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mlsum-fr-4801
Un membre de la sécurité indienne bloque une route après la révocation de l’article 370 de la Constitution indienne, le 23 août. DANISH ISMAIL / REUTERS Volets des hublots fermés et lumières éteintes, les rares passagers du vol de la compagnie Indigo sont soudain plongés dans l’obscurité à l’approche de Srinagar, la capitale du Cachemire indien. Les hôtesses, en tailleurs rétro épinglés d’un badge « Girl Power », veillent à faire respecter la mesure sécuritaire. Les passagers ne verront rien de la ville lovée autour du lac Dal, des montagnes qui l’enserrent, des chalets et des garnisons, ou de la rivière Jhelum, qui court à travers la vallée disputée avant de disparaître de l’autre côté de la ligne de démarcation, dans la partie du Cachemire contrôlée par le frère ennemi, le Pakistan. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Cachemire : une trahison pour la classe politique favorable à New Delhi Cette descente donne un avant-goût de l’opacité de la situation au Cachemire depuis la révocation abrupte, le 5 août, de l’article 370 de la Constitution indienne, qui garantissait un statut d’autonomie à la seule région à majorité musulmane du pays. Pour le gouvernement du premier ministre, Narendra Modi, cette « décision historique » doit apporter paix et prospérité à la vallée meurtrie par une insurrection séparatiste qui a fait plus de 70 000 victimes, des civils pour la plupart, depuis 1989. Triomphalement réélu en mai, le dirigeant nationaliste hindou met ainsi en œuvre l’une des promesses les plus retentissantes de son programme politique. Pour contenir la fureur prévisible des 8 millions d’habitants de la région, le gouvernement de M. Modi a muselé la vallée, supprimant les communications et déployant un dispositif sécuritaire hors norme. Abandonnés sur un siège de l’avion, des journaux de la presse indienne, domptée par la propagande officielle, assurent que le Cachemire est « calme ». Pourtant, les journalistes étrangers n’y sont pas les bienvenus, ni les partis d’opposition dont une délégation s’est fait refouler, le 24 août, à son arrivée à Srinagar. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le Cachemire, zone géopolitique sensible « C’est une humiliation » Dans la vallée himalayenne, la colère gronde. De village en village, les visages sombres révèlent tristesse, stupeur et rage. « L’Inde nous a trahis, s’indigne Mehraj, fermier au long manteau. La révocation de l’article 370 est inacceptable. » L’attachement à cet article était profond car il était la condition, en 1947, de l’accession à l’Inde du Cachemire, ancien Etat princier sous les colons britanniques. Sa révocation se double de la décision cinglante de New Delhi de placer sous sa tutelle l’exécutif du Cachemire. « C’est une humiliation », commente Mehraj, bientôt rejoint par d’autres villageois, malgré l’interdiction des rassemblements de plus de quatre personnes, sur un bord de route de la région trouble d’Anantnag.
Le gouvernement indien a coupé les communications et interdit les rassemblements dans la région himalayenne à majorité musulmane dont il a révoqué l’autonomie, attisant la colère de ses habitants.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/28/au-cachemire-verrouille-la-fureur-et-la-desolation_5503529_3210.html
mlsum-fr-4802
Il était, selon ses biographes, « l’inconnu de l’Elysée » ou « l’homme qui ne s’aimait pas ». Jacques Chirac, mort jeudi 26 septembre à 86 ans, a toujours rechigné à se raconter en dehors des quelques figures imposées par la vie politique. L’ancien président de la République s’est bien sûr plié, comme les autres, au jeu d’acteur que supposent les campagnes électorales, et à leur part d’impudeur. Mais il a porté tant de masques différents en quarante ans de vie politique que l’on ne sait pas toujours lequel regarder. « Un responsable politique, et à plus forte raison un chef d’Etat, doit avoir son jardin secret. S’il n’en a aucun, c’est qu’il n’est rien du tout, en vérité », a-t-il confié, au seuil de la mort, à l’éditeur Jean-Luc Barré, qui l’a aidé à rédiger ses mémoires. Ce sont donc les autres qui racontent le mieux Jacques Chirac. Ces centaines, ces milliers de personnes croisées, le temps d’une vie, et qui apportent par leurs témoignages une petite touche au portrait pointilliste de l’ancien président. Des alliés et des adversaires qui attrapent le fil d’une existence par le truchement d’un souvenir. Leur Chirac, c’est avant tout l’histoire d’un homme attentif aux autres. Aux mères, en particulier. Le 1er juin 1997, le RPR perd sa majorité à l’Assemblée nationale. Malgré la débâcle, le jeune Renaud Muselier est élu député des Bouches-du-Rhône. Le président de la République l’appelle pour le féliciter. « Passe-moi ta mère », lui dit-il ensuite. « Elle n’est pas arrivée, je lui transmettrai votre attention », répond Muselier, qui ne veut pas faire perdre son temps au chef de l’Etat. Chirac ne veut rien savoir ; il attendra dix minutes au bout du fil. Il tenait à ce que Mme Muselier sache à quel point elle peut être fière de son fils. « Invraisemblable, s’étonne encore l’intéressé. Il est président de la République, vient de perdre sa majorité, et prend pourtant le temps de parler à ma famille. » Tel un roi thaumaturge Ce genre d’attention, le madré politique les a répétées cent fois, dans les moments heureux comme aux heures tristes. On peut se dire que c’est une mécanique bien huilée. On peut aussi penser que c’est simplement humain. Quand le socialiste Julien Dray perd sa mère, en janvier 2011, l’ancien président lui passe un coup de téléphone, du fond de sa retraite. « Vous savez, Julien, elle sera toujours là pour vous et elle sera fière », lui dit-il. « C’était simple mais si gentil », résume le fondateur de SOS Racisme.
De Renaud Muselier à Julien Dray, anciens proches ou adversaires, ils se souviennent d’un ancien président attentif aux autres, passionné par les civilisations lointaines et plongé dans le combat politique.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/09/30/passe-moi-ta-mere-des-attentions-personnelles-aux-man-uvres-electorales-le-monde-politique-raconte-son-jacques-chirac_6013556_823448.html
mlsum-fr-4803
Un record. Jamais depuis sa création, en 1995, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’avait imposé de telles sanctions commerciales. L’organisation située à Genève (Suisse) a autorisé, mercredi 2 octobre, Washington à imposer des droits de douane de 7,5 milliards de dollars (6,9 milliards d’euros) sur les importations européennes, en réponse aux subventions illégales versées par le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Espagne à l’avionneur Airbus. Une décision définitive, qui ne peut pas être contestée par Bruxelles. Les taxes douanières seront imposées à partir du 18 octobre : 10 % sur les avions importés de l’Union européenne (UE) et 25 % sur les autres produits : le vin français et espagnol, l’huile d’olive espagnole, le whisky écossais, les draps et les couvertures britanniques, le café, les couteaux et les machines allemandes et des fromages de toute l’Europe, secteur très sensible chez les agriculteurs américains frappés par une crise laitière. Les produits en cuir n’y figurent plus, ce qui protège la maroquinerie des groupes de luxe français comme LVMH. Ce conflit vieux de quinze ans n’est pas tout à fait terminé. L’OMC a déjà condamné Washington pour les mêmes raisons, à savoir le versement de subventions déguisées à l’américain Boeing, et doit fixer, dans six mois, le montant des sanctions que l’UE sera autorisée à imposer. Les appels à négocier ont été ignorés « Même si nous avons tous les deux commis des erreurs et que nous pouvons, à proprement parler, nous imposer des droits de douane l’un à l’autre, ce n’est pas une bonne solution », avait insisté la veille, mardi 1er octobre, la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström. Mercredi, Bruno Le Maire, le ministre français des finances, a insisté : « Une résolution à l’amiable (…) est la meilleure solution, d’autant plus que l’UE pourra imposer des sanctions aux Etats-Unis l’année prochaine dans un contentieux croisé. (…) Si [ils] choisissent d’imposer des sanctions, ce serait une erreur économique et politique. Nous serons prêts avec nos partenaires européens à y répondre de façon ferme. » Plusieurs appels à négocier de la part de Bruxelles ont été ignorés par l’administration Trump. Cette nouvelle guerre commerciale qui s’engage entre les Etats-Unis et l’UE, et qui s’ajoute aux tensions commerciales entre Washington et Pékin, risque de peser sur un commerce mondial dont la croissance ralentit fortement. L’OMC n’espère plus qu’une hausse des échanges de marchandises de 1,2 % en 2019, contre 2,6 % attendus jusqu’ici. Le montant des sanctions fixé par l’OMC est moins élevé que ce que demandaient les autorités américaines. Au début de la procédure, Boeing exigeait 100 milliards de dollars de sanctions commerciales, avant de revoir ses prétentions… à 11 milliards. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’OMC revoit à la baisse ses prévisions de croissance du commerce mondial Crainte de renchérissement de l’A320neo La ministre italienne de l’agriculture, Teresa Bellanova, a demandé à son gouvernement d’intervenir d’urgence auprès des Etats-Unis pour éviter qu’une hausse des droits de douane ne pénalise durement les produits transalpins. Airbus craint un renchérissement de son moyen-courrier le plus vendu au monde, l’A320neo, au prix catalogue de 100 millions de dollars. Avec le risque que les dernières productions du groupe européen, qui livre chaque année une centaine d’avions aux Etats-Unis, ne soient plus compétitives outre-Atlantique. Ces nouvelles taxes devraient aussi susciter le courroux de compagnies américaines. Delta, JetBlue ou American Airlines n’ont pas attendu la décision de l’OMC pour s’insurger. « Les droits de douane sur ces avions nuiront à Delta, à ses employés et à ses clients, et n’auront pas d’incidence sur Airbus, car ces ventes ont déjà été effectuées », avait déclaré, en mai, la direction de Delta. Selon nos informations, les taxes ne devraient pas s’étendre à toute la gamme d’Airbus. Sauf règlement du conflit à l’amiable, les sanctions commerciales que pourra imposer Bruxelles dans six mois risquent à leur tour d’être dévastatrices pour Boeing. L’avionneur américain a en effet bénéficié de crédits d’impôt, assimilables à des subventions, pour un montant équivalent à 18 milliards de dollars. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Sur fond de tensions commerciales, une mondialisation sommée de se réinventer Boeing risque de se voir fermer le marché européen Cette fois, Boeing risque de se voir fermer le marché européen, où il écoule 110 appareils chaque année. Pis, la réplique européenne pourrait être de longue durée. Selon nos informations, l’avionneur de Seattle (Etat de Washington), au contraire de son concurrent européen, n’a pas encore renoncé aux crédits d’impôts versés par les Etats américains où sont installées ses usines. Il n’a même pas donné de suite à la tentative de règlement à l’amiable du conflit proposé conjointement par Airbus et la Commission européenne. Or ces taxes s’appliquent tous les ans jusqu’à ce que l’OMC estime que le fautif s’est mis en conformité avec sa réglementation. De son côté, Airbus aurait, selon plusieurs sources, apporté la preuve qu’il a renoncé à une grande partie des subventions dénoncées par son concurrent américain. Seuls 6 % des productions de l’avionneur européen, principalement les long-courriers A350 et A380, en bénéficieraient encore. Et encore, l’A380 n’est plus en cause depuis qu’Airbus a annoncé l’arrêt de la production de son superjumbo-jet. De même, les avions fabriqués dans son usine américaine de Mobile, en Alabama, devraient passer au travers des mailles du filet.
En réponse aux subventions illégales versées par les Européens à Airbus, l’institution de Genève permet à Washington d’infliger 7,5 milliards de dollars de droits de douanes sur les importations du Vieux Continent.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/02/l-omc-autorise-trump-a-sanctionner-l-europe_6013961_3234.html
mlsum-fr-4804
Dans les pays les plus riches, le cancer tue maintenant plus que les maladies cardiaques chez les adultes d’âge moyen, selon deux enquêtes publiées mardi 3 septembre dans la revue médicale The Lancet. A l’échelle de la planète, si les maladies cardiovasculaires demeurent pour le moment le principal facteur de mortalité, il est néanmoins « probable que le cancer deviendra la cause la plus courante de décès dans le monde dans quelques décennies », selon les chercheurs. Aujourd’hui, les maladies cardiaques sont responsables de plus de 40 % des décès, soit environ 17,7 millions de morts en 2017. Le cancer, lui, en concerne un peu plus d’un quart (26 %). Mais à mesure que les taux de maladies cardiaques diminuent à l’échelle mondiale, cet ordre pourrait s’inverser, avancent encore les auteurs. « Le monde assiste à une nouvelle transition épidémiologique (…), les maladies cardiovasculaires n’étant plus la principale cause de décès dans les pays à revenu élevé », selon Gilles Deganais, professeur émérite à l’Université Laval, au Québec et coauteur des deux publications. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Jérôme Galon : « Face au cancer, il est bon d’activer tous les leviers qui renforcent nos défenses immunitaires » 160 000 adultes suivis sur une décennie Limitée à 21 nations, l’étude porte sur plus de 160 000 adultes suivis sur une décennie (entre 2005 et 2016), dans des pays à revenu élevé, moyen et faible. D’après ces travaux, présentés au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC), à Paris, les habitants des pays pauvres sont en moyenne 2,5 fois plus susceptibles de mourir d’une maladie cardiaque que ceux des pays riches. Selon le deuxième volet de l’étude, sur les mêmes 21 pays, 70 % des cas de maladies cardiovasculaires sont dus à des « facteurs de risque modifiables ». Les facteurs de risque métaboliques – cholestérol élevé, obésité ou diabète – sont en cause dans plus de 40 % des maladies cardiaques et sont le principal déterminant des maladies dans les pays riches. Dans les pays en développement, les chercheurs relèvent aussi le rôle de la pollution de l’air intérieur, de l’alimentation et du faible niveau d’éducation. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les boissons sucrées associées à un risque accru de cancer « Un changement de cap s’impose » « Un changement de cap s’impose pour atténuer l’impact disproportionné des maladies cardiovasculaires dans les pays à revenu faible et moyen », souligne Salim Yusuf, professeur de médecine à l’Université McMaster. « Ces pays doivent investir une plus grande part de leur produit intérieur brut dans la prévention et la gestion des maladies non transmissibles, y compris les maladies cardiovasculaires, plutôt que de se concentrer sur les maladies infectieuses », ajoute-t-il. Les quatre pays à revenu élevé pris en compte pour aboutir à ces conclusions sont le Canada, l’Arabie saoudite, la Suède et les Emirats arabes unis. Faisaient également partie de l’étude douze pays à revenu intermédiaire, selon une classification de 2006 (Argentine, Brésil, Chili, Chine, Colombie, Iran, Malaisie, Palestine, Philippines, Pologne, Turquie et Afrique du Sud) et cinq pays à faible revenu (Bangladesh, Inde, Pakistan, Tanzanie et Zimbabwe). Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les nouveaux cas de cancer en forte hausse en France
A l’échelle de la planète, les maladies cardiaques restent les premières responsables, représentant aujourd’hui plus de 40 % des décès.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/03/le-cancer-devient-la-premiere-cause-de-deces-dans-les-pays-riches_5505928_3224.html
mlsum-fr-4805
LETTRE DE NEW DELHI Un ouvrier fait la sieste sur des sacs d’oignons dans un marché de légumes en gros, à la périphérie d’Amritsar, en Inde, le 19 septembre. NARINDER NANU / AFP Le sujet pourrait faire sourire en Occident, mais il est de nature à faire tomber un gouvernement en Asie. L’Inde traverse depuis le début du mois d’octobre une « crise de l’oignon ». Ce n’est pas la première. Les récoltes ont été perturbées en raison non pas de la sécheresse comme dans le passé mais d’une mousson très abondante notamment dans les régions productrices comme au Maharashtra, près de Bombay et au Karnataka, près de Bangalore. Pour contenir les prix, les autorités indiennes ont interdit jusqu’à nouvel ordre l’exportation du bulbe, imposé la limitation des stocks aux négociants, et mis en vente des réserves détenues par le gouvernement. Le premier ministre Narendra Modi a agi vite, pour ne pas répéter les erreurs de 1998, où, après une forte hausse des prix de l’oignon, son mouvement, le parti nationaliste hindou Bharatiya janata party (BJP), avait perdu les élections locales à Delhi. En Inde, l’oignon est l’aliment de base, omniprésent dans la cuisine de toutes les familles, quel que soit le niveau de revenus. Les oignons sont le deuxième légume le plus consommé après les pommes de terre. Un ménage indien moyen y consacre 13 % de sa facture totale de légumes. Le cours de l’oignon est devenu un véritable indicateur de l’économie et de l’inflation. Faible rendement Grand consommateur, l’Inde est aussi le deuxième producteur de la planète, avec 27 % de la superficie mondiale consacrée à l’oignon, mais avec des rendements faibles. Le Times of India souligne le peu d’efficacité de la culture indienne de l’oignon : les Etats-Unis affichent par exemple un rendement de 66,83 tonnes par hectare contre 17,17 tonnes pour l’Inde. Dans un marché, à la périphérie d’Amritsar, un ouvrier porte un sac d’oignons, qui subit une forte hausse des prix suite à de mauvaises récoltes. NARINDER NANU / AFP Les mesures prises par le gouvernement ont eu un effet immédiat : en quelques jours, le prix des oignons a légèrement baissé passant de 80 roupies (1 euro) le kilo à 60 roupies sur les marchés de New Delhi. Il se vend normalement autour de 25 roupies (0,32 euro). Les acheteurs de la capitale sont un peu rassurés, mais dans les campagnes les décisions du gouvernement ont provoqué la colère des paysans qui voient leurs revenus baisser et accusent le premier ministre de protéger son électorat – classes moyennes, jeunes et urbains – au détriment des agriculteurs qui représentent pourtant près des trois-quarts de la population. La situation des paysans dans le sous-continent est souvent dramatique. Le revenu agricole ne progresse pas et ne représente que 17 % du PNB, contre 30 % au milieu des années 1990. Les conditions d’exploitation se dégradent sous l’effet de la croissance démographique qui érode année après année la taille moyenne des parcelles et surtout du dérèglement climatique qui entraîne sécheresse et inondations, et compromet les récoltes. La très grande majorité des paysans ne sont pas protégés par des assurances en cas d’aléas climatiques. Résultat, l’endettement des agriculteurs s’aggrave et les écarts de richesse entre classes moyennes et supérieures et le monde agricole se creusent.
Les intempéries ont endommagé les récoltes en août dans les régions productrices, faisant flamber les prix du bulbe, aliment indispensable pour les Indiens.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/14/apres-des-pluies-diluviennes-l-inde-pleure-ses-oignons_6015366_3210.html
mlsum-fr-4806
Chronique. Dans la saga sans fin du Brexit, le discours sur l’innovation joue un rôle essentiel. Avant le référendum, la propagande pour le « Leave » expliquait combien le Royaume-Uni était un pays d’innovateurs, enchaîné aux contraintes réglementaires d’une Union européenne (UE) bureaucratique. Le principe de précaution serait antiscience et les autres pays européens des poules mouillées, des quasi-luddites bloquant le vrai progrès. Avec un sophisme massue : si les Google et autre Amazon étaient américains, c’était évidemment la faute de l’UE. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Dani Rodrik : « Le populisme économique, seul moyen de lutter contre le populisme politique » Malgré les craintes des chercheurs et les sueurs froides des industriels face à la perspective du Brexit, ce discours n’a pas disparu après le vote. En mars 2018, la première ministre, Theresa May, parlait du Royaume-Uni comme d’« une nation de pionniers, d’innovateurs, d’explorateurs… le leader des industries du futur ». Dans son premier discours de premier ministre, le 24 juillet, Boris Johnson fanfaronnait : « Nous connaissons les forces énormes de notre économie dans les sciences de la vie, la technologie, les universités… Nous sommes les leaders mondiaux sur les batteries qui résoudront le changement climatique et produiront les métiers “verts” de la prochaine génération. » Cruel, le magazine New Scientist comparait pourtant les 246 millions de livres (285 millions d’euros) investies par le gouvernement sur ce sujet aux 19 milliards de dollars (17 milliards d’euros) de Tesla ou de Panasonic et aux 20 milliards d’euros de Volkswagen. Pire : à cause du Brexit, l’industrie automobile anglaise – en fait possédée par des capitaux étrangers – a beaucoup réduit ses dépenses en recherche et développement (R&D). Et la tendance est générale : les dépenses britanniques de R&D diminuent, elles sont même passées cette année en dessous de celles de la France – qui n’est pas un modèle en la matière. La productivité du travail y est aussi plus faible qu’ailleurs, ce qui n’est pas vraiment le signe de l’économie ultra-innovante dont parle M. Johnson. La fin d’une époque Pourquoi alors ces illusions ? On pourrait en donner maintes raisons : les souvenirs glorieux de Newton ou de Watt ? Une poignée d’universités bonnes élèves du classement de Shanghaï ? Un nouveau modèle d’aspirateur (Dyson était un héros national avant qu’il ne délocalise à Singapour) ? David Edgerton, auteur de l’excellent The Rise and Fall of the British Nation. A Twentieth-Century History (« l’ascension et la chute de la nation britannique. Une histioire du XXe siècle », Allen Lane, 2018, non traduit), nous donne une explication plus historique. Il fut un temps, des années 1950 aux années 1970, où le gouvernement britannique menait une stratégie industrielle vigoureuse. Il investissait directement dans des entreprises pour développer les infrastructures, l’énergie, mais aussi les semi-conducteurs (Inmos qui sera racheté par STMicroelectronics) et de nouveaux médicaments. Mais, à partir des années 1980, avec l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher, l’idée s’impose que c’est au privé et au privé seulement de financer la R&D. Les universités font de la recherche fondamentale, dont profiteront naturellement (ou miraculeusement) les entreprises. Les privatisations massives annihilent la politique industrielle. Il n’en reste plus, de nos jours, qu’un ersatz : le blabla de « l’innovation », des universités entrepreneuriales, des clusters (« groupement »), des spin-off (« scission d’entreprises »), avec en toile de fond le mirage de la Silicon Valley.
Les propagandistes du « Leave » continuent de fantasmer le Royaume-Uni en « start-up nation » bridée par l’UE, mais, en réalité, les dépenses britanniques de recherche et développement plongent, explique dans sa chronique l’historien Jean-Baptiste Fressoz.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/11/06/brexit-les-illusions-des-responsables-politiques-sur-l-innovation_6018165_3232.html
mlsum-fr-4807
Au lycée bilingue de Yaoundé en mai 2019. Zohra Bensemra / REUTERS Enveloppée dans une robe noire délavée, Sally* jette un regard triste sur ses maigres tomates et condiments disposés sur une bâche étalée à même le sol au marché Mambanda, à l’ouest de Douala, la capitale économique du Cameroun. « J’ai dépensé tout mon capital dans la scolarité de mon fils aîné. Cela faisait trois ans qu’il n’allait plus à l’école. J’ai dû payer 60 000 francs CFA (91 euros) pour l’inscrire au lycée bilingue de Mambanda », explique-t-elle dans un français approximatif. Depuis fin août, cette femme de 38 ans, que l’adversité fait en paraître dix de plus, partait tous les matins faire le tour des lycées de la zone, suppliant les responsables « d’accepter son gentil fils ». En vain. A chaque fois, la réponse était la même : « Nous sommes débordés. Les classes sont pleines. » Episode 3 Au Ghana, le français a le vent en poupe Originaire de Mamfe, dans la région anglophone du Sud-Ouest, et arrivée à Douala fin 2017 avec mari et enfants suite au conflit en cours dans cette partie du pays, Sally s’est finalement résignée à donner de l’argent à un enseignant qui lui assurait avoir l’oreille des chefs d’établissement. « Notre fils avait de mauvaises fréquentations. On a eu peur que l’oisiveté ne le pousse dans des gangs. Mon mari, maçon, et moi avons réuni toutes nos économies. On n’a même pas pu payer notre loyer depuis juillet. Mais, Dieu n’oublie pas ses enfants, assure-t-elle. Nous avons déjà trop souffert à cause de la crise » qui sévit dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest. Gratuité des frais de scolarité A cause du conflit armé opposant les séparatistes qui revendiquent l’indépendance de ces deux régions anglophones et les forces de défense camerounaises, plus de 500 000 personnes ont fui les violences pour se réfugier dans les forêts environnantes, au Nigeria et dans les régions francophones du Cameroun. Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), 4 437 écoles étaient fermées dans ces régions au mois de juin, privant plus de 600 000 enfants de scolarisation. En cette rentrée, débutée le 2 septembre, le gouvernement camerounais a annoncé la gratuité des frais de scolarité pour tous les déplacés anglophones dans les établissements publics. « Le recrutement des enfants déplacés est effectif dans les lycées, insiste, à Douala, Sylvestre Fils Moukalla, délégué départemental des enseignements secondaires. Il n’y a pas de frais. » Ce même responsable a pourtant publié un communiqué à l’intention des responsables de lycées, dans lequel il « dénonce avec la dernière énergie (…) le monnayage des places, le recrutement abusif ». « Lorsqu’un enfant déplacé arrive, sa structure d’accueil le reçoit avec gentillesse », est-il préconisé. Episode 1 En Côte d’Ivoire, des écoles en plastique recyclé Sur le terrain, la réalité est différente. Comme Sally, de nombreux parents confient avoir déboursé des sommes variant généralement entre 50 000 et 75 000 francs CFA (76,22 et 114,34 euros) pour inscrire leur enfant dans des lycées bilingues de Douala aux effectifs parfois pléthoriques. Un montant conséquent dans un pays où le salaire minimum est de 36 270 francs CFA, a fortiori pour ces parents déplacés qui ont tout laissé derrière eux pour fuir la guerre. Enseignante, Felicity accueille dans sa petite maison plus d’une dizaine de déplacés. Des neveux, des sœurs, des cousins, des orphelins de la guerre… La famille peine à manger. Pour envoyer les enfants à l’école, les déplacés les plus âgés font des petits boulots et elle a « hypothéqué » plusieurs mois de son salaire. « En 2018, nous avons payé 100 000 francs CFA pour deux enfants au lycée bilingue de Bonabéri à un surveillant général », soupire-t-elle. Sonny, 42 ans, originaire de Bamenda dans le Nord-Ouest, a lui vendu son smartphone, cadeau de son neveu, pour régler la scolarité de sa fille au lycée bilingue de Bonabéri, soit 75 000 francs CFA. Corruption généralisée Les proviseurs de ces établissements publics nient les faits. « Notre devoir est d’accueillir tous les élèves déplacés (…) Je ne suis pas au courant de ces négociations », jure la proviseure du lycée de Mambanda, qui précise même avoir affecté une secrétaire pour s’occuper des élèves déplacés. « Dites à ceux qui ont payé de venir me voir », lâche Thérèse Aimée Anges Beboua, proviseure du lycée bilingue de Bonabéri. « Il ne faut pas oublier que beaucoup de parents qui ne sont pas des déplacés profitent de cette gratuité pour frauder et nous les détectons », accuse quant à lui un responsable du lycée bilingue de Deido. Ces réactions font sourire Alice Priso, secrétaire permanente adjointe de l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic). En 2017, cette ONG a mené une vaste enquête dans des lycées de Yaoundé, la capitale. L’équipe a dévoilé, preuves à l’appui, le monnayage des places. Face au scandale de corruption, l’ancien ministre des enseignements secondaires a dû réagir et sanctionner… sans pour autant que la situation ne change. Episode 2 Au Sénégal, encore une rentrée ratée pour les écoles Yavuz Selim « Cette pratique est devenue générale, s’attriste Alice Priso. Les parents anglophones sont dans une situation plus irrégulière. Alors ils préfèrent sauvegarder l’avenir de leurs enfants qui ont passé un ou deux ans sans fréquenter l’école en payant, même s’ils savent que c’est gratuit. Surtout qu’il n’y a pas beaucoup de places. » La plupart des lycées visités confirment être débordés. « On a toujours plus de demandes que d’offres », avance un enseignant du lycée bilingue de Sodiko. « Au collège, on me demandait 100 000 francs CFA pour un enfant. C’est énorme », confie Awah*, un parent ayant fui le Sud-Ouest avec ses huit enfants. Il a eu la chance de scolariser deux d’entre eux, gratuitement, au lycée bilingue de Bonabéri. Après avoir essuyé des refus, il s’était rendu chez le sous-préfet et le délégué. « Ville morte » Assise derrière son étal, Sally n’attend plus que le retour de la paix pour rentrer chez elle et s’occuper de ses champs d’ignames. Mais au téléphone, en ce début septembre, son grand-oncle lui décrit un village fantôme, où les rares enfants présents ne sont pas allés à l’école de peur d’être tués. Malgré les multiples campagnes de retour à l’école initiées par la société civile et le gouvernement, la rentrée est « presque inexistante » dans cette partie du pays. Dans le nord-Ouest, sur près de 422 000 élèves attendus, moins de 7 000 ont répondu présents après deux semaines de classe. « Ce chiffre s’explique par le fait que les séparatistes ont décrété trois semaines de ville morte », justifie Wilfried Wanbeng Ndong, délégué régional de l’éducation de base dans le Nord-Ouest, joint au téléphone. Dans un discours à la nation mardi 10 septembre, Paul Biya, président du Cameroun, a annoncé la tenue dès la fin du mois, d’un « grand dialogue national » afin de mettre fin à la guerre dans les régions anglophones. En attendant, les milliers d’élèves déplacés vivant à Douala rêvent surtout de reprendre le chemin de l’école. « Si le gouvernement était vraiment sérieux dans sa démarche, il créerait des salles de classe dans des églises, les mosquées et autres endroits. On parle de dizaine de milliers d’élèves déplacés. Les lycées offrent à peine des centaines de places », s’offusque le surveillant général d’un lycée, qui a souhaité garder l’anonymat. *Les prénoms ont été changés
L’Afrique fait sa rentrée (5). Le gouvernement a décrété la gratuité des frais de scolarité pour les élèves qui ont fui le conflit. Mais les lycées sont débordés et certains monnaient les places.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/13/au-cameroun-la-difficile-rentree-des-classes-des-deplaces-anglophones_5509847_3212.html
mlsum-fr-4808
Quel écart de revenus entre riches et pauvres ? Quelle différence entre diplômés et non-diplômés ? Jeunes ou vieux, qui sont les plus mal lotis ? Les femmes ou les étrangers sont-ils toujours défavorisés ? Pour répondre à ces questions qui agitent la société et ont sous-tendu le mouvement des « gilets jaunes », l’Observatoire des inégalités, association d’experts et de chercheurs, a publié, mardi 4 juin, son troisième rapport sur les inégalités en France. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La situation financière des Français les plus modestes s’améliore légèrement Un état des lieux global est réalisé en compilant des statistiques publiques et études sur diverses thématiques : revenus, patrimoine, éducation, conditions de vie, etc. Après avoir résumé le précédent rapport en dix graphiques, qui montraient l’augmentation du nombre de pauvres en France, l’inégale répartition des revenus et du patrimoine, et le décollage des hauts revenus, nous avons repéré, dans cette nouvelle édition, des statistiques plus « discrètes » mais dont les effets pèsent sur la vie quotidienne et le ressenti de ceux qui les subissent. Lire aussi Dix graphiques qui illustrent les inégalités en France 1 – Au-delà du chômage, le halo du « mal emploi » Le taux de chômage en France est descendu à 8,7 % de la population active, son plus bas niveau depuis dix ans, au premier trimestre 2019, selon l’Insee. Mais ce chiffre ne décompte que les personnes en recherche active et n’ayant pas du tout travaillé dans la semaine précédant l’enquête, et « reflète mal la dégradation du marché du travail », selon l’Observatoire des inégalités. En effet, il ne tient pas compte des personnes « découragées », qui ne recherchent plus de travail et ne sont plus comptées dans les statistiques, comme les mères de famille ou les personnes proches de la retraite. Ce public marginalisé représenterait 1,6 million de personnes. Si l’on y ajoute des salariés à temps partiel qui aimeraient travailler davantage ou des travailleurs en contrat précaire (intérim ou contrats à durée déterminée non choisi), l’ensemble de ces situations concerne, selon le rapport, 26 % de la population active dans une situation de fragilité vis-à-vis de l’emploi. Et encore, ce chiffre n’intègre pas les travailleurs « à leur compte » comme les chauffeurs de VTC ou certains livreurs en situation souvent précaire. 2 – L’absence de diplôme, de plus en plus discriminante Le chômage a décru ces dernières années pour l’ensemble de la population active, mais reste à un niveau élevé (plus de 18 %) pour les personnes non diplômées. Dans les dix dernières années, leur situation s’est particulièrement dégradée par rapport à l’ensemble de la population active. Leur taux de chômage est désormais le double de la moyenne nationale, et quatre fois plus élevé que celui des personnes disposant d’au moins un bac + 2. Le chômage des non-diplômés est de plus en plus élevé depuis dix ans Taux de chômage en fonction du niveau de diplôme depuis 1987. Source : Observatoire des inégalités, Insee 49 % des jeunes sans diplôme subissent le chômage Cette inégalité est encore plus flagrante au moment de l’insertion professionnelle : selon une étude réalisée par le Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq), trois ans après son entrée sur le marché du travail, le taux de chômage d’un jeune sans aucun diplôme atteignait 49 % en 2016, contre 19 % pour les titulaires d’un bac, et 10 % pour les bac + 5. 3 – Flexibilité horaire, rythme contraint : ouvriers et employés en première ligne Non seulement l’absence de diplôme complique l’accès au travail, mais les emplois finalement obtenus sont généralement les plus difficiles au niveau des horaires, des cadences ou de la pénibilité physique. Et ces contraintes ont tendance à augmenter durant ces dernières années. 44,6 % des employés du commerce travaillent le dimanche La « flexibilité » touche de plus en plus les ouvriers et employés. Ainsi, selon le ministère du travail, 28 % des salariés étaient amenés à travailler le dimanche en 2016 (contre 26 % en 2005). Ce taux passe à près d’un sur deux (44,6 %, contre 41,7 % en 2005) dans le secteur des commerces et services. Si la moitié des salariés travaillent sur un rythme régulier, 18,8 % ont des horaires qui varient selon les jours, fixés par leur entreprise (contre 16,9 % en 2005). Plus d’un quart des ouvriers non qualifiés (26,6 %) ne connaissent pas les horaires du mois à venir, alors qu’ils n’étaient que 21 % en 2016. Sur la même période, la situation des cadres s’est améliorée (16,4 % ne connaissaient pas leurs horaires, contre 24,3 % en 2006). La flexibilité s’accompagne aussi d’un plus grand contrôle du rythme de travail. La proportion de travailleurs déclarant subir des rythmes contraints (cadence imposée, productivité, contrôle permanent, etc.) est passée, en dix ans, de 31,6 % à 35,2 %. Les rythmes contraints en hausse, surtout pour les ouvriers Part des salariés subissant au moins trois contraintes du type : cadence automatique d’une machine ou d'un produit, dépendance immédiate vis-à-vis des collègues, normes de production à satisfaire en une journée, demande extérieure, contraintes ou surveillances permanentes exercées par la hiérarchie Source : Observatoire des inégalités, ministère du travail 4 – La barrière des nouvelles technologies Les usages liés aux nouvelles technologies évoluent très vite, mais restent inégalitaires. Si le téléphone portable est quasiment généralisé, seuls 66 % des plus pauvres disposent d’un ordinateur, contre 93 % des hauts revenus, selon une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Parmi les plus pauvres, un tiers n'ont pas d'ordinateur et un quart n'ont pas de smartphone Taux de personnes qui ne sont pas équipées d'objets technologiques, selon la catégorie de revenus en 2018. Source : Observatoire des inégalités, Credoc Le plus discriminant n’est pas la possession de matériel, mais surtout les usages. Or ceux-ci sont liés à l’âge et à la catégorie sociale : 93 % des cadres réalisent des démarches administratives sur Internet, mais c’est le cas de seulement 69 % des ouvriers et 62 % des retraités. 93 % des cadres font des démarches administratives sur Internet, contre 69 % des ouvriers Pratiques liées à Internet (au moins une fois dans l'année), selon les catégories sociales. Enfin, l’Observatoire des inégalités rappelle qu’en 2018, 11 % de la population (et 16 % parmi les plus bas revenus) n’utilise pas du tout Internet, ce qui représente au total 6,4 millions de personnes. 5 – La télévision, miroir déformant de la société Les inégalités sociales ne résident pas seulement dans les revenus ou le taux de chômage, mais aussi dans des domaines plus symboliques, comme la visibilité dans les médias. La crise des « gilets jaunes » a été l’occasion de donner la parole à des catégories sociales sous-représentées en temps normal à la télévision. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a ainsi réalisé une étude en 2018, montrant que les cadres, qui ne représentent que 9 % de la population française, occupaient 60 % du temps d’antenne, alors que les employés, retraités et ouvriers sont sous-représentés. Les cadres surreprésentés à la télévision, les retraités quasi invisibles Présence dans les émissions (info, sport, séries, jeux...) des chaînes de la TNT gratuite en juin et septembre 2018 Source : Observatoire des inégalités, CSA 6 – Treize ans de vie : l’écart entre riches et pauvres L’inégalité la plus cruelle concerne la santé. Selon une étude réalisée par l’Insee, les hommes disposant du plus faible revenu ont une espérance de vie de 71,7 ans en moyenne – soit les niveaux des pays d’Asie ou d’Amérique du Sud –, contre 84,4 ans pour les 5 % les plus riches. L’écart dépasse aussi huit ans pour les femmes. Selon le rapport, ces inégalités sont liées à la pénibilité accrue de certains métiers, mais aussi au coût élevé des soins. Ces chiffres peuvent aussi avoir une explication inverse : un faible niveau de revenus peut être la conséquence d’un accident du travail ou d’une longue maladie. Près de treize ans d'écart d'espérance de vie entre les hommes riches et pauvres Espérance de vie à la naissance par sexe et niveau de vie mensuel (après prestations et impôts) Source : Observatoire des inégalités, INSEE
L’Observatoire des inégalités a publié, mardi, son troisième rapport sur les inégalités en France, un rapport compilant les écarts persistants entre les citoyens français dans différents domaines.
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/06/04/precarite-travail-contraint-esperance-de-vie-mediatisation-zoom-sur-six-inegalites-insidieuses_5471416_4355770.html
mlsum-fr-4809
Les habitants de la zone touristique El Combate, à Porto-Rico, barricadent leurs fenêtres à l’approche de la tempête tropicale Dorian, qui pourrait évoluer en ouragan, le 27 août. RICARDO ARDUENGO / REUTERS Les Etats-Unis ont annoncé, mardi 27 août, avoir mobilisé des milliers d’agents fédéraux en prévision de ce qui pourrait être le premier ouragan à toucher Porto Rico depuis ceux qui ont ravagé l’île à deux reprises en 2017. Trois mille agents sont « prêts à intervenir » sur place a précisé l’agence fédérale de gestion des urgences (FEMA). Lire aussi : Les ouragans, des phénomènes aggravés par le réchauffement climatique Selon le Centre national des ouragans (NHC) américain, Dorian – qui est pour l’instant une tempête tropicale – pourrait devenir « un ouragan quand il se déplace[ra] près de Porto Rico et à l’est d’Hispaniola », l’île que se partagent Haïti et la République dominicaine, mercredi. Wow! Yet another big storm heading to Puerto Rico. Will it ever end? Congress approved 92 Billion Dollars for Puert… https://t.co/JZcruoPI55 — realDonaldTrump (@Donald J. Trump) « Waouh ! Encore une autre grosse tempête qui se dirige sur Porto Rico. Est-ce que ça s’arrêtera un jour ? », a tweeté le président des Etats-Unis Donald Trump, affirmant que Washington avait validé une aide « record » de « 92 milliards » de dollars pour l’île l’année dernière. En réalité, le Congrès a alloué 42,5 milliards de dollars d’aide au territoire, selon le site Internet de la FEMA, et l’île n’en a, pour l’instant, perçu que quatorze. « Nous sommes prêts à partir » En septembre 2017, l’ouragan Maria avait traversé toute l’île, causant des ravages dont le territoire américain peine encore à se relever. Une étude, validée par les autorités portoricaines, estime que 3 000 personnes ont perdu la vie du fait de la catastrophe. Vue satellite de la tempête tropicale Dorian, à l’approche des Caraïbes, le 27 août. HO / AFP L’ancien gouverneur de Porto Rico, Ricardo Rossello, a été poussé à la démission en juillet, en partie en raison de vives critiques liées à sa gestion de la crise. Sa remplaçante, Wanda Vazquez, a déclaré l’état d’urgence, assurant que l’île était, cette fois, mieux préparée. La République dominicaine se trouve également sur la trajectoire de Dorian et devrait être touchée par la tempête dans la soirée de mercredi, d’après le NHC. Mardi, le Centre de météorologie national du pays a émis une alerte. Toutes les embarcations doivent rester à quai. A Saint-Domingue, les habitants des quartiers riverains du fleuve Ozama, qui traverse la capitale, craignaient surtout les inondations. « Nous sommes prêts à partir, expliquait une résidente de la zone à des journalistes. Nous avons peur de laisser nos affaires sans surveillance, pas tellement à cause de l’eau mais à cause des délinquants. » Dorian devrait atteindre les côtes de la Floride ce week-end, mais les autorités n’étaient pas encore en mesure d’estimer sa puissance à ce moment-là. Dégâts en Martinique La tempête tropicale, qui a traversé mardi l’arc antillais, a fait quelques dégâts en Martinique, notamment des inondations dans le sud de l’île. Dorian, qui s’est désormais éloignée, laisse derrière elle une route effondrée, beaucoup de nettoyage dans les commerces et les habitations et 4 000 foyers privés d’électricité. Aucune victime n’est à déplorer, précise la préfecture. La tempête a notamment traversé le sud de l’île de Sainte-Lucie et remonte désormais en mer des Caraïbes, précise Météo France.
Washington a mobilisé des milliers d’agents fédéraux alors que la tempête tropicale Dorian s’apprête à toucher l’île mercredi.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/08/27/porto-rico-se-mobilise-a-l-approche-d-un-potentiel-ouragan_5503491_3244.html
mlsum-fr-4810
Le premier ministre de transition, Abdallah Hamdok, le 21 août 2019 à Khartoum. EBRAHIM HAMID / AFP Il n’y aura pas d’état de grâce pour le nouveau pouvoir civil soudanais, dont la mission est d’assurer la stabilisation du Soudan après la fin de la dictature du général Omar Al-Bachir. Les urgences ne le permettent pas. Abdallah Hamdok, le premier ministre dont le rôle sera crucial lors de la transition de trente-neuf mois qui a débuté le 21 août, n’a pas encore nommé son gouvernement (dont la première réunion doit se tenir le 31 août), ni eu le loisir de savourer le fait d’être le premier premier ministre civil depuis trente ans – la fonction avait été abolie après le coup d’Etat des islamistes alliés aux militaires en 1989. Il doit immédiatement s’engager sur plusieurs fronts prévisibles, et faire face à quelques imprévus de mauvais augure. D’abord, il lui faut trouver de l’argent pour tirer le Soudan d’une crise économique dont la gravité a été un facteur clé dans la chute d’Omar Al-Bachir, en avril. Pour cela, l’économiste respecté répète depuis plusieurs jours qu’il lui faut, avant tout, trouver 10 milliards de dollars, dont 2 milliards dans un délai de trois mois afin de mettre fin au risque de pénuries. Cet objectif, en l’état actuel, ne semble pas hors de portée. Il est vraisemblable qu’une normalisation accélérée, incluant l’hypothèse de levées des sanctions américaines, devrait permettre l’élaboration d’un plan de sauvetage international des finances soudanaises. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Comment le Soudan a sombré pendant les trente ans de pouvoir d’Al-Bachir Structure déséquilibrée Ensuite, Abdallah Hamdok devra se concentrer sur trois priorités : établir clairement son autorité face au Conseil souverain, l’organe mixte civils-militaires qui fait figure d’exécutif mais risque d’être phagocyté par les généraux ; puis s’attaquer à la structure même de l’économie, en grande partie contrôlée par des proches ou des piliers de l’ancien régime, incluant des responsables des services de sécurité. A cet égard, il va falloir arracher des secteurs entiers à l’orbite des militaires, tout en réduisant la part du budget national consacrée aux divers services de sécurité (estimée à 70 % par des experts indépendants). Enfin, Abdallah Hamdok devra faire la paix avec les groupes armés dans un délai de six mois. C’est peut-être le plus simple. Si tout cela est couronné de succès, des élections devront être organisées en 2022. Le Conseil souverain sera-t-il un obstacle à tous ces objectifs ? Cet organe, à la tête de l’Etat, a été conçu comme une entité au pouvoir symbolique, dont le but n’est pas de s’immiscer dans la gestion des affaires publiques, confiée au gouvernement de technocrates que dirigera Abdallah Hamdok. C’est en ces termes que la structure a été conçue par les responsables de l’Association des professionnels soudanais avant le début des manifestations, en décembre 2018, puis mise en forme dans la Déclaration des Forces pour la liberté et le changement, rendue publique le 1er janvier, qui marquait la formation d’une coalition incluant un large spectre de mouvements soudanais. Les généraux se plieront-ils à cette définition restrictive de leurs prérogatives ? Il faudra, pour le savoir, voir Abdallah Hamdok à l’œuvre.
Le nouveau premier ministre a six mois pour s’imposer face aux généraux, restructurer l’économie et faire la paix avec les groupes armés.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/27/au-soudan-pas-de-repit-pour-le-gouvernement-de-transition_5503236_3212.html
mlsum-fr-4811
imatique. INFOGRAPHIE « LE MONDE » De la mélopée des oiseaux jaillissent d’autres notes, plus rythmées et chaleureuses. Modou et Mamadou Diouf fredonnent un chant sérère, du nom de leur ethnie, pour se donner du courage. En cette matinée de début juillet, les deux frères sèment du mil, l’un guidant le cheval, l’autre tenant le semoir, sans se soucier du soleil écrasant. Il y a urgence : la première pluie est tombée quelques jours auparavant, le signal qu’ils attendaient pour déposer les précieuses semences dans la terre brûlante. En 2018, ils ont récolté 3,7 tonnes de la céréale, base de l’alimentation sahélienne, dans leurs 2 hectares de Niakhar, une localité rurale située à l’ouest du Sénégal. « Nous avons multiplié par trois notre rendement en six ans grâce à la mise en place de pratiques agroécologiques, explique fièrement Abdou Diouf, frère de Modou et Mamadou, et gérant de l’exploitation familiale. Mais nous aurions pu récolter davantage s’il n’y avait pas eu une pause pluviométrique. » Cette région au cœur de la production de mil du pays, surnommée le bassin arachidier car elle produit également des cacahuètes en quantité, a enduré quarante jours sans eau après la première pluie, celle qui fait lever les plantes. « Le changement climatique nous inquiète. Dans vingt ans, quel sera notre avenir, nous les cultivateurs ? » A Niakhar (Sénégal), le 4 juillet, Mamadou Diouf et sa famille sèment le mil après les premières pluies. Ils ont multiplié par trois leurs rendements grâce à la mise en place de pratiques agroécologiques. JULIEN GOLDSTEIN POUR « LE MONDE » La relation des Diouf avec leur « plante porte-bonheur », c’est celle qu’entretient la majorité des habitants du Sénégal. Une histoire d’amour vieille de près de 5 000 ans, quand le Sahara était drapé de vert. La transformation de cette région en vaste étendue désertique s’est accompagnée de la domestication du mil, plus ancienne céréale d’Afrique avec le sorgho. La graminée s’est ensuite propagée, depuis le nord du Mali, dans l’ensemble du Sahel jusqu’à l’Inde et à l’Afrique du Sud. Pendant tous ces siècles, ses hautes tiges, culminant jusqu’à 4 mètres, et dont l’épi peut mesurer 70 centimètres, ont protégé les éleveurs et les agriculteurs de la faim. Sans mesure d’adaptation, les rendements de mil chuteront de 30 % d’ici à 2050. Un scénario dramatique pour la sécurité alimentaire Le mil à chandelle, que l’on appelle aussi petit mil, nourrit aujourd’hui 100 millions de personnes à très faibles revenus dans les régions les plus arides de la planète. Car cette plante rustique, dernier rempart contre la sécheresse, parvient à pousser avec 250 mm d’eau par an, quand il en faut 350 mm pour le sorgho et 750 mm pour le maïs et le riz. Elle s’épanouit de surcroît sur des sols pauvres et sableux, aux faibles réserves en eau. Dernière prouesse, elle est capable de fleurir jusqu’à une température de 42 °C.
