riche des Etats-Unis. Les Johnson dans les années 1970. De gauche à droite : Charlotte, Jo, Stanley, Rachel, Leo et Boris. DR Il faut rencontrer le père du nouveau premier ministre du Royaume-Uni, qui a pris ses fonctions fin juillet sur la promesse d’un Brexit dur, pour commencer à comprendre le fils. Tout y est, avec un quart de siècle de plus. La touffe de cheveux blonds devenus blancs en bataille, le nez pointu, l’incapacité à répondre directement à la moindre question, une pointe de noblesse oblige, dû à un nom de famille qui, derrière le commun « Johnson », est, dans sa version intégrale, « de Pfeffel Johnson », donc lointainement aristocrate. Et un besoin insatiable de faire un bon mot. Cette personnalité larger than life, ancien député européen, connue du grand public britannique, qui a passé une partie de son mois d’août à nager avec les requins au large de l’Australie, qui passe d’émissions de télé-réalité trash à de sérieuses discussions politiques, a un besoin primaire : être au centre de l’attention. On n’écrit pas deux autobiographies sans être un brin mégalo.
Dans la famille Johnson, il y a Boris, le premier ministre britannique, partisan du Brexit. Mais aussi trois frères et une sœur… opposés à la sortie de l’UE. Rassemblés autour de leur père, ils forment un clan d’ambitieux où la solidarité l’emporte sur les désaccords et les blessures.
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/08/23/boris-johnson-et-sa-famille-une-drole-de-dynastie_5501845_4500055.html
mlsum-fr-4747
L’entrée du Parlement flamand, à Bruxelles. LAURIE DIEFFEMBACQ / AFP Il dissertait, à l’hôtel de ville de Bruxelles, sur l’avenir de la Belgique et la nécessité de plus d’autonomie pour la Flandre, tout en présentant ses excuses pour avoir été contrôlé, à la suite d’un accident voici quelques jours, avec trois fois la quantité d’alcool autorisée dans le sang. C’est toutefois une autre affaire qui a emporté Kris Van Dijck, très éphémère président du Parlement flamand. Tandis qu’il s’adressait à l’Assemblée lors de la « fête de la communauté flamande » ce jeudi 11 juillet, les smartphones s’illuminaient et une rumeur enflait : Kris Van Dijck serait intervenu pour permettre à une call-girl, présentée comme sa maîtresse par un magazine, de bénéficier indûment d’avantages sociaux. « Escort Lynn » aurait eu droit à une couverture sociale, des indemnités de chômage et une prime liée à la fermeture d’une entreprise qui l’aurait recrutée sur recommandation, juste avant de faire faillite. Après son discours – qui restera donc son premier et dernier en tant que président du Parlement flamand –, Kris Van Dijck s’est discrètement éclipsé. Un peu plus tard, son parti, l’Alliance néoflamande (N-VA, nationaliste) a annoncé sa démission. L’élu devrait toutefois conserver son poste de député. Selon quelques sources, le député et maire de Dessel, dans la province d’Anvers, aurait indiqué qu’il n’avait « rien commis d’illégal » et que les faits évoqués étaient « incorrects ». Vendredi, son avocat déclarait qu’il collaborerait à une éventuelle enquête. La lutte contre la fraude sociale comme cheval de bataille P Magazine, l’hebdomadaire de charme qui l’accuse, a en tout cas produit des courriels qu’il a échangés, à la fin de 2014, avec « Escort Lynn » au sujet de sa demande d’intervention auprès du ministre fédéral de l’emploi. Celui-ci, Kris Peeters, devenu entre-temps député européen du parti chrétien-démocrate CD & V, a rendu public ce courrier où l’élu nationaliste évoquait la situation financière « difficile » de sa protégée, qui a finalement obtenu un peu plus de 5 200 euros au titre d’une indemnisation en cas de fermeture d’une entreprise. Elle en réclamait 26 000. L’affaire tombe au plus mal pour la N-VA, qui a fait de la lutte contre la fraude sociale l’un de ses chevaux de bataille. La formation de Bart De Wever, le maire d’Anvers, reste le premier parti de Flandre mais a connu un net recul lors des élections fédérales et régionales du 26 mai. Lire aussi : Elections en Belgique : le triomphe de la droite flamande extrémiste Celles-ci ont été marquées, en Flandre, par une forte progression du Vlaams Belang (VB), une formation d’extrême droite qui a récolté les voix de nombreux électeurs du parti de Bart De Wever, déçus par les résultats de la première participation des nationalistes au pouvoir. Or c’est précisément l’une des figures historiques de l’extrême droite, Filip Dewinter, qui va, en raison de son ancienneté, présider temporairement l’assemblée régionale. C’est la première fois qu’un élu du VB accède à une telle fonction. L’événement a, pour beaucoup, une valeur plus que symbolique. A l’heure actuelle, les négociations politiques sont, en tout cas, paralysées en Belgique, tant pour la formation d’une coalition régionale flamande qu’au niveau fédéral. Bart De Wever entend assurer à son parti la présidence du gouvernement flamand mais aussi une nouvelle participation au gouvernement fédéral. Il peine cependant à trouver des partenaires, se heurtant notamment à l’intransigeance du PS belge (francophone), qui refuse le modèle « confédéral » qu’entendent imposer les nationalistes. En Wallonie, les discussions pour la majorité de gauche ont échoué et, désormais, c’est une coalition entre les meilleurs ennemis – le PS de l’ancien premier ministre Elio Di Rupo et le Mouvement réformateur (MR) de Charles Michel, actuel chef du gouvernement et par ailleurs futur président du Conseil européen – qui apparaît comme la seule solution possible. Peut-être avec les Verts comme arbitres, et dans l’incompréhension générale de la population…
Le nationaliste flamand Kris Van Dijck, soupçonné d’être intervenu dans l’attribution d’aides sociales au profit de sa maîtresse, a démissionné du perchoir de l’Assemblée flamande.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/12/en-belgique-le-president-du-parlement-flamand-rattrape-en-plein-discours-par-un-scandale_5488826_3210.html
mlsum-fr-4748
Le match entre Saint Etienne et Toulouse, dimanche 15 septembre, a été plusieurs fois interrompu en rasion du recours à l’assistance vidéo à l’artbitrage (VAR). JEFF PACHOUD / AFP « Cela part d’un bon sentiment, mais là, ça devient presque insupportable. Toutes les actions sont discutées, analysées. Cela tue le foot, qui ne doit pas avoir de temps morts. Ça tue le jeu, tout s’arrête à chaque fois ». Alain Casanova, l’entraîneur de Toulouse, ne fait allusion qu’à une partie des déboires de l’arbitrage vidéo (VAR) une nouvelle fois constatés lors du déplacement du TFC à Saint-Étienne, dimanche. Il aurait aussi pu mentionner les trois buts refusés pour des hors-jeu invisibles sur les images ou les décisions apparemment contradictoires sur trois contacts analogues dans la surface. Toutes ces interruptions n’ont même pas réussi à gâcher ce match très animé, mais son score final semble avoir été joué aux dés dans une arrière-boutique. Un seul épisode a suffi à plonger dans la confusion Brest-Rennes, samedi, avec un but rennais invalidé au bout de six minutes, après une première décision de l’arbitre validée par la VAR via l’oreillette. Entre-temps, les protestations brestoises (protestations que, rappelons-le, la vidéo devait faire disparaître) ont donné l’impression désastreuse d’avoir poussé l’arbitre central à venir examiner les images. Vidéosurveillance Dans cette affaire, comme dans les autres, la notion d’erreur manifeste – qui seule devait justifier le recours aux images – est passée à la trappe. Elle illustre aussi l’ambivalence des images. Il fallait les regarder soigneusement pour ne pas rater la poussette du défenseur. Mais elles ne sont d’aucune utilité pour juger de son caractère réellement illicite. Elles nuisent à l’interprétation et révèlent donc rarement une vérité consensuelle ? On tombe des nues. Alors, pour les moindres mains, les plus infimes contacts, les hors-jeu au centimètre, la VAR impuissante impose une logique « y a/y a pas », une vision d’huissier. Le vidéoarbitrage est une vidéosurveillance. L’esprit de la règle et le discernement se dissolvent dans la « vérité » binaire des images, dans les ralentis trompeurs. Faut-il pour autant renoncer à l’interprétation, au fondement de plusieurs règles essentielles ? Car, comble de l’absurdité, devant la dérive de la sanction quasi-systématique des mains dans la surface, l’International Board réécrit les règles pour les conformer à ces nouveaux usages en amoindrissant le critère de l’intentionnalité. En croyant « clarifier », il a produit une confusion parfaitement illustrée par le schéma de Luca Marelli, ancien arbitre italien : Schemino per comprendere la punibilità del tocco di mano/braccio. Scaricate e conservate, vi servirà nel momento d… https://t.co/yjQsP3hIPT — LucaMarelli72 (@Luca Marelli) Suspens de téléréalité La VAR a été revendiquée au nom d’un impérieux besoin de « justice », mais pour quelques erreurs objectives corrigées (encore heureux), des dizaines de décisions suscitent incompréhension et sentiment de spoliation. Cette justice contestée justifie-t-elle le lourd tribut qu’elle fait payer au football ? Chaque intervention provoque un profond sentiment d’insécurité, les décisions semblent tomber du ciel – sans la légitimité divine. Elles ont le sinistre pouvoir d’annuler la joie du but, ou de donner un arrière-goût saumâtre au but obtenu. Était-il besoin de greffer à la formidable dramaturgie du football un suspens de téléréalité qui n’excite déjà plus que les commentateurs ? Le simple constat, formulé par Julien Brun au micro de Saint-Étienne-Toulouse sur BeIn Sports, qu’on n’a jamais autant contesté l’arbitrage est en soi un aveu d’échec accablant pour la vidéo, qui promettait la fin des polémiques. Et qui est l’ironique résultat de plus d’une décennie de polémiques incessantes et de dénigrement systématique des arbitres. L’heure des constats L’inconséquence qui a présidé à cette campagne, et empêché toute réflexion et tout débat, ne va pas se renier si aisément. Elle s’incarne dans les plus purs spécimens de la démagogie anti-arbitrale : c’est encore la faute-aux-arbitres (français), sombres incompétents qui ne savent pas utiliser ce merveilleux outil. Aucune exigence de condition physique n’étant requise pour la fonction d’arbitre vidéo, on devrait condamner ceux-là à l’exercer. Ils seraient démasqués en deux matches – même en imaginant qu’ils consultent préalablement les Lois du jeu. En attendant, on leur fera remarquer que, les mêmes problèmes étant constatés absolument partout, ils ne sont manifestement pas liés à la nationalité des arbitres. Mais le déni reste de mise chez les plus radicaux des partisans de cette panacée annoncée, malgré ce terrible désaveu : ils n’avaient pas anticipé un dixième des problèmes constatés aujourd’hui. Certains veulent croire qu’il ne s’agit que d’une question de « réglages », quand la VAR ne laisse de choix qu’entre différentes impasses. Au moins, l’heure des constats est-elle venue. Elle est cruelle.
Week-end après week-end, l’assistance vidéo à l’arbitrage (VAR) enfonce le football dans ses impasses et multiplie les polémiques qu’il devait éviter, écrit notre chroniqueur Jérôme Latta.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/09/16/on-n-a-jamais-autant-conteste-l-arbitrage-un-aveu-d-echec-accablant-pour-la-video_5511005_3242.html
mlsum-fr-4749
Un usager installe le service de transfert d’argent M-Pesa sur son smartphone, à Nairobi, le 11 mai 2016. Thomas Mukoya / REUTERS En août, de retour de l’église par un dimanche pluvieux, la mère d’Elizabeth a glissé dans la terre meuble et s’est brisé la jambe. L’aînée fut la première appelée au secours par ses vieux parents, qui vivent en zone rurale et n’ont plus de revenus. Ce fut réglé en quelques clics. « J’ai pris via mon portable un prêt de 10 000 shillings [87 euros] que j’ai pu leur envoyer directement. Cela a payé les rayons X, la consultation du docteur et le plâtre », explique cette jeune femme employée dans un centre de soins à Nairobi. Même si une bonne partie de son salaire y passera, Elizabeth remboursera ce crédit dès le mois prochain. Au Kenya, les prêts mobiles viennent en aide aux budgets serrés. A portée de téléphone de la mère de famille qui fait face à une dépense imprévue, du petit producteur de maïs qui veut acheter des semences ou de la « mama mboga » (vendeuse de légumes de rue) qui doit reconstituer son stock, ils tournent en moyenne autour de 3 000 shillings et peuvent aller jusqu’à dix fois plus. « Les études montrent que les petits vendeurs, et particulièrement les femmes, les utilisent beaucoup pour alimenter leur commerce. Il est par exemple très classique de voir une mama mboga aller au marché de gros le matin, contracter un prêt, acheter ses produits, les vendre pendant la journée et peut-être même rembourser son prêt à la fin de la journée », détaille Tamara Cook, directrice de FSD Kenya, une ONG qui promeut l’inclusion financière. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Kenya, la « start-up nation » africaine Dans ce pays d’Afrique de l’Est, plus de 86 % des habitants possèdent un téléphone portable et le « mobile money » est omniprésent grâce au succès de M-Pesa. Lancé il y a plus de dix ans, ce service mobile de transfert d’argent et de paiement a servi d’infrastructure de base à l’ensemble du secteur des « fintech » (technologies financières). Parmi les solutions financières utilisant cette technologie, les prêts mobiles ont rencontré un grand succès au Kenya. Selon une étude codirigée par FSD Kenya et la Banque centrale, en 2019, plus de 4 millions de Kényans ont recours aux applications qui les proposent. Un chiffre en forte progression par rapport à 2006 (300 000 personnes) et qui concerne majoritairement les couches les plus pauvres de la population, qui n’ont pas accès aux banques classiques. Des taux d’intérêt entre 5 et 15 % Ceux qui ont démocratisé l’accès au crédit s’appellent Tala, M-Shwari, Okash ou Jumo et sont soit des filiales de banques ou d’opérateurs téléphoniques locaux, soit des start-up implantées en Afrique. Leurs solutions, utilisées sur n’importe quel téléphone via une application (Internet) ou un menu USSD (réseau cellulaire), participent à augmenter l’inclusion financière et donc à réduire la pauvreté. Encore plus que des produits d’épargne, ces prêts « aident les commerces à grandir, les familles à gérer le quotidien et, surtout, à ne pas tomber ou retomber dans la pauvreté, ce que peuvent provoquer certains événements comme les problèmes de santé », estime Tamara Cook. Les besoins ne manquent pas ; et l’immédiateté comme la facilité de ces solutions ont fait le reste. « C’est tellement pratique, en moins de cinq minutes l’argent est sur mon compte M-Pesa », raconte Mercy, qui, « tous les deux mois », contracte un de ces prêts pour s’approvisionner en vêtements de sport qu’elle vend ensuite via WhatsApp. Elle a trente jours pour rembourser le prêt, « avec seulement 1 000 shillings d’intérêt pour un montant de 10 000 shillings ». Un taux d’intérêt de 10 % sur un mois qui pourrait sembler élevé, mais les banques ne prêtent pas de tels montants et les « chama », ces tontines traditionnelles, sont beaucoup moins flexibles et instantanées. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le iHub du Kenya, un emblème de la Tech en Afrique de l’Est Prêter en un temps record à des personnes souvent non bancarisées est permis par la technologie. Les « fintech » utilisent des algorithmes qui traitent d’importantes quantités de données, afin d’affiner au plus près les besoins, les risques (à commencer par le taux de défaut) et ainsi les taux d’intérêt à appliquer. « Nos taux d’intérêt se situent entre 5 et 15 % et sont établis en fonction du pays, des informations dont nous disposons sur le consommateur, selon qu’il soit nouveau client ou non… », explique Buhle Goslar, directrice Afrique de Jumo, une entreprise sud-africaine présente dans cinq pays du continent. Alors que 30 % de ses clients gagnent moins de 2 dollars par jour, elle observe un taux de remboursement « supérieur à 90 % ». Risques de surendettement Petronila fait partie de ceux qui ne sont pas parvenus à rembourser. « La première fois, c’était pour la nourriture. J’ai emprunté 500 shillings à M-Shwari en 2016, mais je n’ai pu rendre que 100 shillings », explique cette mère qui élève seule ses deux enfants et tenait jusqu’à récemment un petit atelier de couture dans la rue. Elle s’est ensuite tournée vers d’autres prêteurs. « La fois d’après, c’était pour mon commerce. Mais j’ai fait faillite », dit-elle, calculant devoir aujourd’hui environ 2 500 shillings à différents organismes. Certains continuent de la relancer, mais elle ignore leurs appels et rigole en racontant que beaucoup, notamment les jeunes, jettent les cartes SIM pour se débarrasser de leurs dettes. De fait, les prêteurs, qui ont inclus le taux de défaut dans leurs intérêts, font peu la chasse aux mauvais payeurs : elle leur coûte cher au regard des montants à recouvrer. En revanche, ils peuvent bloquer des profils. C’est arrivé à Petronila, mais aussi à Carol, qui recourrait trop souvent à ces crédits à la consommation faciles. « C’est addictif. Tu peux avoir la tentation de l’utiliser même si tu n’en as pas besoin, tu prends un peu trop pour en avoir plus dans ta poche », admet cette jeune femme qui les utilisait pour son commerce d’accessoires de téléphonie, où, dit-elle, les clients font souvent de même lorsque leurs envies d’achat dépassent leur budget. Face au risque de surendettement mais aussi de mauvaise compréhension des conditions d’utilisation – notamment dans les zones rurales, où, comme le souligne Elizabeth à propos de ses parents, « il n’y a pas les mêmes connaissances » que dans les centres urbains –, la responsabilité des prêteurs est grande. Chez Jumo, on insiste sur l’impératif de concevoir au mieux le produit afin qu’il participe à la « formation » du client, pour qui c’est parfois la première expérience de produit financier. Entre autres outils, Buhle Goslar cite notamment « l’utilisation d’un langage simple et clair » ou le fait de communiquer les intérêts non en pourcentage mais en montant numérique. Au niveau de l’Etat, une meilleure régulation est aussi nécessaire pour que cet accès au crédit ne tende pas à détériorer la situation de vie de certains utilisateurs. Entre autres écueils, les fausses applications ont fleuri et représentent, selon FSD Kenya, un réel « problème sur lequel le régulateur est en train de se pencher ».
Le numérique contre la pauvreté (4/6). Au Kenya, des applications permettent aux plus pauvres d’emprunter facilement de l’argent pour financer un projet ou faire face aux aléas de la vie.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/26/les-prets-sur-telephone-mobile-une-solution-pour-les-exclus-du-systeme-bancaire-en-afrique_6013203_3212.html
mlsum-fr-4750
Le président iranien, Hassan Rohani (à droite), avec le responsable de l’organisation de l’énergie atomique d’Iran, Ali Akbar Salehi, le 9 avril 2019. HO / AFP La tentative de médiation française n’aura pas suffi. L’escalade graduée menée par la République islamique a repris, vendredi 6 septembre, date limite donnée aux Européens par Téhéran pour trouver une solution permettant la relance des exportations de pétrole iranien. Mercredi, le président Hassan Rohani avait déjà annoncé qu’en l’absence de résultats dans la séquence diplomatique ouverte par la visite surprise du ministre des affaires étrangères, Javad Zarif, en marge du G7, à Biarritz, l’Iran reviendrait encore un peu plus sur ses engagements, vis-à-vis de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. Samedi, le gouvernement iranien a annoncé remettre en route ses centrifugeuses avancées, qui vont augmenter son stock d’uranium enrichi. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Iran-Etats-Unis : le récit de trois mois de provocations S’agit-il pour Téhéran de fermer définitivement la porte à de nouveaux efforts diplomatiques visant à faire baisser les tensions ? L’échec de Paris à rendre possible l’octroi d’une ligne de crédit de 15 milliards de dollars (13,5 milliards d’euros) pour la République islamique, gagée sur de futures exportations de brut, obère-t-il tout dialogue futur ? « C’est une nouvelle entorse, plus sérieuse que les précédentes, mais qui reste réversible : l’Iran fait monter la pression en espérant que les efforts européens redoublent », estime François Nicoullaud, ancien ambassadeur de France à Téhéran et fin connaisseur du dossier nucléaire. Dimanche, le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a rappelé que, du point de vue français, les « voies du dialogue sont toujours ouvertes ». « Logique d’escalade progressive » De fait, le président Rohani a annoncé donner un nouveau délai de deux mois aux Européens pour trouver un moyen de soulager une économie iranienne profondément affectée par les sanctions américaines avant de nouvelles violations de l’accord. « Après la sortie des Etats-Unis de l’accord de Vienne, en mai 2018, et le retour des sanctions, la République islamique a répondu à la politique de pression maximale américaine par une politique de patience maximale en partant du principe que Trump allait perdre les élections de 2020. Le leadership iranien en est revenu, estime Ali Vaez, directeur du programme Iran à l’International Crisis Group. L’idée, pour Téhéran, est maintenant de poursuivre une logique d’escalade progressive, en s’éloignant pas à pas des termes de l’accord, en faisant monter jusqu’à un certain point la tension dans le Golfe. Le but est d’obtenir, en échange d’une désescalade de la part de Téhéran, des arrangements négociés par les Européens, visant à la survie économique du régime. »
Samedi, la République islamique a relancé ses centrifugeuses avancées, s’éloignant encore des engagements pris lors de la conclusion de l’accord de Vienne, en 2015.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/09/nucleaire-iranien-l-escalade-graduee-de-teheran-reprend-malgre-les-efforts-francais_5508167_3210.html
mlsum-fr-4751
« Près de neuf Français sur dix estiment que leur banque les informe peu ou pas du tout sur l’utilisation de leur épargne et son impact sur le changement climatique, alors que 57 % souhaiteraient que leur épargne contribue à lutter contre le changement climatique. » GlowImages / GraphicObsession Tribune. La crise des « gilets jaunes » a mis en lumière l’impasse politique d’une transition écologique reposant d’abord sur les ménages les plus contraints, qui n’ont d’autre choix dans les zones rurales que de prendre la voiture pour se déplacer, faute d’alternative. La nécessaire hausse de l’investissement public dans la transition écologique est régulièrement évoquée dans le débat public, mais quid de l’investissement privé ? Les enjeux et les potentiels d’investissements sont pourtant colossaux : le financement bancaire mondial aux énergies fossiles extrêmes était en hausse de 11 % entre 2016 et 2017, passant de 104 à 115 milliards d’euros. Et ce alors même qu’environ 80 % des émissions mondiales de CO2 sont dues à la combustion d’énergies fossiles. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’écologie est au cœur de l’acte II du quinquennat » En parallèle, les citoyens veulent agir. C’est ce que montrent les mobilisations de plus en plus nombreuses en faveur de politiques ambitieuses de lutte contre le changement climatique, des marches pour le climat à « l’Affaire du siècle », la pétition la plus populaire de l’histoire en France avec deux millions de signatures. Enjeux écologiques et sociaux Or, le grand public est souvent démuni face au manque d’accessibilité de l’information. Certains citoyens ont récemment découvert, médusés, que le « livret de développement durable et solidaire » pouvait financer le charbon et les « obligations vertes » la rénovation d’une raffinerie pétrolière (par l’énergéticien espagnol Repsol). Près de neuf Français sur dix estiment que leur banque les informe peu ou pas du tout sur l’utilisation de leur épargne et son impact sur le changement climatique, alors que 57 % souhaiteraient que leur épargne contribue à lutter contre le changement climatique. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’industrie financière doit s’engager à prévenir la menace d’une prochaine grande crise écologique et sociale » Dès lors, de la même manière que le baromètre « Nutriscore » classe les aliments sur une échelle de A à E en fonction de leurs qualités nutritionnelles, une notation publique des établissements financiers en fonction de leur prise en compte des enjeux écologiques et sociaux pourrait être mise en place. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Extraction minière : « Les entreprises anticipent la transition, mais elles attendent d’être contraintes par les Etats » Engagements de désinvestissement des énergies fossiles, investissements dans la transition écologique, comportement envers les populations précaires en matière de frais financiers, respect des obligations de transparence et d’information des consommateurs : autant de facteurs qui pourraient faire l’objet d’une évaluation et, in fine, d’une notation des banques, assurances et gestionnaires d’actifs.
Un collectif d’économistes et de responsables politiques plaide dans une tribune au « Monde » pour une notation des banques en fonction de leur prise en compte des enjeux écologiques et sociaux.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/03/au-dela-d-une-finance-simplement-verte-atteindre-une-finance-veritablement-depolluee_5484988_3232.html
mlsum-fr-4752
Donald Trump a une guerre commerciale avec la Chine sur les bras, des contrariétés dans le golfe arabo-persique et la Chambre des représentants du Congrès à ses basques. Il trouve tout de même le temps de commenter soir et matin la course à l’investiture démocrate, avec la même méchanceté qu’il déployait naguère pour ridiculiser ses rivaux républicains, en 2015 et en 2016. Comme à son habitude, le président des Etats-Unis ne s’embarrasse guère du fond. Il cogne, et tous les moyens sont bons. Après avoir éreinté des semaines durant l’ancien vice-président Joe Biden, l’actuel favori selon des intentions de vote qui n’ont guère de valeur prédictive à plus de huit mois des premiers votes, Donald Trump s’est montré insidieux, le 11 juin. A l’en croire, l’ancien sénateur du Delaware n’est plus le même homme. « C’est un gars différent. Il a l’air différent de ce qu’il était. Il agit différemment de ce qu’il était. Il est encore plus lent que par le passé. Donc je ne sais pas… », a-t-il commenté. Il est évidemment question de la santé d’un homme de 76 ans. Une question légitime mais que le président des Etats-Unis, 73 ans depuis vendredi, aborde de manière biaisée, en instillant le doute et le soupçon qui ne pourront que prospérer au moindre faux pas. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Primaire démocrate : dans l’Iowa, Joe Biden de plus en plus critiqué par ses rivaux « Ça va se jouer entre ces trois » Vendredi, invité une nouvelle fois (on a cessé de compter par lassitude) de la matinale de Fox News, le programme quasi officiel de la Maison Blanche, il a donné une nouvelle fois son avis. Après avoir expédié « Joe », « qui n’a pas ce qu’il faut », en termes de « capacités mentales », le président a constaté que le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders, ordinairement qualifié de « dingue », piétine alors que « Pocahontas progresse ». Il s’agit de la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren que Donald Trump a affublée de ce surnom parce qu’elle a mis en avant par le passé des origines indiennes. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Bernie Sanders, 78 ans et plus que jamais en campagne « Ça va se jouer entre ces trois », assure Donald Trump, péremptoire. « Je n’en vois pas d’autres ». « Ils parlent de Kamala » Harris, sénatrice de Californie, poursuit-il sans que l’on sache à qui ce « ils » fait allusion comme à son habitude, « mais je n’y crois pas ». « Et le maire Pete ? », interroge l’un des animateurs. Pete Buttigieg, maire gay surdiplômé et polyglotte d’une petite ville de l’Indiana, est la révélation de ce début de campagne. Il a délivré cette semaine un discours charpenté de politique étrangère. « Je n’y crois pas, c’est une blague », coupe le président.