Manger demain (3/6). La céréale est au cœur de l’alimentation et de la culture du pays. Capable de survivre dans les conditions de température et de sécheresse les plus extrêmes, elle va tout de même subir de plein fouet le dérèglement climatique.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/09/02/au-senegal-le-mil-cereale-millenaire-et-dernier-rempart-contre-la-secheresse_5505520_3244.html
mlsum-fr-4812
L’ex-garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas, à l’ouverture de son procès devant la Cour de justice de la République, à Paris, le 24 septembre. PHILIPPE LOPEZ / AFP La peine a beau être plus clémente que celle requise trois jours plus tôt par l’accusation, cela ne l’a guère consolé. Jean-Jacques Urvoas présentait une mine dépitée, lundi 30 septembre, à la lecture de l’arrêt de la Cour de justice de la République (CJR). L’ancien garde des sceaux a été condamné à un mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende pour « violation du secret professionnel ». Sans s’attarder et sans un mot, il a quitté la salle d’audience une fois la décision annoncée. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Affaire Urvoas : « Je suis poursuivi pour non-respect d’un secret qui n’existe pas » Vendredi, le procureur général, François Molins, avait demandé un an de prison avec sursis. L’ancien ministre socialiste était poursuivi pour avoir, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2017, transmis au député (ex-LR) Thierry Solère des informations sur une enquête le visant. Si les réquisitions de M. Molins n’ont pas été suivies, le raisonnement juridique de l’accusation a été retenu par les trois magistrats professionnels et les douze parlementaires. Le caractère secret des infos n’est « pas contestable » Les principaux arguments de la défense ont été balayés par la Cour. « Il n’y a que les gens nommément tenus au secret par un texte qui sont susceptibles d’être condamnés pour violation du secret professionnel », avait plaidé Me Emmanuel Marsigny, l’avocat de M. Urvoas. L’ancien ministre et son conseil entendaient souligner un vide textuel en la matière. Ils dénonçaient la « construction juridique » de François Molins, pour qui l’article 226-13 du code pénal est de « portée générale et absolue ». Le texte en question, qui vaut à Jean-Jacques Urvoas sa condamnation, indique que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». L’article du code pénal « n’exige pas que le dépositaire soit astreint au secret en vertu d’un texte spécifique », a jugé la Cour. Elle ajoute : « Si l’obligation au secret peut, pour certaines personnes, résulter d’un texte spécifique, le fait qu’aucun texte n’impose au garde des sceaux le respect d’un secret en raison de sa fonction est sans incidence sur l’application de l’article 226-13 du code pénal, dont le domaine d’application n’a pas été ainsi limité par le législateur. » La CJR estime par ailleurs que le caractère secret des informations contenues dans les « fiches d’action publique », ces documents établis par la direction des affaires criminelles et des grâces et reprenant les informations remontées par les procureurs sur des enquêtes en cours, n’est « pas contestable ». M. Urvoas et son conseil avaient au contraire soutenu qu’il s’agissait de rapports administratifs, sans caractère secret. Huit ministres devant la CJR « Si le ministre de la justice n’est plus tenu au secret de l’enquête et de l’instruction (…), a résumé le président de la CJR, Jean-Baptiste Parlos, il n’en est pas moins tenu au respect du secret qu’impose la nature des informations qui lui sont transmises, en raison de sa fonction. » En tant que « juriste expérimenté », maître de conférences en droit public et ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas « ne pouvait donc ignorer » qu’il violait le secret auquel il était tenu, ont estimé les juges. L’argument de l’ancien ministre selon lequel il avait partagé les informations avec M. Solère pour défendre l’institution judiciaire a été écarté. La CJR souligne dans sa décision qu’en mai 2017, au moment où M. Urvoas a envoyé les informations à M. Solère, ce dernier « ne faisait plus l’objet d’articles de presse relatifs à l’enquête préliminaire et ne mettait pas en cause un dysfonctionnement du parquet lié aux fuites d’informations dans les médias ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Affaire Urvoas : l’ex-ministre de la justice, les quatre magistrats et la « confiance » rompue Huitième ministre jugé depuis 1999 par la CJR, seule habilitée à juger des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, Jean-Jacques Urvoas était le premier garde des sceaux à comparaître devant cette juridiction. En l’absence de possibilité d’appel, il dispose de cinq jours pour se pourvoir en cassation.
L’ancien garde des sceaux, jugé par la Cour de justice de la République, a été reconnu coupable d’avoir transmis des informations confidentielles au député des Hauts-de-Seine Thierry Solère, en 2017.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/30/jean-jacques-urvoas-condamne-a-un-mois-de-prison-avec-sursis-pour-violation-du-secret-professionnel_6013665_3224.html
mlsum-fr-4813
Olivier Boche était chef d’équipe à La Blésoise, une grande blanchisserie traitant chaque jour cinquante tonnes de linge sale en provenance des hôpitaux et hôtels de la région parisienne. Un cancer du rein, puis un AVC et un début de dépression l’éloignèrent durant cinq mois de son entreprise. « A mon retour, mon patron m’explique qu’il n’y a plus de boulot adapté à mes capacités. J’ai été licencié économique à 57 ans, après dix-neuf années d’ancienneté ! » Mais pas question de rester les bras ballants. Olivier Boche se rappelle qu’il possède un CAP de charpentier métallique et postule auprès des usines locales. Aucune ne lui répond. Il hésite à changer de région, car sa femme est en CDI. Un court stage en maison de retraite, déniché par son conseiller Pôle Emploi, lui fait découvrir le métier d’aide à la personne. Il y prend goût mais hésite. « J’ai des amies qui travaillent en Ehpad et qui ont cherché à me dissuader. De toute façon, arrivé à un certain âge, on n’a plus trop envie d’avoir un patron sur le dos. Je voulais ma liberté. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Fin du concours d’aide-soignant, baisse de la pénibilité... Les propositions d’El Khomri sur les métiers du grand âge A l’hiver 2017, Olivier rejoint l’armée des 7 000 aides à domicile du Loir-et-Cher. Ses journées s’étirent de 8 heures à 20 heures, avec une longue pause déjeuner. Il accompagne un jeune handicapé au supermarché, assure la toilette, le lever du lit, l’habillement et les repas de personnes âgées dépendantes mais attachées à un maintien au domicile. « Je leur range même le bois pour l’hiver ! », explique-t-il. Son employeur est une antenne locale de l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR), une association qui lui sélectionne des clients à moins de 15 kilomètres de son domicile. Métier en tension Selon l’enquête « BMO 2019 » (Besoin en main-d’œuvre) de Pôle Emploi, en région Centre-Val-de-Loire, le secteur des services aux particuliers représente 35 % des promesses d’embauche, contre à peine 12 % pour l’industrie et 7 % pour la construction. Les chiffres de l’Insee rappellent combien la région, plus qu’ailleurs, peine à retenir ses jeunes tandis que ses vieux, comme ailleurs, vivent plus longtemps. Cet été, quinze acteurs de l’accompagnement et de l’aide à domicile du Loir-et-Cher, associations et sociétés privées confondues, ont diffusé un communiqué pour « dénoncer une crise sanitaire qui s’annonce ». Lire aussi Dépendance : le gouvernement débloque un plan pour les aidants Au Pôle Emploi de Blois, pas une semaine ne se passe sans qu’une entreprise de services à la personne vienne faire passer des entretiens d’embauche. « L’une d’elles promet même à ses futures recrues de les faire évoluer, petit à petit, vers le CAP petite enfance. Pour certains, garder des petits, c’est le Graal », explique Anne Renelier, responsable d’équipe à Pôle Emploi. Avec ses collègues, elle a lancé l’opération « Un emploi près de chez vous », grâce à laquelle des salariés en reconversion, de tous âges, sont accompagnés en douceur vers les métiers d’aide à la personne.
L’ex-ministre du travail, Myriam El Khomri, a présenté mardi son rapport pour une réforme des métiers du grand âge. Dans le chef-lieu du Loir-et-Cher, Pôle Emploi forme des chômeurs en quête de proximité.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/10/29/a-blois-de-l-usine-a-l-aide-a-domicile_6017340_3224.html
mlsum-fr-4814
Emmanuel Macron, avant une réunion du G7 à Biarritz, dimanche 25 août. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR LE MONDE Chronique. Quel contraste ! A l’audace d’Emmanuel Macron sur la scène internationale répond sa très grande prudence sur la scène intérieure. Le président français a fait feu de tout bois lors du G7, qui vient de s’achever à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) pour imposer une voix européenne sur tous les grands dossiers : écologie, fiscalité, paix dans le monde. Il joue, en revanche, au-dessous de la main sur la scène intérieure, préférant laisser son premier ministre gérer l’intendance, comme naguère le faisait de Gaulle. Mercredi 21 août, lors du premier conseil des ministres de rentrée, lui qui aime tant se montrer « disruptif » a recommandé la plus grande circonspection à son gouvernement : les ministres ont été priés de « mettre beaucoup plus d’humanité » dans la conduite du changement, d’y « inclure davantage les Françaises et les Français », de développer la concertation sous toutes ses formes. On aurait cru entendre Jacques Chirac ! Comme au lendemain du grand débat national, le pouvoir a pour consigne de se montrer aux petits soins pour les maires, tandis que la proximité est érigée en vertu cardinale, mais au service de quel projet ? Mystère. Alors qu’à la fin de ses vacances au fort de Brégançon (Var), Emmanuel Macron se fixait comme objectif de « réconcilier les Français », après de longs mois de violence, un grand vide idéologique continue de marquer le quinquennat, au risque d’entretenir les incompréhensions qui ont abouti au puissant mouvement de contestation des « gilets jaunes ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi La concertation au cœur de la rentrée de Macron Car, enfin, durant tout l’hiver et une bonne partie du printemps, deux France se sont bel et bien fait face : l’une heureuse, l’autre malheureuse, l’une incluse dans la mondialisation, l’autre laissée pour compte. Le fossé est apparu si profond que personne ne peut prétendre que l’incendie ait été éteint par les quelque 10 milliards d’euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat décrétées dans l’urgence. « La France des ronds-points » est l’expression « d’une crise morale et existentielle », diagnostiquait, à l’époque, Gilles Le Gendre, le président du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale. « Il faut affirmer un nouvel humanisme », ajoutait François Bayrou, le président du MoDem. Pour Emmanuel Macron, le temps n’en est visiblement pas venu. Nouvelle approche du social Une hypothèse est que le macronisme n’a jamais été une doctrine, ce qui est à la fois vrai et faux : pour se faire élire, l’actuel président de la République a puisé son inspiration chez les sociaux libéraux de droite comme de gauche, sans jamais se laisser enfermer dans un corpus idéologique trop précis.
Tantôt à gauche, tantôt à droite, libéral un jour, keynésien le lendemain, le président est prêt à épouser les opportunités qu’offre une conjoncture à bien des égards inédite, estime, dans sa chronique, Françoise Fressoz, éditorialiste au « Monde ».
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/08/27/pour-ne-pas-prendre-le-mur-emmanuel-macron-refuse-de-figer-une-doctrine_5503156_3232.html
mlsum-fr-4815
Blouson en polyester, The Kooples, 328 €. Stylisme de Laëtitia Leporcq. Joaquin Laguinge pour M Le magazine du Monde Depuis plus de cinquante ans, ce blouson militaire est devenu un incontournable du vestiaire des jeunes – et de certains moins jeunes. Une succession de détournements a conduit au glissement progressif de son usage au fil du temps, mais c’est sur les bases aériennes que le bomber, tel qu’on l’entend aujourd’hui, apparaît après la seconde guerre mondiale. Comme la plupart des uniformes, c’est sa fonctionnalité qui a guidé sa conception : des bords côtes aux poignets et à la taille pour s’ajuster à la physionomie du pilote, une doublure orange pour repérer celui-ci en cas de crash, un Nylon molletonné pour la légèreté et l’isolation thermique, une poche stylo sur la manche ainsi qu’un grand Zip à l’avant. Plus pratique, il remplace les versions en cuir ou en laine des pilotes de l’US Air Force. La guerre du Vietnam, suivie quotidiennement à la télévision, va le faire connaître. Le modèle commence donc à être commercialisé auprès du grand public. À la fin des années 1960, les skinheads londoniens s’en emparent. Ils remettent alors en cause l’establishment avec leur look bomber Schott, jeans délavés et massives Dr. Martens, mais une partie des crânes rasés passera – en l’espace de dix ans – d’un mouvement simplement rebelle à la haine et aux violences xénophobes. Bomber en Nylon, Levi’s® Vintage Clothing, 390 €. Stylisme de Laëtitia Leporcq. Joaquin Laguinge pour M Le magazine du Monde C’est à peu près à ce moment-là que la communauté gay – alors exclue de toute carrière militaire – adopte, à son tour, ce blouson. Il dessine une carrure virile qui forgera un nouvel archétype homosexuel fondé sur la force physique. Dans les années 1990, pour s’éclater dans les raves clandestines, une partie de la jeunesse, désenchantée et hédoniste, portera elle aussi des bombers. Qu’elle dénichera essentiellement dans les surplus, véritables mines d’or d’une culture basée sur la marginalité et la débrouille. Au tournant du XXIe siècle, le minimaliste Helmut Lang se réapproprie cet uniforme dans son essence utilitaire et fonctionnelle alors que le créateur Raf Simons explore dans ses collections les modes d’expression contestataires des adolescents. Mais après être passé de l’ordre militaire au désordre juvénile, le bomber est bien rentré dans le rang. Ancré dans les cultures urbaines, du hip-hop au streetwear, il évoque, de nos jours, plus une décontraction stylée qu’une révolte profonde. Continuellement récupéré, et fort de cette histoire, il échappe depuis toujours au piège de la banalité. Bomber en microfibre et cachemire, Loro Piana, 2 000 €. Stylisme de Laëtitia Leporcq. Joaquin Laguinge pour M Le magazine du Monde
Toutes les tendances ont une histoire. Serge Carreira, enseignant à Sciences Po et spécialiste de la mode, en remonte le fil. Cette semaine le bomber.
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/10/22/le-bomber-blouson-migrateur_6016498_4497319.html
mlsum-fr-4816
Au moins 30 civils ont été tués en mai par des frappes américaines contre des supposés laboratoires de drogue des talibans dans l’ouest de l’Afghanistan, selon un rapport des Nations unies (ONU) publié mercredi 9 octobre et aussitôt contesté par l’armée américaine. La mission de l’ONU pour l’Afghanistan (Unama) a « vérifié 39 cas de victimes [30 morts, cinq blessés et quatre indéterminés], dont 14 enfants et une femme dans les frappes du 5 mai ». L’armée américaine, qui avait mené des opérations contre plus de 60 sites de production de drogue ce jour-là, a contesté les conclusions de l’ONU et démenti avoir touché des civils. L’Unama explique avoir dépêché une mission d’enquête dans la province de Farah (Ouest) et « déterminé que 17 [des victimes] travaillaient dans des laboratoires de fabrication de drogue ». Elle a aussi reçu des « informations crédibles concernant au moins 37 victimes civiles additionnelles [30 morts et sept blessés], en majorité des femmes et des enfants ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Kaboul, la crainte d’un éventuel retour des talibans Désaccord sur les « objectifs militaires légitimes » Dans un communiqué, les forces américaines en Afghanistan (Usfor-A) affirment, de leur côté, que « les frappes de précision contre des laboratoires de méthamphétamines talibans et des combattants talibans, le 5 mai 2019, ont visé avec justesse des sources de financement » des insurgés pour mener des attaques. Les forces américaines et l’ONU sont en désaccord sur la légitimité des cibles d’opérations militaires dans ce cas. Selon l’ONU, les laboratoires visés « n’étaient pas contrôlés et gérés exclusivement par les talibans », ce qui pour l’Unama n’en « faisait pas des objectifs militaires légitimes ». L’organisation a déterminé que « les personnes travaillant dans ces laboratoires n’effectuaient pas des fonctions de combat ». L’Usfor-A s’est dit pour sa part « préoccupé (…) par la conception étroite [qu’a l’Unama] des combattants pouvant juridiquement être visés ». Les militaires américains assurent par ailleurs avoir « choisi les cibles et l’heure des frappes pour éviter des pertes de non-combattants ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les Etats-Unis relancent les pourparlers de paix avec les talibans
L’armée américaine a aussitôt contesté ces conclusions, démentant avoir touché des civils lors de cette opération visant des sites de production de drogue.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/09/afghanistan-au-moins-30-civils-tues-dans-une-attaque-americaine-en-mai_6014804_3210.html
mlsum-fr-4817
Andre Greipel, à Bruxelles le 5 juillet. Christophe Ena / AP En défilant sous la verrière des galeries royales de Bruxelles, jeudi 4 juillet, il a entendu les cris de ceux qui savent son palmarès, les « André ! André ! », jetés avec ces r roulés de Flamands. André Greipel est un astre mort du peloton mais il reste un astre. Il a toujours des cuisses herculéennes et ce visage presque parfaitement carré, comme M. Costaud. Il se trimballe partout avec ses 156 victoires professionnelles, ses onze succès sur le Tour de France, comme Peter Sagan. C’est son dernier probablement, et il est sans doute le seul à se penser capable d’en gagner une douzaine et égaler Mario Cipollini. Ce qu’il nous disait en mai, dans sa ville de Cologne : « Après la pluie vient le soleil. Je suis presque convaincu que ça va tourner. Je suis davantage qu’un sprinteur, mais je suis encore un sprinteur. » Disant cela, il plisse les yeux. Les rides creusent des sillons partout. Greipel fêtera ses 37 ans sur le Tour à Albi, le 16 juillet. Age canonique pour un homme de vitesse pure, même si Alessandro Petacchi défia les lois de la biologie en confisquant un maillot vert sur le Tour à 36 ans et demi, en 2010. Ces dernières années, l’Allemand s’est laissé aller à des confessions, aussi vite regrettées. En avril, au journal flamand Het Nieuwsblad : « Mon instinct de sprinteur est parti. Je cherche les raisons pour lesquelles cela ne fonctionne plus. Peut-être que je suis devenu trop vieux. J’ai besoin d’un déclic et ça ne viendra pas simplement. » Avec l’âge, avoue-t-il, Greipel aurait tendance à réfléchir un peu plus. Il ne parle pas de peur mais de « prise de risque calculée. Personne n’a envie de se faire mal ». Question de personnalité, aussi : « Il est plus gentleman que les autres, admire son ami et ancien manageur chez Lotto-Soudal, Marc Sergeant. S’il y a un petit trou, il hésite à y aller. Il ne veut pas que quelqu’un tombe à cause de lui. C’est dans sa tête, on ne peut pas changer ça. » Il n’a jamais été un sprinteur d’interstices. Il préfère qu’il reste la ligne et lui, ses muscles en contention jusqu’aux 150 mètres, dans l’abri de ses hommes de main qui, en s’écartant, lui donnent le signal : c’est l’heure de décharger ses calibres. Sa puissance de bœuf ne s’est jamais exprimée depuis qu’il a atterri chez les Bretons d’Arkéa-Samsic, à la surprise générale, cet hiver. Le TGV qui l’emmenait chez Lotto-Soudal, l’équipe de sa carrière, s’est mué en vieille micheline, régulièrement recomposée au gré des blessures.
Décalé mais introverti, le « Gorille de Rostock » est l’un des derniers représentants, dans le peloton, d’une génération de sprinteurs sur le déclin.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/07/09/tour-de-france-andre-greipel-la-nostalgie-du-sprint_5487151_3242.html
mlsum-fr-4818
Tribune. Le « dieselgate » a jeté le discrédit non seulement sur les constructeurs automobiles mais aussi, plus généralement, sur toute affirmation d’ordre environnemental venant d’entreprises qui avaient dûment homologuées les performances de leurs produits ! Pour retrouver leur crédibilité environnementale, celles-ci doivent maintenant être capables de montrer que leurs activités ont plus d’impacts environnementaux positifs que négatifs. Quand on parle de « greenwashing », il ne faut pas confondre le marketing des produits de l’entreprise et le reporting environnemental de la société. Dans le premier cas, la floraison de produits plus naturels et verts les uns que les autres a entraîné une réaction des consommateurs, qui sélectionnent de plus en plus des produits éco-labellisés pour limiter les risques de greenwashing. C’est le cas de 51 % des consommateurs français, selon l’étude Greenflex 2019. Dans le second cas, il faut pousser l’enquête un peu plus loin. La question est plutôt d’évaluer l’impact environnemental des activités d’une entreprise pour mesurer si les bénéfices qu’elle apporte (part verte) sont supérieurs aux dommages environnementaux qu’elle peut entraîner par ailleurs (part brune). Sont soupçonnées de greenwashing celles qui semblent gonfler artificiellement leur part verte. Bientôt un référentiel commun Tant que règne la confusion sur ce qui est vert ou pas, c’est une manœuvre relativement facile. L’Union européenne espère y mettre fin en instaurant, en 2022, un référentiel commun d’activités dites vertes, adopté par tous les Etats membres. En principe, les entreprises pourront alors communiquer sur une part verte générée par les activités répondant à cette taxonomie officielle. En attendant, la mesure d’impact des risques climatiques et la compatibilité avec les objectifs de l’accord de Paris sont en train de devenir les nouveaux paradigmes de la notation environnementale des entreprises.
Anne-Catherine Husson-Traoré, la directrice générale de Novethic, retrace, dans une tribune au « Monde », l’histoire du reporting des entreprises, sommées de produire de plus en plus de données prouvant leur verdissement.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html
mlsum-fr-4819
Des Parisiens vendangent les vignes du parc Georges Brassens, dans le 15e arrondissement, le 4 septembre 2018. LIONEL BONAVENTURE / AFP Une appellation viticole pour quelques dizaines d’hectares de vigne. C’est le tour de force que devrait réussir l’Ile-de-France, dont les vins accéderaient au label IGP (indication géographique protégée). Le comité vin de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) doit statuer le 15 octobre. Si le feu vert est donné, ce sera une victoire pour Patrice Bersac, président du Syndicat des vignerons d’Ile-de-France (Syvif) qui dit travailler sur le dossier depuis une vingtaine d’années. « L’objectif est de relancer la viticulture en Ile-de-France. L’important est que cette IGP existe. Il y aura peut-être à terme 5 000 ou 6 000 hectares de vigne », explique Olivier Nasles, membre du comité vin de l’INAO qui soutient la démarche. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les vendanges seront moins précoces qu’en 2018 Le projet n’a pas manqué de soulever des oppositions. En particulier de la part des grands vignobles voisins, l’Anjou mais surtout la Champagne. « Notre souci est le respect de l’appellation d’origine Champagne. Nous luttons contre toute usurpation de notoriété. Nous ne souhaitons pas de vignobles en périphérie, ni dans les 45 communes qui pourraient entrer dans notre appellation à l’issue de notre travail de révision des surfaces », explique Maxime Toubart, président du Syndicat général des vignerons de la Champagne. Un « cordon sanitaire » avec la Champagne Après d’intenses discussions, le cahier des charges, publié en janvier, tient compte de ces exigences. Le territoire de l’IGP, qui s’étend sur la zone de l’Ile-de-France historique, prévoit un « cordon sanitaire » avec la Champagne. De plus, la production de vin pétillant n’est pas autorisée sous l’IGP Ile-de-France. L’étiquette se posera sur une gamme de vins rouges, blancs et rosés. Lire aussi Le changement climatique menace aussi les vins rosés Il n’empêche. La procédure nationale d’opposition (PNO) qui s’est ouverte à l’issue de la publication du cahier des charges a donné matière à d’autres opposants au projet ainsi défini. L’Anivin, l’interprofession qui défend les vins sans appellation et vendus sous l’étiquette vin de France, s’interroge, par exemple, sur le risque de confusion entre vins de France et d’Ile-de-France. La Winerie parisienne fait aussi partie des opposants au cahier des charges. Cette société créée en 2015 par trois entrepreneurs s’est d’abord lancée dans le négoce de vins assemblés dans ses locaux à Montreuil. Puis, en 2016, elle a demandé une autorisation de plantation de trois hectares de vigne, suivie d’une demande de 23 hectares en 2017. Elle en a déjà planté dix dont trois seront vendangés pour la première fois cette année. Le terrain a été mis à disposition par le département des Yvelines. La société, qui ne communique par son chiffre d’affaires ni ne donne le montant de ses investissements, affirme fédérer une quarantaine de porteurs de projet prêts à planter dans la région francilienne. Derrière ceux-ci, voit-on l’ombre d’acteurs d’une tout autre taille ? Les promoteurs de l’IGP Ile-de-France évoquent des marques d’intérêt de grands groupes présents dans les céréales et le vin. A l’exemple de Soufflet.
Le label IGP pourrait être décerné aux vins de la région et y favoriserait la relance de la viticulture.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/07/les-vins-d-ile-de-france-prets-a-decrocher-leur-appellation_5507578_3234.html
mlsum-fr-4820
Image extraite de « Coronis », de Vincent Dumestre et Omar Porras. PHILIPPE DELVAL Découverte excitante et pour tout dire éminemment ensorcelante que ce Coronis de Sebastian Duron, zarzuela baroque présentée au Théâtre de Caen du 6 au 9 novembre, en coproduction avec les équipes de Rouen, Limoges, Amiens, Lille et l’Opéra-Comique à Paris. Une création française doublée d’une première scénique si l’on considère que cette pastorale mythologique créée au tout début du XVIIIe siècle devant le jeune roi d’Espagne, Philippe V, n’avait à ce jour pas été remontée in scena. Des chanteurs comme Placido Domingo et Teresa Berganza ont chanté la zarzuela du XIXe siècle, dont l’esprit s’apparente à celui de l’opérette, mais les riches heures baroques de ce genre lyrique, né dans l’Espagne du Siècle d’or, qui essaima jusqu’aux Amériques hispaniques, restent largement méconnues. Et pourtant, que de charme et d’invention dans la musique du maître de chapelle madrilène qui, pour avoir assimilé avec brio les leçons de l’opéra italien, ajoute aux moelleuses sonorités de l’instrumentarium baroque le folklore épicé des guitares et castagnettes. Une rencontre magnifique L’argument de l’œuvre est aussi mince que savoureux, qui voit la belle Coronis, prêtresse de Diane, chassée tour à tour par Apollon et Neptune, par l’entremise du monstrueux Triton, également amoureux de la nymphe. Autour de Protée le sage, seul rôle tenu par un homme, une troupe féminine. La scène est à l’époque l’apanage des actrices et chanteuses, ces messieurs de la chapelle refusant de se commettre sur des planches jugées trop licencieuses. Entre tragique et burlesque, alternent chœurs à l’antique et douloureux lamentos, chansons populaires typiques du théâtre espagnol (tonadas) et grands airs de fureur à vocalises annonciateurs de l’opera seria, les dieux de l’Olympe se mêlant aux petites gens – chasseurs, bergers et autres paysans bouffons : les graciosos, Ménandre et Sirène. On a rarement vu aussi belle adéquation entre scène et fosse. Une direction d’acteurs utilisant avec une telle subtilité circassiens et danseurs au seul profit de l’expression musicale. Mais la réussite absolue du spectacle tire sa substantifique moelle d’une rencontre magnifique, celle du chef d’orchestre Vincent Dumestre et du metteur en scène Omar Porras. Art délicat de la polysémie pour ce Colombien qui dessine, avec un théâtre de tréteaux, quelques accessoires et une paire de rideaux, de vastes cosmogonies nées de l’Espagne des conquistadors. Un travail que syncrétise le vestiaire inventif de Bruno Fatalot, projetant sur les corps lyriques, acrobates ou danseurs, l’Espagne de Velasquez et le Nouveau Monde de Christophe Colomb. Sur les murs de la caverne de Platon, le prisme « porrassien » projette ce qui reste caché, dénonçant ces dieux de pacotille qui sortent, l’un d’une malle de vieux costumes, l’autre d’un retable de papier. En vain. Le peuple versatile, adorateur de chimères et dédaigneux de concorde, choisira la catastrophe, avant que Jupiter, par sa messagère Iris, n’impose une paix chèrement acquise.
La rencontre exceptionnelle de Vincent Dumestre et Omar Porras redonne vie à la « Coronis » de Sebastian Duron, une belle endormie depuis le XVIIIe siècle.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/11/08/le-theatre-de-caen-haut-lieu-de-la-zarzuela-baroque_6018435_3246.html
mlsum-fr-4821
Le roi peul Mohammed Abubakar Bambado dans son palais du quartier de Surulere, à Lagos, au Nigeria, le 28 avril 2019. LUIS TATO / AFP Mohammed Abubakar Bambado est un homme pressé. A peine a-t-il terminé son rendez-vous avec un client australien au port de Lagos qu’il est attendu dans son palais. Ses sujets patientent depuis près de trois heures pour une audience. Quand il arrive, son iPhone sonne une énième fois. « Excusez-moi, c’est une urgence. » Après son grand-père et son père, il est le troisième « Sarkin Fulani » de Lagos : un roi peul au cœur la bouillonnante capitale économique du Nigeria, où se succèdent gratte-ciel et bidonvilles, autoroutes à six voies et pistes en terre cabossées. Mais à 49 ans, c’est aussi un homme d’affaires prospère et respecté, à la tête d’une importante société de dockers. A bord de son 4x4 Mercedes gris métallisé, il balaie la plupart des clichés habituels, à commencer par celui qui voudrait que tous les Peuls soient éleveurs. Ou la caricature classique sur le physique : il n’a ni le teint clair, ni le nez aquilin, encore moins une silhouette frêle. C’est un costaud aux yeux doux. Episode 1 Au Nigeria, les Peuls pris au piège de la guerre pour la terre Le temps d’embrasser la ribambelle d’enfants qui chahutent dans la cour, d’enfiler son turban de chef traditionnel, et il est enfin prêt. Il s’installe dans un large trône aux accoudoirs ornés de deux imposantes têtes de vaches couleur or. Derrière lui est accroché un chapeau de paille traversé d’un sabre. A ses pieds, l’assistance se tait. Le griot appelle les noms. Les uns après les autres, les hommes viennent s’agenouiller en signe de respect. Une courte prière et l’audience peut commencer. Litiges fonciers, querelles familiales… Il y a là des chefs de quartier, assis en tailleur sur un large tapis brodé, mais aussi des responsables de corporations : celle des Okada, ces taxis-motos qui permettent de contourner les embouteillages tentaculaires de la mégapole de 20 millions d’habitants, celle des aveugles-mendiants qui frappent aux fenêtres des automobilistes… Tous ont un point commun : ils sont issus de la communauté peule haoussa, originaire du nord à majorité musulmane. Elle représente environ un quart de la population de Lagos, qui se trouve en plein pays yoruba, ethnie majoritaire dans le sud-ouest. « Je suis là pour résoudre leurs problèmes », explique le roi peul. Et il écoute. Un changeur d’argent a été kidnappé et assassiné par ses ravisseurs. La famille, qui n’a pas confiance en la police, implore l’influent chef traditionnel de suivre l’enquête. Il acquiesce. Les doléances se poursuivent : litiges fonciers, querelles de familles, attaques et vols à main armée… « C’est un homme bon. Quand il se passe quelque chose de grave, même s’il voyage à l’étranger, il décroche toujours son téléphone. Et s’il le faut, il prend un vol retour pour le Nigeria », assure Suleiman Ibrahim, assis au dernier rang. Bambado est issu d’une famille instruite et très croyante. Ses grands-parents ont été parmi les premiers migrants à quitter leur région aride et sahélienne, à plus de 1 000 km de Lagos, au tout début du XXe siècle. Le patriarche, un commerçant de l’Etat de Jigawa, voyage alors aux quatre coins du pays pour vendre des noix de kola et des pépites d’or. Jusqu’au jour où il décide de s’installer pour de bon sur la côte Atlantique. C’était en 1904. « Peu à peu, c’est devenu une figure incontournable. Quand des gens du nord séjournaient à Lagos, c’est lui qui les accueillait. Ils étaient toujours plus nombreux, alors un jour ils ont décidé qu’il leur fallait un chef : mon grand-père. » Le premier « Sarkin Fulani » diversifie ses activités. Il investit dans le commerce de bétail et « approvisionne même l’armée nigériane en viande durant la guerre civile du Biafra » (1967-1970), raconte avec fierté son petit-fils. « Je suis un Lagosien avant tout ! » L’accès à la mer est un atout indéniable pour le commerce. Le trafic maritime se développe, le port a besoin de bras pour charger et décharger les navires qui accostent à Lagos. Cela tombe bien, il y a justement un flot de migrants qui continuent d’arriver à Lagos, terre d’accueil cosmopolite. Le grand-père de Bambado fonde alors une société de manutention portuaire et emploie ses « frères » comme main-d’œuvre. Tout comme le titre de « roi des Peuls », la direction de la compagnie se transmettra de génération en génération. Lire aussi Le Nigeria dépassé par la demande en viande de ses habitants A la mort de son père, en 1994, Bambado, alors étudiant en gestion d’entreprise à Maiduguri (nord-est), reprend le flambeau. Dockworth Services International emploie aujourd’hui plus de 1 500 personnes à Lagos, Calabar (sud-est) et Warri (sud). Le patron passe environ « la moitié du temps » à Londres ou à Dubaï pour les affaires. Les Peuls sont un peuple sans frontière, dit-on. Du Sénégal à la Centrafrique, ils seraient 30 à 40 millions, répartis dans une quinzaine de pays. Mais s’il n’oublie pas ses origines, Bambado reste loyal à la terre qui l’a vu naître. « Je suis un Lagosien avant tout ! », aime-t-il répéter. Il sait aussi que ses sujets l’attendent dans le petit palace décrépi de Surulere, quartier populaire où il continue d’habiter avec sa femme et ses trois enfants. Et il n’est pas très loin de son troupeau : il possède 300 vaches dans la banlieue proche de Lagos.
Peuls au Nigeria (3/3). Mohammed Abubakar Bambado a succédé à son père sur le trône et à la tête d’une société de manutention portuaire qui emploie 1 500 personnes.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/29/a-lagos-le-roi-des-peuls-est-aussi-le-boss-des-dockers_5483080_3212.html
mlsum-fr-4822
L'immunologiste français Jérôme Galon, Prix de l’Inventeur européen 2019, en mars. Heinz Troll /EPO Immunologiste à l’Inserm, Jérôme Galon a remporté, en juin, le Prix de l’inventeur européen 2019. Décerné par l’Office européen des brevets (OEB), ce prix récompense le développement d’un test, l’Immunoscore, qui permet de prédire les risques de récidive de certains cancers. Son principe : il dénombre les cellules immunitaires présentes au sein de la tumeur primitive, évaluant ainsi la capacité de « l’armée de l’immunité » à bloquer l’avance ennemie. Distribué et utilisé dans vingt-cinq pays, ce score aide les médecins à mesurer la gravité du cancer et à proposer des traitements mieux adaptés. Directeur du laboratoire Immunologie et cancérologie intégratives au Centre de recherche des Cordeliers, à Paris, Jérôme Galon a cofondé, en 2014, une start-up, HalioDx, qui octroie une licence aux quinze brevets européens détenus par l’Inserm sur ce test. Cette société emploie aujourd’hui 160 personnes.Selon le président de l’OEB, Antonio Campinos, « l’invention de ­Jérôme Galon [a permis] une révision de la classification des cancers, et cela pourrait déboucher sur l’élaboration de nouveaux traitements ». En quoi consiste votre Immunoscore ? Il s’agit d’un test de diagnostic in vitro, réalisé sur un petit échantillon (biopsie ou pièce chirurgicale) provenant de la tumeur primitive d’un patient. Des coupes de cet échantillon sont scannées, puis transformées en images numériques. Un logiciel dénombre sur ces coupes les cellules immunitaires – les lymphocytes T cytotoxiques, chargés de détruire les cellules cancéreuses. Plus ces cellules immunitaires sont nombreuses, meilleures sont les chances de survie du patient. Un algorithme calcule donc l’« immunoscore » du patient en fonction de la concentration et de la localisation de ces cellules dans la tumeur. Comment l’aventure a-t-elle débuté ? En 2000, je revenais des Etats-Unis, où j’avais effectué un stage postdoctoral aux National Institutes of Health – après une formation d’immunologiste à l’Institut Pasteur et à l’Institut Curie à Paris. Durant ce séjour, j’avais participé à la ­découverte de la mutation d’un gène impliqué dans une maladie auto-inflammatoire rare. Ce travail m’avait amené à utiliser des techniques d’analyse de l’expression du génome, couplées à la bio-informatique. Quand j’ai été ­recruté à l’Inserm, en 2000, j’ai voulu les appliquer à l’étude d’une maladie complexe très ­répandue : les cancers. C’était l’époque la plus noire de l’immuno-cancérologie. En 2000, Robert Weinberg a publié un état de l’art des connaissances sur le cancer. Stupeur : il n’y avait pas un mot sur le système immunitaire !
« Inventeur européen 2019 », l’immunologiste Jérôme Galon a été primé pour avoir développé un test mesurant les défenses immunitaires du patient face au cancer. Il évoque la mise au point de cet « immunoscore » et ses développements.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/08/26/jerome-galon-face-au-cancer-il-est-bon-d-activer-tous-les-leviers-qui-renforcent-nos-defenses-immunitaires_5502988_1650684.html
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Un pilonnage en règle. Depuis les élections européennes, les macronistes issus du parti Les Républicains (LR) mènent une offensive soutenue à destination des élus de droite modérée, inquiets de l’affaiblissement de leur formation. Depuis dix jours, ils multiplient les appels pour inciter leurs anciens collègues à rejoindre la majorité dans l’optique des élections municipales de mars 2020. Avec un mot d’ordre : « Mettez votre énergie à nous aider à reconstruire le pays plutôt que votre parti ! » En première ligne de cette « opération séduction » figurent le ministre des collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, celui des comptes publics, Gérald Darmanin, de la culture Franck Riester, l’eurodéputé Gilles Boyer, ou encore le député La République en marche (LRM) des Hauts-de-Seine, Thierry Solère. Proches du premier ministre, Edouard Philippe, tous exhortent les maires de droite à quitter leur parti, qui s’enfonce dans la crise. « C’est le moment », jugent-ils, après la déroute de LR le 26 mai et la démission de Laurent Wauquiez de la présidence du parti. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Laurent Wauquiez s’en va, la droite en lambeaux De « grosses prises » Soulagés du score obtenu par la majorité aux européennes, ces anciens élus de droite ralliés à Emmanuel Macron sont désormais déterminés à anéantir leur famille d’origine pour faire de leur nouveau port d’attache le seul réceptacle de la droite modérée. « Ils y vont à fond car les résultats ont conforté leur choix risqué de rejoindre Macron au moment de la présidentielle », analyse un pilier de la majorité, évoquant « une raison existentielle ». Il suffisait de voir le large sourire de Bruno Le Maire au soir des européennes, actant « la disparition des grands partis de gouvernement, en particulier Les Républicains », pour le comprendre. Si la direction de LR espère que le départ de M. Wauquiez va permettre de « stopper l’hémorragie », les responsables de la majorité assurent enregistrer un afflux de soutiens d’élus de droite. « Nos appels marchent bien », se félicite-t-on notamment à Agir, parti de centre droit allié à Emmanuel Macron, en assurant avoir de « grosses prises ». Même satisfaction à La République en marche. Si, ni Agir ni LRM n’est en mesure de fournir le moindre chiffre, des premiers mouvements sont intervenus au cours des derniers jours. Le maire de Quimper (Finistère), Ludovic Jolivet, a annoncé vendredi qu’il quittait LR pour rejoindre Agir. Trois élus des Hauts-de-Seine (le maire de Chaville, Jean-Jacques Guillet, celui de Clichy, Rémi Muzeau, ou encore celui de Saint-Cloud, Eric Berdoati) ont également décidé de lâcher leur étiquette LR. Même le maire de Nice, Christian Estrosi, qui avait choisi de voter LR aux européennes, a refait un pas vers la majorité, mardi, en se disant prêt à former « une coalition » avec LRM.
Des personnalités de la majorité, dont des proches d’Edouard Philippe, font pression sur les élus LR pour qu’ils quittent leur parti et rejoignent LRM avant les municipales.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/06/05/la-strategie-rouleau-compresseur-de-lrm-face-a-lr_5471777_823448.html
mlsum-fr-4824
Au « Grand pique-nique Dacia », à l’abbaye de Chaalis, dans l’Oise, le 30 juin. L'OEIL DU DIAPH Les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone s’accommodent mal du succès galopant des SUV, trop gourmands. Il apparaît que l’essor des voitures à bas coût n’est pas davantage en phase avec le prochain durcissement des normes environnementales. Cette incompatibilité risque de s’imposer douloureusement à Renault, qui a développé avec succès sous la bannière Dacia une offre de modèles bon marché. Depuis 2005, ces véhicules, produits essentiellement en Roumanie, ont rencontré un public très large – plus de 500 000 ventes en 2018 en Europe contre un peu plus de 100 000 dix ans auparavant –, mais la poursuite de cette insolente réussite se trouve désormais fragilisée. Selon le consultant Evercore ISI, les émissions moyennes de CO 2 au kilomètre de la gamme Dacia se situaient en 2018 quelque 25 grammes au-dessus de la moyenne fatidique des 95 grammes, seuil au-delà duquel de lourdes sanctions seront imposées dès 2020. Un score bien supérieur à celui de la moyenne de la maison mère Renault – une quinzaine de grammes au-dessus de l’objectif fixé par l’Union européenne (UE) –, qui va fortement se dégrader lorsqu’il faudra réintégrer le score de Dacia. Selon la banque d’investissement Jefferies, le montant annuel des amendes imposées à Renault pour cause de dépassement des normes pourrait représenter 450 millions d’euros. « Soit 17 % du bénéfice prévu par le constructeur l’année prochaine », estime l’institution financière. Le low cost serait-il devenu un boulet ? Sollicité, Renault ne s’est pas exprimé. Ford a préféré jeter l’éponge Dacia n’a pourtant pas rechigné à moderniser ses motorisations fournies par la firme au losange. Depuis le début de l’année, un nouveau moteur essence d’entrée de gamme TCe 100 (1 litre de cylindrée pour 100 ch) et un nouveau diesel (1,5 litre, 95 ch) sont apparus. Or, si le second échappe au malus, le premier n’y parvient toujours pas, avec ses 125 g de CO 2 au kilomètre. Quant au tout nouveau 1,3 litre essence développant 150 ch, il ne peut faire mieux que 138 g de CO 2 au kilomètre, ce qui lui vaut une pénalité de 540 euros. Ce moteur, qui se destine davantage à des marchés comme la Russie, est en outre étouffé par une boîte de vitesses trop longue, seul moyen de limiter les dégâts en termes de consommation (un peu plus de 8 litres aux 100 km lors de notre essai). Au total, seules les versions diesel échappent aux rigueurs du malus écologique. Confrontés aux mêmes difficultés, d’autres constructeurs ont expurgé de leur offre les modèles « économiques ». Opel ne vend plus sa petite voiture bon marché Karl et Ford a annoncé le retrait de la KA+. Rivale directe de la Dacia Sandero, cette dernière était importée du Brésil depuis 2016, avec un petit trois-cylindres efficace mais crachant tout de même 120 g de CO 2 . Malgré une diffusion non négligeable en Europe (environ 50 000 unités par an), Ford a préféré jeter l’éponge. « Pour ne pas dégrader la moyenne d’émissions de la marque, il aurait fallu équiper la Ka+ d’une tout autre motorisation, bien plus sophistiquée, ce qui n’était pas envisageable compte tenu de sa faible marge », souligne le constructeur américain. Fiat, interrogé sur l’avenir de la Tipo, autre modèle à bas coût, s’en tient lui aussi au silence radio. Des améliorations qui vont coûter cher La baisse drastique des émissions dès 2020-2021 (le mouvement devra se poursuivre pour atteindre le seuil de 59 grammes en 2030) déstabilise le modèle économique du low cost automobile, qui dégage peu de bénéfice unitaire, mais affiche globalement une rentabilité alléchante compte tenu des volumes de production. Pour proposer des prix accessibles (le tarif de la Logan débute à 7 900 euros), Dacia s’en remettait jusqu’alors aux coûts réduits de la main-d’œuvre de ses usines roumaines ou marocaines, mais aussi au recours à des technologies, et donc des mécaniques, déjà largement amorties. C’est-à-dire pas tout à fait tombées de la dernière pluie. Ce schéma ne pourra plus fonctionner. Pour Renault, la seule issue consiste à électrifier les modèles de sa gamme Entry, qui regroupe les versions les plus accessibles et pèse globalement autour de 20 % de ses ventes. La marque dispose pour cela de l’inédit système hybride e-Tech, qui va équiper la nouvelle Clio et pourrait apparaître chez Dacia en 2021. Des améliorations qui vont coûter cher. Mettre à niveau les modèles Dacia, a calculé Evercore ISI, représenterait une dépense de 1 269 euros par véhicule. Le groupe entend mettre le cap sur la conception de voitures 100 % électriques à prix cassé (autour de 10 000 euros) dans le sillage de la K-ZE, son petit modèle lancé en Chine. Mais cela prendra quelques années. Lire aussi Dacia, cinquante ans de démocratisation Gentrification de l’automobile Le verdissement du low cost constitue certes une bonne nouvelle pour l’environnement, mais voir les prix monter en flèche dans un proche avenir va accélérer le glissement vers une gentrification de l’automobile, en passe de redevenir un produit difficilement accessible au plus grand nombre. Dans une note publiée en mai par la Fondation Jean-Jaurès et consacrée au mouvement des « gilets jaunes », Jérôme Fourquet rappelle que la Sandero est le modèle le plus vendu auprès des particuliers. Pour le directeur du département opinion de l’IFOP, l’avènement de la « France des Dacia » (141 000 immatriculations dans l’Hexagone en 2018) constitue l’un des indices de « la disparition de la grande classe moyenne » et de « l’apparition d’une offre calibrée (à l’instar du hard-discount) pour les catégories populaires et la frange inférieure des classes moyennes ».
L’indéniable succès des modèles bon marché pourrait se fissurer avec le prochain durcissement des normes environnementales pour cause de motorisations trop polluantes. Seule planche de salut : l’électrification.
https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2019/09/17/low-cost-mais-malus-ecologique_5511196_4497319.html
mlsum-fr-4825
Un million de festivaliers devraient assister cette année aux quelque 1 600 spectacles du « off » d’Avignon, dont les affiches sont collées partout dans la ville, comme dans cette petite rue, photographiée le 4 juillet 2019. GERARD JULIEN / AFP Il s’est assis en bout de rangée, pour ses jambes – les plans des petites salles du « off » sont faits à l’économie. Et puis il a commencé à parler à ses voisins de la pièce qu’il a vue tantôt : Crâne. « Ça va vous plaire ! Quand je vois une chouette pièce, je prends deux ou trois flyers et je les redistribue. Maladroitement j’imagine, mais là j’en ai parlé à trois personnes, je suis à peu près sûr que deux iront. » Michel Mir, 72 ans, retraité, est un parmi tant de festivaliers du « off » (les organisateurs s’attendent à vendre un million de places cette année) qui transforment chaque année Avignon en kermesse. Longtemps, ce Gersois d’origine installé dans les Alpes-Maritimes est venu avec sa compagne. Et puis ils ont arrêté. Il y a une demi-douzaine d’années, il a décidé de revenir, seul. « J’avais passé tellement de jours heureux ici. Reçu un tel enseignement. Parce que c’est ça : un enseignement… » Ainsi, une semaine par an, il loue un petit deux-pièces près des remparts et s’adonne à l’exercice savant de trouver son chemin dans ce labyrinthe (près de 1 600 spectacles, 140 lieux, 6 000 artistes). Plan de bataille et salle paumée Sur le dos d’une affiche cartonnée qu’il a découpée, il montre son plan de bataille. Son sac, lourd du gros Bottin édité par les organisateurs du « off », déborde de dépliants, de petits bouts de papier avec des notes et d’un plan de la ville – « J’ai dû venir vingt-cinq fois à Avignon et je continue de m’y perdre ». Derrière lui, les voisins commencent à l’agacer parce qu’ils se mettent à bavarder alors que, sur la petite scène, la pièce a commencé. « En général, à la fin de la semaine, sur seize spectacles que j’aurai vus, 90 % auront valu le coup » « Le théâtre – Corneille, Racine et Molière –, je l’ai profondément détesté au lycée. Sauf une fois, Ubu roi, cela m’avait bien plu. Je me rappelle, c’était la nuit où Kennedy a été tué », confie ce lecteur du Monde. Chemise jaune sur un tee-shirt de la même teinte, une courte barbe plus sel que poivre, heureux de toute rencontre, il dit : « Le premier soir, je suis tombé sur une Moldave qui m’a particulièrement charmé. Une vie douloureuse dont elle voulait parler sur scène. Nous étions une grosse douzaine dans une salle paumée. Ce n’était pas très intéressant. Enfin, en général, à la fin de la semaine, sur seize spectacles que j’aurai vus, 90 % auront valu le coup. »
Michel Mir, 72 ans, est un festivalier assidu. Il arpente le « off » en quête de pépites et se transforme, chaque été, en intarissable critique.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/07/18/festival-d-avignon-j-ai-du-venir-vingt-cinq-fois-a-avignon-et-je-continue-a-m-y-perdre_5490669_3246.html
mlsum-fr-4826
Damon Herriman interprète Charles Manson dans « MindHunter », de David Fincher. Il campe le même personnage dans « Once Upon a Time… » de Tarantino. NETFLIX - DENVER AND DELILAH PRO / COLLECTION PROD DB Analyse. Au concours estival du demi-siècle, Charles Manson l’a emporté sur Neil Armstrong ou Jimi Hendrix. Le premier pas sur la Lune (21 juillet 1969) ou Woodstock (15 au 18 août 1969) n’ont pas engendré deux œuvres de fiction majeures, contrairement aux meurtres commis par les disciples de Manson dans la nuit du 8 au 9 août 1969 : Once Upon a Time… in Hollywood, le long-métrage de cinéma de Quentin Tarantino, et Mindhunter, la série produite et en partie réalisée par David Fincher, sont sortis cet été, l’un dans les salles, l’autre sur une plate-forme de streaming – Netflix. Plus que la persistance de la fascination pour une figure et des crimes aussi éloignés de nous que l’était la première guerre mondiale des contemporains de Manson, c’est la distance et l’irréductible contradiction entre Once Upon a Time… in Hollywood et Mindhunter qui attirent l’attention. On dirait que Tarantino et Fincher n’ont trouvé qu’un point d’accord : délimiter les frontières extrêmes de leur art. Du côté de l’auteur de Kill Bill, la fantaisie, la nostalgie, l’hédonisme, la célébration de l’art pour l’art, le souci de plaire et de choquer, les plaisirs de la « pulp fiction ». Chez Fincher, la quête du réel à travers la fiction, de la beauté à travers la banalité et l’horreur du quotidien, l’exigence de la lucidité au risque de la frustration en s’appuyant sur des personnages de chair et de sang. Le cours de l’histoire inversé Depuis dix ans (depuis Inglourious Basterds), Quentin Tarantino s’est retiré du monde contemporain : ses films sont situés dans le passé, sans que ces périodes (la seconde guerre mondiale, les années menant à la guerre de Sécession, la conquête de l’Ouest) ne soient gouvernées par les lois de l’histoire. Le metteur en scène préfère y substituer celles de la fiction cinématographique, telles qu’elles ont été édictées à l’âge d’or d’Hollywood puis amendées après l’effondrement de la censure. La pulsion justicière enfantine dont procèdent ces uchronies vise à effacer la tragédie en lui substituant une comédie sanglante. Si le monde ne se divise pas exactement entre bons et méchants, il avance à force de conflits, dont les vainqueurs sortent entourés d’un halo de sainteté, du seul fait de leur victoire. Après y avoir abondamment recouru, Tarantino (et c’est ici que l’on commence à dévoiler l’issue de plusieurs de ses films) a tourné le dos à l’incertitude morale : les chiens de guerre américains d’Inglourious Basterds ou les chasseurs de prime de Django Unchained inversent le cours de l’histoire, le temps de la projection, châtiant Adolf Hitler ou le maître de la plantation, en dépit de l’évidence historique, parce qu’ils sont les personnages centraux du film et qu’ils sont incarnés par des stars, Brad Pitt ou Jamie Foxx. La pulsion justicière enfantine dont procèdent ces uchronies vise à effacer la tragédie en lui substituant une comédie sanglante, dont les péripéties macabres n’affecteront pas outre mesure le public, puisqu’elles se situent dans un univers de pure fantaisie.
Dans « Once Upon a Time… in Hollywood » et « Mindhunter », les réalisateurs proposent un traitement très différencié des meurtres commis par les disciples du gourou hollywoodien, entre plaisir de choquer et quête du réel.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/09/11/tarantino-et-fincher-a-chacun-sa-lecture-du-demon-charles-manson_5508965_3246.html
mlsum-fr-4827
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine, le 19 août, au fort de Brégançon (Var). ALEXEI DRUZHININ / SPUTNIK / AP Emmanuel Macron veut concrétiser le réchauffement des relations avec Vladimir Poutine et assume son tournant russe. Le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, et sa consœur de la défense, Florence Parly, se rendent à Moscou, lundi 9 septembre, pour rencontrer leurs homologues Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou lors d’une réunion du comité consultatif de coopération et de sécurité. Il n’y en avait pas eu depuis cinq ans. Cette structure « 2 + 2 » avait été mise sur pied dans les années 1990 pour renforcer les liens, y compris sur le terrain militaire, avec une Russie que l’on pensait alors réellement engagée dans la voie de la démocratie. Elle avait été gelée au printemps 2014 après l’annexion de la Crimée, la première par la force d’un territoire en Europe depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le Kremlin a ensuite pris le contrôle d’une partie de la région du Donbass dans l’est de l’Ukraine par l’intermédiaire d’une rébellion armée. Vladimir Poutine semble disposé à effectuer quelques gestes vis-à-vis de Kiev et a procédé à un échange de prisonniers, dont certaines figures symboliques comme le cinéaste Oleg Sentsov, Ukrainien de Crimée condamné à 20 ans de camp pour terrorisme. Il pourrait accepter aussi la relance des accords de paix de Minsk de février 2015 qui avaient mis fin à la phase aiguë des combats mais sont restés pour l’essentiel lettre morte. Un prochain sommet au « format Normandie » (France, Allemagne, Ukraine, Russie) devrait se tenir fin septembre dans la capitale française. La Crimée, en revanche, passe par pertes et profits. « La question est mise de côté car on sait que la Russie ne cédera pas. Il en sera de la Crimée comme des pays baltes, dont l’annexion après 1945 n’a jamais été reconnue sans que pour autant cela empêche les relations avec Moscou », résume Tatiana Jean, responsable du programme Russie de l’Institut français des relations internationales (IFRI). Article réservé à nos abonnés Lire aussi Florence Parly : « La maîtrise des armements concerne tous les Européens » Paris veut aller de l’avant malgré les doutes suscités par ces ouvertures au maître du Kremlin. « La défiance ne sert finalement à personne, même si les raisons qui l’ont alimentée – l’Ukraine, la Syrie, les assassinats à l’arme chimique, les cyberattaques – sont toujours là, et le dialogue se doit donc d’être exigeant », expliquait le 3 septembre le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, devant l’Association de la presse diplomatique. Depuis son arrivée à la tête du Quai d’Orsay, il a rencontré plusieurs fois son homologue russe, mais les relations étaient interrompues depuis cinq ans entre les ministres de la défense. Elles sont pourtant nécessaires sur la Syrie comme sur la République centrafricaine – dossiers sur lesquels Sergueï Choïgou a la haute main –, ainsi que pour ouvrir des négociations sur le contrôle des armements.
Les ministres des affaires étrangères et de la défense français et russes se réunissent, lundi 9 septembre, à Moscou : une première depuis l’annexion de la Crimée.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/07/macron-assume-son-virage-russe_5507692_3210.html
mlsum-fr-4828
LETTRE DE JÉRUSALEM Affiches de campagne électorale à Qalansawe, où figurent Ayman Odeh (à droite), le leader de la liste unie des partis arabes en Israel, le 3 avril. Ammar Awad / REUTERS Un mariage à Basmat Tabun, un village bédouin proche d’Haïfa, dans le nord d’Israël, a été endeuillé dans la nuit du 21 septembre. Un homme de 45 ans, Ibrahim Kamal Saadi, et une mère de 20 ans, Bian Dalayka, ont été tués, au cours d’une querelle qui a dégénéré en échanges de coups de feux. Ce fait divers a résonné à travers tout le pays. Selon des témoignages, la dispute a débuté en raison de la présence d’alcool servi au mariage, qui se tenait près d’une mosquée. Un témoin a affirmé au quotidien Haaretz que Bian Dalayka avait été touchée alors qu’elle tentait de fuir avec sa petite fille. Le même jour, deux hommes ont été tués par balles dans des villes arabes aux alentours d’Haïfa : un vendeur de voiture, abattu à l’entrée de son village par un groupe qui visiblement l’attendait ; et un homme de 35 ans, dont le corps avait été retrouvé dans un véhicule quelques heures plus tôt. Crimes « d’honneur » Ces crimes n’ont rien d’exceptionnel. Depuis le début de l’année, 67 personnes ont été assassinées dans les villes et les quartiers arabes d’Israël, souvent en plein jour et en public. Ce chiffre représente 60 % du total national (102 morts), alors que la minorité arabe israélienne, descendante des Palestiniens demeurés sur leurs terres à la création de l’Etat d’Israël en 1948, ne forme que 20 % de la population israélienne. Ce sont pour partie des féminicides : des crimes familiaux dits « d’honneur ». Mais l’essentiel est le fait de mafias, qui opèrent dans une relative impunité. Celles-ci profitent depuis dix ans du manque de surveillance policière et de la circulation massive d’armes dans les quartiers arabes. La police en compte une pour quatre foyers ; des armes ponctionnées par de petites mains dans les stocks de l’armée. Les familles mafieuses font leur lit sur un relatif enrichissement de la classe moyenne. Elles s’infiltrent dans les municipalités, en profitant de l’affaiblissement continu des partis arabes. La liste unie de ces partis, arrivée dans un sursaut à la troisième place aux élections législatives du 17 septembre, avec treize sièges à la Knesset, place désormais la lutte contre la criminalité en haut de ses revendications auprès de l’Etat. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Forts de leur union, les partis arabes pourraient prendre la tête de l’opposition israélienne Le 21 septembre, le jour du meurtre de Basmat Tabun, son leader, l’ancien avocat Ayman Odeh, l’a rappelé alors qu’il faisait un pas historique, en demandant au président israélien Réouven Rivlin de confier au chef d’un parti sioniste, Benny Gantz, le soin de former un gouvernement. Les formations arabes n’avaient osé un tel geste qu’en 1992, pour recommander le premier ministre Yitzhak Rabin, un an avant que ce dernier ne signe les accords de paix d’Oslo.
Plus de 60 % des meurtres du pays ont lieu au sein de cette communauté, qui ne représente que 20 % de la population.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/26/endeuilles-par-les-feminicides-et-les-crimes-mafieux-les-arabes-israeliens-veulent-plus-de-securite_6013059_3210.html
mlsum-fr-4829
Quand les policiers lui ont demandé d’ouvrir le coffre de sa voiture, une Polo, ils ont remarqué sa nervosité. Faroz A. n’avait d’autre choix que de s’exécuter et les fonctionnaires ont découvert, allongé sous un manteau, dans un espace de moins d’un mètre cube, un homme de nationalité albanaise. Son voyage vers l’Angleterre s’est arrêté là, à l’entrée du tunnel sous la Manche. Chaque année, la police procède à environ 25 000 « découvertes » de migrants aux abords du tunnel ou sur le port de Calais (Pas-de-Calais). Jugé en comparution immédiate, le 19 juillet, devant la chambre correctionnelle de Boulogne-sur-Mer, Faroz A. nie ce qui s’impose comme une évidence dans l’esprit du tribunal. « Je ne savais pas, j’ignorais tout », répète cet homme de 27 ans d’origine afghane et résident à Londres. La présidente, Josette Philippe, lui fait remarquer qu’il a déjà changé de version et, surtout, qu’un numéro a été retrouvé dans son répertoire téléphonique, qui est aussi inscrit sur un papier détenu par l’Albanais, que son arrêt à l’aube sur le parking d’un McDonald’s de Dunkerque, d’où l’Albanais a grimpé dans la Polo, ne peut pas être fortuit, que son déplacement en France de quelques jours, sans bagage, étonne, de même que le fait qu’il ait utilisé un nom d’emprunt pour louer la voiture ou encore qu’un récépissé de dépôt de 1 500 livres sterling (1 670 euros) ait été retrouvé dans l’habitacle… Article réservé à nos abonnés Lire aussi « A Calais, les gens deviennent fous » : malgré la surveillance policière, les migrants rêvent toujours d’Angleterre Tout converge pour accabler le jeune homme, qui est couturier pour une marque de costume anglaise et dont la compagne est enceinte. Il sera condamné à huit mois de prison ferme pour aide à l’entrée ou au séjour irréguliers d’un étranger sans titre, ainsi qu’à trois ans d’interdiction du territoire français, avec la circonstance aggravante que la personne a voyagé dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine. Des jeunes de banlieue parisienne Deux jours avant, à une autre audience de comparutions immédiates, Emmad M. était condamné à six mois de prison ferme et deux ans d’interdiction de territoire français pour avoir transporté, dans une caravane, une femme et son enfant de 5 ans et un homme caché dans une banquette. Tous étaient des Kurdes irakiens. « Ce n’est pas moi », assure Emmad M., après avoir avoué en garde à vue. Les personnes transportées l’ont désigné comme complice et l’homme parmi elles a expliqué qu’il devait payer 9 000 livres (10 000 euros) s’il atteignait l’Angleterre.
Depuis le début de l’année, près de 400 personnes ont été condamnées pour avoir voulu faire passer des migrants en Angleterre.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/22/au-tribunal-de-boulogne-sur-mer-les-petites-mains-du-passage_5492052_3224.html
mlsum-fr-4830
Le manque de certitude sur son authenticité a notamment joué dans la décision de l’Etat de ne pas se porter acquéreur. ERIC CABANIS / AFP Le tableau Judith et Holopherne attribué au Caravage, qui devait être mis en vente aux enchères jeudi 27 juin à Toulouse, a été cédé de gré à gré à un acheteur étranger, a annoncé la maison de ventes Labarbe, mardi 25 juin. Le tableau, « estimé 100 à 150 millions d’euros », va « donc quitter le sol français », souligne un communiqué de presse de la maison de ventes. L’accord « est couvert par un engagement de confidentialité pour ce qui concerne le prix et l’identité de l’acheteur », a précisé la maison toulousaine Labarbe, qui avait découvert la toile dans un grenier toulousain, en 2014. « Nous avons reçu une offre qu’il était impossible de ne pas transmettre aux propriétaires du tableau. Le fait que cette offre provienne d’un collectionneur proche d’un grand musée a convaincu le vendeur de l’accepter », souligne, dans le communiqué, l’expert en tableaux français Eric Turquin, à qui l’œuvre avait été soumise quelques jours après sa découverte. « Nous avons le devoir d’accepter la décision de notre client vendeur », ajoute le commissaire-priseur Marc Labarbe. L’authenticité en question Après sa découverte, l’Etat français avait classé en 2016 la toile « trésor national », empêchant sa vente à l’étranger jusqu’en novembre 2018. Mais l’Etat avait finalement laissé s’écouler le délai au cours duquel il pouvait l’acquérir. Le manque de certitude sur son authenticité a notamment joué dans la décision de l’Etat de ne pas se porter acquéreur. L’authenticité du tableau a divisé les experts internationaux. Si la plupart d’entre eux y voyaient la main du Caravage, le grand maître du clair-obscur, d’autres ont émis des doutes, y voyant une copie du peintre flamand Louis Finson (1580-1617), qui a peint plusieurs toiles dans le style caravagesque. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le mystère autour d’un tableau attribué au Caravage bientôt levé ?
L’offre, qui provient d’un acheteur étranger, proche d’un grand musée, a convaincu le vendeur de l’accepter et le tableau va quitter la France, annonce le commissaire-priseur chargé de la vente.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/25/la-toile-judith-et-holopherne-attribuee-au-caravage-vendue-avant-sa-mise-aux-encheres_5481339_3246.html
mlsum-fr-4831
« Le CSE a reçu une compétence générale en matière de santé et de sécurité et de conditions de travail, l’article L 2312-5 énonçant qu’il contribue à les “promouvoir”, qu’il réalise des enquêtes en cas d’accident de travail notamment, qu’il exerce un droit d’alerte et qu’il peut saisir l’inspection du travail. » Philippe Turpin / Photononstop A partir du 1er janvier 2020, toutes les entreprises ayant un effectif d’au moins onze salariés depuis douze mois consécutifs devront avoir mis en place leur comité social et économique (CSE), au risque de sanctions qui peuvent être lourdes pour l’employeur. Introduite par l’article 9 de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au dialogue social et économique, cette nouvelle instance de représentation du personnel rassemblera les anciens délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène et de sécurité (ou remplacera la délégation unique du personnel). Alors que l’échéance approche, il est urgent de démarrer la procédure dès ce mois d’octobre pour ceux qui ne l’ont pas encore fait. En effet, le premier tour doit se tenir, au plus tard, le 90e jour suivant l’information du personnel. Et un second tour sera parfois nécessaire, dans un délai de quinze jours maximum. Si aucun candidat n’a pu être élu, l’employeur prouvera son respect de son obligation d’organiser l’élection du CSE par un procès-verbal de carence conforme à la loi. Lourdes sanctions A défaut d’être prêts au 1er janvier, les sanctions peuvent être lourdes. Tout d’abord, ne pas mettre volontairement en place le CSE est un délit d’entrave, puni d’un an d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende (Art. L 2317-1). Les conséquences en l’absence de procès-verbal de carence sont importantes. D’une part, certaines procédures seront invalidées, entraînant des indemnités à verser au salarié licencié pour motif économique (un mois de salaire minimum – Art. L 1235-15) ou au salarié licencié pour inaptitude d’origine professionnelle (douze mois de salaires minimum – Art. L1226-15). Le salarié n’aura pas à prouver un préjudice spécifique, les juges estimant de manière constante qu’il existe du seul fait que le salarié a été privé d’une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts (récemment Cass. soc. 15 mai 2019 n°17-22.224). D’autre part, certaines opérations de management peuvent être bloquées. Par exemple, l’employeur ne peut dénoncer valablement un usage (Cass. soc.16/11/05, n° 04-40.339 : dans cette affaire, l’entreprise a dû reverser à ses salariés un 13e mois qui provenait d’un usage non valablement dénoncé). Impossible aussi de conclure un accord d’intéressement (Art. L3312-2). Enfin, l’entreprise de 50 salariés et plus, qui n’a pas de délégué syndical, ne pourra pas négocier, conclure, réviser ou dénoncer des accords collectifs avec un ou plusieurs salariés mandatés (Art. L2232-26, al. 3).
Au 1er janvier, un comité social et économique doit avoir pris la place des autres instances représentatives des salariés. Les entreprises doivent avoir lancé la procédure en octobre si elles veulent éviter de lourdes sanctions, explique l’avocate Jacqueline Cortès.
https://www.lemonde.fr/emploi/article/2019/10/07/derniere-ligne-droite-pour-la-mise-en-place-du-comite-social-et-economique-dans-les-entreprises_6014477_1698637.html
mlsum-fr-4832
Emmanuel Macron lors de son arrivée à l’île de La Réunion, pendant sa tournée présidentielle dans l’océan Indien, le 23 octobre. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE » Depuis 2017, les Français attendaient les réflexions d’Emmanuel Macron sur la laïcité, le droit d’asile, l’immigration, l’islam. Vendredi 25 octobre, dans le vol qui le ramenait de sa première tournée présidentielle dans l’océan Indien, c’est à Valeurs actuelles, hebdomadaire qui relaie volontiers les obsessions de l’extrême droite, que le chef de l’Etat a accordé le premier entretien sur tous ces thèmes. Dans la salle à manger de l’Airbus A330 présidentiel, le chef de l’Etat a accordé quarante minutes d’entretien à l’un des rédacteurs en chef du journal, Louis de Raguenel. Ce choix s’est trouvé suffisamment controversé pour que, mercredi 30 octobre, à la veille de la parution de l’entretien, l’Elysée fournisse aux figures de la majorité une série d’« éléments de langage » censés éteindre la polémique naissante. « Sur ce sujet de l’immigration, nous voulions parler à tous les Français », justifient les proches du chef de l’Etat. Ou encore : « Emmanuel Macron a toujours préféré le dialogue au confort de l’entre-soi (…) des élites. » Des arguments à dérouler sur les plateaux de télé, histoire de gommer tout soupçon de flirt entre l’hebdomadaire et le premier président de la République en exercice à accorder un entretien à cet hebdomadaire depuis Jacques Chirac. Séduire l’électorat conservateur A bien y regarder, cette liaison périlleuse a débuté peu après la création d’En marche !, à la mi-août 2016. Le ministre de l’économie Emmanuel Macron n’a pas encore démissionné quand il rend visite à Philippe de Villiers au Puy du Fou, en Vendée : une manière, déjà, pour le futur candidat, de séduire l’électorat conservateur. Deux journalistes l’accompagnent dans ce déplacement privé : Sébastien Valiela, photographe de l’agence Bestimage de Michèle Marchand, et Tugdual Denis, de Valeurs actuelles, aujourd’hui directeur adjoint de la rédaction. Un signal encourageant, se dit l’hebdomadaire, souvent tenu à distance par les pouvoirs, et soucieux de banalisation. A la même époque, Geoffroy Lejeune, alors âgé de 28 ans et tout juste nommé directeur de la rédaction, fréquente le journaliste Bruno Roger-Petit, ancien mitterrandiste de cœur et futur porte-parole du président Macron. Les deux hommes se sont croisés à la faveur des talk-shows, où la nouvelle extrême droite, jeune, cultivée et décontractée, a désormais micro ouvert. La rencontre s’est faite sur un plateau d’i-Télé. Puis Bruno Roger-Petit a reçu Geoffroy Lejeune chaque vendredi dans son émission #BRP, diffusée sur le site Sport 365.
Le président a choisi l’hebdomadaire ultra-conservateur pour se confier longuement sur l’immigration et l’islam, imposant ainsi l’idée d’un duel inévitable avec l’extrême droite en 2022.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/10/31/entre-emmanuel-macron-et-valeurs-actuelles-les-secrets-d-un-flirt_6017528_823448.html
mlsum-fr-4833
Gabrielle Carteris, Brian Austin Green, Shannen Doherty, Ian Ziering, Jennie Garth et Tori Spelling, le 7 août, lors de la présentation de la série « BH90210 », au Beverly Hilton Hotel, en Californie. AMY SUSSMAN / AFP La série mythique Beverly Hills 90210, suivie par des hordes adolescentes – et certains de leurs parents – de 1990 à 1995 et de 1998 à 2000, a repris le 7 août aux Etats-Unis, sous la forme d’un reboot (« redémarrage ») intitulé BH90210 et diffusé par la chaîne Fox. Un retour qui a rassemblé, pour le premier épisode, 3,84 millions de téléspectateurs, mercredi soir, selon le Hollywood reporter. Créée par Daren Starr, auteur d’autres séries à succès comme Melrose Place (1992-1999) ou Sex and the City (1998-2004), Beverly Hills 90210, qui a réuni à son meilleur plus de 20 millions de téléspectateurs outre-Atlantique, se voit cette fois placée sous l’autorité de deux de ses actrices, Tori Spelling et Jennie Garth, associées à Mike Chessler et Chris Alberghini. Dans le pilote, que nous avons pu visionner, on voit Gabrielle Carteris (Andrea), Jennie Garth (Kelly), Brian Austin Green (David), Jason Priestley (Brandon), Tori Spelling (Donna) et Ian Ziering (Steve) se retrouver dans le fameux diner aux couleurs bonbon, avant de se rendre à Las Vegas où se tient une convention au cours de laquelle les acteurs sont interrogés par le public et la presse. Une sorte de docufiction Shannen Doherty (Brenda), fait d’abord une apparition sous forme d’un caméo – brève –avant de rejoindre le groupe, qui se trouve confronté à ses anciennes relations sentimentales et personnelles. Mais, au lieu de reprendre le cours des aventures des personnages de Beverly Hills 90210, BH90210 fait jouer aux acteurs une sorte de docufiction largement inspiré de leur vraie vie. Et l’on comprend à la fin du pilote, alors que Donna et Kelly regardent un ancien épisode de Beverly Hills 90210, qu’il va s’agir d’une manière de « théâtre dans le théâtre », de mise en abyme du propos : le sujet de BH90210 sera le tournage du reboot de Beverly Hills 90210. Si le ton est assez léger et superficiel, le premier épisode ne manque cependant pas d’humour à propos des dix-neuf années qui ont passé depuis la fin de Beverly Hills 90210 et du physique de certain(e) s des actrices et acteurs, qui ont d’évidence consulté des spécialistes de chirurgie esthétique et capillaire… Le pilote se termine sur l’image de Luke Perry – mort des suites d’une attaque cérébrale, le 27 février, à Los Angeles – dans un épisode ancien de Beverly Hills 90210, et sur un message, beaucoup relayé sur les réseaux sociaux sous forme de capture d’écran : « For our Friend, Luke Perry. 1966-2019 » (« pour notre ami Luke Perry »). This was everything #BH90210 #DylanMcKay https://t.co/ZOWbE4DBr2 — Emmyg415 (@Emmy Gustafson) Si le comédien, qui incarnait le ténébreux et sensible Dylan McKay, avait annoncé ne pas vouloir revenir au générique de BH90210, il paraissait impensable que son souvenir ne fut pas célébré. Il semble d’ailleurs que BH90210 mise beaucoup sur le sentiment hautement nostalgique de ses aficionados.
Un « reboot » de la mythique série des années 1990 est diffusé aux Etats-Unis depuis le 7 août, six mois après la mort de l’acteur.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/08/beverly-hills-90210-de-retour-a-l-ecran-sans-luke-perry_5497786_3246.html
mlsum-fr-4834
L’activité de la Commission indépendante sur les abus dans l’Eglise catholique rendrait-elle la mémoire à certains diocèses ? Début juillet, trois femmes ont reçu de celui de Pontoise des informations qu’elles réclamaient en vain depuis trois ans. Tirées des archives, ces données témoignent que l’autorité ecclésiastique avait été alertée à plusieurs reprises, à la fin des années 1960, sur les « comportements inquiétants » de l’aumônier catholique du lycée public d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise) envers des collégiennes et lycéennes. Elle connaissait « des faits précis » ayant « traumatisé » des jeunes filles mais, pendant plusieurs années, elle n’a rien entrepris pour les en préserver. Dans leur adolescence, Michelle, Arlette et Catherine, les destinataires de la lettre de l’évêché, ont subi, comme d’autres jeunes filles, des violences sexuelles de la part du père Hubert Guiochet, certaines pendant des années et jusqu’au viol. En 2016, plusieurs anciennes de l’aumônerie ont décidé d’éclaircir cette page douloureuse de leur histoire et à la sortir du silence. Elles ont demandé au diocèse de ce prêtre, décédé en 2011 à l’âge de 87 ans, ce qu’il savait sur lui. « Dans les archives, (…) il n’y a aucun document faisant mention de faits semblables à ce que vous décrivez » ni « aucun témoignage de faits répréhensibles », avait écrit à Michelle Stanislas Lalanne, l’évêque de Pontoise, le 9 juin 2016. « Il n’y a aucun élément (courriers, notes) qui vient confirmer ou infirmer les faits que vous décrivez », confirmait le prélat en juin 2018, dans un nouveau courrier, adressé à Michelle, Arlette et Catherine. Au printemps 2019, cependant, l’évêque demandait « une nouvelle expertise du dossier d’Hubert Guiochet » à deux collaborateurs du diocèse. Ce sont les résultats de cette recherche que les trois femmes ont reçus début juillet. Ils révèlent que des informations convergentes étaient remontées par plusieurs canaux aux responsables de l’évêché, au moins à partir de 1968 (le diocèse a été créé en octobre 1966, du découpage de celui de Versailles). Document estampillé « très confidentiel » D’après les auteurs de cette expertise, « trois documents alertent sur l’état et les agissements d’Hubert Guiochet (…) entre 1968 et 1970 ». Le premier est une lettre de décembre 1968 du responsable de l’Entraide sacerdotale, une association interne au clergé, adressée à l’évêque d’alors, André Rousset. L’ecclésiastique dit avoir été alerté par plusieurs prêtres « inquiets » de l’« état pathologique » d’Hubert Guiochet, état qui « n’a fait que s’aggraver ».
Des informations étaient remontées aux responsables de l’évêché sur les cas de jeunes filles abusées à la fin des années 1960.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/28/la-memoire-retrouvee-du-diocese-de-pontoise-sur-les-comportements-inquietants-d-un-aumonier_6013417_3224.html
mlsum-fr-4835
Deux hommes de l’entourage de Radouane Lakdim, l’auteur des attentats djihadistes de Trèbes et Carcassonne de mars 2018, ont été mis en examen et écroués samedi 29 juin après avoir été présentés vendredi soir au juge d’instruction chargé de l’enquête. Arrêtés mardi dans l’Aude, Reda E., 29 ans, et Soufiane M., 27 ans, sont soupçonnés d’avoir joué un rôle dans l’obtention par l’auteur des attentats, Radouane Lakdim, de ses armes dont une partie n’ont jamais été retrouvées, selon des sources proches du dossier. Ils ont été mis en examen pour « association de malfaiteurs criminelle » et « détention, cessions d’armes ou munitions de catégories A ou B », « en relation avec une entreprise terroriste », a précisé la source judiciaire. Trois autres hommes, également arrêtés mardi, ont été remis en liberté jeudi et vendredi. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Attentats de Trèbes et Carcassonne : la délicate enquête sur les soutiens du djihadiste Trois autres proches arrêtés en octobre 2018 Le 23 mars 2018, Radouane Lakdim, 25 ans, avait volé une voiture à Carcassonne dont il avait abattu le passager et blessé le conducteur par balle. Il était ensuite entré dans un supermarché Super U à Trèbes, tuant un boucher, un client, ainsi que le lieutenant-colonel de gendarmerie Arnaud Beltrame, qui s’était livré comme otage à la place d’une femme. L’assaillant avait finalement été abattu par des gendarmes et l’organisation djihadiste Etat islamique (EI) avaient revendiqué ces attentats. Sept personnes de son entourage sont désormais mises en examen, dont sa compagne, Marine P., une adolescente convertie à l’islam, aujourd’hui âgée de 17 ans, en détention provisoire. Trois autres membres de l’entourage du djihadiste ont été arrêtés et incarcérés en octobre 2018 : Samir M., Ahmed A. et Sofian B. sont soupçonnés à divers degrés d’avoir apporté leur aide au djihadiste, petit délinquant de Carcassonne connu pour sa radicalisation islamiste. Sa compagne avait affirmé aux enquêteurs que Lakdim détenait « 5 ou 6 machettes et des couteaux (…), deux fusils à pompe, (…) un [pistolet] Glock 31 », cachés sous son matelas, mais les policiers n’avaient pas retrouvé cet arsenal, selon une source proche du dossier. L’un des hommes écroués en octobre, Samir M., est ainsi soupçonné d’avoir vidé la chambre de son ami avant la perquisition des policiers. Des armes ont été retrouvées dans un faux plafond chez son frère, Soufiane M., l’un des hommes mis en examen vendredi, selon cette source. Samir M., soupçonné d’avoir donné à Lakdim le couteau des attaques, a par ailleurs désigné Reda E., le deuxième homme écroué vendredi, comme un possible fournisseur d’armes. En décembre, un autre proche de Lakdim avait été mis en examen pour « non-dénonciation de crime terroriste », et laissé libre sous contrôle judiciaire.
Les deux individus, arrêtés dans l’Aude mardi 25 juin, avaient été présentés la veille au juge d’instruction chargé de l’enquête sur ces attentats. Ils sont soupçonnés d’avoir aidé le tueur à obtenir des armes.
https://www.lemonde.fr/police-justice/article/2019/06/29/deux-hommes-proches-de-l-auteur-des-attentats-de-trebes-et-de-carcassonne-mis-en-examen-et-ecroues_5483192_1653578.html
mlsum-fr-4836
South Park. Viacom « Putain, les enfoirés, ils ont censuré South Park ! » Depuis 48 heures, la déception des fans de South Park, le dessin animé aussi vulgaire que caustique, est à la mesure des attentes suscitées par Amazon et Netflix, les deux plus grosses plateformes américaines actuelles de vidéo en streaming. Fin septembre, Netflix annonçait que les saisons 15 à 21 du dessin animé culte seraient bientôt disponibles sur sa plateforme. Amazon contre-attaquait en affirmant que son service Prime Video proposerait, dès le 1er octobre, l’intégralité des vingt et une saisons de South Park. Ce qui n’était jusque-là qu’une banale histoire de concurrence entre grandes plateformes de vidéo à la demande s’est compliqué. Apostrophée ces derniers jours par de nombreux clients mécontents de ne pas trouver les épisodes promis sur Prime, Amazon a fini par concéder qu’en raison d’un « évènement imprévu », South Park n’était pas encore disponible sur son service, sans fournir de nouvelle date. @Dracola_Fr PARCE QUE LE PROBLÈME EST INDÉPENDANT DE NOTRE VOLONTÉ M'VOYEZ — PrimeVideoFR (@Prime Video France) De son côté, Netflix faisait face à un autre type de bronca : le service avait bien publié les saisons promises à l’heure dite, mais dix épisodes manquent à l’appel, sur les six saisons postées sur la plateforme. Sur Twitter, Netflix a expliqué, dans un premier temps, avoir dû se confirmer à une « obligation légale ». « Des épisodes ont été censurés lors de leur toute première diffusion en France. Ils sont considérés comme dénigrants pour certaines communautés par les autorités audiovisuelles locales », écrivait l’entreprise. Les épisodes absents, recensés par le site spécialisé Numérama, ne comptent pourtant pas parmi les plus polémiques d’une série qui s’est fait une spécialité de repousser toutes les limites de la liberté d’expression, qu’il s’agisse de religion, de sexe, ou de blagues scatologiques. Un seul des dix épisodes, « Les méchants ninjas », qui parodie l’arrivée de l’organisation Etat islamique dans une petite ville du Colorado, peut être considéré comme traitant d’un sujet particulièrement sensible en France. En 2018, la chaîne Game One avait renoncé à le diffuser à l’antenne, selon la page de fans South Park France. Après avoir été accusée de « censure » pure et simple pendant plusieurs heures sur les réseaux sociaux, Netflix France s’est ensuite démentie, en expliquant : « les épisodes de South Park disponibles sont, tout simplement, ceux que les ayants droit nous ont proposés ». ERRATUM : Dans notre précédent tweet, nous avons partagé une explication erronée. Les épisodes de South Park dispon… https://t.co/xFERPXdwQu — NetflixFR (@Netflix France) Une explication qui semble plus plausible. En France, les « autorités audiovisuelles locales » initialement évoquées n’ont jamais interdit la diffusion d’un épisode de South Park : le régulateur français a confirmé à l’AFP avoir simplement reproché à Game One la diffusion, en 2007, de deux épisodes sans les déconseiller aux moins de 12 ans, alors qu’ils comportaient un « langage cru et vulgaire » « des références sexuelles explicites » et parce qu’ils appliquaient « des méthodes de dressage de chiens à l’éducation d’un enfant ». Négociations complexes Dès lors, pourquoi la diffusion de South Park en intégralité par Amazon et Netflix semble-t-elle poser autant de difficultés ? L’entreprise Viacom, qui détient les droits de la série, n’a pas répondu aux sollicitations du Monde. La série représente l’un des joyaux de ce puissant groupe de médias américain, qui vient d’annoncer sa fusion avec CBS pour former un conglomérat valorisé à trente milliards de dollars. La série, lancée en 1997 et toujours diffusée sur la chaîne Comedy central, vient d’être confirmée pour trois nouvelles saisons, pour un montant de 192 millions de dollars. Mais d’un pays à l’autre, les droits de diffusion peuvent se négocier de manière très différente. Aux Etats-Unis, c’est le service Hulu qui les détient. En France, South Park est diffusé depuis des années sur Game One, propriété de Viacom, et logiquement sur Comedy central depuis l’arrivée de la chaîne en France en 2018. Les vingt premières saisons et le dernier épisode diffusé aux Etats-Unis sont également disponibles sur Orange Replay, via l’offre Pickle TV. Ni Orange, ni Amazon ni Netflix n’ont d’exclusivité sur la diffusion de South Park. Et les épisodes proposés par Viacom peuvent varier d’un pays à l’autre : en tant que propriétaire des droits, l’entreprise est libre de ne pas offrir dans son catalogue pour la France des épisodes qu’elle juge mal adaptés au marché local, a fortiori lorsqu’une de ses filiales locales, comme Game One, a pris la décision de ne pas les diffuser. L’hypothèse de problèmes de négociations semble d’ailleurs confirmée par la situation au Royaume-Uni et en Irlande, où Netlfix et Amazon se sont livré une bataille similaire pour la diffusion de l’intégralité de South Park. Depuis début octobre, les 21 premières saisons sont bien disponibles sur Amazon Prime. Et les abonnés britanniques peuvent voir des épisodes supplémentaires, qui ne sont pas proposés dans l’offre de vidéo en illimité : soit la vingt-deuxième saison de la série, encore trop récente – et dont l’épisode « Unfulfilled » raconte comment l’arrivée d’un centre Amazon à South Park ruine l’économie de la ville… De son côté, Netflix diffuse au Royaume-Uni uniquement quatre saisons et une « sélection des meilleurs épisodes », opérée par Viacom directement. En tout, outre-Manche, un seul épisode est censuré sur ces plateformes de streaming : « 200 », diffusé lors de la quatrième saison, qui traite des caricatures de Mahomet. Il est aujourd’hui uniquement disponible sur les DVD de la série outre-Manche, en raison de son caractère particulièrement polémique.
Les deux plateformes de diffusion avaient annoncé pour la France une disponibilité en octobre de saisons entières de la célèbre série américaine. Mais la réalité est manifestement plus complexe.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/10/08/en-prenant-la-route-de-south-park-amazon-et-netflix-n-ont-pas-oublie-toutes-les-galeres_6014716_4408996.html
mlsum-fr-4837
David Belliard, le chef de file des écologistes à Paris, réfute le mot « exclusion ». Il préfère parler de « clarification ». Le résultat est à peu près le même : dans les prochaines semaines, le groupe écologiste à la Mairie de Paris comptera quatre élus de moins, soit un quart de son effectif actuel. La décision a été prise officiellement jeudi 3 octobre. Les intéressés ont tous été élus en 2014 sur des listes Europe Ecologie-Les Verts (EELV) : Célia Blauel, Bernard Jomier, Christophe Najdovski et Aurélie Solans. Tous se voient reprocher de vouloir soutenir la maire socialiste Anne Hidalgo dès le premier tour des prochaines élections municipales, en mars 2020. Ils devront rejoindre un autre groupe politique, ou les non-inscrits, d’ici au prochain conseil municipal, en novembre. Le groupe écologiste se sépare ainsi de figures du mouvement à Paris. Célia Blauel et Christophe Najdovski sont tous deux adjoints d’Anne Hidalgo, et chargés de dossiers importants : l’environnement pour la première, les transports pour le second. Ancien adjoint à la santé, Bernard Jomier a, lui, été élu au Sénat en septembre 2017, tout en continuant à siéger à l’Hôtel-de-ville comme simple conseiller. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Elections municipales : comment les Verts préparent la « bataille de Paris » A ses yeux, il s’agit bel et bien d’une exclusion. « Quand on vous annonce que votre nom ne sera plus sur les communiqués, que votre visage ne figurera plus sur le site, qu’on vous retire de la boucle WhatsApp, que vos collaborateurs ne seront plus pris en charge par le groupe, comment appelez-vous cela ?, demande-t-il. Il suffit de regarder dans le dictionnaire… » Pour lui, ce départ forcé constitue « un très mauvais signe politique », contradictoire avec la volonté affichée par David Belliard de réunir toute la « famille écologiste » à l’approche des municipales. « C’est une décision incompréhensible, se désole Aurélie Solans. Le groupe écologiste de Paris devait rassembler au-delà d’EELV. Là, il se réduit à un comité électoral… » Anne Hidalgo « a démontré son engagement » Derrière cette crise, une question de fond : quelle est la meilleure façon d’aboutir à ce que Paris devienne une vraie ville écologique ? Le débat divise les Verts, alliés critiques des socialistes et des communistes à la Mairie de Paris depuis 2001. « Il faut s’allier d’emblée, plutôt que de se taper dessus entre socialistes et écologistes », jugent les élus écartés. Pour Célia Blauel, Bernard Jomier et les autres « exclus », Anne Hidalgo est déjà une maire écolo. Qui, sinon elle, a mené la bataille contre l’automobile en ville et la pollution qu’elle entraîne ? « Elle a démontré son engagement et sa capacité à mener concrètement la transition écologique à Paris », estiment Bernard Jomier et Aurélie Solans, dans une tribune qu’ils s’apprêtent à rendre publique avec Eric Thébault, maire adjoint du 19e arrondissement. « Anne Hidalgo a effectué sa propre transition écologique », appuie Célia Blauel.
A cinq mois des élections municipales, quatre des seize élus verts au conseil municipal vont devoir quitter le groupe. Ils dénoncent une exclusion et estiment que cette décision est « incompréhensible ».
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/10/04/les-ecologistes-de-paris-se-separent-des-pro-hidalgo_6014268_823448.html
mlsum-fr-4838
Dans les salons de Japan Expo. NICOLAS SIX / « LE MONDE » Le manga en France ? « On a souvent dit que c’était un effet de mode, mais c’est faux », assure Satoko Inaba, directrice éditoriale aux éditions Glénat Manga. « On est dans une période de maturation et le manga va se développer de plus en plus », se réjouit-elle. Les chiffres l’attestent : le secteur est en nette progression, avec plus 24 % de ventes entre 2016 et 2018, selon une étude menée par l’institut GfK et le Syndicat national de l’édition. En 2018, le manga représentait 25 % des ventes de bandes dessinées, devenant ainsi le premier contributeur de la croissance du secteur. Pourtant, la plupart des auteurs français de mangas, dont le nombre ne cesse de croître, peinent à en vivre. Christophe Cointault, auteur de la série Tinta Run, dont le quatrième et dernier tome est sorti en juin, a signé avec les éditions Glénat en 2016. Son contrat s’est terminé en février 2019, avec le dernier opus de sa série. Il doit rebondir, car « là ça devient chaud ! », déplore l’auteur. En effet, si son nouveau projet est déjà lancé et devrait sortir début 2020, les temps restent difficiles en attendant le prochain cachet. Métier de passion Souvent, les créateurs planchent plus de douze heures par jour sur leur création, parfois sept jours sur sept. « C’est un métier qu’on exerce avec passion, mais si on ramène le tout au taux horaire, on se fait peur. Je ne veux pas tout sacrifier, ma vie de famille est tout aussi importante et je veux préserver cet équilibre », affirme Christophe Cointault, trentenaire et père de famille. Il revient sur la réforme du 26 mars dernier sur les droits d’auteur : « Ça ne correspond pas au travail fourni, j’ai perdu 10 % de salaire. Ce n’est pas possible de vouloir de la création sans l’encourager », proteste-t-il. les Français sont au 2e rang mondial des plus grands consommateurs de mangas Mais il en faut plus pour décourager ces passionnés, alors que le manga s’installe de façon pérenne dans le paysage culturel français. S’il faut le rappeler, les Français sont au deuxième rang mondial des plus grands consommateurs de mangas, après le Japon. La culture nipponne a su marquer les esprits des quadragénaires biberonnés à Dragon Ball Z ou autre Goldorack, qui ont transmis cet héritage. En 2000, lors de la première édition de la Japan Expo, les organisateurs enregistraient 3 200 visiteurs ; en 2018, ils sont plus de 243 000. Cette année, pour la vingtième édition, qui a débuté le 4 juillet, ils n’en attendent pas moins. Les stands des éditeurs, transformés pour les quatre jours du salon en librairie éphémère, ne désemplissent pas.
Le manga fait désormais partie du patrimoine culturel français. Les ventes ne cessent de progresser, mais la majorité des auteurs français, de plus en plus nombreux, connaissent des temps difficiles.
https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/07/05/etre-mangaka-en-france-un-parcours-du-combattant_5485950_4408996.html
mlsum-fr-4839
Les secours à Sydney, le 13 août 2019. Rick Rycroft / AP Un homme a poignardé une femme et tenté de blesser plusieurs autres personnes avant d’être maîtrisé par des passants, mardi 13 août, dans le quartier d’affaires de Sydney. Cet homme de 21 ans, vivant à Sydney, est soupçonné d’avoir peu auparavant tué une jeune femme, a précisé la police. Il était connu pour des antécédents psychiatriques, mais pas pour des liens avec une organisation terroriste, a-t-elle ajouté. La police a cependant trouvé sur lui une clé USB contenant des détails sur les attaques de suprémacistes blancs aux Etats-Unis et en Nouvelle-Zélande. La femme qu’il a poignardée et blessée, âgée de 41 ans, se trouvait dans un état « stable ». Mais le corps d’une jeune femme d’une vingtaine d’années a été découvert dans un complexe résidentiel non loin de l’attaque perpétrée en plein quartier d’affaires du centre de Sydney. La police soupçonne l’agresseur au couteau d’être l’auteur de son meurtre. « Allah akbar ! » Des images diffusées par des médias australiens ont montré l’agresseur peu après l’attaque debout sur le toit d’une voiture, hurlant « Allah akbar ! » (« Dieu est grand »), brandissant un couteau avant de crier : « Abattez-moi ! » La police a également rapporté avoir recueilli plusieurs témoignages rapportant l’utilisation de cette expression. Témoin de la scène survenue peu après l’heure du déjeuner, Megan Hayley a précisé à l’Agence France-Presse que l’agresseur, muni d’un énorme couteau de cuisine, avait poursuivi plusieurs personnes pour tenter de les poignarder. « Cinq ou six personnes se sont lancées à sa poursuite pour tenter de l’arrêter », a-t-elle ajouté. Just witnessed incredible bravery from members of the public and ⁦@FRNSW⁩ officers chasing down a man on a stabbing… https://t.co/1TF5XB9xrH — Andrew_Denney (@Andrew Denney) Quatre d’entre elles, Alex Roberts, Lee Cuthbert et les frères Paul et Luke O’Shaughnessy, employés d’un cabinet de recrutement et témoins de la scène de la fenêtre de leur bureau, se sont aussitôt précipités dans la rue et lancés à sa poursuite. Paul O’Shaughnessy, ancien joueur professionnel de football, et son frère Luke, champion de boxe thaïe, ont dit être convaincus qu’il s’agissait d’une attaque terroriste. Luke O’Shaughnessy, avec l’aide d’un autre homme, a « réussi à le plaquer le sol et à l’attacher » peu avant l’arrivée des policiers, a raconté à l’AFP Lee Cuthbert. La police a salué le courage des personnes qui ont maîtrisé l’agresseur, les qualifiant de « héros ».