L’occupant de la Maison Blanche prend le temps de commenter en permanence la course à l’investiture démocrate pour la présidentielle 2020. Mais il manque d’une cible fixe.
https://www.lemonde.fr/chroniques-de-la-presidence-trump/article/2019/06/16/president-trump-an-iii-le-retour-de-la-boule-de-destruction_5476880_5077160.html
mlsum-fr-4753
Colcanopa La question ne cesse de prendre de l’ampleur, et elle sera l’un des thèmes forts de la rentrée : l’Europe a-t-elle besoin d’une relance budgétaire ? « La pression monte, il viendra un moment où les capitales ne pourront plus éviter d’en débattre vraiment », juge une source européenne. « Tous les Etats qui ont des marges de manœuvre budgétaires dans la zone euro doivent investir », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, dimanche 1er septembre, sur Europe 1. Emmanuel Macron a également évoqué le sujet lors du G7 de Biarritz (24 au 26 août), tandis que le Fonds monétaire international (FMI), rappelant que les banques centrales n’ont plus beaucoup de cartouches pour soutenir l’activité, appelle depuis des mois les pays européens à envisager une telle option… Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les quatre défis de la zone euro Il faut dire que depuis le début de l’année, la conjoncture mondiale n’a pas cessé de se dégrader. Affectée par la hausse des tarifs douaniers imposée par Washington comme par le ralentissement de sa demande intérieure, l’économie chinoise a progressé de 6,2 % seulement entre avril et juin, soit son rythme le plus faible depuis 1993. Le 14 août, le niveau des taux à dix ans américains est passé sous celui des taux à deux ans, semant la panique sur les Bourses : une telle « inversion de la courbe des taux » précède en général une récession de quelques mois. Mais les inquiétudes se concentrent surtout sur la zone euro – et en particulier sur l’Allemagne, dont l’économie s’est contractée de 0,1 % au deuxième trimestre. L’industrie germanique est en récession depuis près d’un an, plombée par le ralentissement chinois et les difficultés de son secteur automobile. En août, le moral des entrepreneurs a sombré à son plus bas niveau depuis 2012, et le pays pourrait tomber en récession au troisième trimestre, prévient la Bundesbank. Appels à relâcher l’étau budgétaire en Allemagne Face à ce risque, de plus en plus de voix s’élèvent outre-Rhin pour appeler la chancelière Angela Merkel à relâcher l’étau budgétaire et à soutenir l’activité. Voire, à renoncer au fameux « Schuldenbremse », le mécanisme de « frein à l’endettement » inscrit en 2009 dans la Constitution, limitant le déficit budgétaire structurel (le déficit public corrigé des effets de la conjoncture) fédéral à 0,35 % du PIB, et indiquant que les budgets des Länder devaient être équilibrés à partir de 2020. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pourquoi l’économie de l’Allemagne cale Il est vrai qu’avec une dette publique ne dépassant guère 60 % du PIB, contre 85 % en moyenne dans la zone euro, et un excédent budgétaire de 45,3 milliards d’euros au premier semestre (2,7 % du PIB), le pays dispose de marges de manœuvre non négligeables. « Nous devrions profiter de l’opportunité offerte par la longue période de taux d’intérêt bas », a également souligné dimanche 1er septembre Rolf Mützenich, président intérimaire des sociaux-démocrates au Parlement allemand. De fait, Berlin emprunte aujourd’hui à des taux négatifs – ce qui signifie que les investisseurs sont prêts à payer l’Etat pour acheter ses titres de dettes. Pourquoi ne pas en profiter pour emprunter et investir dans les infrastructures vieillissantes du pays ?
Face au risque de récession, la France appelle les Etats de la zone euro disposant de marges de manœuvre budgétaires à les utiliser. De plus en plus de voix plaident pour une action coordonnée des Etats membres en la matière.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/03/le-debat-sur-la-relance-budgetaire-monte-en-europe_5505782_3234.html
mlsum-fr-4754
Chiara Margarita Cozzolani Vespro I Gemelli, Emiliano Gonzalez Toro (ténor et direction) Pochette de l’album « Vespro », par Emiliano Gonzalez-Toro et I Gemelli. NAÏVE CLASSIQUE Premier disque météorique, celui que le ténor Emiliano Gonzalez Toro, à la tête de son ensemble I Gemelli, consacre à une compositrice quasi inconnue. Chiara Margarita Cozzolani (1602- circa 1677), religieuse au couvent bénédictin de Sainte-Radegonde, à Milan, rejoint ainsi la cohorte des talentueuses Francesca Caccini ou Barbara Strozzi. Conçue sur le modèle des vêpres mariales (une succession de motets à une et deux voix et de psaumes à huit voix), cette musique, d’une indéniable maîtrise polyphonique et expressive, rayonne de ferveur, de sensualité et de délicatesse, entrelaçant pages intimistes et élans collectifs. Emiliano Gonzalez Toro en a peaufiné une instrumentation riche et colorée, s’entourant de chanteurs de haut vol – les sopranos Mathilde Etienne et Alicia Amo, le contre-ténor Paul-Antoine Bénos- Djian, la mezzo Natalie Pérez. S’il intercale entre Laetatus sum et Nisi dominus un précurseur Duo seraphim dû à la plume d’une bénédictine de Pavie, Caterina Assandra, un an avant celui des Vêpres de Monteverdi (1610), c’est pour mieux servir un art où amour sacré et lyrisme charnel se rejoignent. Marie-Aude Roux 1 CD Naïve Classique. Heinz Holliger – György Kurtag Zwiegesprache Œuvres de Heinz Holliger et de Gyorgy Kurtag par Heinz Holliger (hautbois) et divers solistes. Textes de Philippe Jaccottet lus par lui-même Pochette de l’album « Zwiegespräche », œuvres de Heinz Holliger et György Kurtag. ECM NEW SERIES / UNIVERSAL MUSIC Publié à l’occasion du 80e anniversaire de Heinz Holliger (né en 1939), ce disque, bien dans la manière édifiante du label ECM New Series, s’apparente à une variation infinie sur le thème de l’hommage. Gyorgy Kurtag (né en 1926) ne voit pas la musique autrement, qu’il s’agisse d’un salut amical ou d’une grave déploration. Miniaturistes hors pair, Kurtag et Holliger dialoguent ici à travers des œuvres caractéristiques de leur idéal. Le Hongrois dans une perspective souvent funèbre, et le Suisse dans une poésie contemplative. Ce dernier passe avec aisance du hautbois (dont il est le maître absolu dans le répertoire contemporain) au cor anglais, et il joue même au piano un morceau de Kurtag, pour la main gauche, simplement intitulé… Fur Heinz (« pour Heinz »). Tout est dit. Pierre Gervasoni 1 CD ECM New Series/Universal Music. Peg Carrothers Beyond the Blue Horizon Pochette de l’album « Beyond the Blue Horizon », de Peg Carrothers. VISION FUGITIVE / L'AUTRE DISTRIBUTION Voix rêveuse, avec un remarquable sens de la dramaturgie musicale, Peg Carrothers interprète dans son nouvel album, Beyond the Blue Horizon, une suite de ballades parfaitement choisies. Si des standards du jazz, nés dans les années 1920 à 1940 (Sweet and Lovely, Dream, de Johnny Mercer, dont chaque note est une goutte de rosée, Moonglow…), constituent la majorité de cet enregistrement, elle explore un répertoire plus récent, avec Right where It Belongs, de Trent Reznor, leader du groupe de rock metal expérimental Nine Inch Nails, et I’ll Stand by You, des Pretenders de Chrissie Hynde, ici dans une version superbe, toute de souffle expressif. Avec la chanteuse, son mari, le pianiste Bill Carrothers, qui signe Wait for Me, le contrebassiste Billy Peterson et le guitariste Dean Magraw, tous trois à envelopper finement la voix de Peg Carrothers d’un halo enchanteur. Sylvain Siclier 1 CD Vision fugitive/L’Autre Distribution. The Black Keys Let’s Rock Pochette de l’album « Let’s Rock », de The Black Keys. EASY EYE SOUND / NONESUCH RECORDS Terminé les années de brouilles, Dan Auerbach (voix, guitare) et Patrick Carney (batterie) ont enterré la hache de guerre. Le neuvième album des Black Keys, et successeur de Turn Blue (2014), est annoncé comme un retour à leur binôme rock viscéral. De fait, le producteur Danger Mouse, étroit collaborateur sur les deux précédents opus, dont le carton planétaire El Camino (2011), est absent des crédits. Auerbach et Carney, tous deux producteurs accomplis, s’en sont personnellement chargés dans leur studio de Nashville. Si effectivement les fondamentaux sont là et les ambiances soignées – guitares fuzz à profusion, la voix chaude d’Auerbach, cet irrésistible groove blues/R’n’B –, un sentiment de redite domine l’ensemble. Comme ce lascif Sit Around and Miss You qui lorgne un peu trop Stuck in the Middle With You de Stealers Wheel. Malgré quelques brûlots électriques (Go, Lo/Hi, Walk Across the Water), la décharge promise ne s’avère pas suffisante pour faire sauter les fusibles. Franck Colombani 1 CD Easy Eye Sound/Nonesuch Records. The Raconteurs Help Us Stranger Pochette de l’album « Help Us Stranger », de The Raconteurs. THIRD MAN / PIAS Alors que, en solo, Jack White tâtonnait récemment dans l’expérimentation (Boarding House Reach, en 2018), la réunion des Raconteurs, le quatuor avec lequel l’ancien White Stripes n’avait plus enregistré depuis onze ans (Consolers of the Lonely), lui a redonné des envies de chansons puissamment instantanées. Fruit de la complicité de deux copains de Détroit, White et le chanteur-guitariste Brendan Benson, aux tempéraments musicaux contrastés – la rudesse blues rock garage du premier électrisant les mélodies power pop du second –, le groupe continue de balancer entre ces deux pôles. Aiguisé par une science percutante du son analogique, ce troisième album alterne assez brillamment hymnes tranchants (Bored and Razed), voire hystériques (Don’t Bother Me), et ballades d’une tendresse musclée (Only Child, Now That You’re Gone, le splendide final « zeppelinesque » de Thoughts and Prayers) ou épicée d’une touche baroque (le piano de Shine the Light on Me). Même si quelques titres (Sunday Driver, Live a Lie) s’enlisent dans l’exercice de style classic rock. Stéphane Davet 1 CD Third Man/PIAS. Emile Vacher, créateur de la Valse Musette et de la Java Pochette de l’album « Emile Vacher, créateur de la Valse Musette et de la Java ». 46EDITIONS / L’AUTRE DISTRIBUTION C’est du musette à l’état brut, sans fioritures ni effets spéciaux, donc juste de la légèreté, des rires et gazouillis d’accordéon pour guincher. Il faut un certain culot pour réaliser, en ces temps de vache (très) maigre pour le disque, un double CD de 50 titres d’accordéon musette. Philippe Krümm, journaliste fondateur du site www.5planetes.com, n’en manque pas. A l’origine de ce travail éditorial soigné (photos, livret de soixante pages) dédié à Emile Vacher, pionnier et père du musette, né à Tours en 1883, disparu il y a cinquante ans, il est allé jusqu’à imaginer une interview avec le musicien, fabriquée à partir de lectures des journaux d’époque et de longues discussions avec Mado, sa femme, décédée en 1994. Emile Vacher lui avait dédié une valse (Mado) qu’il joua la première fois le jour de son mariage, mais à ses amis : la belle lui avait fait faux bond. Le mariage serait finalement célébré sept ans plus tard. Patrick Labesse 2 CD 46Editions/L’Autre Distribution. Egalement 1 vinyle avec 15 titres inédits, ilustré par Robert Crumb.
A écouter cette semaine : le ténor Emiliano Gonzalez Toro et son ensemble I Gemelli, des ballades de jazz, le duo rock viscéral Auerbach et Carney…
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/28/selection-albums-chiara-margarita-cozzolani-peg-carrothers-the-black-keys_5482889_3246.html
mlsum-fr-4755
en cours. Michael von Graffenried a photographié l’Algérie de la décennie noire (1991-2002), Youcef Krache documente la société algérienne du XXIe siècle, celle qui, tous les mardis et vendredis depuis février, descend dans la rue et affronte la terreur de son passé. L’un est suisse, issu du photojournalisme et le revendique, l’autre est algérien et se reconnaît davantage dans la photographie documentaire. La galerie Esther Woerdehoff confronte leurs témoignages dans une exposition intitulée « Algérie 91-19 ». Entretien croisé. Les derniers jours de B, Telemly Alger. YOUCEF KRACHE / COURTESY GALERIE ESTHER WOERDEHOFF Vos deux travaux sur l’Algérie sont l’un et l’autre en format panoramique et en noir et blanc. Est-ce une coïncidence ? Michael von Graffenried Lors de mon premier voyage en Algérie en 1991, j’ai demandé aux gens dans la rue la permission de les photographier. Ils ont tous refusé. Dans l’ambiance paranoïaque de l’époque, il était impensable pour eux de se lier à un étranger. J’étais déprimé, soit je quittais le pays, soit je trouvais le moyen de tricher. Je voulais faire des photos. L’appareil Widelux était le seul moyen car avec lui, je pouvais photographier sans viser. Je mettais l’appareil photo autour de mon cou, les mains reposaient dessus en toute innocence et je pouvais déclencher quand je le souhaitais. Mon corps est devenu l’objectif, d’abord hasardeux, puis avec la pratique j’ai su quand déclencher et comment me positionner pour balayer la scène qui m’intéressait et obtenir le cadre choisi. Ce n’était donc pas un appareil photo caché, il était visible, mais avec son apparence vieillotte et basique, et sans poser l’œil sur le viseur, personne ne pouvait imaginer obtenir des photos professionnelles. Je n’ai pas choisi le format panoramique. Il va de pair avec cet appareil donc je n’avais pas le choix. En revanche, j’ai choisi le noir et blanc pour ne pas rajouter un obstacle à d’autres obstacles : j’étais un étranger, tributaire d’un visa accordé par le gouvernement, c’était la guerre civile et je devais penser constamment à ma sécurité et à celle des personnes qui étaient photographiées. Le développement de la diapositive couleur est très délicat, le noir et blanc me permettait plus de souplesse dans la gestion de la lumière au moment de la prise de vue. Youcef Krache Je ne m’impose pas de format particulier, j’expérimente les formats photographiques pour trouver celui qui conviendra le mieux à l’histoire que je veux raconter. Pour mon projet « El Houma » (« Le quartier ») en 2015, j’ai eu entre les mains un appareil comme celui de Michael, mais j’ai rapidement eu des soucis pour développer sur place, donc j’ai abandonné l’outil. Depuis le 22 février, les Algériens sont dans la rue chaque semaine, leurs revendications sont aussi les miennes. J’ai hésité, fallait-il que je documente, en postant moi aussi comme des milliers de gens des photos sur les réseaux sociaux, ou devais-je manifester ? Finalement j’ai très peu travaillé avec mon iPhone, j’ai d’abord tenté de raconter les manifestations avec un appareil argentique, mais très vite j’ai préféré filmer avec une caméra, Osmo Pocket, très discrète. Ce matériel propose aussi le format panoramique que j’ai adopté pour restituer les situations avec le plus d’informations possibles dans le cadre : les manifestants, les flics ou les deux parties dans le même tableau. Le noir et blanc très charbonneux, très contrasté, est un choix esthétique. Membre d’un comité d’autodéfense, Igoujdal, Kabylie, 1995. MICHAEL VON GRAFFENRIED / COURTESY GALERIE ESTHER WOERDEHOFF L’un et l’autre, vous volez les images sans le consentement de ceux que vous photographiez, quelles sont vos positions éthiques et personnelles sur cette pratique ? YK Je travaille peu en commande pour les journaux. Dans ces cas-là, j’ai un ordre de mission. Malgré tout, je dois ruser pour ne pas immédiatement être associé à un journal étranger, surtout français, et me démarquer des médias « officiels ». Ma dernière commande était dans un stade de foot, je devais documenter les fans politisés. J’ai donné mon contact aux « ultras » que j’ai photographiés et je leur ai envoyé leur photo. En revanche, dans les manifestations, je ne préviens jamais ceux que je photographie, mon appareil est visible, l’événement est public, ceux qui sont là le sont pour être vus. Le jeu de communication est partout et tout le monde le sait. Chacun profite de la visibilité de l’événement, les militants du FIS, par exemple [le Front islamique du salut arrive en tête du premier tour des premières législatives libres en décembre 1991], organisent des mises en scène, des shows pour être filmés, photographiés. Les médias tenus par le pouvoir jouent aussi de ça, ils n’ont d’ailleurs pas relayé les premières manifestations. Ils se font régulièrement attaquer par les manifestants, qui craignent de servir la cause du système à leur insu. Je dois toujours composer, expliquer ma position et prouver d’où je parle. MVG En 1991, les Algériens préféraient être photographiés à leur insu que d’accorder une prise de vue. Cela peut paraître contradictoire, mais c’était notre accord, si une photo d’eux sortait dans la presse, il n’y avait aucune justification à apporter. J’ai fait une trentaine de voyages en dix ans, chacun d’eux a été différent, avec de nouvelles contraintes liées à des visas de touriste à durée variable. Puis la guerre a rapidement compliqué ma situation, car les touristes avaient totalement disparu. Les autorités m’ont parfois refusé l’entrée dans le pays. Ma plus grande chance était de ne pas être français. Même si je vivais à Paris, j’ai toujours demandé les visas à Genève. Les Français n’étaient pas les bienvenus en Algérie. Puis j’ai beaucoup parlé avec les gens, je les regardais dans les yeux. Des Algériens, aussi bien des Kabyles que des membres du FIS, m’ont ouvert leur porte. En décembre 1994, le gouvernement algérien a organisé une opération de communication pour restaurer l’image dégradée du pays après la prise d’otages d’un vol Air France revendiquée par le Groupe islamique armé (GIA). Cette fois-ci, j’ai été accueilli avec mes confrères de la presse internationale avec les plus grands honneurs, sans visa, totalement pris en charge. Le régime voulait nous montrer que l’éradication des terroristes était sous contrôle. Nous avons passé du temps avec l’armée et les « ninjas », les forces spéciales spécialisées dans la lutte antiterroriste. C’était une chance inouïe pour moi, car, lors de mes précédents voyages, on m’aurait arrêté pour une simple photographie de policier. Ce chapitre manquait à mon puzzle. J’ai alors photographié à découvert. Je participais à cette opération en ayant conscience de l’ambiguïté de la situation, je participais maintenant à la politique officielle. Je savais que cela aurait des conséquences pour ma réputation. Panique d’un policier en civil dont la voiture banalisée est prise dans les embouteillages du quartier de Bab El-Oued, à Alger, en 1994. MICHAEL VON GRAFFENRIED / COURTESY GALERIE ESTHER WOERDEHOFF Dans les années 1990, Michael, vous étiez le seul étranger à photographier l’Algérie. Aujourd’hui, des millions d’Algériens témoignent avec leur photo de la situation du pays. La photo comme contre-pouvoir, vous y croyez toujours ? YK Lorsqu’un Algérien publie une photo des manifs sur les réseaux sociaux, il obtient des centaines de milliers de vues. Quant à une exposition dans une galerie parisienne, elle est réservée à une petite audience. Les démarches sont très complémentaires. A l’époque du reportage de Michael, le discours était imposé par le gouvernement et ses agents, les contre-pouvoirs étaient rares. En 2001, après l’assassinat d’un jeune garçon, puis plus tard dans le sud à Ouargla et Ghardaia, les Algériens ont tenté d’exprimer leur colère mais ils ont été durement réprimés. En 2019, les autorités n’utilisent plus la même violence. L’outil photographique s’est largement démocratisé avec les smartphones et les réseaux sociaux. Nous assistons à un rééquilibrage des forces. Un politicien ou un militaire ne pourra plus imposer sa vision des faits, car, en parallèle, 20 millions de citoyens auront la preuve du contraire. Des nouvelles pratiques émergent, comme celle du Collectif 220 dont je fais partie. En tant que photographes algériens, nous voulons documenter une réalité qui manque à l’imagerie du pays, coincée entre une iconographie coloniale et une banque d’images institutionnelles, souvent pleines de clichés exotiques, ce que j’appelle « de belles photos assaisonnées au safran ». MVG Dans les années 1980-1990, la réponse policière était radicale, il suffisait au gouvernement d’éliminer quelques sujets à problèmes. La répression contribuait à la paranoïa générale. Aujourd’hui, le flic ne peut plus agir de la sorte, il est observé, il est contredit. A mon époque, tout était manipulé, il était très facile pour le système de diriger la pensée populaire. Quelques leurres démocratiques persistaient, comme la circulation de journaux francophones, même si les autorités savaient pertinemment que peu de gens pouvaient les lire. En 1991, transmettre les photos était long et périlleux. Pour envoyer les films, je passais par un réseau d’intermédiaires inconnus qui prenaient l’avion pour Paris, c’était très incertain et je ne voyais pas les photos envoyées car elles étaient développées à Paris ! Pour la première fois en vingt ans, je sens que la tradition est moins écrasante : cette génération réclame ses droits, les Algériens ne sont plus plombés par la peur, car le monde entier peut savoir ce qu’il se passe. Ce mouvement m’a réveillé, j’ai eu envie de ressortir ce travail sur la décennie noire pour peut-être inciter les Algériens à reparler de cette époque sombre qu’ils ont collectivement tenté d’oublier. Les derniers jours de B, 2019. YOUCEF KRACHE / COURTESY GALERIE ESTHER WOERDEHOFF Aujourd’hui, quels sont les risques liés à l’exercice de votre profession ? Etaient-ils les mêmes dans les années 1990 ? YK Les risques encourus lorsqu’on descend dans la rue sont maintenant secondaires. Rien n’est comparable à la violence que j’ai pu voir de mes propres yeux dans les dernières années de la décennie noire. Ce qui compte, c’est la sincérité du photographe, dans son cadre, dans la légende qu’il appose à la photographie. Il faut lutter contre les fausses informations. Dans les manifestations, celui qui veut détourner la vérité peut être contredit par les centaines de smartphones autour. La crainte pour nous, photographes, réside bien plus fortement dans l’utilisation de nos images. Vont-elles être publiées à bon escient ? Quelle confiance accorder aux publications qui connaissent peu ou mal notre pays ? MVG Il manque beaucoup de transparence dans les médias aujourd’hui. Il est facile de mentir avec les photos, les nouvelles techniques le permettent. Tu peux aussi vouloir faire un reportage sincère mais comment est-ce possible quand tu es accompagné d’une équipe de sécurité, d’un traducteur, l’équivalent d’une équipe de tournage de film ! Face à ces pratiques qui demandent du temps, celui qui prend la photo et la publie instantanément sur les réseaux est davantage dans une forme de sincérité. Il faut dire comment tu as fait une photo, dans quelle situation, quelle est précisément ta relation à ceux que tu photographies. Dans les années 1990, j’ai exigé de la rédaction de Paris Match, lors d’un bouclage, de relire toutes les légendes, pour être factuel et le plus précis possible. J’étais responsable, je ne pouvais me dédouaner de cette responsabilité auprès des Algériens. J’avais une réputation « d’emmerdeur » auprès des services photo. C’est vrai que j’étais têtu, mais je suis certain que c’est pour cela que j’ai eu la confiance de tous les Algériens, même si je n’étais pas l’un d’eux.
Michael von Graffenried et Youcef Krache croisent leurs regards photographiques à la galerie Esther Woerdehoff sur deux périodes majeures de l’histoire algérienne : la décennie noire et la révolution en cours.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/16/les-algeriens-ne-sont-plus-plombes-par-la-peur-car-le-monde-entier-peut-savoir-ce-qu-il-se-passe_5477020_3212.html
mlsum-fr-4756
Affirmant vouloir donner « la priorité au bien-être des citoyens américains », l’administration de Donald Trump a présenté, jeudi 26 septembre, une nouvelle réduction draconienne du quota de réfugiés accueillis aux Etats-Unis dans le cadre de leur politique de réinstallation. Au cours de l’année budgétaire 2020, qui commence le 1er octobre, ce programme devrait concerner 18 000 réfugiés, contre 30 000 cette année, et près de 85 000 en 2016, a annoncé le département d’Etat américain dans un communiqué. C’est un nouveau plus-bas historique : depuis que ce programme de réinstallation a été créé en 1980, la moyenne annuelle dépasse les 95 000 réinstallations. Ce quota doit maintenant être discuté avec le Congrès avant d’être, sauf énorme surprise, confirmé par Donald Trump, dont la lutte contre l’immigration reste un des principaux chevaux de bataille à un an de l’élection présidentielle. « Le poids sous lequel croule actuellement le système d’immigration américain doit être allégé avant que les Etats-Unis puissent de nouveau réinstaller un grand nombre de réfugiés », a déclaré le département d’Etat. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les Nations unies adoptent un pacte mondial sur les réfugiés Des questions de « sécurité nationale » Cette politique concerne des réfugiés sélectionnés par les agences de sécurité et de renseignement américaines dans les camps des Nations unies (ONU) à travers le monde pour être réinstallés aux Etats-Unis, essentiellement parmi les plus vulnérables, comme les personnes âgées, les veuves et les handicapés. « Notre quota de réfugiés doit aussi prendre en compte nos intérêts de sécurité nationale et de politique étrangère », a ajouté la diplomatie américaine. « Ces dernières années, les forces de l’ordre ont appréhendé des terroristes présumés passés par notre programme pour les réfugiés », a-t-elle affirmé. « En outre, afin de servir les intérêts de la politique étrangère des Etats-Unis, la proposition de réinstallation de réfugiés » pour l’année budgétaire 2020 « prévoit des quotas spécifiques pour les personnes persécutées pour leur foi religieuse, pour des Irakiens mis en danger en raison de leur assistance aux Etats-Unis, et des réfugiés légitimes des pays du Triangle du Nord », qui comprend le Salvador, le Guatemala et le Honduras. Lire aussi Crise politique au Guatemala après un accord avec Washington sur les réfugiés Les programmes de réinstallation se différencient des demandes d’asile classiques aux frontières américaines, et Washington appelle à analyser sa politique dans sa globalité. « Les Etats-Unis ont toujours été et vont toujours rester la nation la plus généreuse au monde quand il s’agit de l’accueil de ceux qui ont besoin de protection humanitaire », a plaidé le ministre par intérim de la sécurité intérieure, Kevin McAleenan, dans un communiqué. « Un jour très triste pour l’Amérique » Le gouvernement prévoit de recevoir en tout plus de 368 000 nouveaux réfugiés et demandes d’asiles en 2020, parmi lesquels les 18 000 personnes « réinstallées ». Mais seule une petite partie de ces personnes se voient in fine octroyer le statut de réfugié. « C’est un jour très triste pour l’Amérique », a réagi le président de l’organisation non gouvernementale International Rescue Committee, David Miliband. « C’est un nouveau coup porté au leadership américain dans la protection des personnes les plus vulnérables de la planète », a-t-il ajouté, évoquant une décision « sans fondement et non nécessaire qui nuit aux intérêts de l’Amérique et ternit ses valeurs ». Refugees International a aussi dénoncé un « triste constat pour le leadership américain ». « Je me trouve actuellement en Colombie, où quelque 5 000 Vénézuéliens cherchent refuge chaque jour », a dit le président de cette organisation humanitaire, Eric Schwartz, dans un communiqué. « Ce que le président Trump dit trouver difficile à faire pour les Etats-Unis, c’est-à-dire accueillir 18 000 personnes en un an, la Colombie le fait tous les quatre jours. »
Le programme de réinstallation devrait concerner 18 000 réfugiés en 2020, contre 30 000 cette année. L’annonce de ce nouveau quota a été critiquée par des organisations humanitaires.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/27/les-etats-unis-donnent-un-nouveau-tour-de-vis-draconien-a-l-accueil-de-refugies_6013219_3210.html
mlsum-fr-4757
os anatidé. Dura auca, sed auca (l’oie est dure, mais c’est l’oie). Depuis la mi-septembre, tout ce que le petit monde du jeu vidéo compte de producteurs indépendants ne peut qu’en faire l’amer constat : un insolent palmipède leur a volé la vedette ! « La paix n’a jamais été une option ». KnowYourMème Le bien nommé Untitled Goose Game (« le jeu de l’oie sans titre »), qui caracole en tête des ventes sur Switch, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, est actuellement deuxième en France, tout juste devancé par un certain Zelda. Ce jeu de l’oie sans dé ni plateau s’est mû en phénomène Internet, objet de nombreux mèmes, et s’est également invité dans les médias grand public, de France Inter à Courrier International en passant par BFM-TV et Télérama. Le jeu a ici même récolté la note honorable de « couac couac sur 20 ». Son concept ? Dans la peau d’une oie, votre objectif est d’enquiquiner les habitants d’un village. Arroser un jardinier, effrayer un enfant, chaparder des légumes, passer à la télé ou encore emprunter un nœud papillon… la liste de vos forfaits n’a d’égal que le machiavélisme de cet anatidé, d’ores et déjà considéré comme l’un des plus diaboliques (et mignons) héros de jeu vidéo. Entre Buster Keaton et Bart Simpson (avec des plumes !) Pourquoi Untitled Goose Game est-il si drôle ? Pour Mathieu Triclot, philosophe de la manette, la production australienne renvoie directement à l’esprit comique des films muets de Buster Keaton et Charlie Chaplin. « Cela fonctionne de la même façon, avec des tableaux qui s’enchaînent, des scènes d’arroseur arrosé, un personnage qui se déplace de manière un peu ralentie, un peu empêchée. Il y a une dimension burlesque. » Et de souligner en quoi les déplacements un peu gauches et capricieux du volatile, tout comme ses cacardages et ses mouvements d’ailes essentiellement décoratifs, concourent à l’effet humoristique du jeu. « On est dans du superflu, avec les ailes, le cri, etc. “Le rire, c’est de la mécanique plaquée sur du vivant”, disait Bergson. On est là-dedans. » Autre caractéristique : la liberté et la paisibilité qu’il offre. C’est un jeu dans lequel on ne peut pas mourir, pas vraiment perdre, juste se balader et faire des bêtises anodines. « C’est reposant et les joueurs ont l’impression d’être dans un univers bac à sable où ils peuvent agir comme ils le veulent, ce qui n’est pas le cas dans la vraie vie. C’est une façon de retrouver le contrôle du récit », souligne Bounthavy Suvilay, autrice d’Indie Games : Histoire, Artwork, Sound, Design des jeux vidéos indépendants (2018). Le petit plaisir coupable de voler son béret à un jardinier, c’est ça la vraie violence de notre époque. Cette oie malicieuse est un peu une réincarnation animalière de Bart Simpson. « C’est une forme de soupape de pression pour les gamins comme les jeunes adultes : dans ce jeu indépendant sans grande prétention, on peut faire tout ce qui n’est pas correct ou sympa », salue Mme Suvilay. « Le jeu active le plaisir de foutre le bazar, du dérèglement, du “kamoulox”, confirme M. Triclot. Mais, en même temps, et c’est l’une des déceptions que l’on peut avoir, les variations possibles sont très limitées, l’univers est très réglé. » Une sorte de plaisir de singer la zizanie, même si les énigmes relèvent davantage d’une forme d’humour absurde, avec des enchaînements logiques volontiers aberrants. « Une part de revanche par rapport au chasseur chassé » Enfin, Untitiled Goose Game est un jeu de 2019, et son succès tient à sa façon de répondre aux présupposés et aux enjeux de son époque. « C’est un jeu “family friendly” : les parents ne peuvent pas le rejeter car il n’y a pas de meurtres, d’armes, etc. ; les féministes ne peuvent pas dire qu’il y ait un quelconque patriarcat caché ; les enseignants ne peuvent pas le décrier comme étant une forme d’enseignement de la violence ou tout autre argument sur le caractère néfaste des jeux vidéo… Même les végans ne peuvent rien dire dessus », argumente Bounthavy Suvilay. Vingt-deux ans après, les canards de « Duck Hunt » enfin vengés. Par ailleurs, à contre-courant de l’antique Duck Hunt, jeu de chasse au canard emblématique des années 1980, Untitled Goose Game donne cette fois le pouvoir à la race palmipède. « Il y a une part de revanche par rapport au chasseur chassé, même si la violence relève du burlesque », relève Mathieu Triclot. Un jeu où, en plein anthropocène, un animal vient embêter des humains chez eux, et non l’inverse. Et puis, il y a le plaisir de défier sur les réseaux sociaux cette oie, présentée avec humour comme un démon perfide ou encore un monstre sanguinaire, quelque part entre le vélociraptor de basse-cour, un fourbe assassin palmé, ou pire, un xénomorphe à bec jaune. Dans l’espace, personne ne vous entendra cacarder. KnowYourMeme Une quasi-première dans la peau d’une oie Ce serait pourtant ne pas rendre honneur à une autre originalité d’Untitled Goose Game : on y incarne très précisément un bête oiseau domestique. Si l’on écarte des adaptations numériques de jeu de l’oie (c’est tricher), ou les quelques jeux de chasse (où l’on décharne plus qu’on incarne), les jeux vidéo où l’on incarne une oie se comptent sur les doigts d’une palme : une mère couveuse dans l’ancestral The Lost Eggs of Gertie Goose, un robot à bec dans l’obscurissime Star Goose, et c’est à peu près tout. Cas rare d’une oie en pleine méditation cartésienne. Bien sûr, il ne s’agit pas d’une simulation très réaliste, déclare Anick Abourachid, ornithologue au Muséum d’histoire naturelle de Paris. « C’est un oiseau plutôt exclusif, qui s’apprivoise bien. On peut avoir une oie domestique qui suit son propriétaire et est très amicale ! Certes, si quelqu’un a une oie dans son jardin, un voleur va avoir beaucoup de mal à rentrer, mais je ne pense pas que le jeu soit basé sur la réalité. » Agatha Liévin-Bazin, docteure en éthologie, émet également des réserves : « L’oie est toute seule dans le jeu, ce qui est un peu fantaisiste : en général les oies avancent par deux. Une oie seule qui fait la loi, c’est peu probable ! » Méfiez-vous des anatidés Derrière ses manières d’oie, c’est surtout à un autre animal familier que l’héroïne du jeu emprunte son attitude, indépendante, insaisissable et taquine. « Mon chat, stupide s’il en est, est capable de me faire aller dans la salle de bains pour ensuite courir me piquer un bout de steak », confesse Mme Suvilay. Scientifiquement, rien n’interdit de croire qu’une oie ne peut voler des chaussettes qui sèchent. House House Mais rien n’interdit de croire qu’une oie puisse être aussi calculatrice. « On s’intéresse aux perroquets et aux corbeaux depuis trente ans, on sait qu’ils savent utiliser des outils, ont une grande mémoire, et sont capables d’anticiper l’avenir, mais il y a beaucoup moins d’études sur l’oie, rappelle Mme Liévin-Bazin. On sait qu’elles peuvent apprendre pas mal de choses, comme ouvrir une boîte, mais on ne les a jamais vraiment testées sur ce type de notions. » La propension de l’animal d’Untitled Goose Game à chaparder tout ce qui traîne n’est d’ailleurs pas si fantaisiste, explique la docteure en éthologie : « Il arrive que les jeunes oiseaux soient néophiles, ils aiment jouer avec ce qui est nouveau. Les jeunes corbeaux manipulent jusqu’à six mois tous les objets nouveaux qu’ils trouvent, et cela peut concerner aussi les oies. » De quoi en tirer la seule leçon valable : toujours s’en méfier.