L’homme a poursuivi plusieurs autres passants aux cris de « Allah akbar ! » avant d’être interpellé. La police a fait savoir que la victime était dans un état stable.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/13/australie-une-femme-poignardee-en-plein-centre-de-sydney-l-assaillant-arrete_5498981_3210.html
mlsum-fr-4840
Mark Schneider, patron de Nestlé, le 12 avril 2018 à Lausanne. FABRICE COFFRINI / AFP Le Nutri-Score vient de gagner un allié. Et non des moindres puisqu’il s’agit de Nestlé, premier groupe agroalimentaire mondial. Le géant suisse a, en effet, annoncé mercredi 26 juin qu’il se ralliait à ce système d’étiquetage nutritionnel. S’il se dit prêt à le soutenir au niveau de l’Europe continentale, il limite toutefois son adoption concrète à la France, la Belgique et la Suisse, dans un premier temps. Et ne donne aucune précision sur le calendrier de déploiement dans ces trois pays. Cette prise de position intervient après la déclaration du premier ministre, Edouard Philippe, qui, dans son discours de politique générale prononcé le 12 juin, avait affirmé sa volonté de rendre obligatoire le Nutri-Score au niveau européen. La décision de Nestlé est d’autant plus marquante que l’entreprise de Vevey en Suisse a longtemps freiné des quatre fers pour éviter la généralisation de cet étiquetage. Il n’hésitait pas à pourfendre cette évaluation des qualités nutritionnelles des produits industriels à l’aide d’une échelle de couleurs (du vert au rouge) et de lettres allant de A à E. Une manière simple pour le consommateur de comparer et de choisir biscuits, confiseries ou plats préparés… en fonction de leur teneur en gras, en sucre et en sel. Nestlé avait même lancé en mars 2017 un étiquetage nutritionnel baptisé Evolved Nutrition Label (ENL) pour contrecarrer le Nutri-Score. Une initiative menée conjointement avec Coca-Cola, PepsiCo, Mondelez, Unilever et Mars, qualifiés de groupe des « Big 6 ». L’ENL voulait imposer un code couleur basé sur les teneurs en nutriment, gras, sucre et sel par « portion » et non pour 100 g, comme l’établit Nutri-Score. Sachant que chaque industriel définissait lui-même ce qu’il considérait comme la bonne portion à consommer. Les associations de consommateurs et les autorités de santé ont dénoncé ce logo alternatif. En mars 2018, le groupe Mars décidait de se désolidariser des « Big 6 ». Fin novembre, Nestlé abandonnait à son tour l’ENL, tout en l’appliquant encore au Royaume-Uni et en Irlande. D’où sa précision sur sa volonté de soutenir son alternative en Europe continentale. Décision en partie liée au choix des consommateurs Il est vrai qu’entre-temps le Nutri-Score marquait des points. « Lorsque le Nutri-Score a été adopté en France par arrêté ministériel le 31 octobre 2017, pour un usage facultatif, six sociétés ont signé un engagement. Aujourd’hui, 116 marques l’ont adopté », explique le professeur Serge Hercberg qui préside le Programme national nutrition santé. Des sociétés comme Danone, Fleury Michon, Bonduelle, Marie, Joker… mais aussi des enseignes de distribution comme Auchan, Intermarché, Casino ou Leclerc, pour leurs produits à marque propre, ont accepté de jouer le jeu.
Le géant de l’agroalimentaire va adopter ce système d’étiquetage nutritionnel en France et dans deux autres pays européens. Paris veut le rendre obligatoire dans l’UE.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/26/nestle-adopte-le-nutri-score-en-europe-continentale_5481565_3234.html
mlsum-fr-4841
Des tubes de benzédrine dans les années 1940. Sa consommation permet de se retrouver dans un état d’euphorie intense et d’évacuer tout sentiment de peur. THIRTEEN PRODUCTION / HISTOIRE.FR HISTOIRE - MARDI 20 AOÛT À 20 H 40 - DOCUMENTAIRE En temps de guerre, le soldat a plusieurs ennemis, et la fatigue en fait partie. Pour que le tankiste, l’aviateur ou le sous-marinier puisse participer aux combats avec fougue sans être victime tout d’un coup d’une faiblesse après quelques heures particulièrement éprouvantes, il existe une solution miracle : la drogue ! Depuis la sortie, en 2016, du livre à succès de Norman Ohler (L’Extase totale. Le IIIe Reich, les Allemands et la drogue, Ed. La Découverte, 2016), on savait que les troupes allemandes avaient connu des succès foudroyants grâce à l’utilisation massive de pervitine. Cette puissante méthamphétamine en provenance des usines Temmler est disponible en vente libre dès 1938 dans toutes les bonnes pharmacies du Reich. Lire la critique de l’ouvrage de Norman Ohler : Le IIIe Reich sous speed En comprimé ou en injection, ce produit permet de ne pas dormir durant environ deux jours et deux nuits et de ne pas ressentir la peur. Intéressant, lorsqu’on a l’intention de régler rapidement son sort à la Pologne ou à la France. De fait, en 1940, 35 millions de cachets de pervitine seront distribués aux soldats allemands lors des combats contre des Français, plus nombreux et mieux équipés en blindés. Le résultat final est connu. Mais, après avoir marché sans répit et combattu avec une grande agressivité, les soldats sont victimes des effets secondaires : crises d’angoisse, peur de ne pas retrouver le sommeil. Agressivité hallucinante Ce que le grand public sait moins, c’est que des troupes britanniques de choc ont également utilisé à grande échelle un produit similaire. Une puissante amphétamine nommée benzédrine, elle aussi employée avant-guerre par les civils, en inhalation. Sa consommation permet de se retrouver dans un état d’euphorie intense et d’évacuer tout sentiment de peur. Les pilotes de la Royal Air Force seront les premiers clients de la benzédrine : infatigables, le moral au beau fixe et une agressivité décuplée… idéal pour défendre le ciel du pays, puis aller bombarder le Reich. La benzédrine entraîne également une perte de lucidité face aux dangers En octobre 1942, c’est dans le désert d’Afrique du Nord, alors que le moral des troupes britanniques est au plus bas, que Montgomery décide une offensive à El-Alamein. Un document officiel, retrouvé dans ce documentaire passionnant, prouve que des doses énormes de benzédrine (le double de celles recommandées aux pilotes de la RAF !) ont été distribuées la veille de l’attaque aux tankistes de la 24e brigade. A bord de leurs nouveaux chars Sherman, livrés par les Américains, les Britanniques vont combattre avec une agressivité hallucinante. Mais, comme cette drogue entraîne également une perte de lucidité face aux dangers, le bilan final est très lourd : 80 % de pertes dans la 24e brigade. L’historien britannique James Holland anime ce documentaire et mène l’enquête sur le terrain avec énergie. Dernière étape : le camp de concentration de Sachsenhausen où, en novembre 1944, des détenus furent utilisés comme cobayes pour tester de nouvelles drogues, dont des chewing-gums à la cocaïne et des doses effarantes (100 mg) de pervitine. Objectif ? Permettre des missions-suicides à bord de mini-sous-marins équipés d’une torpille unique. Après-guerre, la publicité mettra encore à l’honneur les effets euphorisants (et amaigrissants) des amphétamines, avec notamment des inhalateurs de benzédrine proposés aux voyageurs à bord des avions de la PanAm. Ce qui s’appelle s’envoyer en l’air… Alliés et nazis sous amphétamines, documentaire de Steven Hoggard (RU, 2018, 55 min). www.histoire.fr
Durant la seconde guerre mondiale, les troupes allemandes et britanniques ont été gavées de produits puissants aux nombreux effets secondaires.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/20/allies-et-nazis-sous-amphetamines-pervitine-et-benzedrine-drogues-de-combat_5501050_3246.html
mlsum-fr-4842
« Passeport diplomatique. Quarante ans au Quai d’Orsay », de Gérard Araud, Grasset 384 pages, 22 euros. Livre. Les Mémoires d’ambassadeurs retraités sont un classique, mais même s’il est de brillantes exceptions, ils ne sont pas toujours passionnants. En quittant ses fonctions à Washington au printemps, Gérard Araud reconnaît avoir hésité. « Le genre littéraire me laissait sceptique. On y verse facilement dans l’égocentrisme et les potins et je n’étais pas sûr d’échapper à ces défauts », écrit-t-il dès les premières pages d’un livre-bilan dense, émaillé de quelques portraits bien croqués et de bon nombre d’anecdotes, qui se veut avant tout une réflexion sur quatre décennies de politique étrangère française. « La vie internationale est une jungle sans juge ni gendarme où chaque Etat doit veiller à sa sécurité, seul gage de sa survie », rappelle l’auteur, qui se définit lui-même comme un « réaliste » à la recherche de compromis « pour éviter le pire », et méfiant vis-à-vis « des solutions globales et des cathédrales intellectuelles qu’affectionne le Quai d’Orsay ». De Reagan à Trump Brillant et volontiers provocateur, ce diplomate passé par Polytechnique et l’ENA a été l’une des figures de proue de la diplomatie tricolore. Les postes qu’il a occupés sont parmi les plus prestigieux : Washington, après avoir été à New York à l’ONU, à la direction des affaires stratégiques, à celle des affaires politiques – le cœur du ministère des affaires étrangères – ainsi qu’ambassadeur en Israël. Il s’agit donc d’un témoin privilégié, et ce d’autant plus que sa carrière correspond à une période charnière des relations internationales. Il entre au ministère en plein retour de la guerre froide alors que Reagan s’installe à la Maison Blanche, pour le quitter deux ans après l’arrivée au pouvoir de Trump, qu’il commente d’un Tweet assassin mais visionnaire : « Après le Brexit, après Trump, un monde s’effondre. Vertige. » Ses récits du fonctionnement de l’administration Trump en politique étrangère comme des relations entre Emmanuel Macron et son homologue américain valent à eux seuls la lecture. « Je savais que la diplomatie c’était parler au diable, mais rien ne m’obligerait jamais à dire que le diable est un ange », Gérard Araud Depuis son entrée au Quai d’Orsay, un peu par hasard, en 1982, parce qu’il rêvait d’ailleurs, Gérard Araud séduit autant qu’il irrite. Dans le monde feutré de la diplomatie, il aime à prendre la lumière. En outre, souvent, il lui est arrivé de défendre des positions à rebours du « gaullo-mitterrandisme » qui fut, jusqu’à la fin des années Chirac, la dominante de la politique étrangère d’une France « alliée mais non alignée », selon la formule d’Hubert Védrine, faisant clairement entendre sa différence par rapport à Washington.
Dans « Passeport diplomatique. Quarante ans au Quai d’Orsay » ( Grasset ), Gérard Araud, l’une des figures de proue de la diplomatie tricolore, raconte avec force anecdoctes les dessous des relations internationales depuis les années 1980.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/11/quatre-decennies-dans-la-jungle-de-la-diplomatie-internationale_6015054_3232.html
mlsum-fr-4843
YASMINE GATEAU « Ça vous ferait quoi si l’on vous kidnappait, là, tout de suite ? » La question m’est adressée. Je viens de m’asseoir dans le bureau d’Ibrahim Al-Amine, le directeur du quotidien libanais Al-Akhbar, fer de lance de la gauche anti-impérialiste arabe. Nous sommes quelques jours après la tuerie du 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo. L’attentat ayant une dimension proche-orientale, j’ai décidé de faire parler des figures de la presse libanaise, l’une des plus riches du monde arabe. Ce sera l’occasion de me présenter, quatre mois après mon installation à Beyrouth, comme correspondant régional du Monde. Al-Amine, ex-communiste reconverti en thuriféraire du Hezbollah, le parti-milice pro-iranien libanais, me toise de derrière ses lunettes. L’homme est célèbre pour ses éditos au bazooka contre l’ambassade de France à Beyrouth, tête de pont, selon lui, de la conspiration visant à renverser Bachar Al-Assad, le président syrien, qu’Al-Akhbar soutient. Face au représentant du Monde, pas de salamalecs. « Vous m’avez bien compris, comment réagiriez-vous si l’on vous kidnappait… pour vous échanger contre Georges Ibrahim Abdallah, que votre pays a aussi kidnappé ? On va finir par en arriver là un jour. » Militant libanais propalestinien, incarcéré depuis 1984 en France, où il a été condamné à perpétuité pour sa complicité dans l’assassinat de deux diplomates en poste à Paris, l’un israélien et l’autre américain, Georges Ibrahim Abdallah est la cause d’Al-Akhbar. Le journal le présente comme un prisonnier politique, un cas flagrant de déni de droit dans la « patrie des droits de l’homme ». Le « prix » des reporters étrangers L’accueil d’Al-Amine a un goût un peu douteux. Au Liban, l’enlèvement de journalistes français a une histoire et un visage, celui de Jean-Paul Kauffmann, retenu otage à Beyrouth de 1985 à 1988. C’est à cette époque que les reporters étrangers sont devenus une arme. Un pion sur le plateau de jeu des puissants. Et trente ans plus tard, leur prix dans le pays voisin, la Syrie, n’a jamais été aussi élevé. Il y a ceux que l’on fait taire de manière expéditive, comme Rémi Ochlik et Marie Colvin, tués à Homs en 2012, dans un bombardement du régime ; ceux que l’on monnaye au prix fort, comme Didier François et Nicolas Hénin (2013-2014), trophées de chasse de l’organisation Etat islamique (EI) ; et ceux que l’on supplicie en mondovision, comme James Foley, le premier occidental égorgé par le mouvement djihadiste, en août 2014, une exécution filmée qui a fait le tour de l’Internet.
Correspondants de presse (3/12). Pour le journaliste du « Monde » Benjamin Barthe, le Liban reste une anomalie dans l’étouffoir proche-oriental, et un précieux poste d’observation pour comprendre la région et la guerre en Syrie.
https://www.lemonde.fr/festival/article/2019/07/31/au-liban-et-si-on-vous-kidnappait_5495114_4415198.html
mlsum-fr-4844
Valeria Luiselli, en septembre 2018, à Stockholm. LAURENT DENIMAL / OPALE Après une heure d’entretien avec Valeria Luiselli, dans les locaux parisiens de son éditeur, quelque chose se craquelle : le vernis de réserve derrière lequel s’abritait jusqu’alors la romancière mexicaine. Ses grands yeux noirs s’emplissent de larmes. « Nous sommes une génération marquée par l’horreur, confie-t-elle. Il est impossible de se soustraire à l’obligation de la raconter du mieux possible. » Extrême violence Née en 1983 à Mexico, Valeria Luiselli, qui vit à New York, compte désormais parmi les jeunes voix les plus célébrées d’Amérique. Qu’a-t-elle en tête à cet instant précis ? Quelles scènes réelles, quelles images parmi celles dont elle s’est nourrie pour écrire Archives des enfants perdus, son quatrième livre paru en français, un temps sélectionné pour le prestigieux Booker Prize ? Elle ne le dira pas. Un an après la parution de Raconte-moi la fin (L’Olivier, 2018), où elle relatait son expérience de traductrice ­bénévole auprès d’enfants, au tribunal de l’immigration à New York, elle aborde à nouveau la crise migratoire qui touche le sud des Etats-Unis. En se concentrant cette fois sur le sort de ces milliers de mineurs sans papiers qui arrivent seuls à la frontière. Fuyant l’extrême violence de leurs pays (Salvador, Guatemala, Honduras…), ces jeunes sont ­enfermés dans des centres de ­détention aux Etats-Unis, souvent pendant plusieurs mois, avant d’être, ou non, autorisés à rester. « Nous sommes une génération marquée par l’horreur. Il est impossible de se soustraire à l’obligation de la raconter. » Or ce livre, comme les précédents, se garde de tout effet larmoyant ou sensationnaliste. Valeria Luiselli revient, de façon romancée, sur un road trip qu’elle a effectué en 2014 vers l’Arizona, avec son mari mexicain et leurs enfants. Elle met en scène une ­famille recomposée. Les ­parents, un couple de documentaristes sonores sur le point de se séparer, partent travailler, l’une sur la crise migratoire, l’autre sur l’histoire des Apaches, « les derniers à avoir résisté au gouvernement mexicain ». « J’ai commencé le livre pendant le voyage, relate-t-elle. Mais je me suis rendu compte que j’étais en train d’utiliser le ­roman comme un réceptacle de ma frustration politique, en ­fictionnalisant ce que j’avais ­entendu au tribunal. J’ai donc abandonné et écrit Raconte-moi la fin, un témoignage personnel et direct de cette expérience. Puis je suis retournée à la fiction en réfléchissant au rôle que celle-ci peut jouer face à la violence politique. »
Tourmentée par la relation qu’entretiennent les Etats-Unis avec son pays natal, la romancière s’est inspirée d’un « road trip » familial effectué en 2014 pour raconter l’exode de mineurs mexicains dans « Archives des enfants perdus ». Rencontre.
https://www.lemonde.fr/critique-litteraire/article/2019/11/09/valeria-luiselli-une-place-d-etrangere_6018624_5473203.html
mlsum-fr-4845
Farbice Arfi et Edwy Plenel dans les locaux de « Mediapart », le 4 février 2019. PHILIPPE LOPEZ / AFP Comment mettre Mediapart à l’abri des aléas du « grand capital » ? C’est à cette épineuse question qu’a tenté de répondre Edwy Plenel, qui présentait, mardi 2 juillet, un plan censé pérenniser l’indépendance du site d’information. « Il s’agit d’une invention capitalistique, qui vise à sanctuariser le capital de Mediapart pour le rendre incessible, inviolable et inattaquable », a lancé le journaliste. Les fondateurs de Mediapart se sont inspirés du Guardian, protégé par un « trust » depuis 1936. D’ici à l’automne, la totalité des parts de Mediapart sera contrôlée par un fonds de dotation à but non lucratif. Outre la détention des titres du site d’information, la structure pourra collecter des dons, qui seront consacrés à une mission d’intérêt général centrée autour de la liberté de la presse. Créé en 2008, Mediapart ne pourra donc pas être repris par « des intérêts économiques privés ». Une modification approuvée par les salariés Le conseil d’administration du fonds sera différent de celui du site, afin de préserver la totale indépendance de ce dernier. En parallèle, une structure baptisée l’« Association pour le droit de savoir » et composée des quatre fondateurs et de la journaliste Martine Orange, à la tête de la Société des salariés de Mediapart, garantit la pérennité de la gouvernance grâce à un droit de veto empêchant toute modification des statuts. « C’est l’événement le plus important de l’histoire du journal depuis sa naissance. Il a fait l’objet d’une coproduction interne », a commenté Fabrice Arfi, coresponsable du pôle investigation. Les salariés ont approuvé cette modification de la gouvernance à 93 %. Le passage à un fonds de dotation va permettre aux actionnaires de revendre leurs parts. Deux experts indépendants ont valorisé Mediapart à 16,2 millions d’euros. Le site, qui s’est fait un nom grâce à ses révélations sur Liliane Bettencourt ou sur l’ex-ministre du budget Jérôme Cahuzac, connaît une croissance ininterrompue depuis sa création. En 2018, ses recettes atteignaient 13,8 millions d’euros pour un résultat net de 2 millions d’euros et 150 000 abonnés. Que se passerait-il en cas de coup dur ? « Rien n’empêche d’avoir un second fonds de dotation pour aider le journal », explique Marie-Hélène Smejian, la directrice générale. Elément le plus délicat, le rachat des parts des actionnaires. Mediapart a prévu d’utiliser ses 4,4 millions d’euros de réserves financières et de contracter, par une structure intermédiaire, un prêt bancaire maximum de 10,9 millions d’euros, remboursable sur une durée « comprise entre sept et neuf ans ». Chaque année, Mediapart versera donc 1 million d’euros environ pour rembourser sa dette. 6,8 millions d’euros pour les quatre fondateurs La Société des amis de Mediapart détient 16,8 % du capital et va encaisser 2,7 millions d’euros. Elle compte une kyrielle de petits actionnaires, dont Xavier Niel (actionnaire du Monde à titre personnel), qui a injecté 200 000 euros dans l’aventure. « J’ai mis 10 000 euros en 2008 et je n’ai rien touché depuis », s’est félicité son président, Michel Broué. Bénéficiaire depuis huit ans, Mediapart n’avait, à ce jour, versé aucun dividende. Les quatre fondateurs, Edwy Plenel, Laurent Mauduit, Marie-Hélène Smiejan et François Bonnet, propriétaire de 42,08 % du capital, obtiendront 6,8 millions d’euros, multipliant par plus de cinq leur investissement initial. A eux seuls, l’ancien directeur de la rédaction du Monde et la directrice générale, qui avaient investi 550 000 euros au départ, vont toucher 2,9 millions d’euros. « J’avais emprunté et hypothéqué l’appartement de ma compagne pour lancer Mediapart. J’ai donc pris mon risque. J’ai versé, jusqu’à fin 2017, 3 900 euros par mois pour rembourser. On en a parlé avec l’équipe, cela ne pose pas de problème », justifie M. Plenel. Marie-Hélène Smiejan affirme qu’une fois déduits les emprunts et l’impôt sur les plus-values il ne reste plus « que 3 millions d’euros » aux fondateurs. Les fondateurs pourront aussi aider Mediapart en lui accordant un « crédit vendeur », acceptant de toucher plus tard leur argent. A moins qu’ils n’emboîtent le pas de Jean-Louis Bouchard, partenaire historique de Mediapart avec 6,32 % du capital qui a, lui, carrément décidé de verser le million d’euros qu’il doit toucher au fonds de dotation. Pour ne rien manquer de l’actualité économique Cet article est paru dans notre newsletter « La lettre éco ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre quotidienne en suivant ce lien. Chaque jour à 12 h 30, vous y retrouverez les informations du Monde et son regard sur l’actualité économique, à travers notamment la chronique « Pertes & profits ».
Edwy Plenel et tous les autres actionnaires vont céder leur participation à une fondation à but non lucratif, qui protégera le capital du site d’information.
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2019/07/02/mediapart-modifie-sa-gouvernance-pour-preserver-son-independance_5484502_3236.html
mlsum-fr-4846
Tribune. Le Conseil constitutionnel a rendu un jugement le 11 octobre : la gratuité de l’éducation, telle qu’établie dans la Constitution, s’applique à l’enseignement supérieur public et pas seulement à l’éducation primaire et secondaire. La décision était attendue avec anxiété, tant les logiques marchandes se diffusaient de manière rampante, depuis des années, aux universités et aux écoles. Le Conseil d’Etat doit maintenant en tirer les conséquences et demander au gouvernement de mettre en conformité ses arrêtés avec ce principe de gratuité. Cela doit passer non seulement par une remise en cause des discriminations (récemment instituées contre les étrangers non communautaires), mais également de toute autre forme de tarification dans l’enseignement supérieur. Depuis quinze ans, les gouvernements successifs n’ont cessé d’augmenter les frais d’inscription, suivant ainsi la stratégie des petits pas proposée, dès 2004, par le rapport de Philippe Aghion et d’Elie Cohen Depuis quinze ans, les gouvernements successifs n’ont cessé d’augmenter les frais d’inscription, suivant ainsi la stratégie des petits pas proposée, dès 2004, par le rapport de Philippe Aghion et d’Elie Cohen. Ces deux économistes recommandaient au premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, de ne surtout pas procéder à une augmentation générale des frais, par peur d’un large mouvement étudiant mettant en péril tout le projet de réforme, mais de multiplier les hausses partielles et progressives. Stratégie des petits pas Sciences Po Paris fait l’un des premiers pas en augmentant (un peu) ses frais d’inscription en 2004. Après des hausses successives, ils atteignent aujourd’hui 14 500 euros par an. Les écoles d’ingénieur suivent, en ordre dispersé (3 500 euros à Centrale Supélec comme aux Mines, 2 650 euros à Télécom Paris, et jusqu’à 15 500 euros dans certaines formations à Polytechnique). Les Sciences Po de province suivent progressivement (6 000 euros à l’IEP de Bordeaux, 3 000 euros à Lille, Rennes ou Strasbourg). Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le Conseil constitutionnel acte la gratuité de l’enseignement supérieur Dauphine sera la première université à augmenter ses frais, grâce à son double statut d’université-grande école, en reprenant la stratégie des petits pas en interne : après une augmentation « modérée » en 2010, pour certains masters uniquement, la hausse se généralise en master, se déploie en licence et s’accentue jusqu’à 6 500 euros aujourd’hui. Les universités qui ne bénéficient pas de la même exception générale que Dauphine peuvent utiliser des « diplômes d’université » non soumis au barème national ou déclarer « international » un master (parce que les cours sont en anglais par exemple) comme à l’université Paris-Saclay ou à la Toulouse School of Economics (6 000 euros).
Se félicitant de la décision du Conseil constitutionnel qui a entériné, le 11 octobre, le principe de gratuité à l’université, les deux universitaires David Flacher et Hugo Harari-Kermadec estiment, dans une tribune au « Monde », qu’il doit désormais être appliqué à tout l’enseignement supérieur.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/30/la-gratuite-de-l-acces-a-l-universite-enfin-consacree_6017390_3232.html
mlsum-fr-4847
Nicole Bertolt. IORGISS MATYASSY POUR M LE MAGAZINE DU MONDE Il est d’usage que les proches d’un défunt débarrassent ses effets personnels pour faire leur deuil. Boris Vian, comme à son habitude, échappe à la règle. Alors que le 23 juin marquera les 60 ans de sa disparition, l’appartement parisien qu’il occupait avec son épouse – au 6 bis, cité Véron, sur les toits du Moulin-Rouge – est intact. Des portes en quinconce mènent vers des pièces exiguës, chacune avec une fonction bien précise : l’atelier, la quincaillerie… tout est là. On imagine sans peine l’artiste-ingénieur s’asseoir au piano et discuter de sa dernière invention. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ayants droit : une œuvre en héritage « Il n’y a qu’un endroit où je me suis permis d’apporter ma touche personnelle », raconte, presque gênée, Nicole Bertolt, qui occupe cet appartement en tant que directrice du patrimoine et mandataire pour l’œuvre de Boris Vian depuis 2010. Dans l’ancienne chambre de Patrick, le fils de Boris et l’ayant droit de l’œuvre de son père – la plus petite pièce du logement –, elle a affiché quelques photos de ses enfants et un tableau qu’elle affectionne particulièrement. C’est tout. L’appartement est à l’image de sa vie : beaucoup de Boris, très peu de Nicole. Les étagères débordantes de livres, les tableaux peints d’une main enfantine, les babioles accumulées par-ci, par-là. « On n’entre pas chez Boris Vian, on plonge dans son univers. » Dans ce monde parallèle, Chloé, Colin et Jean-Sol Partre, personnages imaginaires de L’écume des jours, semblent prendre vie et entourent Nicole Bertolt. « Esprit de saltimbanque » L’histoire débute en 1976. C’est à l’occasion d’un séjour dans les Pyrénées-Orientales, chez une professeure de lycée qui l’a prise en affection, que Nicole, 17 ans, rencontre Ursula Kübler-Vian, à l’époque déjà veuve. La vagabonde « de banlieue » et la Suissesse de bonne famille partagent un « esprit de saltimbanque ». « La connexion est immédiate. » La jeune Nicole Bertolt, qui n’a jamais lu Boris Vian, « le connaît de nom ». Quelques années plus tard, elle se retrouve à la rue. Elle frappe à la porte d’Ursula, qui la recueille « sans se poser de question ». Contre le gîte et le couvert, Nicole se met au service de l’ex-danseuse étoile. « Après plus de dix ans à gérer la postérité de son mari décédé, Ursula voulait passer le flambeau. Elle était devenue “la veuve de Boris”, alors qu’elle avait été une danseuse de Béjart et de Petit. C’était cruel. » Il faut pourtant faire vivre la mémoire de Vian, qui commence à être reconnu à l’international. Nicole trie, organise, fait publier les derniers manuscrits, répond aux lettres des lecteurs et aux demandes d’éditeurs étrangers. Au décès d’Ursula, en 2010, Patrick Vian lui suggère de devenir la mandataire pour l’œuvre de son père. « C’était simplement officialiser ce que je faisais déjà depuis longtemps. »
Nicole Bertolt, directrice du patrimoine et mandataire pour l’œuvre de l’auteur de « L’écume des jours », habite l’appartement parisien de l’artiste, mort il y a soixante ans.
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/06/21/une-vie-entre-les-murs-de-boris-vian_5479784_4500055.html
mlsum-fr-4848
Le vice-président chinois Liu He et Donald Trump dans le bureau Ovale de la Maison Blanche à Washington, le 11 octobre. YURI GRIPAS / REUTERS Donald Trump a fait des marchés financiers le juge de sa politique, et c’est sans doute pour cela qu’il a convoqué la presse, vendredi 11 octobre, juste avant la clôture de Wall Street, pour l’informer des avancées des négociations commerciales avec la Chine. « Nous sommes parvenus à un accord substantiel sur la phase 1 », a assuré le président des Etats-Unis, à l’issue de sa rencontre avec le vice-président chinois Liu He. Le négociateur en chef chinois a qualifié les discussions de « très bonnes ». Après avoir progressé toute la journée sur la rumeur d’un accord, les marchés financiers ont toutefois fait grise mine : l’indice Dow Jones qui avait gagné près de 2 % en séance n’a fini que sur une petite progression de 1,2 %, déçu par la faiblesse de l’accord proclamé depuis la Maison Blanche. Seule décision ferme, les droits de douane qui étaient censés monter de 25 % à 30 % pour 250 milliards de dollars (226 milliards d’euros) d’importations mardi 15 octobre resteront à leur niveau actuel. En revanche, rien n’est dit sur les hausses attendues en décembre. Le représentant américain pour le commerce, Robert Lighthizer, a déclaré que « le président n’a pas pris sa décision ». Rien n’est dit non plus sur la suppression des droits que se sont infligés les deux pays depuis dix-huit mois. Le texte de l’accord de « phase 1 » n’est pas rédigé non plus. Il pourrait être signé d’ici cinq semaines par M. Trump et son homologue Xi Jinping lors d’un sommet des pays de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) au Chili. Lire aussi La Chine et les Etats-Unis se rendent coup pour coup dans leur guerre commerciale La journée de vendredi ne marque donc pas la fin de la guerre commerciale, ni un armistice. Tout juste une trêve et l’interruption provisoire des surenchères de l’été. Requinquer l’électorat agricole trumpien Les Chinois se sont engagés à acheter des produits agricoles, notamment du soja et du porc, pour des montants compris entre 40 milliards et 50 milliards de dollars. « Ce sera le meilleur accord jamais signé pour les agriculteurs », s’est réjoui M. Trump. Rien de très révolutionnaire, cet engagement ayant été maintes fois mis sur la table par les Chinois, qui ont besoin de nourrir leur population. Mais cette avancée est importante pour le président américain, qui a besoin de requinquer son électorat agricole. Les fermiers du Midwest ont beaucoup souffert des rétorsions chinoises. S’ils sont restés fidèles à M. Trump – qui leur a octroyé 26 milliards de dollars d’aides fédérales en deux ans – et ont soutenu son affrontement avec Pékin, ils finissaient par s’impatienter d’une « victoire ».
Le président américain avait besoin d’une trêve de façade pour afficher une victoire, notamment vis-à-vis des agriculteurs. Mais les plus gros enjeux (monnaie, transferts de technologie) restent en négociation.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/12/guerre-commerciale-le-mini-accord-avec-la-chine-annonce-par-trump-ne-regle-pas-les-points-de-discorde_6015217_3234.html
mlsum-fr-4849
Des affiches électorales de Nouvelle Démocratie et de Syriza dans le métro, à Athènes, le 1er juillet. ARIS MESSINIS / AFP A Aigaleo, dans la banlieue ouest d’Athènes, les troupes de Syriza essaient de se mobiliser à l’approche des législatives du 7 juillet. Aux dernières élections locales et européennes, le 26 mai, le parti du premier ministre a essuyé un cuisant revers, devancé de 9,5 points par Nouvelle Démocratie (conservateurs). Dans ce fief de la gauche radicale, la mairie est passée de justesse à droite. En mai 2014, quand Syriza devenait le premier parti de Grèce aux élections européennes, Dimitris Birbas remportait la cité populaire face au maire sortant du Parti socialiste (Pasok), avec 60,5 % des voix. Le 2 juin, Dimitris Birbas a perdu la mairie avec une différence de 0,13 % des voix face au candidat conservateur. « Je ne m’y attendais pas… La population voulait punir le gouvernement pour les politiques d’austérité qui ont été mises en place. C’est un sentiment de révolte contre dix ans de crise qui s’est exprimé au niveau local », confie-t-il. A la tête de la ville d’Aigaleo, 70 000 habitants, l’universitaire a mis en place une politique sociale en permettant à 750 familles d’avoir accès à une épicerie et une pharmacie sociales, en rétablissant l’électricité qui avait été coupée aux plus endettés, en baissant de 5 % les impôts locaux de ses administrés les plus démunis. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Grèce, les privatisations inachevées, cadeau empoisonné pour le prochain gouvernement Le budget de la mairie a baissé de 6 millions d’euros, notamment en rationalisant l’administration publique : ainsi la ville est passée de 18 à 13 services d’entretien tout en nettoyant la voirie six jours sur sept au lieu de cinq auparavant. Mais le maire ne s’est pas fait que des amis en s’attaquant aux constructions illégales ou en obligeant les commerçants à payer une taxe à la mairie pour occuper l’espace public. « Une partie de la population pense encore que le maire va trouver un poste à ses enfants à la mairie si elle vote pour lui. Malheureusement, les mentalités clientélistes n’ont pas tout à fait disparu », constate Dimitris Birbas. « Tsipras a trahi son électorat » « Je n’ai rien à reprocher à ce maire : il a rendu la ville plus propre, il a redynamisé le centre-ville et aidé les plus pauvres, reconnaît Aristides Paraskevopoulos, éboueur dans une mairie voisine. Mais je n’ai pas voulu voter pour Syriza aux élections locales et je ne voterai pas pour eux aux législatives, car Alexis Tsipras a trahi son électorat et fait tout l’inverse de ce qu’il avait promis. » Si les cafés et les restaurants ont rouvert dans le centre-ville, le chômage continue de toucher près de 20 % des habitants. « Il nous faut un gouvernement qui attire les investisseurs étrangers, qui soutienne l’entrepreunariat, pas seulement le secteur public ! Mis à part dans le secteur touristique, il n’y a pas pour l’instant de grandes entreprises qui s’installent et qui créent des emplois durables », déplore M. Paraskevopoulos.
Dans le quartier d’Aigaleo, bastion de Syriza en 2015, le parti de gauche radicale est en perte de vitesse avant les élections législatives du 7 juillet.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/02/rue-de-la-democratie-dans-la-banlieue-d-athenes-les-electeurs-ne-croient-plus-a-syriza_5484240_3210.html
mlsum-fr-4850
Le procureur général, François Molins, a requis mi-juillet le renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) de l’ancien premier ministre, Edouard Balladur, et de son ex-ministre François Léotard dans le volet financier de l’affaire Karachi, a appris l’Agence France-Presse (AFP) vendredi 20 septembre de source judiciaire, confirmant une information de L’Express. Dans son réquisitoire du 12 juillet, le procureur général, François Molins, demande qu’ils soient jugés pour « complicité d’abus de bien sociaux » ainsi que, concernant M. Balladur, pour « recel » de ce délit, a précisé une source judiciaire. Les deux hommes sont soupçonnés d’être impliqués dans un possible système de rétrocommissions – illégales – sur des ventes de sous-marins au Pakistan et de frégates à l’Arabie saoudite (Sawari II), lorsqu’ils étaient au gouvernement entre 1993 et 1995. Ces rétrocommissions, estimées à quelque 13 millions de francs (près de 2 millions d’euros), auraient pu servir en partie à financer la campagne de M. Balladur. Dans cette affaire, six autres protagonistes, dont Thierry Gaubert (ex-membre du cabinet du ministre du budget de l’époque, Nicolas Sarkozy) et Nicolas Bazire, alors directeur de la campagne balladurienne, ainsi que l’intermédiaire controversé Ziad Takieddine, doivent être jugés devant le tribunal correctionnel de Paris du 7 au 31 octobre. Les cas des deux ministres avaient été disjoints en 2014 et confiés à la CJR, seule instance habilitée à juger des membres du gouvernement pour des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Contestée, son existence pourrait être remise en cause dans une prochaine réforme constitutionnelle. Lire aussi Comprendre l’affaire de Karachi en 6 épisodes Rétrocommissions Les soupçons sur ces rétrocommissions étaient apparus au cours de l’enquête sur l’attentat de Karachi du 8 mai 2002 au Pakistan. L’attentat avait fait quinze morts, dont onze employés français de la Direction des chantiers navals (ex-DCN), et blessé douze autres. Tous travaillaient à la construction d’un des trois sous-marins Agosta vendus à ce pays sous le gouvernement Balladur (1993-1995). Toujours en cours, l’enquête antiterroriste avait initialement privilégié la piste d’Al-Qaida. Mais, depuis 2009, elle a surtout exploré la thèse – non confirmée à ce jour – de représailles à une décision prise par Jacques Chirac, tombeur de M. Balladur à la présidentielle : après sa victoire, le nouveau président avait en effet ordonné d’arrêter le versement de toutes les commissions dans ces contrats. Une plainte des familles des victimes de l’attaque avait entraîné l’ouverture en 2011 du volet financier de cette affaire tentaculaire, qui a débouché d’une part sur le procès prévu en octobre et, de l’autre, sur cette procédure devant la CJR. M. Balladur et M. Léotard y sont mis en examen depuis 2017. D’après l’enquête, un trio d’intermédiaires (Ali Ben Moussalem, Abdul Rahman Al-Assir, Ziad Takieddine) surnommé « réseau K » aurait été imposé tardivement dans les contrats d’armement, afin d’enrichir ses membres et de financer la campagne balladurienne. Edouard Balladur plaide l’ignorance Entendu à cinq reprises, plus de vingt ans après les faits, Edouard Balladur a parfois semblé se défausser sur ses collaborateurs. Les soupçons se sont aussi focalisés sur les dix millions de francs arrivés sur son compte de campagne après sa défaite au premier tour. La concomitance entre ces dépôts et des voyages de M. Takieddine à Genève avaient intrigué. Après des tergiversations, l’intermédiaire avait fini par affirmer avoir remis au printemps 1995 des espèces à M. Gaubert, sur demande de M. Bazire, ce que ces deux derniers nient. François Léotard a, pour sa part, défendu l’« intervention décisive » des intermédiaires pour boucler les contrats, mais a dit tout ignorer d’un possible financement occulte.
La commission de l’instruction de la Cour de justice de la République doit maintenant décider de juger ou non les deux hommes pour leur responsabilité dans le possible financement occulte de la campagne présidentielle de 1995.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/20/affaire-karachi-le-parquet-requiert-le-renvoi-de-balladur-et-leotard-devant-la-cour-de-justice-de-la-republique_6012486_3224.html
mlsum-fr-4851
Tous les signaux sont au rouge. La rupture paraît définitive entre Gérard Collomb et David Kimelfeld, candidats à l’investiture de La République en marche (LRM) pour les prochaines élections de la métropole et de la mairie de Lyon, en mars 2020. A l’issue d’une semaine de tensions, une réunion de la dernière chance a été programmée à l’hôtel de ville, vendredi 4 octobre en fin d’après-midi, entre les deux rivaux. Personne ne croit plus à une entente, ni même à une forme de répartition des candidatures entre mairie et métropole, en vue du double scrutin du printemps prochain. La rencontre en « bugne à bugne », selon l’expression lyonnaise, risque fort de tourner court. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Municipales : à Lyon, la guerre des nerfs entre Collomb et son ex-lieutenant Avec cette concurrence intestine, le cas lyonnais vient s’ajouter aux situations déjà épineuses que la commission nationale d’investiture de LRM n’a toujours pas tranchées. Il faudra sans doute l’impulsion du président de la République pour mettre un peu d’ordre dans ce berceau de la Macronie. Ça tombe bien, Emmanuel Macron est attendu mercredi 9 octobre à Lyon, à l’occasion de la conférence mondiale de reconstitution des ressources du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Parviendra-t-il à rapprocher les deux frères ennemis ? Rien n’est moins sûr. Redevenu maire de la capitale des Gaules après sa démission du gouvernement en octobre 2018, Gérard Collomb souhaite coûte que coûte reconquérir son fauteuil de président de la métropole, persuadé d’avoir l’expérience et la notoriété indispensables pour diriger la deuxième métropole française. Sûr d’incarner le « nouveau monde », David Kimelfeld se sent pousser des ailes depuis qu’il en a pris la présidence, à la faveur de la prise de fonctions ministérielle de l’édile lyonnais. M. Macron avait déjà invité les deux hommes à s’entendre, lors de son précédent déplacement à Lyon, le 8 juillet. M. Collomb et M. Kimelfeld ont sauvegardé un temps les apparences, en posant tout sourire devant les photographes à l’occasion de visites communes de chantiers de l’agglomération, fin août. Provocation de trop La discussion ne s’est jamais vraiment engagée. Kimelfeld a repoussé la proposition d’un partage du mandat, proposant à son tour à l’ancien ministre une délégation internationale, conforme à sa stature. En réplique à ce poste de prestige sans réel pouvoir, Gérard Collomb lui a alors soumis l’idée d’en faire son simple directeur de campagne. La provocation de trop. « Leur dernière rencontre en tête à tête cet été a été polaire », confie un membre de leur entourage. « La sagesse va finir par l’emporter », répète M. Collomb aux élus qu’il contacte pour constituer ses listes, affichant une confiance à toute épreuve dans le choix de la commission d’investiture LRM.
Dans l’impasse face à l’ex-ministre de l’intérieur, le président de la métropole menace de se passer de l’investiture de La République en marche.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/10/04/municipales-a-lyon-guerre-fratricide-entre-collomb-et-kimelfeld_6014174_823448.html
mlsum-fr-4852
Les ministres des affaires étrangères français et irakien, MM. Le Drian et Alhakim, le 17 octobre à Bagdad KHALID AL-MOUSILY / REUTERS Le ministre des affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, s’est rendu en Irak et discutait jeudi 17 octobre de la création dans ce pays d’un « dispositif » international pour juger les djihadistes du groupe Etat islamique (EI). L’offensive turque lancée le 9 octobre contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) dans le nord de la Syrie fait craindre des évasions de djihadistes étrangers détenus par les Kurdes syriens. Elle pose aussi avec plus d’acuité encore la question de leur jugement alors que les Kurdes syriens, abandonnés par les Etats-Unis, ont fait appel au régime de Damas pour assurer leur sécurité face aux Turcs. Paris ne veut pas que ses ressortissants tombent entre les mains de Damas. Environ 12 000 combattants de l’EI, dont 2 500 à 3 000 étrangers, sont détenus dans les prisons sous contrôle des Kurdes, selon des chiffres de sources kurdes. Et les camps de déplacés du nord-est syrien accueillent environ 12 000 étrangers, 8 000 enfants et 4 000 femmes. Sept pays européens (France, Grande-Bretagne, Belgique, Allemagne, Pays-Bas, Suède et Danemark) discutent depuis plusieurs mois de la possible mise en place d’un tribunal international en Irak pour juger les djihadistes étrangers. « Coopération judiciaire » Devant les sénateurs, le premier ministre français, Edouard Philippe, a déclaré mercredi que le chef de la diplomatie française allait se rendre « dès ce [mercredi] soir en Irak pour discuter avec ses homologues et avec le gouvernement irakien des mesures à mettre en place et, éventuellement, de l’accompagnement qui est susceptible d’être mis en place, notamment en matière de coopération judiciaire ». Car « un certain nombre de ceux qui sont détenus en Syrie par les Kurdes ont commis des crimes en Irak et peuvent donc, de ce fait, le cas échéant être judiciarisés sur place », a ajouté M. Philippe. « Il [faut] faire en sorte, avec les autorités irakiennes, que l’on puisse trouver les moyens d’avoir un dispositif judiciaire susceptible de juger l’ensemble de ces combattants, y compris a priori les combattants français (…) de juger ceux qui seraient pris en charge par les forces irakiennes », avait affirmé M. Le Drian dans la matinée sur la chaîne BFM-TV et la radio RMC. Interrogé sur d’éventuels nouveaux transferts de djihadistes étrangers, notamment français, des camps kurdes où ils sont détenus en Syrie vers l’Irak, il a simplement répondu : « Le sujet principal n’est pas celui-là, là, maintenant. » Une dizaine de djihadistes français détenus par les forces kurdes syriennes ont déjà été transférés fin janvier en Irak pour y être jugés. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Des djihadistes français condamnés à mort en Irak mettent en cause Paris
Le chef de la diplomatie française rencontrait jeudi son homologue irakien alors que l’offensive turque dans le nord de la Syrie a bouleversé les cartes.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/17/irak-le-drian-a-bagdad-pour-discuter-du-sort-des-combattants-etrangers-de-l-etat-islamique_6015847_3210.html
mlsum-fr-4853
« Le Livre. » « J’essaie de comprendre pourquoi les plantes fleurissent. » Cette phrase, déposée au milieu de ce livre original, aurait très bien pu l’ouvrir. Elle résume en effet très bien la double intention de cet ouvrage. Etre à la fois une œuvre de vulgarisation sur un sujet de recherche assez pointu, bien que facile à exposer. Et aussi constituer un récit qui fait pénétrer le lecteur dans le laboratoire et dans une aventure humaine passionnante, habitée de forts caractères. François Parcy, l’auteur, chercheur au CNRS, est acteur lui-même de cette histoire et a embarqué son fils, étudiant en architecture, pour croquer quelques-uns de ses collègues. Comme il le rappelle, la nature n’avait pas besoin des fleurs puisque, pendant des millions d’années, la végétation a été abondante sur Terre : des mousses, des fougères puis les gymnospermes, qui se reproduisent par des graines et dont les descendants les plus connus sont les conifères ou le ginkgo. Mais il y a 150 millions d’années environ, l’évolution s’est poursuivie, donnant naissance aux espèces dites « angiospermes » et leurs belles fleurs, si indispensables à notre alimentation. Alors pourquoi ? Darwin reformulait la question en disant qu’elle était un « abominable mystère ». Si, depuis près de cent cinquante ans, ce constat reste toujours globalement juste, d’impressionnants progrès ont cependant été réalisés. Guéguerre entre plantes modèles Après un indispensable passage sur la couleur des fleurs, un chapitre décrit le ballet complexe de trois gènes nécessaires à la croissance des sépales, pétales ou étamines et carpelles (les organes sexuels). Le lecteur, tout en étant plongé dans la compétition que se livrent deux laboratoires, se familiarise aussi avec les méthodes de la génétique, consistant à produire des mutants, plus étonnants les uns que les autres, afin d’identifier les divers acteurs. Accessoirement, c’est aussi une guéguerre entre plantes modèles, l’arabette et la gueule-de-loup, qui se joue. Les épisodes suivants sont tout aussi haletants, faisant découvrir, à la manière d’une enquête policière, le rôle d’un gène architecte ou du messager moléculaire de la floraison. On y croise des chercheurs mis au placard, d’autres s’échinant sur des expériences délicates, tout en luttant contre des souris qui envahissent le labo. Les hypothèses et les impasses se succèdent dans une ambiance toujours très compétitive. L’auteur a même la franchise de raconter un épisode pénible, pas tout à fait éclairci d’ailleurs, qui l’a conduit à retirer un article publié dans un grand journal. Le coauteur suspecté de manipulation des données a refusé cette décision.
Une enquête haletante au cœur d’un laboratoire où les chercheurs s’affairent afin de remonter à l’apparition de la première fleur.
https://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/06/12/l-abominable-mystere-de-l-origine-des-fleurs_5475330_1650684.html
mlsum-fr-4854
L’ancien président français Nicolas Sarkozy, le 21 juin à Paris. THOMAS SAMSON / AFP L’ambassade de France à Conakry ne l’avait appris qu’au dernier moment. Et seulement en raison de la présence à bord de l’avion d’officiers de sécurité français armés, chargés de la protection d’une haute personnalité. Le 21 février, Nicolas Sarkozy se présente tout sourire devant le président guinéen, Alpha Condé. En tant qu’ancien chef de l’Etat, avocat, intermédiaire d’affaires ? Sans doute un peu des trois, pour tenter de dénouer le dossier Simandou, du nom de la plus grande réserve au monde de minerai de fer… Nicolas Sarkozy connaît en effet le milliardaire franco-israélien Beny Steinmetz, le personnage central du dossier, parvenu – pendant un temps seulement – à mettre la main sur ce trésor avant d’en être privé en 2004 par Alpha Condé. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les juteuses affaires de Beny Steinmetz C’est donc aux côtés de M. Steinmetz, et dans l’avion privé de l’homme d’affaires, que Nicolas Sarlozy est arrivé à Conakry. Quelques jours plus tard, un communiqué de presse annonçait la conclusion d’un accord entre la Guinée et la Beny Steinmetz Group Ressources (BSGR), l’une des entités de la nébuleuse de sociétés du minier israélien. Le texte, non définitif, auquel Le Monde a eu accès, ouvre la voie - espèrent ses signataires - au gel d’un certain nombre de procédures judiciaires entre les deux parties – notamment devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) – et à remettre Beny Steinmetz en selle en Guinée. Le protocole d’accord stipule ainsi que la BSGR renonce à toute prétention sur Simandou mais il offre dans le même temps au milliardaire franco-israélien la possibilité de se positionner sur une autre concession minière guinéenne, celle de Zogota. « Mettre un terme à tout ça » Comment expliquer ce revirement alors que la Guinée semblait avoir la possibilité de gagner la procédure engagée devant le CIRDI ? « Cela durait depuis trop longtemps, la procédure risquait de traîner encore et de nous coûter des millions de dollars en avocats, explique au Monde le président Alpha Condé. Elle décourageait aussi les investisseurs de s’intéresser à Simandou. Il fallait mettre un terme à tout ça. » Les chances de récupérer des centaines de millions de dollars de dédommagements n’étaient pas garanties non plus. « La BSGR a été placée sous administration judiciaire [en mars 2018]. C’est quasiment une coquille vide, sans actifs à récupérer pour la Guinée », précise un acteur du dossier. « Depuis plusieurs mois, Beny Steinmetz me faisait des appels du pied pour régler le contentieux. A Lomé, à Nouakchott… J’avais toujours refusé », ajoute le président guinéen. Avant la rencontre de Conakry, plusieurs réunions confidentielles s’étaient tenues dans les salons du Plaza Athénée, le palace parisien où Beny Steinmetz a ses habitudes. Autour de lui se trouvaient son ami le ministre ivoirien de la défense, Hamed Bakayoko, et un conseiller spécial du président guinéen devenu ministre d’Etat, Tibou Kamara, chargé de faciliter la recherche d’un accord. Sur la fin des négociations, Nicolas Sarkozy était convié en tant que médiateur. Il avait auparavant reçu M. Steinmetz à Paris dans ses bureaux de la rue Miromesnil.
L’ancien chef de l’Etat français, devenu avocat, était aux côtés de Beny Steinmetz lors d’un déplacement à Conakry, en février.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/08/22/affaire-steinmetz-quand-nicolas-sarkozy-joue-les-intermediaires-d-affaires_5501616_3212.html
mlsum-fr-4855
Sébastien Azzopardi Pascal Ito Sébastien Azzopardi est un habitué des colonnes Morris. Que ce soit en tant que producteur, auteur, metteur en scène ou comédien, son nom est actuellement à l’affiche de quatre salles privées parisiennes. Entre sa nouvelle pièce Piège pour Cendrillon, adaptée du roman de Sébastien Japrisot sorti en 1963, la reprise du cultissime Tour du monde en 80 jours, version cartoonesque et survoltée des aventures de Phileas Fogg, l’indéboulonnable comédie interactive Dernier coup de ciseaux et la direction du Théâtre Michel et du Théâtre du Palais-Royal où deux succès publics et critiques (La Machine de Turing et Edmond) perdurent, il est devenu un chef de troupe incontournable. Pour gérer ses multiples casquettes, il « cloisonne » ses journées : le matin est réservé à l’écriture et à la mise en scène, l’après-midi à l’administratif. Le soir, il joue (actuellement dans Le Tour du monde en 80 jours) ou voit des spectacles. « Je gagnais ma vie avec dix répliques dans des grosses productions » Sébastien Azzopardi Le théâtre, il est tombé dedans dès le plus jeune âge. Son père, Christian Azzopardi, était comédien et codirecteur du Palais-Royal avec Francis Nanin. C’est ce dernier qui, en 2013, se tournera vers Sébastien pour qu’il prenne le relais de son père à la mort de ce dernier. Ses parents ont eu beau tenter de le « préserver » de cet univers, il a eu, dès l’âge de 10 ans, un « coup de cœur » pour la scène lorsque son institutrice de CM2 lui fit jouer Monsieur Jourdain dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière. Quelques années plus tard, ce Parisien entre au conservatoire municipal du 5e arrondissement puis au Cours Simon. Faire tomber l’étiquette de « fils de » « Mes parents ne m’ont ni poussé ni découragé », résume le comédien qui a débuté dans des pièces de boulevard aux côtés de Marthe Mercadier ou Michel Roux. « Je gagnais ma vie avec dix répliques dans des grosses productions », se souvient-il. Pour éviter de « s’enfermer » et assouvir son idée première de « raconter des histoires », Sébastien Azzopardi monte ses propres spectacles (Les classiques contre-attaquent), crée sa compagnie et adapte Dix petits nègres dans le théâtre de son père. Il sait qu’il doit « faire ses preuves » pour combattre les soupçons de favoritisme. Avec la complicité de son ami d’enfance et coauteur Sacha Danino, les succès s’enchaînent (dont Mission Florimont) et font oublier l’étiquette « fils de ».
Producteur, auteur, metteur en scène, le quadragénaire aux multiples casquettes engrange les succès en ce mois de novembre et présente « Piège pour Cendrillon », sa dernière création.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/11/07/sebastien-azzopardi-chef-de-troupe-hyperactif-a-l-affiche-de-quatre-theatres-parisiens_6018316_3246.html
mlsum-fr-4856
Peter Handke dans son jardin à Chaville (Hauts-de-Seine), près de Paris, le 10 octobre 2019. CHRISTIAN HARTMANN/REUTERS Olga Tokarczuk et Peter Handke, Prix Nobel de littérature. Non pas ex aequo, mais l’un au titre de l’année 2018 et l’autre, pour 2019. Cette double attribution est due au scandale mêlant accusations de viol, de harcèlement sexuel, de conflits d’intérêts et de délit d’initié ayant éclaboussé des membres de l’Académie suédoise, et pris de telles proportions que la Fondation Nobel avait décidé de ne pas remettre le prix en 2018. Pour 2019, c’est donc l’Autrichien Peter Handke qui, après l’avoir longtemps frôlé, se voit décerner ce prix venant récompenser « son œuvre influente qui a exploré avec ingéniosité linguistique la périphérie et la spécificité de l’expérience humaine ». En dépit de l’indiscutable qualité de son écriture, ce couronnement a longtemps été retardé par ses prises de position pro-Serbes pendant la guerre en ex-Yougoslavie et sa présence en 2006 aux obsèques de Slobodan Milosevic, l’ex-président accusé de crimes contre l’humanité et de génocide. « Ceci est un prix littéraire, pas un prix politique », a déclaré Anders Olsson, l’un des académiciens suédois, ajoutant que « la controverse politique » avait fait partie des débats, mais qu’elle « ne pouvait pas [les] guider ». Lire le récit : Indignation en Bosnie et au Kosovo après l’attribution du Nobel de littérature à Peter Handke Pour Handke, tout a commencé en 1966 avec la publication des Frelons (Gallimard, 1983), qui du jour au lendemain le propulse sur le devant de la scène et met un terme à ses études de droit. Le livre n’est pourtant pas facile. Construit autour de la notion de souvenir, ce premier roman à caractère autobiographique évoque la journée d’un adolescent à la campagne à laquelle vient se greffer un autre fil narratif qui élargit le temps à une semaine, puis à un mois, puis aux saisons et enfin au retour à l’enfance. Refusant tout réalisme, Handke reconnaît sa dette envers Kafka et Beckett, et adhère aux valeurs du Wiener Gruppe Handke a parlé de « cabrioles » pour qualifier ce procédé qui n’est pas étranger au Nouveau Roman et à la littérature expérimentale. Refusant tout réalisme, il reconnaît sa dette envers Kafka et Beckett, et adhère aux valeurs du Wiener Gruppe, laboratoire de recherche de style et d’expression nouveaux. La même année, le jeune homme d’allure timide crée le scandale en montant à la tribune d’une session du Groupe 47, dont Günter Grass est l’un des ténors. Fondé en 1947, ce groupe d’écrivains s’était donné pour tâche de réfléchir sur les nouvelles données de la littérature allemande pour qu’accède à la parole « une génération qui se tait » : la jeunesse restée muette devant l’horreur. En quelques minutes, cette jeunesse prend un coup de vieux. Handke accuse d’incapacité les membres de ce groupe prestigieux, et d’« impuissance à décrire » toute la littérature contemporaine de langue allemande, n’épargnant pas non plus la critique jugée « tout aussi insignifiante que cette littérature insignifiante ».
Le couronnement de l’Autrichien a suscité de vives réactions en Bosnie et au Kosovo en raison de ses prises de position pro-Serbes pendant la guerre en ex-Yougoslavie.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/11/le-prix-nobel-de-litterature-2019-decerne-a-peter-handke_6015078_3246.html
mlsum-fr-4857
Malgré ses quatre années et demie passées dans le camp pénitencier de la région arctique, en Russie – un centre de détention qui a, dit-il, toutes les allures d’un « Goulag moderne » –, Oleg Sentsov n’a perdu ni la rage de combattre, ni la détermination de sauver ses compagnons. « Je n’ai pas peur. Je me battrai encore et je me bats déjà pour eux », affirme-t-il, nous tendant la missive remise quelques heures plus tôt au président français, Emmanuel Macron, pour réclamer la libération de 86 citoyens ukrainiens emprisonnés en Russie « pour des raisons politiques » ainsi que celle de 227 otages retenus dans les territoires occupés du Donbass, dans l’est de l’Ukraine. Ce mardi 1er octobre, le cinéaste ukrainien de 43 ans est à Strasbourg, où se déroulent, en présence du chef de l’Etat français, les célébrations des 70 ans du Conseil de l’Europe. Après cinq ans d’absence, la Fédération de Russie, bannie depuis l’annexion de la Crimée, en 2014, a fait son retour dans cette instance chargée de défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit dans une Europe au sens large (48 pays en sont membres). Article réservé à nos abonnés Lire aussi De retour dans l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Moscou ne cède rien Salué par Paris, ce retour russe sans contreparties a provoqué l’ire des pays baltes, de l’Ukraine et de la Géorgie. Ulcérés, ils ont décidé de boycotter la session d’automne ainsi que les cérémonies, refusant d’entendre Emmanuel Macron assurer, mardi, que ce retour « n’était pas un geste de complaisance mais d’exigence », visant à « offrir aux citoyens russes la protection à laquelle ils aspirent ». « Les doutes et les critiques sont audibles, légitimes. Mais que se serait-il passé si nous n’avions rien fait ? N’oublions jamais tout ce que l’entrée de la Russie dans notre organisation a pu apporter de manière tangible, concrète, à tous les citoyens russes », a insisté le président français. « Un dragon ne se transforme jamais en agneau » « Macron ne peut pas oublier que la Russie a annexé la Crimée et continue d’entretenir un conflit dans le Donbass. Nous ne fermerons pas les yeux », lui répond Lisa Yasko, représentante de la délégation ukrainienne. « La loi russe permet de nier les décisions de la Cour européenne. Le Conseil de l’Europe finira totalement décrédibilisé. Cette approche de la Russie est pire qu’un crime, c’est une faute », abonde Giorgi Kandelaki, parlementaire géorgien, citant Talleyrand. Oleg Sentsov, lui, est moins incisif mais tout aussi dubitatif. « Je crois en Macron, sinon je ne l’aurais pas rencontré », assure-t-il. Mais l’Ukrainien n’imagine pas que l’audacieuse stratégie de réchauffement diplomatique de la France avec la Russie parvienne à faire bouger les lignes. « Poutine ne peut pas être attendri. Un dragon ne se transforme jamais en agneau », résume-t-il. « Macron n’est pas naïf, il a un objectif pour la France, il pense d’abord à ses propres intérêts », pense-t-il.
L’Ukrainien était à Strasbourg, mardi, pour les célébrations des 70 ans du Conseil de l’Europe, qui voient le grand retour de Moscou au sein de l’organisation. Pour lui, « rien ne bougera tant que Poutine sera au pouvoir ».
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/10/02/en-russie-poutine-reve-d-une-urss-2-0-selon-le-cineaste-oleg-sentsov-libere-apres-quatre-ans-de-prison_6013848_3210.html
mlsum-fr-4858
A Ras Al-Aïn (Syrie), bombardée par l’armée turque, mercredi 9 octobre 2019. DELIL SOULEIMAN / AFP Tribune. Les dictatures et les autocraties en déclin précipitent souvent leur chute par des aventures militaires hasardeuses. En prenant le risque de s’enliser en Syrie, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pourrait avoir fait le pas de trop et accélérer la fin de son règne autocratique. Largement condamné par la communauté internationale, combien de temps peut-il espérer continuer cette offensive quand bien même son pays, de par sa position géostratégique, continue d’être pour les Occidentaux un allié essentiel ? L’armée turque occupe déjà la zone d’Al-Bab depuis août 2016 et celle d’Afrin depuis janvier 2018. Cette troisième opération, baptisée « Source de paix », a été rendue possible par l’annonce inattendue de Donald Trump, le 6 octobre, du retrait immédiat des militaires américains de leurs postes d’observation près des villes syriennes de Tel Abyad et Ras Al-Aïn, le long de la frontière. Annonce faite contre l’avis du Pentagone et d’une grande partie des membres du Congrès américain. Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Syrie, Erdogan lance son assaut contre les Kurdes La Turquie demandait depuis quelques années aux Etats-Unis la mise en place d’un « corridor de sécurité » dans le nord de la Syrie. En août dernier, les deux parties s’étaient mises partiellement d’accord. Mais Recep Tayyip Erdogan voulait bien plus que des patrouilles communes américano-turques sur une partie de la frontière. Il veut contrôler, en appui avec les supplétifs de l’Armée libre syrienne, un territoire s’étendant jusqu’à 30 km de profondeur. Nous ne savons pas, pour le moment, quelle sera la réaction des Forces démocratiques syriennes, à dominante kurde, face à l’intervention d’Ankara. Abandonnées par leur allié américain, mais lourdement armées par lui, vont-elles montrer une résistance farouche contre les occupants ou se tourneront-elles vers Damas pour demander protection, abandonnant en grande partie leurs velléités d’autonomie ? Pari aventureux La réussite, du point de vue militaire et à court terme, de cette expédition transfrontalière dépendra de l’option choisie par les forces kurdes syriennes, de la politique menée par le gouvernement de Damas avec ses protecteurs russes et iraniens, mais aussi de l’attitude des tribus arabes de la région. Par ailleurs, l’armée turque, fortement ébranlée par des arrestations massives d’officiers depuis le coup d’Etat raté de juillet 2016, risque d’être à la peine, surtout si les Etats-Unis ferment l’espace aérien dans le nord de la Syrie. Le pari de Recep Tayyip Erdogan est encore plus aventureux sur le long terme. En s’engageant en 2012 dans le conflit syrien, l’homme fort d’Ankara misait sur un renversement rapide de Bachar Al-Assad et l’accès au pouvoir des Frères musulmans syriens. Ce fut un échec complet. En outre la guerre civile syrienne a permis la formation des entités autonomes kurdes au long d’une frontière de 910 km, avec la présence des cadres du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui mène la lutte armée contre Ankara depuis 1984.
Le politiste turc Ahmet Insel considère, dans une tribune au « Monde », que l’intervention décidée par le président turc en Syrie poursuit surtout des buts de politique intérieure, alors que la population exprime un mécontentement croissant à l’égard du régime
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/11/intervention-turque-en-syrie-la-fuite-en-avant-d-erdogan_6015044_3232.html
mlsum-fr-4859
Des médecins israéliens rapportent la survenue d’un « syndrome du cœur brisé » chez une femme ayant avalé lors d’un repas de mariage une grande quantité de wasabi, pensant qu’il s’agissait de guacamole, préparation culinaire à base d’avocat ayant la même couleur verte. Ce cas a été publié le 20 septembre 2019 dans la revue en ligne BMJ Case Reports. Encore appelé syndrome de Takotsubo, le syndrome du cœur brisé peut apparaître après un stress physique ou psychologique intense. Cette pathologie cardiaque mime un infarctus aigu du myocarde, les patients présentant des douleurs thoraciques, une élévation des biomarqueurs cardiaques dans le sang et certaines anomalies à l’électrocardiogramme (surélévation du segment ST ou inversion de l’onde T). Ce syndrome est transitoire, le dysfonctionnement ventriculaire revenant habituellement à la normale après un délai de six semaines. Celui-ci expose cependant à un risque de sévères complications cardiaques ou à une récidive. Le syndrome de Takotsubo (de Tako : pieuvre et Tsubo : pot) a été décrit pour la première fois au Japon en 1990. Il tire son nom de la morphologie du ventricule gauche lors de la contraction du cœur (systole). Cette cavité cardiaque ressemble alors au piège à pieuvres utilisé par les pêcheurs japonais. L’imagerie montre donc un ventricule gauche déformé, le plus souvent avec un ballonnement lui conférant une forme d’amphore. Cette cardiomyopathie de stress survient dans 80 % des cas chez des femmes âgées de plus de 50 ans. Dans environ 90 % de cas, il s’agit de femmes ayant un âge moyen de 67 à 70 ans. Dysfonctionnement du ventricule gauche Cette sexagénaire, qui avait confondu wasabi et avocat lors d’un repas, a ressenti dans les minutes suivant sa méprise une soudaine sensation d’oppression thoracique accompagnée d’une douleur irradiant dans les bras. Elle ne décide pas pour autant à quitter les lieux, d’autant que la douleur s’atténue rapidement même si elle perdure plusieurs heures. Le lendemain, elle se sent si faible qu’elle va finalement consulter à l’hôpital. L’échocardiographie montre alors un dysfonctionnement ventriculaire gauche modéré. L’électrocardiogramme (ECG), immédiatement réalisé aux urgences, montre une anomalie souvent retrouvée dans le syndrome de Takotsubo (surélévation significative du segment ST). Un second ECG effectué 12 heures après l’admission montre une autre anomalie associée à cette cardiomyopathie (inversion de l’onde T). Le dosage sanguin d’un biomarqueur cardiaque (troponine T) montre un taux élevé : 424 ng/L (normale : 0-14 ng/L). La douleur thoracique cède à la prise de trinitrine en spray sublingual. La patiente est ensuite transférée dans le laboratoire de cathétérisme afin d’évaluer sa fonction cardiaque. L’examen radiographique des cavités ventriculaires révèlent alors une réduction de la fonction du ventricule gauche associée à des caractéristiques morphologiques évoquant un syndrome de Takotsubo. Réalisée deux jours après son admission, l’échocardiographie montre une détérioration sévère de la fonction du ventricule gauche. Celui-ci ne parvient plus à éjecter un volume suffisant de sang à chaque contraction. Le paramètre traduisant la force de contraction du ventricule gauche s’exprime en pourcentage du volume de sang présent dans le ventricule avant et après chaque contraction. La valeur normale est de ce qu’on appelle la « fraction d’éjection » est de 60 % à 70% et non de 100 %, dans la mesure où les cavités cardiaques n’expulsent pas la totalité du contenu en sang à chaque contraction. ils ne se vidangent donc jamais totalement. Chez cette patiente, la fraction d’éjection du ventricule gauche n’est que de 35 %, ce qui traduit une baisse très importante de performance de la pompe cardiaque. Stress intense après avoir mangé un aliment épicé Traitée médicalement* pour son dysfonctionnement ventriculaire gauche, elle est transférée dans un centre de réhabilitation cardiaque. Un mois plus tard, l’échocardiographie montre un retour à la normale, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche à 60 %. Comment la consommation de l’équivalent d’une pleine cuillère à café de wasabi a-t-elle pu entraîner un syndrome de Takotsubo ? Les auteurs l’ignorent mais émettent l’hypothèse que le condiment a pu provoquer un stress suffisamment intense pour déclencher la libération d’une grande quantité de catécholamines, des neurohormones sécrétées sous l’influence d’une hyperactivité du système nerveux autonome et qui se révèlent toxiques pour le cœur (perturbation de la microcirculation du myocarde, toxicité sur les cellules contractiles du muscle cardiaque). Selon Alona Finkel-Oron et ses collègues de l’hôpital universitaire Soroka de Beer Sheva, ce cas clinique exceptionnel montre que des aliments épicés sont susceptibles de provoquer une cardiomyopathie de Takotsubo, et ce en dehors de tout choc anaphylactique (réaction allergique sévère). Et de conclure que « des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes compliqués à l’origine de ce diagnostic mystérieux ». * Par inhibiteurs de l’enzyme de conversion, bêtabloquants et antagonistes de l’aldostérone. Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook) Toute reproduction interdite. Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle. Pour en savoir plus : Finkel-Oron A, Olchowski J, Jotkowitz A, Barski L. Takotsubo cardiomyopathy triggered by wasabi consumption: can sushi break your heart? BMJ Case Rep. 2019 Sep 20;12(9). pii: e230065. doi: 10.1136/bcr-2019-230065 Mansencal N, Dubourg O. Quel est le risque de Takotsubo chez la femme ? Presse Med. 2018 Sep;47(9):817-822. doi: 10.1016/j.lpm.2018.06.014 Ghadri JR, Wittstein IS, Prasad A, Sharkey S, Dote K, Akashi YJ, Cammann VL, Crea F, Galiuto L, Desmet W, Yoshida T, Manfredini R, Eitel I, Kosuge M, Nef HM, Deshmukh A, Lerman A, Bossone E, Citro R, Ueyama T, Corrado D, Kurisu S, Ruschitzka F, Winchester D, Lyon AR, Omerovic E, Bax JJ, Meimoun P, Tarantini G, Rihal C, Y-Hassan S, Migliore F, Horowitz JD, Shimokawa H, Lüscher TF, Templin C. International Expert Consensus Document on Takotsubo Syndrome (Part I): Clinical Characteristics, Diagnostic Criteria, and Pathophysiology. Eur Heart J. 2018 Jun 7;39(22):2032-2046. doi: 10.1093/eurheartj/ehy076 Kato K, Lyon AR, Ghadri JR, Templin C. Takotsubo syndrome: aetiology, presentation and treatment. Heart. 2017 Sep;103(18):1461-1469. doi: 10.1136/heartjnl-2016-309783 Yew KL, Kok VS. Exotic food anaphylaxis and the broken heart: sago worm and takotsubo cardiomyopathy. Med J Malaysia. 2012 Oct;67(5):540-1. LIRE aussi : Un fulgurant mal de tête déclenché par un des piments les plus forts du monde Quand un piment extra fort provoque un trou dans l’œsophage
Des médecins israéliens rapportent qu’une patiente a eu une défaillance cardiaque après avoir avalé une grande quantité de wasabi, pensant qu’il s’agissait d’avocat.
https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2019/09/25/syndrome-du-coeur-brise-apres-avoir-confondu-du-wasabi-avec-du-guacamole/
mlsum-fr-4860
Au premier plan, le capitaine Siya Kolisi après la demi-finale contre les Gallois, le 27 octobre à Yokohama. EDGAR SU / REUTERS Pourquoi l’Afrique du Sud dispute seulement sa septième édition de la Coupe du monde de rugby, sur neuf possibles ? Tout simplement parce que les organisateurs avaient refusé sa participation à la première, en 1987, puis parce que le pays abolissait à peine le régime raciste de l’apartheid, en 1991. Juin 1991, justement : naissance de Siyamthanda (dit « Siya ») Kolisi dans un township de Port Elizabeth. Le voilà aujourd’hui capitaine des Springboks. Un excellent troisième-ligne. Mais aussi, pour certains, le nouveau symbole d’un pays et d’une équipe nationale encore en train d’évoluer : le premier capitaine noir des Springboks. « On vient tous d’origines et de milieux divers », rappelle l’intéressé, sans pour autant en faire une question politique. Puis ce message aux spectateurs sud-africains : « Continuez à nous encourager, et on va continuer à donner tout ce que l’on a. » Des quotas Reste un match, cet automne. Le plus important de tous : une finale de Coupe du monde. L’Afrique du Sud affronte l’Angleterre, samedi 2 novembre, à Yokohama, au Japon. L’occasion d’égaler le record néo-zélandais avec un troisième titre mondial, après celui de 2007, déjà contre les Anglais, et surtout après celui de 1995. Cette année-là, le président Nelson Mandela remettait le trophée au capitaine, François Pienaar. Clint Eastwood en tirera bien plus tard un film à l’américaine, Invictus (2009). L’équipe comptait alors un seul joueur « non blanc » : le métis Chester Williams, mort en septembre d’une crise cardiaque, à 49 ans. « J’ai fait partie du plan de Mandela, et d’autres qui ont vu mon importance vis-à-vis de leur souci d’unir le pays », expliquait-il, pas dupe, au Monde, en 2015. La fédération sud-africaine de rugby a déjà, semble-t-il, voulu donner des gages. Depuis 2015, elle a introduit des quotas : pour chaque match, présence requise d’au moins sept joueurs non blancs sur vingt-trois. Elle avait aussi avancé l’objectif de parvenir à une sélection composée pour moitié de Noirs et de métis au Mondial 2019. Ce qui n’est pas encore le cas, l’équipe actuelle des Springboks comprenant vingt rugbymen blancs sur ses trente et un membres. Soit une proportion très largement supérieure à celle des Afrikaners, les descendants de colons, dans la société sud-africaine. « Toutes les personnes du pays, ou la plupart, peuvent maintenant s’identifier aux Springboks. » L’écrivain sud-africain Deon Meyer Sujet sensible, aujourd’hui encore. « Si quelqu’un joue pour la sélection nationale, il faut qu’il joue parce qu’il se trouve le meilleur à son poste, pas seulement en raison de la couleur de sa peau », juge l’ailier Cheslin Kolbe, l’un des joueurs métis de l’équipe. Le Monde l’avait rencontré en mai, à Toulouse, club où il évolue. Sans qu’il ait trop envie de raconter la période de l’apartheid et les souvenirs parentaux : « Une période différente. » Pour l’auteur de polar Deon Meyer, le « coup le plus intelligent » du sélectionneur national, Johan « Rassie » Erasmus, reste d’avoir confié le capitanat à Kolisi. Dans le quotidien L’Equipe, le romancier y voir un « facteur d’unité : toutes les personnes du pays, ou la plupart, peuvent maintenant s’identifier aux Springboks ». Lukhanyo Am et le capitaine Siya Kolisi, à Shizuoka, le 3 octobre. ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP Quand il a pris cette décision, en mai 2018, peu après sa prise de fonctions, Erasmus invoquait avant tout une logique sportive : « L’entraîneur n’est pas un homme politique. » Sous-entendu : pas là pour construire autre chose qu’une bonne équipe de rugby. Pas gagné, lorsqu’il a repris une sélection en pleine déprime après une défaite historique en Italie (18-20) ou une autre en Nouvelle-Zélande (0-57). Il y a un an, même la principale centrale syndicale du pays avait salué sa décision. Dans un communiqué, la Cosatu félicitait les Springboks pour « l’amélioration de leurs performances » après deux tests gagnés sur trois contre l’Angleterre. Surtout, elle appelait la fédération à poursuivre sa « transformation » : « C’est de cette façon que les Springboks doivent se comporter si nous voulons que tous les Sud-Africains soient derrière l’équipe. » Insultes et agression Plusieurs affaires, pourtant, ont déjà ramené l’équipe à des considérations extrasportives. Début octobre, des coéquipiers se rassemblent pour fêter une large victoire au premier tour du Mondial, contre l’Italie (49-3). Que des Blancs. Et d’un geste, François Steyn semble écarter Makazole Mapimpi, l’un des joueurs noirs des « Boks ». « Certaines personnes vont y voir quelque chose de mal. Je peux vous assurer que, en tant que coach, je ne permettrai jamais qu’un truc comme ça arrive », a assuré Erasmus, rejetant implicitement toute accusation de racisme. Selon l’entraîneur, la photo en question concernait uniquement des remplaçants de l’équipe, des membres de la bomb squad (« l’équipe de déminage »), comme ils se surnomment eux-mêmes. Même explication de Makazole Mapimpi, sur le réseau social Twitter, désamorçant toute polémique. Lire aussi Rugby : les six joueurs africains à suivre lors de la Coupe du monde Depuis cet été, autre affaire : le deuxième-ligne Eben Etzebeth fait l’objet d’une plainte pour insulte et agression racistes. Le futur Toulonais est accusé de s’en être pris à un sans-domicile fixe et d’avoir pointé une arme à feu sur lui, fin août. Niant les faits, il a déjà demandé « la révision et l’annulation » de cette procédure. C’est la commission sud-africaine des droits de l’homme qui l’a annoncé en plein Mondial, mi-octobre. Dans un communiqué, l’instance réfléchissait encore à « comment répondre ».
L’équipe sud-africaine compte onze joueurs noirs ou métis dans ses rangs, dont le capitaine Siya Kolisi, contre un seul en 1995. Mais le sujet reste sensible dans un pays marqué par l’apartheid.
https://www.lemonde.fr/rugby/article/2019/11/01/coupe-du-monde-de-rugby-2019-des-springboks-de-plus-en-plus-arc-en-ciel_6017745_1616937.html
mlsum-fr-4861
A Paris, en avril 2018. ERIC PIERMONT / AFP Combien coûteront les fréquences 5G ? Alors que l’Etat doit bientôt annoncer les modalités définitives de la procédure d’attribution des fréquences 5G – indispensables à Orange, SFR, Free et Bouygues Telecom pour lancer leurs réseaux de téléphonie mobile de dernière génération – et le prix plancher auquel il compte céder ce précieux spectre, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), Sébastien Soriano, a profité d’une audition au Sénat, mercredi 25 septembre, pour mettre en garde le gouvernement contre la tentation d’utiliser ces futures enchères pour renflouer les caisses de l’Etat. « Nous invitons le gouvernement à une certaine modération en ce qui concerne les redevances, et à bien conserver la ligne telle qu’elle nous a été définie dans sa lettre d’orientation, qui est de prévoir une généralisation de la 5G et de ne pas utiliser cette attribution pour générer des ressources pour l’Etat qui seraient très importantes. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Téléphonie mobile : le casse-tête des enchères 5G Entre 3milliards à 4 milliards d’euros Depuis plusieurs mois, l’inquiétude sur le coût des fréquences était palpable chez les quatre opérateurs français, qui n’ont eu de cesse d’appeler le gouvernement à éviter des enchères mortelles, afin de préserver leurs capacités d’investissement pour la construction de leurs réseaux télécoms. Un plaidoyer auquel Bercy, chargé du dossier, n’était, jusqu’à présent, pas resté insensible, assurant à diverses reprises vouloir trouver « un juste milieu », qui éviterait une saignée des opérateurs, comme en Italie ou en Allemagne où les enchères ont dépassé les 6 milliards d’euros. Selon nos informations, certaines voix au sein de l’Etat auraient pourtant remis la question sur la table, bataillant avec insistance pour imposer un prix de réserve entre 3 milliards et 4 milliards d’euros. Une somme nettement supérieure à ce qui était jusqu’à présent attendu (entre 1 milliard et 2 milliards). Mi-juillet, l’annonce, par le régulateur, d’un mécanisme d’attribution des fréquences en deux parties, avec, d’un côté, la vente de quatre blocs de fréquences identiques de 40, 50 ou 60 mégahertz à prix fixe et, de l’autre, des blocs de fréquences de 10 mégahertz mis aux enchères, avait conforté le secteur dans la velléité du gouvernement de prévenir toute flambée déraisonnable des prix lors de la vente. Les soutiens, au sein de l’Etat, en faveur d’une « maximisation des profits », qui souhaiteraient fixer un prix plancher d’au moins 100 millions d’euros par bloc de 10 mégahertz, ont toutefois mis à mal cette relative assurance.
Auditionné au Sénat, le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a exhorté le gouvernement à ne pas se montrer trop gourmand lors de la vente des fréquences aux opérateurs.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/26/encheres-5g-le-gendarme-des-telecoms-appelle-l-etat-a-la-moderation_6013091_3234.html
mlsum-fr-4862
Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif (à droite), à Téhéran, le 8 septembre. NAZANIN TABATABAEE / WEST ASIA NEWS AGENCY VIA REUTERS La question iranienne va dominer les travaux de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) qui s’ouvre lundi 23 septembre. Les chefs d’Etat et de gouvernement – ou au moins les ministres des affaires étrangères – des 193 Etats membres vont converger à New York à l’occasion de ce grand rendez-vous annuel de la diplomatie mondiale. « Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui de menace plus sérieuse pour la paix et la sécurité dans le monde que celle du Golfe. C’est clairement un domaine dans lequel le Conseil de sécurité a un rôle essentiel à jouer », a rappelé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. « Il y a l’urgence de tenter d’amorcer un processus de désescalade avec un relâchement de la pression maximale des Etats-Unis sur l’Iran et le relâchement de la stratégie de résistance maximale de Téhéran », souligne l’Elysée, assurant que ce sera l’une des priorités d’Emmanuel Macron à New York, qui rencontrera aussi bien le président américain Donald Trump que son homologue iranien Hassan Rohani. L’attaque imputée à l’Iran, le 14 septembre, des installations pétrolières saoudiennes du géant du pétrole Aramco laisse cependant bien peu d’espoir qu’une rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani se matérialise. « Un acte de guerre » L’idée n’en était pas moins sur la table, évoquée déjà lors du sommet du G7 à Biarritz, fin août, quand le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, était arrivé en invité surprise en marge de la rencontre. Il n’y avait certes eu aucune rencontre avec un représentant américain, mais Donald Trump, à la fin du sommet, avait affirmé être prêt à rencontrer, à New York, Hassan Rohani, lors de l’Assemblée générale de l’ONU. Le principe d’une rencontre bilatérale, voulue par la partie américaine, a finalement été abandonné du fait du refus des autorités iraniennes. On n’excluait pas, en revanche, l’hypothèse d’une réunion plus large impliquant, face au président iranien, les dirigeants des pays membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Royaume-uni, France, Russie, Chine) et de l’Allemagne. Le retrait des Etats-Unis de l’accord du 14 juillet 2015, mettant sous contrôle international et gelant le programme nucléaire de Téhéran, et le rétablissement de leurs sanctions – elles ont encore durci en mai –, ont précipité la crise actuelle, avec l’arraisonnement de pétroliers dans le détroit d’Ormuz, le désengagement gradué par la République islamique de certains des points de l’accord de 2015 et la reprise d’un enrichissement de l’uranium au-delà du seuil autorisé de 3,67 %.
Une entrevue entre le président américain Donald Trump et son homologue iranien Hassan Rohani, cette semaine à New York, semble compromise.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/09/22/les-tensions-avec-l-iran-s-imposent-a-l-assemblee-generale-de-l-onu_6012576_3210.html
mlsum-fr-4863
Le nom est autant un clin d’œil qu’un pari. Christophe Castaner a annoncé mardi 17 septembre, lors d’un déplacement à Marseille, la création du nouvel organisme chargé de coordonner la lutte contre les trafics de drogue, baptisé Ofast. L’acronyme est à la fois la contraction d’« Office antistupéfiants » et une référence indirecte aux « go-fast », ces livraisons transfrontalières de marchandises à l’aide de grosses cylindrées, prisées par les réseaux criminels. Les forces de l’ordre seront-elles capables de s’adapter à la vitesse à laquelle évoluent aujourd’hui les trafics de drogues ? C’est l’enjeu du plan « stup », qu’Emmanuel Macron appelait de ses vœux depuis mai 2018, et qui a été décliné par le ministre de l’intérieur en 55 mesures, mardi. Le défi paraît colossal face à « la menace mère », comme la qualifie Christophe Castaner, qui représente aujourd’hui en France, selon les autorités, un chiffre d’affaires d’environ 3,5 milliards d’euros par an et un « coût social » estimé à 8 milliards d’euros. Sans compter les nombreuses infractions et violences en tous genres que génèrent les luttes pour le contrôle du trafic. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les services de lutte contre les stupéfiants en passe d’être réformés En devenant l’unique chef de file de la lutte antidrogue, l’Ofast doit permettre de dépasser les querelles de chapelle entre les différents acteurs, que ce soit la direction centrale de la police judiciaire, les douanes, les gendarmes, les magistrats des juridictions interrégionales spécialisées ou encore les militaires. Cette nouvelle entité prendra, le 1er janvier 2020, la succession de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis), dissous après soixante-six ans de bons et (dé)loyaux services. Ces dernières années ont été entachées par de nombreuses polémiques sur les pratiques de ses agents, en particulier sur la gestion des indics et des livraisons surveillées, ces importations de marchandises réalisées sous l’œil des forces de l’ordre. L’ancien patron de l’Ocrtis, François Thierry, a même été mis en examen pour « complicité de trafic de stupéfiants » après avoir été épinglé en 2015. Réconciliation entre ministères Malgré ces scandales, la police nationale garde néanmoins la haute main sur le dispositif, en plaçant la contrôleuse générale Stéphanie Cherbonnier à la tête de l’Ofast. Les magistrats obtiennent le poste d’adjoint, avec la nomination de Samuel Vuelta Simon, jusque-là procureur de Bayonne – une part importante des trafics se font aujourd’hui en provenance de l’Espagne. Le symbole est fort : il est censé marquer la réconciliation entre le ministère de l’intérieur et de la justice sur ces thématiques – Christophe Castaner et Nicole Belloubet ont d’ailleurs fait le voyage ensemble à Marseille, en compagnie également de Laurent Nunez, le secrétaire d’Etat, et Gérald Darmanin, le ministre des comptes publics.
Le minsitre de l’intérieur, Christophe Castaner, a annoncé mardi la création d’un nouvel organisme, baptisé Ofast. La police nationale garde la main sur le dispositif.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/17/un-nouveau-plan-stup-pour-s-adapter-a-l-evolution-des-trafics_5511442_3224.html
mlsum-fr-4864
L’équipe de France s’est imposée 3-2, en finale de Fed Cup, contre l’Australie, dimanche 10 novembre, à Perth. TONY ASHBY / AFP Elles peuvent laisser éclater leur joie, Kristina Mladenovic et Caroline Garcia. Les deux leaders du tennis féminin tricolore ont apporté le point de la victoire à la France en finale de la Fed Cup contre l’Australie en remportant le double décisif face à Ashleigh Barty et Samantha Stosur 6-4, 6-3, dimanche 10 novembre, à Perth. C’est la troisième fois de l’histoire que les Françaises triomphent en Fed Cup, après 1997 et 2003. Elles restaient sur trois défaites en finale, en 2004, 2005 et 2016. Cette victoire, dès la première campagne de Julien Benneteau dans le rôle de capitaine, vient parachever la saison des retrouvailles entre Garcia et ses coéquipières. La numéro deux française a savouré, ce dimanche, à l’issue du match : « J’ai un peu de mal à réaliser parce qu’en trente-six heures, je suis passée par pas mal d’émotions, mais franchement, on avait dit qu’on allait la gagner toutes ensemble cette coupe, et voilà, c’est ce qu’on a fait toute l’année. On a apporté des points, aujourd’hui, c’est Kristina qui en apporte trois. On a gagné un double décisif, j’ai envie de dire que c’était écrit, qu’on gagnerait un double décisif même si on aurait voulu gagner en trois [matches] et s’éviter quelques sueurs froides, c’est comme ça. » Kristina Mladenovic a réagi à son tour : « J’ai tout donné, je suis complètement épuisée, je n’ai pas marché sur l’eau, j’ai bataillé, j’ai travaillé, il y a eu des passages moins bons, mais on est allées, toutes, les chercher. Ce week-end, les matches étaient tous de très haut niveau, et voilà, que ce soit ce week-end en Australie, [ou] toute la campagne, c’est un magnifique exemple de travail d’équipe. » « Je suis l’homme le plus fier de la planète », a lancé Julien Benneteau, juste après le match victorieux. Avant son arrivée au capitanat, Caroline Garcia n’avait plus mis les pieds en équipe de France depuis la défaite en finale en 2016 (3-2 contre la République tchèque). Avait suivi une brouille avec ses coéquipières, Mladenovic et Alizé Cornet notamment, après que la meilleure Française d’alors avait décidé de donner la priorité à sa carrière individuelle. Elle avait récolté un triple « LOL » ironique – signé de ses partenaires – sur les réseaux sociaux quand elle avait déclaré forfait, pour une blessure au dos, avant le match de barrage face à l’Espagne au printemps 2017. « Cela représente beaucoup d’émotion de partager cela avec Caroline », a déclaré Kristina Mladenovic, à l’issue de la victoire française. Pour sceller définitivement leur réconciliation, les deux joueuses se sont allongées cote à cote sur le court après la balle de match. Exploit de Mladenovic face à Barty Mais si Caroline Garcia a fait beaucoup pour les Bleues aux deux précédents tours cette saison, c’est Kristina Mladenovic qui les a portées tout au long du week-end de la finale. Au lendemain de sa victoire expéditive contre la numéro 2 australienne Ajla Tomljanovic (6-1, 6-1), « Kiki » a signé un des exploits les plus retentissants de sa carrière en renversant la numéro 1 mondiale Ashleigh Barty sur ses terres dimanche matin, au bout de plus de deux heures trente minutes de combat, dans un match à rebondissements. « C’est un des moments les plus forts de ma carrière », reconnaît Mladenovic. Irrésistible la veille face à Garcia, étouffée (6-0, 6-0) en cinquante-six minutes, Barty est parfaitement entrée dans le match, avec quatre aces dans ses deux premiers jeux de service et un break d’entrée, pour mener 3-0. Si bien qu’à ce moment-là, elle n’avait pas perdu le moindre jeu de la finale. Mais Mladenovic n’a pas baissé les bras et, après avoir écarté une balle de 5-3 dans le deuxième set, a égalisé à une manche partout. Dans une fin de match à haute tension, « Kiki » a servi pour le gain de la rencontre après un break blanc, à 5-4. Mais elle a connu le même sort au pire moment. Au jeu décisif en revanche, elle n’a laissé aucune chance à la numéro 1 mondiale, qui n’a plus marqué qu’un point et a fini par payer ses 47 fautes directes. Lire aussi Tennis : opération rachat pour les Bleues en finale de la Fed Cup Pauline Parmentier, préférée à Garcia pour le quatrième simple, n’a, elle, jamais vraiment mis en danger Tomljanovic, victorieuse (6-4, 7-5), ce qui a permis à l’Australie de rester en course dans cette rencontre. Mais, comme en demi-finale, l’association Mladenovic-Garcia en double a trouvé les ressources pour aller conquérir le point de la victoire en Fed Cup, dont la formule changera à partir de la saison prochaine. Un scénario du bout du monde qui rappelle le triomphe de leurs homologues masculins en Coupe Davis en 2001. A Melbourne, dans la Rod Laver Arena, les Bleus étaient eux aussi venus à bout de l’Australie et d’un numéro 1 mondial, en l’occurrence Lleyton Hewitt, sur le même score, trois victoires à deux.
La France remporte le trophée pour la troisième fois après 1997 et 2003, au terme d’un double décisif opposant Mladenovic et Garcia aux Australiennes Barty et Stosur, dimanche à Perth.
https://www.lemonde.fr/tennis/article/2019/11/10/fed-cup-grace-a-kristina-mladenovic-la-france-n-est-plus-qu-a-un-point-de-la-victoire-en-finale_6018666_1616659.html
mlsum-fr-4865
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire (à gauche), et le président de France Industrie, Philippe Varin, à Bercy, en février 2018. ÉRIC PIERMONT / AFP La « politique industrielle » n’est plus un gros mot, elle est même de retour, avec un Etat qui se pose en catalyseur. Le président de la République, Emmanuel Macron, doit préciser, en janvier 2020, le contenu du « pacte productif pour le plein-emploi en 2025 », une initiative qu’il avait lui-même annoncée, le 25 avril, à la fin du grand débat postcrise des « gilets jaunes ». Ce pacte sera négocié entre l’Etat, les collectivités locales et les entreprises, dans un contexte menaçant : le ralentissement de la croissance – notamment dans la zone euro – menace la timide reprise de l’emploi industriel depuis deux ans et demi (+ 23 000 emplois en un an dans le privé). C’est dans cette perspective que Philippe Varin, président de France Industrie, qui regroupe 62 grandes entreprises industrielles, et son vice-président, Philippe Darmayan, ont présenté, jeudi 7 novembre, une série de mesures nécessaires, selon eux, pour moderniser l’appareil productif et le rendre plus compétitif pour y attirer des emplois. Malgré les progrès enregistrés sous les trois derniers quinquennats, et reconnus par les présidents d’Orano (ex-Areva) et d’ArcelorMittal France, le « choc de compétitivité » préconisé en 2012 par le rapport Gallois n’est toujours pas au rendez-vous. France Industrie insiste particulièrement sur l’emploi, les compétences et la formation. Les allégements de charges salariales bénéficient surtout aux salariés peu qualifiés et mal payés, dominants dans les services ; elle souhaite leur extension jusqu’à 3,5 smic pour favoriser les emplois industriels plus qualifiés. De son côté, le secteur s’engage à accroître de 50 % l’alternance et l’apprentissage d’ici à 2023, à développer l’identification de profils de jeunes au plan régional et sectoriel, à ouvrir des CFA en partenariat entre les entreprises, les organismes privés de formation et les universités. Ou à « promouvoir massivement l’image de l’industrie auprès du grand public et des jeunes ». « On n’a pas franchement été entendus sur ce point » L’autre priorité des industriels porte sur la compétitivité. « La question, fondamentalement, reste posée, juge M. Varin. Sans la restaurer, il ne peut y avoir de pacte productif robuste et crédible, car la montée en gamme prend du temps. » Aussi réclame-t-il au gouvernement, à l’image de ce qu’il fait pour la baisse de l’impôt sur les sociétés, « une trajectoire ambitieuse de réduction des coûts » de 20 milliards d’euros sur cinq ans des 80 milliards d’impôts de production versés par les entreprises avant même d’avoir fait le moindre bénéfice, soit sept fois plus que leurs concurrentes allemandes. C’est, selon lui, « un minimum, pour que le pacte soit crédible ». « On n’a pas franchement été entendus sur ce point jusqu’à présent », regrette l’ex-patron de PSA, qui n’ignore rien des faibles marges de manœuvre budgétaires de l’Etat, dont le déficit atteint 100 milliards d’euros. Aucun allégement n’est prévu dans la loi de finances 2020, mais le gouvernement devrait s’engager sur une baisse à partir du budget 2021. Le principe en est acquis, a déjà annoncé Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire. La fédération des industriels préconise une baisse de la fiscalité générale et locale, avec, en priorité, la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Il faudrait alors compenser 3,8 milliards d’euros à la Sécurité sociale, déjà pénalisée par le plan décidé par M. Macron pour sortir de la crise des « gilets jaunes ». France Industrie plaide aussi pour une réduction significative de deux impôts rapportant 25 milliards d’euros aux collectivités locales : la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Et là, ce sont les communes, les départements et les régions, déjà hostiles à la suppression de la taxe d’habitation, qu’il faudra convaincre. Un ancrage territorial primordial Par ailleurs, les industriels souhaitent « une mesure massive de soutien à l’investissement ». Objectif : financer des nouvelles usines ou leur extension, tout comme l’innovation et l’accélération de la transition numérique et environnementale, où l’appareil productif français accuse du retard. Elle estime que l’Etat devrait autoriser les collectivités à moduler la fiscalité locale, à l’exemple des zones franches. Ou voter une mesure de suramortissement massive. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La Toyota Yaris, ou l’exception du « made in France » dans l’automobile L’industrie française doit, selon France Industrie, s’inscrire dans des chaînes de valeurs prioritaires pour l’Union européenne (intelligence artificielle, batteries automobiles, hydrogène…), notamment pour pouvoir bénéficier des aides du programme « Horizon Europe » 2021-2027. Mais son ancrage territorial est aussi primordial, rappellent les industriels et le gouvernement. Le premier ministre a lancé, il y a un an, le programme « Territoires d’industrie », 144 bassins où élus et chefs d’entreprise travaillent au renforcement d’écosystèmes productifs. Edouard Philippe en fera un premier bilan, le 14 novembre, à l’occasion de la manifestation L’Usine extraordinaire, organisée à Marseille, un an après celle du Grand Palais, à Paris. Le succès de pôles anciens (Vitré, Figeac…) le confirme : près de la moitié de la réussite industrielle d’un territoire tient à la mobilisation et la coordination de ses acteurs.