Une spécialiste des jeux indés, un philosophe et deux ornithologues décryptent le dernier succès en date du monde de la manette, et son facétieux héros anatidé.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/10/09/untitled-goose-game-ou-comment-une-oie-est-devenue-la-nouvelle-vedette-du-jeu-video_6014792_4408996.html
mlsum-fr-4758
L’ancien patron de la filiale suisse de HSBC, Peter Braunwalder, a été condamné par le biais de la procédure de plaider coupable à un an de prison avec sursis et 500 000 euros d’amende pour des faits de complicité de blanchiment de fraude fiscale et de démarchage illicite de résidents français. Cette procédure est le dernier volet judiciaire de l’affaire HSBC, révélée par la « liste Falciani », du nom de l’ancien salarié informaticien Hervé Falciani qui avait dérobé en 2008 des fichiers portant sur 127 000 comptes appartenant à 79 000 clients de 180 nationalités, mettant ainsi au jour les pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment massives encouragées par la banque suisse. En novembre 2017, HSBC Private Bank, mise en examen pour les mêmes délits en qualité de personne morale, avait accepté de payer 300 millions d’euros d’amende afin d’échapper à un procès. La banque avait signé la première convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), instituée par la loi anticorruption du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2, destinée à moderniser et à renforcer l’action du juge contre la délinquance financière transnationale. Cette convention permet à la justice d’obtenir la réparation d’un préjudice, moyennant non pas une reconnaissance de culpabilité de la part de l’entreprise soupçonnée, mais une simple reconnaissance des faits. Elle n’est pas susceptible de recours. Ce type de transaction, inspiré des mécanismes anglais et américain, a été étendu aux faits de fraude fiscale par la loi du 23 octobre 2018. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La Suisse peut transmettre au fisc français 40 000 numéros de compte d’UBS » « Rompre avec le dogmatisme » Dans l’affaire HSBC, l’administration française avait estimé à « au moins 1,67 milliard d’euros » les sommes frauduleusement soustraites à l’imposition avec le concours de la banque. L’ex-chef du Parquet national financier (PNF), Eliane Houlette, partie à la retraite en juin, a défendu à plusieurs reprises ce nouveau mode de règlement des dossiers financiers, contre ceux qui s’opposent à l’idée d’une justice « négociée ». « Il y a des évolutions qui nous contraignent à rompre avec le dogmatisme d’une justice close qui répète, de décennie en décennie, les mêmes mythes, les mêmes habitudes, les mêmes certitudes », avait-elle observé lors de l’audience solennelle de rentrée du tribunal de grande instance de Paris le 21 janvier. L’accord entre la société HSBC et la justice n’avait toutefois pas mis fin aux poursuites engagées par le PNF contre l’ancien directeur général de la banque. Pour éviter lui aussi un procès, Peter Braunwalder, 68 ans, a accepté la peine proposée par le PNF dans le cadre d’une « comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » (CRPC). Il a obtenu que cette condamnation ne figure pas au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire. Le contenu de l’ordonnance du tribunal de Paris rendue le 29 janvier a été dévoilé mercredi 7 août par l’agence Bloomberg. Lire aussi La banque HSBC va supprimer près de 4 000 emplois dans le monde Le parquet de Bruxelles a annoncé de son côté, mardi 6 août, que dans le volet belge de l’affaire HSBC Private Bank a également accepté une sanction financière de près de 300 millions d’euros pour clore l’enquête pénale ouverte en 2014 pour « fraude fiscale grave » et « blanchiment ». Poursuivie pour les mêmes délits, la banque suisse UBS avait entamé elle aussi en juin 2016 des négociations en France en vue d’une CJIP qui n’ont pas abouti. La banque avait en effet estimé que le montant minimum de 1,1 milliard d’euros proposé par le Parquet national financier était trop élevé. Elle a été condamnée le 20 février 2019 à Paris à 4,5 milliards d’euros, dont une amende record de 3,7 milliards et 800 millions dus à l’Etat français à titre de dommages et intérêts. La banque a fait appel de ce jugement.
Peter Braunwalder a accepté, avec la procédure de plaider-coupable, une peine de un an de prison avec sursis et 500 000 euros d’amende.
https://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2019/08/09/l-ex-patron-suisse-d-hsbc-condamne-pour-blanchiment-d-argent_5497971_4862750.html
mlsum-fr-4759
Azouaou Hamou Lhadj lors des émeutes du 10 octobre 1988 à Alger. DR C’était il y a trente et un ans et Azouaou Hamou Lhadj n’a rien oublié. Ce 10 octobre 1988, l’Algérie est depuis cinq jours en proie à de violentes émeutes. La contestation, provoquée par des pénuries et une flambée des prix, s’est étendue à des revendications politiques. Lui a alors 21 ans et sort protester contre le régime comme de nombreux jeunes. La manifestation sera la plus violemment réprimée de cette période : blessé par des tirs de militaires, il perd son bras gauche ; l’une de ses amies meurt après avoir reçu une balle en pleine tête. Et combien d’autres ? Ce jour-là, près du siège de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) à Alger, 159 personnes sont mortes selon les autorités, près de 500 selon d’autres sources, notamment hospitalières. « Ce jeudi 10 octobre, ils seront deux policiers à m’attendre pour m’escorter discrètement jusqu’au siège de la DGSN, au centre d’Alger, afin que je puisse y déposer ma gerbe de fleurs en l’honneur des victimes d’octobre 1988. Je suis fatigué et malade, ils ne voudraient pas qu’il m’arrive quelque chose sur la route », explique non sans ironie Azouaou Hamou Lhadj, membre de l’Association nationale des victimes et familles de victimes d’Octobre 88 (Avo 88). « Comment oublier tous ces martyrs ? » Aujourd’hui âgé de 52 ans, l’homme est affaibli par un AVC, mais il reste une figure du militantisme en Algérie et de ce mouvement d’octobre 1988, période d’ouverture démocratique sans précédent avant que le pays ne sombre dans la décennie noire. Cet anniversaire a d’ailleurs un goût particulier. Il a lieu alors que, pour la trente-troisième semaine d’affilée, l’Algérie vit au rythme du « Hirak » : ce mouvement à travers lequel les Algériens ont obtenu la chute du président Bouteflika et continuent de réclamer la fin du régime politique actuel. Azouaou n’a manqué aucun vendredi de manifestation, échappant aux arrestations. « Quand ils ne me voient pas, ce sont les policiers qui demandent après moi », jure-t-il. Lecteur assidu de l’organe de presse clandestin du Parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), militant de la cause culturelle berbère, puis encarté au Rassemblement culturel pour la démocratie, l’un des rares partis prônant la laïcité, il était prédestiné, à l’en croire, à lutter pour une Algérie libre. « Je viens d’une famille de combattants de l’indépendance et mon voisin à Michelet, mon village d’origine, en Kabylie, était Tahar Djaout [écrivain assassiné en 1993 lors d’un attentat islamiste]. A Reghaïa, en banlieue d’Alger, j’étais le voisin et l’ami de Mohamed Benchicou, le patron du journal Le Matin. Comment aurais-je pu me défiler ? », demande ce natif de la Casbah d’Alger, barbe hirsute, à sa façon théâtrale, en montant dans les aigus. Lire aussi Algérie : les Rencontres cinématographiques de Béjaïa portent la lutte sur grand écran Artisan bijoutier en 1988, Azouaou doit renoncer à son métier après la perte de son bras et devient employé de bureau au sein de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). Son matériel de joaillier, il l’a rangé dans un ancien fût de mazout, à l’abri du temps. Cette préservation de la mémoire est devenue chez lui un trait de caractère. Presque chaque rue d’Alger porte le souvenir d’un assassinat commis par les terroristes islamistes dans les années 1990, symbole de l’échec de l’ouverture démocratique de 1988. Quant aux figures de la guerre de libération contre la France, qui ont donné leur nom aux rues de la capitale, elles le ramènent à une autre occasion ratée de construire un Etat de droit, la toute première, lorsque les militaires ont pris le dessus sur les politiques à l’indépendance, en 1962. Azouaou cite aussi la révolte de 2001 en Kabylie, rapidement circonscrite à cette région, alors que ses mots d’ordre contre le régime étaient nationaux. « Un ami me dit que je devrais supprimer le rétroviseur, sourit-il, mais comment oublier tous ces martyrs ? » La répression du printemps noir de 2001 (127 morts) avait signé, jusqu’à février dernier, la fin des mouvements de contestation massifs, le régime enfermant les citoyens dans une sorte de contrat de rente : subventions, logements, prêts à la création d’entreprises… contre paix sociale. « Si seulement les Algérois avaient rejoint ce mouvement… Il a fallu dix-huit ans pour qu’ils se réveillent », laisse échapper, amer, Azouaou, lui qui avait manifesté en 2014 contre un quatrième mandat de Bouteflika avec une poignée de téméraires, facilement maîtrisés par la police. « Un discours de vérité » L’histoire peut-elle se répéter ? Depuis le mois d’août, les autorités, au premier rang desquelles l’état-major de l’armée, appuyées par une partie de l’appareil judiciaire, tentent de reprendre en main le Hirak, à coups d’arrestations arbitraires de manifestants et de militants. Il n’en est pas surpris. « Ce régime ne semble comprendre que la force », avait-il prévenu dès le mois de mars. Il veut pourtant trouver un espoir dans la « silmiya », le caractère pacifique que les contestataires sont parvenus à maintenir depuis bientôt huit mois et qui est pour eux leur seule chance de l’emporter. « Cette occasion de construire une Algérie libre ne se représentera pas avant longtemps », estime-t-il. C’est pourquoi il souhaite la corréler à l’émergence d’« un discours de vérité » sur l’histoire contemporaine de l’Algérie, afin que cet Etat puisse être bâti sur une base saine. « Ce sont des Frères musulmans qui m’ont transporté lorsque j’ai été blessé en 1988. Je les déteste, mais pourquoi ne pas le reconnaître ? », prend-t-il en exemple. De la même façon, il n’hésite pas à affirmer qu’il communique avec Khaled Nezzar, ex-général de cette armée qui a tiré sur lui en 1988. « Deux tirs sont partis de la manifestation organisée par le Front islamique du salut (FIS), auxquels les militaires, qui n’étaient pas formés pour le maintien de l’ordre et ne disposaient pas d’armes non létales, ont répondu », développe-t-il. Il n’absout pas pour autant le régime, qui a pratiqué la torture, ni le général, dont les hommes ont bien tiré sur les manifestants, au thorax et à la tête, et pas en visant le sol, comme l’officier l’assure. Lire aussi En Algérie, le désarroi des familles de manifestants détenus S’il avoue avoir vécu des moments difficiles après son amputation, il dit n’avoir jamais songé à quitter son pays et n’en veut pas non plus à son fils, parti il y a deux ans, sans prévenir, vers l’Europe, sur un rafiot. « Voilà deux ans, des journalistes m’ont demandé ce que je garderais si je pouvais choisir entre le bras que j’ai perdu et l’Algérie. J’ai répondu mon bras. Mais depuis février, j’avoue avoir repris espoir. C’était inimaginable de voir les plus petites villes du pays manifester contre le pouvoir. Démocrates, barbus, jeunes, vieux… le Hirak réunit tout le monde ! Tu as vu le nombre de femmes présentent lors de ces marches ? », interroge-t-il, presque incrédule.
Blessé lors des émeutes de 1988 au cours desquelles il a perdu un bras, l’activiste n’a jamais cessé de se battre pour l’établissement d’un Etat de droit en Algérie.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/10/azouaou-hamou-lhadj-d-octobre-1988-au-hirak-une-vie-de-militant-algerien_6015023_3212.html
mlsum-fr-4760
Des silhouettes sous le logo libra, lors de la présentation de la monnaie virtuelle, le 26 septembre à Genève. FABRICE COFFRINI / AFP Libra n’est pas mort. C’est en substance, le message qu’ont voulu faire passer les dirigeants de ce projet de monnaie numérique, après la première réunion officielle de ses membres, à Genève, lundi 14 octobre. Vingt et une entreprises et associations étaient présentes – dont Facebook, à l’origine du projet, avec sa filiale Calibra, mais aussi Vodafone, Uber ou Spotify – après la défection fracassante de sept des partenaires initiaux, dont Paypal, Visa, Mastercard ou eBay et le dernier en date, Booking, lundi. « Ces départs ne remettent pas du tout en cause la viabilité du projet. Il vaut mieux avoir des défections maintenant qu’à deux jours du lancement », assure Bertrand Perez, le président de l’association Libra. Lire aussi Défections en cascade chez Libra, le projet de monnaie numérique de Facebook Un lancement en 2020 un peu moins certain « Il faut regarder les motivations des partenaires qui se sont retirés, ajoute M. Perez. Celles-ci sont liées à des pressions politiques plus qu’à des réactions négatives des régulateurs, avec lesquels les discussions restent en cours. » Deux sénateurs américains ont effectivement écrit une lettre prévenant Mastercard, Visa et Stripe de « bien réfléchir » avant de s’associer à Facebook dans Libra. Mais ce ton reflète le scepticisme, voire l’hostilité, affiché par la plupart des régulateurs jusqu’ici. Lundi, les membres de Libra ont signé pour faire partie de l’association, qui s’est ensuite dotée d’une charte de principes et d’un conseil d’administration de cinq membres. Parmi eux, Bertrand Perez, un Franco-Espagnol ex-cadre de Paypal, jusqu’ici président provisoire. Mais aussi la figure du projet, David Marcus, directeur de Calibra et ancien dirigeant de Paypal, ou encore une représentante du fonds d’investissement Andreessen Horowitz. La priorité est désormais de trouver de nouveaux membres : « D’ici fin décembre, nous serons plus de 21 », assure M. Perez, selon lequel 1 600 entités ont contacté Libra. Encore faudra-t-il d’abord voter des critères d’admission « transparents et objectifs ». Libra avait annoncé espérer 100 membres à son lancement. Le démarrage prévu au second semestre 2020 ne semble pas impossible mais sa perspective s’éloigne un peu : « C’est notre objectif. Mais nous voulons faire en sorte d’obtenir les autorisations nécessaires. Dans un tel projet, on n’est pas à quelques trimestres près. » La question du « risque systémique » Dans les discussions avec les régulateurs, Facebook et ses partenaires n’ont pas encore réussi à apaiser les inquiétudes sur certains points. Par exemple, sur le « risque systémique » pour la stabilité des monnaies nationales. « Libra est un système de paiement, pas une monnaie spéculative », explique M. Perez, rappelant que chaque libra sera adossé à une réserve dans des devises stables comme le dollar ou l’euro. Celle-ci ne devrait pas dépasser 200 milliards de dollars, selon lui.
Les membres du projet de monnaie lancé par Facebook ont tenu lundi à Genève leur première réunion officielle. Ils se veulent optimistes malgré la défection de nombreux partenaires.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/15/le-projet-de-monnaie-virtuelle-libra-a-la-recherche-d-un-second-souffle_6015518_3234.html
mlsum-fr-4761
Présentation du « Projet Scarlett » lors de l’E3 2019 à Los Angeles (Californie), le 9 juin. MARK RALSTON / AFP Ce n’est pas pour tout de suite. Ceux qui espéraient découvrir la prochaine console de Microsoft à l’occasion du Salon annuel du jeu vidéo de Los Angeles, l’E3, devront prendre leur mal en patience jusqu’à l’année prochaine. A l’occasion, dimanche 9 juin, d’une conférence grand spectacle mais chiche en détails, le constructeur américain a annoncé que sa prochaine machine, surnommée pour le moment « Project Scarlett », sortira fin 2020. Elle sera accompagnée du jeu Halo : Infinite, le prochain épisode des aventures de Master Chief, dont une bande-annonce a été présentée. Encore peu de détails sur Scarlett L’attente des observateurs et des professionnels du jeu vidéo était pourtant grande : Microsoft était le seul constructeur des consoles à tenir une conférence d’envergure cette année au salon E3 2019, la messe annuelle du jeu vidéo de Los Angeles. Sony, son principal concurrent (qui domine le marché avec sa PlayStation 4) ayant annoncé qu’il bouderait le salon, pour la première fois depuis 1995 – ce qui ne l’a pas empêché de mettre en ligne les bandes-annonces de jeux annoncés par… son concurrent. Cette conférence fleuve et grand spectacle, de plus d’une heure et demi, s’est tenue dimanche 9 juin devant une salle du Microsoft Theater remplie à bloc et un public de milliers de fans Xbox ou Microsoft chauffés à blanc. Beaucoup sont repartis déçus de ne pas avoir eu davantage d’informations sur « Scarlett », ni sur un potentiel rapprochement avec Nintendo, dont la presse spécialisée bruisse depuis plusieurs mois. Minces indications techniques, Microsoft a toutefois précisé que Scarlett ne sera « pas juste du PC, de la console ou du mobile », qu’elle sera « quatre fois plus puissante qu’une Xbox One X » (sa console actuellement la plus puissante), qu’elle affichera 120 images par seconde. La console Scarlett bénéficiera, en outre, des dernières avancées en matière de ray tracing (qui permet de simuler la lumière de manière plus réaliste), et d’une réduction des temps de chargement grâce à un nouveau genre disque dur SSD. Il faudra sans doute attendre le prochain E3 pour en savoir davantage. xCloud, le « jeu en nuage » de Microsoft Finalement, la principale annonce, en termes de nouveautés techniques qui seront accessibles dans les mois qui viennent, a concerné l’accès aux jeux à distance : le constructeur a annoncé une version de démonstration, accessible en octobre 2019, de son service xCloud. Il sera possible à ce moment-là de s’essayer au service de jeu en streaming sauce Microsoft. L’idée : permettre au joueur de jouer à n’importe lequel de ses jeux Xbox One, où qu’il soit. Vous êtes en vacances ou en déplacement loin de chez vous ? Votre console, restée tranquillement à la maison, pourra faire tourner le jeu à distance, et fera transiter, via Internet, l’image jusqu’à vous, de manière à ce que vous puissiez jouer, par exemple, sur votre ordinateur portable. Après cette conférence E3, on ne sait toujours pas, cependant, si ce service sera gratuit. De nouvelles offres d’abonnements Tous les nouveaux jeux Microsoft présentés cette année (une trentaine) viendront rejoindre l’offre « Xbox Game Pass » lancée en 2018 par le constructeur. Celle-ci permet déjà, sur Xbox One, de jouer à tous les jeux Microsoft, et à certains jeux d’autres éditeurs, vieux de quelques mois ou années. Microsoft a rappelé lors de sa conférence que le service est aussi accessible « en Beta » sur Windows 10, et donc sur PC, depuis le 9 juin, pour 5 euros par mois (10 euros par mois à terme), et présenté quelques-uns des prochains jeux à rejoindre l’offre, comme le très récent Metro Exodus ou Batman Arkham Knight. Des centaines de jeux uniquement PC sont prévus, comme Football Manager 19. Le constructeur a également annoncé le Xbox Game Pass Ultimate, qui doit concentrer tous les abonnements disponibles pour les joueurs Microsoft : annoncé à 14,99 dollars (13,24 euros) par mois, il donnera accès au Xbox Game Pass pour console, à l’offre « Live Gold », et au Xbox Game Pass pour PC. Le simulateur d’aviation ressuscité Côté catalogue, Microsoft a multiplié les coups médiatiques, comme avec l’apparition de l’acteur Keanu Reeves, venu en personne sur scène présenter la date de sortie du très attendu jeu de rôle en monde ouvert Cyberpunk 2077, de l’éditeur CD Projekts Red : ce sera le 16 avril 2020. Keanu Reeves vient présenter « Cyberpunk 2077 ». CHRISTIAN PETERSEN / AFP La conférence a également été l’occasion de lever le voile sur l’un des projets les plus surveillés du moment, Elden Ring, le jeu de Miyazaki (concepteur de la série de jeux Dark Souls) et de George R. R. Martin (le créateur de Game of Thrones). Ni l’un ni l’autre ne seront toutefois exclusif aux machines Microsoft, à l’image du jeu coopératif Minecraft Dungeons, pourtant propriété du constructeur américain. Il en va autrement du revenant surprise de cette conférence, le somptueux Flight Simulator 2019, simulation d’aviation dont le premier volet date de 1982, et qui n’avait plus été exploitée commercialement depuis 2012. Au rayon des exclusivités, la firme de Redmond a également mis en avant le jeu d’action Gears 5, qui bénéficiera à la rentrée d’un crossover avec Terminator ; d’une extension Lego pour le simulateur automobile Forza Horizon 4, du poétique Ori and the Will of Wisps ou encore du jeu d’exploration psychédélique Psychonauts 2, du studio Double Fine. Microsoft a d’ailleurs annoncé, à l’occasion de cette conférence, avoir racheté ce studio emblématique du jeu vidéo indépendant. Son fondateur Tim Schafer (célèbre pour sa série Monkey Island) est monté sur la scène du Microsoft Theater pour s’en féliciter.
Lors de la grand-messe annuelle du jeu vidéo, à Los Angeles, Microsoft a levé le voile sur les premiers détails techniques de la console qui succédera à la Xbox One.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/06/10/annonces-microsoft-a-l-e3-2019-la-prochaine-xbox-pour-noel-2020-flight-simulator-de-retour_5474018_4408996.html
mlsum-fr-4762
La centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne), le 19 juillet, pourrait être mise à l’arrêt au moins pour une journée, en raison de la vague de chaleur. REGIS DUVIGNAU / REUTERS L’épisode de canicule qui s’abat sur la France a déjà un impact sur la production d’électricité des centrales nucléaires. Mardi 23 juillet, EDF va mettre à l’arrêt au moins jusqu’au mardi 30 juillet les deux réacteurs de la centrale de Golfech (Tarn-et-Garonne). Samedi, le groupe avait déjà dû baisser de manière significative la puissance des deux réacteurs de Saint-Alban (Isère) et de l’un des réacteurs de la centrale du Bugey (Ain). La France compte 58 réacteurs nucléaires en activité. Si la vague de chaleur se poursuit, d’autres réacteurs, notamment le long du Rhône – qui compte quatorze réacteurs en bord de fleuve –, pourraient être arrêtés pour un ou plusieurs jours. Lire aussi Le retour de la canicule va aggraver la sécheresse qui touchait déjà la France EDF est contraint par la réglementation environnementale d’arrêter ou de diminuer la production de certains sites pour respecter les limites de température de l’eau. Dans le fonctionnement d’une centrale nucléaire en bord de fleuve, l’eau de celui-ci est en effet utilisée pour refroidir la vapeur du circuit secondaire qui alimente les turbines, avant d’être rejetée dans le fleuve. Mais cette eau ne doit pas dépasser une certaine température pour ne pas modifier l’équilibre environnemental du fleuve. Chaque centrale dispose de limites particulières liées aux spécificités géographiques, techniques ou environnementales. « On surveille de très près la température du Rhône, qui varie notamment en fonction de ce qui se passe sur le lac Léman », explique au Monde Etienne Dutheil, directeur du parc nucléaire d’EDF, qui n’exclut pas d’autres arrêts cette semaine. En 2018, quatre réacteurs en bord de Rhône avaient ainsi dû être arrêtés pour une courte période. 3 % de la production nationale Ces rejets sont souvent critiqués par les associations écologistes, qui accusent les centrales nucléaires de contribuer à réchauffer les fleuves. « Ces rejets thermiques agissent comme une barrière qui réduit considérablement les chances de survie des poissons grands migrateurs, comme les saumons et truites des mers », affirme ainsi Réseau Sortir du nucléaire. Sur le plan biologique, des températures au-delà de 28 oC ou 30 oC peuvent nuire à la reproduction des poissons et favoriser le développement d’algues et de végétaux aquatiques. Ces arrêts n’ont qu’un impact mineur sur la production d’électricité, alors que la France peut produire en été largement plus que sa consommation et exporte vers ses voisins. « Samedi, la baisse de production des réacteurs représentait seulement 3 % de la production nationale », explique Etienne Dutheil, qui précise que sur les dix dernières années, les pertes de production liées aux canicules représentent 0,3 % de la production. Les réacteurs victimes du climat Les centrales nucléaires ne produisent pas directement de CO 2 et contribuent ainsi peu au réchauffement climatique. Ce qui explique que le nucléaire est souvent présenté par l’industrie comme un atout pour la France dans la lutte contre le changement climatique. Mais les centrales sont elles-mêmes victimes du climat : les étés vont devenir de plus en plus chauds et les températures extrêmes vont se multiplier. Y compris dans des zones qui jusqu’ici étaient protégées de ce type de phénomène : en 2018, la Finlande a par exemple dû ralentir la production d’un réacteur qui rejetait dans la mer de l’eau à 32 oC. D’autres problèmes peuvent se poser : si l’eau pompée est à une température trop élevée, elle ne joue plus de manière efficace sont rôle de refroidissement. De même, si le cours d’un fleuve devient trop bas, la centrale ne peut plus prélever suffisamment d’eau, et risque d’assécher le cours. Un problème qui ne concerne pas la Loire ou le Rhône, mais qui peut se poser, par exemple, pour la centrale de Civaux, au bord de la Vienne. Pierre-Franck Chevet, l’ancien président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), estimait en 2018 que les sites de huit centrales – sur les 19 que compte la France – étaient « plus sensibles ». La multiplication des épisodes climatiques sévères va rendre plus difficile à l’avenir la localisation de centrales en bord de fleuve. Les réacteurs devront alors privilégier une localisation en bord de mer.
La vague de chaleur qui s’abat sur la France risque de conduire à des baisses de production, voire à d’autres arrêts de réacteurs, notamment en bordure du Rhône.
https://www.lemonde.fr/energies/article/2019/07/22/canicule-edf-doit-mettre-a-l-arret-deux-reacteurs-nucleaires_5492251_1653054.html
mlsum-fr-4763
assé entre-temps. Cette semaine, Anne, 46 ans. Premier jour J’ai 26 ans et j’ai déjà démissionné deux fois. Comme je n’arrive pas à trouver ma place en France, je décide de partir à Montréal où je suis née. Autant profiter de ma double nationalité qui me permettra de travailler là-bas sans visa ! Quelques mois après mon arrivée, j’entre chez IBM comme chargée de reporting : bon job, bon salaire, je ne compte pas mes heures. Un matin, les pompiers volontaires de la boîte interviennent dans mon département à cause d’une fuite de produits chimiques. Quand je le vois passer à travers la baie vitrée, j’ai immédiatement un coup de cœur. Il est chauve avec un beau crâne. Une tête ronde et des fesses superbes. Je ne peux pas détacher mon regard de lui et je n’écoute plus ma collègue. « Tu viens de tomber en amour », me fait-elle réaliser. Rouge de confusion, je m’excuse car on est en plein travail. Quand nous sommes évacuées de l’autre côté du couloir, elle m’apprend que Paul est ingénieur mécanique. Le soir, je ne supporte plus que mon compagnon m’approche ou me touche. Paul me hante. Ça ne va pas. Il faut absolument que je me libère de mes sentiments naissants pour reprendre ma petite vie tranquille ! Convaincue que je vais prendre un râteau, j’envoie un message à Paul sur l’Intranet d’IBM. Et contre toute attente, il me propose de prendre un verre après le travail à La Maison blanche, à Granby. Il a huit ans de plus que moi, fait du VTT de compétition en montagne – d’où son corps parfaitement musclé, rien à voir avec les golgoths de salle de sport – et ne boit pas trop. Il n’a pas l’air d’être un fêtard, exactement le contraire de mon copain. Doux et serein, je sens qu’il peut me canaliser. Le lendemain, Paul m’écrit qu’il aimerait me revoir dans d’autres conditions : chez lui car les bars, ce n’est pas son truc. Impossible de refuser ! Je dois trouver le bon moment pour ne pas éveiller les soupçons. Le soir du rendez-vous, j’attends que mon copain parte au travail pour mettre une petite robe et des talons. Je ne me maquille pas trop car je sens que Paul aime la simplicité. Sur le chemin, alors que j’emprunte des rues peu passantes, je vois les phares d’une ­voiture dans mon rétroviseur. Toujours la même. C’est bizarre mais je n’en fais pas cas. Je gare ma Chevrolet Z24 rouge dans l’allée de sa maison, la voiture qui me suit me dépasse au ralenti. Quand Paul ouvre la porte, je ne peux pas me retenir : je lui saute dessus. Nous nous embrassons sans prendre le temps de nous parler.
Deux jours dans la vie des amoureux. Le premier parce que tout s’y joue, le dernier parce que tout s’y perd. A chacun de deviner ce qu’il s’est passé entre-temps.
https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2019/10/14/s-aimer-comme-on-se-quitte-il-est-categorique-il-ne-veut-pas-d-enfant_6015410_4497916.html
mlsum-fr-4764
Les tombes anonymes du cimetière de Zarzis, en Tunisie, en juillet 2017. FATHI NASRI / AFP Sur la plage d’Aghir de l’île de Djerba, dans le sud de la Tunisie, il y a plus de cadavres que de baigneurs, en ce début de mois. Lundi 1er juillet, un canot a coulé au large. Une embarcation partie à l’aube de la ville libyenne de Zouara, à 120 kilomètres à l’ouest de Tripoli, avec 86 personnes à bord. Trois ont été repêchées vivantes. La mer rend les autres, une à une. « Moi, j’en peux plus. Là, c’est trop. » Chemseddine Marzoug, le pêcheur qui, depuis des années, offre une dernière demeure aux corps que la mer rejette, dit son ras-le-bol. « J’ai enterré près de 400 cadavres et, là, des dizaines vont encore arriver dans les jours qui viennent. Ce n’est plus possible, c’est inhumain et nous ne pouvons pas gérer ça tout seuls », se désespère le gardien du cimetière des migrants de Zarzis, ville située au sud-est de la Tunisie, près de la frontière avec la Libye. La mer est calme en ce début d’été. Cela pourrait être un beau début de saison pour les habitués, qui ont dressé tentes et parasols. Mais, dans l’air, il y a comme une tension. Une embarcation arrive par la mer, une ambulance de la protection civile par la terre. « Va faire un tour avec ton enfant et reviens plus tard », demande sèchement un garde national à une rare baigneuse. Sur le bateau, plusieurs gardes maritimes portent des masques. « Trouver un camion frigorifique » Dans le canot qu’ils traînent, une forme humaine se devine sous une bâche verte. Rapidement, elle est glissée dans un sac mortuaire et déposée sur le sable. Premier d’un alignement macabre de sept corps repêchés dans la matinée de samedi, auxquels ont été ajoutés sept autres, dans l’après-midi. Et c’est sans compter tous ceux qui ont dérivé vers la plage de Ben Gardane, plus au sud. « Cette fois, c’est difficile à gérer, car le naufrage n’a fait presque aucun survivant. Nous avons donc des arrivées massives de cadavres », raconte Mongi Slim, président du comité régional du Croissant-Rouge à Zarzis et Médénine, pourtant rompu à ces drames. Lire aussi Plus de 80 migrants portés disparus après un naufrage au large de la Tunisie Ce docteur en pharmacie, qui aide la protection civile, connaît par cœur la procédure. D’abord, il faut déposer les corps à la morgue puis les transporter à Gabès, à plus de deux heures de route, où se trouve le médecin légiste le plus proche. Là, des prélèvements ADN sont faits. C’est le seul moyen d’identifier les corps. « L’urgence, aujourd’hui, c’est de trouver un camion frigorifique pour transporter les quinze corps repêchés. D’habitude, nous n’en avons pas autant, donc c’est plus fluide », raconte-t-il, en habitué des morts de la mer. Entre les appels du gouverneur et ceux de la protection civile, son téléphone sonne sans arrêt. C’est à Chemseddine Marzoug et à lui que l’on s’adresse à chaque naufrage. Lire aussi Méditerranée : 55 migrants secourus après trois jours de traversée Mais en ce début d’été, le pêcheur est en colère. Touché par le drame qui vient d’avoir lieu et pleinement conscient que la fin des patrouilles des bateaux des ONG signifie une recrudescence des cadavres sur ses plages. Cette fois, si les survivants à la dérive n’avaient pas été secourus par des pêcheurs, après quarante heures dans l’eau, personne n’aurait été au courant du naufrage. « Nous avons pu avoir les informations grâce aux survivants. Les deux Maliens qui ont pu parler nous ont expliqué qu’il y avait au moins une famille et une femme enceinte », précise Lorena Lando, chef de mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Le cadavre d’une femme, enceinte de huit mois, a bien été repêché samedi, ainsi que celui d’un bébé. « Je ne veux plus partir en Europe » Une fois passés par Gabès, ils seront, comme les autres, enterrés par Mongi Slim, dans le nouveau cimetière de Zarzis, ouvert notamment grâce à une campagne de dons. « Sur les pierres tombales, nous nous limitons à un numéro et à la date de la mort, car nous n’avons pas de papiers, et aucun moyen de contacter leur famille », regrette-t-il. Dans le centre d’urgence de Zarzis, Ousmane et Mamadou Kamara, 20 et 16 ans, sont encore sous le choc. Avec un troisième homme encore en soins intensifs, ils sont les seuls survivants. Le quatrième homme repêché, après deux jours accroché au canot, est décédé à son arrivée à l’hôpital ; mort d’être resté trop longtemps dans l’eau froide, sans boire ni manger. Ousmane, l’aîné des deux frères maliens, s’accroche à son histoire. C’est tout ce qu’il lui reste. « On est arrivés en Libye en 2018, après avoir traversé le désert par le Niger. Là, on a travaillé pour financer la traversée. On voulait partir en Europe pour y être footballeurs. Au pays, on jouait, mais on n’arrivait pas à financer notre entraînement », explique-t-il. Lire aussi Un navire avec 75 migrants demande à la Tunisie de le laisser accoster Chacun a versé 3 000 dinars libyens (1 915 euros) pour la traversée. « Quand le bateau a commencé à couler, il y a eu un mouvement de panique. Nous nous sommes accrochés aux planches du bateau avec mon frère. On est restés dans l’eau comme ça, pendant plus de deux jours », dit Ousmane. Son cadet a le nez brûlé par le soleil et peine à rassembler ses pensées. Son regard est perdu quelque part au loin, entre les dizaines d’hommes qui se sont tus un à un autour de lui, et cette mort qu’il a sentie flotter si près, si insistante. « Je ne veux plus partir en Europe », est-il juste capable de préciser aujourd’hui. 1 100 migrants répartis dans six centres Au centre d’urgence, ils ne sont pas les seuls. Des rescapés du naufrage du mois de mai, où 16 personnes ont survécu sur 65, sont encore là, dans l’attente. Hsaia Shisir, un Bangladais de 17 ans, travaille un peu au noir avant de décider de ce qu’il va faire. Son long périple pour gagner l’Europe lui a coûté 9 000 dollars (quelque 8 000 euros) d’emprunt, pour faire l’aller simple Dacca-Dubaï, puis Dubaï-Benghazi, et en voiture jusqu’à Zouara, où il a pris le bateau. « Je ne veux pas retourner en Libye, c’est le règne des milices là-bas. Je ne peux pas non plus rentrer chez moi, j’ai trop de dettes. Mon seul espoir, c’est l’Europe », assure-t-il. En plus de ces personnes en transit, qui attendent une occasion de départ, la Tunisie doit gérer les réfugiés qui arrivent par voie terrestre, du côté de la frontière libyenne. Près de 800 ces six derniers mois, selon l’OIM. « Aujourd’hui, nous avons un vrai souci à la frontière libyenne vu l’instabilité sur place. Du coup, c’est difficile de faire l’équilibre entre humanitaire et sécurité, surtout que nous connaissons peu les nouvelles nationalités qui arrivent par voie terrestre. Nous avons eu des cas d’Ethiopiens qui se faisaient passer pour des Erythréens. Nous n’avons aucune traçabilité sur les personnes qui arrivent », regrette Habib Chaouat, gouverneur de Médénine. Pour l’instant, 1 100 migrants attendent, répartis dans six centres. Et désormais, les Erythréens qui, il y a quelque temps, encore repartaient vers l’Europe, demandent l’asile ici. Une petite centaine est logée dans un centre de Médénine piloté par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, avant d’obtenir leur statut. La Tunisie, qui a refusé de devenir une plate-forme d’accueil pour les candidats à l’exil en Europe, doit se coordonner avec l’OIM pour les bateaux qui dérivent et sont refusés dans les ports européens. Le dernier en date, amené là par le remorqueur égyptien Maridive 601, après avoir erré plus de deux semaines en juin, a laissé soixante-quinze passagers. Seuls seize ont accepté le retour volontaire dans leur pays, avec l’assistance de l’OIM. Dans une déclaration faite à Zarzis, mercredi 3 juillet, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, demandait de l’aide à la communauté internationale, rappelant que « la question des réfugiés et des migrants ne relève pas de la responsabilité de la République tunisienne (…). Tous les pays doivent en assumer la responsabilité. » Une phrase que d’autres, déjà, ont prononcée avant lui, dans d’autres pays. Mais sans que la situation ne bouge vraiment. Lilia Blaise (Djerba, envoyée spéciale)
Dans le sud-est de la Tunisie, les naufrages d’embarcations en provenance de Libye rejettent sur les plages les corps de ceux qui voulaient gagner l’Europe.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/08/tunisie-dans-le-cimetiere-de-zarzis-les-tombes-anonymes-des-migrants-naufrages_5486974_3212.html
mlsum-fr-4765
Nathalie Loiseau, le 26 mai 2019. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE » Les propos très peu diplomatiques tenus lors d’un « off » de Nathalie Loiseau, la semaine dernière, ont finalement eu raison de sa candidature à la présidence du groupe des Libéraux au Parlement européen (rebaptisé « Renaissance Europe »). L’ex-ministre des affaires européennes a renoncé, jeudi 13 juin, à ce poste à forte exposition médiatique à Bruxelles et Strasbourg. Signant, du même coup, un atterrissage raté de la Macronie dans l’hémicycle européen. Une partie du « off » de Mme Loiseau s’est retrouvée sur la place publique au cours des derniers jours. Ils ont considérablement fragilisé les ambitions de la tête de la liste Renaissance, donnant l’impression qu’elle entendait, avec ses 20 colistiers français, mener une transformation du groupe libéral à la hussarde, en faisant peu de cas des sensibilités nationales et politiques qui le composent. Vote prévu le 19 juin « Ces derniers jours, en plus des candidatures concurrentes connues à la présidence du groupe [celles de la néerlandaise Sophie Int’Veld, du suédois Fredrik Federley], d’autres se sont multipliées, certaines en réaction au “off” », explique l’entourage de Mme Loiseau. « Au fil des heures, le prix à payer pour maintenir ses chances d’obtenir la présidence devenait exorbitant », ajoute cette source. La délégation française, de loin la plus importante, avec 21 élus, d’un groupe très hétéroclite de 106 eurodéputés, convoite aussi des postes à responsabilité dans des commissions parlementaires. Avec moins de visibilité d’un point de vue médiatique qu’une présidence de groupe politique, mais la capacité de peser sur l’agenda et les orientations législatives. Maintenir leur souhait de décrocher la présidence de « Renaissance Europe » aurait privé les Français d’à peu près tous les autres postes espérés. « Mme Loiseau a agi en responsabilité. Le choix qui a été opéré est celui de préserver l’influence française au Parlement européen », précise encore l’entourage de l’ex-ministre des affaires européennes. Qui va donc prétendre au poste que Mme Loiseau convoitait ? Un vote est censé avoir lieu à « Renaissance Europe » le 19 juin. Qu’un autre élu français de la liste Renaissance la remplace semble pour l’heure exclu. Mais étant donné leur poids chez les libéraux, les Français continueront d’être incontournables pour le choix d’une ou un chef. Le nom du Roumain Dacian Ciolos, ex-premier ministre, ex-commissaire, parfait francophone, circulait avec insistance, jeudi, dans les couloirs du Parlement européen. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’atterrissage délicat des élus macronistes au Parlement européen
La candidature de l’eurodéputée LRM était contestée depuis les propos critiques qu’elle a tenus à l’égard de ses alliés européens.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/13/nathalie-loiseau-renonce-a-briguer-la-presidence-du-groupe-centriste-au-parlement-europeen_5475818_3210.html
mlsum-fr-4766
SÉVERIN MILLET Et mon cul c’est du Tofu ?, le label alternatif installé dans l’ancienne quincaillerie du Vieux-Marché (1 300 âmes, Côtes-d’Armor), fête ses 10 ans et une bonne nouvelle : en 2018, selon Nielsen Music, les ventes de cassettes audio aux Etats-Unis ont encore augmenté de 23 %. Et au Royaume-Uni, les chiffres officiels affichent une hausse de 120 %. Alléluia ! Certes, elle était moribonde, et tout cela ne représente que 220 000 ventes outre-Atlantique et 50 000 outre-Manche… Pour donner un ordre de grandeur : selon les chiffres du Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP), en France, en 2018, ont été vendus 4 millions de vinyles (quatre fois plus qu’en 2015) qui représentent encore à peine un quart des revenus de ventes d’albums, le CD demeurant loin devant, et tout ça confondu étant désormais inférieur aux revenus du streaming sur Internet. Là-dedans, la cassette est une aiguille dans une botte de foin que le SNEP ne se fatigue même pas à comptabiliser. Néanmoins, elle est là, se développant, étendard d’une communauté d’aficionados en révolte contre la modernité et l’industrie de la musique. Ils ont pour noms Manufacture Errata à Lyon, Gurdulu à Grenoble, Fougère sur le plateau de Millevaches, La République des granges, Tanzprocesz, Alligator Baby, Hylé Tapes, Anywave… Des micro-labels, non professionnels, pour la beauté du geste. « De la microéconomie mais qui s’autofinance, témoigne l’un de ces directeurs artistiques de l’ombre. On reçoit même des demandes de stages alors qu’on n’a ni locaux ni structure. » Lire aussi En Bretagne, une entreprise ressuscite la cassette audio Des supports physiques Erika Tarbouriech et Emile Cartron se sont rencontrés dans les concerts punk alternatifs parisiens. Elle, 36 ans, est styliste, collectionne et achète des habits vintage qu’elle revend sur sa boutique en ligne (« Souvenir vintage » sur le site Etsy)… Lui, 25 ans, vient de finir ses études et travaille à mi-temps dans un magasin bio derrière le Panthéon. Mais leur vrai boulot, celui qui ne rapporte rien mais qui vaut tout, c’est la musique. Voilà neuf ans qu’ils ont créé Gone With The Weed (« Autant en emporte l’herbe »). D’abord des concerts, des jauges entre 100 et 150 personnes, puis l’envie de produire des supports physiques. La cassette audio tout d’abord : « Ce n’est pas une position, c’est un véhicule. C’est un produit pas cher, tu y écoutes tout. Il y a un côté fait à la main. Tu retrouves le plaisir de la tracklist et ses choix stratégiques entre face A et face B, expliquent Emile et Erika. C’est un bon entre-deux dans une époque où il n’y a plus de format physique. »
Quasiment disparu, ce format renaît chez de petites compagnies de production musicale. Même si les ventes restent plutôt confidentielles.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/22/la-cassette-audio-entre-en-resistance_5501469_3246.html
mlsum-fr-4767
Louis Thiry Dolce Volta L’organiste et compositeur Louis Thiry, qui fut l’un des initiateurs du renouveau de l’orgue en France, est mort le 27 juin à l’âge de 84 ans. Cet homme discret, qui a consacré sa vie à la musique, s’était fait remarquer au début des années 1970 avec la parution chez Calliope d’une intégrale de l’œuvre pour orgue d’Olivier Messiaen, dont il était l’un des interprètes privilégiés, toujours considéré comme l’une des grandes réalisations de l’histoire du disque. Plusieurs fois récompensé (Grand Prix de l’Académie Charles-Cros en 1973), cet enregistrement devenu mythique a été remasterisé en 2018 chez La Dolce Volta. Cette somme, qui témoigne d’une science des registrations, et d’une virtuosité soulignant de manière presque extralucide les richesses du contrepoint et de l’harmonie, fait revivre les heures nocturnes de juin 1972 où Thiry jouait à l’orgue Metzler de la cathédrale Saint-Pierre de Genève, sous l’oreille complice de son collègue André Isoir (1935-2016). Louis Thiry est né le 15 février 1935 à Fléville-devant-Nancy (Meurthe-et-Moselle). Bien qu’étant aveugle, il obtient un premier prix d’orgue dans la classe de Jeanne Demessieux au Conservatoire de Nancy en 1952. Il se perfectionne, ensuite, à Paris à l’Institut national des jeunes aveugles, auprès d’André Marchal, également non-voyant, qui restera son modèle. En 1956, il entre au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, dans la classe de Rolande Falcinelli, où il obtient deux ans plus tard un premier prix d’orgue et d’improvisation. Sa carrière débute aux claviers de l’orgue de l’église de Baccarat (Meurthe-et-Moselle) en 1958, puis à Metz, où il devient titulaire de l’orgue de l’église Saint-Martin de 1961 à 1972. Son chemin s’arrête ensuite à Rouen : il est nommé professeur au Conservatoire et sera de 1971 à 2000 à la tribune des orgues historiques Lefebvre de la chapelle de l’hôpital Charles-Nicolle. Parmi ses élèves messins, Bernard-Marie Koltès, qui se passionne alors pour Bach avant de devenir un auteur dramatique mondialement reconnu ; parmi ses disciples rouennais, Alain Mabit, Benjamin Alard ou Céline Frisch. « Chaque fugue est une aventure » « Il est banal de dire de l’orgue qu’il est le roi des instruments, de magnifier la richesse de ses timbres, la puissance de sa voix, la complexité de son mécanisme, la diversité de ses plans sonores, ses grandes possibilités polyphoniques, etc. Il est moins courant de signaler ses faiblesses et ses servitudes. La grande faiblesse de l’orgue, c’est sa mécanisation : le chanteur, le flûtiste, le violoniste peuvent agir sur le son tout au long de son déroulement, le pianiste maîtrise l’intensité de ses attaques avec une grande subtilité. Devant un son qui lui est donné tout fait, l’organiste n’a comme seul choix que de bien l’attaquer et de bien l’arrêter », disait-il en parlant de son instrument.
Le musicien français, mort le 27 juin à l’âge de 84 ans, a enregistré une intégrale pour orgue d’Olivier Messiaen qui restera au sommet de la discographie.
https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2019/06/30/l-organiste-et-compositeur-louis-thiry-est-mort_5483430_3382.html
mlsum-fr-4768
Tribune. Le 1er septembre, 52 députés français ont publié dans un journal français [Le Journal du dimanche] une tribune en défense des leaders indépendantistes catalans jugés par le tribunal suprême d’Espagne. Dans ce texte, les députés français accusent la démocratie espagnole, ainsi que nos institutions, de porter atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux, de réprimer et de prendre des mesures arbitraires. Nous tenons à exprimer ici notre indignation face à des accusations si graves et infondées. Nous tenons à rappeler aux signataires de cette tribune que la qualité de la démocratie espagnole est aussi élevée que celle de la démocratie française, comme l’attestent toutes les organisations internationales, telle Freedom House qui, dans son dernier rapport sur la liberté dans le monde (2019), attribue à l’Espagne l’une note parmi les plus hautes. Notre pays possède l’un des systèmes les plus décentralisés du monde, avec un pouvoir réparti entre les institutions centrales et les institutions autonomes, à la différence de la France qui possède un modèle politique plus centralisé. Violation des droits de millions d’Espagnols Mais nous tenons surtout à signaler que les leaders indépendantistes n’ont pas été jugés en raison de leurs opinions mais parce qu’ils ont porté atteinte à nos lois fondamentales, en violant les droits et les libertés de millions d’Espagnols, notamment des citoyens de Catalogne. Le Tribunal suprême de l’Espagne ne juge pas sur le débat politique portant sur l’indépendance – débat d’ailleurs tout à fait libre dans notre pays – mais sur la violation de nos lois et de notre Constitution. Le bureau du procureur du Tribunal suprême espagnol a conclu que les accusés ont commis un délit de rébellion et a requis d’importantes peines de prison, parce qu’on a prouvé qu’il y a eu un usage de la violence dans le contexte d’une stratégie planifiée et organisée pour fracturer notre ordre constitutionnel, y compris la tenue d’un référendum illégal et une déclaration unilatérale d’indépendance de la part des autorités autonomes catalanes. Si, par exemple, les leaders nationalistes corses, qui constituent actuellement la majorité dans les institutions régionales de l’île, organisaient un référendum illégal sur l’indépendance de la Corse et qu’ils proclamaient unilatéralement l’indépendance en enfreignant frontalement leur Constitution, notamment son article premier sur la « République indivisible », les tribunaux français et toutes leurs institutions réagiraient, sans aucun doute, avec la même fermeté en défense de leurs règles démocratiques, de leur Constitution et de l’unité de la France. Si jamais cela se produisait, nous serions certainement du côté de la France pour défendre sa démocratie, sa Constitution et son unité, avec la même conviction que nous défendons actuellement la démocratie espagnole, notre Constitution et l’unité de notre pays.