Le président de la République précisera, en janvier, les moyens que l’Etat est prêt à mobiliser pour la réussite du « pacte productif » en faveur du plein-emploi.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/11/08/l-industrie-francaise-reclame-20-milliards-d-euros-d-impots-de-production-en-moins_6018476_3234.html
mlsum-fr-4866
La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, s’exprime lors de son audition devant le Parlement européenne, à Bruxelles, le 8 octobre. ARIS OIKONOMOU / AFP Que faire pour s’assurer que les GAFA respectent la concurrence, si on ne les démantèle pas ? L’Union européenne (UE) a infligé à Google des amendes record – 8,2 milliards d’euros pour ses actifs Google Shopping, Android et AdSense, tandis que les Etats-Unis ont sanctionné Facebook à hauteur de 5 milliards de dollars (4,48 milliards d’euros) pour défaut de protection des données. Mais ces sanctions sont désormais jugées trop indolores pour Google, Amazon, Facebook et Apple et leurs quasi 700 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Beaucoup plaident pour ouvrir une troisième voie. « Les amendes ne sont pas une arme absolue, a résumé Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, le 8 octobre. Nous cherchons des remèdes encore plus forts. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Face aux appels à « casser » Google, Facebook, Amazon ou Apple, les défis du démantèlement Encadrer les rachats d’entreprises « Une priorité est de revoir les règles d’autorisation des acquisitions d’entreprises », explique Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, citant l’exemple des rachats de WhatsApp et Instagram par Facebook. Les autorités ont une vision trop étriquée des marchés : elles devraient apprécier le « pouvoir de marché » et la constitution de « grands ensembles d’utilisateurs », pense-t-elle. Instagram et WhatsApp réalisaient lors de leur rachat peu de chiffre d’affaires, mais ont permis à Facebook de cumuler aujourd’hui 2,7 milliards d’utilisateurs. A ce titre, leur rachat aurait pu être interdit. Aux Etats-Unis, l’association des procureurs des Etats a suggéré, en juin, à l’autorité de la concurrence américaine (FTC) d’imposer aux géants du numérique de notifier toutes leurs acquisitions ou tout rachat d’une jeune entreprise. L’idée est d’éviter que des deals passent sous les seuils de notification, formulés en chiffre d’affaires. Certains proposent de plutôt regarder le montant du rachat. L’ex-investisseur de Facebook Roger McNamee voudrait, lui, interdire aux GAFA d’entrer sur de nouveaux marchés : villes connectées, monnaie numérique, etc. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pour un ex-investisseur de Facebook, « il est vital de lutter contre les monopoles » des géants du Web Réglementer l’usage des données Un des remèdes envisagés par les autorités américaines est de rendre obligatoire la transparence sur les données collectées auprès des utilisateurs. Voire de créer une agence chargée de contrôler leur usage. Les Etats-Unis se doteraient ainsi d’une législation inspirée de l’Europe et son règlement général de la protection des données (RGPD). En France et en Europe, où le RGPD est entré en vigueur en mai 2018, il faut en faire « un bilan », afin de voir s’il faut de nouvelles règles pour éviter une « collecte démesurée » de données, estime Mme de Silva. En Allemagne, l’autorité de protection de la vie privée a innové en interdisant à Facebook de croiser les données de WhatsApp ou Instagram sans consentement.
De nombreux acteurs plaident pour imposer une voie médiane entre un démantèlement et les amendes infligées à Google, Amazon, Facebook et Apple.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/22/rachat-d-entreprises-donnees-plates-formes-quelles-nouvelles-regles-pour-les-gafa_6016425_3234.html
mlsum-fr-4867
Dana Hastier, ancienne directrice exécutive de France 3, le 4 décembre 2017 au siège de France Télévisions à Paris. STEPHANE DE SAKUTIN / AFP Virage sur l’aile chez Radio France. Sibyle Veil a confirmé, lundi 24 juin, le départ de Guy Lagache, nommé il y a un an au poste de directeur délégué aux antennes. L’ex-présentateur star de l’émission « Capital », diffusée sur M6, sera remplacé par Dana Hastier, qui a quitté France Télévisions en 2018. Pourquoi un départ aussi rapide ? Au sein de la direction, on préfère botter en touche. « C’est un moment charnière pour Radio France, avec la présentation du projet stratégique 2022. Sibyle Veil a estimé que l’expérience de Dana Hastier serait un atout dans [sa] mise en œuvre », explique-t-on, tout en niant avoir commis une « erreur de casting ». Sibyle Veil, qui assurait encore au Monde, début juin, être entourée « d’une équipe soudée », affronte une première déconvenue. Ce recrutement était le premier acte fort de son mandat. Le journaliste de télévision, passé par l’agence CAPA, M6, et Direct 8 (devenu C8, propriété de Vincent Bolloré) était censé faire vivre le projet de « média global » de la présidente, en faisant exister les contenus du groupe public sur tous les supports (smartphones, vidéos, enceintes connectées…). Contexte particulier Les deux parties ont eu des difficultés à collaborer et ont, de bonne source, signé un accord de rupture dès avril. « Il y a des binômes qui fonctionnent plus ou moins, voilà tout », a confirmé Guy Lagache à L’Opinion. « C’est un univers très technocratique. Guy Lagache n’avait plus envie de travailler dans un ministère de la radio », explique une source bien informée. Le journaliste aurait même anticipé son départ de quelques jours, en raison de désaccords avec « la technostructure » de Radio France. Comprendre Sibyle Veil et son entourage. « Il ne fait pas partie du sérail, d’où la difficulté et les tirs de barrage », explique un cadre de la Maison de la radio. Au cœur des crispations du directeur d’antenne, la manière de diriger de Sibyle Veil, soupçonnée d’adapter ses décisions en fonction d’un agenda politique, au détriment de l’intérêt seul de la radio. Il faut dire que la présidente navigue dans un contexte particulier. Non seulement elle doit mener un plan drastique d’économies en raison de la baisse des dotations publiques, mais, en plus, le gouvernement a prévu de réformer la gouvernance de l’audiovisuel public. Un projet de loi doit être adopté en 2020. Parmi les pistes envisagées, la création d’une holding chapeautant notamment France Télévisions et Radio France. Lire aussi France 3 reprend du souffle Une habituée du service public Il est vrai que, pour Guy Lagache, la mayonnaise a eu du mal à prendre. L’arrivée d’un spécialiste de l’image sans expérience radio avait suscité des remous en interne. Accueilli au lance-flammes, comment le fringant quinquagénaire pouvait-il faire entendre sa voix auprès des puissants patrons des antennes, comme Laurence Bloch (France Inter) ou Sandrine Treiner (France Culture) ? « C’était compliqué au départ, car il n’avait pas la légitimité de la radio », confirme une source. « Il commençait à s’imposer ici », modère un cadre. Contrairement à Guy Lagache, Dana Hastier, même si elle est également sans expérience radio, est une habituée du service public, où elle a passé trente ans. Entre 2014 et 2018, elle a été directrice exécutive de France 3, après avoir dirigé les unités documentaires de France 2 et de France 3. Auparavant, elle est passée par le Centre national du cinéma et de l’image animée, l’Institut national de l’audiovisuel et Arte. Aidera-t-elle Sibyle Veil à enrayer la gronde sociale qui traverse la Maison de la radio ? La présidente doit économiser 60 millions d’euros et mener un plan de réduction des effectifs compris entre 270 et 390 postes d’ici trois ans. La pilule passe mal auprès des salariés. Le 18 juin, une première journée de grève a été très suivie. Dimanche 23 juin, Charline Vanhoenacker a résumé l’amertume ressentie en interne. « Je suis en colère, car je ne comprends pas pourquoi, alors qu’on a d’excellents résultats, on coupe les budgets ? A quoi ça sert d’être premier, si on veut te saborder ? On va devoir faire quoi de plus ? Ouvrir un centre commercial ? On ne vole pas nos congés. C’est tellement injuste », s’est désolée, dans Le Parisien, l’humoriste belge de France Inter. « Sibyle et Guy », sa pastille humoristique réalisée avec Alex Vizorek, parodiant le tandem à la tête de la Maison de la radio, n’aura finalement duré qu’une saison. Pour ne rien manquer de l’actualité économique Cet article est paru dans notre newsletter « La lettre éco ». Si vous êtes abonné au Monde, vous pouvez vous inscrire à cette lettre quotidienne en suivant ce lien. Chaque jour à 12 h 30, vous y retrouverez les informations du Monde et son regard sur l’actualité économique, à travers notamment la chronique « Pertes & profits ».
La présidente de Radio France avait choisi Guy Lagache pour le poste de directeur délégué aux antennes, mais le tandem n’a pas fonctionné. Il sera remplacé par Dana Hastier.
https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2019/06/24/dana-hastier-remplace-guy-lagache-a-la-direction-des-antennes-de-radio-france_5480910_3236.html
mlsum-fr-4868
Eric Drouet, l’une des figures des « gilets jaunes », à Paris, le 1er juin. FRANCOIS GUILLOT / AFP En cette fin d’année scolaire, c’est à un moment clé pour le mouvement que se tient, samedi 29 et dimanche 30 juin, la troisième « assemblée des assemblées » des gilets jaunes. Après Commercy (Meuse) en janvier et Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) en avril, 200 délégations de toute la France sont attendues à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) pour débattre, notamment, de l’avenir du mouvement. La façon de « s’ancrer dans la durée » et de « résister victorieusement à la répression politique qui prend des formes judiciaires et policières » figurent parmi les six axes de travail retenus dans un document préparatoire au rassemblement. Constatée depuis le printemps mais longtemps contestée par les « gilets jaunes », la décrue de mobilisation dans les cortèges chaque samedi ne fait désormais plus débat. La fermeté de la réponse policière, qui a engendré de violents heurts entre manifestants et forces de l’ordre, ainsi que des milliers d’interpellations chaque week-end, a dissuadé nombre de « gilets jaunes » de manifester. Parallèlement, certaines figures du mouvement ne cessent, depuis les violences du 16 mars sur les Champs-Elysées, de questionner l’utilité de ces marches. « Ça nous a apporté strictement rien ! Le samedi, en fin de journée, je ne vois personne reçu par le gouvernement pour discuter de quoi que ce soit. Donc faut arrêter ça », notait ainsi il y a quelques jours l’une des figures médiatiques des « gilets jaunes », Eric Drouet, sur YouTube. « Qui vote encore pour Macron ? » Depuis plusieurs mois, ce dernier plaide pour que le mouvement se réoriente vers des actions de blocage de l’économie, des péages aux raffineries. Pour le samedi 22 juin, de nombreux appels en ce sens avaient circulé sur les réseaux sociaux, Eric Drouet espérant que la journée marquerait « le début d’un nouveau mouvement ». Si la mobilisation a connu un léger regain (11 800 manifestants, selon le ministère de l’intérieur, 25 500, selon les décomptes des « gilets jaunes ») et quelques blocages notables, comme celui du port de Saint-Malo, la journée n’a pas été le tournant attendu par les intéressés. Les « gilets jaunes » ont également pris acte du score de la liste LRM-MoDem aux élections européennes. Le 26 mai au soir, un certain nombre d’entre eux faisaient part de leur surprise devant les 22 % de la liste Renaissance. « Mais qui vote encore pour Macron ? », s’étonnait ainsi, consternée, une mère de famille rouennaise.
Deux cents délégations de « gilets jaunes » seront rassemblées samedi et dimanche à Montceau-les-Mines pour débattre de l’avenir du mouvement.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/28/en-declin-les-gilets-jaunes-cherchent-a-se-reinventer_5482881_3224.html
mlsum-fr-4869
Des touristes français dans le quartier de l’Alfama, à Lisbonne, au Portugal. Ron Dahlquist/Destinations / Design Pics / Photononstop Attirés par le soleil, des paysages idylliques, un coût de la vie moindre, une fiscalité allégée, motivés par une soif d’aventure, voire, parfois, par un rejet de la France, beaucoup de seniors songent à s’expatrier. Si les motivations sont diverses, la condition pour que l’expérience ne se solde pas par une désillusion et un retour rapide est constante : une préparation minutieuse, sans idéaliser le projet. Oui, certaines destinations permettent de réduire la note fiscale, mais c’est loin d’être systématique. Non, votre départ ne sera pas sans incidence juridique en cas de divorce ou de décès sur place. Et en tordant le cou aux idées reçues. Car oui, certains pays offrent l’opportunité de vivre mieux de ses pensions. Encore faut-il consommer local, ne pas brûler l’économie engendrée en billets d’avion pour la France et prendre en compte toutes les dépenses, santé comprise. Non, il n’est pas simple de s’improviser papy à distance, les difficultés liées à la séparation d’avec ses proches sont souvent sous-estimées. Oui, certaines destinations permettent de réduire la note fiscale, mais c’est loin d’être systématique. Non, votre départ ne sera pas sans incidence juridique en cas de divorce ou de décès sur place. Introspection « Non, même au soleil tout ne sera pas rose, et vous traverserez à coup sûr une phase de désenchantement après la lune de miel avec votre nouvelle vie », ajoute Paul Delahoutre, auteur des guides Retraite sans frontières (DL Books, 2018). « Et non, martèle-t-il encore, un super séjour dans un club, les pieds sous la table à la bonne saison, ne suffit pas à décréter que vous vous plairez dans la région. » Car choisir la « bonne » destination est le point le plus délicat. Un sérieux travail d’introspection s’impose pour questionner vos priorités. Savoir ce que vous pouvez accepter ou pas. Vous faire davantage plaisir au quotidien est-il primordial ? A quelle fréquence pensez-vous rentrer ? L’immersion dans une autre culture est-elle une source d’intérêt ou d’angoisse ? Etes-vous prêt à apprendre une nouvelle langue ? Rester entouré de francophones, c’est important ? Les pays intéressant le plus les Français peuvent être regroupés en trois grands ensembles, note M. Delahoutre, également auteur d’un palmarès annuel sur la retraite à l’étranger. Pour les plus frileux en termes d’éloignement, dépaysement et démarches administratives, cap sur l’Europe du Sud. En gardant en tête que ce n’est pas ici que vous vivrez comme un pacha avec une minipension. Selon les calculs de notre expert, un couple de retraités installé au Portugal ou en Grèce dépensera en moyenne 18 % de moins au quotidien, 7 % en Espagne. Des gains plus alléchants sont réalisables dans des contrées lointaines et exotiques, comme la Thaïlande (51 % d’économies), Bali ou la République dominicaine – parfait pour ceux qui rêvent d’une villa avec piscine, d’employés de maison ou de restaurants au quotidien, et qui ne pourraient se le permettre en France. Option intermédiaire entre l’Europe et le bout du monde : le Maghreb. Ainsi, le Maroc laisse entrevoir en moyenne 29 % d’économies. Autres atouts de la région : la francophonie et le climat, avec la possibilité d’hivers plus doux qu’en Europe du Sud, mais sans les saisons humides et les épisodes climatiques violents caractéristiques des pays tropicaux. Quid de la motivation fiscale ? Savoir comment vous serez imposé est loin d’être simple, le sujet mérite une étude détaillée. Mais pour éviter toute déception, la taxation ne devrait rester que la cerise sur le gâteau quand il s’agit de projet de vie, surtout à un âge avancé. D’autant que les règles d’imposition sont instables. Ne partez pas sans un vrai désir de vivre dans le pays, partagé si vous êtes en couple. Si les modalités fiscales évoluaient, souhaiteriez-vous toujours autant y lézarder ? Et si le taux de change variait et que le pouvoir d’achat de vos pensions s’amoindrissait ? Pour mettre à l’épreuve cette envie, immergez-vous en trois étapes, conseille M. Delahoutre : « Commencez par une découverte de deux semaines à l’hôtel et rayonnez dans le pays à la recherche de votre coin de paradis. Poursuivez par un long séjour d’expérimentation, testez idéalement toutes les saisons, en conditions réelles, donc en prenant le bus, en allant chez le médecin, au marché. » De quoi affiner aussi vos perspectives d’économies – vous saurez si vous avez besoin d’une voiture, si les denrées locales vous suffisent, combien coûtent transport, eau, gaz, Internet, téléphone. « Dernière étape : un voyage de préinstallation pour lancer les démarches de droit de séjour ou d’ouverture de compte en banque, chercher un logement. Il est prudent, dans certains Etats, de se contenter de louer car l’achat de son chez-soi est truffé de pièges – professions d’agent immobilier peu cadrées, lois protégeant moins l’acheteur, titres de propriété douteux, restrictions de propriété pour les étrangers, etc. », complète M. Delahoutre. Place à l’administratif Décidé ? Place à l’administratif ! Préalable : vérifier les conditions de séjour dans le pays. Accorde-t-il un visa spécial aux seniors ? A quelles conditions ? Autre préoccupation : la couverture maladie. Sujet ardu et onéreux ! Les possibilités sont multiples, choisissez en fonction du coût et de la qualité des soins sur place. Dans l’espace économique européen et quelques autres pays, vous pourrez être rattaché à la sécurité sociale locale. Vérifiez le niveau de couverture et pensez à une complémentaire. Ailleurs, la question de cotiser à la Caisse des Français de l’étranger se posera, ou, là encore, celle d’une assurance privée. A savoir : vous pourrez généralement profiter de l’Assurance-maladie hexagonale lors de vos séjours en France. Pour éviter les mauvaises surprises juridiques, consultez enfin un notaire ou un avocat, qui travaillera souvent en duo avec un juriste local. Si vous mourez à l’étranger, qui héritera de vos biens et comment s’effectuera le partage ? « Par défaut, la loi qui régira l’ensemble de la succession sera souvent celle du pays de la dernière résidence habituelle du défunt, alerte maître Alain Devers, avocat au barreau de Lyon. La loi étrangère pourra par exemple être moins protectrice pour votre conjoint. » La solution ? Avant de partir, choisir sa loi successorale. « Attention, ce ne sera pas forcément toujours respecté hors des 25 pays européens qui se sont engagés à le faire », précise Jean Gasté, notaire à Nantes. « Et pour les conjoints homosexuels, des dispositions testamentaires sont requises pour les pays ne reconnaissant pas leur union », prévient Me Devers. Précautions indispensables Autres précautions : choisir la loi qui s’appliquera en cas de divorce, sinon ce sera celle de la résidence habituelle des époux qui prévaudra ; s’assurer que son contrat de mariage sera reconnu localement ; fixer son régime matrimonial si l’union a été célébrée sans contrat entre 1992 et janvier 2019, pour ne pas risquer de se voir appliquer automatiquement, au bout de dix ans dans le pays, le régime matrimonial légal de ce dernier. Pas d’obstacle en revanche au versement de vos pensions à l’étranger, à condition d’avoir prévenu vos caisses puis de fournir chaque année les certificats de vie demandés. A l’automne, cette démarche devrait s’alléger : il devrait enfin être possible de renvoyer ce document en une fois à tous vos régimes, via Internet. Les pensions des non-résidents fiscaux sont exonérées de CSG et de CRDS, mais une cotisation d’assurance-maladie s’applique.
Beaucoup de seniors y pensent, mais peu osent sauter le pas. S’expatrier au moment de la retraite nécessite une véritable préparation.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/06/12/beaucoup-de-seniors-en-revent-peu-oseront-comment-reussir-sa-retraite-a-l-etranger_5474963_1657007.html
mlsum-fr-4870
Brieuc tient une chaîne YouTube (« Bric-à-Brac de Brieuc »), et se considère comme non-binaire. A Paris, le 11 mars. SAMUEL KIRSZENBAUM / MODDS Non-binaire, « gender fluid », « agenre », trans… dans les lycées et sur les réseaux sociaux, de plus en plus de jeunes gens se définissent en dehors de la dichotomie fille-garçon majoritaire. Les professionnels, intervenants scolaires, qui côtoient les adolescents le disent : ces dernières années, ils sont bien davantage confrontés à de telles situations – qui restent très minoritaires. En février, à Albi, un lycéen qui se rendait en classe avec du fard à paupières et des chaussures à talons a ainsi défrayé la chronique. Son apparence a déplu à une mère d’élève du collège de son groupe scolaire, qui s’est ensuite plainte à l’établissement. Le lycée a réagi en demandant à Alexis d’être « un peu moins maquillé par rapport à ce jeune public », a expliqué la principale du lycée Bellevue sur France 3. Trouvant la situation « aberrante », le jeune homme a partagé son histoire, et son visage, sur les réseaux sociaux. Quelques jours plus tard, ses camarades, filles comme garçons, ont exprimé leur solidarité en se maquillant eux aussi pour aller en cours. Autre scène, à plusieurs milliers de kilomètres d’Albi, le 18 mai. Coiffé d’une longue perruque blonde et d’un costume blanc brillant, Bilal Hassani, candidat français à l’Eurovision, chante « Je suis pas dans les codes, ça dérange beaucoup (…) ce qu’on est, on ne l’a pas choisi ». Le jeune homme, qui assume à la fois son homosexualité, le port de perruques et de maquillage, a reçu un torrent d’insultes sur les réseaux sociaux depuis qu’il a accédé à une certaine notoriété. « Entre deux identités de genre » Brouiller les pistes, se jouer des normes, au risque de choquer une société largement construite sur la division en deux catégories, femelle et mâle. Sans se connaître, ces deux jeunes gens illustrent chacun un phénomène de plus en plus visible et médiatisé, qui bouleverse les représentations traditionnelles du masculin et du féminin. Davantage que leurs aînés, dont certains ont grandi dans une société où l’homosexualité était pénalement répréhensible (jusqu’en 1982), les jeunes générations revendiquent aujourd’hui une identité qui prend des formes multiples, même si cela ne va toujours pas sans douleur. L’adolescence, cette période où l’on cherche son identité, s’accommode bien de ce foisonnement rendu visible par l’émergence de tout un vocabulaire, venu du monde anglo-saxon, notamment repris par les associations LGBT et accessible sur les réseaux sociaux. Qu’ils se disent transgenres, non-binaires, « gender fluid », « pour les adolescents aujourd’hui, tout est possible. Ce n’est plus aussi évident qu’on est soit garçon soit fille », résume Alix Teffo-Sanchez, professeure dans le secondaire, qui a entrepris une thèse de géographie sociale sur la construction de l’identité à travers la perception du genre.
Les jeunes générations jouent davantage des identités de genre. Une pratique qui reste très minoritaire mais se heurte bien souvent à l’incompréhension ou au rejet.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/08/non-binaire-gender-fluid-trans-des-ados-ni-tout-a-fait-filles-ni-tout-a-fait-garcons_5473461_3224.html
mlsum-fr-4871
Stuart Kinlough/Ikon Images/Photononstop Chronique « Phil’ d’actu ». Les jeunes actifs entretiennent un rapport ambigu à la question du travail. D’un côté celui-ci cristallise beaucoup d’attentes et d’investissement. D’un autre côté, les jeunes paraissent de moins en moins enclins à accepter n’importe quel emploi, encore moins à lui consacrer toute leur énergie. Le travail est aujourd’hui porteur de nombreuses questions et de souffrances. Le stress au travail est devenu une véritable préoccupation pour les salariés, les entreprises, et même l’Etat, puisqu’il coûterait chaque année environ 3 % du PIB français. Au désormais bien connu burn-out (épuisement professionnel) on peut ajouter le bore-out (épuisement par l’ennui) ou encore le brown-out (perte de sens). Enfin, le tableau ne serait pas complet sans les troubles dont témoignent de nombreux chômeurs et retraités : même l’absence de travail est une source de souffrance. Pourtant, dans la société actuelle, le travail est ce qui nous définit, à nos propres yeux et à ceux des autres. Il nous procure la capacité d’avoir ce qu’il faut pour vivre et exister socialement. Il nous donne une raison d’être. C’est ce qu’illustre un sondage Deloitte-Viadéo datant de 2017 : le sens du travail est une préoccupation pour 87 % des salariés interrogés, d’autant qu’ils sont 56 % à affirmer qu’il se dégrade. Selon les classes sociales, les niveaux de rémunération, les types d’emplois, etc., on ne met pas nécessairement la même idée derrière le terme de « sens ». Mais ce qui est clair, c’est que c’est par le travail qu’on attend d’être reconnu par les autres, de se rendre utile à la collectivité et de se sentir valorisé (1). Autrement dit, le « faire » (ce en quoi consiste notre travail), l’« être » (comment il nous définit) et l’« avoir » (les biens et les droits auxquels il nous permet de prétendre) se confondent. Et cela ne va pas sans poser de problèmes. La crainte de perdre en « être » et en « avoir » peut empêcher de quitter un emploi aliénant ou absurde. De nombreux travailleurs consacrent ainsi toute leur énergie dans des tâches qu’ils détestent et qui les font souffrir, dans ce que David Graeber a appelé des bullshit jobs (jobs à la con) (2). Ce phénomène touche de nombreux jeunes actifs, réduits à enchaîner les stages sans intérêt ou à accepter un emploi pour lequel ils sont surqualifiés. Ce n’est pas seulement la peur du chômage qui les anime, mais un sincère désir de bien faire et d’être ainsi reconnu par la société, leurs collègues et leurs supérieurs. A l’inverse, on assiste à un retour en force des métiers et de l’artisanat, notamment auprès de jeunes cadres, c’est-à-dire à une revalorisation du faire. Contre la taylorisation des tâches, à l’usine comme au bureau, ils désirent se livrer au quotidien à des gestes qui ont un sens pour eux. On retrouve un désir similaire dans les activités de « semi-loisir » que sont le jardinage, le tricot, le bricolage, ou encore dans la bonne santé du bénévolat en France. Au-delà de la rémunération, tout se passe comme si on ne pouvait se « sentir être » autrement qu’en faisant quelque chose : ne rien faire, c’est n’être rien. Le travail comme seul horizon Que le « faire », l’« être » et l’« avoir » s’entremêlent dans le travail nous paraît évident. Or ce n’est pas le cas, ne serait-ce que parce qu’il n’en a pas toujours été ainsi. On peut même y voir une des causes des « nouvelles » maladies professionnelles (3) : le travail, aujourd’hui, est surinvesti par rapport aux autres aspects de la vie. Peut-être attendons-nous trop de choses de notre travail. Par exemple qu’il nous « réalise », qu’il nous « émancipe ». Avant le XIXe siècle, on ne considérait le travail que comme l’une des possibilités de « civiliser » la nature : c’était aussi le rôle de « l’art, la religion, la morale, les institutions, la politique, le raisonnement, le savoir » (4), c’est-à-dire de la culture dans toute sa diversité. Depuis deux siècles seulement, cette diversité s’est réduite. L’art et la politique se sont professionnalisés ; pour avoir de la valeur, le savoir doit être utile ; la religion et la morale sont considérées en Occident comme des « vieilleries » ; les institutions ont perdu de leur prestige… En considérant que tout est travail, et que le travail est la source de notre salut, on a abouti à priver l’être humain de tout autre lieu de réalisation. Les étudiants désirent savoir à quoi vont leur servir les matières qui n’ont pas d’utilité technique immédiate (la philosophie, la littérature, les mathématiques théoriques, etc.). Le temps est divisé entre la production et le divertissement, sans laisser aucune place à l’intériorité, à l’intimité, d’un côté ; à la politique, à la culture dans sa dimension collective, de l’autre. Vers la fin du travail ? D’où une question d’une brûlante actualité : si nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère où nous n’aurons plus besoin de travailler parce que les machines s’en chargeront à notre place, ainsi que nous le promettent les « évangélistes » de la Silicon Valley, devons-nous l’appeler de nos vœux, ou plutôt la craindre ? L’idée d’un revenu universel, portée par les libertariens américains et popularisée par Benoît Hamon lors de sa campagne pour les élections présidentielles, ou bien celle d’un salaire à la qualification plutôt qu’à l’emploi (théorisée par Bernard Friot) semblent avoir un certain écho auprès des jeunes. Ces propositions vont dans le sens d’une déconnexion entre le faire, l’être et l’avoir. L’individu ne serait plus contraint de louer sa force de travail, mais serait libre de faire ce qu’il aime, de trouver son propre lieu de réalisation sans être culpabilisé (au contraire des chômeurs ou des retraités d’aujourd’hui). Une autre possibilité serait la réduction drastique de la durée hebdomadaire du travail, ou encore l’augmentation du nombre de jours de congés. Chacun ferait une partie du travail collectif et bénéficierait de plus de temps pour se livrer à ses activités préférées. Le travail pourrait ainsi rester une activité ayant du sens, mais ne serait plus la seule. Toutefois, notre société est si profondément structurée par le travail qu’il n’est pas impossible que nous en libérer nous plongerait dans l’apathie, et nous livrerait pieds et poings liés au consumérisme effréné. Il me paraît néanmoins que l’oisiveté, comme toutes choses, peut s’apprendre. (1) Voir également l’étude de la Fondation Jean-Jaurès parue en 2018 : « Inutilité ou absence de reconnaissance : de quoi souffrent les salariés français ? ». (2) David Graeber, Bullshit Jobs, Les liens qui libèrent, 2018. (3) Vincent de Gaulejac, Travail, les raisons de la colère, Seuil, 2011. (4) Dominique Méda, Le travail : une valeur en voie de disparition ?, Champs Flammarion, 2010, p. 321. Thomas Schauder
En considérant que celui-ci est la source de notre salut, on prive l’être humain de tout autre lieu de réalisation, estime Thomas Schauder, professeur de philosophie et chroniqueur du « Monde » Campus.
https://www.lemonde.fr/campus/article/2019/10/16/avons-nous-trop-d-attentes-vis-a-vis-de-notre-travail_6015701_4401467.html
mlsum-fr-4872
Des employés municipaux nettoient des taches de sang sur le lieu de l’attaque au couteau à Villeurbanne, dans la banlieue de Lyon, le 1er septembre 2019. ROMAIN LAFABREGUE / AFP L’Afghan d’une trentaine d’années, soupçonné d’avoir tué samedi une personne et d’en avoir blessé huit autres dans une attaque au couteau à Villeurbanne, a été mis en examen, lundi 2 septembre, pour « assassinat et tentatives d’assassinats », a annoncé le parquet de Lyon. « Les juges d’instruction ont saisi le juge des libertés et de la détention en vue de son placement en détention provisoire », ajoute-t-il. Dimanche, le procureur de la République de Lyon, Nicolas Jacquet, avait indiqué que le suspect avait reconnu « partiellement les faits » lors de sa garde à vue tout en tenant des propos « incohérents et confus », disant notamment « avoir entendu des voix insulter Dieu et lui donnant l’ordre de tuer ». « Etat psychotique envahissant » Une première évaluation psychiatrique a révélé « un état psychotique envahissant », et des analyses toxicologiques ont montré qu’il avait également consommé une importante quantité de cannabis avant l’agression. L’enquête se poursuit et se focalise désormais sur le profil et le parcours de cet individu alors que ses premières déclarations n’ont pas permis d’expliquer son geste. Les premiers éléments dessinent un parcours de migrant erratique, sans antécédent judiciaire : il est entré une première fois en France en tant que mineur en 2009. Ensuite, il a successivement été enregistré en Italie (2014), en Allemagne (2015) et en Norvège (2016), avant de revenir sans famille dans l’Hexagone en juin 2016. Deux ans plus tard, il obtient l’asile, mais pas le statut de réfugié. Il est mis sous « protection subsidiaire » de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), selon l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) interrogé par l’Agence France-Presse (AFP). Il détenait depuis une carte de séjour temporaire renouvelable.
L’homme doit répondre des chefs d’« assassinat et tentatives d’assassinats ». Ses premières déclarations n’ont pas encore permis d’expliquer son geste.
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/09/02/le-suspect-de-l-attaque-de-villeurbanne-mis-en-examen-pour-assassinat-et-tentatives-d-assassinats_5505574_3224.html
mlsum-fr-4873
Il est loin le temps où la tête de liste des Républicains (LR), François-Xavier Bellamy, au dernier tournant de la campagne pour les élections européennes, se disait « heureux » de la décision de la cour d’appel de Paris ordonnant la reprise des soins de Vincent Lambert. Après l’interruption de la nutrition et de l’hydratation qui maintiennent l’ancien infirmier en vie, mardi 2 juillet, pour la troisième fois en six ans, la prudence est désormais de mise au sein du parti sur cette affaire devenue symbole des questionnements autour de la fin de vie. « Ce n’est pas un assassinat », a tranché mercredi 3 juillet le président par intérim de LR Jean Leonetti, cardiologue de métier et instigateur du dernier texte législatif sur le sujet. Les médecins ayant mis en œuvre l’arrêt des traitements « ont médicalement, légalement et juridiquement raison », a-t-il ajouté, tout en soulignant la dimension de « drame humain absolu » de l’affaire opposant l’épouse de l’homme de 42 ans, Rachel Lambert, aux parents de celui-ci. Lire aussi Les questions que pose la décision d’arrêt des traitements de Vincent Lambert « La loi ne permet pas de trancher ce genre de cas » « Je suis très prudent », assure pour sa part au Monde Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, qui s’était opposé en 2016 à la proposition de loi Claeys-Leonetti. « Ce genre de choses se traite dans l’intimité. On a un texte, qu’il ne faut pas toucher. Ma position est que, dans le doute, on doit laisser une chance à la vie. La loi ne permet pas de trancher ce genre de cas limites », ajoute-t-il. La loi dispose que, pour une personne en phase avancée ou terminale hors d’état d’exprimer sa volonté, « le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie », dans le respect d’une procédure collégiale et après consultation de la personne de confiance désignée par le malade. Vincent Lambert n’en a nommé aucune et n’a pas non plus rédigé de directives anticipées. Saisie par l’Etat et le CHU de Reims, la Cour de cassation a jugé, le 28 juin, que la cour d’appel n’avait pas à statuer sur ce dossier, au sujet duquel le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’étaient déjà prononcés. Une décision qui a permis au docteur Vincent Sanchez, chef du service de soins palliatifs et de l’unité de patients cérébrolésés du CHU de Reims (Marne), de mettre en place un protocole d’arrêt des soins, mardi. Le lendemain de la défaite du 26 mai, le directeur de campagne de LR aux élections européennes, Geoffroy Didier, avait fustigé la prise de position de François-Xavier Bellamy dans cette affaire – « Il n’y a aucune vie indigne d’être vécue », avait déclaré le candidat –, estimant qu’elle avait fait « perdre des points » à la liste. Un mois après et à l’approche de l’arrivée fin septembre à l’Assemblée d’un autre sujet de société, l’extension de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes, dans la révision de la loi de bioéthique, le parti de droite se garde de tout manichéisme. « Les gens en ont marre de cette droite Sens commun, ils estiment que ça nous a foutus dedans », résume un député LR en référence au parti issu de La Manif pour tous, qui avait soutenu jusqu’au bout François Fillon lors de la campagne présidentielle de 2017. Vincent Lambert, c’est tellement conflictuel, tellement clivant, il faut bien se garder d’avoir un avis tranché. »
La droite se démarque clairement des prises de position de François-Xavier Bellamy, sa tête de liste au moment des élections européennes.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/07/03/affaire-vincent-lambert-la-droite-plus-prudente-qu-au-moment-des-europeennes_5485037_823448.html
mlsum-fr-4874
Avec la baisse de rémunération des placements classiques, comme les livrets et la méfiance vis-à-vis de la Bourse, le « non-coté » attire de plus en plus d’épargnants. Ingram/GraphicObsession Le « non-coté », ou « private equity » dans sa version anglaise, les investisseurs n’ont plus que ce mot à la bouche. Avec la baisse de rémunération des placements classiques, comme les livrets, la méfiance vis-à-vis de la Bourse, l’univers feutré du « non-coté », peu mis en avant par les banquiers, attire de plus en plus d’épargnants. Surtout parmi les plus fortunés. « Environ 60 % des personnes interrogées pensent augmenter la part du private equity grâce à des fonds d’investissement en 2019 », expliquait récemment Rémi Béguin, administrateur de l’Association française de family office (AFFO), en présentant le dernier sondage d’OpinionWay auprès des gérants de fortunes membres de cette association. Les investissements non cotés étaient déjà les plus représentés en 2018 dans le patrimoine des grandes fortunes, à hauteur de 21 % des clients de l’AFFO. « Le private equity désigne tous les titres de sociétés qui ne sont pas cotées en Bourse, explique Frédéric Zablocki, fondateur d’Entrepreneur Venture. Cela recouvre une grande diversité d’investissements, avec des niveaux de rendement et de risques très variables, le plus souvent dans des PME, mais pas seulement. » Entre les fonds de rachat d’entreprises rentables avec l’effet de levier du crédit, les fameux LBO (Leverage Buy Out), et les fonds d’amorçage de jeunes pousses innovantes, les performances et les difficultés de revente n’ont cependant rien à voir. Effrayées par les contraintes et les coûts d’une cotation en Bourse, les petites et moyennes entreprises (PME) en quête de capitaux font de plus en plus appel à ces différents types de financement direct auprès des épargnants. Ces derniers peuvent alors souscrire des augmentations de capital leur octroyant des actions nouvelles de la société, directement ou par l’intermédiaire de fonds d’investissement. Il existe aussi de grandes entreprises non cotées faisant appel à ces financements « privés » sur les marchés financiers. C’est le cas, par exemple, du géant français du cloud OVH ou du confiseur américain Mars. En investissant dans ces sociétés non cotées, les actionnaires espèrent accompagner leur croissance pour en toucher les fruits, sans les soubresauts des marchés, même si leur revente est aussi plus délicate. Non seulement ces incitations à l’investissement en PME procurent toutes des avantages « à l’entrée », c’est-à-dire une réduction immédiate de ses impôts, mais aussi un bonus « à la sortie », puisque les plus-values éventuelles sont largement exonérées d’impôt. Plus risqués et souvent bloqués de longues années, ces placements ont pourtant du mal à percer auprès du grand public, malgré les coups de pouce de l’Etat. Depuis plus de vingt ans, les gouvernements multiplient en effet les dispositifs pour inciter les épargnants à investir dans les PME. En 1997, c’est d’abord la création des FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation), sous l’impulsion du secrétaire d’Etat de la recherche d’alors, François d’Aubert. Elle est suivie en 2003 par le lancement des FIP (fonds d’investissement de proximité), proches des FCPI sauf que l’investissement en jeunes pousses innovantes est remplacé par des PME régionales. La même année 2003, Renaud Dutreil, secrétaire d’Etat aux PME, annonce un « triplement de l’avantage fiscal lié à l’investissement direct dans une société qui permettra à un foyer de déduire jusqu’à 10 000 euros de son impôt sur le revenu ». La loi Dutreil d’août 2003 accorde une réduction d’impôt sur le revenu correspondant à 25 % de la souscription au capital d’une PME, jusqu’à 40 000 euros pour un couple. Elle reste en vigueur aujourd’hui, même si le taux de réduction d’impôt a été ramené à 18 %, comme pour les FIP et FCPI, en 2012. En 2007, c’est l’apothéose. La loi TEPA (en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat), promulguée par Nicolas Sarkozy, accorde cette fois une réduction d’impôt sur la fortune (ISF) correspondant à 75 % des sommes investies dans des PME en direct, plafonnée à 50 000 euros. En clair, un investissement de 10 000 euros en PME par les plus fortunés ne leur coûte que 2 500 euros, net de réduction fiscale ! Martingale de la défiscalisation Bien que la réduction d’ISF ait été rabotée à 50 % de l’investissement en PME en 2011, cette martingale de la défiscalisation a fortement marqué le microcosme des placements en PME, jusqu’à sa disparition avec la suppression de l’ISF en 2017. Non seulement ces incitations à l’investissement en PME procurent toutes des avantages « à l’entrée », c’est-à-dire une réduction immédiate de ses impôts, mais aussi un bonus « à la sortie », puisque les plus-values éventuelles sont elles-mêmes largement exonérées d’impôt, subissant seulement les prélèvements sociaux. Résultat, les carottes fiscales fonctionnent à plein tube : les capitaux collectés par les FIP et FCPI s’envolent de 68 %, entre 2012 et 2017, pour dépasser 1 084 millions d’euros en 2017. Du jamais-vu depuis l’euphorie de 2008, quand les souscriptions avaient bondi à 1 180 millions d’euros grâce au vote de la loi TEPA, selon l’Association française de la gestion financière (AFG). Lire aussi Les marchés expriment une certaine peur du vide « Retirer l’incitation ISF est un drame absolu », déplore un intermédiaire en financement de PME. Il est vrai que son fonds de commerce s’écroule depuis 2017, avec la suppression de l’ISF et de son coup de pouce aux placements PME. En 2018, les souscriptions de FIP et FCPI sont divisées par trois, à 355 millions. Malgré quelques efforts des professionnels du capital-risque pour le promouvoir, le plan d’épargne en actions (PEA)-PME ne parvient pas à prendre le relais. Créé en 2014, en réponse à une demande des lobbys du capital-risque relayée dans le rapport « Dynamiser l’épargne pour financer l’investissement et la compétitivité » (2013), des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre, ce compte-titres à fiscalité allégée ne trouve pas son public. Levées record « Le PEA-PME a été poussé avec un enthousiasme forcené pour des résultats très médiocres », résume pudiquement Thierry Giami, fondateur de Nove IM, coauteur en 2011 du « Rapport sur le financement des PME-ETI par le marché financier ». Le bide du PEA-PME dépasse son seul destin. « Le financement des entreprises par les marchés boursiers ne décolle pas en France pour de multiples raisons, détaille Thierry Giami. Outre l’instabilité liée aux crises financières, il y a aujourd’hui moins d’entreprises cotées, moins d’actionnaires individuels et même moins d’institutionnels, notamment en raison des réglementations prudentielles. » Il faut dire aussi que les abus de certains gérants de FCPI, et quelques affaires scandaleuses sur le marché boursier non réglementé d’Alternext, rebaptisé « Euronext Growth », ont douché les ardeurs des apprentis « capital-risqueurs ». Heureusement, la relève est assurée par le marché « privé », c’est-à-dire les financements en fonds propres et les prêts aux entreprises de gré à gré, en dehors des marchés financiers. Pour 2018, l’association d’investisseurs France Invest note ainsi des levées de capital-investissement record, à 18,7 milliards d’euros, avec une « progression des montants investis à 14,7 milliards d’euros dans plus de 2 200 entreprises ». La différence est en attente de placements. « Il y a une abondance de capitaux par rapport au nombre de cibles, ce qui peut avoir un effet inflationniste sur le prix de certaines transactions », prévient Thierry Giami. Ces financements proviennent surtout de professionnels, dont 50 % d’institutions étrangères. Dans ce contexte, la loi Pacte et quelques autres améliorations fiscales et réglementaires arrivent à point nommé pour raviver le goût des épargnants pour les PME. Ce plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), promulgué le 22 mai, devrait redynamiser entièrement le PEA-PME, avec un plafond relevé et des possibilités de diversifications à la fois élargies et plus sécurisantes que les seules actions de PME cotées. Il devrait aussi encourager fiscalement la diversification des nouveaux plans d’épargne-retraite (PER) dans les PME. Depuis 2019, une nouvelle mouture de l’article 150-0 B ter du code général des impôts élargit par ailleurs les exonérations de plus-values accordées aux chefs d’entreprise cédant leur propre société, à condition de remployer au moins 60 % du produit de leur cession dans des PME ou certains fonds de PME ayant une activité d’exploitation comparable à des holdings de PME. Les professionnels adaptent leur offre pour proposer des fonds d’un nouveau genre à ces patrons de PME en quête de recyclage de leurs plus-values : les fonds « de remploi ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec le PER, l’épargne-retraite prend un nouveau départ
Derrière l’objectif annoncé de réorienter les placements des Français vers l’économie productive, les gouvernements successifs et les professionnels du secteur multiplient les efforts et les initiatives pour inciter les épargnants à financer les PME non cotées en Bourse.
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/10/09/le-non-cote-un-nouvel-eldorado-pour-les-epargnants_6014752_1657007.html
mlsum-fr-4875
Charles Conwell (short noir) et Patrick Day (short rouge) lors de leur combat à la Wintrust Arena de Chicago, le 12 octobre. Jon Durr / Jon Durr-USA TODAY Sports Dans un état critique depuis le violent K.-O. dont il a été victime samedi soir, le boxeur américain Patrick Day est mort, a annoncé jeudi 17 octobre le promoteur Lou DiBella. Il avait 27 ans. Il est décédé « des suites de la lésion cérébrale traumatique qu’il a subie dans son combat » des super-welters contre son compatriote Charles Conwell. C’est au 10e round que Patrick Day a subi son K.-O., dans la Wintrust Arena de Chicago, après un crochet gauche de son adversaire. Sa tête a heurté lourdement le tapis. Malmené durant toute la rencontre, il avait déjà vacillé juste avant sur une droite de Charles Conwell. Patrick Day a été évacué inconscient sur une civière et transporté à l’hôpital Norhtwestern Memorial de la ville, où il a ensuite subi en urgence une opération de chirurgie cérébrale. Dans le coma depuis lors, il se trouvait en soins intensifs. Ce combat marquait son retour sur un ring après une défaite en juin, à New York, contre Carlos Adames, sa quatrième en 22 combats durant sa carrière professionnelle, débutée en 2013. Normes de sécurité plus strictes Patrick Day est au moins le troisième boxeur professionnel à mourir des suites de blessures sur un ring cette année. L’Argentin Hugo Santillan est décédé en juillet après un combat à San Nicolas, juste au nord de Buenos Aires. Sa mort est survenue deux jours seulement après celle du Russe Maxim Dadashev des suites d’une lésion cérébrale subie au cours d’un combat contre le Portoricain Subriel Matias dans le Maryland (nord-est des Etats-Unis). Dans son communiqué, M. DiBella a appelé indirectement les autorités à adopter des normes de sécurité plus strictes autour d’un combat, sans entrer dans les détails. « Il est très difficile d’expliquer ou de justifier les dangers de la boxe dans un moment pareil (…). Cependant, l’heure est venue de passer à l’action. Bien que nous n’ayons pas les réponses, nous savons les nombreuses questions à poser et nous avons les moyens d’y répondre de manière responsable, pour rendre la boxe plus sûre pour tous les participants. »
L’athlète de 27 ans est au moins le troisième professionnel à décéder des suites de blessures sur un ring depuis le début de l’année 2019.
https://www.lemonde.fr/sport/article/2019/10/17/dans-un-etat-critique-depuis-un-violent-k-o-le-boxeur-americain-patrick-day-est-mort_6015918_3242.html
mlsum-fr-4876
Le patron de ThyssenKrupp, Guido Kerkhoff, à l’assemblée générale du congloméral allemand, le 1er février, à Bochum (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). ROLF VENNENBERND / AFP Cession, introduction en Bourse, ou un peu des deux ? Le suspense reste entier. La réunion tant attendue du conseil de surveillance de ThyssenKrupp, mercredi 11 septembre, n’aura finalement pas apporté de réponse quant à l’avenir de la division ascenseurs du groupe. Depuis plusieurs mois, cette question titille les marchés et allèche les principaux concurrents du géant industriel allemand. Article réservé à nos abonnés Lire aussi ThyssenKrupp, illustration des déboires du modèle industriel allemand Le début de ce feuilleton remonte au printemps : à la mi-mai, après huit mois de pourparlers, ThyssenKrupp renonçait à un projet de méga-fusion de ses activités sidérurgiques avec son concurrent indien Tata Steel, en raison de l’hostilité de la Commission européenne à ce mariage. Dans la foulée, le conglomérat, basé à Essen, dans le bastion industriel allemand de la Ruhr, annonçait un nouveau projet de réorganisation, dont l’introduction en Bourse de sa division ascenseurs, la plus rentable de ses activités. « Il faut stopper l’hémorragie » Cependant, au bout de quelques semaines de frémissement, l’enthousiasme des investisseurs pour ce projet finissait par retomber, victime de doutes quant à la volonté réelle de ThyssenKrupp de le mener à bien. Début août, le groupe de sidérurgie décevait une nouvelle fois ses actionnaires en émettant un avertissement sur résultats – le quatrième depuis l’arrivée de Guido Kerkhoff à la tête du directoire, en juillet 2018. L’action de ThyssenKrupp à la Bourse de Francfort dégringolait sous les 10 euros, à son plus bas niveau depuis 2003. Pour regagner la confiance des marchés, M. Kerkhoff se résignait à évoquer une possible cession de la division ascenseurs, fleuron du conglomérat, qui produit aussi, entre autres, des engrais, des équipements automobiles, des matériaux de construction, et même des sous-marins. « Il faut stopper l’hémorragie », reconnaissait le patron. « Les entreprises sans perspective claire détruisent la valeur créée par certaines de leurs activités. Il faut en finir. » Depuis ces déclarations tonitruantes, toutefois, un certain flou entoure les intentions de M. Kerkhoff. Le patron du groupe aurait finalement renoncé à l’introduction en Bourse de la branche, processus long et à l’issue incertaine. En revanche, une cession de l’activité des ascenseurs présente des avantages indéniables : avec ses 52 000 salariés, l’unité phare est valorisée autour de 15 milliards d’euros… c’est plus du double de la capitalisation boursière du conglomérat, fort de 160 000 salariés. Une cession, même partielle, de cette filiale rapporterait assez de capitaux pour financer un renouvellement en profondeur du groupe, qui ploie sous 5 milliards d’euros de dettes après l’échec de l’expansion de sa division acier aux Amériques.