Plus de 150 parlementaires espagnols répondent à 52 députés français qui, dans une tribune parue dans « Le JDD » le 1er septembre, protestaient contre la « répression » exercée sur les indépendantistes catalans.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/11/non-la-democratie-espagnole-ne-porte-pas-atteinte-aux-libertes-fondamentales_5508920_3232.html
mlsum-fr-4769
La chef du gouvernement local de Hongkong, Carrie Lam, le 9 juillet. TYRONE SIU / REUTERS Après plus d’un mois de crise aiguë à Hongkong, qui a vu une série de manifestations sans précédent, la chef de l’exécutif, Carrie Lam, a déclaré, mardi 9 juillet, que le projet de loi controversé visant à faciliter les extraditions, notamment vers la Chine, était « mort ». Le 15 juin, le projet avait été officiellement « suspendu », ce qui n’avait pas suffi à rassurer les 2 millions de Hongkongais qui avaient réagi par une manifestation monstre le 16 juin. Carrie Lam a également reconnu que la gestion de la crise par son gouvernement avait été un « échec total »… Mais, comme attendu, cette nouvelle microconcession sémantique a manqué de satisfaire les opposants à ce projet de loi qui demandent, explicitement et depuis le début de l’affaire, son « abandon », ou son « retrait total ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Hongkong, la méthode radicale des activistes divise Deux heures après la déclaration de Carrie Lam, le Front civil des droits humains (CHRF), organisateur des plus grandes marches de ces dernières semaines, a réagi en rappelant le gouvernement à l’ordre. L’une des porte-parole du CHRF, Bonnie Leung, a fait remarquer que le mot « mort » n’existait pas dans le langage juridique, appelant le gouvernement à respecter les règles et à se comporter « conformément à l’Etat de droit ». Restant dans le registre du respect du droit, Bonnie Leung a également rappelé qu’il était illégal que les policiers en service n’affichent pas leur badge d’identification sur leurs uniformes ou, comme dans certains cas observés récemment, ne portent même pas leur uniforme. Les relations entre les opposants à ce projet de loi et la police se sont fortement crispées au cours de ce dernier mois de protestation, de désobéissance civile et de confrontations. Ratage systématique des sorties de crise Le CHRF a rappelé ses cinq revendications, qui sont notamment : l’abandon explicite du texte, une commission indépendante sur les violences policières lors des heurts du 12 juin, la libération sans condition des personnes arrêtées dans le cadre des manifestations d’opposition à ce projet de loi, et la démission de Carrie Lam. Lundi, un ancien juge en chef de Hongkong, Andrew Li, a soutenu publiquement l’idée d’une commission d’enquête indépendante sur les violences policières. Alors même que Carrie Lam a déjà admis, à plusieurs reprises, que le projet de loi controversé ne pourrait plus être examiné sous cette législature (qui se termine en juillet 2020), son obstination à ne pas prononcer le mot « abandon » ou « retrait » continue de sidérer, y compris ses partisans. Le grand parti pro-Pékin, le DAB, qui dispose du plus grand nombre de sièges au Conseil législatif (LegCo), lui avait déjà tendu une perche en déclarant que ses partisans « comprendraient » qu’elle annonce le « retrait ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Hongkong, la méthode radicale des activistes divise Mais, malgré des excuses, des mea culpa publics, et des déclarations de bonnes intentions, Carrie Lam semble systématiquement rater les sorties de crise. Une tentative de dialogues avec une délégation d’étudiants a également échoué à cause d’un désaccord sur les conditions de cette rencontre. « Si elle souhaite vraiment comprendre les jeunes, elle n’a qu’à sortir de chez elle, passer de l’autre côté des murs épais qui la séparent des Hongkongais et engager un dialogue sincère », a déclaré Bonnie Leung. Aucun signe d’essoufflement Carrie Lam a expliqué son « échec total » par le fait que son gouvernement n’a « pas fait du bon travail », une façon peu subtile de faire porter l’échec à son équipe plutôt que de l’assumer personnellement. Lundi, plusieurs personnalités du camp pro-establishment ont d’ailleurs demandé la démission des membres de l’ExCo (le Conseil exécutif, la plus haute instance du gouvernement) qui avaient soutenu Carrie Lam dans sa décision de maintenir l’examen du texte après la manifestation d’un million de personnes le 9 juin. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Face au mouvement de contestation, la Chine perd patience à Hongkong Le Parlement a, pour sa part, arrêté de siéger jusqu’à la rentrée d’octobre, à cause des travaux que le saccage du bâtiment dans la soirée du lundi 1er juillet a rendus nécessaires. Les délégués du CHRF ont indiqué qu’ils allaient réfléchir à la manière de donner suite au mouvement de protestation, qui, pour le moment, ne donne aucun signe d’essoufflement.
Depuis des semaines, l’ancienne colonie britannique est plongée dans une crise politique profonde déclenchée par l’opposition à ce texte.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/09/hongkong-le-projet-de-loi-sur-les-extraditions-est-mort-selon-carrie-lam_5487062_3210.html
mlsum-fr-4770
Olivier Balez « Nathalie Sarraute », d’Ann Jefferson, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat et Aude de Saint-Loup, Flammarion, « Grandes biographies », 474 p., 26 €. Nathalie Sarraute (1900-1999) détestait les biographies. « Toujours fausses. » Ne projetant sur l’œuvre « aucune lumière valable ». L’auteure de Tropismes (Gallimard, comme tous ses livres, 1939) et des Fruits d’or (1963) soulignait que, dans son cas, figer des fragments d’existence avait d’autant moins de sens que tous ses écrits s’efforçaient d’en montrer le caractère volatil et insaisissable. « La vie est composée d’instants divers, fluides, d’écoulements constants, différemment colorés, ce que je vivais il y a un quart d’heure est différent de ce que je vis maintenant et ­vivrai ce soir. » Elle ajoutait : « Quand j’écris, je ne suis ni homme, ni femme, ni chien. » Ann Jefferson était donc prévenue. Elle en sourit dans son avant-propos et rappelle que, pour rendre la tâche plus ardue encore, Sarraute avait fait don en 1996 de ses manuscrits à la BNF en imposant un embargo de quarante ans. Tout cela ne l’a pourtant pas rebutée. Professeure émérite à Oxford, auteure du Défi biographique (PUF, 2012), Jefferson avait souvent rencontré son modèle et a collaboré à « La Pléiade » parue du vivant de l’écrivaine, en 1996. Elle a mis ses pas dans les siens, encouragée par Dominique, la plus jeune de ses trois filles. L’approche est classique, chronologique. Les premières années sont connues. D’Ivanovo, en Russie, où Natalia Tcherniak naît en 1900, jusqu’en France où, fille de juifs russes émigrés, ballottée entre des parents divorcés, elle se réfugie dans les livres, ce sont celles qu’elle a elle-même racontées dans le merveilleux Enfance, écrit à 82 ans (car si elle n’aimait pas la biographie, Sarraute sur le tard ne s’interdit pas l’autobiographie). La suite est moins familière. A commencer par « le tournant décisif » de 1923, l’année où elle rencontre son futur mari, l’avocat Raymond Sarraute, comme elle passionné de littérature. « Raymond fut la seule personne de sa vie par qui elle se sentait entièrement comprise », note Jefferson. Celui qui l’encouragea à s’éloigner du droit pour écrire restera « son plus proche allié littéraire jusqu’à sa mort ». Elle en aura besoin, car la reconnaissance ne viendra que très tard, à la sortie du Planétarium. Elle a alors 60 ans. Mouvement de balancier
L’Oxfordienne Ann Jefferson a mis ses pas dans ceux de l’auteure des « Fruits d’or » (1900-1999). Et donne bien envie de relire cette dernière.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/09/19/biographie-nathalie-sarraute-dedans-et-dehors_5512242_3260.html
mlsum-fr-4771
Le campus de Jussieu (Sorbonne université) (septembre 2016). Camille Stromboni - Le Monde C’est un dispositif qui ne concerne encore qu’un tout petit nombre d’étudiants. Mais pour le président de Sorbonne Université, Jean Chambaz, il apparaît comme une véritable réponse face à la « ségrégation sociale » creusée tout au long du parcours scolaire. Appelées « passeport pour le master », des bourses d’excellence de 10 000 euros par an sont délivrées par le mastodonte parisien, issu de la fusion des universités Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Sorbonne. Elles sont destinées à des étudiants de milieux défavorisés (des boursiers, sur critères sociaux), grâce au soutien d’un mécène privé, l’entreprise Safran. Ce soutien important est promis dès le départ pour cinq ans aux jeunes sélectionnés sur leurs bons résultats et sur leur motivation – quatre étudiants par an, soit une vingtaine de bénéficiaires actuellement. La seule condition est de valider son année. « C’est cela qui permet d’oser s’engager dans des études longues », soutient Jean Chambaz, dont l’université diplôme ses premiers boursiers d’un bac + 5. 100 % de réussite Si les grandes écoles sont actuellement épinglées pour leur absence de mixité sociale – une mission a été lancée en juin par le gouvernement pour aller vers plus de diversité –, l’université, plus ouverte aux jeunes des milieux modestes, rencontre également des difficultés. Avec une problématique bien identifiée : « La proportion de boursiers [sur critères sociaux] baisse nettement à mesure que le niveau d’études s’élève », résument les auteurs d’une note statistique ministérielle publiée en janvier. Les boursiers représentent 43 % des effectifs en licence, mais plus que 31 % en master (ex-maîtrise et DEA-DESS). Les enfants d’ouvriers représentent quant à eux 13 % des étudiants en licence, 9 % en master. Avec 100 % de réussite chez les bénéficiaires de ces « super-bourses », l’université parisienne espère étendre le dispositif, jusqu’ici concentré sur les cursus de sciences et technologie. Mais pour cela, il lui faut d’autres mécènes. « Nous avons des pistes », indique Mélina Mercier, directrice de la Fondation Sorbonne Université. Une campagne de levée de fonds a été lancée à la rentrée 2018, avec l’objectif d’atteindre 100 millions d’euros d’ici à 2022. Accompagnés par des tuteurs Depuis 2014, l’investissement du partenaire Safran, qui intervient dans le cadre de ses actions pour « favoriser la diversité », s’élève à 1,2 million d’euros. « Ce dispositif permet de faire connaître Safran aux étudiants, souligne Sabrina Gottlieb, responsable de la politique de recrutement du grand groupe industriel. Les diplômés de l’université n’osent pas toujours postuler chez nous. » En interne, cela participe à « montrer qu’il n’y a pas que les écoles d’ingénieurs qui peuvent nous apporter de bons profils ». Chaque boursier est suivi, tout au long de ses cinq années d’études, par un tuteur salarié de l’entreprise. Un accompagnement tout aussi crucial que l’aspect financier, estime Sara Rejeb, 23 ans, boursière du dispositif, qui vient de décrocher son master. La jeune femme a, grâce à sa tutrice, trouvé ses stages et le métier de ses rêves : data scientist. « Quand on arrive à savoir ce que l’on veut faire après, dans des filières où ce n’est pas évident comme les mathématiques, on est beaucoup plus motivé », souligne la jeune femme, actuellement en stage de fin d’études chez Safran. Elle espère y rester avec un contrat pour réaliser une thèse en entreprise. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Rentrée universitaire : le gouvernement face au chantier des aides sociales aux étudiants
Ce système de mécénat permet à une poignée d’étudiants, triés pour leur excellence et sur critères sociaux, de toucher 10 000 euros par an.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/31/a-la-sorbonne-des-bourses-de-10-000-euros-en-partenariat-avec-safran_5504872_3224.html
mlsum-fr-4772
Mohsen (les prénoms ont été changés) n’a jamais voulu quitter l’Iran, ni obtenir une autre nationalité que celle de son pays natal. Même après sa licence d’électronique à l’université de Téhéran, et alors que tous ses camarades se précipitaient pour envoyer leur « application » aux plus grandes universités des Etats-Unis et du Canada, il n’a pas été tenté de le faire. « C’était une question de principe », se souvient cet Iranien de 35 ans. La dégradation de la situation en Iran l’a fait changer d’avis. Il a entrepris des démarches pour obtenir un passeport turc. « Plus facile que celui des pays européens, pour lequel il faut attendre au moins six ans », précise-t-il. Ankara a allégé ses restrictions à l’obtention de la nationalité turque en octobre 2018. N’importe qui peut l’obtenir en plaçant sur un compte bancaire 500 000 dollars (contre 1 million auparavant), bloqués pendant trois ans, ou en investissant 250 000 dollars en Turquie. Chef d’une entreprise basée à Téhéran et spécialisée dans la conception de logiciels, Mohsen a acheté un appartement dans une tour sur la rive asiatique d’Istanbul correspondant à la somme fixée par la loi turque. Non loin de son nouveau domicile, il a loué des locaux pour son entreprise, enregistrée en Turquie. Si l’homme d’affaires a pris la nationalité turque, c’est avant tout pour avoir un compte bancaire à l’étranger. Le rétablissement des sanctions américaines contre l’Iran depuis le retrait unilatéral de Washington de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015 a rendu très difficile, voire impossible, la poursuite de ses affaires avec l’étranger, surtout les transactions bancaires. L’économie iranienne va tellement mal qu’aucune perspective ne se dessine dans un avenir proche. Certains de ses clients en Iran ne l’ont pas payé depuis presque deux ans. « Ils nous mènent en bateau. Et avec l’inflation (40 %), plus ils tardent à nous payer, plus nous perdons nos bénéfices. Depuis mars, je n’ai pu garder que 70 de mes 150 employés, explique Mohsen dans son appartement lumineux, rempli de meubles Ikea. Ce soir-là, en arrivant à la maison, j’ai fondu en larmes. Nous nous sommes battus. Mais cela n’a pas marché. Qu’aurais-je pu faire d’autre ? » Valises d’argent liquide « La Turquie est en passe de devenir l’eldorado des Iraniens qui cherchent à contourner les sanctions » Depuis que ses espoirs ont été douchés, Mohsen, actif depuis huit ans dans le secteur des télécommunications en Iran, essaie de développer ses affaires en Afrique. « Après l’accord, des sociétés espagnoles et russes nous ont approchés pour qu’on devienne leur représentant régional. Toutes ont jeté l’éponge depuis que Donald Trump a décidé de sortir de l’accord, par peur d’être épinglées par les Etats-Unis », explique-t-il. Mais le continent africain est aussi un terrain compliqué, jamais assez loin de l’Amérique. Dernièrement, au Ghana, sa nationalité iranienne lui a valu des problèmes : Mohsen a été questionné pendant deux heures par les services de renseignement et son passeport lui a été confisqué, avant de lui être restitué deux jours plus tard. « Au Kenya aussi, toutes les banques ont refusé de m’ouvrir un compte bancaire », dit-il.
Mohsen et Soheil, tous deux hommes d’affaires, ont profité des facilités diplomatiques en Turquie, où il suffit d’investir 250 000 dollars pour obtenir un passeport.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/07/a-istanbul-des-iraniens-obtiennent-la-nationalite-turque-pour-contourner-les-sanctions-americaines_5497381_3210.html
mlsum-fr-4773
Renaud Lavillenie vient de vivre, samedi 28 septembre à Doha, une première – mais pas de celle dont on peut se réjouir. Le recordman du monde du saut à la perche a vécu au stade Khalifa sa première élimination en phase de qualifications lors de championnats du monde en plein-air, laissant à nouveau s’évanouir toute chance de décrocher une médaille d’or mondiale qui lui échappe toujours. A 33 ans, la malédiction « mondiale » continue de poursuivre Lavillenie. Incapable de franchir 5,70 m, le Français termine sa compétition avant même de l’avoir vraiment commencée. Son dernier échec à ce stade d’une compétition remontait à 2010. Il y a neuf ans, il avait déjà échoué à atteindre la finale des Mondiaux en salle. Ironie supplémentaire, la compétition se déroulait également dans la capitale qatarie. Une coïncidence qui n’a pas échappé au principal intéressé, plus fataliste qu’abattu : « Je n’ai pas pris le concours à la légère. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Ou peut-être que c’est la ville qui ne veut pas. La dernière fois que je n’ai pas passé les qualifications d’un Mondial (indoor), c’était déjà ici. Je n’y ai pas pensé un seul instant avant, mais force est de constater… (Sourire.) » Le cadet qualifié Mardi 1 octobre, lors de la finale, le Français devra regarder de loin la bataille homérique qui s’annonce entre les trois perchistes dominants du moment : le Polonais Piotr Lisek, le Suédois Armand Duplantis et l’Américain Sam Kendricks. Petite consolation, il aura la possibilité d’encourager son jeune frère, Valentin, qui s’est qualifié. Un cadet presque plus déçu que son aîné devant les journalistes. « C’est sûr. Il est émotif. C’était l’un de nos objectifs d’aller tous les deux en finale. Ce sont des choses qui arrivent. C’est frustrant et pas facile, mais, dans l’absolu, j’en ai déjà fait pas mal, des finales, a relativisé Renaud Lavillenie. Je ne suis pas le premier, ni le dernier, à tomber dans le fameux piège des qualifications. Cela fait dix ans que je répète que ça peut arriver, que c’est la perche et que rien n’est jamais acquis. En voilà la démonstration grandeur nature. » A la différence de ses échecs à Daegu (2011), Moscou (2013) ou Pékin (2015), Lavillenie ne portait pas le costume de favori au Qatar. La faute à une saison tronquée et perturbée par les blessures. Pendant cinq longs mois, le perchiste n’avait pas pu réaliser ce qu’il aime le plus faire au monde : sauter à la perche. « Il a commencé le saut mi-juin. Donc il est passé de 5 000 sauts à 500 à peine, si vous faites les calculs. Et c’est un gars qui a besoin de beaucoup sauter pour se rapprocher de son meilleur niveau », confiait son entraîneur, Philippe d’Encausse, à deux jours des qualifications fatales. Renaud Lavillenie, qui n’avait pas été plus haut cette année que 5,85 m lors des championnats de France en juillet, a analysé calmement les causes de son échec : « Je suis lucide. J’ai manqué de compétition et de rythme au moment où il fallait que ça se mette en place. Je n’avais pas assez de repères et, malgré toute mon expérience, je n’ai pas réussi à m’en sortir. » « Personne n’a le droit de dire ce que je dois faire » Les doutes et les incertitudes auront finalement été trop forts. Avec son franc-parler habituel, Philippe d’Encausse le pressentait peut-être un peu quand il expliquait ce contexte si particulier d’avant-compétition : « Quand tu arrives et que tu as fait 6 mètres, tu peux te permettre de faire un saut à 5,70 m, de remettre tes baskets et de t’en aller. J’aime toujours mieux quand on arrive avec une référence de la saison à 6,05 m et pas l’inverse. » Proche de son athlète, le coach voulait pourtant y croire : « La médaille n’est pas du domaine du miracle. Elle est envisageable. Renaud est un vrai chien sur le terrain et il a une vraie science de la compétition. » Ce savoir-faire n’aura pas eu le temps de servir. La loterie des qualifications n’en a pas laissé l’occasion à Renaud Lavillenie, au cours d’une soirée noire pour l’équipe de France avec notamment les éliminations en demi-finale du sprinteur Jimmy Vicaut, du coureur de 400 m haies Ludvy Vaillant, de la spécialiste du 800 m Rénelle Lamote, à peine améliorées par la sixième place au lancer du marteau d’Alexandra Tavernier, qui pouvait prétendre à un podium. Renaud Lavillenie, qui reste l’un des chefs de file de l’athlétisme tricolore, envoyait un message clair à ses contempteurs. « Je vais bien rigoler en regardant la presse demain. Mais d’une, personne n’a le droit de dire ce que je dois faire et encore moins d’affirmer que c’est fini pour moi. Quand tu fais dix-huit médailles en dix ans, tu rates une compétition et tu es fini… Faut pas se foutre de la gueule des gens », a-t-il asséné. A 33 ans, Renaud Lavillenie n’a pas encore déposé les armes. Cela tombe bien : il aura l’occasion de prendre sa revanche dans quelques mois, lors des Jeux olympiques, qui n’auront pas lieu à… Doha, mais bien à Tokyo.
Le perchiste français n’aura pas l’occasion d’aller chercher sa première médaille d’or mondial en plein-air. Samedi, les qualifications ont été fatales au recordman du monde à cause de trois échecs à 5,70 m.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/09/28/mondiaux-d-athletisme-renaud-lavillenie-tombe-dans-le-piege-des-qualifications_6013473_3242.html
mlsum-fr-4774
Des fournitures scolaires dans un magasin de Montpellier (Hérault), en août 2017. PASCAL GUYOT / AFP Bonne nouvelle pour les familles : en 2019, le coût de la scolarité demeure relativement stable (+ 0,17 %), après un recul de 2,91 % l’année dernière, selon l’étude annuelle publiée vendredi 16 août par la Confédération syndicale des familles (CSF). « Cette stagnation n’est cependant pas linéaire », prévient la CSF. En effet, le budget est en forte augmentation au collège (+ 7 % à l’entrée en quatrième, et + 5,58 % en sixième), en raison des achats d’équipements sportifs, pour lesquels les jeunes sont de plus en plus séduits par les marques. A l’inverse, il a diminué au cours préparatoire (- 3,97 %), où les parents recherchent le meilleur rapport qualité-prix, ainsi qu’à l’entrée au lycée (- 3,64 % en seconde générale), avec des familles « moins enclines à des achats superflus » et « plus attentives à réutiliser le matériel de l’année précédente », d’après la CSF. Lire aussi Rentrée des classes : des prix en baisse qui inquiètent les fabricants Dans les rayons, cette année, les marques de fournitures scolaires ont mis en avant des produits répondant aux problématiques environnementales qui agitent la société : colles sans solvants, stylos sans plastique… L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui a rappelé, le 17 juin, que « certaines fournitures scolaires [étaient] composées de produits [pouvant] avoir des impacts sur la santé des enfants », recommande de choisir « une colle amidon en bâton plutôt que liquide, des gommes et feutres non parfumés », mais aussi des fournitures « si possible sans plastique : pochettes cartonnées, gommes sans coque en plastique, règles en métal ». « Un tournant » Aujourd’hui, il s’agit davantage d’un marché d’offre qu’une réelle demande des consommateurs Pour autant, il existe un décalage entre la part des ventes écoresponsables et le niveau de préoccupation du grand public. « C’est naissant. C’est le tout début, reconnaît Christophe Rault, président de la marque Tann’s, qui vend plus de 200 000 cartables à chaque rentrée. Pour l’instant, dans nos études de consommateurs, le critère écoresponsable arrive en quatrième (…) position, derrière la solidité du produit, le prix et le côté tendance ». Aujourd’hui, il s’agit davantage d’un marché d’offre qu’une réelle demande des consommateurs. Depuis 2009, le distributeur Bureau Vallée ne fait entrer au catalogue que les produits ayant obtenu une notation, par un organisme tiers, sur le respect de l’environnement et la santé des utilisateurs – note mentionnée sur les étiquettes en rayon.
Cette année, distributeurs et fabricants proposent des fournitures plus respectueuses de l’environnement, en écho avec les préoccupations de la société.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/08/16/une-rentree-scolaire-placee-sous-le-signe-de-l-ecologie_5499948_3234.html
mlsum-fr-4775
’anime. C’est une tragédie qui vient de meurtrir la communauté du cinéma d’animation. L’incendie qui a touché le studio Kyoto Animation, jeudi 18 juillet, met en péril l’un des studios indépendants les plus prometteurs du cinéma japonais. Le feu a ravagé une partie des locaux consacrés à la production artistique, et tué au moins 33 personnes. Lire aussi Un incendie ravage le studio japonais Kyoto Animation, causant la mort de 33 personnes Depuis sa création, au début des années 1980, Kyoto Animation s’est imposé petit à petit dans la production de films, avec des méthodes assez originales, pour devenir la locomotive de l’animation dans sa région, le Kansai, mais aussi au niveau national. Il jouit d’une solide réputation, avec pourtant une équipe de 160 salariés, plus modeste que celle des mastodontes du secteur. « Au Japon, c’est un des studios qui comptent », assure Mickaël Marin, directeur du Festival international du film d’animation d’Annecy. Dans de précédentes éditions, le festival avait programmé A silent voice et Liz et l’Oiseau bleu, deux films sortis des studios « KyoAni », selon l’abréviation affectueuse donnée dans le milieu de l’anime. Un studio essentiellement féminin « C’est une équipe d’autant plus remarquable qu’elle a été fondée par une femme, fait encore assez rare, tant au Japon que sur le plan international », ajoute M. Marin. L’histoire de Kyoto Animation est intimement liée à celle de Yoko Hatta, une peintre qui travaillait pour Mushi Production, un studio créé par Osamu Tezuka, le Walt Disney du manga et père d’Astro Boy. Après son mariage, Yoko Hatta part s’installer dans la préfecture de Kyoto. Pour tuer le temps, elle se rapproche d’autres femmes au foyer et forme une petite équipe de sous-traitantes, qui peignent sur celluloïds pour les besoins en dessins animés de studios, tels que les productions Pierrot, comme le raconte le blog anglophone Sakuga. Les quatre pionnières se font la main sur quelques épisodes du populaire Urusei Yatsura, la série dérivée du manga de Rumiko Takahashi, mettant en scène la romance gaguesque entre un adolescent et Lamu, une extraterrestre. Quelques années plus tard, en 1985, Yoko Hatta décide de fonder l’entreprise Kyoto Animation et de s’établir de façon plus professionnelle. Tandis qu’elle conserve l’entière maîtrise des décisions artistiques et logistiques, elle confie à son mari, Hideaki Hatta, les rênes de la présidence. Un modus operandi qui ne changera guère par la suite. Matthieu Pinon, journaliste et coauteur avec Philippe Bunel du livre Un siècle d’animation japonaise (Ynnis, 2017), a visité les équipes de Kyoto Animation en mars 2017. Il confirme : « Le studio est resté très féminisé. Entre 70 % et 80 % des salariés sont des femmes. Une particularité assez rare, et, il me semble, seulement partagée par le studio 4 °C. » Le journaliste parle également d’« un fonctionnement avec une hiérarchie un peu moins verticale que de coutume, prenant en compte à plusieurs occasions l’avis de ses salariés et collaborateurs ». Un registre sentimental et charmant Le blog Sakuga vante aussi un studio avec « un fort désir d’indépendance, d’être réellement responsable des animes qu’ils font et de piloter toutes les décisions ». Une posture relativement inhabituelle pour l’industrie culturelle de l’archipel. Un travail raffiné et livré dans de bons délais a permis au jeune studio de gagner la confiance de plus en plus de clients. Ce qui convainc la direction de délaisser la sous-traitance au début des années 2000. L’équipe d’une soixantaine de personnes s’attelle alors à ses propres productions : des films, des séries et des téléfilms animés. En 2006, KyoAni se distingue avec deux séries télé : La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, l’histoire d’une lycéenne extravagante qui se passionne pour le paranormal ; Kanon, le récit romantique d’un adolescent qui retourne dans sa ville d’enfance. Suivront ensuite les succès critiques de K-On ! (2010) ou encore de Tamako Market (2013), des titres qui s’apparentent tous au registre « Moe », un terme d’argot qui fait référence aux sentiments d’affection et d’adoration. Ce style se caractérise par des personnages féminins charmants et adorables, et par le bon sentiment poussé à l’extrême – dont certains dénoncent les dérives fétichistes. Pour nourrir ses créations originales, le studio possède par ailleurs KA Esuma Bunko, une maison d’édition de romans jeunes adultes, des « light novels », source quasi inépuisable de scénarios. Virtuoses de la lumière Récemment, les studios kyotoïtes se sont illustrés avec l’adaptation en film du manga A Silent Voice (2016), qui aborde la question du harcèlement et du handicap. Son succès auprès de la critique et dans les salles – y compris étrangères – a permis à sa réalisatrice, Naoko Yamada, qui fait ses armes chez KyoAni et a dirigé nombre de ses hits, de grimper sur la liste des cinéastes d’animation à surveiller de près. « Sur le plan technique, ils se sont beaucoup distingués pour le travail de la lumière, détaille le journaliste Matthieu Pinon. Le studio est également très performant sur l’animation des musiciens, qui peut être dans certains films ou séries catastrophiques. Chez eux, on peut presque reconnaître les accords joués sur le manche d’une guitare. » Des marques de fabrique et des thèmes récurrents (récits de collégiens, bluettes musicales, jeunes filles émouvantes) chez Kyoto Animation, qui peuvent donner à ses détracteurs un sentiment de répétition, là où les soutiens y voient « une équipe qui fait seulement les œuvres qui lui plaisent ». En 2018, le studio se renouvelle et s’ouvre définitivement à l’international avec la série Violet Evergarden, dont les droits de diffusion en streaming sont acquis par Netflix, et qui s’avère être une formidable carte de visite pour le studio. Ces derniers mois, l’équipe travaillait d’ailleurs à la réalisation d’un film animé du même nom. Sa sortie, prévue pour janvier 2020 selon son site Internet, est aujourd’hui compromise par l’incendie qui a ravagé le studio.
L’incendie survenu jeudi a fait au moins 33 victimes. Fondée il y a près de quarante ans par la peintre Yoko Hatta, la modeste entreprise avait su s’imposer comme un artisan-clé de l’anime.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/18/kyoto-animation-un-eminent-studio-d-animation-devaste-par-les-flammes_5490885_4408996.html
mlsum-fr-4776
Le ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini (à droite) et le premier ministre hongrois Viktor Orban à Milan, le 28 août 2018. Luca Bruno / AP Tribune. Matteo Salvini et Viktor Orban ne prendront pas le contrôle de l’Union européenne à la suite des élections du 26 mai. Sur le plan des idées, en revanche, le ministre de l’intérieur italien et le premier ministre hongrois risquent de rester longtemps les maîtres du jeu, donnant le ton et fixant l’agenda du débat. Car même leurs plus ardents adversaires ont désormais intégré leurs arguments et les emploient, de manière plus ou moins consciente, dans leurs discours. En termes culturels, les nationaux-populistes sont devenus le nouvel establishment. Ce qui signifie que les pro-européens doivent devenir les nouveaux insurgés. Une position peu confortable, certes, et à laquelle nous ne sommes pas habitués. Il convient cependant d’en prendre acte et d’en tirer les conséquences. Seule une véritable euroguérilla des idées sera en mesure de remettre en cause l’hégémonie culturelle du national-populisme. Mais quelles sont les formes qu’un mouvement de ce genre pourrait revêtir ? « Comprendre comment les leaders anti-européens combinent la colère de certains milieux populaires et les réseaux sociaux pour faire basculer l’opinion dans leur camp est une priorité absolue » Certains des grands insurgés du passé peuvent nous donner quelques conseils. Le premier ingrédient de la guérilla est la surprise, dit Mao. « Les opérations de l’Armée rouge, écrit-il, se déroulent, d’une manière générale, sous la forme de coups imprévus. » Dans la pratique, cela signifie que les pro-européens n’ont plus besoin d’être ennuyeux. Aujourd’hui, les seuls qui parlent de manière passionnante de l’Europe sont ses ennemis. Les Viktor Orban qui affirment incarner les vraies valeurs de l’Europe contre la décadence des dégénérés libéraux de l’Ouest. Les Steve Bannon qui rêvent de former des nouveaux gladiateurs du peuple. Les Philippe de Villiers qui reconstruisent l’histoire de l’Union comme un roman d’espionnage orchestré par la CIA. Si nous voulons être capables de combattre leur vision nous devons commencer à construire un récit qui soit au moins aussi palpitant que le leur. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment l’Europe centrale est devenue le laboratoire économique du populisme Voilà pourquoi l’euroguérilla n’est pas un travail réservé aux politiques, mais aussi aux écrivains, aux réalisateurs, aux créateurs de jeux vidéo. Quand on a demandé à Adam Price, le créateur de Borgen, ce qui l’avait poussé à écrire une série télévisée sur la politique danoise, il a répondu qu’il voulait rendre plus humain et passionnant un processus mystérieux et très ennuyeux. C’est de cela qu’aurait besoin l’Europe pour prendre le contre-pied des nationaux-populistes : quelques bonnes séries télévisées en plus et quelques conférences sur le multilatéralisme en moins.
L’Europe ne sera pas sauvée par de ternes conférences multilatérales, constate l’essayiste italien Giuliano da Empoli, dans une tribune au « Monde ». Pour la relancer, responsables politiques, artistes et intellectuels doivent se mobiliser et montrer ce qu’elle a de passionnant.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/06/07/giuliano-da-empoli-seule-une-euroguerilla-des-idees-pourra-affaiblir-le-national-populisme_5472609_3232.html
mlsum-fr-4777
Le formulaire n° 2043 de demande d’attribution d’un numéro fiscal va vous permettre de mettre en place un taux de prélèvement personnalisé. Peter Muller/Cultura / GraphicObsession Question à un expert Est-il possible de personnaliser son taux de prélèvement à la source lorsqu’on fait sa première déclaration de revenus ? Vous démarrez dans la vie active, vous avez un statut d’impatrié ou, ancien expatrié, vous revenez en France. Vous risquez de vous voir appliquer un taux de prélèvement à la source non personnalisé tenant compte de votre seul revenu d’activité, mais non par exemple de votre quotient familial ou vos autres revenus ou charges. Pour y remédier, l’administration a publié (impots.gouv.fr) un formulaire n° 2043 de demande d’attribution d’un numéro fiscal et d’un taux de prélèvement personnalisé. Vous devrez y porter votre situation familiale, la date de début de votre activité en France, vos revenus de l’année en cours ou une estimation de ceux-ci pour l’année suivante, le montant de certaines charges etc.. Mariés ou pacsés, vous pourrez opter pour l’attribution d’un taux individualisé en cas de différence de revenus. Lire aussi Que faire pour échapper aux sanctions si on n’a pas envoyé sa déclaration de revenus à temps Ce formulaire sera adressé au service des impôts des particuliers de votre domicile, accompagné d’une pièce d’identité et, le cas échéant, d’un justificatif de Sécurité sociale. Cet envoi ne vous exonère pas d’établir une déclaration de revenus l’année suivante. Si vous disposez déjà d’un numéro fiscal, vous n’êtes pas concernés par cette déclaration et pourrez obtenir un taux personnalisé par votre espace fiscal personnel en ligne. Stéphanie Riou-Bernard, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Si on n’intervient pas auprès de l’administration fiscale, on risque de se voir appliquer un taux qui ne tient pas compte de sa situation familiale, explique Stéphanie Riou-Bernard, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/06/16/primo-declarants-comment-personnaliser-son-taux-de-prelevement_5476868_1657007.html
mlsum-fr-4778
Le camp d’Al-Hol, qui abrite actuellement plus de 70 000 déplacés, dont 12 000 femmes et enfants étrangers, dans le nord-est de la Syrie, le 31 mars. MAYA ALLERUZZO / AP « Au cas où les Kurdes ou les Turcs perdent le contrôle, les Etats-Unis ont déjà récupéré les deux militants de l’[organisation] Etat islamique [EI] liés aux décapitations en Syrie, connus sous le nom de “Beatles”, hors de ce pays et dans un lieu sécurisé contrôlé par les Etats-Unis. Ils sont le pire du pire ! » Comme à son accoutumée, c’est donc par un Tweet, publié jeudi 10 octobre, que le président américain, Donald Trump, a dévoilé une opération menée par les forces américaines pour mettre en sécurité des combattants djihadistes détenus par les autorités kurdes, au lendemain du lancement de l’offensive turque contre leurs territoires dans le nord-est de la Syrie. Des responsables américains ont confirmé qu’outre ces deux « Beatles » – les Britanniques El Shafee El-Sheikh et Alexanda Amon Kotey –, la mise en sécurité, voire le transfert hors de Syrie, d’une quarantaine d’autres membres haut placés de l’EI était également envisagée. Des responsables des services irakiens de renseignement ont affirmé, jeudi, à l’agence Associated Press, que les autorités américaines planifiaient de remettre à Bagdad près de cinquante djihadistes, dont la nationalité n’a pas été précisée. Evasions et émeute L’offensive turque contre le Nord-Est syrien a relancé la question du transfert des quelque 2 000 combattants djihadistes étrangers détenus dans les prisons sous contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS). Car il y a des risques de fuite si les lieux de détention sont bombardés ou abandonnés par leurs gardiens mobilisés en première ligne. Or, des forces kurdes ont déjà quitté les prisons pour rejoindre le front, ont indiqué des responsables américains, mais en nombre restreint. Selon les forces kurdes, cinq djihadistes se seraient évadés vendredi d’une prison des environs de Kamechliyé, après des raids turcs. Le même jour, une émeute a éclaté dans le camp d’Al-Hol, qui abrite plus de 70 000 déplacés, dont 12 000 femmes et enfants étrangers, a fait savoir un responsable du camp. Et si les Kurdes syriens, face au danger turc, se rapprochent de Damas, ces prisonniers tomberaient alors entre les mains des autorités syriennes. La Turquie, en outre, souffle le chaud et le froid dans un chantage envers les pays occidentaux concernés. « Les pays comme l’Allemagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique ne veulent pas les reprendre, mais il s’agit de leurs ressortissants. Ils doivent les reprendre, les juger et laisser la justice suivre son cours », a déclaré jeudi à la BBC Ibrahim Kalin, le porte-parole du président turc. Recep Tayyip Erdogan a ensuite nuancé la menace, assurant qu’Ankara les maintiendrait en détention.
La volatilité de la situation incite six pays européens, dont la France, à accélérer leurs discussions avec Bagdad pour faire juger leurs ressortissants en Irak.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/12/l-offensive-turque-relance-la-question-des-djihadistes-etrangers-detenus-en-syrie_6015219_3210.html
mlsum-fr-4779
Marcel Duchamp, en 1965, devant son œuvre « Le Grand Verre ». Mark Kauffman/The LIFE Images Collection Au panthéon des objets d’art insondables, Le Grand Verre de Marcel Duchamp (1887-1968) occupe une place de choix. Création au long cours réalisée pour l’essentiel à New York de 1915 à 1923 et « définitivement inachevée » cette année-là selon son auteur, bien qu’il fut amené à y intervenir plus tardivement, elle a enfanté une pléthore d’exégètes. Parmi ceux-là, l’artiste lui-même dont on peut supposer qu’en dépit de la production savamment broussailleuse de notes autour d’elle – contenues notamment dans La Boîte verte (1934) –, il ait souhaité que son œuvre puisse disposer de sa propre autonomie de sens. La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (titre intégral du Grand Verre) trône à l’endroit où Duchamp l’avait voulue : au centre des salles du musée de Philadelphie (Pennsylvanie) qui présentent depuis 1954 la collection de Louise et Walter Arensberg, la plus importante au monde à lui être consacrée. Mécènes, logeurs et amis, le couple a offert une visibilité incomparable au plus américain des artistes français (né à Blainville-Crevon, dans la Seine-Maritime). Depuis, quatre répliques de l’œuvre ont été réalisées par d’autres. « Trois pistons de courant d’air » Pour les historiens de l’art, Le Grand Verre, cousine verticale de son installation posthume Etant donnés, est sa pièce maîtresse. Elle illustre la volonté de Duchamp de déréguler les modalités du contrat artistique : le primat de son caractère esthétique, « rétinien », qu’il abhorrait, cède la place aux idées, aux pensées buissonnières qui président à la conception de l’œuvre. Le spectateur a le beau rôle (« ce sont les regardeurs qui font le tableau », disait-il) qui finalise à sa guise les contours du ou des sens qu’il lui accorde. Cette approche, façonnée avec ses fameux ready-mades, fera de ce champion du « laisser, laisser faire » une figure dominante de l’art du XXe siècle, maître étalon des créations conceptuelles apparues dans les années 1960. La liste des composants est hétéroclite : verre, huile, feuille et fil de plomb, poussière, feuille d’aluminium, étain, bois et acier Le Grand Verre est un objet d’art singulier, énigmatique. Constitué de deux plaques de verre transparentes et superposeés, il est de dimension imposante (2,77 m de haut et 1,77 m de large), l’ensemble étant inscrit dans un cadre en métal. Selon l’ancienne directrice du musée de Philadelphie, Anne d’Harnoncourt, l’œuvre a été conçue à partir de « procédures aléatoires, d’études de perspectives soigneusement élaborées et d’un travail artisanal laborieux ».
Mystères de toiles (4/6). La signification de certaines œuvres continue, longtemps après leur réalisation, de diviser les experts. A l’instar de cette création réalisée par Marcel Duchamp entre 1915 et 1923.
https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/08/08/arts-le-grand-verre-de-duchamp-une-insolite-mariee_5497731_4415198.html
mlsum-fr-4780
Tribune. Le 26 juillet, le projet de loi bioéthique sera présenté en conseil des ministres, il abordera notamment la « PMA pour toutes ». De nombreuses tribunes sont parues à ce sujet. Leur point commun : négliger l’intérêt supérieur des enfants ou parler à leur place. Aujourd’hui, nous prenons la parole en tant qu’« enfants » qui avons été dépossédés de notre identité biologique, que nous soyons nés de dons ou pas. On s’enorgueillit en France d’une position rétrograde de plus en plus isolée : celle du choix de la procréation médicalement assistée (PMA) anonyme. Dans une décision de 2007 (Phinikaridou c. Chypre), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) cite sa convention qui stipule le droit à l’identité biologique, « exigeant que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain », quelles que soient sa provenance, la technique utilisée pour sa conception ou encore sa structure familiale. Celle-ci n’est plus réduite à deux seuls parents, mais s’ouvre à la réalité de la multiparentalité (qui existe depuis des siècles) : il est temps de l’intégrer dans la loi pour protéger l’enfant. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Loi de bioéthique : « Le don de gamètes n’engage pas son auteur au-delà de son acte ! » Chaque parent, biologique comme éducatif, a une place unique et non interchangeable, y compris avec la « PMA pour toutes ». Ce ne sont pas les pièces d’un meuble en kit appelé « enfant ». Il est du devoir des adultes de traiter les enfants comme des sujets ayant des droits inaliénables leur garantissant d’être en possession de leur propre histoire (génétique, psycho-généalogique, etc.) et de leur intégrité. Pour un maintien de notre espace de pudeur et d’intimité, nous exigeons le droit de choisir qui mentionner (un, deux ou plus de nos parents) sur nos documents administratifs, en fonction des situations. L’administration doit nous assurer la transparence de ces différentes filiations, y compris pour les mineurs. Les devoirs des parents et adultes Car on parle de droits, mais il est temps de rappeler les devoirs qui incombent aux parents et aux adultes pour une société tournée vers la responsabilité, l’éthique et la transparence. Cela est rendu possible par les témoignages courageux d’enfants (devenus adultes), concernés intimement par la question de l’accès à leur propre identité biologique. Comment leur parole est-elle prise en compte dans les comités d’éthique ? Article réservé à nos abonnés Lire aussi « L’accès aux origines personnelles doit être garanti à tous les enfants conçus par don » Plus que de les stigmatiser, séparer des enfants de leur identité biologique, c’est les amputer de leur histoire. C’est générer pour beaucoup un questionnement sans fin, malgré parfois l’amnésie et le masque de déni socialement commandés, qui bâillonnent la douleur de l’amputation. Et isolent. Pour certains, cela aboutira à un séjour en hôpital psychiatrique, en prison, à la rue, à moins qu’il ne s’agisse d’addictions, de maladies graves, de suicide ou à d’autres formes de mort précoce, comme le décrit Alice Miller dans Notre corps ne ment jamais (Flammarion, 2004).
Alors que le projet de loi bioéthique sera présenté en conseil des ministres le 26 juillet, Kharla Livingston du collectif Droits des enfants d’abord rappelle les lourdes conséquences psychiques vécues par les enfants privés de leur « identité biologique ».
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/07/12/separer-des-enfants-de-leur-identite-biologique-c-est-les-amputer-de-leur-histoire_5488699_3232.html
mlsum-fr-4781
Un pompier dans le village de Générac, le 3 août, après l’incendie qui a détruit près de 800 hectares de bois, de landes et de vignes dans la région. PASCAL GUYOT / AFP En une semaine, deux incendies d’ampleur ont ravagé les alentours de la commune de Générac, dans le Gard, coûtant la vie au pilote d’un bombardier d’eau qui luttait contre les flammes. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, s’est rendu sur place, samedi 3 août, pour rencontrer les pompiers et saluer la mémoire de leur collègue, alors que le feu a été « fixé mais reste sous surveillance » samedi matin. Vendredi, ce pilote âgé d’une cinquantaine d’années et père de deux enfants, avait perdu le contrôle de son appareil alors qu’il éteignait un feu ayant détruit plus de 300 hectares de forêt à Générac. Une enquête a été ouverte sur les circonstances du drame, sous l’autorité du parquet ainsi que du côté du Bureau enquêtes accidents (BEA). Le pilote, expérimenté et ayant déjà piloté un Mirage 2 000, était seul à bord de ce Tracker, le plus petit modèle des bombardiers d’eau, d’une capacité de 3 600 litres. Pour le maire de la commune de Générac, Frédéric Touzellier, il ne faisait aucun doute que le feu était d’origine criminelle. Vendredi entre huit et dix départs de feu quasi simultanés, entre 14 h 30 et 15 heures, ont été recensés par les secours au sud de Nîmes, entre Saint-Gilles et Vauvert. Parmi eux, ce nouveau départ à Générac, encore au bord de la D14, comme pour l’incendie de mardi, qui avait déjà ravagé 500 hectares. Les gens observent le feu de forêt qui sévit dans la campagne autour de Vauvert, dans le sud de la France, le 2 août. PASCAL GUYOT / AFP « Nous avons des suspicions » Alors qu’une information judiciaire sera confiée dans les jours qui viennent à un juge d’instruction pour « destruction, dégradation et détérioration de la nature, avec mise en danger d’autrui », l’enquête a rapidement progressé, vendredi, avec l’arrestation de deux personnes qui avaient fait l’objet d’un signalement. Elles ont cependant été libérées samedi vers midi, selon le procureur de la République de Nîmes, Eric Maurel. A l’Agence France-Presse, le lieutenant-colonel de gendarmerie Didier Ressayre a donné des précisions : « Nous avons des suspicions, mais nous n’avions pas assez d’éléments pour les garder. Nous avons besoin de temps pour enquêter davantage. L’avancée de l’enquête nous dira s’il faut les interpeller à nouveau ou pas. » Christophe Castaner et le maire de Générac (à sa droite), constatent les dégâts causés par l’incendie, à Générac, le 3 août. PASCAL GUYOT / AFP Le ministre de l’intérieur a profité de ce déplacement pour rappeler sa détermination à poursuivre les auteurs de ces départs de feu – des faits passibles de condamnation par la cour d’assises et punissables d’une peine maximum de quinze ans de réclusion. « Nous ne laisserons passer aucune enquête et nous mettrons tous les moyens à chaque fois qu’il y a un incendie pour que ceux qui, de façon irresponsable, font courir des risques à la vie de celles et ceux qui combattent les feux et ceux qui vivent sur ce territoire (…) soient systématiquement appréhendés et mis à disposition de la justice. » Paysages dévastés près du village de Générac, après le passage de l’incendie, le 3 août. PASCAL GUYOT / AFP Un troisième incendie à Montignargues a été éteint après avoir brûlé onze hectares. Une surveillance a été maintenue toute la nuit. « La situation météorologique reste particulièrement défavorable et toutes les conditions sont réunies pour que de nouveaux feux puissent survenir », souligne le service départemental d’incendie et de secours dans son dernier bulletin.
Plus de 800 hectares ont brûlé depuis mardi à Générac, alors que de nombreuses questions restent en suspens.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/03/christophe-castaner-se-rend-a-la-rencontre-des-pompiers-du-gard-apres-les-incendies_5496284_3224.html
mlsum-fr-4782
De plus en plus de voitures, de plus en plus utilisées et qui restent absolument indispensables à des millions de Français… A l’heure où des zones de circulation restreinte s’appliquant aux automobiles les plus polluantes se créent, s’étendent ou se durcissent (comme à Paris et dans sa banlieue proche depuis le 1er juillet), l’étude Parc Auto 2019*, de la société d’études marketing Kantar, vient confirmer que la France reste un pays « accro » à la voiture. Première leçon du sondage, rendu public lundi 1er juillet : la taille du parc automobile français (voitures particulières + utilitaires légers) augmente, même si la croissance ralentit. Sur une longue période, c’est même spectaculaire : on est passé de 27 millions de véhicules roulant sur les routes françaises en 1998, à 34 millions aujourd’hui. Résultat, 86 % des ménages en sont équipés, contre 79 % en 1998, qui s’explique en particulier par l’augmentation du nombre de foyers multimotorisés, autrement dit détenant deux automobiles ou plus (29 % en 1998 contre 39 % aujourd’hui). Des différences entre les territoires Dans le détail, il y a évidemment des différences entre les territoires, avec en particulier une exception parisienne. A l’intérieur des limites du boulevard périphérique, seulement un tiers des ménages – 34 % pour être précis – disposent d’un véhicule. Avec une régularité de métronome, ce ratio augmente au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Paris en particulier et du monde urbain en général. Ainsi le taux de motorisation des ménages est de 64 % en petite couronne parisienne, de 85 % en grande couronne, de 83 % dans les autres métropoles françaises, autour de 90 % dans les plus petites villes et de 95 % dans la France rurale (communes de moins de 2 000 habitants). L’étude Kantar a d’ailleurs évalué la possibilité pour les Français de disposer d’une alternative à l’automobile pour les trajets domicile-travail. Sans surprise, l’option « sans voiture » est plus susceptible d’exister en ville qu’en zone rurale. Et quand 11 % seulement des habitants de l’agglomération parisienne disent ne pas pouvoir aller au travail sans leur voiture, ce taux monte à 26 % dans les métropoles, à 30 % dans les autres villes, à 46 % dans les petites agglomérations et à 59 % à la campagne. Au total, si on extrapole ces chiffres à l’ensemble de la population française, environ un tiers des ménages français dit avoir absolument besoin de sa voiture tous les jours pour se déplacer. Tout cela a de quoi alimenter les critiques sur les décisions prises à Paris. Et, ce, au moment où la loi mobilité est en train de donner un cadre réglementaire à la création en France de zones à faibles émissions (ZFE). Dans ces périmètres, les véhicules thermiques sont bannis en fonction de leur ancienneté et donc du degré de dépollution des gaz d’échappement exigé par la réglementation au moment où ils ont été fabriqués. La désormais fameuse vignette Crit’Air, qui classe les automobiles en fonction de leurs niveaux d’émission, sert de repère pour savoir qui est accepté ou pas dans la zone. * Etude portant sur 10 000 foyers représentatifs de la population française effectuée par courrier adressé en début d’année.
Selon une étude de la société Kantar, 86 % des ménages possèdent une ou plusieurs voitures contre 79 % en 1998, un record en france.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/02/jamais-les-francais-n-ont-possede-autant-de-voitures_5484295_3234.html
mlsum-fr-4783
Marinette Pichon, ex-internationale française et pionnière du football féminin. Le 5 avril 2018. JOEL SAGET / AFP D’aussi loin qu’elle se souvienne, Marinette Pichon, 43 ans, ne s’est jamais réveillée confiante. Qu’elle joue aux Etats-Unis, alors le plus grand championnat de football du monde ; qu’elle devienne meilleure buteuse de l’histoire des Bleues ; qu’elle croule sous les demandes d’interviews à l’occasion de la Coupe du monde en France, qui débute vendredi 7 juin. Rien n’y fait. Elle l’admet comme une fatalité : Marinette Pichon est et restera une femme qui doute, poursuivie jusqu’à la tombe par les injures de son père, disparu en 2018. « Jamais je pourrai me lever le matin en me disant : “Ce que tu as fait, c’est bien”, avoue-t-elle. Je n’arrive pas à poser un regard bienveillant sur mon parcours. Quand on a été rabaissée toute sa vie, c’est un travail de fond de se dire qu’on a le droit d’avoir ­confiance en soi. » Celle qui fut, au début du siècle, la première incarnation féminine du football en France a vécu le terrain comme une bulle de tranquillité, loin des colères paternelles attisées par l’alcool. Dès lors, le sport, découvert à 5 ans grâce au bruit s’échappant du petit stade de Brienne-le-Château (Aube), fut une urgence personnelle. « Sur le terrain, je ne pensais pas à mon père, à sa violence, à sa haine, à sa façon de me réduire à moins que rien. Personne n’était là pour me juger, au contraire. » Dans son autobiographie Ne jamais rien lâcher (éd. First, 2018), elle racontait ses retours de stade, rares moments d’échange entre la jeune fille et son père, ponctués de remarques rabaissantes, menaçantes, sordides (« Choisis l’arbre dans lequel tu veux que je te mette », dit-il au volant). M. Pichon n’entrait jamais dans l’enceinte du stade. Madame validait les ambitions de sa fille en n’écoutant pas les commérages en ville. « Le football a d’abord été une soupape de décompression, puis un moyen de reconnaissance, dit celle qui passa en 2002 de Saint-Memmie, dans la Marne, à Philadelphie. Sur le terrain, je ne pensais pas à sa violence, à sa haine, à sa façon de me réduire à moins que rien. Personne n’était là pour me juger, au contraire. » Elle arrivait tôt à l’entraînement, chaussures Patrick noires et vertes enfilées dans le vestiaire des arbitres, avec la même obsession sommairement résumée : « Dans ma tête, c’était : “Ballon, but ! Ballon, but !” » Il y en aura 81 en équipe de France, un record dont s’approche Eugénie Le Sommer, l’actuelle avant-centre des Bleues qui en compte 74.
Dénigrée par un père alcoolique et violent, la première footballeuse star en France, révélée dans les années 1990, a combattu ses démons grâce au football.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/06/08/marinette-pichon-liberee-par-le-football_5473501_3242.html
mlsum-fr-4784
Hommage militaire au brigadier Ronan Pointeau, tué au Mali en opération extérieure, le 6 novembre à Valence. JEFF PACHOUD / AFP Le 11 novembre 2019 restera dans la mémoire militaire. Le premier monument national « aux morts pour la France en opérations extérieures » sera inauguré par le président de la République lundi à Paris. Il portera les noms de 549 soldats des « opex » recensés depuis 1963, après la guerre d’Algérie. Dont celui du brigadier-chef Ronan Pointeau, tué le 2 novembre au Mali. Un monument, enfin ! Car il a fallu huit longues années d’atermoiements politiques, de basses querelles parisiennes et de mesquineries de voisinage pour que le projet voie le jour. « Je suis très heureux qu’enfin il aboutisse. Avoir pris autant de temps pour un projet qui a du sens, auquel tout le monde adhère et que les familles attendent est incompréhensible », confie le général Bernard Thorette, qui avait été chargé du projet en mai 2011 et pensait le mener à bien en dix-huit mois. Le général Thorette et le ministère voulaient l’installer aux Invalides. Les riverains, la mairie du 7e arrondissement, puis les architectes des bâtiments de France s’y sont vigoureusement opposés. La Ville de Paris a refusé de le cofinancer. Le monument des « opex » s’installe donc dans le 15e arrondissement de la capitale, dans un lieu méconnu niché au cœur du parc André-Citroën, le jardin Eugénie-Djendi. Et par un curieux paradoxe, ce nom illustre une mémoire combattante complètement oubliée des armées. La sous-lieutenante Eugénie Malika Manon Djendi, à qui son père musulman et sa mère pied-noir d’origine italienne avaient donné le goût du risque, avait 20 ans quand elle s’est portée volontaire pour être parachutée en France occupée par les services spéciaux d’Alger le 7 avril 1944, son matériel radio serré contre elle dans son paquetage. Eugénie, alias « Jenny » ou « Jimmy », également formée à Londres, appartenait au Corps féminin des transmissions d’Afrique du Nord (CFT). « C’est une mémoire injustement oubliée, les merlinettes ! » Le jardin Eugénie-Djendi, à Paris. GUILHEM VELLUT / CC BY 2.0 Le CFT avait été créé par le général Giraud fin 1942. Le général Lucien Merlin, premier chef de l’arme des transmissions, a instruit ces « merlinettes » en Algérie et en Angleterre. Dans les Forces françaises libres, loin des violentes querelles de légitimité qui ont opposé les services d’Alger et ceux de Londres, les « merlinettes » furent surtout les premiers soldats féminins de l’armée de terre, passionnément engagées. Elles répondirent nombreuses à l’appel lancé au moyen d’une belle affiche : « Françaises, pour libérer la France, venez au corps féminin des transmissions ! »
Le mémorial sera installé dans le jardin parisien Eugénie-Djendi, du nom d’une combattante oubliée de la seconde guerre mondiale.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/11/09/11-novembre-un-monument-pour-les-soldats-morts-en-operations-exterieures_6018598_823448.html
mlsum-fr-4785
Le président béninois Patrice Talon lors de l’ouverture de son « dialogue politique », à Cotonou, le 10 octobre 2019. YANICK FOLLY / AFP Le président béninois Patrice Talon a lancé jeudi 10 octobre à Cotonou un « dialogue politique » destiné à sortir de la crise qui secoue le petit pays d’Afrique de l’Ouest depuis les législatives d’avril, mais en l’absence des poids lourds de l’opposition. « Le dialogue politique auquel je vous convie trouve sa justification dans la volonté de notre peuple de voir ses acteurs politiques se hisser à la hauteur des défis qu’impose la construction de l’Etat », a déclaré le chef de l’Etat à l’ouverture de la rencontre censée durer trois jours, à laquelle participent une dizaine de partis. « Il s’inscrit dans mon souci permanent d’associer les acteurs politiques à la recherche des compromis aux questions essentielles, notamment électorales, dont la résolution est indispensable », a-t-il poursuivi. « Notre rencontre de ce jour, loin d’être le signe d’un quelconque stress de notre démocratie, s’apparente à une exigence de check-up quand survient une quinte de toux d’une résonance inhabituelle », a affirmé M. Talon. Les tensions actuelles découlent des élections législatives du 28 avril, auxquelles l’opposition n’a pas participé pour la première fois en trente ans, dans ce pays réputé être un modèle de démocratie, de nombreux partis n’ayant pas rempli les conditions légales adoptées récemment par le Parlement. Les manifestations populaires qui avaient suivi, et leur violente répression, ont fait une dizaine de morts par balle. « Compromettre notre cohésion » « Notre charte des partis politiques et notre code électoral nous ont causé du tort, parce que bon nombre d’entre nous, à la mise en œuvre, ne s’y sont pas retrouvés, a reconnu le président. Nous nous sommes déchirés au point de compromettre notre cohésion ». Le dialogue doit ainsi permettre de « réfléchir et échanger sur les adaptations possibles à y apporter en vue d’une meilleure et réaliste organisation (…) de la compétition politique » avant les élections locales prévues en mars 2020. Mais faute de répondre aux mêmes exigences légales qui les ont empêchés de participer aux législatives, plusieurs grands partis d’opposition n’ont pas été conviés. C’est notamment le cas de l’Union sociale libérale (USL) de l’homme d’affaires Sébastien Ajavon, aujourd’hui exilé en France, et de Restaurer l’espoir, de l’ancien ministre de la défense Candide Azannaï. Parmi les neuf partis qui prennent part à la rencontre, avec près de 300 participants au total, on compte beaucoup de satellites de la majorité présidentielle. Seule exception notable : la présence de Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE), le parti du principal adversaire politique de Patrice Talon et ancien chef d’Etat, Thomas Boni Yayi – qui avait quitté Cotonou fin juin après le siège de son domicile par les forces de l’ordre durant les violences post-électorales et n’est pas réapparu en public depuis. Mais le parti est divisé entre les partisans d’une certaine normalisation, prêts à faire des compromis avec le pouvoir, et une aile dite « dure » fidèle à Boni Yayi, qui boycotte le dialogue. Une « logique d’exclusion » En signe de protestation, l’opposition organise jeudi en parallèle un « contre-dialogue » dans la capitale économique, baptisé « les assises de la résistance » et présidé par l’ancien chef d’Etat Nicéphore Soglo. « Le chef de l’Etat avait annoncé un dialogue franc et direct avec toute la classe politique mais, aujourd’hui, on se rend compte que toute la classe politique n’a pas été invitée, que les sujets ont été imposés », a déclaré à l’AFP un leader de l’opposition et ancien député, Guy Dossou Mitokpè. « Le gouvernement est toujours dans sa logique d’exclusion, a-t-il ajouté. Au lieu de chercher une porte de sortie, le gouvernement continue l’enlisement. » L’opposition réclame notamment le retour des exilés politiques, la libération des opposants emprisonnés et la reprise des législatives en présence de l’opposition. De nombreux observateurs dénoncent régulièrement un tournant autoritaire du président Talon, ancien magnat du coton. Depuis son élection en avril 2016, son gouvernement a adopté plusieurs mesures interdisant ou restreignant le droit de grève et de rassemblement public. La majorité de ses opposants ont fait face à de graves ennuis judiciaires, à commencer par ses principaux rivaux à la dernière présidentielle, aujourd’hui en exil. En octobre 2018, Sébastien Ajavon a ainsi été condamné par un tribunal spécial à 20 ans de prison pour trafic de cocaïne, tandis que Lionel Zinsou, arrivé second, a été condamné début août à cinq ans d’inéligibilité et six mois d’emprisonnement avec sursis pour usage de faux documents.