Le conglomérat allemand, en grande difficulté, hésite à mettre en vente sa branche la plus rentable, valorisée à plus de 15 milliards d’euros.
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/09/12/pour-remonter-la-pente-thyssenkrupp-veut-ceder-sa-division-ascenseurs_5509481_3234.html
mlsum-fr-4877
L’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Khalifa Haftar accuse la Turquie de soutenir leurs rivaux du gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par la communauté internationale. En réponse à cet appui, le maréchal a ordonné à ses forces de prendre pour cibles les navires et intérêts turcs, a annoncé vendredi 28 juin le général Ahmad Al-Mesmari, porte-parole de l’ANL. Des « ordres ont été donnés aux forces ariennes pour prendre pour cible les navires et embarcations turcs dans les eaux territoriales libyennes », précise le général Ahmad Al-Mesmari, qui ajoute que « les sites stratégiques turcs, les compagnies et les projets appartenant à l’Etat turc [en Libye] sont considérés comme des cibles légitimes par les forces armées ». Lire aussi Libye : Faïez Sarraj annonce une initiative pour sortir de la crise L’ANL a également interdit tous les vols commerciaux à destination et en provenance de Turquie. Tout avion qui essaierait d’atterrir à Tripoli sera considéré comme un appareil hostile, a déclaré le porte-parole de l’ANL. Des accusations mutuelles Il a accusé Ankara d’intervenir « dans la bataille de façon directe : avec ses soldats, ses avions et ses navires par la mer ». Selon lui, des approvisionnements en armes et munitions arrivent directement aux forces du GNA via la Méditerranée. Le porte-parole a par ailleurs accusé la Turquie d’avoir aidé les forces du GNA, fidèles au premier ministre, Faïez Sarraj, à s’emparer de la ville de Gharian, principale base arrière des forces du maréchal Hatar, à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Tripoli. Le maréchal a perdu mercredi cette ville dont il avait fait son centre d’opérations et d’où il était parti, le 4 avril, à la conquête de la capitale libyenne, à plus de 1 000 km de son bastion de Benghazi (est). Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Libye, « le début d’une guerre longue et sanglante sur les rives sud de la Méditerranée » Les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de recourir à des mercenaires étrangers et de bénéficier du soutien militaire de puissances étrangères.
Condamnant le soutien de la Turquie au gouvernement d’union nationale, l’homme fort de l’est de la Libye a ordonné de prendre pour cibles leurs navires et d’instaurer un embargo sur leurs avions.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/29/le-marechal-khalifa-haftar-menace-la-flotte-turque-presente-dans-les-eaux-libyennes_5482972_3212.html
mlsum-fr-4878
Le journaliste russe Ivan Golounov après sa libération, à Moscou, le 11 juin. PAVEL GOLOVKIN / AP C’est du jamais-vu dans la Russie de Vladimir Poutine. Après seulement quatre jours de protestations, le pouvoir a cédé face à une intelligentsia libérale marginalisée et « entendu la société ». Par ces mots forts, le site russe d’informations indépendant Meduza a célébré la libération, mardi 11 juin au soir, à Moscou, de son journaliste Ivan Golounov, inculpé pour trafic de drogue et placé en résidence surveillée. En larmes à sa sortie du poste de police, accueilli par une foule l’applaudissant et scandant son diminutif, « Vania », le journaliste de 36 ans a promis de « continuer à faire [son] travail, à enquêter, (…) pour être à la hauteur de la confiance de ceux [l]’ont soutenu ». Interrogé pour savoir s’il allait demander des compensations, le reporter a sobrement dit espérer « que personne d’autre ne connaîtra une telle situation ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi En Russie, le soutien au journaliste Ivan Golounov prend de court le pouvoir Ce dénouement, accompagné du limogeage de deux généraux de la police, est sans précédent en Russie, où un accusé est presque toujours coupable, où les forces de sécurité ne reviennent pas en arrière, où l’Etat ne se dédit pas et, surtout, n’offre pas ses troupes en pâture à la foule. Dans le cas d’Ivan Golounov, la pression était apparemment devenue trop forte. Lorsque le reporter de Meduza, site installé à Riga pour échapper au contrôle des autorités russes, a été arrêté vendredi 7 juin, la mobilisation s’est vite organisée dans les rédactions et sur les réseaux sociaux. Ainsi qu’en face du siège moscovite de la police, où des centaines d’anonymes se sont succédé jour et nuit pour protester seuls, debout pendant quelques minutes, se conformant à la stricte loi russe sur les rassemblements publics, qui n’autorise des manifestations individuelles qu’à condition que les protestataires soient séparés de 50 mètres. Ainsi se sont-ils relayés à trois sur 150 mètres, seuls avec une pancarte « Nous sommes Ivan Golounov ». La formule vient des « unes » de Kommersant, Vedomosti et RBK, ces trois journaux respectés aussi bien dans l’opposition que dans l’élite au pouvoir. Fait unique, les trois ont titré ainsi ensemble lundi dans un clin d’œil au mouvement de solidarité français « Je suis Charlie ». Affaire montée de toutes pièces Ivan Golounov a aussi profité de la préparation très brouillonne du coup monté le visant. Selon la version officielle initiale, il a été interpellé en possession de substances interdites, et rapidement accusé de vente de méphédrone, une drogue de synthèse. La police a publié des clichés de son appartement transformé en atelier de narcotrafiquant… avant de reconnaître que ces photos n’avaient pas été prises à son domicile. Les analyses n’ont trouvé aucune trace de drogue dans le sang du journaliste. Et aucun des sachets saisis ne portait ses empreintes. De quoi semer le doute sur le bien-fondé des accusations. Assurant qu’il ne consommait pas de drogue, les collègues d’Ivan Golounov rappelaient par contre qu’il enquêtait sur des sujets sensibles, dernièrement sur la corruption à la mairie de Moscou et la mafia du « business des cimetières ». Les soutiens du journaliste ont dénoncé une affaire montée de toutes pièces précisément pour se venger de ses enquêtes. La pratique est courante et par le passé, la police a déjà été soupçonnée d’utiliser de telles méthodes. Pour défendre Ivan Golounov, des médias au ton critique, la radio Echo de Moscou et la télévision Dojd, se sont mobilisés. Fait beaucoup plus inattendu, plusieurs médias d’Etat ont aussi exprimé leurs doutes. La rédactrice en chef de la télévision RT, Margarita Simonian, a demandé des réponses à « toutes les questions que se pose la société » sur cette affaire. Mardi soir, quelques journalistes des télévisions publiques, d’habitude si enclines à dénigrer toute protestation, ont cru bon de se joindre à la petite foule acclamant Ivan Golounov. Peut-être l’explication de ces « ralliements » se trouve-t-elle dans les mots prononcés lundi soir par l’acteur Konstantin Khabenski, d’ordinaire discret, sous les applaudissements d’un festival de cinéma à Sotchi : « Aujourd’hui, on essaie d’enfermer un journaliste qui dérange. Si cela réussit, rien ne dit que demain nous ne serons pas à notre tour considérés comme dérangeants. » Faute de preuves et placée sous pression de la rue et du pouvoir, la police a été contrainte d’abandonner toutes les charges. Signe supplémentaire de fragilité d’un Etat habitué à ne montrer que sa force, le ministre de l’intérieur, Vladimir Kolokoltsev, a annoncé la suspension de plusieurs policiers et le limogeage de deux officiers de haut rang. Le Kremlin, que cette affaire semble avoir pris au dépourvu, n’a pas fait de commentaire depuis la libération d’Ivan Golounov, décidée sans aucun doute au plus haut niveau. « Beaucoup de questions » Traduisant bien l’embarras de la présidence, alors qu’une pétition de soutien sur Internet se rapprochait des 200 000 signatures, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait dès lundi reconnu que, dans « ce cas concret », il y avait « quelques, ou plutôt beaucoup de questions ». Camouflet pour les autorités, ce dénouement est aussi vécu comme une petite victoire par l’opposition au Kremlin. « Un exemple de ce que la solidarité peut accomplir », s’est réjoui son chef de file, Alexeï Navalny, dont l’adjoint, Leonid Volkov, purge une peine d’au moins 35 jours de prison pour une manifestation non autorisée et, parallèlement, est poursuivi pour offense aux autorités, un nouveau délit. Récemment, les autorités ont déjà dû faire machine arrière lorsque des foules se sont rassemblées contre des projets locaux, une usine à déchets dans la région d’Arkhangelsk ou un chantier de cathédrale à Iekaterinbourg. L’affaire Golounov est bien plus emblématique, et les plus optimistes voudraient y voir plus qu’un retrait tactique, l’annonce de plus profonds changements. Parmi les supporteurs manifestant devant le siège de la police à Moscou, certains anonymes disaient être venus défendre « une certaine idée de la liberté ». D’autres voulaient transformer la marche prévue mercredi en soutien à Ivan Golounov en célébration d’une victoire, et en point de départ d’un mouvement plus vaste.
L’affaire a provoqué une onde de solidarité rare dans la société russe. Deux hauts responsables de la police vont être limogés.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/11/face-a-la-mobilisation-de-la-societe-civile-la-russie-abandonne-les-poursuites-contre-le-journaliste-ivan-golounov_5474777_3210.html
mlsum-fr-4879
Restaurée grâce au mécénat, la grille d’honneur du Potager du roi a vu passer Louis XIV. L. JEDWAB/« LE MONDE » Pour la première fois peut-être dans son histoire, le Potager du roi a été l’objet de critiques concertées, notamment un article publié dans Le Figaro du 4 octobre 2019 : « A Versailles, la lente agonie du Potager du roi ». Le sous-titre lui-même se veut accusateur : « En moins d’une décennie, ce jardin monumental, victime d’initiatives hasardeuses, a perdu la moitié de ses arbres ». L’article s’appuie sur le Livre blanc d’une « Association des amis du Potager du roi », sise à Versailles même. Afin de répondre à ses détracteurs, l’équipe qui anime l’Ecole nationale supérieure de paysage (l’ENSP) et le Potager du roi en a ouvert les portes aux journalistes, à l’occasion d’une conférence de presse suivie d’une visite commentée menée par Vincent Piveteau et Antoine Jacobsohn, leurs responsables respectifs, François-Xavier Delbouis, jardinier en chef, Romain Bocquet, paysagiste et enseignant, et Chiara Santini, historienne et enseignante. Lire aussi Des mécènes pour le Potager du roi ? Petit rappel historique... Créé à Versailles en 1678-1683 par Jean-Baptiste de La Quintinie pour les besoins de la cour, le Potager du roi a connu d’importantes transformations au XIXe siècle. Il a néanmoins conservé son allure générale, avec ses hauts murs, ses arbres fruitiers taillés en espalier, en cordon ou en contre-espalier. Quant à son spectaculaire Grand Carré, avec son bassin central circulaire, ses seize carrés avec leurs planches potagères et ses poiriers centenaires palissés sur leurs arceaux métalliques, il s’inscrit dans le paysage versaillais, entre la pièce d’eau des Suisses, l’orangerie du château et la cathédrale Saint-Louis. Placé sous la responsabilité du ministère de l’agriculture... et de l’alimentation, il est aujourd’hui administré par l’ENSP. C’est un lieu de conservation patrimoniale, d’enseignement, d’expérimentation et de production. Et aussi, depuis 1991, un lieu ouvert au public, avec un objectif alors fixé de 30 000 visiteurs (ils seront plus de 50 000 en 2019). Entre-temps, d’un jardin à la production réservée à la table royale, le Potager du roi est devenu au début du XXe siècle un jardin de production intensif, avec la manne financière qui allait avec. Depuis, la diminution de celle-ci a conduit, sur une longue période, à de criants défauts d’entretien du bâti, dont les conséquences les plus visibles ont été, entre autres, l’effondrement récents de deux murs, rongés par l’humidité. L’abandon des traitements phytosanitaires de synthèse (une obligation légale depuis 2017) a appelé, de la part de l’équipe de neuf jardiniers, essais et ajustements, et une révision radicale de l’entretien.
Attaqués dans un article du « Figaro », les responsables du Potager du roi – conjointement avec ceux de l’Ecole nationale supérieure de paysage – ont tenu à répondre.
https://www.lemonde.fr/cotecourscotesjardins/article/2019/10/21/le-potager-du-roi-a-versailles-un-jardin-bien-vivant_6016256_5004225.html
mlsum-fr-4880
Le PDG de AT&T, Randall Stephenson, à l’occasion d’une conférence à Washington, le 18 septembre. WIN MCNAMEE / AFP Pertes et profits. Mieux vaut ne pas avoir affaire à ces deux-là, mais le PDG d’AT&T n’y a pas coupé. En 2018, Randall Stephenson avait déjà affronté les foudres de Donald Trump, qui avait tout fait pour s’opposer à son projet de rachat du géant des médias Time Warner, au nom de la défense des sacro-saints principes de la concurrence. Plus trivialement, le président américain instrumentalisait les lois antitrust pour se venger de la chaîne CNN, propriété de Time Warner, qui ne l’a jamais épargné. Lire la chronique : AT&T face au gouvernement américain ou la fusion avec Time Warner en procès Après Trump, le « boss » d’AT&T a affronté un autre adversaire coriace : Paul Singer et son fonds Elliott Management, qui avait investi 3,2 milliards de dollars (2,9 milliards d’euros) en septembre dans le numéro 1 américain des télécoms. Et là, il a dû se plier à certaines des exigences de l’activiste le plus redouté au monde et infléchir sa stratégie financière pour rendre le géant de Dallas (Texas) plus généreux avec ses actionnaires, comme chez Pernod Ricard, Bayer ou Telecom Italia. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le poids grandissant des fonds de capital-investissement inquiète Vieux routier des télécoms En présentant ses résultats trimestriels, lundi 28 octobre, AT&T a donc dévoilé un plan stratégique 2020-2022 qui porte la marque d’Elliott et entérine le cessez-le-feu. Stephenson a promis une croissance annuelle du chiffre d’affaires de 1 % à 2 %, le remboursement total de la dette de Time Warner (CNN, HBO, Warner Bros) acquis en 2018, la cession de 5 à 10 milliards d’actifs non-stratégiques et l’entrée de deux membres supplémentaire au conseil d’administration, dont un spécialiste de la réduction des coûts. Singer se frotte les mains : le plan « créera un retour sur investissement durable pour les actionnaires », qui bénéficieront de 75 milliards sur trois ans (rachat d’actions et dividendes). Vieux routier des télécoms, où il est entré en 1982, Stephenson a sauvé sa tête pour au moins un an, mais les fonctions de président et de directeur général seront scindées à son départ, un autre succès du fonds. En revanche, Elliott n’a pas obtenu la révision de la stratégie du PDG : fusion d’un opérateur de téléphonie avec ses infrastructures et un conglomérat de télévisions et de cinéma avec ses contenus audiovisuels. L’activité dans le mobile se porte plutôt bien, sans compenser les difficultés dans la télévision payante marquée par la perte de 1,2 million d’abonnés à DirecTV en un an. Les dirigeants d’AT&T doivent donc apporter la preuve qu’investir massivement dans les contenus avec Time Warner (80 milliards) et la télévision payante avec DirecTV (67 milliards), au prix d’une dette de 162 milliards, est la bonne stratégie. Le groupe devait présenter, mardi, le service de streaming de sa chaîne de séries HBO, un énorme pari dans la guerre commerciale qui l’oppose à Netflix. Singer y regardera de très près. En attendant, il peut se féliciter du succès planétaire de Joker. Au box-office mondial, le film produit par Warner Bros et porté par Joaquin Phoenix, a déjà engrangé une recette de 805 millions de dollars. Et ça, ce n’est pas du cinéma.
Si Randall Stephenson, PDG du groupe de télécoms, est parvenu à sauver sa tête, il a néanmoins été contraint d’acheter la paix en présentant, lundi, un plan stratégique qui porte la marque de l’activiste, analyse Jean-Michel Bezat, journaliste économique au « Monde ».
https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/29/apres-trump-le-patron-d-at-amp-t-a-affronte-un-autre-adversaire-coriace-le-fonds-elliott_6017296_3234.html
mlsum-fr-4881
Barcelone, la Sagrada Familia. Radius Images/Photononstop « La Malédiction de Barcelone », de Patrick Varetz, P.O.L, 176 p., 18,50 €. Pour qui n’a jamais lu de livre de Patrick Varetz, La Malédiction de Barcelone se présente d’abord, en ses différents seuils, comme un roman ludique, peut-être picaresque, à tout le moins empreint d’ironie à l’égard d’un quotidien relaté comme une aventure rocambolesque. N’était l’épigraphe tirée de la Lettre au père de Kafka, on jurerait que l’auteur s’apprête à nous conter les péripéties minuscules de ses vies réelles et virtuelles, et de celles de ses proches. « Daniel, mon pauvre père, écrit d’entrée de jeu le romancier, est devenu ami avec moi sur Facebook. » D’ailleurs, la tonalité tend vite au burlesque, lorsque le narrateur décrit les débuts de son père sur Internet, lequel s’obstine « à rédiger ses courts billets, truffés de fautes de frappe, dans l’étroite fenêtre où inscrire l’objet du message ». Coup de tête Pour ceux qui ont lu la trilogie romanesque de Patrick Varetz (Bas monde, ­Petite vie, Sous vide, P.O.L, 2012, 2015, 2017), les indices ne manquent pas, pourtant, qui annoncent un nouvel opus autofictionnel et rageur. Sous la plume de l’écrivain, et à travers la voix de Pascal Wattez dont il fait son avatar de livre en livre, la « malédiction de ­Barcelone » n’a rien d’une hyperbole – quoiqu’elle s’en donne volontiers l’air pour rester tolérable. « La Malédiction de Barcelone » déjoue constamment les attentes du lecteur, se joue des codes du roman d’apprentissage et remet en jeu le pouvoir de l’écriture Après trois livres consacrés « au lourd héritage de [s]es origines », Patrick ­Varetz comptait pourtant bien changer de sujet. Il avait déjà accordé trop de place, se disait-il, à « la figure violente de son pauvre salaud de père ». Le temps était venu d’écrire sur soi, de chercher à se saisir et à se comprendre dans sa ­singularité, en revenant sur un épisode de sa vie de jeune adulte auquel son père n’appartenait pas : un voyage à Barcelone aux « vertus initiatiques », et qui l’avait « définitivement amené à ­sortir de l’adolescence ». De péripéties, d’aventures et d’épi­sodes franchement comiques, il y aura finalement assez peu dans ce récit. Car quels que soient les efforts que le nar­rateur fasse pour s’envisager en jeune homme dépourvu du « ressentiment » que l’adulte éprouve au moment où il écrit, les signes de son ambivalence à l’égard de son père ne cessent de lui sauter aux yeux. Croyant faire œuvre d’audace en partant sur un coup de tête rejoindre ses amis en Espagne, pensant s’émanciper et se donner une chance d’exister vraiment, le jeune Wattez transporte avec lui les stigmates du monde étroit et empêché auquel son père l’a réduit. Alors, de quoi Barcelone est-il le signe ? Et que vient faire ­Facebook dans ce récit censément ­initiatique ?
Patrick Varetz retrouve son double narratif dans une escapade barcelonaise aux allures de voyage initiatique, entre réel et virtuel.
https://www.lemonde.fr/livres/article/2019/06/22/la-malediction-de-barcelone-de-patrick-varetz-les-experiences-du-jeune-wattez_5480040_3260.html
mlsum-fr-4882
Didier Sandre dans « Electre / Oreste » d’Euripide, mis en scène Ivo van Hove, le 22 avril 2019, à la salle Richelieu à Paris, France. Jan Versweyveld Chaque soir que se jouent Les Fourberies de Scapin à la Comédie-Française, il déclenche des tempêtes de rires, chez les petits enfants notamment, en se faisant rouer de coups, battre comme un tapis, et enfermer dans un sac au-dessus des spectateurs. Didier Sandre, prince de la scène qui a joué avec Bernard Sobel, Antoine Vitez ou Patrice Chéreau, est totalement à contre-emploi dans le rôle de Géronte que lui a confié Denis Podalydès, mais il y est extraordinaire. Comme il le dit lui-même avec humour, on a plus tendance à lui confier les rôles « d’aristocrates vieillissants et allurés » que ceux de barbons avares et acariâtres. Après avoir été le baron von Essenbeck dans Les Damnés, il joue, au long de cette saison, Tyndare dans Electre/Oreste, toujours sous la direction d’Ivo van Hove, et le baron de Norpois dans l’adaptation du Côté de Guermantes, de Marcel Proust, que mettra en scène Christophe Honoré au printemps. Lire la critique (2017) : « Les Fourberies de Scapin », la puissance comique de la mélancolie La faute à son élégance, sans doute. Et à une certaine gravité, trempée dans ses origines familiales. Quand il était enfant, dans la banlieue rouge des années 1950, son grand-père était pasteur luthérien, ainsi que le seront plus tard deux de ses oncles et un de ses cousins. « Mon grand-père officiait dans une paroisse située en face du Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis, se souvient-il. J’ai baigné dans ce cocon où le monde se résumait à la communauté et, dans un premier temps, j’en étais très content. J’aimais la musique, les histoires d’évangile et de Jésus… Mon grand-père en chaire, racontant des histoires aux autres, c’était déjà du théâtre. Ce verbe que je n’arrête pas de poursuivre dans mon activité artistique, il a ses origines là, ainsi que mon goût pour la musique, le rituel, le caractère sacré des choses. » A l’adolescence, la vie est devenue plus compliquée, comme bien souvent. Didier Sandre – pseudonyme qu’il a formé en référence à son meilleur ami, qui s’appelait Alexandre, et au film de Visconti, Sandra, qui l’a profondément marqué – a dû faire face à un milieu familial qui rejetait totalement son choix d’être acteur. Une nuit de ses 17 ans, il a piqué de l’argent à sa mère et s’est enfui à Paris, où il a suivi les cours de la grande pédagogue Tania Balachova. Acteur-poète La suite est un parcours en forme de rêve dans les grandes années du théâtre d’art en France. A 26 ans, il est engagé par Bernard Sobel, dont l’exigence et la rigueur ne pouvaient que rencontrer les siennes, pour jouer Dom Juan. Un Dom Juan « long et pâle voyou aux paupières bleues », écrit alors Colette Godard dans Le Monde. Puis c’est la rencontre, capitale, avec Antoine Vitez, le maître, porteur d’une vision du théâtre qui irrigue encore une bonne partie de la scène française.
Dans les habits de Géronte à la Comédie-Française, le comédien, plus habitué aux rôles graves, déploie une palette comique réjouissante.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/10/25/theatre-didier-sandre-tantot-baron-tantot-barbon_6016919_3246.html
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Ils sont suspectés d’avoir tabassé un lycéen sans raison en février 2018 : deux policiers marseillais sont renvoyés devant le tribunal correctionnel après une enquête accablante de l’IGPN, a-t-on appris lundi 15 juillet auprès de l’avocate de la victime. Le jeune homme, frappé au visage, s’était vu prescrire 15 jours d’ITT, souffrant notamment d’une fracture du plancher orbital, a indiqué Me Linda Sennaoui, confirmant une information du journal La Provence. Ishaq, 17 ans, habitant du Lot-et-Garonne, était en vacances chez ses grands frères à Marseille quand, ce 20 février 2018, il sort vers 22 h 30 acheter des cigarettes dans une épicerie de nuit. Au retour, dans une ruelle, il voit une voiture de police se garer à son niveau. Selon la version du lycéen, un policier lui aurait d’abord asséné un coup de poing dans l’œil, sans aucune raison, puis, rejoint par son collègue, plusieurs coups de pied et de poing sur le corps et au visage. « Je leur disais : qu’est-ce que j’ai fait ? Et même je m’excusais. […] En retour, ils m’insultaient de “tapette”, en me disant de la fermer. Ils m’ont aussi dit “sale Arabe”, “bougnoule” », raconte le jeune homme à La Provence. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Où est Steve ? » : le grand silence politique autour du disparu de Nantes Des traces ADN des policiers « Ils lui ont dit qu’il y avait eu un braquage et qu’il ressemblait au braqueur recherché », explique Me Sennaoui, « mais l’enquête de l’IGPN a démontré qu’il n’y avait jamais eu de braquage ». Dans le rapport de l’IGPN, remis en avril 2019 et que l’AFP a pu consulter, ces policiers ne parlent plus de braquage, mais assurent avoir « poursuivi un jeune qui s’enfuyait » sans jamais le toucher. Pourtant, deux traces de l’ADN des policiers ont été retrouvées : une sur la veste d’Ishaq et une autre sur un stylo « Alliance Police nationale », un syndicat policier, qui aurait glissé dans la sacoche du jeune homme. De plus, l’épicier a vu la voiture de police quitter la ruelle puis Ishaq en sortir, le visage tuméfié. « L’enquête a permis d’établir, tant par les éléments matériels, vidéo, que par les déclarations de la victime et du témoin, que le brigadier-chef et le gardien de la paix avaient commis des violences sur la personne d’Ishaq », a estimé l’IGPN. Le procès est prévu pour le 17 octobre devant le tribunal correctionnel de Marseille.
L’avocate de la victime, qui souffre d’une fracture orbitale et a reçu quinze jours d’ITT, évoque une « enquête accablante de l’IGPN ».
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/07/15/marseille-accuses-d-avoir-frappe-un-lyceen-deux-policiers-sont-renvoyes-en-correctionnelle_5489719_3224.html
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Dans « Les Fleurs amères », Qi Xi interprète Lina, venue à Paris dans l’espoir de trouver un travail pour subvenir aux besoins de sa famille restée en Chine. URBAN DISTRIBUTION L’AVIS DU « MONDE » - À VOIR Olivier Meys connaît bien la Chine où il est parti travailler, quittant sa Belgique natale, dès les années 2000. Témoin des changements sociaux qui ont accompagné ce pays, il a réalisé de nombreux documentaires radiophoniques et cinématographiques, dont Vies nouvelles (2004) et Qian Men Qian (Dans les décombres), qui a reçu en 2008 le Prix international de la SCAM au festival Cinéma du réel. C’est à cette occasion, se trouvant à Paris pour recevoir sa récompense, qu’il a découvert par hasard un petit groupe de femmes en train de parcourir les trottoirs parisiens. Des Chinoises venues du nord-est de leur pays obligées de se prostituer pour pouvoir subvenir aux besoins de leur famille. Elles ont inspiré son premier long-métrage, Les Fleurs amères, qui raconte le parcours de l’une d’entre elles, à la fois inspiré du réel et inventé. Une œuvre de fiction où se mêlent désespérance et dignité, au sein d’une petite communauté sur laquelle Olivier Meys porte un regard d’une profonde humanité. Dans leur petit appartement de Yeling, dans la région de Dongbei, en Chine, Zhang Lina (Qi Xi) tente de convaincre son mari, Xiaodong (Le Geng), de la laisser partir en France. Comme nombre de ses compatriotes, la jeune femme souhaite aller travailler à Paris, le temps qu’il faudra pour rassembler suffisamment d’argent, acheter un magasin et progresser dans l’échelle sociale. Le voyage coûtera cher, il faudra le rembourser. Mais Lina, ambitieuse, est prête à ce sacrifice qui l’éloignera de sa famille. Entre documentaire et fiction Il suffit du générique pour qu’on retrouve la jeune femme à Paris, arpentant les rues et les boutiques à la recherche d’un emploi de nounou. Etant donné la préférence des Chinois installés à Paris pour les femmes de Dongbei (dont le mandarin, meilleur que dans les autres régions, convient mieux à l’éducation des enfants), Zhang Lina part confiante. L’abondance des petites annonces la conforte, tandis que chaque appel chez les employeurs la fait désespérer. Les salaires proposés sont minables, pas suffisants en tout cas pour en envoyer une part à la famille. Les filles, auprès desquelles loge la jeune femme, ont elles aussi connu le désenchantement. Elles ont fini par se prostituer. Lina estime n’avoir d’autre choix que de les suivre. A la frontière du documentaire et de la fiction, Les Fleurs amères surprend par ses images tournées dans le vif de la rue, au milieu de la foule où le corps menu de Lina déambule, filmée à cette distance juste que sait estimer le chef opérateur Benoît Dervaux. Connu pour son travail avec les frères Dardenne, il apporte au film d’Olivier Meys une signature qui s’exprime par le grain de la lumière et l’empathie portée aux personnages. Petits soldats déterminés à aider leurs familles, avant de pouvoir rentrer fièrement dans leur pays, les femmes des Fleurs amères s’incarnent sur une pellicule sensible dont le rayonnement chemine longtemps en chacun de nous.
Le réalisateur Olivier Meys porte un regard profondément humain sur la communauté de Chinoises obligées de se prostituer pour envoyer de l’argent à leur famille.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/09/18/cinema-les-fleurs-ameres-le-parcours-de-lina-de-sa-province-chinoise-aux-trottoirs-de-paris_5511761_3246.html
mlsum-fr-4885
Image extraite du film « Matrix ». WARNER BROS Vingt ans après ses débuts, et seize ans après sa dernière sortie, la matrice se charge de nouveau. L’acteur Keanu Reeves, sous les traits de l’insaisissable Neo, va reprendre le rôle du rebelle cybernétique aux lunettes noires pour un quatrième opus de la saga Matrix, tant attendu par les fans. Keanu Reeves retrouvera pour l’occasion sa partenaire Carrie-Anne Moss, qui reprend son rôle de Trinity, précisent, mardi 20 août, les studios Warner Bros dans un communiqué qui indique également que le film sera réalisé par Lana Wachowski. Lana Wachowski, née Larry avant d’effectuer sa transition de genre en 2010, avait coréalisé la trilogie Matrix avec son frère Andrew – devenu Lilly après avoir lui aussi effectué sa transition en 2016. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Keanu Reeves enfin libéré de Neo Une trilogie qui a récolté 1,6 milliard de dollars « On ne peut pas être plus heureux de retourner dans la Matrice avec Lana », déclare le patron de Warner Bros, Toby Emmerich. « Lana est une vraie visionnaire, une cinéaste créative, singulière et originale, et nous sommes ravis qu’elle écrive, réalise et produise ce nouveau chapitre de l’univers Matrix », poursuit Toby Emmerich. Les sœurs Wachowski ont beaucoup travaillé ensemble, par exemple sur l’ambitieuse série Sense8, mais Lana sera cette fois seule aux commandes de ce film dont le titre n’a pas été dévoilé. On ignore également comment Matrix 4, dont le tournage devrait débuter l’an prochain, va s’articuler par rapport aux trois premiers. Selon le site Variety, Warner Bros essayait depuis quelques années de relancer l’univers de Matrix mais se heurtait à des problèmes de droits. Concernant le reste de la distribution, le site évoque la possibilité que le rôle de Morpheus, joué par Laurence Fishburne, soit attribué à un acteur plus jeune. La trilogie (Matrix en 1999, Matrix Reloaded et Matrix Revolutions en 2003) a récolté au total plus de 1,6 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) dans les salles du monde entier, rappellent les studios Warner. Le premier opus projeté de nouveau pour ses vingt ans Mêlant philosophie, métaphysique et scènes d’action, la trilogie met en scène un groupe de rebelles qui combattent des intelligences artificielles ayant emprisonné les humains dans la Matrice, univers de réalité virtuelle simulant le monde extérieur. Neo, joué par Keanu Reeves, est l’élu destiné à libérer l’humanité, sorte de figure christique en long manteau noir rompue aux arts martiaux et au piratage informatique. « Beaucoup des idées que Lilly et moi avons explorées voici vingt ans sur notre réalité sont encore plus pertinentes aujourd’hui. Je suis très heureuse que ces personnages reviennent dans ma vie, et reconnaissante d’avoir l’opportunité de retravailler avec mes formidables amis », a déclaré Lana Wachowski, citée dans le communiqué. Le premier épisode de la saga Matrix, sorti en 1999, célèbre cette année ses vingt ans. Pour l’occasion, des projections sont organisées dans quelques salles en France le 24 août et aux Etats-Unis à partir du 30 août.
Le tournage aura lieu en 2020 avec le même duo d’acteurs que dans les volets précédents et la réalisatrice Lana Wachowski.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/21/matrix-4-de-retour-avec-keanu-reeves_5501158_3246.html
mlsum-fr-4886
De gauche à droite « Homme qui marche II » de Giacometti, « Les Bourgeois de Calais » et « L’Homme qui marche, grand modèle » de Rodin. CLAD - THE FARM Petite scène de la vie artistique. Sous l’Occupation, de nombreuses statues de bronze sont retirées des parcs parisiens et fondues pour les besoins du IIIe Reich. Le Monument à Victor Hugo, d’Auguste Rodin (1840-1917), placé dans les jardins du Palais-Royal, est l’une des victimes. Plusieurs années après la fin de la guerre, en 1952, la question se pose : remettre une nouvelle fonte, commander une autre œuvre ? Picasso intervient dans le débat de façon cavalière. L’hebdomadaire Les Lettres françaises imprime une interview où il affirme : « Le Rodin ne raconte pas assez de choses, ni assez clairement. (…) Ce serait très bien si on n’a pas autre chose. En attendant. En attendant mon monument, par exemple… » L’offre de services est brutale. Elle lui vaut une réponse tout aussi brutale : « Dans une interview (…), Picasso a déclaré que Rodin disait trop peu de choses et trop peu clairement : je souhaite à Picasso de nous dire toujours autant de choses et aussi clairement que Rodin. » Celui qui ose riposter est Alberto Giacometti (1901-1966). « Ose », car il faut alors du courage pour s’opposer à Picasso, au plus haut de la puissance que lui vaut son adhésion au Parti communiste français. On en déduit que Rodin importe assez à Giacometti pour qu’il prenne ce risque et se place publiquement sous le signe d’un artiste qui est loin d’être, en 1952, une référence de l’art contemporain – bien moins que Picasso. Rodin : un soutien, une parenté L’épisode est de ceux sur lesquels revient l’exposition « Rodin-Giacometti » à la Fondation Pierre Gianadda. Celle-ci a jadis présenté les deux sculpteurs séparément, et, cette fois, les réunit, ce qui est plus intéressant qu’une énième monographie. Plus aventureux aussi. Car est-il concluant de confronter Les Bourgeois de Calais – corps athlétiques, visages variés et expressifs – aux figures effilées à l’extrême et d’une immobilité de colonne qui se dressent dans La Clairière (1950) et sur La Place (1948), deux bronzes ne gardant de la figure humaine que sa verticalité et une petite boule indiquant la tête ? S’il ne s’agit que de vérifier des différences, à quoi bon ? La réponse à cette objection est, en partie, dans l’épisode autour du Hugo de Rodin : si Giacometti prend parti en sa faveur, c’est sans doute qu’il trouve en lui de quoi réfléchir, un soutien, une parenté.
L’exposition, montée par l’institution à Martigny, confronte les œuvres des deux sculpteurs, moins éloignés l’un de l’autre qu’il y paraît.
https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/08/12/conversation-entre-rodin-et-giacometti-a-la-fondation-pierre-gianadda-en-suisse_5498620_3246.html
mlsum-fr-4887
Un bateau de croisière géant a suscité la panique dimanche 2 juin en heurtant un quai puis un bateau touristique à son arrivée. L’accident, dû à une panne de moteur selon les autorités portuaires, a fait quatre blessés légers à bord du bateau touristique River Countess, heurté par le paquebot MSC Opera. Leur nationalité n’était pas connue dans l’immédiat. Des images vidéo d’amateurs postées sur Twitter montrent des touristes à terre s’enfuir en courant devant le paquebot qui racle le quai tout du long, moteurs rugissants, puis heurte un bateau touristique à son arrivée à San Basilio-Zatterre, sur le canal de la Giudecca. #grandinavi #venezia #msc https://t.co/FJObFN8jgs — fritzprod (@andreafrison.com) « Le bateau de MSC a eu une panne de moteur, ce qui a été immédiatement signalé au capitaine », a déclaré à des médias italiens Davide Calderan, responsable de la compagnie de remorqueurs chargée d’accompagner le navire jusqu’à sa place à quai. « Le moteur était bloqué avec la commande de poussée, parce que la vitesse augmentait », a-t-il ajouté. Les deux remorqueurs chargés de guider le bateau dans le canal ont tenté de le ralentir mais l’une des chaînes les reliant au navire géant a sauté sous la pression, a précisé M. Calderan. Lire aussi Les paquebots de croisière géants éloignés du cœur de Venise Controverse sur ces navires de croisière L’accident ravive les vives controverses qui agitent la Sérénissime à propos des dommages infligés au site – la ville portuaire et sa lagune sont inscrites au patrimoine de l’UNESCO – et à son fragile écosystème par les énormes navires de croisière qui naviguent exceptionnellement près du rivage. Au point que les cheminées de ces géants des mers se profilent derrière les clochers et les ponts de la cité lagunaire. Les paquebots sont accusés par les défenseurs de l’environnement de contribuer à l’érosion des fondations dans cette ville régulièrement inondée. « Ce qui s’est passé dans le port de Venise est une confirmation de ce que nous disons depuis un certain temps, a écrit sur Twitter le ministre italien de l’environnement, Sergio Costa. Les paquebots de croisière ne doivent pas naviguer le long de la Giudecca. Nous travaillons à les déplacer depuis plusieurs mois (…) et nous sommes proches d’une solution. » Les autorités portuaires ont indiqué qu’elles travaillaient à débloquer le canal. « Mais à partir de demain nous devons bouger, tous ensemble et aussi vite que possible, pour résoudre le problème du trafic des bateaux de croisière », a réagi Pino Musolino, de l’Autorité portuaire du nord de la mer Adriatique. Construit il y a quinze ans par les Chantiers de l’Atlantique (Naval Group) en France et opéré par le croisiériste italo-suisse MSC Cruises, le MSC Opera peut transporter 2 679 passagers. Il se flatte d’offrir à bord un théâtre, une salle de bal et un parc aquatique pour les enfants. MSC Cruises, fondé en Italie en 1960, est une compagnie internationale qui a son siège à Genève, en Suisse. Mais le paquebot géant avait déjà souffert d’une panne électrique en mai 2011 lors d’une croisière en mer Baltique. Il avait dû débarquer les 1 800 passagers alors à bord à Stockholm au lieu de poursuivre son voyage vers Saint-Pétersbourg.
L’accident, survenu à l’arrivée du paquebot, a fait quatre blessés légers. Il est dû à une panne de moteur, selon les autorités portuaires.
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/02/un-bateau-de-croisiere-hors-de-controle-seme-la-panique-a-venise_5470465_3210.html
mlsum-fr-4888
Le livre. Premier ouvrage à être entièrement consacré à l’affaire Ghosn depuis son déclenchement à Tokyo, le 19 novembre 2018, Le Piège raconte par le menu l’avant et l’après de ce moment inouï qui aura sidéré la planète : l’arrestation pour malversations financières présumées du tout-puissant patron de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, Carlos Ghosn. En 360 pages claires, précises, fouillées, Bertille Bayart et Emmanuel Egloff permettent à leur lecteur d’embrasser le tableau complet de ce méga-événement plein de surprises, de cabales et de ramifications ; un récit qui vous amène, comme dans un polar truffé d’espions et de délateurs, de Yokohama à Oman, de Beyrouth à Boulogne-Billancourt, de Rio à Amsterdam. Les auteurs, il est vrai, étaient aux premières loges : journalistes au Figaro, ils ont couvert l’événement au jour le jour pour les pages économiques du quotidien. Fatidique 19 novembre 2018 Le Piège est construit en trois parties. La première, « La tectonique des plaques », est celle de l’avant. Elle relate la série de faits, de signaux faibles, de causes profondes, de cicatrices anciennes qui vont conduire à l’arrestation de M. Ghosn. Dans une spirale de plus en plus rapide et hypnotique, le lecteur est, à l’image du personnage principal, irrémédiablement happé, entraîné vers ce fatidique 19 novembre 2018. Les deux parties suivantes, « La chute » et « Doubles jeux », ramènent le lecteur sur le fil des dix mois de folie qui vont de l’automne 2018 à l’été 2019. Elles rappellent les épisodes qui vont nourrir la chronique de l’affaire (les arrestations et libération successives de Carlos Ghosn, les accusations-chocs contre lui, les scoops sur son obsession de l’argent, les remous chez Renault et Nissan…) tout en dévoilant un peu des coulisses de la grande partie qui se joue alors. Quelques découvertes On ne trouvera pas de révélation fracassante dans Le Piège. Les événements ont pour l’essentiel été détaillés dans les nombreux articles écrits depuis fin 2018. On y fait quand même quelques découvertes : par exemple, la préparation par Ghosn, en 2018, d’une option « fusion à quatre » impliquant Fiat-Chrysler en plus de Renault, Nissan et Mitsubishi ; ou la création par la direction de Renault, juste après l’arrestation, d’une cellule de crise baptisée « groupe orange » et destinée à répliquer de façon musclée à ce qui est alors perçu comme une déclaration de guerre de Nissan.
« Le Piège. Enquête sur la chute de Carlos Ghosn », des journalistes Bertille Bayart et Emmanuel Egloff, retrace les dix mois de folie qui ont précédé et suivi l’arrestation du tout-puissant patron libano-brésilo-français de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/09/dans-les-coulisses-de-l-affaire-ghosn_6014839_3232.html
mlsum-fr-4889
La rue Velasquez, l’artère qui descend au cœur du quartier espagnol de Tanger. Théa Olliver Il est 10 heures, et les boutiques sont encore fermées rue Velasquez, l’artère qui descend au cœur du quartier espagnol de Tanger depuis la « terrasse des Paresseux ». La place offre une vue imprenable sur le détroit de Gibraltar. Un peu plus bas, les chaises des deux cafés de la rue piétonne se remplissent sous le soleil. Au bout, deux tables vertes et roses dénotent devant la devanture d’une librairie. « On a descendu par hasard cette rue qui avait une vue magnifique sur la mer », explique une touriste française qui sort de la boutique avec une affiche roulée sous le bras et une édition ancienne du Prince de Machiavel en main. C’est ce hasard et cette flânerie que recherchait Stéphanie Gaou, en ouvrant sa librairie-galerie Les Insolites, en 2010, rue Velasquez. Mal famé et réputé être un « coupe-gorge » à cause de ses bars et de ses bagarres, ce quartier du centre-ville a connu ses heures de gloire dans les années 1940-1950. Depuis dix ans et l’arrivée des Insolites, les acteurs culturels privés reprennent possession du quartier. « On me trouvait folle de m’installer ici, se rappelle Stéphanie Gaou. Mais cette rue piétonne est géniale, entourée d’immeubles Art déco. Je voulais ramener la culture là où il n’y en avait plus. » Retour des artistes La Française aux longs cheveux parsemés de mèches grises a ouvert sa librairie dans une ancienne boutique de meubles en bois. « J’en ai fait un lieu de rencontre et d’accueil des artistes qui ne trouvaient pas où exposer », explique l’entrepreneuse. Livres, photos, peinture, collage, sérigraphie… « Je travaille tout ce qui est en papier », résume-t-elle. Mais ce sont surtout ses événements qui donnent un nouveau souffle à la rue. « Avec ses lectures, ses expositions et ses vernissages chaque semaine, la librairie a redonné son identité culturelle au quartier », s’enthousiasme Jaafar, né dans l’immeuble beige Art déco juste en face. « Dans les années 1950, la rue était huppée et emblématique. L’Hôtel Velasquez et le restaurant Le Nautilus attiraient les artistes comme Paul Bowles, Mohamed Choukri, Barbara Hutton, se souvient-il, nostalgique. Mais la rue était ensuite devenue un point noir de la ville. Aujourd’hui, écrivains et artistes sont de retour. » La « terrasse des Paresseux », à Tanger. Théa Olliver Peintre tangéroise, Najoua Al-Hitmi a transformé en atelier l’appartement familial abandonné depuis vingt ans. « Ici, tout se mélange et les gens se respectent », décrit-elle depuis sa terrasse du quatrième étage, en observant cette rue où cohabitent cabinets de médecins et d’avocats, bar à tapas et association soufie. Un peu plus loin, derrière une fenêtre grillagée, des tableaux sont encore visibles à travers une couche de poussière. Une ancienne galerie qui a fermé après quelques mois d’activité. « Peut-être à cause d’un loyer trop élevé », avance Najoua Al-Hitmi. Pourtant, d’autres entrepreneurs culturels ont réussi. « Après l’ouverture des Insolites, on s’est dit que c’était possible », témoigne Yann Tribes, qui a inauguré sa galerie Artingis en 2010, en face de la librairie. « Mais beaucoup de boutiques sont encore abandonnées, car les loyers sont trop chers », confirme-t-il. S’ajoutent les bistrots à la mauvaise réputation qui refroidissent les commerçants susceptibles de s’installer. A quelques mètres de la galerie Artingis, le bar à tapas crache de la musique chaâbi toute la nuit. « La journée, c’est l’art. Quand le soleil se couche, c’est autre chose », résume Yann Tribes, qui expose des peintures et des livres anciens. Dans une rue encontrebas, en face d’une ancienne église espagnole, Aziza Laraki a ouvert en octobre 2017 la Gallery Kent, dans les anciens locaux commerciaux de son père, mitoyen du bar-restaurant Casa Espagna. Un business qui ne tiendrait pas si elle devait payer un loyer. « Même si les prix des œuvres sont plus faibles qu’à Casablanca, la galerie a tout de même pris une ampleur inattendue. C’est la preuve qu’il manque un véritable marché de l’art, que nous sommes en train de créer », affirme la galeriste marocaine, optimiste. Elle compte sur la nouvelle ligne de train à grande vitesse, ouverte en novembre 2018 entre Casablanca et Tanger, pour attirer de nouveaux clients. Partage et mixité Une volée de marches plus bas, des jeunes traînent entre des immeubles, écoutant de la musique marocaine et fumant des cigarettes. Plus loin, quelques rythmes et notes de guitare électrique s’échappent d’une porte en fer forgé grand ouverte, surmontée de lettres majuscules : Tabadoul. En 2013, Silvia Coarelli a rénové cette ancienne usine de pansement abandonnée pendant vingt ans. Elle l’a transformée en espace polyvalent destiné à promouvoir et à accompagner les artistes et à favoriser l’échange culturel. « Le soir où j’ai découvert l’association Tabadoul, la salle de concert débordait de jeunes qui bougeaient avec une énergie folle ! », témoigne Serge Mbasi, batteur et professeur de percussion. « Le son attire les jeunes du quartier qui entrent pendant les répétitions », raconte le Camerounais, heureux que soient créés des moments de partage avec les habitants issus de milieux populaires. « Avant, il n’y avait pas de gardien, pas de lumière, pas de banque… C’était un coupe-gorge. Aujourd’hui, ça va mieux », explique Silvia Coarelli. La librairie-galerie Les Insolites, rue Velasquez, à Tanger. Théa Olliver La militante italienne organise, entre autres, des cours d’éveil musical pour les enfants des écoles publiques du quartier. En cinq ans, elle a réussi à créer « une véritable communauté » qui crée de la mixité sociale. « Nous avons de plus en plus de filles », se réjouit-elle. Si ce quartier n’a pas encore connu de gentrification, il est l’un des mieux dotés en culture de tout Tanger, une ville de près de 2 millions d’habitants, deuxième pôle économique du Maroc. C’est ce que constate Hicham Bouzid, directeur artistique de Think Tanger, projet qui explore depuis 2016 les mutations urbaines de la ville du détroit. Le siège de l’association est à quelques pas de la place centrale du Grand-Socco et de l’historique cinéma Rif, rénové en 2007. Mais hors de question de « se contenter » du centre-ville, même si celui-ci donne accès à « un écosystème agréable ». « Nous militons pour instaurer une mobilité avec les périphéries qui n’ont aucunes infrastructures socioculturelles », décrypte le jeune Marocain. Assise devant sa librairie une tasse de café à la main, Stéphanie Gaou reste prudente après presque dix ans d’activité et prévient : « Sans élan de la part des autorités, toutes ces initiatives privées ne pourront jamais prendre beaucoup d’ampleur. » Théa Ollivier (Tanger, envoyée spéciale)
Quartiers d’Afrique (11/13). En plein centre-ville, galeries, ateliers de création et lieux de culture s’installent et veulent redonner vie aux rues à la réputation sulfureuse.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/25/dans-le-quartier-espagnol-de-tanger-retour-a-l-enfance-de-l-art_5493432_3212.html
mlsum-fr-4890
« Statue d’une fille de la paix », des artistes sud-coréens Kim Seo-kyung et Kim Eun-sung, exposée à Nagoya au Japon, le 3 août. KYODO / REUTERS LETTRE DE TOKYO Taxto Benet a décidé d’acheter la sculpture bannie de la triennale d’art du département d’Aichi, dans le centre du Japon. La Statue d’une fille de la paix des artistes sud-coréens Kim Seo-kyung et Kim Eun-sung va se retrouver dans la collection de son musée en devenir à Barcelone, consacré à la liberté. Elle devrait siéger aux côtés d’œuvres censurées dans différents pays. La décision de M. Benet suit la polémique provoquée par l’ordre donné aux organisateurs de la triennale, débutée le 1er août et programmée jusqu’au 14 octobre, de ne plus présenter cette œuvre par mesure de sécurité : la direction de l’événement a reçu 770 lettres de menaces pour avoir choisi d’exposer un travail symbolisant les femmes dites « de réconfort » – des Coréennes, des Chinoises ou encore des Néerlandaises contraintes de se prostituer pour l’armée impériale nippone pendant la guerre. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Regain de tensions entre le Japon et la Corée du Sud « Abattre le personnel de la triennale » Les organisateurs l’avaient intégrée à une exposition titrée « Après la liberté d’expression ». Une vingtaine d’œuvres la composaient, notamment une calligraphie d’un poème défendant l’article 9 de la Constitution, qui affirme le renoncement du Japon à la guerre ou encore une installation vidéo de portraits se consumant – l’un d’eux était celui de l’empereur Hirohito (1901-1989). L’exposition, finalement fermée le 6 août, illustrait la thématique générale de la triennale. Intitulée « Taming Y/Our Passion », ou « Jo no jidai » (l’âge de la passion), elle avait pour ambition d’explorer le lien entre émotion, information et compassion. Le directeur artistique, ancien journaliste, Daisuke Tsuda, insistait sur le pouvoir de la compassion à une époque de fortes émotions exacerbées par le flot incessant d’informations. Y étaient exposées des œuvres comme The Kiss du collectif Exonemo qui explore l’amour à l’âge du numérique ou Vocabulaire de la solitude (2014-2016) du Suisse Ugo Rondinone. La présence de la statue sud-coréenne, similaire à celle exposée devant l’ambassade du Japon à Séoul et dans plusieurs villes des Etats-Unis (comme San Francisco), apparaît comme la principale cause des attaques. Certains ont menacé de « mettre le feu à des écoles ou des installations du département » ou de « répandre du gaz sarin près de la préfecture », voire « d’abattre le personnel de la triennale ». Un homme a été arrêté pour avoir proféré des menaces. Or, les autorités ont semblé abonder dans le sens des critiques, sans dénoncer les attaques. Takashi Kawamura, le maire de Nagoya, par ailleurs président du comité d’organisation de la triennale, a demandé la fermeture de l’exposition. Il a également exigé des excuses des organisateurs. Manifestement mécontent de la présence de la statue, M. Kawamura a reproché à l’exposition de « bafouer les sentiments de la population japonaise ».