Initiée par le chef de l’Etat, la rencontre est censée durer trois jours afin de sortir le pays de la crise qui le secoue depuis les législatives d’avril.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/10/10/au-benin-le-president-talon-lance-son-dialogue-politique-sans-les-leaders-de-l-opposition_6015003_3212.html
mlsum-fr-4786
Jean-Claude Ameisen, ancien président du Comité consultatif national d'éthique, à Paris, en novembre 2014. GARO / Phanie Médecin, immunologiste, chercheur en biologie, Jean Claude Ameisen a présidé le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de 2012 à 2016. Il dirige le Centre d’études du vivant de l’université Paris-Diderot. Comment définissez-vous la mort, notamment sur le plan biologique ? Jean Claude Ameisen : Depuis ses origines, il y a 3 à 4 milliards d’années, « la » vie, en tant que telle, n’est jamais morte. Elle ne s’est jamais interrompue. Mais cet extraordinaire voyage à travers le temps s’est déroulé sur fond d’incessantes disparitions. La trame de la continuité de la vie est tissée d’innombrables discontinuités, d’une succession de fins de monde dont nous sommes, aujourd’hui, avec tous les êtres vivants qui nous entourent, les seuls témoins et les seuls survivants. S’il ne s’agit pas de « la » vie en tant que telle, mais de la vie d’un être humain, alors c’est la persistance en nous d’une activité mentale, si minime soit-elle, qui définit notre existence. En témoigne le fait que la cessation irréversible de toute activité cérébrale détectable définit aujourd’hui, d’un point de vue médical, la mort d’un être humain. Mais, s’il s’agit d’un être vivant auquel nous ne prêtons pas de conscience, une fleur par exemple, sommes-nous sûrs que ce qui disparaît est si radicalement différent de ce qui en renaît ? S’agit-il de mort ou de métamorphose ? Changeons encore de perspective et prenons pour sujet du verbe « mourir », non plus « la » vie en tant que telle, ni une espèce vivante, une fleur, un animal ou un être humain, mais les composants élémentaires du vivant. Depuis ses origines, c’est sous forme de cellules que le vivant s’est propagé à travers le temps. Nous naissons d’une cellule unique, et nous nous transformons en une constellation de plusieurs dizaines de milliers de milliards de cellules dont les interactions engendrent notre corps et notre esprit. Et pour cette raison, toute interrogation sur la vie et la mort nous renvoie à une interrogation sur la vie et la mort des cellules qui nous composent. Aujourd’hui, nous savons que toutes nos cellules possèdent, à tout moment, la capacité de s’autodétruire. Leur survie dépend, jour après jour, de la nature des interactions provisoires qu’elles sont capables d’engager avec d’autres cellules, et qui, seules, leur permettent de réprimer leur autodestruction. Pour Darwin, la mort était l’un des moteurs essentiels de l’évolution du vivant. Dans son esprit, elle ne pouvait surgir que de l’extérieur – de la destruction, de la famine. Mais l’émergence et l’évolution, au cœur même du vivant, d’une forme contrôlée de déconstruction ont pu paradoxalement contribuer à la capacité du vivant à voyager à travers le temps et à donner naissance à la nouveauté et à la diversité. Il est possible, aussi, que la pérennité de la vie ait résulté d’une capacité de chaque corps, de chaque cellule, à utiliser une partie de ses ressources pour construire, au prix de sa disparition prématurée, des incarnations nouvelles.
Pourl’ancien président du Comité consultatif national d’éthique, chaque être humain est constitué à partir des milliards d’années d’évolution du vivant et du souvenir des êtres qu’il a connus.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/10/28/jean-claude-ameisen-nous-sommes-faits-de-l-empreinte-de-ce-qui-a-disparu_6017237_1650684.html
mlsum-fr-4787
Un char à l’effigie de Charlie Chaplin, le 24 février, au carnaval de Nice (Alpes-Maritimes). VALERY HACHE / AFP En 1914, nul homme n’avait jusqu’alors voyagé à la vitesse d’un tel éclair. Sitôt conçu, voilà en effet Charlot, le vagabond, propulsé dans plusieurs pays du monde (Etats-Unis, France, Angleterre) et reconnu du plus grand nombre. Le phénomène tient à un moyen de transport ultrarapide : le cinéma. Mais aussi au regard de son créateur-interprète Charlie Chaplin, qui élève la technique au rang de septième art, et donne à son personnage le statut de premier héros cinématographique. « En moins de quinze ans, le petit homme au frac ridicule, à la petite moustache en trapèze, à la badine et au chapeau melon habitait la conscience de l’humanité. Jamais, depuis que le monde est monde, un mythe n’avait reçu une adhésion aussi universelle », écrit Hervé Bazin dans La Revue du cinéma en janvier 1948. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Charlie Chaplin, star planétaire Charlot attire et amuse les foules sans distinction générationnelle et sociale. De la même façon qu’il fascine et inspire les artistes de tous horizons, géographique ou disciplinaire. D’emblée, ces derniers considèrent Charlie Chaplin comme un des leurs et son (indissociable) personnage comme l’incarnation de l’homme moderne aux prises avec les transformations du siècle naissant. Dès lors, peintres, sculpteurs, photographes, écrivains interrogent, reprennent, prolongent l’œuvre chaplinesque. L’exposition « Charlie Chaplin dans l’œil des avant-gardes » présentée jusqu’au 3 février 2020 au Musée d’arts de Nantes – en lien avec l’exposition « Charlie Chaplin, l’homme-orchestre » à la Philharmonie de Paris – le met en lumière, de manière intelligible et prolifique. Elle s’organise en quatre espaces thématiques : l’homme machine, la poétique du monde, le spectacle mis en abyme et l’absurdité de l’histoire. Chacun bénéficie de projections, en format cinéma, d’extraits de films de Charlie Chaplin auxquels répondent des œuvres d’artistes exposées. Le jeu des correspondances D’une salle à l’autre, Charlot en mouvement sert de guide, invitant à regarder, autour, les photographies, toiles ou objets qui s’y réfèrent. De manière directe – tel le poulet géant de La Ruée vers l’or (1925) qui sert de modèle à Marc Chagall dans son encre pastel Le Coq violoniste, 1976) – ou indirecte, quand les fourchettes plantées dans les deux petits pains dans La Ruée… se retrouvent en ornement de chignon dans une photographie de François Kollar (vers 1935). Le jeu des correspondances est parfois troublant. Il saisit dès la première salle, où les rouages de la machine qui avale Charlot dans Les Temps Modernes (1936) et ceux qui composent la toile de Frantisek Kupka L’acier boit n° II (1927-1928) semblent se tendre un miroir.
A Nantes, une exposition montre à quel point le personnage de Charlot et son créateur ont porté les interrogations des artistes de la première moitié du XXe siècle.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/31/charlie-chaplin-librement-inspirant-pour-les-artistes-de-son-temps_6017533_3246.html
mlsum-fr-4788
[Historien, politiste, spécialiste des relations internationales, ancien conseiller de Mikhaïl Gorbatchev, dont il fut le porte-parole officiel d’août à décembre 1991, Andreï Gratchev est établi depuis cette date en France. Invité de plusieurs établissements universitaires européens, il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, notamment Gorbatchev. Le pari perdu ? De la perestroïka à l’implosion de l’URSS (Armand Colin, 2011) et Un nouvel avant-guerre ? Des hyperpuissances à l’hyperpoker (Alma, 2017).] Tribune. Tout le monde a été pris au dépourvu, le 9 novembre 1989 à Berlin, par la chute du Mur. A commencer par les Berlinois eux-mêmes qui parvenaient à peine à croire à la disparition de cette sinistre barrière qui avait divisé depuis 1961 leur pays, leurs familles, leurs destins. Mais aussi les politiques ouest-allemands. Le chancelier Helmut Kohl (1930-2017) se trouvait alors en visite officielle en Pologne et, partageant avec Lech Walesa – alors leader du syndicat Solidarnosc – ses réflexions sur les perspectives de l’unification allemande, il notait mélancoliquement qu’il ne s’y attendait pas de son vivant. Quant aux alliés occidentaux, à commencer par les Français et les Britanniques et jusqu’aux Américains, ils étaient aussi stupéfaits par les images de l’effondrement de ce symbole que partagés entre plusieurs craintes. Tout en redoutant une possible réaction violente de Moscou avec le retour de la politique soviétique à sa version la plus dure des années de guerre froide (avec ou sans Gorbatchev à la tête de l’Etat), ils s’inquiétaient des nouvelles incertitudes qu’allait provoquer, pour leur statut de puissances victorieuses et occupantes, la perspective inattendue de l’unification allemande. Mais même le leader soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, par qui ce bouleversement historique était en train d’arriver, n’était pas mieux préparé à voir la chute du Mur, qui ajoutait un souci de plus à la liste déjà surchargée des réformes qu’il devait affronter. Il avait interprété son accueil triomphal en République fédérale d’Allemagne (RFA), en juin 1989, comme l’approbation enthousiaste de sa politique de perestroïka [reconstruction] et de glasnost [transparence]. En réunion avec ses conseillers, tard dans la soirée du 9 novembre, il a dû entendre une vérité dérangeante : « Mikhaïl Sergueïevitch, sachez que, pour les Allemands, vous êtes avant tout porteur de la promesse de l’unification de leur nation. » Visiblement embarrassé, Gorbatchev a rétorqué impulsivement : « Mais ils doivent être conscients que, pour le moment, c’est impossible ! »
Même s’il avait œuvré à la rendre possible, Mikhaïl Gorbatchev a été pris de court par la chute du Mur. Celle-ci a finalement mené à sa propre chute politique, explique, dans une tribune au « Monde », son ex-conseiller.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/06/andrei-gratchev-en-1989-personne-n-etait-prepare-a-ce-bouleversement_6018190_3232.html
mlsum-fr-4789
« Surproduction, suremballage, tout jetable, obsolescence programmée… Ces aberrations ont un lourd impact sur l’environnement et nos sociétés. » (Photo : déchets en mer au large de San Benedetto del Tronto, Italie, en mai.) FILIPPO MONTEFORTE / AFP Tribune. En préambule de la loi antigaspillage et économie circulaire qui est débattu, mardi 17 septembre au Sénat, le gouvernement a établi le constat suivant : « Les citoyens français sont en colère contre le gaspillage des ressources, la surconsommation de plastiques, l’obsolescence programmée des produits et l’impossibilité de réparer leurs biens. » Lire aussi Les études de plasturgie bousculées par les aspirations écologiques des étudiants Pour les ONG engagées dans la transition écologique et solidaire, ce texte présenté comme un véritable tournant écologique du quinquennat, n’est pour l’instant pas à la hauteur des enjeux. Elles appellent les parlementaires à ne pas réduire l’économie circulaire au recyclage des matériaux et à agir pour une économie inclusive qui préserve véritablement nos ressources et permette de lutter contre le dérèglement climatique. Mesures insuffisantes Depuis la présentation du projet de loi, le gouvernement communique largement sur deux mesures emblématiques : le retour de la consigne sur les bouteilles et l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires. Sur la consigne, les Français plébiscitent le retour du modèle qu’ils ont connu, qui permet le réemploi de l’emballage en verre et donc la réduction de la production de déchets. Nous souhaitons que la loi donne la priorité au réemploi et sommes opposés au modèle visant uniquement le recyclage des bouteilles en plastique et canettes en aluminium, qui nous maintient dans l’ère du tout jetable. Le gouvernement communique sur des objectifs ambitieux de « 100 % de plastiques recyclés » et de « zéro plastique rejeté en mer d’ici 2025 », mais il n’inscrit pas ces objectifs dans la loi Concernant l’interdiction de détruire les invendus non alimentaires, nous déplorons que le projet actuel laisse la porte ouverte au recyclage de produits neufs au lieu d’en assurer la réutilisation de façon systématique. Ces mesures se veulent emblématiques mais ne répondent pas à l’urgence d’endiguer le gaspillage de nos ressources et de lutter contre le changement climatique. Par ailleurs, le réemploi est en mesure de favoriser le lien social et l’inclusion autour d’activités locales. La seule réponse industrielle ne peut suffire à produire les leviers nécessaires pour faire face à la crise écologique. Ce texte doit favoriser et accompagner la puissance de l’engagement local des citoyens, privilégier des projets porteurs de sens plus que de bénéfices, et œuvrer à la réduction des inégalités par le développement d’associations impliquées sur les questions environnementales et sociales.
La lutte contre la pollution plastique est la grande absente du projet de loi sur l’économie circulaire, dénoncent, dans une tribune au « Monde », les responsables des ONG engagées dans la transition écologique et solidaire.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/17/la-seule-reponse-industrielle-ne-peut-suffire-a-produire-les-leviers-necessaires-pour-faire-face-a-la-crise-ecologique_5511318_3232.html
mlsum-fr-4790
Lundi 29 juillet, Dominique Paillé, exploitant agricole à Labège, en proche banlieue toulousaine, avait convié les dix députés de Haute-Garonne, dont sept La République en marche (LRM), à venir visiter les 130 hectares sur lesquels il cultive du blé dur, de l’orge, du maïs, du tournesol et quelques plants de lentille. A 45 ans, il a repris l’exploitation de son oncle, il y a de cela vingt-cinq ans, et emploie deux salariés. A ses côtés, ses amis de la fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) voulaient entamer une discussion autour de l’accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada (CETA) et dont Dominique Paillé craint des effets inquiétants. Aucun député n’est venu. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 1er au 2 août, le puissant syndicat murait la permanence de la députée LRM Corinne Vignon à Toulouse, avant de déverser du fumier devant la permanence d’une autre députée à Tournefeuille, puis devant la préfecture de Haute-Garonne. Une action spectaculaire pour dénoncer le CETA, et alarmer sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, l’alliance commerciale des quatre économies les plus puissantes d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). « On nous demande de faire ici des produits de qualité – bio, viande, lait ou fromage – en circuits courts et filières de proximité, et on va importer des produits alimentaires qui ne respectent pas les mêmes règles du jeu en ce qui concerne les OGM, le glyphosate, les farines animales ou les hormones. Le consommateur n’en veut pas et nos agriculteurs vont en souffrir énormément », tonne Luc Mesbah, secrétaire général adjoint de la FDSEA 31. Avec plus de 80 000 exploitations agricoles, l’Occitanie se classe deuxième région agricole et agroalimentaire française derrière la Nouvelle-Aquitaine, selon un rapport d’Agri’Scopie réalisé pour les chambres d’agriculture en 2017. La région est également la plus importante en nombre d’exploitations pour les ovins, et se classe deuxième pour les productions végétales. Haute qualité et proximité « Dans dix ans, on ne sera plus là. On va subir une nouvelle loi qui nous interdira les produits chimiques, la ville gagne des terrains et, avec ces accords, on sera en concurrence directe, notamment sur le blé dur du Canada qu’ils vendent avec des coûts de production bien moins élevés », craint Dominique Paillé, qui vient de terminer les moissons et fait du fauchage au bord des routes « pour arrondir les fins de mois ».
Des agriculteurs d’Occitanie craignent « de nouveaux déséquilibres » après la ratification du CETA. La FDSEA a mené des actions spectaculaires pour alerter élus et citoyens.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/08/07/en-haute-garonne-les-accords-internationaux-font-monter-l-inquietude-des-agriculteurs_5497349_823448.html
mlsum-fr-4791
Le député du Vaucluse Julien Aubert, en 2017. CC BY-SA 4.0 Qui succédera à Laurent Wauquiez, à la tête des Républicains (LR) ? Le député du Vaucluse Julien Aubert est le troisième prétendant déclaré, après le favori du scrutin interne Christian Jacob, patron des députés LR et Guillaume Larrivé, député de l’Yonne. Actuellement secrétaire général adjoint du parti, il se présente en « David contre Goliath » – qui serait Christian Jacob – dans le Journal du dimanche du 30 juin. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Elections européennes 2019 : face à une défaite historique, le parti Les Républicains s’interroge sur son avenir « Après mûre réflexion, je vais devoir défendre ce en quoi je crois et me porter candidat à l’élection interne » d’octobre, explique l’élu de 41 ans, dans cet entretien où il assure que « la jeune génération [l]’a encouragé à présenter [sa] candidature ». Il précise avoir obtenu « le nombre de parrainages parlementaires nécessaire », soit treize, contrairement à 2017 où il avait dû renoncer à se présenter face à Laurent Wauquiez. « Je ne suis plus seul. J’ai créé en novembre 2017 le mouvement Oser la France [micro-parti de tendance souverainiste], qui compte une dizaine de parlementaires, des élus locaux et plus de 1 000 membres. De plus, j’ai désormais un bilan » comme secrétaire général adjoint du parti, souligne-t-il. « Reconnecter les adhérents » Sa candidature « ne vise pas [la] personne » de Christian Jacob mais « de toute évidence, je suis David contre Goliath », lance ce défenseur d’« une ligne gaulliste, patriote, républicaine, mais aussi populaire ». Parmi ses projets, le député depuis 2012 veut « reconnecter [les] adhérents », en proposant « un référendum d’initiative militant ». Par ce biais, « un certain nombre d’adhérents ou une fédération locale pourra imposer à la direction du parti un sujet ». Lire aussi Chez Les Républicains, les candidats quadra ne désarment pas Interrogé sur le dîner cette semaine entre Marion Maréchal et des élus LR, qui a semé la zizanie dans le parti de la droite, M. Aubert répond qu’il ne va « pas faire la police des dîners en ville » et qu’« il faut arrêter de se définir en creux, par rapport aux autres ». « Je ne fais pour ma part aucun procès en sorcellerie, mais pas non plus d’appel du pied à quiconque. » Lire aussi Des élus Les Républicains digèrent mal le dîner avec Marion Maréchal Les prétendants, soutenus par au moins 5 % des parlementaires LR et au moins 1 % des adhérents à jour de cotisation, devront faire acte de candidature entre le 15 juillet et le 13 août. Le premier tour de l’élection à la présidence de LR se déroulera du samedi 12 octobre (20 heures) au dimanche 13 octobre (20 heures). Si un second tour était nécessaire, le vote aurait lieu du samedi 19 octobre (20 heures) au dimanche 20 octobre (20 heures).
« Encouragé par la jeune génération », l’élu du Vaucluse est le troisième candidat déclaré à la présidence des Républicains, après Christian Jacob et Guillaume Larrivé.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/30/le-depute-julien-aubert-brigue-la-presidence-des-republicains_5483306_823448.html
mlsum-fr-4792
La saison 5 de « Black Mirror » sera disponible sur Netflix mercredi 5 juin. Netflix NETFLIX A LA DEMANDE Les fans en ont fini de trépigner. Mais ils risquent de trouver la livraison un peu juste. Mercredi 5 juin, Netflix a mis en ligne une cinquième saison de Black Mirror réduite à trois épisodes seulement. Un format condensé car son scénariste vedette, Charlie Brooker, a mis beaucoup d’énergie et d’inspiration dans la création, en 2018, d’une fiction interactive, un épisode de Black Mirror sorti séparément, Bandersnatch. Ce projet parallèle explique peut-être pourquoi ce nouveau millésime n’est pas aussi édifiant que les précédents. Jusqu’ici, la plupart des épisodes, à l’origine diffusés par la chaîne privée anglaise Channel 9 avant d’être rachetés par Netflix, ont décrit un futur plus ou moins angoissant, habité par des technologies périlleuses, dépeintes avec la profondeur de vue et l’esprit dystopique qui ont fait la réputation de la série. Dans ses meilleurs moments, Black Mirror donnait chair à l’idée d’une vie post-mortem dans le « cloud » (saison 3, épisode 4), poussait la tyrannie du « like » à une extrémité profondément déshumanisante (saison 3, épisode 1) et dissuadait quiconque de rêver à un implant donnant la mémoire absolue (saison 1, épisode 3). Malheureusement, les épisodes de la saison 5, toujours totalement indépendants les uns des autres, ont perdu la finesse qui faisait le sel des saisons précédentes. On a beau y retrouver une certaine fantaisie baroque, devenue rare depuis la deuxième saison, Charlie Brooker semble avoir attaché peu d’importance à la vraisemblance des situations. Comment en effet croire au transfert de l’intelligence d’une chanteuse – incarnée par Miley Cyrus – dans une poupée de plastique (épisode 3) ou imaginer qu’un joueur plonge dans le corps d’un personnage de jeu vidéo si profondément que ses émotions s’en trouvent colorées (épisode 1) ? L’immersion est totale pour les personnages du premier épisode, plongés dans le corps de héros de jeux vidéo grâce à une interface numérique. Netflix Un faux Twitter Seul l’épisode 2 renoue avec l’acidité chère à l’esprit de Black Mirror. Pour la troisième fois seulement depuis la naissance de la série, son scénariste quitte le confort narratif d’un futur aux contours flous pour revenir au temps présent, en décrivant une réalité étrangement proche de la nôtre. Cet épisode, intitulé Smithereens (« en mille morceaux »), met en scène un personnage en colère contre un réseau social qui ressemble beaucoup à Twitter. Celui-ci trouve le moyen de téléphoner son patron, qui rappelle étrangement Jack Dorsey, le véritable fondateur de Twitter, qu’on reconnaît à son goût pour les longues retraites méditatives. Particulièrement tendue, la discussion inspire au mania de la Silicon Valley des tirades étonnantes, assimilant le réseau social à une drogue, puis à un jeu d’argent. Au risque de renvoyer à son public le miroir peu flatteur de ses addictions numériques. Avec le danger, peut-être également, de s’exposer à des poursuites. Le patron d’un réseau social qui ressemble beaucoup à Twitter est interrompu dans sa retraite méditative par un gros problème, il empoigne son ordinateur, et passe en « god mode » (« mode dieu »), selon ses propres paroles. Netflix Sans dévoiler la chute de ces trois intrigues, ces épisodes ne sont pas de nature à provoquer une introspection aussi profonde que ce à quoi Black Mirror a pu nous habituer. Au point que le spectateur se demandera si Charlie Brooker a encore dans son imagination, auparavant très fertile, quelques pièges numériques à nous montrer, ou s’il est tout simplement en train de se faire rattraper par la réalité. Puisse l’avenir nous rassurer. « Black Mirror », saison 5, créée par Charlie Brooker. Avec Topher Grace, Andrew Scott, Miley Cirrus, Pom Klementieff (GB, 2019, trois volets de 61 à 70 min).
La série d’anticipation de Netflix avait par le passé donné lieu à quelques moments d’anthologie. Mais la dernière livraison ne tient pas toutes ses promesses
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/06/05/black-mirror-saison-5-l-acidite-mais-sans-saveur_5471974_4408996.html
mlsum-fr-4793
Le réalisateur Todd Phillips (à gauche) et l’acteur Joaquin Phoenix reçoivent le Lion d’or du meilleur film pour « Joker », le 7 septembre, à Venise. ALBERTO PIZZOLI / AFP Non seulement elle n’a pas sanctionné Roman Polanski, mais Lucrecia Martel, la présidente du jury de la 76e Mostra de Venise, n’a pas hésité à accorder au réalisateur le Lion d’argent (Grand Prix), la deuxième récompense en importance après le Lion d’or, pour son film J’accuse, samedi 7 septembre. Lire la critique : A Venise, Roman Polanski impose avec puissance son récit de l’affaire Dreyfus Quelques jours plus tôt, Luca Barbareschi, le producteur italien de cette relation de l’affaire Dreyfus, avait évoqué le retrait du film de la compétition, après que la cinéaste argentine eut déclaré qu’elle ne souhaitait pas « célébrer » la personne de son confrère franco-polonais, condamné en 1977 pour détournement de mineure et toujours accusé de viol par les tribunaux californiens. La présidente du jury a ensuite publié un communiqué dans lequel elle se défendait de toute partialité à l’encontre du film et affirmait n’être « en aucune manière opposée » à sa présence dans la compétition. De toute façon, le réalisateur de Rosemary’s Baby n’était pas venu avec son film au moment de la projection officielle, pas plus qu’il n’avait assisté à la remise des prix. C’est son interprète et épouse, Emmanuelle Seigner, accompagnée des producteurs de J’accuse, Alain Goldman et Luca Barbareschi, qui a reçu son prix. Discours politiques On pouvait se demander aussi ce que la présidente penserait de Joker, film de super-héros produit par un grand studio, Warner, elle qui avait repoussé les avances de Disney-Marvel, qui envisageait de lui confier la réalisation de Black Widow. Son jury (les cinéastes italien Paolo Virzi, canadienne Mary Harron et japonais Shinya Tsukamoto, le chef opérateur mexicain Rodrigo Prieto, l’actrice franco-britannique Stacy Martin et l’ex-directeur du Festival de Toronto Piers Handling) a épousé l’éclectisme de la sélection élaborée par le directeur artistique de la Mostra, Alberto Barbera, et son équipe. Il a remis à Joker la récompense suprême de la Mostra, le Lion d’or. Les coupes Volpi qui récompensent les acteurs sont allées à deux films cousins, venus de Naples et de Marseille, Martin Eden, de l’Italien Pietro Marcello, et Gloria Mundi, du Français Robert Guédiguian. Luca Marinelli, qui tient le rôle-titre de l’adaptation du roman éponyme de Jack London, a dédié son prix aux marins qui aujourd’hui naviguent en Méditerranée pour recueillir les migrants. Ariane Ascaride, bouleversante dans le rôle d’une mère broyée par le travail, a rappelé, en italien, qu’elle était petite-fille de Napolitains qui avaient fui la misère pour Marseille. L’actrice Ariane Ascaride avec la coupe Volpi pour son interprétation dans « Gloria Mundi », de Robert Guédiguian, à la Mostra de Venise, le 7 septembre. JOEL C RYAN / INVISION / AP A contre-courant, le réalisateur hongkongais Yonfan, récompensé par le Prix du scénario pour N° 7 Cherry Lane, film d’animation rêveur situé en 1967, dans ce qui était alors une colonie britannique, a expliqué que les manifestations d’aujourd’hui (son film évoque celles de 1967, pro-maoïstes) avaient ouvert une boîte de Pandore qu’il fallait refermer pour retrouver la liberté. Lire le récit : A la Mostra de Venise, des manifestants occupent le tapis rouge pour dénoncer la présence des navires Faute de traduction, sans doute, ces propos ont suscité dans le public le même enthousiasme que ceux du jeune réalisateur soudanais Amjad Abu Alala, qui a reçu le Prix de la première œuvre pour You Will Die at 20 (« tu mourras à vingt ans »). Le lauréat a raconté comment son tournage avait commencé le jour du début de la révolution qui a chassé Omar Al-Bachir du Soudan. Les productions Netflix boudées Le Prix de la mise en scène est allé au Suédois Roy Andersson pour About Endlessness (« au sujet de l’infinitude »), collection d’aphorismes visuels aussi élaborés que pessimistes. Le Prix spécial du jury, lui, est revenu à La mafia non e piu quella da una volta (« la mafia n’est plus celle d’antan »), satire documentaire du Palermitain Franco Maresco. Il s’en est fallu de peu pour que les deux films réalisés par des femmes, The Perfect Candidate, de la Saoudienne Haifaa Al-Mansour, et Babyteeth, de l’Australienne Shannon Murphy, repartent bredouilles. Finalement, le jeune interprète masculin de Babyteeth, Toby Wallace, s’est vu décerner le prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir (trophée unisexe). Lire l’analyse : Les bataillons politiques de la Mostra de Venise Finalement, si l’on peut discerner un parti pris dans cette distribution des prix, c’est dans l’absence des deux concurrents présentés par Netflix. Alors qu’ils avaient été aussi bien accueillis par le public que par la critique, Marriage Story, de Noah Baumbach, et The Laundromat, de Steven Soderbergh, ont été complètement ignorés. Lire l’entretien avec Steven Soderbergh : « Les Etats-Unis sont le plus grand paradis fiscal de la planète » Mostra de Venise : les principaux prix de la 76e édition Lion d’or du meilleur film : Joker, de l’Américain Todd Phillips Lion d’argent (Grand Prix du jury) : J’accuse, du Franco-Polonais Roman Polanski Lion d’argent de la meilleure mise en scène : Roy Andersson (Suède) pour About Endlessness (« au sujet de l’infinitude ») Prix du meilleur scénario : N°7 Cherry Lane, du Hongkongais Yonfan Prix spécial du jury : La mafia non e piu quella di una volta (« la mafia n’est plus ce qu’elle était »), de l’Italien Franco Maresco Coupe Volpi de la meilleure interprète féminine : la Française Ariane Ascaride pour Gloria Mundi, de Robert Guédiguian Coupe Volpi du meilleur interprète masculin : l’Italien Luca Marinelli pour Martin Eden, de Pietro Marcello Prix Marcello-Mastroianni du meilleur espoir : l’Australien Toby Wallace pour Babyteeth, de Shannon Murphy Lion d’or pour l’ensemble de leur carrière : le réalisateur espagnol Pedro Almodovar et l’actrice britannique Julie Andrews
Le jury présidé par la réalisatrice Lucrecia Martel a distingué des films très différents les uns des autres, sans reculer devant la contradiction.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/09/07/mostra-de-venise-le-lion-d-or-a-joker-le-grand-prix-a-polanski_5507786_3246.html
mlsum-fr-4794
Lors d’une manifestation à Kendari, dans la province de Sulawesi du Sud-Est, le 26 septembre. ANTARA FOTO / REUTERS La colère des étudiants indonésiens qui manifestent, parfois violemment, depuis le début de semaine dans une dizaine de villes, augure mal du second mandat du président Joko Widodo et cristallise la grogne de nombreux citoyens sur deux fronts : un projet de réforme du code pénal contre les relations sexuelles hors mariage, ainsi qu’une loi prévoyant une restriction des pouvoirs de la très populaire agence anticorruption. Les manifestations étudiantes qui ont eu lieu d’ouest en est de l’archipel, depuis Padang, à Sumatra, jusqu’à Makassar, dans l’île orientale de Sulawesi, en passant par la capitale, Djakarta, et la ville de Bandung, dans l’ouest de Java, illustrent l’ampleur des mécontentements. A Djakarta, plusieurs centaines de manifestants ont été interpellés, mercredi 25 septembre, à l’issue de combats de rues entre des étudiants lançant des cocktails Molotov, et la police, répliquant à coups de gaz lacrymogènes. Lire aussi Des affrontements meurtriers dans la province indonésienne de Papouasie font au moins 32 morts Jeudi, au quatrième jour consécutif des manifestations, un étudiant de 21 ans est mort dans la ville de Kendari (Sulawesi), première victime des troubles après que le Parlement local eut été envahi par les émeutiers. La mauvaise nouvelle pour « Jokowi » – le surnom du président – est qu’il est peut-être en train de perdre le soutien de certains de ceux qui l’ont élu, comme les étudiants, ces derniers ayant été nombreux à voter pour ce musulman libéral de 58 ans, premier chef de l’Etat de l’histoire de l’archipel à n’avoir jamais trempé dans les sordides affaires de l’ancienne dictature militaire (1965-1998). Homosexualité de facto illégale Mais le chef de l’Etat continue aussi d’être la cible de ses adversaires traditionnels, ultraconservateurs et islamistes, qui peuvent soutenir la loi liberticide sur les relations sexuelles tout en s’alarmant de l’affaiblissement de la Commission pour l’éradication de la corruption (KPK). Celle-ci s’est rendue très populaire, ces dernières années, pour avoir obtenu le limogeage de responsables politiques véreux ou d’hommes d’affaires corrompus. Le projet de loi sur la criminalisation des relations sexuelles hors mariage, qui revient à, de facto, rendre illégaux les rapports homosexuels, choque les milieux libéraux dans le plus grand pays musulman du monde, naguère résolument séculariste, mais travaillé, depuis le début du siècle, par la montée en puissance des islamo-conservateurs. Lire aussi La police indonésienne réprime des manifestations contre des lois controversées « Jokowi », réélu avec 55,5 % des voix au printemps, est cependant le premier à freiner des quatre fers pour empêcher que ne passe la loi réprimant la sexualité hors des liens du mariage : alors que celle-ci aurait pu être votée mardi, « Jokowi » avait prié les députés, vendredi 20 septembre, de repousser le vote à la prochaine session parlementaire. Cet article du projet de réforme mérite, a-t-il prévenu, d’être « plus profondément débattu ».
Des milliers d’étudiants manifestent dans tout le pays contre des projets de lois prévoyant une peine de six mois de prison pour les relations sexuelles hors mariage et l’affaiblissement des pouvoirs de l’agence anticorruption.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/27/un-projet-de-reforme-du-code-penal-provoque-la-colere-des-etudiants-indonesiens_6013283_3210.html
mlsum-fr-4795
La SNCF promet une nette amélioration du trafic ferroviaire, lundi 21 octobre, avec des perturbations limitées aux TER et Intercités, sans que le conflit entre syndicats et direction sur les « problèmes de sécurité » soit résolu. Les trains Ouigo, dont le trafic a été très perturbé pendant le week-end, « circuleront normalement », de même que les TGV, selon les prévisions communiquées par le groupe ferroviaire dimanche soir. Circulation normale également sur l’ensemble des lignes du réseau Transilien. Voici, dans le détail, les prévisions de trafic annoncées par la compagnie pour lundi : TGV et Ouigo : service normal sur tous les axes. service normal sur tous les axes. Transilien et RER : les trains d’Ile-de-France devraient connaître la même reprise. les trains d’Ile-de-France devraient connaître la même reprise. TER et Intercités : ce sont les seuls qui continueront à être touchés avec trois trains sur quatre pour les TER et deux trains sur trois pour les Intercités. Le service devrait revenir à la normale en région Bourgogne, Bretagne, Languedoc-Roussillon, Alsace, Limousin, Normandie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Mais « des disparités demeurent selon les régions », fait savoir le communiqué de la SNCF. « On est sur une reprise progressive du trafic. Le personnel reprend le travail, mais on n’a pas nécessairement le matériel (notamment les TER) au bon endroit. Il faut donc le temps de le ramener là où il doit être. En fin de journée, on devrait être revenu à la normale », expliquait, dimanche, le porte-parole de la SNCF en Bretagne, cité par l’Agence France-Presse. Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, a rappelé dimanche soir sur Franceinfo que les billets seraient remboursés « à 100 % », précisant que cela concernait aussi ceux normalement non remboursables. Il a annoncé la mise en place rapide d’un fonds d’indemnisation d’un million d’euros pour les voyageurs qui ont subi « des dommages exceptionnels », notamment ceux qui ont dû acheter d’autres billets de transport ou se loger à l’hôtel. « Grève surprise » contre droit de retrait A l’origine du mouvement, un accident survenu mercredi soir, lorsqu’un TER reliant Charleville-Mézières (Ardennes) à Reims (Marne) a percuté un convoi routier exceptionnel coincé sur un passage à niveau, faisant onze blessés, dont plusieurs ont été hospitalisés. Le conducteur, qui a porté secours aux passagers alors qu’il était lui-même blessé, était le seul agent SNCF à bord du train. Les syndicats contestent ce mode de fonctionnement, qui permet de faire circuler des trains sans contrôleur, évoquant des risques de sécurité pour les voyageurs. Ils pointent aussi des problèmes de sécurité particuliers à l’engin accidenté, un autorail grande capacité (AGC). Lors d’une réunion dans la nuit de vendredi à samedi, la direction a mis sur la table trois propositions qui n’ont pas satisfait les organisations syndicales : modification de « certains équipements » de l’AGC ; mise en place de groupes de travail sur les procédures de sécurité « dans les jours qui viennent » et « accélération » des recrutements, a résumé samedi Guillaume Pepy. Il a également dénoncé une « grève surprise qui ne respecte pas la loi », puisque, à la SNCF, le préavis est obligatoire. Pour les syndicats, au contraire, il s’agit bien d’un droit de retrait, une procédure exercée par un salarié lorsqu’il considère que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé, ou s’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Les syndicats planchent désormais sur la suite à donner au mouvement. L’UNSA (2e syndicat SNCF) va organiser des réunions en interne dès ce lundi « pour décider de la stratégie à adopter », a souligné Didier Mathis, son numéro un. Mais il écarte d’emblée l’idée de déposer un préavis de grève pour défendre ce dossier. SUD-Rail (3e syndicat) « va continuer de soutenir les cheminots qui vont exercer le droit de retrait car la direction ne propose rien de concret pour la sécurité », selon Julien Troccaz, son secrétaire fédéral. La CGT (1er syndicat) a lié samedi dans un communiqué les revendications et appelé à participer « massivement » à la journée d’action du 5 décembre contre la réforme des retraites, en y joignant « les sujets d’entreprise, notamment la sécurité ». Le syndicat accuse le premier ministre, Edouard Philippe, de vouloir jouer « le pourrissement » de la situation.
La SNCF prévoit des perturbations limitées aux TER et Intercités. Le conflit sur les « problèmes de sécurité » n’est pas résolu.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/20/sncf-une-reprise-progressive-du-trafic-d-ici-lundi_6016229_3234.html
mlsum-fr-4796
Tribune. Emmanuel Macron l’a dit : « Je n’ai pas peur de réfléchir à l’idée de quotas » ; après réflexion, Edouard Philippe a tranché : « Il faut mettre en place des objectifs quantitatifs ou des quotas – les deux termes me vont – en matière d’immigration professionnelle. » En tant qu’économiste, je n’ai pas peur de dire que la mise en œuvre de quotas en matière d’immigration professionnelle est inefficace. Trois principaux motifs légaux justifient l’immigration extracommunautaire : le motif familial, le motif humanitaire et le motif professionnel. Les deux premiers relèvent des droits et principes constitutionnels que sont le droit de vivre en famille, le droit d’asile et le principe de fraternité. Ils questionnent donc la citoyenne, mais pas l’économiste. Le motif professionnel est quant à lui fondé sur l’argument que l’économie française a besoin de travailleurs immigrés. Ce motif, lui, interroge l’économiste : pourquoi l’économie française a-t-elle besoin de travailleurs immigrés ? A priori, pour au moins trois raisons. Vieillissement démographique En premier lieu, le vieillissement démographique met en péril la pérennité du financement des retraites par répartition. L’immigration de jeunes actifs serait un moyen de diminuer le ratio de dépendance. Mais de nombreux travaux de recherche, notamment ceux de l’Organisation des Nations unies (ONU), démontrent que pourvoir au financement des retraites par des migrations de remplacement nécessiterait des flux permanents d’une ampleur inapplicable socialement. En deuxième lieu, l’économie française, dont la croissance repose sur le travail qualifié, a besoin de compétences. L’immigration de travailleurs disposant d’une compétence – et dont le coût de formation a donc été assumé par d’autres – est économiquement efficace : c’est précisément l’objet de la carte de séjour dite « compétences et talents » qui permet de disposer d’un titre de séjour pour motif économique sans contrat de travail préalable. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le système de quotas ne doit pas ajouter à la complexité administrative du recrutement des travailleurs étrangers » En troisième lieu, les entreprises françaises rencontrent, dans certains secteurs d’activité, des difficultés récurrentes à pourvoir certains postes. Pallier ces besoins par un recours à l’immigration est l’objet de la proposition gouvernementale. Cette proposition interroge l’économiste à trois niveaux : pourquoi certaines entreprises rencontrent-elles des difficultés de recrutement, pourquoi les pallier par l’immigration et pourquoi recourir dans ce cas aux quotas ?
Dans une tribune au « Monde », l’économiste Manon Domingues Dos Santos souligne la contradiction entre une limitation de l’immigration et la volonté affichée de pallier les pénuries de main-d’œuvre.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/12/instaurer-un-quota-d-immigration-par-metier-est-soit-inutile-soit-inefficace_6018802_3232.html
mlsum-fr-4797
Le peloton du Tour de France, lors de la 10e étape entre Saint-Flour et Albi, lundi 15 juillet. GONZALO FUENTES / REUTERS CHRONIQUE. 1969. Merckx gagne son premier Tour de France. Le film Le Cerveau sort. Trailer : entre Bruxelles et Paris, un train transporte des fonds secrets. Des deux côtés de la Manche, deux individus cherchent à les voler. Côté français, un petit truand débrouillard avec un copain (Belmondo-Bourvil). Côté britannique, le cerveau (David Niven), brillant escroc disposant d’une équipe de spécialistes et de moyens considérables. 2019. Merckx est fêté au départ du Tour. Pitch : le Français Alaphilippe essaie de chiper l’or du maillot jaune, conseillé par Virenque, mais c’est le team Ineos, ex-Sky, de David Brailsford, le tout-puissant manageur de l’impressionnante équipe britannique, qui va encore chiper le jackpot d’un septième Tour victorieux. Ce qui frappe dans ses hommes de main, Bradley Wiggins, Christopher Froome et Geraint Thomas depuis huit ans, c’est leurs corps faméliques. Tous ont un rapport poids minimal-puissance maximale capable de forcer tous les coffres-forts de la montagne. Tous ont perdu 10 % de leur poids. Ineos suit les règles. Sa matière grise pense zone grise. Il a été reproché à Wiggins et Froome l’usage – avec autorisation à usage thérapeutique – de corticostéroïdes qui contribuent à l’affûtage rapide, octroyant euphorie et puissance. Mais peut-être n’est-il pas nécessaire de prendre des corticoïdes, des hormones thyroïdiennes ou des anabolisants comme les bêta-mimétiques qui favorisent l’amaigrissement en boostant le métabolisme de base. La piste de l’Aicar, produit qui a permis en test à des souris décharnées de courir 44 % plus longtemps, a été écartée. Comme celle de l’usage de clenbutérol (ce produit vétérinaire qui augmente la masse musculaire, tout en diminuant le taux de graisse, qui a valu une suspension de deux ans à Alberto Contador), ou encore du salbutamol. Nouveau carburant de luxe Les fichiers de mon lanceur d’alerte sur l’équipe Sky révèlent autre chose. L’équipe britannique a été précurseuse du « low carb » (pour low carbohydrate), dès 2011 : il s’agit d’optimiser l’organisme et de l’entraîner à brûler du gras sans manger de sucres, pour faire descendre la masse maigre sous les 6 % et faire tourner les muscles avec des lipides. Ces fichiers montrent que Wiggins a roulé des heures à ce régime sans glucides la semaine qui précède son Paris-Nice victorieux en 2011. Il craque deux fois avec du café-croissant. Les 10 janvier, 10 février et 10 mai 2014, Froome décrit par le menu le contenu de ses sorties de 6 h 45, 6 h 35 et 7 h 33 comme étant « close to perfect low carb » (« proche du parfait low carb »). Il descend de 74 kg à 68,4 kg.
Pour le 10e Tour de France de l’équipe Sky, devenue Ineos, l’ex-entraîneur de Festina Antoine Vayer analyse les transformations qu’elle a apportées au peloton.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/07/16/tour-de-france-le-low-carb-et-les-cetones_5489875_3242.html
mlsum-fr-4798
La « taxe GAFA à la française » s’inspire largement d’un projet européen. DAMIEN MEYER / AFP Le Parlement a définitivement adopté, jeudi 11 juillet par un ultime vote du Sénat, l’instauration d’une taxe dite « GAFA » (pour Google, Apple, Facebook et Amazon), faisant de la France l’un des premiers pays à imposer le chiffre d’affaires des géants du numérique. Elle devrait s’appliquer à une trentaine de groupes, incluant les quatre susmentionnés mais également Meetic, Airbnb, Instagram ou encore la française Criteo. La taxe devrait rapporter 400 millions d’euros en 2019, puis 650 millions en 2020. La « taxe GAFA à la française » s’inspire largement d’un projet européen qui n’a pas abouti en raison des réticences de l’Irlande, de la Suède, du Danemark et de la Finlande. Concrètement, elle vise les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires sur leurs activités numériques de plus de 750 millions d’euros dans le monde, dont 25 millions d’euros pouvant être rattachés à des utilisateurs localisés en France. L’idée est de les imposer à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France, notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes. La taxe, dont l’instauration avait été annoncée par le président de la République Emmanuel Macron fin 2018, en pleine crise des « gilets jaunes », doit contribuer à financer les 10 milliards d’euros de mesures d’urgence économiques et sociales qui avaient alors été mises sur la table. « La France décide souverainement de ses dispositions fiscales » Voté en première lecture au printemps dans les deux chambres dans des versions différentes, le texte avait fait l’objet fin juin d’un compromis en commission mixte paritaire (CMP) approuvé le 4 juillet par l’Assemblée nationale. Le projet de loi, porté par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, fait de la France un des pays pionniers en la matière. Il vise à taxer les activités numériques qui « créent de la valeur grâce aux internautes français ». Mais cette solution unilatérale a vocation à n’être que temporaire, dans l’attente d’un aboutissement de négociations internationales. Cette taxe a déclenché la colère des Etats-Unis, qui ont annoncé mercredi avoir lancé une enquête sur les effets de cette taxe. « La structure de la nouvelle taxe tout comme les déclarations des responsables [politiques français] laissent suggérer que la France, avec cet impôt, cible de manière inéquitable certaines entreprises technologiques américaines », accuse le communiqué du bureau de Robert Lighthizer, représentant américain pour le commerce. Bruno Le Maire a réagi jeudi en affirmant que des pays alliés devaient régler leurs « différends autrement que par la menace ». « La France est un Etat souverain, elle décide souverainement de ses dispositions fiscales, et elle continuera de décider souverainement de ses décisions fiscales », a-t-il ajouté. Le G20 Finances, réuni début juin au Japon, a enregistré des progrès sur ce dossier : les argentiers des grandes économies de la planète ont promis de « redoubler d’efforts » pour « remettre de la justice fiscale sur la scène internationale », selon les propos de Bruno Le Maire. L’objectif est de parvenir à un accord final d’ici à 2020, une avancée rendue possible par le changement d’attitude des Etats-Unis, qui bloquaient les négociations depuis des années. Les divergences restent toutefois importantes sur les moyens d’application, Washington privilégiant une approche très large ne se limitant pas au secteur du numérique.
La loi prévoit d’imposer à hauteur de 3 % le chiffre d’affaires en France de Google, Apple, Facebook ou Amazon. Washington a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les effets de cette taxe.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/07/11/le-parlement-francais-adopte-definitivement-la-taxe-gafa-contestee-par-les-etats-unis_5488135_3234.html
mlsum-fr-4799
L’entrée de l’exposition « Foot et monde arabe » à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 21 juillet. Thierry Rambaud C’est par l’époque coloniale que démarre la visite. Oublié des jeunes générations, Larbi Ben Barek – celui dont Pelé a dit en 1960 : « Si je suis le roi du football, alors Ben Barek en est le dieu » –, est le premier guide qu’on croise à l’Institut du monde arabe (IMA). Natif de Casablanca, à l’époque sous protectorat français, « la perle noire » a joué successivement pour l’équipe de France, notamment lors de la Coupe du monde de 1934 dans l’Italie fasciste de Mussolini, puis pour l’Afrique du Nord quelques années plus tard, contre l’équipe de France. Ses exploits sous le maillot français ne l’ont protégé ni de la haine raciale, ni des moqueries sur ses origines sociales, comme en attestent les coupures de presse de l’époque, exhumées pour l’occasion. Le Caire, « capitale arabe du football » Ce rôle de fédérateur que peut avoir ce sport a d’ailleurs ressurgi dans l’histoire récente avec la victoire de la Coupe du monde 1998 par l’équipe de France. Pour raconter cette montée en puissance, l’exposition retrace l’évolution de sa perception dans l’opinion publique française, d’une étoile à l’autre, entre le « black, blanc, beur » de 1998 et le « nous sommes tous français » de 2018. Une sélection d’images revient par ailleurs sur le fiasco du match France-Algérie du 6 octobre 2001, où le président Jacques Chirac avait, au moment des hymnes, lancé un « Ça siffle ? Je m’en vais ». Ce jour-là, le spectacle s’était terminé par un envahissement du terrain par des supporteurs algériens. Car, au stade, les gradins en racontent aussi parfois assez long. Témoins les matchs de foot du championnat égyptien, à huis clos. Même au Caire, pourtant « capitale arabe du football ». Cette défiance à l’égard des fans de foot de la part des autorités égyptiennes se mesure à l’aune du rôle de ces ultras dans les « printemps arabes », consacrés par un chapitre de l’exposition. « La liberté par le football ». Graffiti sur la portion du mur qui sépare en deux le campus de l’université Al-Qods à Jérusalem. Septembre 2011. Amélie Debray « En Egypte et en Tunisie, les premiers slogans sont apparus dans les stades avant de descendre dans la rue en 2011 et 2012. On a constaté le même phénomène récemment en Algérie où les manifestants se sont approprié un chant venu des stades, “La Casa del Mouradia”, afin de dénoncer le pouvoir en place. C’est la structuration de ces groupes qui a provoqué l’impact qu’ils ont eu », affirme la commissaire principale de l’exposition, Aurélie Clemente-Ruiz. Alors que s’est terminée la Coupe du monde féminine, Mme Clemente-Ruiz a aussi tenu à faire figurer la part féminine de ce sport qui est aussi un outil d’émancipation pour les filles. « Il y a assez peu de matière à montrer sur le foot féminin », regrette celle qui observe qu’« il se passe des choses », rappelant au passage qu’« on le voit en Palestine, au Bahreïn et en Afrique du Nord ». Dans cette exposition riche en contributions artistiques et en artefacts uniques, les fans de football s’interrogeront peut-être sur la place disproportionnée qu’occupe le Qatar, mécène de l’exposition. Deux chapitres lui sont consacrés : le premier évoque la Coupe du monde 2022 (où elle sera pour la première fois organisée dans un pays arabe) ; et le second présente des mannequins sur une scène sur lesquels sont inscrits les noms des joueurs du Paris-Saint-Germain, propriété de Qatar Sports Investments. « Foot et monde arabe », à l’Institut du monde arabe, à Paris, jusqu’au 21 juillet. Avec « Le Monde Afrique », suivez la CAN 2019 sur WhatsApp
En pleine Coupe d’Afrique des nations, l’Institut du monde arabe à Paris présente jusqu’au 21 juillet une exposition intitulée « Foot et monde arabe ».
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/11/le-football-une-affaire-tres-politique-en-afrique-du-nord-et-au-moyen-orient_5488227_3212.html
mlsum-fr-4800
Cette fois-ci, c’est la fin de l’aventure WeWork pour Adam Neumann. Après avoir été évincé de son poste de PDG, le 24 septembre, le cofondateur du géant américain du coworking perd le contrôle de sa société. Dans le cadre de ce qu’il faut bien appeler une opération de sauvetage, le conseil d’administration de la compagnie a accepté l’offre du japonais SoftBank, son principal actionnaire, qui a déjà injecté plus de 10 milliards de dollars (8,98 milliards d’euros) dans l’affaire. Le conglomérat japonais va mettre 5 milliards de dollars de plus au pot et lance une offre d’achat d’un montant maximal de 3 milliards. Plus qu’un investissement sur l’avenir, cette opération, qui doit permettre à SoftBank de détenir 80 % du capital de WeWork, ressemble à la mise sous perfusion d’un patient (très) malade. De son côté, Adam Neumann va céder environ un tiers de ses actions, pour un montant de près de un milliard de dollars, selon le Wall Street Journal. Il devrait aussi toucher 185 millions de dollars de frais de consultants. A 40 ans, celui qui fut l’un des visages les plus fiers de l’économie numérique de ces dernières années, va ainsi devenir milliardaire, même s’il s’imaginait amasser une fortune de 1 000 milliards. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La descente aux enfers d’Adam Neumann, l’omnipotent PDG de WeWork Fuite des investisseurs A court de liquidité, WeWork avait un besoin urgent de financement, son activité étant très gourmande en capitaux. En 2018, le groupe a accusé une perte de 2 milliards de dollars pour un chiffre d’affaires de 1,82 milliard. Sa direction avait tout misé sur une entrée en Bourse : au cœur de l’été 2019, la compagnie était valorisée 47 milliards de dollars. Mais, qui dit introduction en Bourse, dit obligation de faire la lumière sur ses cuisines internes, sur son fonctionnement. Or, cela a coûté très cher à WeWork : gestion laxiste, train de vie dépensier des dirigeants, confusion entre les intérêts privés du PDG et ceux de l’entreprise, le tout avec des perspectives de profits très lointaines… Devant un tel tableau, les investisseurs ont fui. Le projet de mise sur le marché a été ajourné, et la valorisation de l’entreprise s’est effondrée à 8 milliards de dollars à peine. En fait, WeWork a seulement modernisé un business de location d’espaces de travail Pour reprendre en main l’activité de la société, le nom de Marcelo Claure est pressenti. Charge à cet ancien dirigeant de l’opérateur Sprint et proche du patron de SoftBank, Masayoshi Son, de tracer un nouveau projet d’entreprise. Depuis longtemps, le modèle économique, fondé sur de la relocation d’espaces commerciaux, est contesté. Car, contrairement à ce qu’a longtemps martelé la direction, WeWork n’est pas une entreprise de la nouvelle économie, où la logique de plate-forme et les économies d’échelle doivent permettre de générer des bénéfices. En fait, WeWork a seulement modernisé un business de location d’espaces de travail, certes avec des locaux plus attrayants et fonctionnels, mais sans trouver pour autant la solution pour réduire le coût de leur location. Article réservé à nos abonnés Lire aussi WeWork, entreprise technologique en toc ? Certains actifs considérés comme moins stratégiques vont être mis en vente. Un plan de licenciement massif – que WeWok n’a pu lancer jusque-là vu la faiblesse de ses finances – devrait aussi être rapidement mis en œuvre, touchant environ 15 % des 12 500 employés. Dans tous les cas, l’exemple WeWork devrait faire date, jetant un doute sur la valorisation des start-up les plus en vue de la planète tech. Au mieux, la saga WeWork ramènera les investisseurs à la raison. Au pire, elle les plongera dans la panique. Pour ne rien manquer de l’actualité économique Cet article est paru dans notre newsletter « La lettre éco ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre quotidienne en suivant ce lien. Chaque jour à 12 h 30, vous y retrouverez les informations du Monde et son regard sur l’actualité économique, à travers notamment la chronique « Pertes & profits ».
Le conglomérat japonais amène 5 milliards de dollars et le cofondateur Adam Neumann est poussé vers la sortie, après avoir vendu ses actions pour près d’un milliard de dollars et récupéré 185 millions de dollars de frais de consultants.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/23/softbank-vole-a-la-rescousse-du-geant-du-coworking-wework_6016577_3234.html