Une exposition a dû être écourtée en raison des menaces proférées contre la présence d’une œuvre symbolisant les femmes de « réconfort ».
https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/22/une-statue-sud-coreenne-censuree-au-japon-accueillie-a-barcelone_5501500_3210.html
mlsum-fr-4891
Des proches de Mamoudou Barry portent son cercueil lors d’une veillée funèbre organisée à l’université de Conakry, dimanche 4 août. CELLOU BINANI / AFP Une cérémonie d’hommage à l’enseignant guinéen tué à Rouen il y a deux semaines s’est déroulée, dimanche 4 août, dans une université de Conakry, où la dépouille avait été rapatriée la veille au soir. Mamoudou Barry, 31 ans et père d’un enfant de 2 ans, est mort des suites de ses blessures après avoir été roué de coups dans la rue, le 19 juillet, lors d’une agression qualifiée de « raciste » par ses proches à Canteleu, dans la banlieue de Rouen. Le cercueil de M. Barry, enveloppé d’un drapeau rouge, jaune et vert – les couleurs de la Guinée –, est arrivé, dimanche matin, à l’université publique Sonfonia de Conakry, porté par ses camarades de promotion de cet établissement où il a fait ses études, entre 2007 et 2010. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Mamoudou Barry, agressé mortellement près de Rouen, « était quelqu’un de très pacifiste, de conciliateur » « Justice pour docteur Mamoudou Barry » « L’université guinéenne en deuil s’incline devant la dépouille de docteur Mamoudou Barry », affirmait une grosse banderole. Des étudiants étaient vêtus de tee-shirts à l’effigie du défunt avec des inscriptions réclamant « justice pour docteur Mamoudou Barry ». Plusieurs membres du gouvernement, le président de la Cour constitutionnelle, Mamadouba Bangoura et des universitaires étaient présents, aux côtés de parents et proches du défunt, dont son épouse, qui avait assisté, impuissante, à l’agression mortelle. « C’est en 2007 que le jeune étudiant Mamoudou Barry a été reçu dans notre université et, en 2010, il est sorti major de sa promotion avant d’aller en France pour poursuivre ses études jusqu’à l’obtention de son doctorat », a déclaré le recteur de Sonfonia, Koré Bah. Après la cérémonie d’hommage, le cortège funéraire devait quitter Conakry dimanche soir pour Mamou, à 300 km de la capitale, où est prévue la prière mortuaire lundi, suivie de l’inhumation à Bolaro, village natal du défunt, à une trentaine de kilomètres plus loin. « Les crimes racistes ne peuvent être tolérés » « Le gouvernement guinéen suit de très près l’évolution de l’enquête pour élucider le mobile de ce crime odieux. Nous sommes convaincus que justice sera rendue, car les crimes racistes ne peuvent être tolérés », a déclaré, samedi soir, le chef de la diplomatie guinéenne, Mamadi Touré. A la suite de l’agression contre Mamoudou Barry, un homme a été interpellé et hospitalisé en raison de problèmes psychiatriques. M. Talon, le représentant de l’ambassade de France, a dit, à l’arrivée du corps samedi soir, être porteur d’une lettre de condoléances du président français, Emmanuel Macron, adressée à son homologue guinéen, Alpha Condé, et au peuple de Guinée.
Cet enseignant-chercheur de 31 ans avait été battu à mort le 19 juillet par un homme qui disait vouloir « niquer » des « Noirs ».
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/04/hommage-dans-une-universite-de-conakry-a-l-enseignant-guineen-tue-en-france_5496495_3224.html
mlsum-fr-4892
talien. « La Madone au fuseau » appartenant au duc de Buccleuch est estimée à 50 millions d’euros. Robert Ormerod pour M Le magazine du Monde Richard Scott est un aristocrate très décontracté. Le dixième duc de Buccleuch (prononcer « Bucklooo »), 65 ans, accueille ses invités d’un grand « Helloooooo ! », qui sait mettre à l’aise. Le rire est franc, la poignée de main chaleureuse. Rien à voir avec le cliché d’une vieille noblesse britannique amidonnée et corsetée. Une élégance appréciable lorsqu’on est enfin parvenu à Drumlanrig, son impressionnant château fort couleur brique du sud-ouest de l’Écosse, après un trajet en avion et en train, puis en voiture à travers une dense forêt. Le duc, qui, enfant, était page d’honneur de la reine mère Elizabeth, se trouve aujourd’hui deuxième plus gros propriétaire terrien de Grande-Bretagne, avec 110 000 hectares (six fois la forêt de Fontainebleau). Il a beau ne pas adorer le protocole, il est quand même très pressé : ses petits-enfants l’attendent. Aussi, d’un pas rapide, il nous entraîne dans les dédales d’une demeure du XVIIe siècle, signalant ici un meuble Boulle, dont un pendant existe au Getty, là un fabuleux portrait par Rembrandt, bientôt envoyé au Rijksmuseum, à Amsterdam. Quelques salles d’apparat plus loin, nous voici dans un escalier en bois sombre, rehaussé de peintures de Hans Holbein et de Murillo, et dominé par un lustre de 58 kilos d’argent. Volée en plein jour « Il était là ! », lance d’un coup le duc, pointant du doigt un portrait, celui du prince Jacques Vendôme par Jean Perréal. Une toile honorable, mais sans grande valeur. Jusqu’au début des années 2000, en lieu et place de ce panneau du début du XVIe siècle, un autre petit tableau de la même époque, mais autrement plus précieux, dominait : La Madone au fuseau, attribué à Léonard de Vinci. L’œuvre était entrée dans la famille Buccleuch en 1767, à la faveur d’une dot. Restée tranquillement dans le giron de la famille, elle connaîtra un sort rocambolesque en 2003 : volée en plein jour, elle fut miraculeusement retrouvée quatre ans plus tard. Elle est désormais en lieu sûr, laissée en dépôt au Musée national d’Écosse, à Édimbourg. L’aristocrate britannique Richard Scott, propriétaire de « La Madone au fuseau » du duc de Buccleuch. Robert Ormerod pour M Le magazine du Monde Mais, ces temps-ci, elle est à Paris, au Louvre, dans l’exposition consacrée au génie florentin. L’événement est rare tant il est difficile de faire voyager, d’exposer et d’assurer des œuvres de Vinci. Pourtant, elle est là, dans le musée parisien. Les visiteurs voient la Vierge qui tente de tirer le fil de laine, l’Enfant Jésus dans ses bras saisissant en riant le dévidoir en forme de croix, comme une prémonition de sa passion future.
Actuellement exposée au Louvre, parmi d’autres œuvres de Léonard de Vinci, la toile a connu un destin rocambolesque. Surtout, les experts se divisent quant à son authenticité, alimentant le mystère autour du génie italien.
https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2019/10/25/la-mysterieuse-odyssee-de-la-madone-au-fuseau_6016894_4500055.html
mlsum-fr-4893
La jurisprudence dit que l’utilité de l’ascenseur doit s’apprécier de manière « objective », c’est-à-dire sans se soucier de savoir si le copropriétaire le prend ou pas. suedhang/Cultura / Photononstop En février 2010, Pascale B., copropriétaire d’un appartement situé au 1er étage d’un immeuble parisien qui en comprend cinq, et dont l’ascenseur a la particularité de desservir les demi-niveaux, demande aux tribunaux l’annulation de la clause du règlement de copropriété qui porte sur la répartition des charges de cet appareil, ainsi que la fixation d’une nouvelle grille. Le règlement, qui date du 29 mai 1953, prévoit une répartition des dépenses « par parts égales », aux motifs que l’appareil « est utilisé aussi bien par les occupants des 1er, 2e et 3e étages, que par les occupants des 4e et 5e étages », et que « si l’occupant du 2e étage reçoit plus de visiteurs que l’occupant du 5e étage, il peut arriver qu’il utilise l’ascenseur autant que ce dernier, sinon plus ». Le règlement ajoute que, « de toute manière, la présence d’un ascenseur dans un immeuble classe cet immeuble et valorise les appartements, même ceux des étages inférieurs ». Lire aussi Quand le remplacement de la moquette par du carrelage dans les parties communes fait débat Mme B. proteste qu’un tel règlement est contraire aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété (article 10), aux termes desquelles la contribution aux charges de l’ascenseur se fait en fonction de l’« utilité » que celui-ci présente pour chaque lot. La jurisprudence dit que cette utilité doit s’apprécier de manière « objective », c’est-à-dire sans se soucier de savoir si le copropriétaire prend l’ascenseur ou pas. Coefficient de progressivité La Cour de cassation a jugé, dès le 5 juin 1970 (N° 69-10.929), que les copropriétaires du rez-de-chaussée n’ont pas à payer pour l’ascenseur, puisqu’il est « inutile pour leur lot ». Elle a rappelé, le 9 juin 1999 (N° 98-10.801), que ce principe vaut, même si l’ascenseur dessert le sous-sol. Elle a toutefois précisé, le 22 septembre 2016 (N° 15-20.086), que les habitants du rez-de-chaussée contribuent s’ils ont des lots au sous-sol, même partiellement desservis. La plupart des grilles de répartition des coûts prévoient donc un coefficient zéro pour le rez-de-chaussée, 1 pour le 1er étage, 1,25 pour le 2e, 1,50 pour le 3e, etc : plus on monte, plus on paie. Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’appartement à vendre et son encombrant voisin Malgré cette jurisprudence, Mme B. est déboutée, par le tribunal de grande instance de Paris, le 28 juin 2011, puis par la cour d’appel de Paris, le 28 février 2018, au motif qu’elle « ne démontre pas que le critère de l’utilité tel qu’il est précisé par le règlement de copropriété est contraire aux dispositions de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ». Desserte à demi-étage Mme B. demandait aussi la fixation judiciaire d’une nouvelle grille de répartition des charges, qui attribuerait à son appartement, situé au 1er étage, le coefficient 0,2, au lieu de 1, « comme c’est habituellement l’usage lorsque l’ascenseur dessert les demi-niveaux ». Elle constate que, dans ce cas de figure, tous les copropriétaires ont la possibilité de descendre ou de monter une demi-volée d’escalier, pour rejoindre leur domicile, sauf celui du premier, qui ne peut que descendre des marches (l’ascenseur s’arrêtant entre le 1er et le 2e étage) et celui du 5e, qui ne peut qu’en monter (l’ascenseur s’arrêtant entre le 4e étage et le 5e). Elle observe qu’habituellement, les copropriétaires du premier et du dernier étage bénéficient d’un abattement. Elle estime pour sa part que l’ascenseur ne lui est pas « utile ». Un expert, nommé par la cour d’appel, a d’ailleurs écrit : « Compte tenu de l’implantation de l’escalier principal, immédiatement visible à l’entrée de l’immeuble, il est nettement plus rapide et plus aisé d’emprunter cet escalier pour atteindre le 1er étage, que d’utiliser l’ascenseur ». Mme B. ajoute que « prendre l’escalier évite d’avoir à attendre fastidieusement l’arrivée de la cabine, l’ouverture des portes, coulissantes ou non, et le déclenchement de la machinerie ». Elle estime que le coefficent 0,2 correspond à « une utilité limitée à celle d’un usage par erreur, par un visiteur occasionnel, et à la montée ». Lire aussi Quand les combles sont aménagés en appartement La cour d’appel n’est pas de cet avis. Elle considère que, du fait que « l’ascenseur démarre au rez-de-chaussée, son utilité est loin d’être réduite pour le 1er étage ». Elle lui attribue donc à nouveau le coefficient 1. Elle attribue les coefficients 1,17 au 2e, 1,34 au 3e, 1,51 au 4e et 1,595 au 5e, celui-ci bénéficiant donc d’un abattement. Viol de la loi Mme B. se pourvoit en cassation, pour demander l’annulation de la clause du règlement et celle de la nouvelle grille. Sur la clause du règlement, la Cour de cassation juge, le 9 mai 2019 (N° 18-17.334), qu’ « en statuant ainsi, alors qu’est contraire au critère de l’utilité une répartition par parts égales des charges d’ascenseur entre des lots situés à des étages différents, la cour d’appel a violé l’article 10 de la loi de 1965 ». La Cour n’examine pas la nouvelle grille : elle observe en effet que la cour d’appel n’avait pas le pouvoir de la fixer, sans avoir au préalable annulé la clause du règlement. Elle censure donc son arrêt. De nouveaux juges devront examiner l’affaire, et dire quel coefficient, dans le cas d’espèce, sera le plus conforme au critère de l’utilité.
Les copropriétaires des étages les plus élevés doivent payer des charges plus importantes que ceux des étages inférieurs. Ceux du rez-de-chaussée sont en principe exonérés. Que se passe-t-il pour ceux du 1er, lorsque l’ascenseur dessert les demi-niveaux ?
https://www.lemonde.fr/argent/article/2019/06/08/ascenseur-en-copropriete-quand-l-occupant-du-premier-etage-ne-veut-pas-payer-autant-que-ceux-qui-habitent-plus-haut_5473408_1657007.html
mlsum-fr-4894
Le premier ministre Edouard Philippe dans une école de Clichy-la-Garenne, le 2 septembre. BERTRAND GUAY / AFP Emmanuel Macron comme Edouard Philippe le répètent depuis leur retour de vacances : la deuxième moitié du quinquennat sera marquée par un « changement de méthode ». Fini l’« arrogance » et la « verticalité » tant reprochées depuis 2017, place à l’« humanité » et à la « proximité », promet-on à l’Elysée et à Matignon. Un moyen de répondre à la crise des « gilets jaunes » et au besoin de participation des Français, exprimé sur les ronds-points mais aussi dans les sondages, et qui devrait être rappelé par l’exécutif lors du séminaire gouvernemental de rentrée, prévu, mercredi 4 septembre, à l’Elysée. Un rendez-vous à l’occasion duquel le focus devrait être mis sur l’écologie et la future réforme des retraites, ainsi que sur cette fameuse « méthode », donc. Pour incarner ce changement, les deux têtes de l’exécutif ont décidé de revenir à une lecture plus institutionnelle et moins « jupitérienne » de la Ve République. Avec un président qui oriente et un gouvernement qui met en œuvre. « Remettons-nous à ce qu’était la fonction présidentielle il y a trente ans (…) : donner un cap, tenir des délais et dire [au gouvernement] “si vous ne les tenez pas, je reprendrai la main, j’aurai cette légitimité” », avait déjà préconisé Emmanuel Macron, le 25 avril, lors de la conférence de presse tenue à l’issue du grand débat. Signe de cette nouvelle répartition des rôles, c’est Edouard Philippe et non le président de la République qui a représenté l’exécutif lors de la rentrée scolaire. Lundi matin, le premier ministre s’est rendu dans une école primaire de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), pour y vanter le dédoublement des classes de CP et de CE1 dans les quartiers défavorisés. Le chef de l’Etat, qui avait assuré cette rentrée lors des deux années précédentes, ira dans un établissement « dans les prochaines semaines », a simplement précisé le ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, qui accompagnait M. Philippe. Premier accroc De la même façon, c’est Edouard Philippe qui a été chargé d’annoncer les premières « mesures d’urgence » prises à l’occasion du Grenelle contre les violences conjugales, entamé mardi à Matignon, et qui doit se poursuivre jusqu’au 25 novembre. « C’est un sujet interministériel, qui mobilise l’ensemble du gouvernement », plaide Matignon pour expliquer la mise en avant du premier ministre sur le sujet. Autre signe supposé de confiance, c’est M. Philippe qui recevra les partenaires sociaux, les 5 et 6 septembre, pour leur présenter le calendrier et la méthode de la réforme des retraites.
Alors que le chef de l’Etat réuni son gouvernement mercredi pour un séminaire de rentrée, l’Elysée entend convaincre qu’Emmanuel Macron veut laisser plus de place à son premier ministre.
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/09/03/l-executif-place-ses-pions-pour-la-rentree_5505852_823448.html
mlsum-fr-4895
économique. L’incendie de l’usine Lubrizol, le 26 septembre à Rouen, a rappelé avec fracas, dix-huit ans après la catastrophe d’AZF (31 morts, le 21 septembre 2001, à Toulouse), que les Français n’étaient toujours pas à l’abri d’un accident industriel majeur et que le territoire français restait constellé d’établissements à risque. Environ 500 000 installations sont « classées pour la protection de l’environnement » (ICPE). Et 1 379 ICPE présentant des « risques d’accidents majeurs impliquant des substances dangereuses » sont rangées dans la catégorie Seveso. Parmi ces sites Seveso, 744 sont estampillés « seuil haut », en raison de la quantité très importante de matières dangereuses qu’ils exploitent. C’est le cas de l’usine Lubrizol. 1 379 sites classés Seveso en France * de niveaux 4, 5 et 6 sur l’échelle européenne des accidents industriels qui compte six niveaux selon la gravité croissante des conséquences de l’accident Pourquoi ici et pas ailleurs ? Pourquoi si près de grandes agglomérations ? L’implantation territoriale des sites Seveso n’est le fruit ni du hasard ni de l’inconséquence des entreprises, mais bien souvent celui de plus de deux siècles d’histoire industrielle. Les zones de plus fortes concentrations sont connues : le bassin parisien et les boucles de la Seine jusqu’à Rouen, l’agglomération lilloise, Lyon et la vallée du Rhône ainsi que la région de Marseille et de l’étang de Berre. Au début du XIXe siècle, le premier texte sur les nuisances industrielles – le décret de 1810 « relatif aux manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode » – commence à soumettre à autorisation l’installation des usines dangereuses, naturellement implantées non loin des zones urbaines, donc des bassins d’emploi facilement accessibles et de grands fleuves navigables, voies de communication naturelles. « Le décret de 1810 n’était pas rétroactif, il n’a donc pas modifié l’implantation des ateliers ou usines existants, relate Jean-Baptiste Fressoz, historien et chercheur au CNRS. Et peu à peu, les nouvelles installations potentiellement dangereuses se sont agrégées à ces dernières car il est toujours plus facile de s’installer sur une zone déjà « sacrifiée », que sur un site encore vierge de toute activité génératrice de telles nuisances. » En outre, ce décret permettait aux entrepreneurs de maintenir leurs autorisations au prix de relances régulières de toute activité, même factice. « Même en cas de cessation d’activité, les entrepreneurs pouvaient ainsi, par exemple en rallumant brièvement un fourneau, maintenir leur autorisation d’opérer sur place, ce qui permettait de conserver au site une plus grande valeur pour d’éventuels repreneurs », poursuit M. Fressoz.
L’implantation de sites dangereux dans les zones densément peuplées et à proximité des grandes voies de communication est le fruit de plus de deux siècles d’histoire économique.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/04/2-5-millions-de-francais-vivent-a-moins-d-un-kilometre-d-une-usine-seveso_6014269_3244.html
mlsum-fr-4896
Le voile en Iran est de nouveau au centre d'un débat houleux. Début juin, une jeune (surnommée Pooyeh, dont le nom de famille n'est nulle part mentionné) a publié sur Twitter le nom de son chauffeur de Snapp (entreprise iranienne de VTC) qui l'avait forcée à descendre de sa voiture au milieu du trajet. La raison : la jeune fille n'avait pas souhaité suivre les mises en gardes du chauffeur, Said Abed, qui lui demandait d'ajuster son foulard. Dans son Tweet, l'Iranienne expliquait s'être plainte de l'incident auprès de la compagnie Snapp, leur demandant de sanctionner le chauffeur. Ce Tweet est devenu très rapidement populaire sur Internet, divisant les internautes. Les islamistes les plus conservateurs ont lancé une campagne, menaçant de boycotter Snapp si la compagnie ne faisait pas l'éloge de Said Abed. L'homme a été rapidement invité par la télévision iranienne où il a été couvert d'éloges. Les étudiants islamistes lui ont rendu visite chez lui, le remerciant pour son action. Un film sera également inspiré de cette histoire, a fait savoir le quotidien ultraconservateur Kayhan. Face au tollé, la compagnie Snapp a finalement pris position, le 10 juin, en faveur du chauffeur, le remerciant pour son zèle en faisant valeur les lois en vigueur en République islamique d'Iran. La jeune femme, elle, a supprimé son Tweet polémique et remplacé sa photo de profil sans voile sur Twitter par un cliché où elle porte un foulard. Dans un nouveau Tweet, elle se désole d'avoir "dérangé" le chauffeur, la compagnie Snapp, annonçant qu'elle "respecte les lois de son pays". Son ton sec et formel laisse penser qu'elle aurait écrit ce Tweet sous pression. De plus, un avocat, Ali Mojtahedzadeh, a fait savoir que la jeune femme a été convoquée par la justice iranienne. Le compte Twitter de Snapp a retweeté le message de l’Iranienne. La compagnie, loin de défendre la passagère, s'est bornée à indiquer qu'elle n'envisageait pas de porter plainte contre elle. Cette réaction a indigné de nombreux internautes qui avaient été choqués par le comportement du chauffeur. Beaucoup ont ainsi annoncé, sur Twitter, avoir supprimé l'application. « Si nous étions censés respecter les lois discriminatoires, nous vivrions toujours sous l’esclavage et sous apartheid. La liberté et l’égalité sont des résultats de persévérance face à la discrimination. Comprenez cela ! », écrit ainsi une internaute, Mahsa, en réponse à Snapp. Depuis la révolution islamique en 1979, les Iraniennes sont tenues de se couvrir tout le corps, sauf le visage et les mains. Mais cette règle n'est pas appliquée à la lettre dans la société iranienne. Pourtant, une brigade de la police, surnommée la « police des mœurs » veille au bon respect de cette loi et arrête régulièrement des femmes en infraction. Ces derniers mois, pour stopper le nombre croissant des femmes refusant de porter le voile, les autorités iraniennes ont pris une série de mesures. Parmi elles, l'envoi de SMS aux propriétaires des véhicules transportant des femmes ne portant pas correctement leur foulard. Dans ce message, il est demandé à ces automobilistes de se rendre au poste de police et de payer une amende. En cas de récidive, la voiture est immobilisée dans un garage pour une durée allant de quelques jours à quelques semaines. Les frais du parking sont à la charge des automobilistes. A lire sur Le Monde : "A Téhéran, la police ferme des centaines de restaurants « portant atteinte à la morale islamique »" Début juin, un numéro de téléphone a été communiqué pour que les Iraniens dénoncent "les mal voilées" et ceux et celles qui "portent atteinte à la chasteté dans la société". Le 8 juin, la police iranienne a également annoncé la fermeture de 547 restaurants et de cafés qui avaient "incité à la débauche". Le service International du Monde
L’application de VTC Snapp est critiquée pour avoir refusé de défendre la jeune femme qui, apparemment sous pression, a présenté ses excuses.
http://keyhani.blog.lemonde.fr/2019/06/11/un-chauffeur-de-taxi-qui-a-fait-descendre-une-passagere-mal-voilee-divise-les-iraniens/
mlsum-fr-4897
C’est l’histoire d’un jeune Américain atteint au scrotum par une balle lancée à haute vitesse lors d’un match de crosse. Populaire dans les lycées américains, la crosse est un sport où les joueurs se servent d’une crosse (un bâton au bout duquel se trouve un filet) pour attraper et lancer une balle en caoutchouc afin de marquer des buts dans le camp de l’équipe adverse. L’adolescent de 17 ans ne portait pas de coque de protection des bourses. Ce cas est rapporté dans un article à paraître dans la revue Urology Case Reports en janvier 2020. A la suite de ce traumatisme des bourses, le jeune homme ressent immédiatement une violente douleur et quitte le terrain pendant un court moment avant de reprendre le cours du match. Dès son retour chez lui, la douleur au scrotum s’aggrave. Il est alors amené aux urgences du Lahey Hospital and Medical Center de Burlington (Massachusetts). Les urgentistes observent une petite abrasion sur la bourse droite, sans ecchymose visible. Le volume du scrotum droit est augmenté. Les deux testicules sont fermes et douloureux. Le patient ne ressent cependant pas d’inconfort ayant pris de l’ibuprofène juste avant l’examen clinique. Echographie équivoque L’échographie du scrotum montre un débit artériel normal ainsi qu’un épanchement liquidien autour des testicules des deux côtés. Les contours des testicules ont une apparence normale et leur structure apparaît hétérogène. Les résultats de l’échographie sont équivoques car le diagnostic de rupture testiculaire repose généralement à la fois sur une hétérogénéité et une perte des contours du testicule. À ce stade, les médecins évoquent avec l’adolescent et sa mère les options envisagées. D’une part, l’exploration chirurgicale précoce avec évacuation de l’hématome sous anesthésie ; d’autre part, l’observation du patient durant la nuit et la réalisation d’une nouvelle échographie le lendemain matin. Du fait de l’absence de douleur, de résultats non probants à l’échographie et du refus de l’adolescent d’une chirurgie, celui-ci est admis en observation. Sans réelle surprise, la nouvelle échographie révèle une augmentation de l’hématome autour des deux testicules. Exploration chirurgicale en urgence Le patient est alors conduit en salle d’opération pour une exploration chirurgicale. Celle-ci consiste à évacuer l’hématome intrascrotal, à retirer de la pulpe testiculaire éventuellement nécrosée et à refermer la déchirure de l’enveloppe qui entoure le testicule que l’on appelle l’albuginée. Lors de l’opération, les chirurgiens constatent alors une fracture des deux testicules. La rupture du testicule, également appelée fracture du testicule, correspond à une déchirure de l’albuginée, la capsule qui enveloppe la gonade. Il se produit alors une extrusion à travers cette brèche de la pulpe testiculaire, située normalement dans les bourses. La pulpe testiculaire est fragile et se nécrose rapidement. Il s’avère que le testicule droit a subi une grande fracture antérieure avec 30 % à 40 % du parenchyme testiculaire sorti de son enveloppe (albuginée). Le testicule gauche a également subi une fracture antérieure avec extrusion de 25 % à 30 % du parenchyme testiculaire. Le chirurgien retire alors le tissu testiculaire non viable et suture l’albuginée. Du coté gauche, les choses se présentent de manière plus compliquée. Le chirurgien urologue ne parvient pas à fermer la membrane. Afin de suturer la déchirure, il va se servir d’un lambeau de 3 cm sur 3 cm provenant de l’enveloppe la plus périphérique enveloppant les testicules*. Chaque testicule est alors replacé dans les bourses. Les différentes couches enveloppant le scrotum sont ensuite suturées. Un accident exceptionnel Cet adolescent a subi un traumatisme fermé des bourses, ainsi dénommé par opposition aux traumatismes ouverts qui comprennent les blessures par arme blanche, par balle ou par morsures. Outre l’accident sportif, les accidents de la voie publique, les traumatismes directs sur un réservoir de moto, ou encore la chute à califourchon sur un cadre de bicyclette, représentent les principales causes de traumatismes fermés des bourses. La fracture bilatérale des testicules est d’une extrême rareté, celle d’un seul testicule étant déjà rare chez l’enfant et l’adolescent. Dans la littérature médicale, la rupture testiculaire a été décrite chez de jeunes garçons jouant au baseball ou à la crosse, mais ne portant pas de coque de protection des bourses. Un cas a été rapporté chez un enfant dont le scrotum avait été heurté par son propre skateboard. L’âge moyen des enfants au moment de l’accident est de 15 ans (11-17 ans). La douleur testiculaire est généralement très vive, pouvant nécessiter l’administration de morphine par voie intraveineuse. Les testicules sont le plus souvent lésés par un traumatisme direct de bas en haut avec écrasement de ceux-ci sur une structure osseuse du bassin (symphyse pubienne, branches ilio- ou ischio-pubiennes). On estime qu’une force de 50 kg est nécessaire pour provoquer une rupture testiculaire. La fracture du testicule peut à terme exposer à un risque d’atrophie testiculaire du fait de lésions de la microvascularisation de la gonade. Par ailleurs, l’exploration scrotale immédiate réduit de manière significative le risque de devoir procéder ultérieurement à l’ablation du testicule (orchidectomie). Rare trouble de la fertilité Un autre risque existe : celui de l’apparition d’un trouble de la fertilité lié à l’apparition d’anticorps anti-spermatozoides. Le testicule est en effet un site privilégié sur le plan immunologique. Il constitue une barrière qui empêche le système immunitaire d’être en contact avec les spermatozoïdes. Si cette barrière est rompue par une fracture du testicule, des cellules immunitaires peuvent entrer en contact avec les spermatozoïdes et les reconnaître comme étrangers. De fait, la production de ces anticorps anti-spermatozoïdes et d’une infertilité est possible mais reste rare. Les auteurs soulignent enfin que l’échographie est l’examen de choix en cas de traumatisme fermé des bourses, car non invasif et rapidement réalisable. Le diagnostic doit être rapide et conduire à une réparation chirurgicale précoce afin de conserver le tissu testiculaire viable. Les éventuelles séquelles en termes de fertilité doivent être également connues. Les patients ayant eu un traumatisme des bourses doivent par ailleurs passer régulièrement une échographie pour surveiller la bonne cicatrisation des lésions. Pour toutes ces raisons, il est impératif que tout sportif ne tarde pas à consulter s’il présente un testicule gonflé et douloureux à la suite d’un traumatisme des bourses. Marc Gozlan (Suivez-moi sur Twitter, sur Facebook) Toute reproduction interdite. Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle. * Lambeau de tunique vaginale. Chaque testicule est recouvert de couches de tissu fibreux et résistant appelées tuniques. La tunique la plus périphérique du testicule est la tunique vaginale. La couche interne est appelée albuginée. Pour en savoir plus : Moynihan MJ, Manganiello M. Bilateral testes fractures from blunt scrotal trauma. Urology Case Rep. 2020 Jan;28:101026. doi: 10.1016/j.eucr.2019.101026 (ATTENTION, images pouvant heurter la sensibilité des lecteurs). Holliday TL, Robinson KS, Dorinzi N, Vucelik AW, Setzer EL, Williams DL, Sharon MJ, Minardi JJ. Testicular Rupture: A Tough Nut to Crack. Clin Pract Cases Emerg Med. 2017 Jul 6;1(3):221-224. doi: 10.5811/cpcem.2017.3.33348 Freehill MT, Gorbachinsky I, Lavender JD, Davis RL 3rd, Mannava S. Presumed testicular rupture during a college baseball game: a case report and review of the literature for on-field recognition and management. Sports Health. 2015 Mar;7(2):177-80. doi: 10.1177/1941738114537786 Pogorelić Z, Jurić I, Biočić M, Furlan D, Budimir D, Todorić J, Milunović KP. Management of testicular rupture after blunt trauma in children. Pediatr Surg Int. 2011 Aug;27(8):885-9. doi: 10.1007/s00383-011-2873-9 Adams RJ, Attia M, Cronan K. Report of 4 cases of testicular rupture in adolescent boys secondary to sports-related trauma. Pediatr Emerg Care. 2008 Dec;24(12):847-8. doi: 10.1097/PEC.0b013e31818ea0eb Paparel P, Badet L, Voiglio E, Colombel M, Rouviere O, Caillot JL, Martin X. Faut-il opérer les traumatismes fermés des bourses ? Prog Urol. 2003 Sep;13(4):564-8.
Des chirurgiens américains rapportent la rupture des deux testicules chez un adolescent ayant reçu une balle dans le scrotum lors d’un match de crosse.
https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2019/10/17/subir-une-fracture-bilaterale-des-testicules/
mlsum-fr-4898
« Arusha, Barcelone, Dakar, Kazan, Lima, Maputo, Rio de Janeiro, Séoul, Tel Aviv, Washington DC (...) » Philippe Saurel, maire (divers gauche) de Montpellier, liste consciencieusement l’ensemble des 90 délégations du monde entier qui se réunissent dans sa ville, du 7 au 9 octobre, à l’occasion du Sommet des maires du « pacte de Milan ». « C’est le plus grand événement international jamais organisé dans la ville », s’enthousiasme-t-il. Lancé lors de l’Exposition universelle de 2015 de Milan, ce pacte, initialement signé par 45 villes, dont Montpellier, a depuis rallié 200 édiles autour de trois engagements principaux : préserver les terres agricoles, favoriser les circuits de proximité et ne pas gaspiller l’alimentation. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Terres agricoles, marchés, cantines… Montpellier veut se rapprocher de l’autonomie alimentaire Le document n’est pas contraignant, mais fait office de charte d’engagement, alors que 70 % de la population mondiale vivra en zone urbaine à l’horizon 2050. « Le pacte de Milan, c’est une philosophie, loue M. Saurel. Il doit y avoir une régulation mondiale et un échange entre les villes. » A l’image du C40, un autre forum qui regroupe des métropoles engagées pour le climat, et se réunit à Copenhague du 9 au 12 octobre, le pacte de Milan permet aux métropoles de faire de la diplomatie directe. « Les villes se parlent quand les Etats ne se parlent pas toujours », note le maire de Montpellier. « Aiguillon politique » Les ONG y voient un exercice d’échange louable. « C’est formidable que des maires motivés se réunissent pour échanger des bonnes pratiques et s’inspirer autour du sujet de l’alimentation durable », salue Laure Ducos, chargée de campagne pour Greenpeace. Depuis 2015, les signataires du pacte de Milan se retrouvent chaque année et c’est en présentant en 2018 à Tel Aviv son modèle de cantines scolaires que Montpellier a obtenu d’organiser la rencontre de 2019. Pendant trois jours, les représentants de ces villes, élus, ministres ou responsables locaux échangent sur plusieurs thématiques, déclinées selon les dix-sept objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies pour 2030 : assurer la sécurité alimentaire, lutter contre les inégalités sociales ou de genre, sécuriser les ressources en eau, soutenir l’emploi, favoriser l’innovation... Des chercheurs, représentants des agences de l’ONU et de la société civile sont également présents, mais le gouvernement français ne devait en revanche pas y participer.
Avec le pacte de Milan, des métropoles ont lancé en 2015 un forum d’échanges de bonnes pratiques sur les questions alimentaires. Les ONG y voient un exercice salutaire.
https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/10/08/le-pacte-de-milan-200-villes-engagees-pour-une-alimentation-durable_6014693_3244.html
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Je voudrais dire un mot de notre intention initiale, car elle est en phase avec le souci de la langue, et de la langue française, propre à l’Académie. C’est très simple : ni globish ni nationalisme. Nous voulons contribuer à fabriquer une Europe résistante, qui refuse de s’en tenir à cette non-langue de pure communication qu’est le global English, dont les principales œuvres sont les dossiers de demandes de subvention, ces « soumissions » que classeront des « experts à haut niveau ». Nous refusons que nos langues, celles que nous parlons, le français, l’anglais lui-même (celui de Shakespeare, d’Emily Dickinson ou de Churchill), deviennent de simples dialectes, à parler chez soi — et encore, puisqu’il semble qu’on doive le parler de moins en moins dans nos grandes écoles ! La singularité d’une langue, la force de son génie ne conduisent pas à la fermeture sur soi de cette langue ni du peuple qui la parle. Ce serait là faire le lit du pire des nationalismes Mais nous nous opposons tout aussi fermement à la hiérarchie des langues et à leur prétention autoproclamée à un génie supérieur. L’allemand n’est pas une langue « authentique », « enracinée dans un peuple et dans une race », comme disait Heidegger. Le français n’est pas davantage, « par un privilège unique », naturellement universel, « tout raison » comme disait Rivarol, non plus « langue française » mais « langue humaine »… La singularité d’une langue, la force de son génie, la richesse de ses œuvres ne conduisent pas à la fermeture sur soi de cette langue ni du peuple qui la parle. Ce serait là faire le lit du pire des nationalismes. Il faut soutenir avec Umberto Eco que « la langue de l’Europe – et peut-être la langue du monde –, c’est la traduction ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi Barbara Cassin, une académicienne pour repenser la langue française Voilà pourquoi je préfère aujourd’hui le pluriel « plus d’une langue ». C’est une devise de philosophe, « économique comme un mot d’ordre », que j’emprunte à Jacques Derrida. Il l’a utilisée pour définir la « déconstruction », qui lui servait à défaire les évidences, dont celles de l’histoire de la philosophie. C’est elle qui figure sur mon épée. Que veut dire cette devise appliquée à notre langue, la langue française ? A l’horizon se profile le château de Villers-Cotterêts, future cité de la langue française, implantée dans l’un des territoires où le taux d’illettrisme est le plus élevé. « Plus d’une langue », c’est faire entendre qu’à l’intérieur de lui-même, le français est multiple, divers. Il provient d’autres langues, compose des éléments venus d’ailleurs. Il évolue avec l’histoire, se réinvente avec la géographie. Ce « plus d’une langue » conduit de l’étymologie et de la grammaire aux emprunts et aux assimilations ; il mène aussi des terroirs et des régions à quelque chose comme une langue-monde.
Lors de la cérémonie à l’Académie, jeudi 17 octobre, la philosophe et philologue Barbara Cassin a expliqué pourquoi il faut refuser tant le « global english » de la communication que la hiérarchisation des langues, classées fortes ou faibles.
https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/17/le-discours-de-barbara-cassin-a-l-academie-francaise-ni-globish-ni-nationalisme_6015911_3232.html
mlsum-fr-4900
A Dakar, en avril 2016, un jeune enfant d’une école coranique (talibé) obligé de mendier pour rapporter un revenu à son marabout. SEYLLOU/AFP Dans les rues de Dakar, ils sont une présence que l’habitude a rendue invisible. En haillons, la peau boursouflée par la gale, une boîte de concentré de tomates vide aux pieds pour recueillir l’aumône, ils sont les « talibés », ces enfants mendiants affiliés pour la plupart à une daara, une pension coranique. Si le phénomène est connu du public, les conditions de vie de ces enfants le sont moins. Afin de poser un diagnostic, Human Rights Watch (HRW) et la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (PPDH) ont enquêté dans 22 daaras et dans 13 centres d’accueil pendant plusieurs semaines, interviewé plus de 150 témoins : 88 talibés ou anciens talibés, 23 maîtres coraniques et de nombreux travailleurs sociaux, experts de la protection de l’enfance et agents du gouvernement, dans quatre régions du Sénégal. Le rapport de 81 pages, intitulé « “Il y a une souffrance énorme” : graves abus contre des enfants talibés au Sénégal » et révélé mardi 11 juin, fait le constat effroyable de dizaines de sévices subis par de très jeunes mineurs et perpétrés par des maîtres coraniques (marabouts) ou leurs assistants en 2017 et 2018. La liste des supplices est longue : 61 cas de passages à tabac ou d’abus physiques, 15 cas de viols, tentatives de viols ou agressions sexuelles, 14 cas d’enfants séquestrés ou enchaînés parfois pendant des semaines ont été recensés. « Depuis 2013, nous avons relevé 39 décès d’enfants liés à ces abus ou à de la négligence, affirme au Monde Afrique Lauren Seibert, chercheuse adjointe de la division Afrique de HRW et auteure du rapport. J’en ai personnellement documenté plus d’une vingtaine. Et il ne s’agit que des cas que nous avons pu confirmer sur le terrain. En réalité, il y en a beaucoup plus, mais les informations sont difficiles à obtenir. Nos données montrent même une augmentation des décès entre 2017 et 2018 par rapport aux années précédentes. » Et ce, malgré le terrible incendie de 2013 dans le quartier de Médina, à Dakar, qui avait ôté la vie à neuf enfants enfermés dans leur daara par un maître négligent. Mardi, après la publication du rapport, la Fédération nationale des écoles coraniques du Sénégal (Fnecs) a annoncé vouloir porter plainte contre HRW. « Ce n’est pas la première fois que cette ONG publie de telles insanités sur les écoles coraniques du Sénégal, a déclaré son président Moustapha Lô à SeneNews. Même si ces cas d’abus sexuels existent, c’est très peu fréquent comparé aux cas plus graves qui se passent dans les écoles françaises au Sénégal », accusant l’organisation internationale de défense des droits humains de vouloir « décourager les musulmans afin que leurs enfants ne fréquentent plus l’école coranique ». « Mourir dans le silence » Si la presse sénégalaise rapporte quelques cas, comme ces deux talibés morts en novembre 2018 d’un paludisme non traité, beaucoup échappent à la connaissance du public. « Le même mois, j’ai trouvé deux autres enfants à Saint-Louis décédés du tétanos et du paludisme dont personne n’a parlé », explique la chercheuse, consciente que « beaucoup meurent dans le silence et l’anonymat ». D’après les données récoltées par HRW, il y aurait plus de 100 000 talibés en école coranique au Sénégal, obligés par leur maître de mendier pour récolter de l’argent et des vivres telles du sucre, du riz ou du pain. Pourtant, il ne faut pas non plus généraliser et toutes les daaras n’exploitent pas leurs talibés. « C’est un phénomène très complexe, tient à préciser Lauren Seibert. Il y a différents niveaux de négligence. Si l’on a vu certains marabouts forcer leurs élèves à la mendicité ou les battre, d’autres faisaient ce qu’ils pouvaient, malgré leur misère, pour offrir aux enfants des conditions de vie et d’études décentes. » Les familles sénégalaises musulmanes confient traditionnellement certains de leurs enfants, dès 5 ans, à un marabout chargé de leur enseigner le Coran. Les crises économiques des années 1980 et 1990 ont poussé de plus en plus de foyers pauvres des campagnes à envoyer leurs enfants en nombre dans les daaras des villes. Certains marabouts peu scrupuleux y ont vu une aubaine pour s’enrichir, instrumentalisant l’aumône, l’un des cinq piliers de l’islam, comme levier d’exploitation des plus fragiles. Les recherches de HRW évaluent à plusieurs centaines les enfants ainsi réduits à la mendicité entre 2017 et 2018. Une forme de traite qui prend même une dimension internationale. En 2018, l’ONG Enda a ainsi réussi à sortir 128 enfants de cet enfer et à les renvoyer à leur famille : 110 d’entre eux provenaient de Guinée, de Guinée-Bissau, du Mali, de Mauritanie, du Liberia et du Niger. Dans son rapport, HRW rappelle aussi que ces enfants envoyés en migration courent le risque d’être « recrutés ou exploités par les groupes armés islamistes qui opèrent en Afrique de l’Ouest et au Sahel », citant des cas « documentés par l’ONU dans le centre du Mali ». Si certains parents n’ont pas conscience des dangers auxquels ils exposent leur progéniture, d’autres participent activement à ce trafic, recevant même en retour de l’argent du marabout. Ainsi des parents, sous l’influence d’un maître coranique, renvoient leurs enfants auprès de celui-ci même quand une décision de justice les leur a rendus à la suite à de mauvais traitements, relève le rapport. « Mesures fortes » Au Sénégal, recruter des enfants à des fins d’« exploitation de la mendicité » est un crime. Mais les peines « sont souvent réduites », avance Lauren Seibert. Elle donne l’exemple de ce maître coranique de Saint-Louis condamné en février à deux ans de prison pour « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », après avoir battu un enfant. L’ONG suggère plusieurs recommandations à l’Etat sénégalais pour renforcer son arsenal juridique. Aux yeux de HRW, « il faut voter une loi sur le statut des daaras afin d’établir des standards officiels de sécurité et de santé, appuie-t-elle. Aujourd’hui, les milliers de daaras du Sénégal ne sont astreintes à aucune réglementation. Il y a très peu d’inspections et d’arrestations suite à des cas de maltraitance. Du fait de lois peu claires et pas suffisamment appliquées. » S’il y a pourtant eu une augmentation des poursuites de marabouts abusifs ces dernières années, « ils bénéficient souvent de remises de peine, car ils ont beaucoup d’influence dans la société », dénonce l’auteure du rapport, qui souhaite au passage aussi des sanctions « mieux appliquées pour les parents qui renvoient leur enfant en daara ». Lire aussi Le Sénégal sous le choc après une série de viols et de meurtres Réélu en février, le président Macky Sall a promis fin mai « des mesures fortes » visant à « éradiquer de façon définitive » la mendicité des enfants. Une « bonne intention qui doit être suivie d’actes concrets », réagit Lauren Seibert, précisant la nécessité d’augmenter pour y parvenir les ressources des services de protection de l’enfance, déplorant que « certaines régions n’aient même pas un centre d’accueil pour mineurs où les talibés maltraités puissent se réfugier ». En février, à Saint-Louis, un talibé de 8 ans, qui n’osait pas rentrer dans sa daara parce qu’il n’avait amassé suffisamment d’argent durant la journée, a été violé par un adolescent. Un autre de 9 ans a fugué de sa pension de Dakar, n’en pouvant plus des coups. Aux enquêteurs, il s’est confié avec ces mots terribles : « Dans la daara, on se fait battre jusqu’à ce qu’on croie mourir. »
Confiés par leur famille à des écoles coraniques pour y recevoir un enseignement religieux, de jeunes mineurs sont obligés de mendier et souvent violentés.
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/06/12/on-se-fait-battre-jusqu-a-ce-qu-on-croie-mourir-le-calvaire-des-enfants-talibes-au-senegal_5475289_3212.html